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Full text of "Correspondance politique de Guillaume Pellicier, ambassadeur de France à Venise 1540-1542, publiée sous les auspices de la Commission des archives diplomatiques par Alexandre Tausserat-Radel"

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PROFESSOR  Î.S.WILL 


INVENTAIRE   ANALYTIQUE 


DES 


ABClllVES  DES  AFFAIRES  iTRANGiRES 


CORRESPONDANCE  POLITIQUE 


VENISE  (1540-1542) 


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COMMISSION   Di:S   AHCIIIVES   DIllOMATKiUES 


M.  Llopold  ï)el\sl1ù,  chargé  d'examiner  les  anal ijses  des  ilèpèches  de  Guillaume 
l'elticicr,  rend  compte  de  ce  travail  el  constate  qu'il  a  été  exécuté  conformément 
aux  instructio7is  de  la  Commission. 

(Extrait  du  piocès-vorbal  de  la  séance  du  3  juillet  180.j.) 

Vil  par  ic  Commissaire  délégué, 

SiGNii  : 
LÉOPOLD  DELISLE. 

Tous  les  volumes  de  rinvenlaire  analytique  de  la  Correspondance  politique 
devront  être  soumis  en  manuscr'U  à  l'examen  du  Bureau  historique.  Le  chef  de 
ce  Bureau  en  fera  robjct  d'un  rapport  au  Chef  de  la  Division  des  Archives. 

Aucun  volume  de  Tlnvcnlairc  analytique  ne  pourra  paraître  sans  être  revêtu 
du  visa  du  Chef  de  la  Division  des  Auchives,  par  V intermédiaire  duquel  Us 
manuscrits  seront  transmis  à  l'éditeur. 

(Extrait  du  procès-verbal  de  la  séance  du  G  mai  1885.) 

Vu  par  le  Chef  de  la  Division  des  Archives, 

Signé  : 
liELUSS-MOSTAlD. 


Coulommicrs.  —  Imprimerie  Paul  URODARD.  —  1287-99. 


INVENTAIRE  ANALYTIQUE 
DES   ARCHIVES   DU  MINISTÈRE    DES   AFFAIRES   ÉTRANGÈRES 


CORRESPONDANCE  POLITIQUE 


DE 


GUILLAUME  PELLICIER 

AMBASSADEUR    DE    FRANCE    A    VENISE 

1540  —  1542 


PUBLIEE 

SOUS  LES  AUSPICES  DE  LA  COMMISSION  DES  ARCHIVES  DIPLOMATIQUES 

PAR    ALEXANDRE    TAUSSERAT-RADEL 


TOME    PREMIER 


PARIS 

ANCIENNE    LIBRAIRIE    GERMER    BAILLIÉRE    ET    C' 

FÉLIX   ALCAN,    ÉDITEUR 

108,     BOULEVARD     S  VINT -GERM  A  IN  ,     108 

1899 

Tous  droits  réservés. 


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INTRODUCTION 


I 

C'est  à  M.  Jean  Zeller  '  que  revient  le  mérite  d'avoir  le  premier  mis 
en  lumière,  dans  sa  thèse  soutenue  en  1881  -,  la  figure  de  Guillaume 
Pellicier,  ce  prélat  humaniste  et  diplomate  qui,  au  moment  où  l'orga- 
nisation politique  de  Venise  et  des  républiques  italiennes  atteignait 
son  apogée,  concourut  puissamment,  par  ses  efforts  et  par  son  exemple, 
à  régulariser  en  France  les  usages  de  la  diplomatie,  et  à  fortifier  cette 
institution  de  toutes  les  ressources  dont  disposaient  depuis  longtemps 
déjà  nos  alliés  comme  nos  adversaires. 

François  l"  accrut,  durant  son  long  règne,  dans  une  sensible  pro- 
portion, le  nombre  des  ambassadeurs  ordinaires  et  extraordinaires,  et 
par  leur  moyen  il  entretint  avec  les  divers  états  d'Europe,  les  princi- 
pautés italiennes  et  allemandes,  les  diètes  de  l'Empire,  des  relations 
susceptibles  de  servir  ses  intérêts,  en  lui  procurant  des  alliés  et  des 
contingents  de  troupes.  Choisis  parfois  dans  la  noblesse  d'épée,  plus 
souvent  dans  les  familles  bourgeoises  et  parlementaires,  presque  tou- 
jours dans  le  clergé,  parmi  les  évêques,  les  abbés  ou  les  simples  pro- 
tonotaires, ces  diplomates  eurent  une  action  très  large  et  très  indépen- 
dante sur  la  conduite  des  événements.  D'autres  agents,  non  moins 
zélés  malgré  leur  origine  équivoque,  furent  aussi  des  étrangers  que  les 
bienfaits  du  roi  avaient  fini  par  attirer  et  retenir  à  son  service;  tels  les 
Espagnols  Rincon  et  Mendoza  ',  le  Hongrois  Francapàn  (Frangipani), 

i.  M.  Jean  Zeller,  alors  professeur  suppléant  à  la  Faculté  des  lettres  de  Nancy, 
aujourd'hui  recteur  de  l'Académie  de  Clermont-Ferrand. 

2.  La  diplomatie  française  vers  le  milieu  du  XVI"  siècle,  d'après  la  correspondance 
de  Guillaume  Pellicier,  évêr/ue  de  Montpellier,  ambassadeur  de  François  I"  à  Venise 
{1339-1542);  Paris,  Hachette,  1881,  in-8  de  xni-413  pp.  —  V.  aussi  la  thèse  latine 
du  même,  intitulée  :  Qux  primas  fuerunt  legationes  a  Francisco  I  in  Orientem  missœ 
{1524-153S),  Paris,  1881,  in-8. 

3.  Diego  Hurtado  de  Mendoza,  cousin  de  l'ambassadeur  impérial  à  Venise;  attaché 
à  la  cour  de  France  en  qualité  d'écuyer  tranchant,  il  fut  chargé  d'une  mission 
auprès  du  duc  de  Clèves,  à  la  fin  de  1542.  —  V.  de  Ruble,  Le  mariage  de  Jeanne 


VI  INTRODUCTION 

le  Napolitain  Canlolmo.  II  y  cul  enfin,  ;i  côté  des  ministres  officiel- 
lement accréililùs  auprt^s  des  cours,  les  serviteurs  secrets,  ceux-ci 
recrutés  dans  tous  I«*s  rangs  de  la  société  :  évéques,  gentilshommes  et 
grandes  dames,  clercs  réguliers  ou  séculiers,  gens  d'armes  cl  aven- 
turiers de  toute  sorte,  dont  on  s'assurait  les  bons  oflices  par  des  pen- 
sions, d'ailleurs  assez  nuil  payées. 

La  diplomatie  naît  alors,  comme  on  l'a  dit,  spontanément  en  quelque 
sorte,  par  la  force  même  des  circonstances,  en  vertu  des  intérêts  poli- 
tiques et  des  exigences  commerciales.  Elle  s'organise  d'abord  en  Italie, 
à  la  Un  du  xv«  siècle,  et  l'instilulion  des  consuls  dans  le  Levant,  mesure 
imitée  bientôt  par  la  France,  est  un  pas  décisif  vers  le  nouvel  état  de 
choses.  Les  nombreux  comptoirs  et  banques  de  commerce  établis  par 
les  italiens  à  Paris  et  à  Lyon,  développés  par  les  émigrations  inces- 
santes qu'y  faisaient  affluer  les  perpétuelles  discordes  des  républiques 
transalpines,  utilisés  maintes  fois  par  nos  ambassadeurs  et  leurs  gou- 
vernements pour  l'échange  et  l'envoi  de  capitaux  aussi  bien  que  pour 
la  transmission  des  dépêches,  contribuèrent  ainsi  fatalement  à  con- 
fondre les  transactions  politiques  et  commerciales. 

Dans  cette  transformation  délinitivc  de  la  scène  politique,  Venise 
joua  un  rôle  prépondérant,  marquant  du  sceau  de  son  esprit  subtil  et 
peu  scrupuleux  les  progrès  de  la  dijdomatie  naissante.  Ayant  eu 
l'adresse  de  recueillir  des  Croisades  les  plus  riches  épaves  de  l'héritage 
by/antin,  elle  avait  établi  son  commerce  en  Levant  au  détriment  des 
autres  nations.  Seule  puissance  chrétienne  alliée  ouvertement  aux 
Turcs,  Venise  avait  exploité  celle  situation  avec  habileté,  au  point  de 
vue  uniquement  mercantile,  supportant  patiemment  les  avanies  et  les 
exactions  que  ne  lui  ménageait  guère  la  Porte,  avec  ses  allures  hau- 
taines, afin  de  tirer  prolit  des  énormes  bénéfices.  L'intrusion  de  la 
France  devait  être  cruellement  sensible  à  l'amour-propre  de  la  répu- 
blique sérénissime. 

Les  relations  de  la  France  avec  Venise  avaient  été,  depuis  le  milieu 
du  xiii°  siècle  '  jusqu'aux  dernières  années  du  xivc,  sauf  pendant  la 
brève  période  de  la  croisade  de  1201*,  purement  commerciales  ou  peu 
s'en  faut.  Le  traité  du  2o  octobre  1396,  qui  plaçait  Gênes  sous  notre 


irAlhrel,  pp.  173  et  175,  cl  le  nis.  1215  du  fonds  Clairambault,  à  la  Bibl.  nat.,  T  80  v°. 
—  Diego  (le  .Mendoza  est  mcnlionné  dès  1535  comme  panclicr  ordinaire  du  roi;  ses 
instruction»  en  Danemark  sont  datées  du  11  novembre  1542  (V.  Cal.  des  odes  de 
François  /".  t.  IH,  pp.  70,  551  el  098,  n"  7  793,  10  040  et  10  703;  B.  N.,  ms.  Clairam- 
bault 50,  r  7  389). 

1.  Le  premier  document  authentique  sur  nos  rapports  avec  Venise  est  le  traité 
conclu  en  883  par  Cliarles  le  Gros;  c'est  le  plus  ancien  instrument  contenu  dans 
le  célùhre  Libro  dei  l'ntli,  aux  Archives  de  Venise  (Baschct,  Diplomatie  vénitienne, 
p.  285). 

2.  O-il  en  1199  ijiie  se  place  la  fameuse  ambassade  de  Geoffroy  de  Villchardouin, 
dont  l'Histoire  de  la  conquête  de  Conslantinoplc  nous  a  conservé  le  récit  si  curieux. 


INTRODUCTION  VU 

protectorat,  en  ravivant  la  vieille  rivalité  des  deux  républiques,  allait 
mêler  nos  intérêts  à  ces  ardentes  compétitions.  La  perte  de  notre 
récente  conquête  en  1409,  pendant  l'expédition  malheureuse  de  Bou- 
cicaut  dans  le  Milanais,  puis  renvahissement  de  notre  territoire  par 
les  Anglais  en  1-415,  suspendirent  fatalement  toute  action  efficace  de 
la  France  en  Italie.  Le  rétablissement  passager  de  notre  domination  à 
Gênes,  en  1-458,  n'offrait  plus,  pour  Venise,  l'importance  qu'avait  eue 
notre  première  occupation.  Maîtresse  de  la  Lombardie  jusqu'à  l'Adda, 
elle  venait  d'affermir  sa  puissance  sur  le  continent  par  une  succession 
de  luttes  glorieuses,  et  nos  armes  ne  menaçaient  plus  que  le  duché  de 
Milan,  où  régnait  depuis  1447  Francesco  Sforza. 

Avec  ravènement  de  Louis  XI  les  choses  changèrent.  Venise,  impa- 
tiente de  connaître  les  sentiments  du  nouveau  prince  à  l'égard  des 
Turcs  aussi  bien  qu'à  l'endroit  du  Milanais,  les  deux  points  essentiels 
de  ces  délicates  négociations,  lui  envoie  aussitôt  une  ambassade 
extraordinaire  (12  octobre  1461)  ^  Mais  bientùl  Tinfluence  de  Charles 
le  Téméraire  groupe  autour  de  lui  les  petits  états  italiens,  jaloux  de 
la  protection  donnée  par  le  roi  de  France  à  Galeazzo  Sforza,  fils  et  suc- 
cesseur de  Francesco;  l'alliance  de  Venise  et  des  Bourguignons  se 
scelle  peu  à  peu,  de  1 470  à  1472.  La  mort  du  Téméraire  lève  les  obs- 
tacles en  1477  :  un  traité  se  conclut  le  9  décembre  de  la  même  année, 
au  Plessis-lès-Tours. 

Sous  Charles  VIII,  les  bonnes  relations  entre  la  France  et  Venise 
se  maintiennent  et  se  fortifient.  Le  jeune  prince,  au  moment  de  s'en- 
gager dans  l'aventureuse  expédition  de  Naples,  éprouve  la  nécessité 
de  s'assurer  des  alliés  en  Italie.  La  république,  inquiète,  cherche  vai- 
nement à  lui  faire  abandonner  ses  projets-.  Charles  VIII  meurt  pré- 
maturément au  printemps  de  li98,  et  sous  Louis  XII,  qui  lui  succède, 
des  rapports  très  suivis  se  rétablissent^  :  une  nouvelle  alliance  est 
signée  à  Blois  le  15  avril  1499  contre  le  duc  de  Milan,  Ludovico  Sforza, 
dont  le  roi  de  France,  dans  une  campagne  de  vingt  jours,  conquiert 
l'héritage.  Bientôt  l'horizon  politique  se  rembrunit;  l'ambition  royale 
s'irrite  des  prudentes  temporisations  du  gouvernement  de  la  Répu- 
blique. La  ligue  de  Cambrai,  formée  secrètement  contre  elle  par  Jules  II, 


1.  Baschet,  ifjid.,  p.  297. 

2.  Ici  se  placent  les  deux  missions  infructueuses  de  Philippe  de  Commines,  en 
octobre  1404  cl  mai-novembre  1  i9o,  pour  assurer  au  roi  le  concours  des  Vénitiens. 

3.  Il  y  eut,  pendant  le  règne  de  Louis  XII,  quatorze  ambassades  vénitiennes  à  la 
cour  de  France,  dont  sept  ordinaires  et  sept  extraordinaires;  encore  les  relations 
furent-elles  nécessairement  interrompues  durant  les  quatre  années  qui  suivirent 
la  ligue  de  Cambrai  (l."00-I512).  De  notre  part,  les  ambassadeurs  accrédités  se 
relient  à  peu  près  régulièrement  les  uns  aux  autres;  nous  citerons  notamment 
Accurse  Mainier,  grand  juge  de  Provence,  qui  résida  à  Venise  de  1498  à  1503,  et 
l'illustre  Jean  Lascaris,  qui  lui  succéda  de  lo03  au  30  janvier  1509,  date  de  son 
départ  de  celte  ville  (V.  Baschet,  ibid.,  p.  347,  et  Archives  de  Venise,  p.  420  et  suiv.). 


VIII  INTRODUCTION 

Louis  XII  et  Maximilion,  avec  le  concours  de  Ferdinand  le  Catholique, 
des  ducs  de  Savoie,  de  Ferrare  et  de  Manloue,  se  découvre,  à  peine 
conclue,  grâce  à  l'habile  pénétration  du  Conseil  des  Dix,  qui  prendra 
dès  lors  une  part  prépondérante  a  la  direction  des  affaires  extérieures'. 
Vers  la  lin  de  l.'il2,  un  rapprochement  s'établit  pourtant  et,  le 
i3  mars  I.')13,  un  autre  traité  de  paix  est  signé  à  Blois. 

Deux  années  plus  tard,  le  1"  janvier  1515,  Louis  XII  mourait  à  son 
tour.  Le  règne  de  François  I"  inaugurait  une  longue  et  durable  période 
d'alliance  entre  la  France  et  Venise.  A  part  la  grande  coalition  de 
15i2  où  les  Vénitiens  furent  entraînés  contre  nous  dans  le  mouve- 
ment spontané  cjui  unissait  le  pape  (Adrien  VI),  l'empereur  Charles  et 
Ferdinand  son  frère,  Henri  VlU,  Gènes  et  Florence,  on  peut  dire  que 
Venise  demeura  notre  alliée  fidèle,  ou  du  moins  sut  garder  constam- 
ment celte  espèce  de  neutralité  bienveillante  à  laquelle  Charles-Quint, 
de  son  côté,  ne  put  s'empêcher  de  rendre  hommage  -.  Dans  ces  condi- 
tions, le  poste  diplomatique  de  Venise  fut  occupé,  surtout  depuis  1525 
et  la  captivité  de  Madrid,  très  régulièrement  par  nos  agents.  Outre  les 
envoyés  extraordinaires,  dont  les  missions  furent  de  plus  ou  moins 
courte  durée,  et  les  résidents,  dont  le  rôle  était  transitoire,  on  vit  se 
succéder  à  Venise  toute  une  série  d'hommes  éminenls,  également  fins 
et  lettrés  :  Louis  de  Canossa,  évéque  de  Bayeux  (1525-1528)';  Jean  de 
Langeac,  évéque  d'Avranches  (15:28-1530);  Lazare  de  Baïf  (1529-1534); 
Georges  de  Selve,  évéque  de  Lavaur  (1533-1537);  et  Georges  d'Arma- 
gnac, évéque  de  Rodez  (153G-1539),  le  prédécesseur  de  Pellicier. 

L'histoire  du  développement  de  la  politique  française  en  Italie,  et 
particulièrement  à  Venise,  est  intimement  liée,  ainsi  qu'on  le  verra 
par  les  documents  qui  suivent,  à  celle  des  progrès  de  notre  influence 
en  Orient,  dont  le  règne  de  François  I"  marqua  le  véritable  point  de 
départ.  Charrièrc,  dans  ses  Négociations  de  ta  France  dans  le  Levant  *, 
a  peint  fort  justement,  en  quelques  traits,  le  caractère  et  le  rôle  diplo- 
matique de  ce  prince  qui,  «  sans  avoir  eu  précisément  aucune  supé- 
»  riorité  réelle,  nous  laisse  cependant  l'impression  d'un  grand  roi... 
»  Dès  son  avènement  au  trône,  la  victoire  de  Marignan  le  rend  maître 
»  de  l'Italie,  et  il  se  trouve  placé  au-dessus  de  tous  les  hommes  de  son 
»  temps,  parmi  lesquels  on  ne  pouvait  alors  lui  soupçonner  un  rival. 
»  Aussitôt  la  politique  de  ce  prince  fonde  sa  grandeur  sur  une  double 
»  perspective,  qui  en  devient  le  mobile  :  c'était  d'obtenir  son  éléva^ 

1.  V.  Baschrt,  Diplomatie  vcnilienne,  p.  3C5.  —  Celte  ligue,  négociée  à  Cambrai 
par  le  cardinal  d'Aml)oisc,  pour  la  France,  et  par  Jlarguerite  d'Autriche,  sœur  de 
Maximilien  et  veuve  du  duc  de  Savoie,  fut  conclue  le  10  décembre  lo08. 

•2.  •  lo  ho  per  amici  i  Vcncxiani,  per  clie  se  non  mi  hanno  ajutalo,  non  mi  hanno 
fatlo  maie  »,  dit  un  jour  l'empereur  à  Andréa  Navagero,  qui  représenta  près  de 
lui  la  no|)uldiquc,  de  1525  à  152«  (Ba^chct,  ibid.,  p.  391). 

3.  Sa  correspondance  inédite  est  conservée  à  la  bibliothèque  de  Vérone. 
.  4.  T.  1,  pp.  XIV  et  XV. 


INTRODUCTION  IX 

»  tien  à  l'Empire,  soit  dans  un  but  de  protection  religieuse  du  côté  de 
»  l'Orient,  soit  pour  assurer  sa  suprématie  politique  sur  TOccident 
»  par  l'union  de  la  France  avec  l'Allemagne...  Placé  à  la  limite  inter- 
))  médiaire  de  deux  grandes  époques  historiques,  il  y  avait  en  lui  le 
»  conflit  des  ten'lances  qui  se  comballaient  dans  la  société.  »  C'est 
ainsi  que  s'expliquent  ces  inconséquences  perpétuelles,  ces  appa- 
rentes contradictions  au  milieu  desquelles  ce  monarque  garde  une 
fermeté  inébranlable,  une  énergie  qui  lui  fait  trouver  des  ressources 
toujours  nouvelles  et  le  maintient  à  son  rang  en  dépit  de  tous  les 
échecs  et  de  tous  les  revers. 

Repoussé  par  les  pays  voisins,  conquis  à  l'influence  de  son  redou- 
table adversaire,  le  roi  se  trouva  conduit  à  chercher  dans  la  Turquie 
une  alliance  trop  lointaine,  mais  dont  les  avantages  n'étaient  cepen- 
dant pas  à  dédaigner.  Bien  que  cette  politique  eût  des  précédents  dans 
l'histoire  des  Croisades,  et  qu'elle  eût  été  pratiquée  antérieurement 
par  les  empereurs  et  les  papes  eux-mêmes,  elle  constituait  une  nou- 
veauté inouïe  pour  l'esprit  du  temps,  accoutumé  à  considérer  les 
Turcs,  selon  les  idées  chrétiennes,  comme  les  ennemis  nés  du  monde 
occidental.  En  agissant  ainsi,  la  France  acquérait,  comme  l'a  fort  bien 
compris  Charrière,  que  nous  suivons  ici  pas  à  pas,  une  sorte  de  pro- 
tectorat à  l'égard  de  la  Turquie.  Elle  y  trouvait  surtout  les  moyens  de 
créer  une  diversion  puissante  contre  la  maison  d'Autriche  sur  les 
points  où  sa  domination  était  le  plus  vulnérable,  dans  la  région  danu- 
bienne et  principalement  en  Italie,  où  cette  alliance  devait  servir  à 
refréner  les  t&ndances  des  divers  états,  soit  en  les  empêchant  de  favo- 
riser trop  servilement  les  projets  de  l'empereur,  soit  en  forçant  leur 
adhésion  aux  intérêts  de  la  France  *.  Aux  yeux  de  la  Turquie,  le  sou- 
venir des  Croisades  restait  toujours  vivant  comme  une  perpétuelle 
menace,  entretenue  par  les  ligues  formées  par  les  papes  ou  par 
l'Espagne,  et  que  l'abstention  de  la  France  pouvait  atténuer  dans 
une  certaine  mesure.  Très  reprochée  au  roi  par  les  contempo- 
rains, cette  alliance  n'en  excita  pas  moins  leur  jalousie,  et  elle  consti- 
tuait en  fait  une  œuvre  civilisatrice  dont  les  résultats  ont  été  considé- 
rables. 

Une  lettre  écrite  d'Innsbruck  par  Ferdinand  d'Autriche  à  Charles- 
Quint,  le  14  mars  1325,  dix-huit  jours  après  la  bataille  de  Pavie,  montre 
François  I"  préoccupé  dès  lors  de  l'idée  de  recourir  à  la  Turquie,  et 
négociant  en  secret  avec  le  pacha  de  Bosnie,  qui  trahit  si  perfidement 
sa  confiance.  En  conséquence  de  cette  intrigue,  le  comte  Christophe 
Frangipani,  gentilhomme  hongrois,  devait,  avec  l'aide  des  troupes  tur- 
ques de  Bosnie,  envahir  la  Carniole  et  la  Styrie  ;  mais  un  gentilhomme  ita- 
lien de  la  suite  de  Frangipani  vendit  son  maître,  et  le  comte,  arrêté  par 

1.  Charrière,  loc.  cit.,  t.  I,  p.  xvii. 


X  INTRODUCTION 

le  gouvcrnour  aulrichion  tle  Marano,  fut  cuntluit  à  InnsbrUck  et  remis 
aux  inaiijs  de  FerdiminJ '. 

Dans  les  premiers  temps  de  la  caplivilé  du  roi  h  Madrid,  au  com- 
menceinenl  du  printemps  de  1oJ.j,  la  reine-mère  envoya  vers  la  Porte 
un  ambassadeur,  dont  le  nom  est  demeuré  inconnu,  cl  qui  fut  assassiné, 
eu  traversant  la  Bosnie,  avec  les  dou/x*  bommes  qui  l'accompagnaient, 
au  n«)njbre  desquels  se  trouvait  le  bâtard  de  Chypre.  Les  présents  des- 
tinés ii  Suleyman.et  consistant  en  un  énorme  rubis  de  grand  prix,  une 
riche  ceinture,  deux  chandeliers  d'ur  ciselé,  et  une  paire  de  magni- 
fiques clievaux,  le  tout  d'une  valeur  de  douze  mille  ducats,  furent  pris; 
le  rubis  <iui,  d'aj)rés  le  dire?  du  grand  vizir  Ibrahim,  avait  été  au  doigt 
de  Frani.ois  I"""  quand  il  lui  fait  prisonnier  à  Pavie,  se  retrouva  bientôt 
à  la  main  du  premier  ministre  ottoman. 

.\  la  lin  de  l.'iJ.'i,  un  autre  envoyé  du  roi  de  France,  le  comte  Jean- 
Fran(;ois  Frangipani,  arrivait  ix  Constanlinojjle,  chargé  de  négocier  de 
nouveau  l'intervention  de  Suleyman  dans  les  affaires  d'Furope,  et  de 
présenter  desdoléances  au  sujet  de  l'assassinat  du  précédent  ambassa- 
deur. II  revint  en  France  au  iirinlemps  de  l.'J2G,  porteur  d'une  lettre  de 
Suleyman  au  roi,  dont  l'original  est  conservé  dans  le  ms,  français 
!:*1)82  (venu  de  iJéthune;,  à  la  Bibliothèque  nationale,  et  dont  on 
a  publié  le  texte  -.  Le  journal  de  Marine  Sanuto  fait  mention  de 
l'audience  de  congé  qui  fut  accordée  à  l'ambassadeur  français.  H  reçut 
à  celte  occasion  un  don  de  dix  mille  aspres,  soit  deux  cents  ducats, 
une  robe  de  drap  d'or,  et  une  lettre  scellée  d'une  bulle  d'or  contenue 
dans  un  sachet  d'étoffe  cramoisie,  faveur  inaccoutumée  pour  l'époque. 
Le  sandjak  dt-  Bosnie,  expressément  convoqué,  dut  comparaître  devant 
notre  ambassadeur  et  lui  oflVir  des  excuses.  C'est  à  Chàlellerault  vrai- 
semblablement que  François  I",  rentrant  lui-même  de  sa  captivité 
d'Espagne,  accueillit  Frangipani  au  retour  de  Constantinople,  si  l'on 
en  juge  par  un  intéressant  extrait  des  Comptes  de  l'Épargne  ^  On 
était  en  juillet  15:20. 

Quelques  semaines  plus  tard  (26  août  152G),  Suleyman  remportait  à 
Mohàcs  une  victoire  décisive  sur  Louis  II  Jagellon,  roi  de  Hongrie,  qui 
périt  dans  le  combat.  Les  Etats  de  Hongrie  lui  donnèrent  pour  succes- 
seur un  gentilhomme  du  pays,  Jean  Zapolya,  auquel  Ferdinand  d'Au- 
triche, frère  de  Charles-Quint  et  beau-frère  de  Louis,  disputa  aussitôt 
le  trône.  Zapolya  implora  le  secours  de  Suleyman,  qui  profita  des  trou- 

1.  V.  Lanz.  Coirespoiirlenz  des  Kitisers  Karl  V,  t.  I,  p.  i'6o. 

2.  V.  de  llamincr.  llUt'Arc  de  l'empire  olluman,  l.  V,  p.  150,  et  Charrière,  loc.  cit., 
t.  I,  p.  IM. 

3.  •  Au  S'  i/iicur  Ji-lia!i-rr.iii<;i)is  Fraiicai)cn,  ambassadeur  du  Turc  devers  le  roy, 
20J  livres,  par  lellros  à  Cliaslcllcraull  du  18  juillet  WrlC),  pour  luy  aider  à  supporter 
les  frais  i)uis  son  arrivée,  cl  en  attendant  ijue  ledit  seigneur  ait  fait  response  sur 
certaines  lettres  que  ledit  comte  Jean  Francapen  luy  a  présenté  de  la  part  dudit 
Turc  .  (B.  N.,  ms.  Clairambault  lilo,  f°  65). 


INTRODUCTION  XI 

bles  du  royaume  pour  envaliir  la  Hongrie,  s'emparer  de  Bude  sa  capi- 
tale, et  mettre  le  siège  devant  Vienne.  Forcé  de  battre  en  retraite  au 
bout  de  quarante  jours,  il  garda  du  moins  Bude  avec  une  partie  de  la 
Hongrie,  laissant  Zapolya  comme  tributaire. 

En  1528  fut  sans  duutc  envoyée  une  nouvelle  mission  française 
auprès  de  la  Porte,  mission  qui  n'a  laissé  d'autre  trace  qu'une  lettre 
de  Suloyman  à  François  I",  relative  à  des  intérêts  religieux,  et  dont 
l'original  est  conservé  dans  l'armoire  de  fer  aux  Archives  Nationales'. 

François  1"='',  en  l'>3:i,  revint  à  son  ancien  projet  d'alliance  avec  les 
Turcs.  Antonio  del  Rincon  fut  dépêché  à  Suleyman,  porteur  d'instruc- 
tions secrètes,  tandis  que  le  roi  prétextait  officiellement  qu'il  l'envoyait 
vers  la  Porte  pour  la  menacer  de  toutes  les  forces  de  la  France  si  les 
troupes  ottomanes  franchissaient  les  limites  de  la  Hongrie.  Rincon  ne 
rejoignit  Suleyman  qu'à  Belgrade,  le  5  juillet  ly32,  après  l'entrée  eu 
campagne  de  l'armée  turque.  H  fut  reçu  en  audience  solennelle,  et 
partit  avec  de  nouvelles  assurances  d'amitié  du  sultan  pour  son 
maître-.  Les  dépêches  de  Lazare  de  Baïf,  alors  ambassadeur  de  France 
à  Venise,  recueillies  par  Camusat^  mentionnent  le  passage  de  Rincon 
par  Venise,  et  les  honneurs  extraordinaires  dont  il  avait  été  l'objet 
de  la  part  des  Turcs.  Les  historiens  musulmans  eux-mêmes  ont  enre- 
gistré minutieusement  tous  les  détails  de  cette  réception*. 

Rincon,  malade,  séjourna  plusieurs  mois  à  Venise,  et  Baïf  nous 
apprend  que  les  Impériaux  avaient  «  bel  attendre  à  faire  le  guet  pour 
lui  faire  desplaisir  ».  L'envoyé  français,  qui  échappa  cette  fois  à  leurs 
embûches,  ne  devait  pas  toujours  avoir  la  même  bonne  fortune  ^. 

Cependant  François  1",  qui  depuis  quelques  années  n'avait  guère 
cessé  d'entretenir  des  relations  avec  la  Porte,  soit  par  des  messagers 
secrets,  soit  par  l'entremise  de  Kheïr-ed-Din  Barberousse,  reçut,  vers 
la  fin  de  l'année  1534,  une  ambassade  turque  '^  à  laquelle  il  répondit 
par  l'envoi  officiel  de  Jean  de  la  Forest,  dont  les  instructions,  conser- 
vées aux  Archives  des  Affaires  étrangères'',  sont  datées  de  Paris,  le 
11  février  1535  (n.  s.).  Dictées  sous  l'influence  du  chancelier  Duprat, 
elles  déterminent  d'une  façon  très  nette  et  très  précise  le  double  but 

1.  Cette  lettre,  datée  de  septembre  1328,  a  été  publiée  par  M.  de  Ilammer,  t.  V, 
p.  152,  et  par  Charrière,  t.  1,  p.  129. 

2.  V.  de  Hammer,  t.  V,  p.  138. 

3.  Mélunnes  hi.-'torlrjues.  Troyos,  1619,  in-S". 

4.  V.  Cliarricrc,  t.  I,  p.  207  et  suivantes. 

5.  Ce  fut  pendant  ce  séjour  de  Rincon  à  Venise  qu'eut  lieu  la  première  ambas- 
sade en  cette  ville  de  Yuniz-Bey,  envoyé  extraordinaire  de  Suleyman.  11  arriva  à 
Venise  vers  le  milieu  de  décembre  1532,  suivant  la  dépêche  de  Baïf.  citée  par 
Charrière  (t.  1,  p.  23"),  et  non  au  commencement  de  janvier  1533,  comme  le  veut 
Hammer  qui  s'appuie  à  tort  sur  un  passage  de  Marino  Sanuto. 

6.  V.  Charrière,  t.  I,  pp.  249-252.  —  Le  prétexte  apparent  de  l'ambassade  turque 
était  un  présent  de  lions  et  de  tigres  destiné  au  roi  ])ar  Barberousse. 

7.  Correspondance  de  Turquie,  t.  II,  P'  47  à  50;  copie  du  xvi°  siècle. 


Xn  INTRODUCTION 

de  celle  négocialion  :  protosler  haulement  auprès  de  Khcïr-ed-Din 
conire  l'allilude  hostile  des  Génois,  qui  avaient  adhéré  à  la  ligue 
formée  à  Bologne  enliv  le  pape  et  l'empereur,  et  l'engager  à  les  com- 
battre sur  terre  et  sur  mer;  insister  auprès  de  Suleyman  pour  qu'il  fasse 
agir  ses  forces  navales  conire  le  royaume  de  Naples,  la  Sicile,  la  Sar- 
daigne,  ou  même  rKspagnc,  et  le  décidera  conclure  une  ligue  avec  les 
princes  chrétiens  (Angleterre,  Allemagne,  Ecosse,  Danemark  et  Suisse), 
à  l'exclusion  de  l'empereur,  s'il  ne  rendait  toutefois  le  duché  de 
Milan  et  ne  consentait  à  reconnaître  la  suzeraineté  de  la  France  sur  les 
Pays-Bas.  Désormais  François  I'^'"  allait  posséder  à  la  cour  de  Constan- 
tinople  un  agent  attitré,  véritable  résident  mêlé  activement  à  toutes 
ies  négociations  p(jliliques  *. 

Sur  ces  entrefaites,  Charles-Quint  accomplit  l'expédition  et  la  con- 
quête de  Tunis  (juin-juillet  153.')).  Kheïr-ed-Din,  repoussé  par  la  flotte 
impériale,  prit  .sa  revanche  en  saccageant  Minorquo  (septembre  1535). 
C'est  vers  le  même  temps  qu'un  gentilhomme  ragusain  qui  avait  été 
associé  aux  négociations  de  La  Forest,  nommé  Seralino  Gozzio,  fut 
arrêté  par  les  Impériaux  sur  les  terres  du  duc  d'Urbin,  à  son  retour  à 
Venise,  puis  relâché  h  la  requête  du  roi  de  France  *. 

Fier  de  ses  derniers  succès,  Charles-Quint  reparaissait  en  maître 
dans  l'Italie,  tandis  que  Suleyman,  afl'ermi  du  côté  de  r.\sie  par  un 
récent  traité  avec  la  Perse,  se  disposait  à  venger  l'échec  subi  par  ses 
armées  devant  Tunis.  En  février  153G,  un  traité  fut  conclu  par  La  Forest 
avec  la  Porte,  alliance  à  la  fois  commerciale  et  défensive,  dont  un 
manuscrit  de  la  bibliothèque  de  l'Arsenal  nous  a  conservé  le  texte 
précieux'.  Au  même  moment  les  troupes  françaises,  après  d'inutiles 
tergiversations  avec  l'empereur  au  sujet  du  Milanais,  occupaient 
presque  sans  coup  férir  la  Savoie  et  le  Piémont.  L'empereur  répondit 
à  cette  manœuvre  par  le  double  envahissement  de  la  Picardie  et  de  la 
Provence,  où  lui-même  vint  se  jeter  en  personne  (juillet  1536).  Vaincu 
par  la  peste  et  par  la  famine,  il  dut  d'ailleurs  battre  en  retraite; 
simultanément  le  duc  de  Guise  et  Fleuranges  délivraient  Péronne  et  la 
Picardie  des  attaques  des  Impériaux. 

Le  G  août  1536,  Jean  de  Montluc,  alors  attaché  à  l'ambassade  du 

1.  On  lit  dans  les  Ertraits  des  Comptes  de  l'Éparf/ne,  B.  X.,  ms.  Clairambault 
1215,  f"  73  v»:  «A  .M.Jehan  de  la  Forest,  notaire  et  secrétaire  du  roy,  11260  livres 
tournois,  par  lettres  à  Paris  du  13  janvier  lo3i  [/ô3ô],  pour  sa  dépense  de  563  jours 
qu'il  pourroit  vacquer  en  Testât  et  charge  d'ambassadeur  du  roy  devers  aucuns 
princes  et  seipneurs  du  pays  d'oullremer,  à  commencer  du  13  janvier  1534  [iôSô]» 

2.  V.  Charrière,  t.  I,  pp.  278-279. 

3.  C'est  le  ms.  4767,  f  10,  qui  fait  partie  d'un  recueil  de  pièces  relatives  à  l'his- 
loire  des  relations  diiilomaliques  de  la  France  avec  le  Levant,  de  1528  à  1640, 
recueil  en  ;i  volumes  in-folio,  copies  du  xvi'  siècle,  provenant  de  la  bibliothèque 
des  .Minimes  de  Paris.  —  V.  Cat.  des  mss.  de  la  bibliothèque  de  l'Arsenal,  par  Henry 
Martin;  Paris,  Pion,  188:>1896,  7  vol.  in-8,  t.  IV,  p.  451.  —  Ce  le.vte  a  été  publié  par 
Charrière,  t.  1,  p.  283. 


INTRODUCTION  XIII 

cardinal  de  Denonville  à  Rome,  fut  expédié  de  ce  poste  par  le  roi  à 
Barberousse  avec  une  mission  purement  verbale.  Il  rejoignit  en  mer  le 
capilan-pacha,  l'accompagna  jusqu'à  Constantinople,  et  revint  de  là 
par  Ancône  et  Rome,  «  pour  ne  donner  suspicion  au  pape  »,  sans 
doute  vers  les  mois  de  mars  ou  d'avril  1337  •. 

L'important  traité  conclu  avec  la  Porte  avait  été  rapporté  en  France 
par  Charles  de  Marillac,  cousin  et  secrétaire  de  La  Forest.  Comme  le 
jeune  gentilhomme,  parti  depuis  longtemps  déjà,  tardait  à  revenir  de 
France  à  Venise,  l'ambassadeur  français,  Georges  d'Armagnac,  s'en 
étonne,  le  19  septembre  1536,  dans  une  lettre  au  roi,  et  commence  à 
craindre  qu'il  ne  lui  soit  «  advenu  quelque  meschef  ».  Cependant 
Marillac,  qui  n'avait  quitté  Lyon  que  le  14,  arrive  le  27  à  Venise,  et 
deux  jours  après  s'embarque  pour  Raguse  et  Constantinople  'K 

En  juin  1537,  nouveau  voyage  de  Marillac  en  France.  Une  lettre  du 
cardinal  de  Denonville  mentionne  son  passage  par  Venise'.  Barbe- 
rousse fait  de  grands  préparatifs  sur  mer,  et  la  flotte  ottomane  sera 
prête  à  appareiller  au  premier  jour.  Denonville,  envoyant  au  grand 
maître  Anne  de  Montmorency  la  liste  des  vaisseaux  dont  elle  se  com- 
pose, insiste  sur  l'impression  de  terreur  que  ces  nouvelles  causent  à  la 
cour  pontidcale*. 

L'immense  armée  de  Suleyman,  qui  montait  à  plus  de  deux  cent 
mille  hommes,  se  détournant  bientôt  de  la  route  de  Hongrie,  qu'elle 
avait  paru  suivre  d'abord,  prit  le  chemin  de  l'Illyrie  et  rejoignit  le 
port  d'Avlone,  où  Kheïr-ed-Din,  avec  toute  la  flotte,  l'attendait  pour  la 
transporter  à  Otrante,  ayant  à  son  bord  l'ambassadeur  français,  La 
Forest,  qui  assista  publiquement  à  toutes  les  opérations  navales,  affir- 
mant ainsi  aux  yeux  de  l'Europe  l'accord  de  ces  deux  grandes  puis- 
sances du  Levant  et  du  Ponant.  Le  roi,  d'autre  part,  devait  agir  avec 
un  corps  d'armée  en  Lombardie,  et  la  flotte  française,  sous  les  ordres 
du  baron  de  Saint-Blancard^,  avait  pour  mission  de  seconder  l'effort 
des  Ottomans  contre  le  royaume  de  Naples. 

Nos  vaisseaux  mirent  à  la  voile  le  13  août  1537,  quittant  Marseille, 
et  rejoignirent  la  flotte  turque  près  de  Patras.  Saint-Blancard  était 
accompagné  de  Marillac  :  les  deux  envoyés  français  eurent  des  confé- 
rences importantes  avec  le  grand  vizir  Ayaz-Pacha  et  Kheïr-ed-Din, 
et  furent  reçus  en  audience  solennelle  au  camp  de  Suleyman,  non  loin 
de  Corfou,  possession  vénitienne  dont  les  Turcs  faisaient  alors  le  siège, 
qui  fut  levé  peu  de  temps  après.  Le  sultan  reprit  ensuite  le  chemin  de 

1.  Lettre  de  Jean  de  Montluc  au  cardinal  du  Bellay,  publiée  par  Charrière,  t.  I, 
p.  327. 

2.  Lettre  au  roi,  du  2  octobre  1336.  —V.  Charrière,  t.  I,  pp.  317  et  320. 

3.  Lettre  au  cardinal  du  Bellay,  du  20  juin  1537.  —  V.  Charrière,  t.  I,  p.  330. 

4.  Lettre  du  24  mai  1337.  —  V.  Charrière,  t.  I,  p.  329. 

5.  Bertrand  d'Ornezan,  baron  de  Saint-Blancard,  général  des  galères  de  France. 


XIV  INTKOKUCTION 

Constanlinople,  accompagné  de  Marillac,  tandis  que  Sainl-Blancard 
slalionnait  dans  le  golfe  de  Patras'.  L'expédilion  si  brillammenl  pro- 
jelée  n'avait  eu  d'autre  résuUal,  en  somme,  que  la  prise  dOlrante  et 
de  Castro,  sur  la  côte  italienne,  et  la  vaine  tentative  sur  Corfou,  déter- 
minée par  dos  conflits  maritimes  survenus  entre  naviros  turcs  et  véni- 
tiens. L'indécision  du  roi  de  France,  que  sa  femme  cherchait  toujours 
à  rapprocher  de  l'empereur,  la  peste  qui  s'était  mise  à  décimer  les 
troupes  musulmanes,  la  mort  soudaine  de  La  Forest,  emporté  par  la 
contagion  dans  les  premiers  jours  de  septembre,  aux  environs 
d'Avlone  *,  toutes  ces  influences  combinées  paralysèrent  Faction  de  la 
croisière  française  et  coupèrent  cours  aux  hostilités  '. 

Le  10  novembre  1537,  François  I""  conclut  avec  l'empereur,  à  Monzon 
en  Aragon,  une  trêve  de  trois  mois.  Vers  la  même  époque,  en  Hongrie, 
les  généraux  de  Sulevman  taillaient  en  pièces  j)rès  d'Kszek  l'armée  de 
Ferdinand,  qui  avait  voulu  profiter  du  conflit  de  la  Porte  avec  Venise, 
pour  réprimer  les  incursions  perpétuelles  des  garnisons  bosniaques. 
Paul  m,  préoccupé  des  dangers  que  la  guerre  multipliait  tout  autour 
de  lui,  s'offrit  comme  médiateur  entre  les  puissances,  et  l'entrevue  de 
Nice,  ménagée  le  18  juin  1538  entre  le  pape,  le  roi  de  France  et  l'empe- 
reur, aboutit  à  la  conclusion  d'une  trêve  de  dix  années. 

Cependant  le  baron  de  Saint-Blancard,  après  avoir  hiverné  dans 
l'archipel  où  Barberousse  continuait  à  guerroyer  contre  les  îles  véni- 
tiennes, avait  été  contraint  par  le  manque  de  vivres  et  de  ressources, 
vers  le  milieu  de  février  1538,  de  gagner  Constanlinople,  où  il  arriva 
le  dernier  jour  du  mois.  Là,  il  conféra  de  nouveau  longuement  avec 
Marillac,  Kheïr-ed-Din  et  .\yaz-Pacha,  eut  une  entrevue  avec  Suleyman, 
après  avoir  réparé  ses  navires  reprit  la  mer  le  11  avril  et  revint  en 
France  par  les  côtes  de  Grèce  et  de  Barbarie. 

Charles  de  Marillac  était  demeuré  comme  résident  à  Constanlinople.  Le 
roi  lui  donna  bientôt  pour  successeur  Rincon,  qui  arriva  le  16  mars  1538 
à  Raguse,  venant  de  France*.  Il  écrivit  de  Péra,  le  15  juin,  è.  Villundry^, 
pour  lui  accuser  réception  des  lettres  que  Vincenzo  Maggio,  son  secré- 

\.  Charrière  a  i)ublié  (l.  I,  pp.  :J30  à  X,2  et  371  à  383),  d'après  le  vas.  fr.  12  528  de 
la  Bibliothèque  nationale,  le  Journal  de  la  Croisière  du  baron  de  Saint-Blancard, 
rédigé  par  Jean  de  Véga,  précieux  document  qui  nous  fournit  l'une  des  plus 
anciennes  descriptions  <jue  l'on  possède  sur  le  Levant,  et  abonde  en  curieux  traits 
de  mœurs,  en  détails  pittoresques  sur  les  événements  du  temps. 

2.  Lettre  du  cardinal  de  Denonville  à  Montmorency,  du  28  septembre  1537.  — 
V.  Charrière,  t.  l,  p.  340. 

3.  Il  est  question  à  deux  reprises,  dans  la  relation  de  Jean  de  Véga  (V,  Charrière, 
t.  I,  pp.  350  et  351),  d'un  certain  chevalier  d'Kaux.  compagnon  d'armes  de  Pietro 
•S'rozzi,  lequel  pourrait  bien  être  le  même  personnage  que  ce  Tassin  des  Eaux,  qui 
résidait  à  Lonato  peu  d'années  plus  tard,  et  dont  il  sera  souvent  parlé  dans  la 
Correspondance  de  Pellicier. 

4.  Lettre  de  Georges  d'Armagnac  à  Montmorency,  datée  de  Venise,  le  29  mars  1538 
(n.  3.).  —  V.  Charrière,  t.  I.  p.  3G". 

5.  V.  Charrière,  t.  1.  p.  38i. 


INTRODUCTION  XV 

taire,  demeuré  à  la  cour  derrière  lui,  avait  apportées  le  8,  et  Marillac 
rentra  en  France  peu  de  temps  après,  porteur  de  dépêches,  pour  aller 
prendre  à  son  tour  possession  de  l'ambassade  d'Angleterre  *. 

Le  rapprochement  survenu  entre  le  roi  de  France  et  l'empereur 
étonnait  et  inquiétait  alors  grandement  les  états  d'Europe,  notamment 
l'Angleterre,  la  Turquie  et  Venise.  Henri  VIII  se  sentait  vaguement 
menacé  par  l'accord  momentané  des  deux  souverains.  D'autre  part 
Rincon,  chargé  primitivement  de  négocier,  entre  la  Seigneurie  et  la 
Porte,  un  apaisement  susceptible  de  laisser  l'action  libre  aux  forces  de 
Suleyman  contre  l'Autriche,  allait  se  trouver  désormais  paralysé  par 
le  nouvel  état  de  choses.  La  situation  à  Constantinople  était  rendue 
particulièrement  délicate  par  les  pourparlers  entamés  depuis  Thiver 
avec  Charles-Quint  au  sujet  du  Milanais,  que  l'empereur  ofTrait  encore 
au  dernier  fils  de  François  I'^'',  Charles,  duc  d'Orléans,  rapproché  du 
trône  par  la  mort  de  François,  l'aîné,  arrivée  en  153G.  Mais  le  sultan 
absorbé  tout  l'été  par  sa  campagne  en  Moldavie ,  ne  parut  pas 
ressentir  trop  d'irritation  des  événements,  grâce  à  l'habileté  de  notre 
ambassadeur. 

Au  reste  Rincon,  pour  endormir  les  susceptibilités  de  la  Porte,  et, 
suivant  ses  propres  expressions,  «  temporiser  et  entretenir  toujours  en 
amitié  le  Grant  Seigneur  par  tous  les  meilleurs  moyens  et  persuasions»  ', 
assaisonnait  de  riches  présents  le  récit  souvent  exact  qu'il  faisait  des 
nouvelles  de  France  et  des  démarches  successives  du  roi  auprès  de 
l'empereur.  Les  fragments  que  nous  possédons  des  comptes  de  Rincon  ^ 
nous  font  connaître  le  détail  de  ces  robes  de  drap,  d'écarlate,  de  velours, 
de  damas,  de  soie  et  de  satin,  noires,  violettes,  vertes  ou  cramoisies, 
offertes  à  chaque  instant,  selon  la  coutume  orientale,  à  Suleyman  et  à 
ses  vizirs,  comme  aux  interprètes,  secrétaires,  agas,  cadis  et  officiers 
de  toute  espèce,  pour  se  ménager  leur  crédit  et  leurs  bonnes  grâces  *. 

Enfin  Venise,  voyant  son  commerce  dans  le  Levant,  source  princi- 
pale de  sa  prospérité,  compromis  par  les  désastres  récents  éprouvés 

1.  On  peut  consulter  sur  la  carrière  diplomatique  de  ce  personnage,  outre  la 
Correspondance  d'Angleterre  (1539-1542),  publiée  en  1883  par  M.  Kaulek,  le  livre  de 
M.  Pierre  de  Vaissière,  Charles  de  Marillac,  ambassadeur  et  homihe  politique  sous 
les  règnes  de  François  /<"•,  Henri  II  et  François  H  {1310-1560),  Paris,  Welter,  1895, 
gr.  in-8. 

2.  Lettre  à  Montmorency,  datée  de  Péra,  le  28  octobre  1538.  —  V.  Gharrière,  t.  I, 
p.  387. 

3.  V.  Gharrière,  t.  I,  p.  474  et  suiv.,  d'après  le  ms.  de  la  Bibliothèque  na'ionale. 

4.  On  lit  dans  les  Extraits  des  Comptes  de  l'Epargne,  pour  cette  époque  : 

«  Au  sieur  Antoine  Rincon,  chevalier,  chambellan  du  roy,  cl  de  pré;;ent  son 
ambassadeur  au  royaume  de  Constantinople,  13  500  livres  tournois,  par  lettres  à  Fon- 
tainebleau le  20  février  1538  [1539],  tant  sur  son  estai,  vacation  et  dépense  en  ladite 
charge  d'ambassadeur  durant  le  temps  qu'il  a  vaqué  et  pourroil  vacquer  en  icelle 
charge  d'ambassadeur,  que  pour  converser  de  certaines  alTaircs  d'imporlance.  — 
Item,  4500  livres  tournois  par  lettres  à  Compiègne,  le  21  septembre  1539,  pour  sem- 
blable cause.  »  (B.  N.,  ms.  Clairambault  1215,  f  77  V.) 


XVI  INTRODUCTION 

dans  l'Archipel,  en  Moroe  et  k  CurnJie.  ruinée  par  la  prolongation  des 
hoslililes  avec  Harbfrousse.clierchail  à  entrer  en  accommodement  avec 
la  Furie,  aux  meilleurs  conditions  possibles.  Charles-Quint ,  qui  redoutait 
de  voir  se  rallumer  la  ^,'uerre  en  Autriche-Hongrie,  résolut  de  pousser 
François  1"  fi  seconder  les  efforts  de  la  Seigneurie  pour  obtenir  une  paix 
gent'rale  où  lui-même  serait  compris.  Jenn-J(jachim  de  Fassano,  seigneur 
de  Vaux,  qui  faisait  l'intérim  à  Venise  depuis  que  Georges  d'Armagnac 
était  p;u<sé  ù,  l'ambassade  de  Home,  avait  la  lâche  diflicile.  Il  n'était 
bruit  dans  toute  la  région  que  des  armemenis  considérables  entrepris 
par  l'empereur  en  vue  d'une  expédition  contre  les  Turcs,  ce  qui  ne 
l'empêchait  pas  de  poursuivre  concurremment  des  négociations  avec 
Barberousse.  Comment  agirefllcacement  sur  des  bases  aussi  instables? 
Le  Napolitain  Canteimo  fut  expressément  envoyé,  en  avril  1539,  par  le 
roi  de  France  vers  la  Porte  pour  traiter  d'un  arrangement  entre  elle  et 
Venise.  Arrivé  dans  celte  ville  le  17,  il  en  repartit  aussitôt  chargé  des 
inslruclionsde  la  Seigneurie.  Celle-ci  acceptait  une  suspension  d'armes 
de  trois  mois  dont  la  proposition  avait  été  apportée  par  le  Vénitien 
LorenzoCiritli,  agent  secret  de  la  république. 

La  mission  de  Canlelmo  n'eut  pas  de  résultat,  du  moins  en  ce  qui 
concernait  l'admission  de  l'empereur  dans  l'armistice,  et  François  I*"" 
fut  suspecté  d'avoir  détourné  Suleyman  de  s'accorder  avec  ses  adver- 
saires. Christophe  de  Siresmes,  secrétaire  du  connétable  de  Montmo- 
rency, fut  envoyé  par  le  roi  pour  rendre  compte  à  l'empereur  de 
l'insuccès  de  celte  négociation  et  justifier  la  conduite  de  son  maître. 
Gritti  semblait  avoir  joué  en  celte  affaire  un  rôle  assez  louche;  aussi 
fut-il  enjoint  à  Ilincon  à  Constantinople,  comme  à  Pellicier  nouvel- 
lement appelé  à  l'ambassade  de  Venise,  d'user  dorénavant  de  la  plus 
grande  réserve  à  l'égard  des  divers  représentants  de  la  Seigneurie  *. 
Celle-ci,  consternée  du  succès  croissant  des  armes  ottomanes,  après 
s'être  vainement  efforcée,  au  cours  d'interminables  négociations  menées 
tour  à  tour  par  ses  envoyés  extraordinaires  Pietro  Zeno,  mort  en 
chemin,  Tommaso  Contarini,  Luigi  Badoaro,  d'obtenir  la  paix  sans 
de  trop  pénibles  sacrifices,  allait  être  obligée  de  subir  la  dure  loi  du 
vainqueur. 

A  la  fin  de  l'automne  de  1539,  Charles-Quint  persuada  au  roi  de 
F'rance  d'envoyer,  de  concert  avec  lui,  une  ambassade  extraordinaire 
à  Venise  pour  bien  affirmer  à  tous  les  regards  l'entente  qui  existait 
désormais  entre  les  deux  princes.  François  l"  venait  alors  de  per- 
mettre à  son  rival  de  traverser  ses  états  pour  aller  réprimer  en  Flandre 
la  révolte  des  Gantois.  En  effet,  le  10  décembre  1539,  arrivèrent  à 
Venise  le  maréchal  d'Annebault,  gouverneur  du  Piémont,  représentant 

1.  Lettre  de  J.-J.  de  Passano  à  Montmorency,  du  18  avril  1539.  —  V.  Charrièrc, 
t.  I,  p.  40 i  et  suiv. 


INTRODUCTION  XVIl 

du  roi  de  France,  et  le  marquis  del  Vasto,  gouverneur  du  Milanais, 
représentant  de  l'empereur.  Cette  singulière  mission  fut  accueillie 
avec  solennité,  mais  les  Vénitiens  ne  furent  point  dupes  des  intentions 
de  l'empereur,  qui  voulait  berner  à  la  fois  la  France  et  la  Sérénissime 
république.  Peu  de  temps  après,  cette  dernière  se  décidait  à  tenter  un 
suprême  effort  en  vue  de  la  paix,  que  Badoaro  reçut  ordre  d'obtenir  à 
tout  prix. 

De  concessions  en  concessions,  desservi  auprès  du  divan  par  Can- 
telmo',  qui  avait  été  cbargé  d'une  négociation  nouvelle  auprès  de  la 
Porte  par  François  P'"  en  octobre  1539,  et  y  demeura  jusqu'au  13  jan- 
vier 1540,  Badoaro,  arrivé  à  Constantinople  le  15  avril  et  admis  à 
l'audience  du  sultan  le  25,  établit  définitivement  le  4  mai  les  prélimi- 
naires d'un  traité  qui  devait  couler  cher  à  la  République.  Par  ce 
traité,  officiellement  conclu  le  2  octobre  de  la  même  année,  Venise 
abandonnait  à  la  Turquie  les  forteresses  de  Nadin  et  Lavrana,  sur  les 
côtes  de  Dalmatie,  les  îles  de  l'Archipel  tombées  au  pouvoir  de  Barbe- 
rousse,  comme  Antiparos,  Égine,  Paros,  Pathmos,  Scyros,  etc.,  enfin 
les  places  de  Napoli  de  Romanie  et  Malvoisie,  en  Grèce,  qui  avaient 
résisté  vaillamment  à  toutes  les  attaques  de  la  flotte  musulmane,  et 
dont  la  perte  était  vivement  ressentie  par  le  gouvernement  vénitien; 
en  outre,  il  devait  payer  une  contribution  de  guerre  de  trois  cent 
mille  ducats.  Eu  retour,  la  Porte  accordait  le  maintien  des  anciennes 
capitulations,  et  de  nouvelles  concessions  favorables  au  commerce 
avec  la  Syrie  et  l'Asie  Mineure.  Il  eût  été  fort  précieux  d'avoir  pour 
cette  époque  les  dépêches  de  Pellicier,  dont  la  suite  régulière  ne 
débute  dans  notre  manuscrit  qu'en  juillet  1540,  à  l'heure  où  les  diffi- 
cultés de  Venise  en  Levant  commençaient  à  s'aplanir. 

La  grande  rivalité  de  François  J*"'  et  de  Charles-Quint,  avec  ses 
alternatives  singulières,  remplit  alors  toute  la  scène  politique,  et  c'est 
surtout  dans  le  Midi  que  se  livrent  les  actions  décisives,  le  théâtre  de 
la  guerre  s'élendant  sur  une  zone  qui  partait  du  Danube  et  de  la  Hon- 
grie, embrassait  toute  l'Italie,  en  y  rattachant  le  sud  de  la  France  et 
l'Espagne,  avec  les  côtes  barbaresques.  Au  moment  où  s'ouvre  pour 
nous  la  Correspondance  de  Pellicier,  l'action  médiatrice  de  la  France 
vient  déjà  de  se  faire  sentir  dans  les  négociations  du  traité  de  paix 
entre  la  Porte  et  Venise,  à  la  suite  d'une  longue  guerre,  pour  atténuer 
la  rigueur  des  conditions  imposées  par  le  vainqueur.  De  là  ces  alter- 
natives, ces  variations  fréquentes  de  la  politique  vénitienne,  oscil- 


1.  Gantelmo,  à  l'insligalion  de  Pellicier  el  par  rentremise  de  Cesare  Fregoso,  ami 
des  frères  Gavazza,  l'un  secrétaire  du  Sénat,  l'autre  secrétaire  du  conseil  des  Di.x, 
s'était  procuré  la  copie  des  instructions  données  à  Badoaro,  et  communiqua  leur 
substance  à  la  Porte.  Ainsi  notre  ambassadeur  préludait,  par  cette  manœuvre,  aux 
intrigues  secrètes  qui  devaient  deu3C  ans  plus  tard  lui  faire  perdre  son  poste  et 
coûter  la  vie  ou  l'exil  à  ses  complices. 

Venise.  —  1540-1542.  6 


XVIH  INTRODUCTION 

lanl  entre  Uoiiie,  rKmpire  ol  la  France,  «  ses  désespoirs  et  ses  sourdes 
fureurs  contre  celte  dernière  nation,  qiù  est  à  la  fois  son  recours  et 
son  oppression,  (jui  la  lient  assujettie  aux  mouvements  d'une  politique 
qu'elle  repousse,  par  la  pression  exercée  sur  elle  au  moyen  de  la 
l'iMNiuie  »  '. 

Après  s'être  efTorciM-  vainement  de  détourner  la  France  de  l'Orient, 
Venisf  se  trouvait  être  le  point  de  contact  obligatoire,  la  grande  voie 
de  coinmunicalion  entre  les  deux  nouveaux  alliés.  Ses  navires  comme 
ceux  de  Ilaguse,  république  vassale  de  la  Porte,  servaient  au  transport 
ordinaire  des  courriers  français.  Dans  le  trajet,  rendu  fort  dangereux 
par  les  pirates  musulmans  et  cbrétiens  «jui  hantaient  les  côtes  de 
r.\<lriali(|ue  et  de  la  Méditerranée,  comme  par  les  embûches  semées 
le  long  des  frontières  milanaises,  le  gouvernement  de  Venise  devait 
assurer  le  passage  sur  son  territoire  à  nos  agents,  parfois  détroussés 
ou  même  assassinés  par  les  émissaires  de  l'empereur,  avant  qu'ils  fus- 
sent parvenus  à  Turin,  centre  et  quartier  général  de  la  puissance  fran- 
çaise en  Piémont.  Venise  était  ainsi  pour  nous  un  poste  d'observation 
des  plus  précieux,  d'où  l'on  pouvait  surveiller  tous  les  mouvements  de 
rilalie  et  de  l'Espagne,  ayant  leur  contre-coup  dans  les  états  limitro- 
phes de  la  Suisse,  de  l'Allemagne  et  de  l'Autriche. 

Parmi  les  fuorusciti  ou  bannis  que  la  révolution  de  Florence  et 
l'inféodation  des  villes  italiennes  au  parti  de  l'empereur  avait  fait 
relluer  de  toutes  parts  sur  Venise,  la  famille  Strozzi,  illustre  dans  la 
carrière  des  armes,  se  distinguait  par  son  dévouement  à  la  France  et 
ses  relations  assidues  avec  nos  ambassadeurs.  Plus  loin,  la  principauté 
de  la  Mirandole,  seul  point  en  arrière  du  Milanais  demeuré  sous  la 
protection  de  notre  nom,  entretenait  à  ses  frais  une  garnison  française 
dans  sa  citadelle.  Dans  le  voisinage,  les  cours  de  Ferrare  et  de  Man- 
loue,  oii  régnaient  les  maisons  d'Esté  et  de  Gonzague,  étaient  à  la  dis- 
crétion de  Charles-Quint,  en  dépit  du  mariage  d'Hercule  II  d'Esté,  duc 
de  Ferrare,  avec  la  douce  Renée  de  France,  fille  de  Louis  XII,  et  de  ses 
secrètes  protestations  de  fidélité.  Son  frère  Hippolyte  d'Esté,  dit  le 
cardinal  de  Ferrare.  résidait  habituellement  à  la  cour  de  France,  où, 
seul  Italien  adniis  aux  conseils  royaux,  il  jouait  un  rôle  assez  équi- 
voque, s'il  faut  en  croire  les  accusations  formelles  de  Pellicier.  La 
duchesse  sa  belle-sœur,  plus  attachée  à  la  France  par  les  liens  du 
sang,  entretenait  une  correspondance  suivie  avec  la  cour  et  ses  repré- 
sentants officiels  en  Italie;  Pellicier  notamment  se  trouva  en  fréquents 
rapports  avec  elle,  comme  on  le  verra  dans  ce  livre,  au  double  point 
de  vue  politique  et  littéraire.  Enfin  le  duché  d'Urbin,  dont  le  jeune 
souverain,  Guid'Ubaldo  II  de  la  Rovère,  avait,  comme  son  père,  Fran- 
çois-Marie, mis  ses  qualités  d'homme  de  guerre  au  service  de  la  répu- 

1.  Ch.irritTC,  t.  I,  p.  xi,. 


INTRODUCTION  XIX 

blique  de  Venise,  ne  répondait  aux  avances  de  notre  ambassadeur 
que  par  de  vagues  promesses,  et  demeurait  avant  tout  fermement 
associé  à  la  fortune  des  Vénitiens. 

C'est  dans  les  limites  de  ce  cadre  ([ue  se  présente  à  nous  l'ambassade 
de  Pellicier,  précieuse  par  les  documents  qu'elle  nous  apporte  sur  la 
partie  du  règne  de  François  l"  la  moins  connue  et  la  plus  critique, 
celle  qui  fut  marquée  par  l'assassinat  de  Rincon  et  de  Frégose,  et  par 
les  conséquences  que  ce  drame  entraîna  pour  l'Europe  entière.  Cette 
correspondance,  dont  le  premier  registre  est  malheureusement  perdu, 
nous  peint  sous  des  couleurs  souvent  vives  et  saisissantes  les  luttes 
farouches  déchaînées  en  Hongrie  par  la  compétition  de  Zapolya  et  de 
Ferdinand  d'Autriche,  compliquées  par  les  incursions  ottomanes,  le 
meurtre  des  plénipotentiaires  français;  l'expédition  désastreuse  de 
Charles-Quint  contre  Alger;  tout  le  détail  enfin  de  ces  agissements 
secrets,  de  ces  influences  mystérieuses  mises  en  œuvre  pour  propager 
en  Italie  le  crédit  français,  alternant  avec  des  entreprises  ouvertes  et 
des  tentatives  à  main  armée  comme  la  surprise  de  Marano  et  la  con- 
quête des  forteresses  du  Frioul;  puis  la  catastrophe  finale  :  le  procès 
des  révélateurs  vénitiens,  l'effervescence  de  la  populace,  l'attaque  du 
palais  de  l'ambassade,  le  trouble  et  la  fuite  précipitée  de  Pellicier. 

La  correspondance  du  prélat  diplomate  nous  paraît  offrir  un  réel 
intérêt,  non  pas  seulement  au  point  de  vue  historique,  par  les  grands 
événements  qui  s'y  déroulent  et  la  multiplicité  des  personnages  qui  y 
tiennent  un  rôle  plus  ou  moins  important;  mais  encore  au  point  de 
vue  littéraire,  en  raison  de  l'action  capitale  exercée  par  Venise,  avec 
Bàle  et  Paris,  sur  tout  le  mouvement  humaniste  du  xvi'^  siècle,  avec 
les  Manuce  et  toute  la  clientèle  érudite,  italienne  et  grecque,  de  notre 
ambassadeur;  au  point  de  vue  artistique,  par  la  protection  et  les 
encouragements  accordés  à  des  architectes  comme  Serlio,  des  ingé- 
nieurs comme  Marin  et  Carrara,  qui  furent  de  précieuses  recrues  pour 
la  France  et  rendirent  au  prince  qui  les  pensionnait  les  plus  signalés 
services. 

Il  y  aurait  un  livre  bien  curieux  à  écrire  sur  les  Italiens  en  France  au 
xvF  siècle.  Introduits  chez  nous  vers  la  fin  du  siècle  précédent  à  la 
suite  des  expéditions  de  Charles  VIII  et  de  Louis  XII,  comme  ils 
l'avaient  été  déjà  deux  siècles  plus  tôt  par  la  domination  des  papes  en 
Avignon,  accrus  bientôt  par  les  bouleversements  des  cités  de  Lombardie 
et  de  Toscane  et  par  le  mariage  du  dauphin  Henri  avec  une  Médicis, 
les  réfugiés  italiens  pullulaient  en  France  et  se  disputaient  âprement 
charges  civiles  et  militaires,  pensions  royales  et  bénéfices  ecclésias- 
tiques. Artistes,  capitaines,  titulaires  d'abbayes  et  de  canonicats  foi- 
sonnent alors  à  la  cour,  et  pendant  plus  d'un  siècle,  de  Charles  VIII 
à  Henri  IV,  les  évêques  italiens  se  succèdent  presque  régulièrement 
sur  la  plupart  des  sièges  de  la  Guyenne,  du  Languedoc  et  de  la  Pro- 


XX  INTRODUCTION 

vence.  Les  révolutions  de  Florence,  les  persécutions  dirigées  contre 
les  partisans  de  la  France  à  Naples  el  dans  le  Milanais  refoulèrent 
di«  l'autre  c»'tlé  des  Alpes,  avons-nous  dit,  une  multitude  d'émigrés 
auxquels  la  Trance  ollril  un  asile.  Un  bon  nombre  parmi  ces  pros- 
crits parvinrent  aux  plus  hautes  fonctions  de  l'armée,  de  la  magis- 
trature, du  clergé  et  de  la  diplomatie.  Le  Napolitain  Giovanni  Carrac- 
cioli,  prince  de  Melli,  en  décembre  1544,  le  Florentin  Pietro  Strozzi, 
dix  ar>s  plus  tard,  devinrent  n)aréchaux  de  France.  On  sait  la  part 
prépondérante  qu'eurent  les  artistes  italiens  dans  le  développement 
de  la  Renaissance  française;  on  a  moins  étudié  dans  ses  détails 
l'inlluence  considérable  exercée  à  celle  époque  sur  tout  noire  système 
économique  par  les  négociants  et  manufacturiers  venus  d'Italie.  Déjà 
Louis  \I,  par  linslitution  de  foires  trimestrielles  qui  portèrent  un  coup 
funeste  à  celles  de  (lenève,  avait  commencé  à  faire  de  Lyon  un  grand 
centre  financier,  commercial  et  industriel.  Sous  les  règnes  suivants, 
les  banquiers  et  artistes  italiens  y  affluèrent  de  plus  en  plus,  donnant 
aux  transactions  de  la  ville  et  du  royaume  entier  une  activité  nouvelle. 
Un  jeune  érudit  mort  prématurément,  M.  Michel  Perret,  a  publié 
sur  les  fluctuations  de  la  politique  française  avec  Venise,  depuis  les 
origines  jusque  vers  la  lin  du  xv^  siècle  ',  de  remarquables  travaux, 
auxquels  les  ouvrages  et  les  copies  laissés  par  Armand  Baschet  for- 
ment, pour  la  période  postérieure,  un  complément  indispensable.  Les 
inventaires  et  les  transcriptions  de  documents  conservés  à  la  Biblio- 
thèque nationale  offrent  une  mine  importante  à  laquelle  nous  avons  été 
heureux  de  puiser,  à  défaut  des  sources  vénitiennes  dont  M.  Zeller, 
plus  favorisé,  avait  pu  faire  directement  usage.  Les  grandes  colb'Clions 
historiques  étrangères,  telles  que  les  Slatr  papers,  VArcIiivio  sloiico, 
VArchivio  veneto,  etc.,  nous  ont  fourni  maint  éclaircissement  sur  une 
quantité  de  points.  Nous  avons  jugé  utile  de  donner,  à  la  suite  de  la 
Correspondance  de  Guillaume  Pellicier,  des  extraits  de  la  correspon- 

1.  P. -.M.  IVitlI,  llisloire  des  relations  de  la  France  avec  Venise,  du  XIIP  siècle  à 
Vavéncmenl  de  Charles  VIII;  Paris,  Picard,  1890,2  vol.  in-8. 

Miclicl  Pt-rrcl  avail  réuni  les  matériaux  pour  continuer  son  travail  jusqu'en  li98, 
à  ravêncmenl  de  Louis  XII,  et  les  copies  (|u'il  avait  fait  exécuter  tant  à  Venise 
(ju'à  Milan  sont  auj(>urdluil  déposées  à  la  bibliothèque  de  l'École  des  Chartes. 
Il  serait  à  souhaiter  que  la  tâche  fût  reprise  et  menée  à  bon  terme. —  Voir  aussi, 
du  même,  La  mi.txion  de  Peron  de  Baschi  à  Venise  {Bibl.  de  l'Éc.  des  Ch.,  t.  lu); 
Jfirqurx  Galeot  et  la  n'piiblif/up  de  Vi'iiisf  (ihid.);  lioffîlte  dp  .Iitr/e,  comte  de  Castres, 
et  la  république  de  Venise  {An7iales  du  Midi,  l.  m);  Le  maréchal  d'E^querdes  et 
la  république  de  Venise  {Annuaire-Bulletin  de  la  Société  de  l'histoire  de  France, 
I.  XXVIIl). 

Parmi  les  divers  historiens  qui  se  sont  consacrés  à  l'élude  des  mêmes  époques, 
il  convient  de  citer  encore  M.  L.-G.  Pélissier  :  Louis  XII  et  Ludovic  Sforza;  Paris, 
1896,  2  vol.  in-S";  et  \'Amt)assade  d'Accurse  Slcynier  à  Venise  (juin-novembre  1499); 
Toulouse, in-8'  (Extrait  des  Annales  du  Midi,  I.  V  et  VI);  cl  enfin,  au  point  de  vue 
de  l'humanisme,  la  Ihèse  latine  de  M.  Henri  Vast  sur  Jean  Lascaris  (De  vita  et  ope- 
rilius  Jani  Lascaris;  Paris,  18'8,  in-S")  et  les  savantes  publications  de  MM.  Léon 
Dorez,  Pierre  de  Nolhac  et  Louis  Thuasne. 


INTRODUCTION  XXI 

(lance  de  Georges  de  Selve  pendant  son  ambassade  dans  les  Pays-Bas 
auprès  de  l'empereur  (août-septembre  1540)  et  de  celle  de  Guillaume 
du  Bellay,  gouverneur  du  Piémont  (juin-octobre  1342),  avec  la  Cour, 
tirés  également  des  Archives  des  AtTaires  étrangères,  où  les  documents 
sont  fort  rares  sur  cette  époque.  On  y  verra  combien  la  prolixité  sou- 
vent emphatique,  dilluse  et  toute  farcie  de  latinismes  de  Pellicier  con- 
traste avec  la  décision  et  la  netteté  du  style  sobre  de  Georges  de  Selve, 
qualités  que  l'on  retrouve  à  un  degré  bien  autrement  supérieur  dans 
les  dépêches  de  Guillaume  du  Bellay. 

Les  trois  frères  Du  Bellay,  Guillaume,  Jean  et  Martin,  furent  les 
meilleurs  conseillers  de  François  I"-'",  qui,  malheureusement,  ne  leur 
prêta  jamais  qu'une  oreille  distraite  et  ne  suivit  pas  toujours  leurs 
sages  avis.  Les  efTorts  désespérés  de  Langey  pour  sauvegarder  nos 
possessions  en  Piémont  demeurèrent  inutiles,  grâce  à  l'abandon  de  la 
cour,  et  l'infortuné  vice-roi  périt  à  la  peine.  Martin  du  Bellay  nous 
montre,  dans  une  page  touchante  des  Mémoires,  son  frère  malade  et 
découragé,  partant  de  Turin  en  litière,  «  pour  la  débilité  de  ses 
membres  (car  il  estoit  perclus  à  cause  de  ses  longs  travaux),  avecques 
le  congé  du  roy,  pour  venir  devers  luy  auquel  il  désiroit,  avant  que 
mourir,  déclarer  beaucoup  de  choses  pour  son  service,  qu'il  ne  vouloit 
point  mettre  en  la  bouche  dautruy,  craingnant  de  faire  tort  à  ceux 
qui  en  lui  s'estoient  liez;  mais  il  ne  luy  fut  possible  d'y  parvenir  '...  » 
Guillaume  du  Bellay  mourut  au  milieu  de  son  voyage;  le  9 janvier  1343, 
il  expirait  à  Saint-Symphorien  de  Lay,  près  de  Roanne,  emporté  par 
une  attaque  de  goutte.  Il  fut  inhumé  dans  l'église  cathédrale  du  Mans, 
où  l'on  voit  encore  son  tombeau-. 

II 

Guillaume  Pellicier  »  était  né,  vers  1490,  à  Mauguio,  près  de  Mont- 

1.  Coll.  Petitot,  t.  XIX,  p.  392. 

2.  Dans  ce  monument,  érigé  par  les  soins  du  cardinal  son  frère,  Langey  est 
représenté  à  la  modo  antique,  dans  le  costume  de  général  romain.  A  demi  couché 
sur  le  sarcophage,  il  lient  dans  ses  mains  l'épée  et  le  bâton  de  commandement; 
son  casque  repose  à  son  côté.  La  barbe  est  longue,  l'expression  mâle  et  énergique. 
Sur  les  portraits  de  Guillaume  du  Bellay,  on  peut  consulter  ['Essai  d'iconographie 
mancelle,  de  M.  Albert  Mautouchet  (iîei>«e  historique  et  archéologique  du  Maine, 
t.  XXXVI,  année  1894,  a»  semestre,  p.  254). 

3.  Le  nom  de  Pellicier  a  été  orthographié  de  diverses  sortes,  même  par  les  contem- 
porains; mais  les  formes  les  plus  constamment  employées  sont  celles  de  Pellissier 
et  surtout  Pellicier.  C'est  sous  celte  dernière  forme  que  signe  le  prélat  dans  l'unique 
document  qui  porte  renonciation  de  son  nom  en  toutes  lettres,  les  autres  écrits 
émanés  de  lui  n'ayant  d'autre  souscription  que  ces  mots  :  G[uillaunie],  E[vesque] 
de  Montfj[el](['e]r.  Cette  quittance,  datée  du  16  février  1541  {n.s.),  et  conservée 
aujourd'hui  dans  les  archives  de  la  Société  archéologique  de  Montpellier,  nous  est 
donc  précieuse  à  cause  de  sa  signature;  on  la  trouvera  plus  loin,  grâce  à  l'obli- 
geance de  M.  Emile  Bonnet,  archiviste  de  la  Société  archéologique,  qui  a  bien 
voulu  en  autoriser  la  publication  et  la  reproduction  photographique. 


XXII  INTRODUCTION 

pellier'.  Son  pi.>ro,  viguicr  du  bourg,  se  iunnuiail  Milan  l'cUicier,  sa 
inïTC  Marilonne  Garnifr  '.  Un  oncle  paternel,  Guillaume  Pellicier 
l'Ancien,  chanoine  et  cellérier  du  chapitre  régulier  de  Maguelonne, 
nourri  de  fortes  études  théologiques  \  parvint  en  1  WH  au  trône  épis- 
copal  de  celle  ville  et  8e  chargea  dès  lors  d'assurer  l'avenir  du  jeune 
homme,  (jui  fut  élevé  sous  ses  yeux,  à  l'omhre  du  cloître  de  la  vieille 
cathédrale.  (îuillaume  Pellicier,  de  bonne  heure,  s'adonna  passionné- 
ment a  la  culture  des  sciences  et  des  lettres;  les  témoignages  des 
erudils  de  son  temps  sont  unanimes  à  rendre  hommage  à  Télendue  de 
ses  connaissances,  qui  embrassaient  à  la  fois  les  langues  latine, 
grecque,  hébraïque  et  syriaijue,  le  droit,  la  médecine  et  l'histoire 
naturelle.  Joseph  Scaliger  notamment,  après  Turnèbe,  en  fait  le  plus 
pompeux  éloge,  affirmant  que  Pellicier  était  l'homme  de  France  qui 
connaissait  le  mieux  la  langue  latine  *  :  de  là  sans  doute  celte  com- 
plaisance avec  laquelle  le  prélat  a  bourré  sa  prose  de  tant  d'étranges 
expr<'ssions,  directement  transportées  du  latin  en  français.  Docteur  en 
droit,  Pellicier  aimait  à  disserter  sur  des  points  de  jurisprudence  :  on 
en  trouvera  une  preuve  dans  la  première  lettre  adressée  à  Rabelais. 
Cujas  le  cite  dans  ses  œuvres  comme  une  autorité  considérable,  et 
Jean  Philippi,  président  de  la  Cour  des  Aides  de  Montpellier,  dans  la 
dédicace  qu'il  lui  fil  en  1560  d'un  recueil  de  textes  juridiques,  parle 
de  son  savoir  véritablement  encyclopédique,  «  eruditionis  omnis  ency- 
clopo'diam  ».  Le  fameux  Etienne  Dolel,  dès  1538,  lui  consacre  un 
poème  où  il  le  célèbre  comme  une  incarnation  nouvelle  d'Apollon, 
dieu  de  la  médecine  ^;  d'autre  part,  le  grand  naturaliste  (îuillaume 
Rondelel,  au  début  de  la  préface  de  son  traité  sur  les  poissons,  pro- 
clame Pellicier  comme  son  maître,  son  inspirateur  et  son  conseiller. 
Toute  sa  vie,  l'évéque  de  Montpellier  s'occupa  de  l'histoire  naturelle 
de  Pline    l'Ancien,  cl   ses   commentaires  manuscrits,  impatiemment 


1.  Maiiguio,  en  latin  Melr/orium,  bourg  de  l'Hérault,  à  12  kil.  de  Montpellier,  sur 
l'étang  (le  ce  nom;  chef-lieu  de  canton;  Jadis  le  siège  du  comté  de  .Melgueil,  qui 
remonl.iit  au  x'  siècle. 

2.  Ces  renseignements,  que  nous  devons  à  l'aimaMe  générosité  de  M.  Cliarles 
Revilloul,  professeur  honoraire  de  l'université  de  Montpellier,  sont  tirés  d'un 
registre  des  actes  de  l'administration  de  Guillaume  Pellicier,  rédigé  par  le  notaire 
Darics,  ;i  .Montpellier,  de  lo29  <i  1541  :  •  Novnm  acapilum  honesta;  mulieris  Mari- 
tona-  Garnier,  uxoris  nobilis  Milani  Pellicerii,  ejus  matris...  •  (Acte  concernant 
Guillaume  Pellicier  le  Jeune,  passé  à  Mauguio,  le  25  janvier  1330  (n.  s.).  —  Archives 
de  l'Hérault,  série  G,  n"  175). 

3.  On  lui  attribue  la  réforme  liturgique  de  son  diocèse  et  la  revision  des  missel, 
bréviaire  et  rituel.  (Degrefeuille,  Histoire  ecclésinslii/ue  de  la  ville  de  Montpellier'. 
Montpellier,  1"39,  in-f",  p.  153). 

i.  •  Guillelmus  Pelisserius,  episcopus  Magalonensls,  vir  totius  Galliae  linguo' 
latiua-  usque  adèo  perilus,  ut  veleres  omnes  Homanos  facili'  superaverit  in  exactà 
illius  cognitione  •  {Prima  scaligeriana,  Groninp..  1G69,  p.  119)- 

5.  Slejjhani  Doleli  Galli  Aurelii  Carmina,  libri  quatuor;  Lyon.  1538,  p.  76.  —  «  De 
Guliclmo  Pellicerio.  episcopo  Monlispessuli.  carinen  xvi.  • 


INTRODUCTION'  XMll 

attendus  des  contemporains,  servirent  après  sa  mort  à  eniicliir  les 
travaux  de  plusieurs  savants  '. 

Les  principaux  biographes  de  Pellicier,  Gariel,  au  xvii"  siècle  ^  et 
Tabbé  de  Folard,  au  xviii'',  disent  que  celui-ci,  pour  compléter  ses 
études,  visita  successivement  Paris  et  plusieurs  universités  de  France, 
de  Belgique,  d'Allemagne  et  d'Italie.  Pourvu,  par  la  sollicitude  de  son 
oncle,  de  bénéfices  ecclésiastiques  dont  lo  revenu  devait  lui  permettre 
de  se  livrer  tout  à  son  aise  aux  travaux  d'érudition;  nommé  tour  à 
tour  chanoine  de  Maguelonnc,  prieur  de  Saint-Just  ^  et  doyen  de 
l'église  collégiale  de  la  Trinité,  à  Maguelonne,  il  ne  larda  pas  d'ailleurs 
à  prendre,  au  moins  en  partie,  la  succession  de  Tévêque  lui-même, 
déjà  sans  doute  avancé  en  âge.  Ici,  grâce  au  registre  du  notaire 
Darles,  découvert  par  M.  Ch.  Revillout  dans  les  Archives  de  l'Hérault, 
registre  où  sont  conservés  tous  les  actes  de  l'administration  de  G.  Pel- 
licier le  Jeune,  de  1529  à  1541,  nous  pouvons  rectifier  les  erreurs  per- 
pétuées jusqu'à  ce  jour  par  les  divers  historiens  ecclésiastiques  de 
Montpellier,  qui  placent  la  mort  de  G.  Pellicier  l'Ancien  en  1529,  soit 
trois  années  seulement  après  la  résignation  de  son  siège,  et  semblent 
ignorer  les  circonstances  dans  lesquelles  cette  résignation  eut  lieu. 

Le  21  mars  1526,  fut  délivré  le  placet  par  lequel  le  roi,  rentrant  à 
peine  de  sa  captivité  d'Espagne  *,  sanctionnait  la  résignation  du  siège 
épiscopal  de  Maguelonne,  par  l'oncle,  en  faveur  de  son  neveu.  Le 
13  juin  de  la  même  année,  le  chapitre  régulier  de  Maguelonne  accep- 
tait, sous  réserve  de  ses  droits,  la  résignation  de  G.  Pellicier  r.\n- 
cien  ^,  mais  élisait  pour  son  successeur  le  chanoine  Antoine  Rasselet. 


1.  Voir,  pour  tous  ces  hommages  rendus  à  l'crudition  de  Pellicier.  le  livre  de 
M.  Zeller,  p.  34  et  suiv. 

2.  Pierre  Gariel,  Séries  pvxsulum  Magalonensium...,  Toulouse,  1605,  in-f,  p.  191. 
Ses  assertions  ont  souvent  besoin  d'être  contrôlées:  il  donne  d'ailleurs  fort  peu  de 
détails  sur  le  séjour  de  Pellicier  à  Venise.  La  dissertation  de  l'abbé  de  Folard. 
beaucoup  plus  complète  et  qui  nous  fournit  un  certain  nombre  d'indications  pré- 
cieuses, manque  aussi  d'exactitude  sur  bien  des  points;  sa  chronologie  est  surtout 
très  défectueuse, —  V.  Appendice  VII.  p.  710. 

3.  Saint-Just  (Hérault),  sur  le  canal  de  Lunel,  arr.de  Montpellier,  canton  de  Lunei. 

4.  François  I"  fut  échangé  k  Hendaye,  sur  la  Bidassoa,  le  18  mars  i-:;26,  contre  le 
dauphin  et  le  duc  d'Orléans  ses  fils,  remis  comme  otages  entre  les  mains  de  l'em- 
pereur {Hist.  qénérale  du  Lanrjuedoc,  par  D.  Devic  et  D.  Vaissette;  nouvelle  édition: 
Toulouse.  Privât,  1874-1892,  ïo  vol.  in-4";  t.  XI,  p.  222). 

5.  «  ...  Ad  utilitatem  egregii  viri  domini  Guilîelmi  Pellicerii,  decretorum  profes- 
soris,  prioris  Sancli  Justi,  ejus  nepotis...  »  {Archives  de  Vllcruull,  Série  G,  Notai- 
res :  Antoine  Chabaud;  registre  114,  f°  409.  —  Par  un  acte  du  9  novembre  1527,  le 
chapitre  de  Maguelonne,  rétractant  déjà  sa  conduite  passée,  protestait  contre  les 
violences  de  son  ex-mandataire,  le  chanoine  Secondin  de  Bonnail,  à  l'égard  de 
G.  Pellicier,  et  prononçait  sa  révocation  {Archives  de  l'Hérault,  ibid.,  Guillaume 
Jaymar,  notaire  :  registre  4,  f°  202  et  suiv.).  —  Un  bref  de  Clément  VII,  daté  du 
9  juin  1529,  est  adressé  à  Guillaume  Pellicier  l'Ancien,  «  episcopo  olim  Magalo- 
nensi  »,  touchant  certains  bénéfices  vacants  par  la  résignation  de  Raoul  Pellicier, 
doyen  de  la  Trinité,  à  Pierre  Pellicier,  clerc  de  Maguelonne,  faite  le  18  octobre  1528. 
Ce  Pierre   Pellicier    se  désista,  le   19  février  1529,  et   Pierre  Bouquet,  prêtre   de 


XXIV  INTRODUCTION 

Un  procès  s'ensuivit,  (jui  durait  encore  en  1528;  peul-tHre  ne  fut-il 
int'^me  terniiné  i\uo  dans  le  cours  de  l'année  suivante,  car  un  dissen- 
liincnt  ayant  éelalé  entre  les  étudiants  de  Montpellier  et  leurs  maîtres, 
de  \"rH\  à  l.'riO,  on  ne  voit  pas  que  Peilicier  soit  intervenu  pour 
apaiser  les  esprits  comme  il  le  (it  plus  tard,  en  1534,  lors  d'une  autre 
(luerclle  universitaire  :  ce  fait  donnerait  à  croire  que  sa  nomination 
elait  toujours  conlestée.  Cependant,  dès  le  mois  d'octobre  lo'lH  avaient 
été  «>\pidiées,  de  Fontainebleau,  les  lettres  royales  contirmant  les 
privilèges  de  l'évèché  de  Maguelonne,  en  faveur  de  Guillaume  Pelli- 
cier  ',  qualifié  dès  lors  du  litre  de  conseiller  du  roi. 

C'est  il  lorl  que  Ton  a  répété,  sur  la  foi  de  liariel,  que  le  nouvel 
évoque  navait  voulu  être  que  le  coadjuteur  de  son  oncle,  et  lui  avait 
laissé,  toute  sa  vie,  l'entier  exercice  de  l'autorité  épiscopale.  Pellicier 
lAiicien  i:arda  le  temporel  du  diocèse,  et  résida  désormais  au  château 
di'  MontlV'irand  ".  i'cllicier  le  Jeune,  au  contraire,  eut  tout  le  fardeau 
du  spirituel  et,  comme  temporel,  occupa  le  palais  de  la  Salle-IÉvéque, 
à  Montpellier  %  avec  le  château  du  Terrai  '\  Cette  situation  se  pro- 
longea jusqu'il  la  mort  de  Guillaume  Pellicier  l'Ancien,  c'est-à-dire 
jusqu'à  la  fin  de  1538  ou  le  commencement  de  1539.  En  effet,  dans  le 
registre  du  notaire  Darlcs,  on  voit  encore,  le  ilVi  août  1538,  notre  Pelli- 
rier  agir,  à  la  Salle-l'Evèque,  comme  évêque  de  Montpellier  et  vicaire 
général  de  son  oncle,  qualifié  lui-même  d'évêque  honoraire  en  quelque 
sorte,  comte  de  Melgueil  et  de  Monlferrand,  etc.  ^. 

Montpellier  et  procureur  de  Guillaume  Pellicier  le  Jeune,  fui  mis  en  possession,  le 
20  octobre  de  la  môme  année,  au  nom  du  nouvel  évêque  (Arcliives  de  Vtlérault,id., 
ihid.,  reiîislre  9,  f"  4".  —  Communicalions  de  M'"  L.  Guivaud  à  M.  Cfi.  Heçilloiit). 

i.  Arch.  nal.,  Trésor  des  Charles,  JJ.  243,  n"  ii08,  f"  148.  —  Cal.  des  acles  de 
François  1",  t.  VI,  Suppl.,  p.  do4,  n°  19  078. 

2.  Le  rocher  de  .Monirerrand,  situé  à  rcxlrémité  du  contrefort  oriental  du  pic 
Sainl-I.oup,  dan<  l'iléraiilt,  fnit  partie  de  la  commune  de  Sainl-Martin  de  Tréviers, 
à  19  kiloniL-lrcs  de  Muntpellier.  A  peu  près  inaccessible  sur  sa  face  septentrionale, 
qui  est  taillée  à  pic,  on  peut  atteindre  du  coté  opposé,  par  des  pentes  rocailleuses 
et  embroussaillées,  la  i)etile  plaie-forme  qui  en  couronne  le  sommet.  Là  se  dressent 
les  ruines  imposantes  d'une  vaste  forteresse  féodale  dont  les  tours,  mutilées,  s'élè- 
vent encore  à  plus  de  dix  mètres  de  hauteur.  Ce  château,  qui  relevait  primitive- 
ment du  puissant  comté  de  Melgueil,  futcédé  en  1085  à  la  papauté,  qui  en  121  ".  en 
dota  revéclié  de  .Mnizuclonne.  Il  fut  d('inantelé  plus  tard  par  ordre  de  Louis  XIII. 
On  retrouve,  aux  divt-rs  élafres  de  celte  construction,  les  traces  successives  d'ap- 
pareils romain,  roman  et  f,'olhiquc. 

3.  Le  palais  de  la  Saile-lKvéque,  résidence  ordinaire  des  évéqiies  de  Maguelonne, 
à  Motit]>eliicr.  était  situé  sur  l'emp-lacement  actuel  de  l'hôtel  d'Kspous,  dans 
l'espace  compris  entre  les  rues  de  la  Salle-l'Évêque,  de  Bocaud,  de  la  Vieille- 
Aiguillerie  et  des  Jésuites  (Louis  de  la  Roque,  Les  érêques  de  Maguelonne  et  de 
Montpellier,  p.  113). 

4.  Le  château  du  Terrai,  résiflencc  d'été   des  évêqucs  de  Montpellier,  n'est  plus 
aujourd'hui  qu'une  simple  ferme,  située  sur  le  territoire  de  la  commune  de  Saint 
Jean-de-Védas  (Hérault;. 

5.  ■  ...  .Vfonspelii  episcopus,  et  vicarius  gencralis  in  spiritualibus  et  temporalibus 
Rcverendi  in  (".lirislo  Patris  Guillelmi,  in  universali  ecclesia  Dei  episcopi,  comitis 
.Melgurii  et  Montisferrandi...  »  (Registre  du  notaire  Darlcs,  f  3o). 


INTRODUCTION  XXV 

Présenté  à  la  cour,  le  jeune  et  savant  prélat  ne  larda  pas  à  obtenir, 
avec  les  faveurs  du  roi,  la  protection  toute  spéciale  de  sa  sœur,  Mar- 
guerite d'Angouléme,  reine  de  Navarre,  à  qui  le  cardinal  de  Lorraine, 
métropolitain  de  Pellicier,  l'avait  chaudement  recommandé.  Les 
diverses  lettres  adressées  à  celte  princesse  témoignent  des  sentiments 
de  profonde  et  respectueuse  gratitude  éprouvés  à  son  égard  par  notre 
évoque.  Pendant  Télé  de  1529,  il  avait  été  désigné  pour  prendre  part  aux 
négociations  qui  aboutirent,  le  5  août  de  la  même  année,  à  la  signa- 
ture du  traité  de  Cambrai  '.  Une  occasion  décisive  n'allait  pas  tarder  à 
s'ofTrir  pour  Pellicier  de  mettre  à  profit  son  récent  crédit  auprès  du  roi. 

La  ville  de  Maguelonne,  établie  sur  une  presqu'île  de  l'étang  auquel 
elle  a  donné  son  nom,  jadis  fort  importante,  était,  depuis  le  vi''  siècle, 
le  siège  d'un  évêché.  Conquise  au  commencement  du  viii"  siècle  par  les 
Sarrasins,  elle  fut  reprise  en  737  par  Charles  Martel,  qui,  pour  éloigner 
désormais  les  envahisseurs,  détruisit  celte  place  de  fond  en  comble, 
au  grand  profit  de  Montpellier  qui  vit  s'accroître  promptement  sa 
population  et  la  prospérité  de  son  commerce.  L'évéché,  transféré 
d'abord  à  Substanlion,  non  loin  de  là,  fut  pourtant  rétabli  dans  son 
lieu  d'origine  quand,  après  trois  siècles  d'abandon,  Maguelonne  essaya 
de  se  relever  de  ses  ruines.  Ce  fut  vers  le  milieu  du  xi^  siècle  que 
l'évêque  Arnaud,  avec  le  concours  du  pape  Jean  XIX,  entreprit  la  res- 
tauration de  la  cathédrale  de  Maguelonne,  qui  fut  terminée  en  lOoi.  Il 
reconstruisit  l'église  et  le  cloître,  y  ramena  les  chanoines  installés  à 
Substantion,  et  leur  imposa  la  règle  de  saint  Augustin, 

Cependant  la  ville  ne  put  jamais  retrouver  son  ancienne  splendeur. 
En  dépit  des  largesses  royales  et  des  nombreuses  dotations  de  ses 
évêques,  Maguelonne  ne  fut  plus  jusqu'au  xvi'^  siècle  qu'un  grand 
monastère  fortifié,  une  sorte  de  vaste  aumônerie  où  les  pauvres  et  les 
voyageurs  racevaient  des  chanoines  une  hospitalité  libérale  dont  les 
règlements  nous  ont  été  conservés  ^  Les  évêques  y  résidaient  même 
assez  rarement,  préférant  habiter  soit  Montpellier,  où  leur  palais  et  le 
siège  de  leur  juridiction  était  à  la  Salle-l'Évêque,  soit  le  château  du 
Terrai,  à  quelques  kilomètres  de  cette  ville.  La  dédicace  solennelle  de 
l'église  et  de  l'abbaye  de  Saint-Germain  (aujourd'hui  Saint-Pierre),  le 
1  i  février  1367,  par  le  pape  Urbain  V,  qui  en  avait  été  le  fondateur  ^ 
porta  un  nouveau  coup  à  Maguelonne  en  rendant  plus  difficile  le  recru- 
tement de  son  chapitre  régulier.  Aussi,  vers  le  commencement  du 
règne  de  François  I",  l'idée  était-elle  généralement  admise  de  la 
double  nécessité  d'une  translation  du  siège  épiscopal  à  Montpelher, 
et  d'une  sécularisation  du  chapitre. 

1.  Gallia  christiana,  t.  VI,  col.  808. 

2.  Voir  Louis  de  la  Roque,  loc.  cil.,  p.  xxu  et  suiv. 

3.  V.  le  livre  de  M"*  L.  Guiraud,  Histoire  de  Ver/Use  et  de  Vahbaye  de  Saint- 
Germain. 


XXVI  INTROIjLCTION 

(luillaume  l'oUicier,  qui  avait  été  l'un  des  plus  ardents  proinoleurs 
de  cr  projet,  jugea  le  moment  favorable  j)Our  agir,  lors  du  passage  du 
roi  à  Montpellier,  en  août  [Tt'.i'A  '.  L'évêque,  assisté  de  son  oncle,  reçut 
le  monarque  et  toute  la  eour,  le  conduisit  à  Magiielonnc  et  sut  l'inté- 
resser à  SCS  desseins;  le  roi  proniit  de  charger  ses  représentants  à 
Home  de  poursuivre  la  résolution  de  cette  affaire  auprès  du  pape. 
C'est  vraisemblablement  en  cette  circonstance  que  se  place  le  trait 
rapporté  par  l'abbé  de  Folard  *.  Comme  le  neveu  faisait  valoir  auprès 
du  prince  la  nécessité  de  la  sécularisation  du  chapitre,  son  oncle,  qui 
ne  partageait  pas  ses  vues,  s'écria  plaisamment,  en  faisant  allusion  à 
la  réforme  du  costume  de  ses  chanoines  :  «  Belle  lessive,  en  vérité! 
qui  de  blancs  nous  fera  noirs!  »  —  «  Belle  sans  doute,  répliqua  le 
roi,  car  noircis  vous  n'en  serez  que  plus  purs.  »  Les  mœurs  cano- 
niales, en  ce  temps-là,  passaient  pour  quelque  peu  relâchées,  et  Rabe- 
lais, durant  son  séjour  à  Moal[)ellier,  put  sinspirer  de  Maguelonne 
pour  la  description  de  l'abbaye  de  Thélème  ^ 

Désireux  de  hâter  l'accomplissement  des  promesses  royales,  Guil- 
laume Pellicier  accompagna  la  cour  à  Marseille,  y  vil  Clément  VII  lors 
de  son  entrevue  avec  François  V'  (13  octobre  1533),  et  assista  aux  fêtes 
qui  célébrèrent  le  mariage  de  Henri  d'Orléans,  second  fils  du  roi,  avec 
Catherine  de  Médicis,  nièce  du  pontife  {'21  octobre).  A  Rome,  où  venaient 
de  résider  les  cardinaux  de  Grammont  et  de  Tournon,  et  où  l'évêque 
de  Màcon,  Charles  de  Hémart  de  Denonville,  allait  être  bientôt  envoyé 
comme  ambassadeur  *,  l'instance  se  prolongea  près  de  trois  années, 

1.  l.i'  roi  y  séjourna  prés  d'une  ili/aine  de  jours,  du  17  au  '2")  août  1.^133.  Pendant 
son  séjour  furent  données  les  lettres  royales  informant  la  Chambre  des  comptes 
de'MonlpclIier  <lu  serment  (riiommago  prêté  le  22  août  par  Pierre  du  Mas,  cosei- 
i^neur  de  Pignan  (Hérault,  arr.  et  canl.  de  Montpellier),  dans  le  gouvernement  de 
la  ville  (V.  Cal.  des  actes  de  François  l",  t.  II,  p.  402.  n°  0174).  On  retrouvera  ce  nom 
dans  la  Correspondance. 

2.  V.  p.  713. 

3.  V.  Albert  Germain,  Maquelonne  sous  ses  e'véques  et  ses  chanoines;  Montpellier, 
1869,  in-8°. 

'».  Gabriel  de  Grammont,  cardinal,  évèque  de  Tarbes,  remplit  deux  missions  suc- 
cessives à  Home,  comme  ambassadeur  du  roi;  l'une  du  2o  juin  1529,  date  de  sa 
nomination,  au  20  novembre  1530,  date  de  son  retour  auprès  du  roi;  l'autre  du 
li  novembre  lo32  au  mois  de  septembre  4533.  Gabriel  de  Grammont,  lors  de  son 
serond  voyage,  était  accompagné  du  cardinal  de  Tournon.  Ils  étaient  encore 
ensemble  à  Rome  au  commcruement  de  juillet  1533.  (Y.  B.  N.,  ms.  Clairambault 
I2in,  fo*  «7  à  72). 

En  l'absence  d'ambassa<leurs,  l'ambassade  de  France  élail  gardée  par  un  secré- 
taire, Nicolas  Raince,  protonotain-  apostolique,  «  solliciteur  du  roi  en  cour  de 
Rome  -,  qui  occupait  ce  jioste  bien  avant  1526.  Tombé  en  disgrâce  auprès  de  Mont- 
morency, en  juillet  1532,  tenu  en  suspicion  par  nos  agents  et  finalement  révoqué, 
il  fut  remplacé  en  1538  par  Jean  de  Monluc. 

Le  nouvel  ambassadeur,  Charles  de  Hémart  de  Denonville,  cardinal-évèque  de 
Màcon.  nommé  le  25  novembre  1533,  s'attarda  dans  son  diocèse  et  ne  prit  posses- 
sion de  son  poste  que  le  23  mai  153i.  Dans  l'intervalle,  le  roi  avait  envoyé,  le 
i"  décembre,  Hervé  de  Monestry,  seigneur  de  Forges,  son  échanson  ordinaire, 
féliciter  le  pape  à  son  arrivée  à  Rome,  et  le  ••   congratuler  des  peines  et  travaux 


INTRODUCTION  XXVII 

maigre  les  actives  démarches  du  chancelier  Duprat  auprès  du  cardinal 
Agoslino  Trivulzi,  protecteur  des  affaires  de  France  à  Rome,  en  faveur 
de  Pellicier '.  On/ rencontrera,  dans  la  Correspondance,  quelques  allu- 
sions au  séjour  prolongé  du  prélat  dans  la  Ville  éternelle,  notamment 
dans  la  dépêche  à  Du  Cliâtel,  du  22  juillet  1540,  et  dans  celle  à  Langey, 
du  14  septembre  1541  '.  Le  savant  humaniste  profita  naturellement  de 
ces  loisirs  forcés  pour  nouer  des  relations  solides  avec  les  nombreux 
érudits  qui  fréquentaient  Rome  à  cette  époque.  La  mort  de  Clé- 
ment VII,  arrivée  en  septembre  1534,  interrompit  les  négociations. 
Elles  reprirent  sous  Paul  III,  son  successeur,  et  la  translation  fut  enfin 
décidée.  La  bulle,  en  date  du  27  mars  153(5,  qui  transférait  à  Montpel- 
lier le  siège  de  l'évêché  de  Maguelonne,  décrétait  en  même  temps  la 
sécularisation  de  son  chapitre  '.  Le  cloître  de  Saint-Germain  fut  affecté 
dorénavant  à  la  résidence  des  chanoines,  et  Téglise  abbatiale  fut  trans- 
formée en  cathédrale  sous  le  vocable  de  saint  Pierre,  comme  l'an- 
cienne église  de  Maguelonne  qu'elle  remplaçait^. 

qu'il  peut  avoir  eus  à  cause  du  mauvais  temps  qu'il  a  fait  durant  son  voyage 
dernier  fait  de  Marseille  à  Rome.  »  L'évêque  de  Paris,  Jean  du  Bellay,  d'autre  part, 
rentrant  d'Angleterre,  avait  été  expédié  par  le  roi  à  Rome,  du  12  janvier  au 
18  mai  1534  (V.  B.  N.,  ms.  Clairambault  1215.  f^  71  V  et  72). 

Au  printemps  de  l'année  suivante,  Jean  de  Lorraine,  cardinal-archevêque  de 
Narbonne  et  métropolitain  de  Pellicier,  allait  à  son  tour,  sur  l'ordre  exprès  du  roi, 
donné  à  Sainl-Clief  le  lo  avril  1d30,  négocier  à  Rome, auprès  du  pape  l'impossible 
paix  avec  l'empereur.  La  tentative  échoua.  Les  événements  se  précipitaient,  la 
France  était  envahie  de  deux  côtés  par  les  Impériaux;  Denonville,  troublé  par  les 
difficultés  de  la  situation,  appela  la  cour  à  son  aide.  L'évêque  de  Lavaur,  Georges 
de  Selve,  partit  alors  de  Venise,  le  20  février  1537,  pour  se  rendre  à  Rome,  tandis 
que  lo  cardinal  d'Armagnac  le  remplaçait  dans  son  ancien  poste. 

Le  cardinal  de  Denonville  demeura  jusqu'au  31  mai  1538,  date  de  son  audience 
de  congé,  et  rentra  en  France,  laissant  derrière  lui  l'évêque  de  Lavaur.  Nommé  à 
l'évêché  d'Amiens  peu  de  temps  après,  il  fut  intronisé  le  9  décembre  de  la  même 
année,  et  mourut  au  Mans,  le  23  août  loiO,  à  l'âge  de  quarante-sept  ans  (V.  Un  abbé 
de  Saint-Aubin  d'Angers,  le  cardinal  de  Denonville  {1 493- 1 3i0),  par  le  marquis  de 
Brisay:  Vannes,  1891.  in-8°;  extr.  de  la  Revue  historique  de  l'Ouest.  —  B.  N..  ms. 
Clairambault  1215,  f'  72  à  77). 

1.  V.  Louis  de  la  Roque,  loc.  cit..  p.  xxxvin. 

2.  P.  28  et  428. 

3.  Bulla  secidarisalionis  ecclesise  cathedralis  Divi  Petrl  Monspelii,  antea  Maf/a~ 
lonw  dictée,  a  Paulo  III,  Pontifice  marimo,  concassa...  Lyon,  Daniel  Gilet,  1599,  pet. 
in-4''  de  55  p.  —  Le  texte  en  a  été  réimprimé  par  Gariel,  p.  199.  et  Degrefcuille. 
p.  153. 

4.  M.  Léon  Dorez  a  publié,  dans  la  Revue  des  Bibliothèr/ues  (l.  IV,  année  lS9i, 
p.  232),  d'après  le  ms.  303  de  la  collection  Dnpuy,  à  la  Bibliothèque  nationale,  une 
lettre  de  G.  Pellicier  à  Jean  du  Bellay,  datée  de  Rome,  le  7  août  [1536].  C'est  la 
seule  qui  nous  reste  de  sa  correspondance  de  cette  époque.  Il  y  est  fait  mention 
de  plusieurs  humanistes  amis  du  prélat  :  Fausto  Sabeo,  l'un  des  custodes  de  la 
bibliothèque  Vaticane;  Agostino  Steuco,  dit  Eurjubinus,  qui  en  fut  le  bibliothécaire; 
Christophe  Contéléon,  Nicolas  Pétros,  Jean  Chapelain,  médecin  de  François  I",  les 
cardinaux  Niccolô  Ridolfi  et  Francesco  Pisani.  Nous  reproduisons  ici  celte  lettre 
avec  le  gracieux  assentiment  de  son  éditeur. 

"  Monseigneur,  ayant  la  comodité  de  me  mettre  en  la  compaignie  de  Monsei- 
gneur le  Révérendissime  cardinal  Trivolce,  je  eusse  bien  voulu  m'en  venir 
devers  vous:  mais,  obstant  que  l'affaire  de  nostre  esglise  n'estoit  encores  dépesché 


XXVIII  INTflOnUCTlON 

Notre  t'V<'(iue  reinplil  lionorahlemenl,  dans  sou  diocèse,  avec  les 
soins  de  radiniiiislralion  spirituelle,  le  rùle  que  sa  silualion  lui  impo- 
sait dans  le  gouverneinenl  des  afFaires  publiques.  Clia(iue  année,  en 
Languedoc,  se  tenait,  à  l'arrière-saison,  rassemblée  des  Ktals  provin- 
ciaux, où  la  plupart  des  évêques,  en  dépit  des  Iréquenles  injonctions 
royales  et  des  doléances  répétées  tics  Ktats,  négligeaient  volontiers  de 
se  rendre.  (Juillaume  Pellicier  semble  avoir  pris  à  lùclie  d'y  assister 
plus  régulièrement  que  les  autres  prélats,  sexcusant  par  lettre  lorsque 
ses  occupations  ou  sa  santé  chancelante  l'en  retenaient  éloigné.  En 
1530,  il  avait  présidé  pour  la  première  fois,  du  '.)  au  16  décembre,  les 
États  il  .Montpellier  :  obligé  de  s'absenter,  il  fut  remplacé  pour  le  reste 
des  séances,  du  16  au  20,  par  1  abbé  d'Aniane,  vicaire  général  de  Nar- 
bonne.  L'année  suivante,  l'abbé  d'Aniane  préside  les  États  à  Nîmes,  du 
io  au  t\  décembre,  et  Pellicier  figure  parmi  les  cinq  commissaires 
royaux;  il   prononce   la  harangue  habituelle  en   latin.  En  153:i,  bien 

du  tout  el  <|iu>  coininc  je  vous  ay  cscripl,  lo  banquier  n'eusl  voulu  en  façon  ihi 
monde  «lolilivrcr  les  deniers  de  l'expédition  sans  que  nioy  en  personne  luy  en  lisse 
reco^noissance,  .suis  demeuré  jusqucs  à  présent,  où  je  me  allnndoys  —  pour  lanl 
de  belles  promesses  que  Daciis  ille  nosler  {qui  hic  turbal  onmla)  •  m'avoit  faicles  — 
recouvrer  queUjue  partie  de  ses  trois  cent/,  escuz  lesquelz,  interposant  voslre  nom 
cl  auelorilé.  il  y  a  lanlost  ung  an,  il  nous  corbina;  mais  ii  i)résenl  je  voy  claire- 
ment qu  il  n'y  a  lieu  de  plus  m'y  atlandre.  El  si  fault-il  (|ucjc  soye  ung  polit 
myeulx  fourny  d'arf-'ent  avant  que  cnlrc])randre  ung  si  lon|.'  voyage,  en  ce  temps 
diflicille,  par  gens  et  pais  incongneuz.  Par  quoy  ay  mandé  à  mes  gens  y  pourveoir, 
ce  que  je  allandz  au  premier  jour  recouvrer.  Ce  pandant,  ces  chauitz  se  passe- 
ront, lesquelz  sont  plus  grandz  el  fasclieulx  qu'on  ne  veyl  long  temps  yci.  J'espoire 
que  tout  pourra  avoir  esté  pour  le  myeulx;  car  tout  le  temps  que  sommes  arreslez 
ici,  avons  faict  quelque  advancement  es  bonnes  choses  que  je  cognois  vous  eslre 
agréal)les. 

-  Tous  messieurs  voz  serviteurs  el  amys  de  pardeçà  font  bonne  chère  el  se 
recommamlent  très  humblement  à  voslre  bonne  grâce,  cl  sur  tous  M.  Fauslus, 
qui  insiste  toujours  après  l'escriplnre  de  ses  épigrammes  que  luy  avez  mandés  -. 
Et  aussi  fait  .M.  Augustinus  Eugubinus  lequel,  doublant  les  chaullz,  s'est  retiré 
aux  montaignes  en  son  pais.  Ils  ont,  soubs  Dieu,  ferme  espérance  en  vous  plus 
que  en  tout  le  di;mourant  du  monde.  Je  suis  seur  avec  le  temps  ils  n'en  seront 
point  frustrez. 

!•  Monseigneur  le  névércndissimc  de  Rodolphis  a  ung  honeste  home  grec,  nommé 
maistre  Oistofle  (lontcléon,  natif  de  Malvcsiu  in  Laconid,  lecpiel,  environ  trois  ans 
y  a,  cstoit  avec  nous  à  la  rourt.  et  duquel  il  vous  pleut  pour  voslre  génuine  huma- 
nité porter  parolle  au  lloy  grandement  favoralilc,  jusqucs  à  luy  impétrcr  lettres 
de  naturalité.  Il  m'a  prié  le  plus  fort  du  monde  vous  supplier  commander  à  ung 
de  voz  gens  les  luy  faire  dépescher.  Aussi  mondil  seigneur  le  cardinal  de  Rodol- 

1.  Cctl<>  ritatioii  classiquo  parait  s'appliquer  à  Nicolas  Raincc,  que  son  esprit  brouillon  finit 
par  faire  rovo(|uer  «lu  poste  de  seerctaire  «le  l'amljassadc  de  France  à  Konic.  La  Bibl.  nat. 
possède  nii  eertaiti  iionilire  de  lettres  de  cet  équivoque  personnage. 

•i.  Cette  copie  des  premières  èpij.'ranimes  de  .Sabco  est  peut-être  le  nis.  188  des  îVoun-lles 
Acquisitions  île  la  Hibl.  nat.,  qui  i)rovieiit  du  colié<,'e  des  Jésuites  de  Tournon.  —  Le  cardinal  «lu 
Bellay,  penilant  son  séjour  à  Uome,  avait  attiré  à  lui  par  sa  libéralité  la  foule  bcsoigncusc 
des  humanistes  et  <lcs  poètes  qui  célébraient  à  l'cnvi,  en  strophes  enthousiastes,  la  grandeur  et 
la  munirtcenco  du  prélat.  Mais  après  son  rappel  en  France,  les  épigrammes  de  Sabeo  lui-même 
devinrent  d'abord  élégiaqucs,  puis  satiriques,  et  Pellicier,  pour  avoir  une  l'ois  condamné  sa 
porte  à  l'indiscret  parasite,  fut  vise  par  une  malicieuse  |)iécctte  qu'on  retrouvera  dans  la  publi- 
cation de   .M.  Dorez. 


INTRODUCTION  XXIX 

qu'il  soit  encore  au  nombre  des  commissaires  du  roi,  c'est  lui  qui  pré- 
side les  États  ouverts  à  Montpellier,  le  21  octobre.  Au  Pont-Saint- 
Esprit,  où  les  États  furent  tenus  du  13  au  18  novembre  lo33,  Pellicicr 
figure  de  nouveau  comme  commissaire  royal  et  prononce  la  harangue. 
Il  s'étend  sur  les  événements  politiques  du  temps  :  l'entrevue  du  roi 
avec  Henri  VIII  d'Angleterre,  à  Calais  et  à  Boulogne;  son  récent  voyage 
à  travers  la  province,  où  il  n'était  pas  venu  jusqu'alors,  et  où  il  avait 
donné  ordre  aux  aflaires  judiciaires,  et  pourvu  aux  réparations  des 
fortifications  des  places  principales;  l'entrevue  de  François  I*""  et  de 
Paul  III  à  Marseille,  où  ils  avaient  conféré  des  intérêts  de  la  chrétienté, 
ainsi  que  de  la  prochaine  nécessité  d'un  concile.  Le  prélat,  qui  avait 
été  associé  de  près  à  ces  grandes  manifestations,  en  pouvait  parler  en 
toute  connaissance  de  cause.  Aux  Étals  qui  se  tinrent  à  Béziers  l'année 
suivante,  du  26  octobre  au  l*^""  novembre,  Pellicier  remplit  encore  les 
fonctions  de  commissaire  du  roi.  Il  n'y  parut  pas  toutefois  en  1535,  à 
IS'imes,  non  plus  qu'à  Montpellier  même,  en  1536. 

Les  comptes  rendus  de  ces  sessions  ',  où  nous  pouvons  constater  la 

[ihis  m'en  a  parlé  bien  afTectiieusement  et  (comme  m'a  dil)  vous  en  a  escript  par 
deux  l'ois;  il  est  esmerveillé  de  ce  qu'il  n'en  a  eu  responce.  J'en  ay  escript  a 
M.  maistre  Jelian  Chappellain,  pour  la  bonne  affection  qu'il  portoit  audit  maistre 
Christofle;  mais,  comme  je  suis  adverty,  il  est  retiré  à  Paris.  Je  vous  supplie, 
Monseigneur,  I\iy  faire  ce  bien  qu'il  puisse  recouvrer  le  fruicL  de  ce  bienfaict  que 
jà  luy  avez  faict  *. 

«  Ces  moys  passez,  M.  Nicolaus  Petreïus,  qui  est  à  monseigneur  le  Révércndis- 
ime  cardinal  Pisan,  me  donna  quelques  cayers  d'ting  fort  singulier  libvre  qu'il 
traduicl  de  grec,  intitulé  :  Mele/ii  patriarche  AjiHochenùf  de  struclurâ  Iiominis, 
lesquelz  je  vous  ay  envoyez  pour  entendre  s'il  vous  plaira  qu'il  achève;  car  il  a 
v.oulloir  le  vous  dédier  et  tout  ce  qu'il  est  et  peult,  si  vous  le  trouvez  bon.  II  vous 
plaira.  Monseigneur,  pour  vostre  bénignité  en  faire  sçavoir  vostre  bon  plaisir;  car 
il  est  homme  pour  sa  bonté,  bonne  érudition  mcsmement  en  grec,  et  ses  aultres 
bonnes  qualitez,  qui  mérite  d'estre  ambrasse  de  vostre  acoustumée  faveur  2. 

«  Monseigneur,  je  croy  que  à  présent  noz  bulles  pourront  cslre  arryvées  à  Lyon. 
Il  pourra  estre  que  nostre  chappitre  envoyera  quelzcuns  là  pour  les  recouvrer  '^. 
S'ils  avoient  besoing  de  quelque  placet  ou  aultre  chose  à  la  court,  je  vous  supplie, 
Monseigneur,  voulloir  estre  prolecteur  et  patron  de  tous  nous  en  cestuy  et  aultres 
nostres  affaires,  et  noz  demeurerons  tousjours  voz  très  humbles  esclaves  et,  ce 
néantmoings,  de  affection  comme  filz.  Et  sur  ce  (après  moy  estre  recommandé  de 
tout  mon  cueur  à  vostre  bonne  grâce  et  baizé  voz  mains)  fairay  fin,  jiryanl  Nostre- 
Seigneur  vous  veille  garder,  au  bien  public  et  honneur  sien,  en  bonne  prospérité 
et  santé  avec  longue  vie. 

«  De  Rome,  ce  vu"  jour  d'aoust. 

«  Vostre  très  humble  et  obéissant  serviteur, 
"  G.,  E.  DE  Maguelonne.  » 

1.  V.  la  nouvelle  édit.  de  l'Histoire  générale  du  Languedoc,  t.  XI. 

1.  Ces  lettres  de  naturalité  no  se  rencontrent  pas  dans  le  Cat.  des  actes  de  François  I'',  où  le 
nom  de  Contéléon  ne  figure  point. 

2.  Cette  traduction  no  parut  qu'on  1552  (Venise,  in-4°)  et  l'ut  dédiée,  non  pas  au  cardinal  du 
Bellay,  mais  à  Andrea-Matteo  Acquaviva,  duc  d'Atri  (V.  Emile  Legrand,  Bibliographie  hellvniqiœ, 
t.  I,  pp.  ISS-lSl). 

3.  Les  bulles  de  translation  du  siège  de  Maguelonne  à  Montpellier,  on  date  du  6  des  calendes 
d'avril  (27  mars)  1536,  furent  notifiées  au  chapitre  de  Maguelonne  et  aux  bénédictins  de  Mont- 
pellier aux  mois  de  juin  et  août  de  la  même  année. 


XXX  INTKOUUCTION 

présente  presque  assidu»*  de  rév(''que,  nous  uionlrcnl  «jue  le  voyage  à 
lloino  n'eul  lieu  sans  doute  que  postf'Tieureinenl  à  l'année  1534.  Celle 
présomption  est  pleinement  corroborée  par  un  document  précieux  qui 
lixe  pour  nous  la  date  du  départ  de  Pellicier  pour  lllalie.  On  lit  en 
effet  dans  une  lettre  adressée  de  Turin,  le  i2  juillet  irJ3o,  par  Claude 
Farci  il  son  frère  Guillaume  Farel,  le  célèbre  réformateur,  alors  à 
tienève  :  «  Nous  avons  trouvé  en  chemyn  Monsieur  de  Paris  [Jean  du 
lifUoy,  leijuel  s'«'nt  va  prendra  le  chappeau  rouge'  et  sera],  comme 
je  crois,  légat  en  France,  à  cause  que  les  pous  ont  tué  l'aultre  *. 
L'évesque  de  Magalone  luy  fait  compaignie  ^..  » 

\Ai  retour  d'Italie  eut  lieu  vraisemblablement  au  commencement  de 
l."»:{7.  L'absence  avait  duré  deux  années.  Aux  États  de  Pézenas,  du 
9  au  13  novembre,  l'évécjue  de  Montpellier  est  de  nouveau  commissaire 
royal  et  fait  la  harangue.  Le  roi,  qui  s'était  rendu  en  Piémont  au  mois 
d'octobre,  passa  par  Montpellier  en  revenant,  le  21  décembre,  et  la 
reine  Marguerite,  sa  sœur,  l'y  rejoignit.  Au  cours  de  celte  même  année 
1537,  Pellicier  avait  été  pourvu  dune  charge  de  conseiller  au  Parle- 
ment de  Toulouse.  Nous  en  trouvons  l'écho  dans  un  passage  de  la 
dépêche  (■)().  adressée  de  Venise,  le  8  octobre  lo40,  à  la  reine  de 
Navarre,  sa  protectrice  *.  Il  rappelle  que,  trois  ans  auparavant,  le  roi 
avait  promis  à  sa  sœur  de  le  pourvoir  d'un  office  de  maître  des 
requêtes,  ainsi  que  Marguerite  le  lui  fit  dire  par  le  cardinal  de  Lorraine, 
archevêque  de  Narbonne,  lui  Pellicier  «  alors  estant  nouvellement 
conseiller  de  Tholoze  »;  il  ne  devint  maître  des  requêtes  que  quelques 
années  plus  tard.  En  1538,  aux  États  tenus  à  Alby,  du  8  au  14  octobre, 
l'évéque  de  Montpellier  prononce  encore  la  harangue  en  qualité  de 
commissaire  du  roi,  puis  il  cesse  de  figurer  dans  ces  assemblées  pro- 
vinciales pendant  une  période  de  cinq  années.  Le  moment  était  venu 
en  effet  où  la  fortune  du  prélat  allait  atteindre  son  apogée. 

L'humanisme  battait  alors  son  plein.  A  Montpellier  même,  la  floris- 
sante école  de  médecine,  dont  la  fondation  remontait  au  xiiF  siècle,  et 
qui  avait  été  régulièrement  constituée  en  1498  par  Louis  XII,  faisait  de 
celte  ville  un  centre  important  d'activité  intellectuelle.  On  y  commen- 
tait Hippocrate  et  Arislote,  on  y  enseignait  l'histoire  naturelle,  la 
botanique  et  l'anatomie.  Notre  grand  Rabelais  venait  d'y  prendre  ses 
grades  universitaires;  inscrit  pour  la  première  fois  sur  les  registres  de 
la  faculté  le  16  septembre  1530,  il  avait  été  reçu  docteur  le  22  mai  1537, 

1.  Jean  du  Bellay,  évèque  de  Paris,  avait  élé  fait  cardinal  le  21  mai  do33. 

i.  Antoine  Dupral,  archevêque  de  Sens,  et  légal  du  pape  en  France,  était  mort 
flans  son  château  de  Nantouillet  (Seine-et-Marne),  le  8  juillet  1535,  d'une  maladie 
pcdiculaire  (V.  \ a  Journal  r/'jni  bourgeois  de  Parix,  édit.  Lalanne;  Paris,  Renouard, 
1854,  in-8,  p.  460. 

3.  Herminjard,  Correspondance  des  réformateurs,  t.  Ill,  p.  322,  d'après  les  Archives 
de  Genève. 

4.  Voir  p.  116. 


'   INTRODUCTION  XXXI 

au  retour  de  ses  voyages  à  Rome  (avec  Jean  du  Bellay),  à  Lyon  el  à 
Paris.  Dans  le  cours  de  la  même  année,  Pellicier  opérait  la  translation 
des  chanoines  de  Maguelonne  dans  le  monastère  bénédictin  de  Saint- 
Germain,  occupé  depuis  par  l'Ecole  de  médecine.  Les  maîtres  de  ren- 
seignement étaient  Rabelais  lui-môme,  le  naturaliste  Guillaume  Ron- 
delet ',  peint  dans  Pantagruel  sous  les  traits  de  Rondilnlh  *,  Jeun 
Esquiron,  qui  devint  chancelier  de  l'Université,  cl  fut  l'un  des  plus 
zélés  promoteurs  de  la  renaissance  littéraire  et  scientiiique  à  Mont- 
pellier ^  Les  propres  travaux  de  Pellicier  sur  la  botanique  *,  ses  com- 
mentaires ingénieux  sur  Pline  marquent  sans  contredit,  avec  les 
études  de  Jean  Ruel  ^  sur  h^s  plantes  et  de  Rondelet  sur  les  poissons, 
les  véritables  débuts  de  l'histoire  naturelle  dans  notre  pays. 

Les  hautes  relations  que  notre  évêque  avait  su  se  créer  à  la  fois 
dans  le  monde  politique  et  dans  le  monde  savant,  le  charme  de  son 
commerce  et  la  courtoise  affabilité  de  son  caractère  '',  la  faveur  enfin 
dont  il  jouissait  auprès  de  la  reine  Marguerite,  cette  muse  charmante 
de  la  Renaissance  française,  protectrice  fidèle  des  artistes  et  des  let- 
trés, lui  valurent,  au  commencement  de  1539,  la  nomination  au  poste 
envié  d'ambassadeur  de  France  auprès  de  la  république  de  Venise. 
IVous  avons  dit  plus  haut  l'importance  politique  attachée  à  ce  poste 
d'observation  qu'était  pour  notre  diplomatie  Venise,  état  neutre, 
ouvert  largement  à  tous  les  négoces  étrangers,  intermédiaire  obligé 
des  transactions  européennes  avec  le  Levant.  Cette  cité  merveilleuse, 
assise  au  milieu  des  eaux  et  reflétant  dans  le  miroir  des  lagunes, 
sous  un  ciel  lumineux,  l'éclat  oriental  de  ses  palais  et  de  ses  dômes 
byzantins,  n'offrait  pas  moins  de  ressources  au  point  de  vue  artistique 
et  littéraire.  Les  chefs-d'œuvre  de  la  peinture,  de  la  sculpture,  de 
l'architecture  s'y  multipliaient  spontanément,  sous  la  protection  d'une 
aristocratie  intelligente  et  généreuse;  les  érudits  et  les  curieux  y  ren- 
contraient en  abondance  des  manuscrits  grecs  et  latins,  arabes  et 
hébraïques,  épaves  sauvées  du  désastre  de  l'empire  chrétien  de 
Constantinoplo.  Déjà  plusieurs  des  prédécesseurs  de  Pellicier  à  Venise, 
notamment  Jean  de  Pins,  évêque  de  Rieux,  ambassadeur  de  1517  à 
1522,  et  Georges  de  Selve,  évêque  de  Lavaur,  de  1533  à  1537,  avaient 

1.  Guillaume  Rondelet,  naturaliste  et  médecin,  né  à  Montpellier  le  27  sep- 
tembre loin,  mort  à  Réalmont  (Tarn),  le  30  juillet  1566. 

2.  Liv.  III,  ch.  31  à  33. 

3.  V.  Albert  Germain,  La  Renaissance  à  Montpellier,  Montpellier,  1871,  in-i"; 
Ch.  Martins,  Le  Jardin  des  Plantes  de  Montpellier;  Montpellier,  ISoi,  in-4°  avec 
planches.  —  M.  Ch.  Revlllout  prépare  un  important,  travail  sur  le  rôle  d'iîsquiron 
dans  le  développement  de  l'humanisme  à  Montpellier. 

4.  Il  a  si^,'nalé  le  premier  la  linaire  qui  porte  son  nom,  linaria  Pelliceria. 

5.  Jean  Ruel,  médecin  et  botaniste,  né  à  Soissons  en  1479,  mort  à  Paris  le  24  sep- 
tembre 1337. 

6.  Voir  à  ce  sujet  les  témoignages  unanimes  des  contemporains  (Zeller,  pp.  41 
et  42). 


XXXII  1NTU0I)UCTI0N    " 

rempli  iivec  succt'S,  concurromnuMit  h  leurs  fondions  politiques,  les 
vérilîiMes  missions  scienliliiiuos  dnnl  on  les  charf^eait  ol  qui  consis- 
taient à  acquérir  ou  faire  copier,  i)our  la  bibliothèque  royale  en  for- 
mation ti  Kontaineblean,  ces  inappréciables  trésors,  chefs  d'œuvre  de 
l'antiquité  classi(iue.  Aucun  choix  ne  pouvait  être  préférable,  en  ce 
sens,  il  celui  de  Ouillaume  Pellicier,  pour  continuer  heureusement 
cette  laborieuse  tAche. 

A  Venise  résidait  alors,  depuis  1530,  <i  titre  de  secrétaire  et  de  chargé 
d'allaires.  un  gentilhomme  génois,  employé  depuis  longtemps  au  ser- 
vice du  roi  de  France,  Jean-Joaehim  de  Fassano,  seigneur  de  Vaux.  Il 
avait  elé  déjà  chargé  antérieurement  do  j)lusieurs  missions  impor- 
tantes, et  sa  connaissance  des  allaires  l'avait  rendu  indispensable  au 
cardinal  d'Armagnac,  évêque  de  Rodez,  ambassadeur  à  Venise.  La 
nominatiop  de  Pellicier  était  décidée  au  début  môme  de  l'année  1539, 
car  une  lettre  de  Cornélius  Van  Schepper  à  l'empereur,  datée  de  Paris, 
les  10  et  11  janvier,  et  conservée  aux  archives  de  Simancas,  annonce 
que  l'évéque  de  Montpellier  ira  bientôt  prendre  à  Venise  la  place  de 
l'évéque  (le  Rodez  qui  est  en  roule  pour  revenir  '.  Désigné  ofticielle- 
menl  par  lettres  données  à  Fontainebleau  le  3  février,  Pellicier  retarde 
sans  doute  son  départ  de  quelques  semaines,  car  M.  de  Vaux  dut 
rester  plusieurs  mois  encore  à  Venise,  tant  pour  l'allcndre  que  pour 
le  mettre  au  courant  après  son  arrivée  *.  Enfin,  le  30  juin  de  la  même 
année,  une  dépêche  de  l'ambassadeur  impérial  Lope  de  Soria,  adressée 
au  secrétaire  d'État  Cobos,  annonce  que  le  nouvel  ambassadeur  fran- 
çais a  rendu  ce  jour-là  sa  première  visite  à  la  Seigneurie,  et  viendra 
sans  doute  chez  lui-même  le  lendemain,  «  car  je  suis,  ajoute-t-il,  retenu 
par  la  fièvre,  mon  malaise  habituel  '  ». 

Ayant  pris  possession  de  son  poste,  Pellicier  se  mit  aussitôt  en  rap- 
port avec  le  gouvernement  de  la  république,  caractérisé  principale- 

1.  Calendar  of  Stofe  papns-,  Spanish,  1ô3S-lô42,  jt.  105. 

2.  -  A  Jelhin-Joacliim  de  Passano,  seigneur  «le  Vaux,  niaistre  d'hoslel  du  roy  et 
son  ambassadeur  à  Venise..,  l.'io3  1.  t.  par  lettres  à  Chantilly,  le  3  aousl  11539,  pour 
son  estai,  vacation  cl  dcspensc  en  ladite  charge  durant  122  jours  commencez  le 
1"  avril,  et  linissa.ns  le  dernier  juillet,  jusqucs  auijuel  Jour  il  a  vacqué  ez  alFaires 
d'icelle  charg",  tant  auparavant  et  en  attendant  l'arrivée  audict  Venise  de 
l'évcsque  tic  .Montpellier  de  prosent  y  estant  amljassadiur,  que  depuis  qu'il  y  est 
arrivé,  afin  de  l'instruire  et  adverlir,  d'iceux  afTaires...  »  (B.  N.,  ms.  Clairambault 
1215,  r  17  y"\ 

«  .\  fiuillaume  Pélissier,  évesque  de  Montpellier,  conseiller  du  Roy,  et  par  luy 
député  pour  aller  son  ambassadeur  devers  la  Sgrie  de  Venise,  3750  1.  t.  par  lettres 
à  Fontainebleau  le  3  février  1538  (/.539),  pour  son  estai,  vacation  cl  despense  en 
ladite  charge  de  son  aml)assadeur  durant  deux  cent  quarante  jours  commencez 
ledit  3  février  1538  (1-'>39)  et  linissans  le  dernier  septembre  prochain  qu'il  voudroit 
vacquer  en  ladite  charge  à  raison  de  10  1.  t.  par  jour.  —  Item,  1,250  1.  t.  par  lettres 
données  à  Compiègne  le  28  octobre  1530,  pour  sa  dépense  en  ladite  charge,  durant 
cent  vingl-cin<|  jours  commencez  le  1"  octobre  1539,  finissans  le  2  février  suivant  • 
(B.  N.,  ms.  Clairambault  1215,  f"  77). 

2.  Calendar  of  Stale  papers,  Spanisli,  l538-15iS,  p.  16G. 


INTRODUCTION  XXXIII 

ment  parle  Sénat  et  par  le  conseil  des  Dix,  véritable  comité  de  salut 
public,  a  dit  M.  Zeller,  et  qui  avait  une  action  prépondérante  sur  toutes 
les  aflaires.  Pour  arriver  à  pénétrer  les  secrètes  résolutions  des  Dix 
comme  à  influencer  les  votes  du  Sénat,  le  prélat  cherclia  audacieuse- 
ment  à  se  ménager  des  intelligences  dans  les  différents  groupes  poli- 
tiques. En  dépit  des  lois  sévères  qui  interdisaient  strictement  à  tous 
les  patriciens  d'avoir  aucune  relation  avec  les  ambassadeurs  étrangers, 
Pellicicr  parvint  à  gagner  les  secrétaires  des  deux  conseils  et,  par  le 
moyen  de  divers  aflidés  qui  lui  servaient  d'intermédiaires,  à  surprendre 
les  décisions  de  la  république,  et  à  déjouer  plus  aisément  les  insidieuses 
manœuvres  des  Impériaux  '.  Nous  n'avons  garde  d'entrer  ici   dans 
l'examen  détaillé  de  ces  dangereux  agissements,  non   plus  que  des 
grands  faits  politiques  de  l'ambassade,  qui  ont  été  déjà  indiqués  dans  la 
première  partie  de  cette  étude.  Entre  temps,  le  savant  évêque  mettait 
à  profil  ses  rapports  amicaux  avec  les  humanistes  italiens  et  orientaux, 
pour  enrichir  la  bibliothèque  du  roi  et  la  sienne  propre  de  manuscrits 
originaux  et  de  transcriptions  exécutées  à  grands  frais  par  d'habiles 
copistes  -.  Les  Manuce,  les  Asola,  ces  imprimeurs  célèbres,  le  fameux 
poète  et  pamphlétaire  Arétin,  alors  établi  à  Venise,  partageaient  son 
amitié  avec  les  Bolonais  Romolo  Amaseo  et  Pietro  Angelio  de  Barga, 
Girolamo  Fondulo,  de  Crémone  ^,  les  grecs  Eparchos  et  Zenos  qu'on 

1.  C'est  à  celle  diplomalie  secrète  que  se  rapporte  la  quittance  du  IG  février  1541, 
document  signé  en  toutes  lettres  du  nom  de  Pellicier  : 

«  Nous  Guillaume  Pellissier,  évesque  de  Montpellier,  conseiller  du  roy  et  son 
ambassadeur  devers  la  Seigneurie  de  Venize,  confessons  avoir  receu  comptant  de 
M"  Jehan  Duval,  aussi  conseiller  dudict  seigneur  et  trésorier  de  son  espargne,  la 
somme  de  deux  mil  deux  cens  cinquante  livres  tournois  en  M  escuz  d'or  soleil  à 
XLV  sous  tournoys  pièce,  que  messire  Octavian  Grimaldy,  aussi  conseiller  d'icelluy 
seigneur,  et  vice-président  de  ses  comptes,  nous  a  fait  tenyr  et  deslivrer  en  ceste 
ville  de  S'^enize,  et  laquelle  somme  le  roy  nostredict  seigneur  a  voullu  et  ordonné 
estre  mise  en  noz  mains  pour  deslivrer  en  cestedicte  ville  à  ung  certain  person- 
nage que  ledict  seigneur  ne  veult  estre  nommé,  auquel  il  en  a  faict  don,  en  faveur 
et  recongnoissance  de  certains  bons  et  recommandables  services  par  luy  faictz 
audict  seigneur  qui  ne  seront  cy  aultrement  déclairez.  De  laquelle  somme  de 
ii^u'l  livres  nous  .tenons  content  et  bien  payé,  et  en  avons  quitte  et  quittons  ledict 
M«  Jehan  Duval,  trésorier  susdict,  et  tous  aultres.  En  tesmoing  de  ce  nous  avons 
signé  la  présente  de  nostre  main  et  scellé  de  nostre  scel,  en  la  ville  de  Venize,  le 
xvr°  jour  de  febvrier,  l'an  mil  cinq  cens  quarante,  pour  la  tierce  quittance.  — 
G.  Pellicieu,  E.  de  Montpellier.  » 

(Original  signé,  sur  parchemin,  conservé  aux.  Archives  de  la  Société  archéologique 
de  l'Hérault). 

2.  Des  lettres  patentes  du  roi,  datées  de  Bourg-en-Bresse,  le  2  octobre  1541,  attri- 
buent la  somme  de  225  livres  tournois  à  Jean  Privât,  de  Moulières,  serviteur  de 
l'évèque  de  Montpellier,  «  pour  le  recompenser  des  fraiz  et  despenses  qu'il  a  faictes 
à  cause  de  la  voiture  et  conduicte  de  quatre  caisses  de  livres  escriptz  en  grec, 
qu'il  nous  a  fait  amener  et  conduire  depuis  Venise  jusques  ou  lieu  de  Chavaignes, 
où  nous  les  avons  receuz  pour  faire  mettre  en  nostre  librairie.  »  {Cat.  des  actes  de 
François  I",  t.  IV,  p.  24G,  n"  12,  147.  —  Cf.  Delisle,  Cabinet  des  mss.,  t.  I,  p.  157, 
■note  l,et  Omont,  dans  la  Revue  des  Bibliothèques,  1S91,  p.  162).  François  l"  était  à 
Chevagnes  (Allier)  le  27  août  1541. 

3.  Voir  Zeller,  loc.  cit.,  p.  88  et  suiv. 

Venise.  —  1540-1542.  C 


XXXIV  INTRODUCTION 

rt'nconlri'rîi  maiiilo  Cuis  au  cours  de  la  Correspondance.  MM.  Léopold 
Delisle  et  Henri  Oinunl  ont  étudié  ininutieusemcnl,  et  d'une  façon 
délinilive,  celte  face  essentielle  de  la  physionomie  de  Pellicier  ;  nous 
aurons  souvent  occasion  de  renvoyer  le  lecteur  k  leurs  travaux. 

Il  serait  plus  didicile  de  combler,  pour  la  vie  intime  du  prélat  h 
Venise,  les  lacunes  de  notre  manuscrit.  Les  lourds  soucis  de  la  diplo- 
matie, les  travaux  lilleraires  absorbaient  naturellement  la  majeure 
partie  de  son  existence,  avec  l'énorme  corresp<»ndance  journalière 
entretenue  régulièrement  avec  la  cour,  les  ambassades  de  Rome  et  de 
Conslantinople,  le  gouvernement  de  Turin,  Raguse  et  les  diverses 
principautés  italiennes  en  rapports  continuels  avec  notre  représentant. 
Une  anecdote  assez  piiiuante,  relative  à  une  visite  de  Pcllicier  à  Fer- 
rare,  dans  les  premiers  jours  de  son  arrivée  à  Venise,  nous  a  été  con- 
servée dans  une  lettre  adressée  par  Renée  à  son  gentilhomme  favori, 
Antoine  de  Pons,  alors  en  France,  le  23  juillet  1539.  «  Je  vous  dire,  lui 
écrit-elle  dans  une  orthographe  royalement  fantaisiste,  que  ier  après 
diner  (non  pas  toutefois  pour  luy;  arriva  Monsieur  de  Montpellier  à 
l'outelerie,  qui  n'avoit  encores  desjuné;  je  lui  en  envoie.  Il  estoit  si  las 
que  après  y  voulleut  un  peu  repouser,  mais  il  feut  bien  resveillé  du 
gouverneur  de  nos  ambassadeurs  qui  luy  donna  l'alarme,  luy  disant 
que  Monsieur  [le  duc]  le  venoil  voir  et  qu'il  estoit  desjà  au  pié  du 
degré.  Y  ce  leva  vitement  et  y  courent,  mes  y  ni  trouva  rien.  On  luy 
dit  que  c'étoit  un  peu  plus  avant,  tant  que  le  conduisirent  jusques  au 
château,  à  pié  et  ainsi  las,  par  le  plus  grant  extrême  chost  que  j'aye 
encores  jamais  veu,  tant  que  le  propre  jour  sont  tombés  malades  une 
infinité  de  personnes.  Sinapius  [médecin  de  la  duchesse]  en  est...  '  » 

A  part  les  rares  déplacements  de  Pcllicier  à  la  petite  cour  de  Ferrare, 
où  la  duchesse  réservait  si  gracieux  accueil  aux  lettrés  de  toute  condi- 
tion, voire  même  aux  plus  hardis  novateurs  de  France  et  de  Genève,  il  ne 
paraît  pas  que  l'évèque  se  soit  beaucoup  éloigné  de  son  poste  durant 
les  trois  années  qu'il  y  demeura  *.  Comblé  d'abord  d'honneurs  et  de 
prévenances  par  le  gouvernement  de  Venise,  favorablement  influencé 
en  faveur  du  prélat  par  son  universelle  réputation  de  science  et  d'affa- 
bilité, Pellicier.  n'avait  pas  tardé  à  éprouver,  en  raison  du  progrès  de 

1.  Celle  leltre,  publiée  par  M.  B.  Fontana,  lïenata  di  Francia,  p.  108,  a  été  citée 
par  M.  Emrn.  Rodocanachi,  Renée  de  France,  p.  liS. 

•2.  Voici,  tirées  des  Extraits  des  comptes  de  l'Épargne,  quelques  mentions  concer- 
nant l'amltas-iadeiir  : 

•  A  M.  (iuillaunic  Pélicier,  évesque  de  Montpellier,  ambassadeur  du  roy  vers  la 
Sgrie  de  Venise,  2043  l.t.  par  lettres  à  Noyon  le  9  mars  1539  [1340],  sur  son  estai, 
vacation  et  despense  en  sa  charge  d'ambassadeur  durant  149  jours  commencez  le 
:J  février  1539  [loiO],  finissans  le  dernier  juin  suivant.  —  A  Guillaume  Pellicier, 
évesque  de  Montpellier,  ambassadeur  pour  le  roy  devers  la  Sgrie  de  Venise,  2315  1.  t. 
par  lettres  à  Paris  le  i  juillet  1540,  pour  son  estât,  vacation  et  despense  en  ladite 
charg<^,  durant  18  i  jours  commencez  le  1"  juillet  1540,  finissans  le  dernier  décembre 
suivant.  •  (B.  N.,  ms.  Clairambault  1215,  f  "8  v"). 


INTRODUCTION  XXXV 

ses  intrigues  secrètes,  un  certain  refroidissement  dans  l'attitude  de  la 
république  à  son  égard.  Tous  les  moyens  semblaient  bons  à  notre 
ambassadeur  pour  nouer  des  intelligences  dans  les  divers  rangs  de  la 
société  vénitienne  :  à  côté  des  frères  Cavazza,  instruments  immédiats 
des  plus  importantes  décisions  du  Sénat  et  des  Dix,  l'ancien  avogador 
Malleo  Léon,  Gian-Francesco  Valiero,  abbé  de  Saint-Pierre-le-Vif,  les 
Strozzi  et  les  Fregoso  servaient,  concurremment  à  maints  aventuriers 
plus  obscurs,  chacun  dans  la  mesure  de  ses  ressources,  les  desseins 
téméraires  du  diplomate.  Une  noble  dame  même,  la  signora  Camilla 
Pallavicina,  qui  entretenait  sodo  coperta  di  santita,  dit  une  chronique 
anonyme  de  la  bibliothèque  de  Saint-Marc  *,  des  relations  fort  intimes 
avec  Pellicier,  excitait  également  les  soupçons  légitimes  du  gouverne- 
ment. La  conduite  privée  de  l'évêque,  d'ailleurs,  en  harmonie  avec  une 
liberté  de  mœurs  qui  choquait  alors  infiniment  moins  les  esprits  qu'elle 
ne  le  ferait  aujourd'hui,  laissait  beaucoup  à  désirer,  et  les  médisants 
avaient  beau  jeu  contre  lui.  Tliéodore  de  Bèze,  dans  son  Histoire  ecclé- 
siastique des  églises  réformées  -,  raconte  de  lui,  non  sans  raison,  que 
durant  son  séjour  à  Venise,  «  il  s'adjoignit  à  une  femme,  comme  s'il 
l'eût  espousée,  dont  il  eut  plusieurs  enfans,  qu'il  tenoit  auprès  de  soy 
comme  légitimes  ».  Cette  femme,  que  l'abbé  de  Folard,  dans  sa  biogra- 
phie manuscrite  %  nous  présente  comme  Grecque  ,  eut  de  Pellicier 
trois  fils  et  deux  filles,  auxquels  leur  père  voulut  donner  une  éduca- 
tion Ubérale  et  solide.  Le  testament  du  prélat,  qu'on  lira  ci-après,  énonce 
leurs  noms,  empruntés  en  grande  partie  à  l'antiquité  classique,  et  les 
billets  en  langue  latine  adressés  à  son  père  par  Hermione  Pellicier 
attestent  un  esprit  des  plus  cultivés  *. 

Lorsque  l'orage  qui  grondait  sourdement  sur  sa  tète,  depuis  quelque 
temps,  finit  par  éclater,  l'ambassadeur,  assiégé  dans  son  palais,  le 
21  août  1542,  par  la  force  publique,  et  contraint  de  livrer  les  cou- 
pables, ne  tarda  pas  à  quitter  Venise  où  sa  situation  était  devenue 
intolérable  '\  Les  dernières  lettres  de  notre  manuscrit,  datées  de 
septembre,  et  qui  nous  donnent  le  récit  de  ces  dramatiques  événe- 
ments, émanent  d'un  agent  subalterne  de  l'ambassade  de  France, 
malheureusement  anonyme,  et  sont  évidemment  postérieures  au  départ 
de  Pellicier.  Le  protonotaire  Jean  de  Montluc,  camérier  du  pape  et 

■i.  Avvisi  notabili  ciel  inonrlo:  Bibi.  de  Saint-Marc;  Mss,  cl.  vir,  codex  1279,  p.  26P>. 

2.  Histoire  ecclésiastique  des  enlises  réformées  au  ro;jaume  de  France;  Anvers 
(Genève),  1580,  3  vol.  in-8»;  t.  I,  p.  333;  nouvelle  édit.  de  Paris,  Fischbacher,  1883- 
1889;  3  vol.  in-8",  t.  I,  p.  379. 

3.  Voir  p.  716. 

4.  Voir  p.  697.  —  Les  ti'ois  fds  se  nommaient  César,  Hermion  et  Aslérion  ;  les 
deux  filles  Antoine  et  Hermione. 

5.  La  dernière  mention  relative  à  notre  ambassadeur,  dans  les  Extraits  des 
comptes  de  l'Épargne,  est  celle-ci  :  «  A  Guillaume  Pellicier,  etc.,  2515  1.  t.  par  lettres 
à  Joinville,  le  24  "juin  1542,  pour  184  jours,  finissans  le  dernier  décembre  1542.  • 
(B.  N.,  ms.  Clairambault  1215,  T  SO). 


XXXVI  INTRODUCTION 

résident  do  France  à  Home  ,  fui  aussilôl  déplacé,  le  'M)  octobre,  et 
envoyé  îi  Venise  pour  occuper  le  poste  devenu  vacant  '.  Reçu  en 
audience  solennelle  par  le  gouvernement  de  la  république,  vers  la  fin 
de  novembre  de  la  même  année,  il  obtint  du  Sénat  une  réponse  offi- 
cielle, en  date  du  7  décembre,  pleine  de  sentiments  de  gratitude  pour 
les  bonnes  dispositions  du  roi  qui  avait  consenti  au  retrait  de  l'ancien 
ambassadeur. 

Ce  changenu-nl,  d'ailleurs,  ne  s'était  pas  accompli  sans  diflicultés. 
La  républiijiu'  se  plaignait  à  bon  droit  des  mauvais  offices  des  agents 
fran(;ais  auprès  de  la  l'orte,  ceux-ci  ayant  instamment  invité  Tulin  à 
informer  Sulevman  des  derniers  événements,  en  lui  faisant  entendre 
>•  que  la  cause  de  tout  est  pour  avoir  fait  la  paix  avecques  luy,  et  le 
luy  faire  veoyr,  de  sorte  qu'il  cognoysse  lotlense  qu'on  luy  a  faicte  en 
cecy  '.  »  Le  roi,  d'autre  part,  avait  ressenti  très  vivement  l'insulte  faite 
à  son  représentant.  Longtemps  il  se  refusa  obstinément  à  donner 
audience  au  nouvel  ambassadeur  de  Venise,  Gian-Antonio  Veniero,  et 
la  première  fois  que  celui-ci  put  enfin  paraître  en  sa  présence  :  «  Qu'eus- 
siez-vous  fait  à  ma  place?  »  lui  demanda-l-il.  —  «  Sire,  répondit  le 
Vénitien,  si  quelque  traître  ou  rebelle  à  Votre  Majesté  se  trouvait  dans 
ma  maison,  je  le  remettrais  aussitôt  entre  vos  mains  pour  subir  sa 
peine;  et  je  serais  sévèrement  repris  de  mon  gouvernement  si  j'agissais 
autrement.  »  Montluc  et  Veniero,  par  leur  habile  diplomatie,  réus- 
sirent bient«'jt  à  rétablir  l'entente  entre  les  deux  étals;  dans  les  pre- 
miers jours  de  l'année  1543,  François  I"""  ordonnait  à  son  ambassadeur 
d'envoyer  un  exprès  à  Polin  pour  l'instruire  du  rétablissement  des 
relations  de  la  F'rance  avec  Venise.  Le  Sénat,  toutefois,  ne  rapporta 
point  le  décret  de  bannissement  qui  avait  été  rendu  contre  les  Strozzi, 
mais  il  consentit  à  verser  entre  les  mains  du  roi  la  valeur  des  biens 
confisqués  sur  la  famille  Frégose  '. 

M.  de  Hammer,  dans  son  Jlisioire  de  VEmpire  ottoman^  interprétant 
à  tort  un  passage  de  l'historien  véiiilien  Sagredo  *,  veut  que  Pellicier 

1.  "  A  Jehan  de  .Mouline,  abbé  de  llaute-FonUiine,  2475  livres  tournois  par  lettres 
à  Nérac,  le  iiénullième  octobre  1542,  pour  son  estât,  vacation  et  despense  en  la 
rhar>:c  une  le  roy  ln\  a  baillée  de  son  ambassadeur  devers  la  Seifînenrie  de  Venise, 
devers  laquelle  il  se  doibl  de  brief  rendre  en  relournaiil  de  Kome  où  lors  le  roy 
l'cnvoyoit  en  dilif-'cnce  pour  ses  alTaires,  et  ce  durant  180  jours  conimençans  au 
jour  <|uc  leilil  .Monlluc  seroit  de  retour  dudit  Koine  audit  Venise  •  (B.  N.,  ms. 
Clairanibaull  I^Ki.  P  80). 

2.  Vi)ir,  p.  OÎ'J,  la  ilépéclie  anonyme  à  l'olîn,  du  i:!  septembre. 

3.  Voir  Zcller,  p.  37(1  et  suiv.,  et  l'.Vppendice  vu,  pj».  714  cl  71.;. 

4.  Giovanni  Sagredo,  mort  vers  la  fin  du  xvii<-  siècle,  auteur  des  Memorie  islo- 
riche  dei  monnrrlii  nllumoiii:  Venise,  i('i77,  in-4",  p.  28  4.  —  Une  traduction  fran(;aise 
en  a  été  donnée  à  Paris,  I72é-I732,  4  vol.  in-12.  —  Cliarrière  (t.  1,  p.  i92)  a  fort  jus- 
tement reconnu  la  cause  de  celle  méprise  de  llammcr.  Trouvant  dans  Sagredo  le 
nom  de  Pellicier,  nrdinario  rninislro,  ambassadeur  ordinaire  (à  Venise),  rapproché 
de  celui  <le  Polin,  il  a  cru  pouvoir  l'associer  à  la  mission  de  ce  dernier  en  Turquie 
et  en  faire  un  autre  ambassadeur. 


INTRODUCTION  XXXVII 

ait,  en  quittant  Venise,  accompagné  Polin  à  Conslantinople.  Tout  au 
plus  aurait-il  pu  l'y  rejoindre;  car  le  capitaine,  au  mois  d'août  1542, 
avait  déjà  regagné  son  poste.  La  dernière  dépêche  écrite  de  Venise 
par  l'évêque  de  Montpellier,  le  20  août,  tout  agitée  et  troublée  qu'elle 
soit,  contient  un  posl-scriptum  mentionnant  un  paquet  envoyé  de 
Constantinople  par  Polin,  à  l'adresse  du  roi.  Bien  qu'une  tradition 
persistante  dans  la  famille  de  Pellicier  prétende,  au  dire  du  chanoine 
de  Folard,  que  non  seulement  l'évêque  fît  le  voyage  de  Constanti- 
nople, mais  même  y  séjourna  plusieurs  années  comme  ambassadeur  ', 
nous  ne  croyons  pas  qu'il  y  ait  lieu,  jusqu'à  nouvel  ordre,  d'admettre 
le  fait. 

Dans  tous  les  cas,  aux  États  de  Languedoc  tenus  à  Béziers,  le  2  juin 
1544,  par  convocation  extraordinaire,  et  repris  ensuite  du  26  novembre 
au  4  décembre,  nous  retrouvons  Pellicier  commissaire  royal,  et  chargé 
de  la  harangue.  L'année  suivante,  aux  sessions  extraordinaires  tenues 
à  Pézenas  le  8  février  1545,  et  le  13  mars  à  Nimes,  puis  enfin  à  Mont- 
pellier le  26  novembre,  la  présidence  est  donnée  à  notre  évêque.  Il  se 
peut  que  dans  l'intervalle  de  ces  réunions,  et  aussi  pendant  les 
années  1546  et  1547,  durant  lesquelles  nous  ne  l'y  voyons  plus  figurer, 
Pellicier  ait  résidé  à  la  cour,  où  ses  biographes  affirment  qu'il  fut 
comblé  par  le  roi  de  marques  d'estime  et  de  bienveillance.  Cependant 
tous  s'accordent  à  dire  qu'après  la  mort  de  François  I"  (31  mars  1547), 
le  prélat  se  retira  dans  son  diocèse,  où  il  trouva  son  chapitre  en  proie 
aux  querelles  et  aux  dissensions,  au  sujet  de  la  répartition  inégale  des 
revenus  entre  les  chanoines.  Il  régla  ces  différends  et  conserva  aux 
consuls  de  la  cité,  malgré  l'opposition  des  syndics  du  chapitre,  la  place 
qu'ils  occupaient  dans  l'église  Saint-Pierre  avant  son  érection  en  cathé- 
drale; mais  il  reprit  ensuite  le  chemin  de  la  cour,  après  avoir  visité  le 
diocèse  que  tant  de  motifs,  dit  Folard,  devaient  l'engager  cependant 
à  ne  point  déserter, 

A  l'assemblée  extraordinaire  des  États  tenus  à  Montpellier  les  16  et 
17  février  1548,  aussi  bien  qu'aux  assises  régulières  qui  eurent  lieu 
dans  la  même  ville,  du  2  au  15  novembre,  Pellicier  présidait  encore; 
toutefois,  nous  apprend  Dom  Vaisselle,  «  comme  ce  fut  le  seul  évêque 
qui  y  assistât,  et  qu'il  tomba  malade,  le  grand  vicaire  de  l'archevêque 
de  Narbonne  présida  le  reste  de  la  session  -.  »  Ce  fut  seulement  cette 
année-là  que  Pellicier  entra  en  possession  du  bénéfice  de  l'abbaye 
bénédictine  de  Lérins,  par  un  échange  de  son  abbaye  des  Echarlis 
quil  fit  avec  le  cardinal  du  Bellay.  Malade,  il  se  fit  représenter  par 
son  vicaire  aux  États  tenus  à  Beaucaire,  du  21  au  31  octobre  1549.  Il 
ne  parut  pas  à  ceux  de  1550,  qui  se  tinrent  en  octobre  à  Pézenas. 

1.  Voir  p.  "13. 

2.  Histoh^e  générale  du  Languedoc,  ibid.,  p.  288. 


XXXVIII  INTRODUCTION 

L'aniu-e  suivante,  les  Étals  eurent  lieu  à  Montpellier,  du  21  octobre 
au  3  novembre.  L'évéque  de  Castres  présida  la  première  séance  du 
malin,  avant  la  messe  du  Saint-Esprit;  mais  l'évéque  de  Montpellier 
se  présenta  l'après-midi,  et  présida  désormais  comme  plus  ancien,  la 
consécration  df  l'évéque  de  Castres  n'étant  que  du  14  août  1540'. 
Pellicier  cesse  dès  lors  de  ligurer  aux  ïitats  de  Languedoc  pendant  six 
années,  et  pour  cause,  les  plus  cruels  malheurs  en  effet  allaient  com- 
mencer à  fondre  sur  lui. 

A  cette  époque,  Honorât  de  Sav(»ie,  comte  de  Villars,  avait  remplacé, 
depuis  le  5  août  1547,  M.  de  liurie  comme  lieutenant  du  connétable  de 
Montmorency,  nommé  gouverneur  du  Languedoc,  le  12  avril  de  la 
même  année.  Le  calvinisme  commençait  à  se  répandre  dans  toute  celte 
province,  et  particulièrement  dans  la  région  de  Nimes  et  de  Montpel- 
lier; ses  rapides  progrès  étaient  dus  surtout,  de  l'aveu  de  Dora  Vais- 
selle, à  la  corruption  des  mœurs,  au  relâchement  de  la  discipline  ecclé- 
siastique, à  l'ignorance  du  bas  clergé,  à  la  négligence  des  évéques,  qui 
pour  la  plupart,  dévorés  par  l'ambition  et  la  cupidité,  cherchaient  avant 
toutes  choses  à  accumuler  les  bénéfices,  et  se  souciaient  fort  peu  d'ad- 
niinistrer  leurs  diocèses,  dont  ils  étaient  presque  toujours  absents, 
laissant  le  gouvernement  aux  mains  de  grands  vicaires  ^.  Au  concile 
provincial  tenu  à  IS'arbonne  du  10  au  21  décembre  lool,  nous  dit 
encore  le  même  historien  ',  aucun  évêquc  n'assista  en  personne;  tous 
se  firent  représenter  par  leurs  vicaires  et  par  des  députés  de  leurs 
églises  cathédrales.  L'évéque  d'Elne  n'envoya  même  aucun  délégué. 
Les  réunions  furent  présidées  par  Alexandre  de  Zerbinatis,  professeur 
de  droit  canon  et  protonolaire  apostolique,  grand  vicaire  du  cardinal 
François  Pisani,  archevêque  de  Narbonne.  Le  parlement  de  Toulouse, 
après  s'être  efforcé  de  sévir  par  plusieurs  arrêts  contre  ces  fâcheux 
abus,  s'attaqua  finalement  à  Pellicier  qui  précisément  alors  revenait  de 
la  cour.  Dénoncé  au  parlement  de  Languedoc,  le  prélat  se  vit,  dans  le 
cours  de  l'année  1552,  poursuivi  sous  une  triple  inculpation.  On  l'ac- 
cusait :  1°  de  tendances  calvinistes,  à  cause  de  ses  relations  avec  Pierre 
Ramus,  Guillaume  Kondelel,  et  divers  autres  érudits  dont  les  doctrines 
philosophiques  ne  laissaient  pas  d'être  suspectes;  2°  de  mal  observer 
la  règle   canonique  du   célibat,  ayant  en  effet  ramené  d'Italie   cette 

1.  I).  Vaisselle,  loc.  cit  ,  p.  'j94.  —  Nous  savons  par  une  letlre  de  Jean  Nicol, 
adressée  de  Nimes,  le  6  mai  1551,  â  Pellicier.  que  ce  dernier  résidail  alors  en  son 
chàleau  du  TerraiJ-lez-Montpellier,  où  il  vaquail  paisiblement  à  ses  éludes  favo- 
riles,  les  Commentaires  sur  l'Histoire  naturelle  de  Pline.  M.  Edmond  Falgairolle, 
dans  sa  récente  publication  sur  Nicot,  a  consacré  quelques  pages  au.x  relations  qui 
s'établirent  entre  les  ileux  savants,  dont  la  correspondance  est  malheureusement 
perdue.  V.  Edm.  Falgairolle,  Jean  Nicol.  ambassadeur  de  France  en  Portugal,  au 
XV If  siècle;  sa  correspondance  diplomatique  inédite,  avec  un  fac-similé  en  photo- 
typie;  Paris,  Challamel,  1897,  in-8°. 

2.  D.  Vaisselle,  loc.  cit.,  p.  280.  —  Voir  aussi  l'Appendice  vu,  p.  "lo  et  716. 

3.  Ibid.,  p.  296. 


INTRODUCTION  XXXIX 

femme  grecque  avec  laquelle  il  vivait  ouvertement  en  concubinage; 
3°  de  faire  passer  tous  ses  revenus  à  Tentrelien  et  à  l'enrichissement 
de  celte  femme,  et  lorsque  ses  ressources  personnelles  ne  sutlisaient 
plus,  d'y  engloutir  en  outre  le  bien  d'autrui,  en  extorquant  Turgent  de 
ses  serviteurs  et  de  ses  fidèles,  par  toutes  sortes  de  vexations,  de  vols 
et  de  rapines.  Malgré  l'exagération  de  ces  griefs,  qui  furent  en  partie 
reconnus  faux  par  la  suite,  le  parlement  de  Toulouse  n'eut  pas  de  peine 
à  les  admettre  d'abord  pour  vrais,  et  le  comte  de  Villars  fut  chargé 
d'exécuter  l'arrêt  qui  avait  été  rendu  contre  l'évéque.  Par  son  ordre, 
Pellicier  fut  emprisonné  dans  le  château  de  Beaucaire.  Là  il  passa  plu- 
sieurs mois  enfermé  dans  un  sombre  cachot  et  traité  avec  la  plus 
extrême  rigueur,  privé  de  toutes  les  ressources  nécessaires  à  la  vie,  au 
point  d'être  obligé  de  mendier  auprès  de  son  geôlier  la  faveur  d'un  peu 
de  vin  pour  réparer  ses  forces  épuisées,  d'un  peu  d'huile  pour  ali- 
menter la  lampe  qui  servait  à  éclairer  ses  veilles  studieuses.  En  même 
temps,  le  comte  de  "Villars  avait  confisqué  ses  biens,  dont  il  percevait 
les  revenus  à  son  profit,  dit  Folard. 

Abandonné  de  son  clergé,  l'évéque  eût  pu  languir  indéfiniment  dans 
cette  étroite  et  cruelle  captivité,  si  le  chapitre  de  Narbonne  et  les  évo- 
ques de  la  province,  touchés  de  cette  lamentable  situation,  n'avaient 
obtenu,  à  force  de  démarches  et  de  supplications,  que  Pellicier  fût 
admis  à  plaider  lui-même  sa  cause.  Aisément  il  parvint  à  se  justifier 
des  accusations  d'hérésie  et  de  péculat;  mais  il  lui  était  moins  facile 
de  prouver  la  parfaite  pureté  de  ses  mœurs.  Il  était  de  notoriété 
publique  que  cette  Grecque  avait  été  ramenée  par  lui  à  Montpellier  et 
par  lui  entretenue  dans  sa  maison.  Toutefois  maints  exemples  analo- 
gues tolérés  par  les  mœurs  du  temps  pouvaient  être  invoqués  pour 
l'atténuation  de  son  crime  '  ;  cette  circonstance  lui  fit  trouver  grâce 
devant  ses  juges.  Pellicier  sortit  finalement  de  ce  procès  entièrement 
absous  et  rétabli  dans  sa  situation  et  dans  tous  ses  biens.  Le  person- 
nage assez  obscur  qui  l'avait  dénoncé  par  des  manœuvres  calom- 
nieuses, en  subornant  contre  lui  des  faux  témoins,  fut  à  son  tour  tra- 
duit en  jugement,  condamné  à  mort  devant  le  Grand  Conseil  du  roi, 
et  pendu;  sa  tête,  séparée  ensuite  du  corps,  fut  fixée  à  un  pieu  placé 
au  sommet  de  la  porte  de  Lattes,  à  Montpellier,  et  exposée  à  tous  les 
regards  ^. 

Cependant  Pellicier,  malgré  cette  complète  réhabilitation,  demeura 
profondément  atteint  dans  sa  dignité  par  le  coup  terrible  qui  l'avait 
frappé.  Retiré  dans  la  solitude  de  sa  bibliothèque,  il  semble  s'être 

1.  Nous  avons  rencontré  dans  le  Catalogue  des  actes  de  François  I"'  un  grand 
nombre  de  légitimations  d'enfants  d'évêques  et  de  clercs.  Pellicier  obtint-il  pour 
les  siens  la  même  faveur?  il  est  permis  d'en  douter,  un  procès  ayant  été  soulevé, 
sans  doute  à  leur  occasion,  peu  de  temps  après  sa  mort. 

2.  V.  Zeller,  p.  380  et  suiv.,  et  l'Appendice  vu,  p.  716  et  117. 


XL  INTRODUCTION 

absorbé  plus  que  jamais  dans  ses  chères  éludes,  comme  s'il  eût  eu 
lionte  de  s'exposer  doréiiavanl  aux  yeux  des  hommes  '.  Les  troubles 
civils  suscites  bienlôl  par  le  développomonl  du  proteslanlisine  ne 
devaient  pas  même  le  laissiT  jouir  de  celle  suprême  consolalion.  La 
situaliun  du  prélat,  ti  l'égard  des  calvinistes,  était  en  réalité  fort  com- 
promise. Non  seulement,  par  ses  ferventes  amitiés  comme  par  le  libé- 
ralisme de  ses  propres  doctrines,  il  s'était  mêlé  de  fort  prés  au  mou- 
vement réformateur  qui  agitait  les  esprits;  non  seulement,  par  la  cou- 
pable légèreté  de  sa  conduite,  il  avait  paru  encourager  ouvertement  et 
fortilier  de  son  exemple  les  théories  condamnées,  mais  encore  il  comp- 
tait, dans  sa  famille  même,  parmi  ses  proches,  des  adversaires  de  l'or- 
thodoxie, et  des  partisans  décidés  de  la  religion  persécutée.  Les 
.Mémoires  de  Félix  IMalter,  de  Bàle,  qui  étudiait  la  médecine  à  Mont- 
pellier à  cette  époque,  rapportent  que  «  le  21  mars  1554,  on  brûla  en 
efligie,  sur  la  place,  la  sœur  de  l'évéque  de  Montpellier  et  son  mari, 
sous  la  forme  de  deux  mannequins  halullés  »  *.  Une  pareille  condam- 
nation ne  pouvait  guère  être  prononcée  que  pour  le  fait  d'hérésie.  De 
plus,  un  neveu  de  Pellicier,  Antoine,  fils  d'Antoine  Pellicier  son  propre 
frère,  devint  ministre  de  l'église  réformée  ^. 

Dans  ces  difliciles  conjonctures,  où  des  caractères  plus  fortement 
trempés  que  le  sien  n'auraient  sans  doute  pas  été  sans  défaillance,  le 
prélat  dut  se  trouver  plus  d'une  fois  en  un  cruel  embarras.  Il  avait  été 
d'abord  assez  bien  servi,  dans  la  carrière  diplomatique,  par  certaines 
qualités  brillantes  :  un  esprit  fin,  délié;  une  rare  culture  intellectuelle, 
une  compréhension  large,  une  rapide  entente  des  affaires,  et  une  amé- 

1.  V.  Appeiulicc  vn,  p.  717. 

■2.  Thomas  iind  Félix  Vlaller,  Leipzig,  1878,  in-8%  p.  221.  —  Le  père  et  le  fils, 
Tliomas  et  Félix  Flatter,  ont  laissé  tous  deux  des  Méinoires  intéressants,  dont  une 
traduction  partielle  a  été  publiée  à  Genève  en  18G6  par  MM.  Edouard  Fick  et 
Fecliter.  —  Nous  savons  par  le  testament  du  3  novembre  loG7  que  Pellicier  avait 
un  frère  marie  (Antoine,  mort  avant  l.j67),  et  quatre  sœurs,  toutes  également 
mariées  (Jeanne,  veuve  avant  1307  d'un  sieur  Rossel;  Péronne,  femme  de  Guil- 
laume Gaprerié;  .Maurice  et  Jaquette,  mortes  avant  1567.  Cette  dernière  était  restée 
veuve  d'un  sieur  Dnranc).  Or  on  trouve,  à  cette  époque,  un  Duranc  et  un  Rossel 
parmi  les  ministres  réformés  de  la  répion.  Ce  pourraient  donc  être,  dune  part, 
Antoine  Rossel,  natif  de  Toulouse,  élu  ministre  de  Mazamet  au  colloque  de  Castres 
•  le  20  février  \">f>'i,  à  la  Nativité  de  Jésus-Christ  »  ;  il  y  exerçait  encore  en  jan- 
vier l.'i'.)4;  —  de  l'autre,  un  sieur  du  Ranc,  ayant  femme  et  enfants,  ministre  établi 
dans  le  diocèse  d'Uzès  en  juillet  1568  (Bulletin  de  la  Soc.  d'/iisL  du  protestantisme 
français,  t.  X.XI,  p.  133;  t.  XXll,  p.  28;  t.  XXllI,  p.  469). 

3.  Antoine  Pellicier,  marié,  ayant  femme  et  enfants,  servant  à  Aulas,  viguerie 
du  Vigan,  ligure  en  Juillet  l.iOS  dans  VÉlat  f/énéral  des  7ninisfres  résidant  dans  les 
diocèses  de  Nimes,  Vzès,  Mende,  etc.  {Bulletin  de  la  Soc.  d'hisl.  du  protestantisme 
français,  t.  xxi,  p.  132).  Antoine  Pellicier  fut  au  nombre  des  principaux  fauteurs  de 
désordres  condamnés  a  mort  par  contumace,  en  vertu  d'un  arrêt  rendu  en  mars 
l.ji)9  par  le  parlement  de  Toulouse  (D.  Vaissette,  t.  XI,  p.  493).  Nous  rencontrons 
enfin  le  même  Antoine  Pellicier  à  l'assemblée  générale  des  réfortnés  qui  fut  tenue 
à  Nimes  le  1"  décembre  1509  {Bulletin  de  la  Soc.  de  ildst.  du  protestant,  fr.,  t.  xxvi, 
p.  353). 


INTRODUCTION  XLI 

nité  parfaite.  Mais  cet  homme  orné  de  tant  d'intelligence  et  d'érudi- 
tion avait,  par  contre,  les  défauts  de  ses  qualités.  Jaloux  d'assurer 
avant  tout  la  tranquillité  de  ses  chères  études,  ami  d'un  doux  épicu- 
risme  que  la  fréquentation  de  la  cour  et  ses  divers  séjours  en  Italie 
avait  singulièrement  développé  en  lui,  il  demeurait  parfois  sans 
défense  contre  les  retours  imprévus  de  la  mauvaise  fortune,  et  man- 
quait tout  à  coup  de  ressort  au  moment  où  il  eût  eu  le  plus  besoin  de 
toute  son  énergie.  De  là  des  faiblesses  regrettables  dans  la  vie  du  diplo- 
mate et  surtout  de  l'homme  d'église.  L'agitation  des  réformes  allait 
s'exacerbant  chaque  année  davantage  dans  le  diocèse,  et  Théodore 
de  Bèze  reproche  amèrement  à  Pellicier  d'avoir,  pour  recouvrer  son 
influence  perdue,  secondé  de  tout  son  pouvoir  la  répression  de  l'hérésie 
naissante.  Désormais,  dit-il,  «  pour  faire  du  bon  valet,  il  feit  du  pis  qu'il 
lay  fut  possible  à  ceux  de  la  religion,  jusques  à  la  mort,  sans  toutesfois 
qu'il  ait  jamais  regagné  son  crédit,  estant  mort  finalement  hébété  d'es- 
prit, et  sans  aucun  honneur  ni  réputation  »  '.  Le  reproche  est  rude  et 
le  jugement  véritablement  outré.  Cependant  les  Mémoires  de  Flatter 
nous  montrent  encore  Pellicier  présidant,  le  IG  octobre  loo3,  à  la 
dégradation  solennelle  d'un  prêtre  de  Montauban,  Guillaume  Dalençon, 
qui  avait  rapporté  des  livres  protestants  de  Genève.  Livré  à  la  justice 
séculière  le  G  janvier  suivant,  le  misérable  fut  condamné  à  mort  et 
exécuté*.  Déjà  l'on  sentait  de  tous  côtés  fermenter  dans  les  âmes  un 
levain  de  haine  et  de  discorde.  Le  massacre  des  Vaudois  (avril  1545), 
dont  les  atrocités  doivent  peser  en  partie  sur  la  mémoire  du  capitaine 
Polin,  devenu  baron  de  la  Garde,  en  inaugurant  l'ère  tragique  des  per- 
sécutions et  des  supplices,  répandit  la  consternation  dans  tout  le  midi 
de  la  France,  avec  le  désir  fatal  de  sanglantes  représailles. 

Aux  États  tenus  à  Montpellier,  du  24  septembre  au  4  octobre  1554, 
sous  la  présidence  de  Jean  Bessoich,  vicaire  général  de  Narbonne,  on 
pria  le  roi  d'ordonner,  en  vertu  de  l'édit  du  31  mai  1547,  que  les 
archevêques  et  évêques  du  Languedoc  fussent  tenus  d'assister  en  per- 
sonne à  l'assemblée  des  États.  Le  même  vœu  fut  renouvelé  l'année 
suivante,  en  septembre,  aux  États  de  Carcassonne,  où  l'entrée  fut 
refusée  au  vicaire  général  de  Montpellier,  sous  prétexte  qu'il  était  con- 
seiller au  présidial.  Comme,  malgré  les  ordres  du  roi  et  les  déhbéra- 
tions  des  assemblées,  la  plupart  des  évêques  étaient  généralement 
absents,  on  supplia  le  roi  d'obliger  au  moins  deux  ou  trois  des  vingt- 
deux  évêques  qui  composaient  le  clergé  de  la  province  d'assister  aux 
États  en  personne,  à  peine  de  cinq  cents  livres  d'amende.  Aux  États 
de  Lavaur  (26  seplembre-5  octobre  looG),  on  exclut  encore  le  grand- 
vicaire  de  Montpellier  parce  qu'il  n'était  pas  dans  les  ordres,  in  sacris, 

1.  Hist.  ecclésiast.  des  églises  réformées,  t.  I,  p.  333. 

2.  Mém.  de  Félix  Plaite'r;  Genève,  Fick,  1866,  in-8°,  p.  57.  —  Cité  par  A.  Germain, 
La  Renaissance  à  Montpellier  :  Montpellier,  1871,  in-4%  p.  91. 


XLII  INTHÛDUCTION 

et  l'on  prescrivit  qu'à  l'avenir  tous  les  vicaires  qui  ne  rempliraient  pas 
cette  condition  seraient  exclus.  Le  roi  avait  promulgué,  le  24  avril  de 
celle  année-là,  des  lettres,  obligeant  au  moins  deux  évêques,  à  tour  de 
r(*tle,  à  assister  en  perscmne  aux  ^Jtats  '  ;  eniin,  le  1""  mai  1557,  ledit  de 
Villers  Colterels  imposait  aux  archevt'qucs  et  évêques  la  résidence 
dans  leurs  héuélices. 

Pellicier  fut  encore  absent  des  États  de  1557,  qui  se  tinrent  pourtant 
à  Montpellier  du  2G  septembre  au  8  octobre,  sous  la  présidence  de 
Tévéque  dX'zès,  Jean  de  Saint-Gelais,  déposé  plus  tard  comme  suspect 
de  protestantisme;  mais  à  conjpter  de  la  session  suivante,  on  le  voit 
reparaître  avec  une  remarquable  assiduité.  Il  présidait  à  Montpellier 
les  Étals  de  1.558  (9-IÎ)  novembre);  mais  comme  il  tomba  malade  au 
bout  de  quelques  jours,  François  de  Faucon,  évêque  de  Carcassonne, 
prit  sa  place.  Pellicier  présida  encore  à  Nimes,  du  2G  octobre  au 
8  novembre  155'J,  la  tenue  annuelle,  puis  à  Montpellier  l'assemblée 
extraordinaire  ouverte  du  21  au  25  mars  1500. 

La  situation  politique  et  religieuse  allait  s'aggravant  de  jour  en  jour 
dans  la  contrée.  A  Montpellier  même,  où  la  plupart  des  habitants 
avaient  embrassé  les  idées  de  la  réforme,  un  ministre  nimois,  Guil- 
laume Maugel,  vint,  sur  leur  demande,  organiser  la  nouvelle  église,  en 
février  150().  Il  était  assisté  des  sieurs  Claude  Formy,  diacre,  et  Jean  de 
la  Chasse,  dit  Chassanion,  qu'il  laissa  derrière  lui  comme  ministres 
chargés  de  l'exercice  du  culte.  Chassanion,  venu  de  Genève  au  mois  de 
juillet  de  la  môme  année,  commença  par  tenir  des  assemblées  secrètes, 
puis  publiques,  que  l'autorité  civile  dissipa.  Les  religionnaires  se  sou- 
levèrent alors,  s'emparèrent  de  l'église  Saint-Mathieu  et  y  établirent 
leur  prêche.  Expulsés  par  le  juge  criminel,  ils  revinrent  bientôt  en 
armes,  encouragés  par  le  mouvement  populaire  28  juillet).  L'évêque 
et  les  olliciers  royaux,  déconcertés,  durent  se  contenter  de  garder 
l'expectative  et  d'en  référer  à  la  cour  -.  Les  chanoines  de  la  cathédrale 


1.  1).  Vaisselle,  loc.  cit.,  p.  312,  315  el  318.  —  On  enregistra  de  nouveau,  à  cette 
occasion,  l'édil  rendu  par  François  I",  le  28  mars  1532,  à  Saint-Marcoul  de  Cor- 
bcny,  pour  ordonner  aux  évèqucs,  abbés  el  autres  prélats  et  seigneurs  qui  avaient 
accoutumé  d'assister  aux  États,  et  qui  y  étaient  appelés  par  le  roi,  de  s'y  trouver 
en  personne,  à  moins  d'un  légitime  empêchement,  avec  défense  à  l'avenir  d'envoyer 
des  procurations  en  blanc;  on  enregistra  également  l'édil  du  31  mai  1547,  confir- 
mant le  précédent,  avec  pouvoir  au  président  de  frapper  d'amendes  arbitraires  les 
défaillants. 

2.  •  Messire  Guillaume  de  Pélissier,  raconte  naïvement  Gariel  {L'origine,  les  clian- 
gemens  de  restât  présent  de  l'église  de  la  cathédrale  de  Saint  Pierre  de  Mompelier 
A  Mompelier,  par  Jean  Pecli,  mu  c  xxxiv,  pet.  in-8',  p.  119),  reçut  la  triste  nou- 
velle de  ce  débordement  dans  un  chasteau  [sans  doute  Montferrand]  où  il  s'esloil 
retiré  pour  ne  pas  voir  les  confusions  publiques,  el  pour  se  divertir  après  son 
Pline.  La  douleur  qu'il  en  ressentit  l'obligea  à  dépescher  aussitost  au  Roy,  à  la 
Itcyne  Mère  et  au  Cardinal  de  Lorraine,  afin  de  leur  en  donner  advis  et  les  prier 
de  mettre  quelque  frain  aux  séditieux,  de  peur  qu'il  ne  s'en  prinssent  aux  vies, 
lorsqu'ils  trouveroient  les  églises  vuides,  et  que  la  ville  ne  devint  un  cemelière,  ou 


INTRODUCTION  XLIII 

fermèrent  les  portes  et  placèrent  quelques  troupes  dans  le  vestibule 
qui  la  précédait;  les  notables  de  la  ville,  inquiets,  s'y  réfugièrent.  Le 
8  octobre,  les  gens  de  la  cour  des  aides  décidèrent  de  mander  le  comte 
de  Villars  au  secours  de  leur  cité.  Villars  arrive  à  Beaucaire  à  la  tête 

un  charnier  de  Catholiques.  Nous  avons  trouvé  la  minute  de  la  lettre  qu'il  escrivit 
à  Catherine  de  Médicis,  laquelle  nous  donnons  au  lecteur,  sans  y  avoir  fait  chose 
aucune  que  l'ageancer,  d'autant  qu'elle  esloit  toute  confuse.  Elle  est  de  la  sorte  : 

»  Madame, 

••  La  ville  de  Mompelier.  qui  avoit  esté  durant  tant  de  siècles  le  Ihrosne  de  la 
«  dévotion  et  les  chères  délices  de  la  Reync  du  ciel,  est  maintenant  tombée,  par 
«  It^  courroux  de  Dieu,  dans  un  cspouvantalile  goufre  de  malheurs.  L'hérésie  qui 
«  désole  ce  pauvre  royaume,  et  qui  vous  donne  tant  de  peines  et  de  soins,  s'y  est 
«  rendiie  la  plus  forte  par  l'infidélité  de  quelques  apostats,  cl  sa  rage  est  venue 
«  jusques  à  ce  point  que  tout  ce  que  l'histoire  harbare  a  de  plus  noir  est  trop  peu 
«  de  chose  pour  l'exprimer.  Je  vous  ne  diray  point.  Madame,  ses  sacrilèges,  ses 
«  meurtres,  ses  impudicitez,  ses  parjures  et  ses  blasphèmes.  Vous  n'avez  que  trop 
«  souvent  les  oreilles  batiies,  et  le  cœur  percé  du  récit  de  ces  crimes,  et  ce  n'est 
«  pas  seulement  icy  qu'ils  se  commettent.  Je  ne  vous  diray  point  aussi  les  maux 
•  que  mon  clergé  a  soufferts,  ni  les  funestes  appréhensions  qui  se  sont  formées 
«  dans  nos  âmes.  Vos  espines  sont  bien  plus  piquantes  que  les  nostres,  et  quelque 
«  exposez  que  nous  soyons  à  la  gueule  des  tigres,  nous  n'avons  pas  tant  d'ennemis 
«  à  craindre  ou  à  combattre  que  vous.  Seulement,  Madame,  je  vous  supplicray  très 
"  humblement,  et  s'il  est  permis  de  vous  parler  ainsi,  je  vous  conjureray  par  vostre 
«  zèle  à  la  foy,  jiar  vostre  afl'ection  envers  le  Roy  et  la  Couronne,  par  vostre  com- 
«  passion  envers  les  affligez,  et  par  vostre  charité  envers  tous  les  pauvres  Catholi- 
«  ques.  Je  vous  conjureray,  dis-je,  Madame,  de  vous  souvenir  de  nous,  et  de  pro- 
«  curer  un  ordre  exprès  à  ceux  qui  ont  l'honneur  de  commander  les  armes  du 
«  Roy  en  la  province,  afin  que  nous  puissions  réprimer  les  fureurs  de  ces  mons- 
«  très,  qui  se  promettent  d'esleindre  la  vraye  religion,  et  d'enfermer  dans  un 
«  mesme  tombeau  tous  les  religieux,  pour  mettre  en  nostre  place  des  grenouilles 
«  de  Genève  ou  des  serpens  de  Zuric.  Je  prens  la  hardiesse  d'en  escrire  à  Sa 
«  .Majesté.  Vostre  intercession  peut  tout,  Madame.  Vous  estes  nostre  refuge.  Si  vous 
«  ne  nous  donnez  quelques-unes  de  vos  pensées,  nous  ne  pouvons  que  périr,  et 
«  ce  seroit  peu  de  chose  que  nostre  perte,  si  la  foy  ne  couroit  la  mesme  fortune. 
«  Faites,  Madame,  que  nous  soyons  humainement  redevables  de  nostre  salut  à 
'<  votre  pilié,  et  que  vos  veilles  rendent  à  Dieu  ses  autels,  aux  Catholiques  leurs 
«  maisons,  et  à  tout  le  diocèse  le  repos  qu'il  a  perdu,  depuis  que  les  nouveautez 
«  de  l'Ange  exterminateur  s'y  sont  glissées,  etc.  » 

Le  même  Gariel,  dans  sa  Séries  prssulum  Magalonensium  (p.  '239),  et  Théodore 
de  Bèze,  dans  son  Histoire  des  églises  réformées  (t.  I,  p.  379),  ont  publié  la  réponse 
du  cardinal  de  Lorraine. 

«  Monsieur  de  Montpelier,  je  n'ay  failly  de  faire  entendre  très  bien  au  Roy  ce 
que  m'avez  escript  touchant  les  scandales  et  illicites  assemblées  de  ces  malheu- 
reux hérétiques.  A  quoy,  pour  vous  y  avoir  esté  amplement  répondu  par  Sa  Majesté, 
je  ne  vous  feray  autre  discours  par  la  présente,  sinon  que  je  vous  prieray  avoir 
esgard  que  c'est  à  nous  maintenant  de  nous  delTendre,  et  à  n'espargner  aucun  de 
nos  moyens  et  facultez  pour  essayer  à  repousser  les  injures  et  les  insolences  de  ces 
malheureux  séditieux.  Et  pour  cette  cause  adviserés  de  suivre  et  accomplir  ce  que 
Sa  Majesté  vous  a  commandé  par  ses  lettres,  vous  priant  sur  toutes  choses  d'avoir 
l'œil  ouvert  à  ce  que  telles  assemblées  illicites  et  prédications  défendues  ne  se 
fassent  en  vostre  diocèse,  dont  advertirez  d'heure  à  heure  Monsieur  le  comte  de 
Vilars,  qui  aura  la  force  et  le  moyen  d'y  remédier  et  qui  a  commandement  de  Sa 
Majesté  de  tailler  en  pièces  tous  ceux  qui  se  voudront  oublier  en  cet  endroit.  Et 
sur  ce  je  prieray  Dieu  de  vous  conserver  en  santé. 

«  Vostre  bon  frère,  Charles,  cardinal  de  Lorraine. 

Escript  à  Argeville,  l'an  1560  ». 


XLIV  INTRODUCTION 

d'un  corps  de  troupes  et  assiste  comme  principal  commissaire  du  roi 
aux  États  tenus  dans  celle  vill»*,  du  1 1  au  "il  octobre.  De  là,  il  envoie  à 
Monlpellior  M.  de  Saint-André,  de  la  maison  de  Montdragon  en  Avi- 
gnonnais,  qui  fiiil  son  entrée  le  15  octobre,  comme  délégué  royal.  Les 
protrslants  cl  K-iirs  ministres  s'enfuient;  Pellicicr  et  son  chapitre,  le 
jug<'-ma,Ke  et  les  princi|iaux  catholiciues,  qui  s'étaient  enfermés  dans 
l'église  et  le  fort  Saint-lMerre,  en  sortent  et  en  retirent  la  garnison. 
Saint-André  prend  les  clefs  de  la  place,  en  fait  murer  les  portes,  à 
l'exception  de  deux  où  il  met  une  garde.  Il  fait  dresser  des  gibets  aux 
dilTérenls  points  de  la  ville  et  apporter  toutes  les  armes.  Sur  ces  entre- 
faites, le  comte  de  Villars,  de  retour  d'une  courte  expédition  dans  les 
Cévennes,  entrait  à  son  tour  dans  Montpellier  le  samedi  IG  novembre, 
et  complétait  la  paciiicalion.  Il  n'y  séjourna  d'ailleurs  ([ue  deux  ou 
trois  jours. 

Au  printemps  de  l'année  suivante  les  troubles  se  renouvellent  :  les 
prêches  recommencent  dans  les  maisons  particulières;  les  enfants, 
attroupés  dans  les  rues,  chantent  des  psaumes  en  langue  vulgaire.  Le 
gouverneur,  Pierre  de  Bourdic,  sieur  de  Villeneuve,  tolère  celte  pre- 
mière efTervescence,  qui  cesse  d'ailleurs  en  mars,  pendant  la  tenue  des 
États.  Celle  session  extraordinaire  (20-:2:i  mars  1561)  eut  lieu  sur  la 
convocation  du  roi;  Pellicier  la  présidait,  comme  étant  le  plus  ancien 
évéque.  Le  principal  commissaire  royal  était  Guillaume,  vicomte  de 
Joyeuse,  gentilhomme  ordinaire  de  la  chambre,  établi  lieutenant- 
général  en  Languedoc  depuis  le  A  mars,  sur  la  démission  du  comte  de 
"Villars,  appelé  auprès  du  roi;  après  son  départ,  et  à  l'issue  des  fêles 
de  Pâques,  l'agitation  se  réveille  avec  plus  de  violence.  Le  13  juil- 
let loGl,  la  prédication  fut  faite  publiquement  dans  le  palais  de 
l'évèque,  qui  avait  été  contraint  à  s'en  échapper  '.  Quelques  jours  plus 
lard,  Pellicier,  fort  de  l'édit  récent  qui  interdisait  les  réunions  des 
réformés,  se  rendit  à  l'assemblée    protestante,  tenue  alors  chez  un 

I.  D.  Vaisselle,  édil.  nouvelle.  Notes;  l.  xii,  p.  83.  —  Pellicier  était  encore  à 
Monlpellier  le  15  mai;  il  adressail  ;i  la  reine-mère  la  lettre  suivante  : 

«  .Madame,  les  troubles  sur  le  faicl  de  la  religion  ont  esté  et  sont  si  grans  en  ce 
pays  (|ue  le  pouvre  clergé  n'a  moyen  de  respirer  pour  payer  les  décymes  et  faire 
leur  charge,  si  ce  temps  dure;  de  manière  que  de  ma  part  je  me  trouve  en  telle 
extrémité  comme  aussi  fait  mon  chapitre  que  n'avons  faveur  aulcun  pour  le  recou- 
vrement des  droiz  de  nos  esgliscs,  el  nous  trouvons  sans  crédit  pour  recouvrer 
deniers.  Que  a  esté  cause  que  n'avons  peu  fournir  les  xi'  livres  qui  nous  ont  esté 
demandées  par  eiuprunipl  de  la  part  du  Roy,  vous  suppliant  très  humblement, 
Madame,  avoir  esganl  aux  grans  fraiz  el  despens  qu'il  nous  a  convenu  porter  pour 
la  conservation  de  nos  csglises  et  résister  aux  ellorlz  des  troubleurs  de  nostre 
ordre  ecclésiasticiue  mesme  en  mon  diocèse  où  les  entreprinses  de  telle  manière  de 
gens  a  esté  plus  grande  que  en  autre  diocèse  de  ce  pays,  et  nous  faire  tant  de  bien 
que  le  bon  plaisir  du  Uoy  soit  de  nous  descharger  dudicl  emprumpt;  car  s'il 
ne  vous  plaist  avoir  pitié  de  nous,  il  nous  est  jtresque  impossible  de  soustenir  le 
faix,  bien  «juc  nous  taschons  à  faire  ce  que  nous  pouvons  pour  remédier  ausdits 
troubles. 

«  Madame,  je  suis  après  à  faire  amas  des  graines  de  ce  pays  les  plus  exquises 


INTRODUCTION  XLV 

marchand,  nommé  François  Maupeau.  Il  s'élail  fait  accompagner,  pour 
sa  sécurité  personnelle,  de  quelques  gendarmes  et  archers  de  la  com- 
pagnie d'Antoine  de  Lomagne,  sieur  de  Terride;  l'insolence  de  cette 
suite,  au  dii-e  de  Théodore  de  Bèze  ',  amena  une  collision  dans  laquelle 
le  prélat  dut  se  retirer  en  toute  hâle,  ayant  eu  plusieurs  de  ses  gens 
tués  ou  blessés. 

Plusieurs  témoignages  contemporains  accusent  formellement  le 
parti  catholique  d'avoir,  par  des  menaces  et  des  insultes  réitérées, 
provoqué  les  représailles  des  calvinistes.  Durant  plusieurs  dimanches 
de  suite,  en  août  et  septembre,  des  processions  tumultueuses  accom- 
pagnaient la  remise  du  pain  bénit  dans  les  maisons  particulières  :  des 
femmes  du  peuple,  portant  une  grande  croix  de  bois,  une  crosse  et 
une  enseigne  de  guerre  déployée,  suivies  d'hommes  armés  de  dagues 
et  de  sachets  de  pierres  cachés  sous  leurs  manteaux,  allaient  chantant 
et  criant  par  les  rues,  au  son  des  hautbois,  des  trompettes  et  des  lam. 
bours,  et  affectaient  de  narguer  les  religionnaires  en  passant  devant 
leurs  logis.  L'évêque  lui-même,  les  chanoines  et  le  juge-mage  auraient 
encouragé  ces  manifestations  regrettables  en  faisant  boire  et  subven- 
tionnant les  joueurs  de  trompettes  et  de  tambours  -. 

Cependant  le  parlement  de  Toulouse  ne  cessait  d'adresser,  par  des 
messages  successifs,  ses  doléances  à  la  reine-mère  sur  les  graves  évé- 
nements qui  se  précipitaient  coup  sur  coup  dans  la  région.  Le  24  sep- 
tembre 1561,  les  religionnaires  s'emparèrent  à  main  armée  de  l'église 
Notre-Dame,  principale  paroisse  de  Montpellier,  qui  reçut  le  nom  de 
Temple  de  la  Loge  ^  Jean  de  la  Chaume,  seigneur  de  Poussan,  premier 
consul  de  la  cité,  et  dont  la  prudence  avait  déjà  su,  précédemment, 
éviter  des  troubles  sanglants  entre  les  deux  partis,  fit  inventorier  les 
ornements  et  reliquaires  du  trésor,  qui  fut  transporté  à  l'hôtel  de  ville. 
On  prit  les  clefs  de  l'église,  on  en  expulsa  le  clergé,  et  le  soir  même 

que  je  pourray  recouvrer,  soit  pour  jardiiiaige  ou  autrement,  et  les  vous  envoyer 
au  premier  jour  avec  quelques  autres  singularitcz  d'herbes  de  ce  pays. 

«  Madame,  je  prieray  le  Créateur  pour  Teslat,  prospérité  et  santé  du  Roy,  et 
vostre,  et  de  tout  le  Royaume.  — A  Montpellier,  ce   quinzième  jour  de  may. 

«  Vostre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur 
»  G.,  E.  de  Montpellier  ». 
Au  dos  :  «  A  la  Roync  ». 
«  L'évcsque  de  Montpellier,  xv   may  loGl.  »  —  B.  X.,  ms.  fr.  3186,  i"  117.  Original, 
souscription  autographe,  signé. 

1.  Loc.  cit.,  t.  I,  p.  882,  édil.  nouvelle,  p.  970. 

2.  «  La  plus  infime  populace,  par  trois  suyvans  dimanches,  au  nombre  de  cinq 
à  six  cens  hommes,  s'en  alla  avec  leurs  femmes  et  enfans,  armez  de  pierres  et 
autres  secrètes  armes,  les  enseignes  déployées,  tabourins  batans,  dansant,  sautant 
comme  les  Coribandes  et  Manades  du  temps  passé,  criant  :  <•  En  despit  des  liugue- 
«  nols,  nous  danserons...  »  Et  pour  beau  triomphe,  l'évesque  leur  donna  de  l'ar- 
gent, ce  qu'il  ne  fit  jamais  à  un  povre.  Vray  est  qu'il  semble  avoir  quelque  excuse, 
estant  bien  fort  chargé  d'enfans  et  putains...  »  (Complainte  apologique  de  1361.  — 
V.  Bèze,  ibid.) 

3.  D.  Vaisselle,  édit.  nouvelle.  Xotes;  t.  XII,  p.  85. 


XLVl  INTKOLiUCTlON 

un  prùche  s'y  trouvait  inslallo.  Kirrayés,  les  prêtres  des  aulres  églises 
déménagèrent  leurs  meubles  précieux  et  les  appoilèrenl  dans  la 
cnlliédiale  de  Saiul-lMerrc,  dont  le  vestibule  et  les  hautes  murailles 
formaient  une  sorte  lU;  forteresse  où  les  chanoines,  avec  l'autorisation 
de  Joyeuse,  établirent  une  garnison. 

En  présence  d'une  nouvelle  levée  d'armes  des  calvinistes,  l'évêque, 
le  gouverneur  et  le  juge-mage,  impuissants  à  réagii-,  prirent  le  parti 
de  sortir  de  la  ville,  de  crainte  d'insultes*.  Cette  retraite  enhardit  les 
rel)elles,  (jui  assiégèrent  bientôt  les  catholiques  dans  l'église  et  le  fort 
Saint-Pierre,  le  10  octobre,  pendant  les  vêpres;  puis  dans  la  tour  voi- 
sine, située  il  la  porte  des  Carmes,  où  ils  s'étaient  réfugiés  et  avaient 
mis  garnison.  Les  assiégeants,  au  nombre  de  douze  cents,  emportèrent 
d'assaut  la  tour  pendant  la  nuit.  Ils  s'attaquèrent  ensuite  à  la  tour  du 
Colombier,  près  de  la  porte  du  Peyrou,  la  plus  haute  et  la  plus  forte 
de  la  ville.  Ils  mirent  le  feu  aux  portes,  et  les  catholiques  durent  s'en- 
fuir h  travers  les  flammes  pour  aller  se  réfugier  dans  le  fort  Saint- 
Pierre,  qui  fui  bientôt  pris  de  même.  Les  cloches  sonnaient  le  tocsin, 
mais  sans  que  personne  vînt  au  secours  des  catholi(iues  menacés.  On 
négocia  par  l'entremise  des  principaux  magistrats,  et  l'on  obtint  que  le 
fort  serait  évacué,  et  que  les  délégués  des  deux  religions  en  auraient 
la  garde.  Le  clergé  accepta  ces  conditions,  mais  la  garnison  catholique 
refusa,  et  blessa  deux  religionnaires  de  deux  coups  d'arquebuse.  Aus- 
sitôt les  calvinistes  se  jetèrent  dans  le  fort  et,  dans  le  désordre  qui 
s'ensuivit,   une  vingtaine  de  catholiques  furent  massacrés.  La  foule 
envahit  l'église,  qui  fut  pillée  et  saccagée  de  fond  en  comble  :  les  autels 
renversés,  les  tableaux,  retables,  statues  abattus  et  brisés;  toutefois 
les  notables  firent  ouvrir  la  sacristie,  et  dresser  l'inventaire  du  trésor 
et  de  ceux  des  autres  églises  qui  y  avaient  été  déposés,  pour  les  pré- 
server delà  ruine.  De  là  le  peuple  s'était  répandu  dans  la  ville  et  les 
faubourgs,  égorgeant  les  prêtres  et  les  religieux  au  nombre  de  plus  de 
cent  cinquante,  dépouillant  les  églises  et  chapelles  au  nombre  de  plus 
de  soixante.  Le  culte  fut  partout  interrompu;  le  conseil  de  ville,  profi- 
tant d'une  accalmie,  députa  enfin  l'avocat  général  de  la  cour  des  aides, 
.laccjiies  de  Montagne"',  à  la  cour,  pour  y  présenter  le  procès-verbal  des 
troubles  et  soUicili'r  main-forte.  Pendant  ce  temps,  le  pillage  conti- 
nuait dans  la  ville  et  aux  environs,  et  le  prêche  se  faisait  ouvertement 
à  Notre-Dame  et  à  Saint-Firmin.  Les  catholiques  désespérés  voulaient 


1.  Joyeuse  n'avail  avec  lui  que  trente  arquebusiers  et  une  demi-compagnie  de 
cavalerie,  avec  lesquels  il  avait  dû  assister  impassible  aux  derniers  troubles 
(Leltre  du  30  septembre,  à  Montmorency.  —  D.  Vaisselle,  t.  Xll,  Preuves). 

2.  Ce  magi!<lral  nous  a  laissé  le  récit  détaillé  des  événements  dans  son  Histoire 
de  l'Europe,  conservée  en  manuscrit  à  la  BibliotliiMiuL'  nationale.  Un  fragment  en  a 
été  publié  du  vivant  de  l'auleur  sous  ce  lilre  :  llisloire  de  la  Relif/ion  et  de  l'État 
de  France;    li)6î5,  in-8. 


INTRODUCTION  XLVII 

abandonner  la  ville;  un  règlement  du  conseil,  assemblé  le  30  octobre, 
le  défendit  formellement. 

Lesreligionnaircs  tinrent  à  MonlpcUier,  le  12  novembre,  un  colloque 
général  de  leurs  églises  ressortissant  de  cette  ville,  pour  décider  de 
demander  des  temples  aux  prochains  Etals  de  la  province,  qui  allaient 
se  tenir  à  Béziers;  mais,  le  20  novembre,  le  vicomte  de  Joyeuse  (il 
publier  à  Montpellier  un  édit  du  roi  enjoignant  aux  chefs  du  parti 
réformé  de  remettre  en  leur  premier  état  les  églises  dont  ils  s'étaient 
emparés.  Le  lendemain,  Notre-Dame  fut  évacuée,  et  les  calvinistes  se 
transportèrent  à  TÉcole-Mage  et  dans  les  maisons  particulières.  Pour- 
tant les  églises  demeurèrent  désertes,  les  catholiques  n'osant  encore 
se  montrer  nulle  part;  aussi,  deux  jours  plus  tard,  les  protestants 
firent-ils  sommer  le  prévôt  ecclésiastique  et  les  quatre  chanoines  de  la 
cathédrale  qui  étaient  demeurés  à  Montpellier  de  leur  céder  les  trois 
églises  de  Notre-Dame,  de  Saint-Paul  et  de  Saint-Mathieu,  qui  leur  étaient 
nécessaires,  disaient-ils,  à  cause  de  la  grande  affluence  du  peuple  de 
leur  religion.  Pour  éviter  de  nouvelles  violences,  les  chanoines  cédè- 
rent, sous  la  réserve  du  bon  plaisir  du  roi.  Les  excès  toutefois  conti- 
nuèrent encore  :  on  exhumait  les  morts  dans  les  églises  et  l'on  détrui- 
sait leurs  tombeaux  ;  les  religieuses  étaient  contraintes  de  quitter  leurs 
habits  réguliers  et  d'assister  aux  prêches. 

Le  22  novembre  15G1,  les  États  s'assemblèrent  à  Béziers  sous  la  pré- 
sidence de  François  de  Faucon,  évêque  de  Carcassonne.  Les  commis- 
saires du  roi  furent  :  le  vicomte  de  Joyeuse  ;  Guillaume  Pellicier,  qui 
prononça  la  harangue;  François  Chef-de-bien  et  Pierre  de  Gheverri, 
trésoriers  de  France.  On  permit  à  Pellicier,  ou  à  son  grand  vicaire, 
d'assister  à  l'assemblée,  pour  les  délibérations  qui  ne  regardaient  pas 
le  roi,  et  cette  grâce  fut  accordée  au  prélat  à  cause  de  son  mérite  \ 
pour  cette  fois  seulement,  et  sans  conséquence.  Les  religionnaires 
présentèrent  diverses  requêtes,  alléguant  que  le  roi  les  avait  ren- 
voyés à  la  décision  des  États  pour  obtenir  des  temples.  On  écarta 
de  parti  pris  ces  demandes  et  l'on  conclut  de  réclamer  d'abord  du  roi 
la  restitution  dès  églises  et  monastères  usurpés  par  les  protestants.  Le 
jour  de  la  conclusion,  Pellicier  se  rendit  à  l'assemblée,  et  se  plaignit 
véhémentement  des  désordres,  sacrilèges,  meurtres  et  impiétés  de 
toute  sorte  commis  par  les  réformés  dans  sa  cathédrale,  sa  ville  et  son 
diocèse  -,  insistant  pour  que  le  roi  en  fût  promptement  avisé.  Le  jour 
même,  le  vicomte  de  Joyeuse  écrivit  à  la  reine-mère. 

1.  ■<  Attendu  sa  prudence,  suffisance,  et  qu'il  est  natif  du  pays.  ■>  (Archives  de  la 
Haute-Garonne,  G.    2281). 

2.  Le  23  décembre  1561,  l'église  réformée  de  Sommières  (Gard)  demande  à  Genève 
l'envoi  d'un  ministre  qui  soit  adjoint  à  Guillaume  Grigon.  Toute  la  petite  ville 
est  protestante.  Parmi  les  signataires  de  cette  lettre,  conservée  aujourd'hui  à  la 
bibliothèque  de  Genève,  se  trouve  un  Pellicié,  sans  doute  le  neveu  de  notre  évèque, 
(D.  Vaisselle,  édit.  nouvelle,  Nofes;  t.  XH,  p.  S"). 


XLVIII  INTRODUCTION 

Le  10  décembre,  le  comle  Anluine  de  Crussol  était  désigné  par  le  roi 
pour  cointnandor  on  Languedoc,  Provence  cl  Dauphiné.  11  arriva  le 
10  janvitT  l'M'rl  h  Vilk'nt'uvt'  d'Avignon,  et  fil  puljliur  à  Ninies,  le  14, 
dos  ordres  sévères,  qui  n'einpéilièreiit  pas  les  troubles  de  continuer. 
Vers  la  lin  de  mars,  Jacques  do  Crussol,  seigneur  de  Beaudiné,  frère 
du  comte  de  Crussol,  et  qui  se  faisait  appeler  le  baron  de  Crussol, 
arriva  à  Montpellier,  envoyé  par  le  prince  de  Condé  sous  le  titre  de 
«  général  dos  compagnies  de  gens  de  guerre  levées  en  Languedoc  pour 
la  défense  de  la  religion  ».  Toutefois  l'édit  de  tolérance  du  17  janvier 
avant  été  publié  ii  Montpellier  le  vendredi  7  mars,  les  religionnaires 
s'y  soumirent  en  apparence  et  tirent  leur  prêche  le  lendemain  dans  les 
fossés  de  la  ville,  à  la  porte  de  Lattes;  mais  ils  levèrent  bientôt  des 
troupes  sous  prétexte  de  garder  le  prêche.  Le  mercredi  8  avril,  le 
comte  de  Crussol  ol  le  vicomte  de  Joyeuse,  commissaires  royaux, 
entraient  dans  .Montpellier  pour  assurer  l'exécution  de  l'édit.  Catho- 
liques et  prolestants,  convoqués,  s'engagèrent  à  vivre  en  paix  côte  à 
côte.  Les  églises  furent  rouvertes,  et  l'office  célébré  à  Saint-Firmin  au 
milieu  des  huées  calvinistes.  Mais  ii  peine  les  deux  officiers  du  roi 
s'étaient-ils  éloignés  que  les  protestants  prirent  les  armes,  s'emparèrent 
de  l'ile  et  du  château  de  Maguelonne,  y  mirent  garnison,  détruisirent 
les  tombeaux  de  l'ancienne  cathédrale,  et  confisquèrent  les  trésors  des 
églises  de  Montpellier  en  dépôt  à  l'hôtel  de  ville.  Enfin  le  baron  de 
Crussol,  représentant  de  Condé,  établit  dans  la  place  un  conseil  absolu, 
composé  de  cinq  personnes,  et  remit  toute  chose  à  sa  discrétion 
(mai  1562)'. 

Pendant  ces  désordres,  jugeant  la  situation  irrémédiable  et  déses- 
pérée, Pellicier  s'était  retiré  sur  son  rocher  de  Montferrand,  oîi  il 
demeura  quelque  temps,  entouré  de  sa  famille  et  d'un  petit  nombre 
d'amis.  Menacé  par  Joyeuse,  qui  marchait  contre  lui,  Beaudiné,  le 
9  août,  fit  raser  tous  les  faubourgs,  avec  les  vingt  ou  vingt-cinq  églises 
et  couvents  qui  y  subsistaient  encore.  En  trois  ou  quatre  jours,  cette 
<Euvre  de  destruction  fut  accomplie  :  on  abattit  aussi  tous  les  arbres  à 
portée  de  canon.  Les  lieutenants  de  Joyeuse,  Raymond  de  Rouer, 
baron  de  Fourquevaux,  et  le  capitaine  Conas,  qui  avait  longtemps 
servi  en  Piémont,  parurent  bientôt  devant  la  ville  avec  une  armée 
composée  de  vingt-quatre  enseignes,  soit  quatre  à  cinq  mille  hommes 
d'infanterie,  cinq  cents  chevaux  et  une  quinzaine  de  pièces  d'artil- 
lerie. Ils  assiégèrent  d'abord  le  château  de  JL.attes,  à  l'embouchure 
de  la  rivière  du  Lez,  dans  l'élang  du  même  nom,  à  une  lieue  de  Mont- 

\.  Dans  la  Liste  des  jiersonnes  dont  le  Parlement  de  Toulouse  a  ordonné  Varres- 
ialion  et  fait  saisir  les  biens  à  l'occasion  des  troubles  du  mois  de  mai  1362  on  rencontre 
Je  nom  de  Sainl-Sévcrin,  secrétaire  de  l'évêque  de  .Montpellier  (arrêt  du  25  mai 
1562).  —  (E.  Roscliach,  Invent.  somm.  des  Archives  de  Toulouse,  registre  AA,  anc.  196, 
'in-4,  p.  183;  cité  dans  la  nouvelle  édition  de  D.  Vaisselle,  .\oles;  t.  XII,  p.  21). 


INTRODUCTION  XLIX 

pellier,  et  le  prirent  le  4  scplcmbre.  Cantonnés  dans  l'île,  ils  atta- 
quèrent ensuite  et  prirent  Maguelonno,  dont  la  garnison  protestante 
fut  passée  au  til  de  l'épée.  Devant  les  renforts  qui  arrivaient  de  toutes 
parts  aux  catholiques,  Beaudiné,  qui  méditait  une  attaque  du  camp 
royal,  rentra  dans  Montpellier.  Le  dimanche  27  septembre,  Joyeuse 
parut  lui-même  à  Lattes,  mais  ne  se  jugeant  pas  assez  en  forces  pour 
attaquer  la  ville,  après  quelques  escarmouches  il  leva  le  camp  et  se  retira. 

Au  commencement  de  novembre,  les  religionnaires  de  la  province, 
assemblés  à  Nimes,  élurent  le  comte  de  Crussol  pour  leur  chef  jusqu'à 
la  majorité  du  roi;  Crussol  accepta,  prenant  son  frère  Beaudiné  pour 
lieutenant-général,  avec  un  conseil  de  dix  membres  parmi  lesquels 
figuraient  les  deux  Saint-Ravy,  l'un  président,  l'autre  conseiller  à  la 
cour  des  aides. 

Les  États  se  tinrent  du  11  au  20  décembre  à  Carcassonnc  ;  Pellicier 
présidait  l'assemblée.  Sur  sa  requête,  et  celle  de  son  chapitre,  les  États 
émirent  le  vœu  du  rétablissement  de  i'évêché  à  Maguelonne.  Ainsi 
l'exceptionnelle  gravité  de  la  crise  entraînait-elle  le  prélat  à  souhaiter 
le  retour  de  l'ancien  état  de  choses,  après  avoir  eu  ce  changement  si 
fort  à  cœur. 

Malgré  l'édit  de  pacification  rendu  à  Amboise  le  19  mars  1363,  les 
troubles  civils  continuèrent.  Montmorency,  démissionnaire  de  son  gou- 
vernement de  Languedoc,  est  remplacé,  le  12  mai,  par  Henri  de  Mont- 
morency, seigneur  de  Damville,  son  fils  puiné,  âgé  de  vingt-neuf  ans  à 
peine.  Le  comte  de  Crussol,  sommé  par  la  cour  de  désarmer,  s'y  refuse, 
déclarant  que  les  catholiques  s'obstinent  à  brûler  et  ravager  le  pays 
comme  auparavant.  Après  avoir  tenu  à  Bagnols  l'assemblée  des  reli- 
gionnaires, qualifiée  d'États  de  la  province,  et  terminée  le  18  avril, 
Crussol  se  rend  à  Montpellier,  où  il  arrive  le  8  mai,  avec  son  frère 
Beaudiné  et  quelques  chefs  du  parti.  Il  y  assemble  la  noblesse  et  les 
députés  des  villes  du  voisinage,  le  11  mai,  et  proclame  l'édit  de  pacifi- 
cation. Les  réformés  s'arrangent  pour  faire  abandonner  par  le  clergé 
les  églises  Notre-Dame,  Saint-Firmin  et  Saint-Paul.  A  la  fin  de  juillet 
Antoine  de  Lévis,  baron  de  Caylus,  gentilhomme  ordinaire  de  la 
chambre,  désigné  par  le  roi,  reçoit  de  Crussol  les  places  occupées  par 
les  religionnaires.  Il  est  à  Montpellier  le  12  août  :  les  portes  de  la  ville, 
murées  jusque-là,  sont  rouvertes;  la  tranquillité  se  rétablit  pour  un 
temps.  Le  prêche  est  transféré  à  l'École-Mage,  mais  les  églises  demeu- 
rent désertes,  par  l'intimidation  qui  pèse  sur  tout  le  clergé. 

Le  nouveau  gouverneur  de  Languedoc,  Damville,  fit  son  entrée 
solennelle  dans  la  cité  le  9  novembre  et  y  demeura  jusqu'au  16.  Dès 
le  10,  une  messe  avait  été  chantée  avec  pompe  à  Noire-Dame  des 
Tables,  et  le  culte  catholique  rétabli.  Du  10  au  24  décembre,  les  États 
de  la  province  se  tinrent  à  Narbonne,  dans  le  réfectoire  des  Cordeliers; 
Pellicier  y  présidait. 

Venise.  —  1540-1542.  d 


L  INTKODUCTION 

Eu  loG-l,  les  fitals  se  tinrent  à  Heaucaire,  dans  l'église  des  Corde- 
liers,  du  21  au  30  ocloNre.  Pellicier  présidait  encore,  comme  plus 
ancien  évéque.  Charles  IX  vint  à  Montpellier,  avec  la  reine-mère  et 
toute  sa  cour,  le  17  décembre:  un  chroniqueur  anonyme  nous  a 
transmis  tous  les  détails  des  félcs  qui  marquèrent  cette  entrée  et  ce 
séjour.  Le  roi  tint  conseil  les  11>  et  20,  assista  le  2(1  à  une  procession  ù, 
lai[uelle  les  pnttestanls  furent  dispensés  d'assister,  et  repartit  le  31. 

L'année  suivante,  les  Étals  se  tinrent  au  Pont-Saint-Esprit,  du 
18  au  30  octobre,  dans  l'église  du  lieu.  Pellicier  présidait.  Il  présida 
de  même,  les  2  et  3  mai  irJiiG,  à  Nimes,  l'assemblée  extraordinaire,  con- 
voquée par  Joyeuse,  des  trois  députés  de  chaque  diocèse  (un  du  clergé, 
un  de  la  noblesse,  un  du  tiers),  pour  rechercher  et  abolir  l'imposition 
établie  pour  l'abréviation  des  procès.  Il  présidait  également  les  Étals 
qui  lurent  tenus  à  Beaucaire  du  il  au  22  novembre;  mais,  le  16,  il  dut 
céder  sa  place  au  cardinal  d'.\rmagnac,  archevêque  de  Toulouse. 

La  révolte  de  Condé,  à  la  fin  de  septembre  1567,  entraîna  dans  le 
mouvement  Castres,  Montpellier,  Nimes,  Viviers,  Saint-Pons,  etc.  Des 
massacres  eurent  lieu  à  Nimes,  population  toujours  ardente  et  vindica- 
tive. Le  30,  Joyeuse  vint  publier  à  Montpellier  la  déclaration  royale 
qui  maintenait  les  garanties;  ayant  fait  chasser  les  étrangers  de  la 
ville,  il  jugea  bon  de  se  retirer  du  fort  Saint-Pierre,  d'où  il  sortit  nui- 
tamment pour  gagner  Pézenas.  Lui  parti,  les  religionnaires  s'empa- 
rèrent de  la  place,  assiégèrent  le  fort,  qui  malgré  les  secours  envoyés 
par  Joyeuse'  capitula  le  18  novembre,  après  quarante-huit  jours  de 
siège,  aux  mains  de  Jacques  de  Crussol,  qui  avait  quitté  le  nom  de  sa 
terre  de  Beaudiné  pour  prendre  le  nom  de  celle  d'Assier.  Le  fort  Saint- 
Pierre,  ancien  monastère  de  Saint-Germain,  bâti  par  le  pape  Urbain  V, 
une  fois  pris  par  les  rebelles,  ils  pillèrent  et  ruinèrent  la  magnifique 
église  '. 

Dans  l'intervalle,  les  États,  qui  devaient  s'ouvrir  à  Montpellier,  sans 
les  événements,  le  18  octobre,  s'étaient  tenus,  à  cause  des  troubles,  à 
Bé/.iers,  du  11  au  17  novembre,  sous  la  présidence  de  Tévêque  de  Mire- 
poix,  Pierre  de  Villars  *.  Au  même  moment,  Pellicier,  qui  tour  à  tour 
avait  résidé  à  Maguelonne,  à  Aigues-Mortes,  à  Montferrand,  selon  les 
vicissitudes  de  la  guerre  civile,  terrassé  par  la  soufîrance,  était  rentré 
dans  son  logis  de  Maguelonne  pour  se  préparera  mourir.  Il  succombait 
à  un  cancer  de  l'estomac,  causé  quelque  temps  auparavant  par  la 
faute  d'un  apothicaire,  qui  lui  administra  des  pilules  de  coloquinte 

1.  En  mars  I:i69,  le  parlement  de  Toulouse  rendit  un  arrêt  condamnant  à  mort 
par  conluniare  les  principaux  fauteurs  de  ces  désordres,  entre  autres  Antoine  Pelli- 
cier, ministre  de  .Montpellier,  le  propre  neveu  du  défunt  évéque  (D.  Vaissette, 
t.  XI,  p.  493). 

2.  On  agita  de  nouveau  la  iiueslion,  dans  ces  lilats  de  InG",  de  demander  le 
transfert  des  sièges  épiscopau.K  de  Montpellier,  Nimes,  Montauban,  Castres  et 
autres  villes  rebelles  à  .Maguelonne,  Aigues-Mortes,  Carcassonne,  Lautrec,  etc. 


INTRODUCTION  LI 

mal  broyées,  ou  plutôt  à  trop  haute  dose  '.  François  Vertunien  de  La 
Vau,  médecin  de  Poitiers  et  humaniste  distingué,  nous  a  laissé  dans 
une  lettre  adressée  à  De  Thou,  le  1"  février  1598,  le  récit  de  sa  rencontre 
avec  le  prélat,  qu'il  vit  à  Maguelonne  en  1567,  au  milieu  de  ses  livres, 
dans  les  cruelles  affres  du  mal  terrible  qui  allait  bientôt  l'emporter  *. 

Nous  nous  sommes  étendu  avec  quelque  détail  sur  les  discordes 
civiles  et  religieuses  qui  sévirent  si  longuement  à  Montpellier,  depuis 
1560,  afin  de  faire  mieux,  comprendre  les  difficultés  extrêmes  qui 
empoisonnèrent  moralement  les  huit  dernières  années  de  la  vie  de 
Pellicier.  Après  avoir  atteint  et  même  dépassé,  par  la  largeur  de  son 
esprit,  les  limites  ordinaires  du  libéralisme  commun  à  beaucoup  de 
lettrés  de  la  Renaissance,  il  eut  le  tort  de  se  laisser  guider  au  hasard 
des  circonstances,  et  son  indécision  le  rendit  promptement  suspect  à  la 
fois  aux  deux  partis  :  les  catholiques  lui  reprochant  sa  modération  et 
ses  faiblesses,  les  protestants  s'irritant  de  ne  pas  rencontrer  en  lui  le 
défenseur  ferme  et  convaincu  sur  l'appui  duquel  ils  avaient  compté. 
Ces  inconséquences  nombreuses,  toutes  regrettables  qu'elles  soient 
dans  la  vie  d'un  homme  d'église  de  la  valeur  de  Pellicier,  s'expliquent 
néanmoins  dans  une  certaine  mesure  par  les  conditions  sociales  et 
l'effervescence  qui  régnait  alors. 

Pellicier  eut  à  soutenir,  pendant  sa  carrière  épiscopale,  une  quan- 
tité de  procès,  soit  avec  des  établissements  civils  ou  ecclésiastiques, 
soit  avec  divers  particuliers.  Rechercher  et  étudier  en  détail  les  causes 

1.  Sur  l'ordonnance  de  son  ami  Guillaume  Rondelet,  mort  le  30. juillet  15C6.  Le 
mal  remonterait  donc  à  plusieurs  années.  La  coloquinte,  purgatif  drastique 
extrêmement  énergique,  connu  de  toute  antiquité,  administrée  à  forte  dose,  déter- 
mine en  effet  des  accidents  tels  que  selles  sanguinolentes,  violentes  colicjues, 
vomissements,  etc.;  elle  peut  devenir  mortelle  lorsque  la  dose  dépasse  cinq 
grammes.  Le  remède  s'emploie  dans  l'obstruction  et  l'occlusion  intestinale,  la 
congestion  cérébrale  et  pulmonaire,  la  goutte,  etc.  —  L'abbé  de  Folard  s'est  fait 
avec  persistance  l'écho  d"une  rumeur  qui  fit  attribuer  la  mort  de  Pellicier  à  un 
empoisonnement.  L'apothicaire  ou  son  aide  auraient  été  gagnés  par  des  ennemis 
du  prélat,  intéressés  à  lui  donner  pour  successeur  un  certain  Pierre  de  Boulhe, 
protégé  des  Montmorency,  que  le  maréchal  de  Damville  mit  en  effet  à  sa  place, 
en  156S,  et  qui  sans  être  reconnu  ni  de  son  clergé  ni  de  Rome,  perç;ut  durant 
quatre  années  les  revenus  du  diocèse.  —  V.  l'Appendice  VU,  pp.  718  à  720. 

2.  M.  Henri  Omont  a  publié  cette  lettre  d'après  le  ms.  348,  f  82,  de  la  collec- 
tion Dupuy,  à  11  Bibliothèque  nationale.  Nous  en  reproduisons  le  principal  pas- 
sage :  «  ..11  mourut  à  mon  avis  audit  lieu  de  Maguelonne,  non  fort  longtemps  après 
l'an  susdit,  d'une  mort  cruelle.  Car  c'est  pour  avoir  pris  des  pillules  ordonnées 
par  feu  Guillaume  Rondelet,  où  il  entroit  de  la  colocynthe,  laquelle  aïant  esté 
grossement  pulvérisée  par  le  serviteur  de  l'apothicaire,  s'attacha  à  ses  boyaulx  et 
les  escorcha,  y  cvcitant  un  ulcère  et  des  tranchées  si  extrêmes  qu'il  mouroit  cent 
fois  le  jour.  Même  comme  nous  estions  avec  luy  en  sadite  estude  de  Maguelonne, 
pleine  d'excellents  livres  manuscrits,  il  nous  dit  par  deux  ou  trois  fois,  sentant 
ses  douleurs  :  «  0  mauldite  colocynthe,  que  tu  me  bailles  de  quintes!  Tu  me  feras 
mourir.  »  Puis,  nous  ouvrant  son  Pline  :  «  J'ay  fait,  dit-il,  mille  corrections  sur  ce 
bel  autheur,  que  le  monde  est  indigne  de  veoir.  »  J'ay  ouy  un  des  trois  ministres 
qui  preschoient  à  Mompeslier  en  l'an  susdit,  qu'on  disoit  estre  son  neveu.  »  [Cat. 
des  mss  grecs  de  G.  Pelicier,  p.  10), 


LU  INTRODUCTION 

elli'srpsullals  do  ces  afTaires  nous  eiH  l'iilraînrlrop  loin,  peut-être  sans 
grand  profil;  nous  nous  réservons  d'v  revenir  ultérieurement,  s'il  y  a 
lieu.  De  1547  îi  loîJU  environ,  il  plaida  contre  René  Gasne,  qui  avait 
épousé  une  de  ses  nièces,  issue  d'une  sœur  du  prélat'.  Pellicier  en  ayant 
fait  une  sorte  d'intendant  de  ses  biens,  se  déclara  bientôt  mécontent  de 
celte  gestion  et  déféra  son  neveu  devant  le  parlement  de  Toulouse,  en 
l'accusant  en  outre  d'incliner  vers  les  doctrines  nouvelles.  Nous  ne 
connaissons  d'ailleurs  ce  différend  que  par  les  extraits  de  la  Corres- 
pondance inédite  de  Claude  Haduel,  ami  intime  de  Gasne,  publiés  à 
r.\ppendice.  L'atFaire  languit  plusieurs  années,  et  nous  ignorons  com- 
ment elle  se  termina.  En  1552,  pendant  les  poursuites  sérieuses  aux- 
quelles il  fut  lui-môme  en  bulle,  et  durant  la  captivité  qui  s'ensuivit, 
les  moines  de  son  abbaye  de  Lérins  profitèrent  des  circonstances 
pour  s'afTranchir  de  son  autorité  et  percevoir  ses  revenus.  Le  prieur 
claustral,  Denis  Faucher,  écrivain  de  talent,  mais  animé  d'une  grande 
ardeur  religieuse,  était  en  désaccord  avec  l'évêque  sur  la  direction 
spirilui'lle  aussi  bien  que  sur  l'administration  temporelle  du  monastère, 
Pellicier  dut  lui  intenter  un  procès,  qu'il  gagna  du  reste  devant  le 
Grand  Conseil,  mais  qui  depuis  fut  encore  l'occasion  de  fréquents 
débals  *.  Les  Archives  du  Parlement  de  Toulouse  gardent  également 


1.  ••  Avunculo  ejus  »,  dit  une  lettre  de  Baduel  à  Bernard  Trainier  (V.  p.  709). 

2.  V.  Zeller,  pp.  3S3-384;  Alliez,  Histoire  du  monastère  dit  Lérins;  Paris,  1862; 
2  vol.  in-8°;  t.  11,  p.  36o  et  suiv.  —  Les  moines  de  Lérins,  en  1512,  avaient  été 
réunis  à  la  congrégation  réformée  de  Sainte-Justine  de  Padoue  par  leur  abbé  com- 
mondalaire,  Agostino  Grimaldi,  prévôt  capilulaire.  puis  évéque  de  Grasse;  celui-ci 
se  démit  de  sacommendc  en  faisant  toutefois  certaines  réserves  qui  devinrent  par 
la  suite  l'occasion  de  perpétuels  litiges  entre  les  religieux  et  leurs  abbés  commen- 

dataires. 

Dom  Barrai  a  publié,  dans  sa  Chronologia  Lerinensis  (Lyon,  1613,  in-4'')  la  corres- 
pondance et  les  opuscules  en  prose  et  en  vers  de  Faucher  dans  lesquels  il  célèbre 
les  charmes  de  cette  retraite  monastique  où  il  était  entré  jeune  encore,  au  mois  de 
juillet  1316.  Parmi  ces  lettres,  réunies  sans  ordre,  plusieurs  sont  adressées  à  Pelli- 
cier: la  plus  ancienne,  datée  de  l.o32.  alors  que  Faucher  clail  prieur  du  monastère 
de  Tarascon,  contient  des  félicitalions  sur  la  récente  nomination  de  notre  évéque 
au  bénélice  de  Lérins  :  •  Ubi  ad  me  placitum  est  te  Lerinensis  monasterii  anlislitem 
esse  factum,  scribendi  ad  te  cupido  mihi  incessit...  •  Pellicier  aurait  donc  été 
d'abord  désigné,  après  la  mort  d'Agostino  Grimaldi  (15  avril  1532)  pour  lacommende 
de  Lérins.  mais  se  serait  désisté  en  faveur  du  cardinal  du  Bellay,  qui  plus  tard, 
en  1548,  échangea  avec  lui  son  abbaye  contre  celle  des  Escharlis.  Au  cours  de 
cette  dernière  année,  Faucher  écrit  encore,  cette  fois  de  Lérins  où  il  était  revenu 
en  mars  1543,  à  Pellicier  pour  lui  faire  hommage  d'un  de  ses  poèmes;  il  y  fait 
l'éloge  de  la  rare  érudition  du  prélat. 

L'entente  parait  avoir  ainsi  subsisté  pendant  quelques  années;  mais  en  1552 
l'évêque,  sorti  de  prison,  se  plaignit  d'avoir  été  dépouillé  par  les  moines  de  Lérins 
d'une  partie  de  ses  revenus.  Une  décision  du  Grand  Conseil  lui  attribua  diverses 
indemnités:  plusieurs  religieux  furent  expulsés  de  l'abbaye,  et  les  autres  reçurent 
l'ordre  de  ne  plus  obéir  qu'à  l'évêque  de  Montpellier  et  à  ses  ministres;  ceux-ci 
exercèrent  dès  lors,  semble-t-il,  toutes  sortes  d'exactions  contre  les  réguliers,  et  le 
parlement,  sur  leurs  iloléances  réitérées,  obligea  l'abbé  commendalaire  à  payer 
annuellement  la  somme  de  douze  cents  livres  pour  l'entretien  de  la  communauté 
(1532).  Cependant  les  afTaires  n'en  restèrent  pas  là.  Le  29  août  1556,  Pellicier  oble- 


INTRODUCTION  LUI 

la  trace  de  différents  conflits  engagés,  de  1550  à  1553,  avec  des  parti- 
culiers. Nous  ne  nous  y  appesantirons  pas  davantage  '. 

Au  milieu  de  tant  de  traverses,  l'infortuné  prélat  cherchait  dans 
l'étude  la  consolation  et  l'oubli.  Sans  cesse  occupé,  jusqu'à  son  der- 
nier jour,  on  Ta  vu  par  la  lettre  de  Vertunien,  de  corriger  et  d'amender 
ses  doctes  commentaires  sur  Pline,  il  variait  ses  travaux  en  les  éten- 
dant à  d'autres  sujets  comme  à  d'autres  époques.  Le  catalogue  de  sa 
bibliothèque  nous  donne  une  idée  de  ses  vastes  et  fructueuses  lec- 
tures. Guillaume  Pellicier  avait  recueilli  tout  ce  qu'il  avait  pu  trouver 
de  manuscrits  et  de  livres  dans  le  Midi,  si  bien  que  Cujas  en  1571  se 
plaignait  de  l'inutilité  de  ses  recherches  en  Provence,  où,  disait-il, 
«  feu  Mgr  de  Montpellier  avait  tout  ravagé  -.  »  En  15G5,  il  employa 
ses  loisirs  forcés  à  composer  une  traduction  française  de  la  Chronique 
des  Albigeois,  de   Pierre  des  Vaux-de-Cernay  3.  Notre  humaniste  ne 

nait  du  roi  des  lettres  patentes  pour  la  réforme  du  monastère,  qu'il  confia  à  deux 
religieux  bénédictins  de  Montmajour  et  d'Anlibes.  Faucher  écrivit  alors  à  l'évéque 
pour  faire  appel  à  la  modération  si  vantée  de  son  caractère,  et  tâcher  d'arriver 
à  une  conciliation.  Les  vexations  continuèrent.  Faucher  écrivit  une  fois  encore 
au  prélat  (loo")  pour  protester  cnerpiquement  contre  les  injustes  délations  qui 
menaçaient  d'entraîner  la  ruine  de  l'abbaye,  et  réclamer  prompte  justice.  Mais  le 
1"  février  iooS,  le  vicaire  général  de  l'évéque  changea  tous  les  officiers  du  monas- 
tère; le  il,  il  fit  prêter  serment  à  tous  les  religieux  :  quelques-uns  refusèrent, 
alléguant  appartenir  au  couvent  de  Sainte-Justine  de  Padoue,el  demandèrent  congé. 
Pellicier  fit  rendre  une  ordonnance  expulsant  les  moines  de  Sainte-Justine  et  les 
remplaçant  par  des  religieux  de  Cluny;  mais  sur  les  réclamations  des  premiers,  un 
arrêt  du  parlement,  en  date  du  16  juin  looS,  évoquant  l'alTaife  au  conseil  du  roi, 
les  moines  de  Sainte-Justine  furent  rétablis,  le  28  juillet,  dans  les  mêmes  droits 
jouissances  et  revenus  qu'avant  l'emprisonnement  de  l'évéque. 

Denis  Faucher  était  mort  en  1362,  à  l'âge  de  soixante-seize  ans.  Les  rapports  du 
monastère  avec  Pellicier  demeurèrent  toujours  difficiles.  En  1564,  l'évéque  chercha 
vainement  à  obtenir  de  Charles  IX,  lors  de  sa  visite  à  xVrles,  l'expulsion  des  Cassi- 
nistes.  Le  roi  confirma  leur  union  le  11  septembre  de  la  même  année.  Le  synode 
d'Embrun,  en  1.567,  ayant  décidé  l'établissement  d'un  séminaire  à  Grasse,  l'abbé  de 
Lérins  refusa  de  faire  participer  son  monastère  à  la  subvention  demandée  à  tous 
les  évêques,  abbés  et  chapitres,  en  invoquant  l'exemption  de  l'abbaye.  Peu  de 
•temps  après,  il  retira  même  la  pension  annuelle  qu'il  devait  payer  pour  l'entretien 
des  religieux.  Le  parlement  dut  mettre  sous  séquestre  les  revenus  de  l'abbaye, 
pour  assurer  le  maintien  de  la  pension.  Sur  ces  entrefaites  Pellicier  mourut. 

1.  20  février  lob'O  («.  s.).  Confirmation  d'une  sentence  du  sénéchal  de  Beaucaire 
concernant  Henri  de  Lacroix,  baron  de  Castries,  Guillaume  Pélissier,  évêque  de 
Montpellier,  et  Jean  Teinturier,  seigneur  de  Monlmaur  (Reg.  B.  43,  f  21o). 

l.'i  mai  15o3.  Confirmation  d'une  sentence  du  sénéchal  de  Beaucaire  concernant 
Messire  Guillaume  Pellissier,  évêque  de  Montpellier,  et  W  Milon  Gavauldam,  prieur 
de  Saint-Just  [corn,  de  rilérault,  aii\  de  Montpellier,  cant.  de  Lunel),  avec  ordre 
audit  évêque  de  pourvoir  du  bénéfice  d'absolution  ledit  Milon  dans  les  trois  jours. 
^Reg.  B.  46,  f  390). 

14  août  1553.  Confirmation  d'une  sentence  du  sénéchal  de  Beaucaire  concernant 
les  consuls  et  habitants  de  VilIeneuve-lès-Avignon,  Guillaume  Pélissier,  évêque  de 
Montpellier,  et  Jacques  David,  docteur  es  droits,  halntant  de  Montpellier  (Reg.  B.  46, 
f  649).  —  [Communication  de  M.  Pasgidev,  archiviste  de  la  Haute-Garonne). 

2.  L.  Delisle,  Cabinet  des  manuscrits  de  la  Bibl.  nal.,  Paris,  1868-1881,  3  vol.  in-4% 
l.  I,  p.  162. 

3.  «  Histoire  des  prouesses...  de  noble  seigneur  Messire  Simon,  comte  de  Mont- 
fort,  faites  par  luy...  contre  les  Albigeois...  depuis  1206  jusques  à  1218,  première- 


LIV  INTRODUCTION 

faisait-il  pas  un  Irisle  retour  sur  lui-inôme  et  sur  sa  mélancolique  des- 
tinée, alors  qu'il  se  plaisait  à  mettre  en  vers  cette  citation  horatienne 
faite  par  le  religieux  bénédictin  : 

Les  gens  de  bien,  pour  l'amour  de  vertu. 
N'osent  faillir  la  largeur  d'un  feslu; 
Mais  les  meschans  de  mal  faire  n'ont  crainte, 
N'esloit  l'horreur  d'en  avoir  gricfve  allaintc  '. 

C'est  dans  la  paisible  retraite  de  Maguelonnc,  à  l'ombre  des  arceaux 
du  cloître  où  s'étaient  écoulées  ses  plus  belles  années  de  jeunesse, 
que  Guillaume  Pellicier  dut  vraisemblablement  exhaler  son  dernier 
soupir  -.  Nous  avons  sur  ce  point  un  témoignage,  celui  de  Vertunien, 
et  le  testament  du  prélat,  rédigé  le  3  novembre  loO",  moins  de  trois 
mois  avant  sa  mort,  est  daté  de  Maguelonne.  Comment  le  vieillard, 
épuisé  par  la  maladie,  et  déjà  comme  lassé  de  l'existence,  aurait-il 
trouvé  la  force  de  se  transporter  une  fois  encore  sur  l'àpre  sommet  de 
Montferrand?  Chose  étonnante,  il  n'est  aucunement  question  dans  cet 
acte,  d'un  intérêt  pourtant  capital,  de  la  riche  bibliothèque  de 
l'évêque,  dont  sans  doute  il  avait  fait  à  Dieu  le  sacrifice,  à  moins  que 
quelque  codicille  aujourd'hui  perdu  n'ait  visé  spécialement  un  dépôt 
qui!  devait  avoir  si  fort  à  cœur.  Le  testament,  fort  détaillé,  exprime  les 
sentiments  de  pénitence  de  Pellicier,  désigne  l'église  de  Maguelonne 
pour  lieu  de  sa  sépulture,  et  règle  la  répartition  de  ses  biens  entre  les 
divers  établissements  civils  et  religieux,  au  préjudice  des  divers  mem- 
bres de  sa  famille,  qui  reçoivent  chacun,  en  tout  et  pour  tout,  la  somme 
de  cinq  sous  tournois,  à  l'exclusion  de  toute  réclamation  ultérieure. 
C'était,  en  somme,  une  façon  couramment  usitée  dans  la  région,  depuis 

ment  composée  en  latin  par  frère  l'icrre,  lleligieux  des  Vaulx  de  Sarnay,  de 
l'ordre  de  Cisteaux,  puis  traduicte  en  françois  l'an  du  Sauiveur  lu63  par  Révérend 
Pore  on  Dieu  .Messire  Guillaume  Pellicier,  évesque  de  Mi)nl|iellier.  Le  tout  au  nom 
du  Créateur,  auquel  soit  (.'loire  et  honneur  es  siècles  des  siècles.  »  (Ms.  591  de  la 
Bibliothèque  Sainte-Geneviève,  à  Paris).  Cette  copie  du  xvr  siècle,  qui  a  été  citée 
par  le  P.  Leiong,  Bihl.  hist.  de  la  France,  t.  I,  p.  376,  n"  5743,  et  dans  la  préface  du 
l.  XIX  des  Historiens  de  la  France,  p.  xx,  parait  avoir  appartenu  à  Catherine  de 
Mcdicis  qui,  sans  doute,  la  tenait  du  traducteur.  La  reliure,  en  basane  estampée 
de  larmes,  porte  à  l'extérieur  deux  médaillons  :  sur  le  premier  plat  sont  peintes 
les  armes  de  la  reine  douairière;  sur  l'autre,  un  emblème  figurant  un  amas  de 
chaux  vive  arrosé  d'une  pluie  de  larmes.  A  l'entour  se  lit  la  devise  de  la  reine  : 
«  Ardorcm  extincla  testantur  vivere  flamma.  »  (V.  Ch.  Kohler,  Cal.  des  mss.  de  la 
Bibl.  Sainte-Geneviève;  Paris,  1893-1896,  2  vol.  in-S»,  t.  I,  p.  309). 

Le  P.  Lclong  signale  également  un  autre  ms.  de  la  même  traduction,  conservé 
aujourd'hui  à  la  Bild.  nat.,  sous  le  n"  2828  du  fonds  français. 

1.  F"  5  du  ms.  .591  de  la  Bibl.  Sainte-Geneviève. 

2.  Nous  nous  écartons,  dans  celte  conjecture,  de  l'opinion  générale  des  biogra- 
phes de  Pellicier,  qui,  sur  la  foi  de  Garicl,  le  font  mourir  au  château  de  Montfer- 
rand. L'abbé  de  Folard,  cependant,  indique  le  bourg  de  Saint-Mathieu,  au  pied  du 
rocher  de  .Montferrand,  ce  qui  pourrait  faire  supi)Oser  que  l'évêque,  parti  pour  se 
rendre  à  son  ancienne  résidence,  aurait  été  terrassé  par  le  mal  avant  de  parvenir 
au  terme  de  la  route. 


INTRODUCTION  LV 

des  siècles,  d'exhôréder  ses  héritiers  naturels  '.  Celte  précieuse  copie, 
produite  en  1590  à  l'occasion  d'un  procès  soulevé  par  la  famille  au  sujet 
d'une  pareille  mesure,  a  été  retrouvée  dans  les  Archives  de  l'Hérault 
par  M.  Ch.  Revillout,  auquel  nous  en  devons  la  très  gracieuse  com- 
munication '. 

1.  Dans  les  pays  ilc  droil  écrit,  la  jurisprudence  et  la  coutume  admirent,  de  bonne 
heure,  qu'un  père  pouvait  prévenir  toute  réclamation  de  ses  enfants  en  leur  lais- 
sant une  somme  insignifiante,  cinq  sous  suivant  la  coutume  de  Montpellier  (Petit 
Thalamus,  art.  06  et  5";  Montpellier,  1836,  p.  30)  et  celle  de  Toulouse  (art.  123  c., 
édit.  Tardif,  p.  08).  Cette  règle,  d'application  fort  ancienne,  devait  être  encore  en 
usage  au  xvu''  siècle.  L'ordonnance  de  n3o  rétablit,  en  cette  matière,  les  principes 
du  droil  romain  concernant  la  légitime;  le  parlement  de  Toulouse  luttait  d'ailleurs 
depuis  un  ou  deux  siècles  contre  cette  disposition  de  la  coutume.  Il  serait  intéres- 
sant de  savoir  si  la  famille  Pellicier  obtint  gain  de  cause  en  cette  occurence.  — 
V.  Paul  Viollet,  Précis  de  l'histoire  du  droit  français,  Paris,  1886,  in-8,  p.  748. 

2.  Testament  de  Guillaume  Pellicier.  —  (Maguelonne,  3  novembre  1561.)  —  ■<  In 
nomine  Patris  et  Filii  et  Spiritus  Sancti,  amen.  Je  Guilhaume  de  Pelissier,  cvesque 
de  Montpellier,  abbé  de  Sainct-Honnoré  de  l'Isle  de  Lérins  en  Provence,  doyen  du 
collège  de  la  Trinité  de  Maguelonne,  détenteur  et  tenant  la  pièce  de  Villeneufve- 
le-Roy  1  dépendant  de  l'Abbaye  des  Escharlies  léz  et  au  diocèse  de  Sens,  acertainé 
et  sçachant  bien  que  toute  humaine  créature  vivante  doit  une  fois  mourir  en  ce 
monde  et  qu'il  n'est  rien  plus  certain  que  la  mort  et  rien  plus  incertain  que 
l'heure  d'icelle,  estant  détenu  d'aucune  maladie,  néanmoings  sain  d'esprit  et  d'en- 
tendement, pour  obvier  à  ce  que  surprins  ne  soye  d'icelle  mort  intestat,  inconfez, 
et  non  pourveu  de  testament  et  ordonnance  de  dernière  volonté,  en  ma  pleine 
mémoire  et  santé,  en  la  forme  et  manière  que  s'ensuit  :  Premièrement,  je  rends 
grâces  à  Dieu,  mon  créateur,  de  ma  nativité,  vie,  corps  et  membres  dont  il  m'a 
créé,  et  des  cinq  sens  qu'il  m'a  prestes  et  de  tous  biens  dont  il  m'a  replet  et  gou- 
verné durant  ma  vie.  Après,  je  recommande  mon  âme  à  Dieu,  mon  Sauveur  et 
rédempteur,  et  me  confesse  à  luy  et  à  la  glorieuse  Vierge  Marie  et  à  tous  les  Saincts 
et  Sainctes  de  Paradis,  de  tous  les  péchés  et  mesfaicts  èsquels  durant  ma  vie  je 
suis  escheu,  suppliant  Dieu  dévotement  et  de  tout  mon  cœur  qu'il  les  me  veuille 
pardonner,  en  recognoissant  et  rendant  pour  ce  vraye  confession  et  contrition, 
disant  ma  coulpe  une  fois,  autre  fois,  et  tierce  fois,  et  veux  et  ordonne  que,  si  rien 
est  sçeu  que  d'autruy  j'aye,  qu'il  soit  rendu  et  restitué  des  biens  que  je  délaisseray 
devant  ou  après  ma  mort,  et  si  à  aucun  j'ay  melTaict  ou  mal  dict,  je  luy  prie  en 
toute  humilité  me  vouloir  pardonner;  aussy,  si  aucun  m'a  mefTaict,  je  luy  par- 
donne bénignement,  suppliant  de  rechef  Dieu  dévotement  que  sa  volonté  soit  telle 
et  que  par  sa  saincte  miséricorde  aussi  luy  plaise  me  faire  et  me  tenir  en  sa  saincte 
grâce  et  Visitation,  jusques  au  dernier  article  de  la  mort,  et  me  defTendre  que 
l'ennemi  d'enfer  ne  m'empesche  de  requérir  et  avoir  mercy  et  miséricorde  de  sa 
clémence  et  bonté  divine,  et  en  sa  saincte  foy  finir,  et  après  par  sa  saincte  grâce 
me  donner  sa  gloire. 

«  Moy  mort  et  expiré,  je  supplie  estre  ensepvelly  soingneusement,  et  veux  et 
ordonne  estre  enterré  dans  la  grande  église  du  fort  de  Maguelonne  et  en  tel  lieu  et 
place  qu'il  plairra  aux  exécuteurs  de  ce  présent  mon  testament  cy-après  nommés 
ordonner,  remettant  à  la  volonté  et  discrétion  desdits  exécuteurs  les  services  et 
luminaires  qu'ils  cognoistront  estre  à  faire  pour  le  salut  de  mon  âme,  et  sembla- 
blement  telle  honorable  sépulture  qu'ils  adviseront  pour  mettre  mon  corps,  ayant 
esgard  à  ma  dignité. 

«  Item,  je  veux  et  ordonne  que  tous  les  arrérages  des  usages,  censives,  lods  et 
ventes,  qui  me  sont  deubs  du  passé  jusques  à  huy  en  toute  ma  comté  de  Melguiel, 
toutes  les  sommes  et  restes  qui  me  sont  deubs  par  les  jadis  rentiers  de  madile 
comté  et  prieuré  de  Noslre-Dame  dudit  Melgueil,  mesmement  ce  qui  m'est  deu  par 
Guilhaume  RulTy,  André  Vedel  et  Anthoine  Alexy,  tant  en  leur  nom  que  de  leur 

1.  V'illeneuve-sur- Yonne,  ch.-l.  de  cant.  de  l'arr.  de  Joigny  (Yonne). 


LVI  INTRODUCTION 

(luillîiunu'  Pt'ilicior  inouiul  le  "lo  janvier  I0G8.  Le  jour  même  de  sa 
mort,  le  chapitre,  ilispersé   jusque  là  dans  la  province,  se  réunit  à 

c'iiclc  I-Jiiirfiis  AIrxy,  aussi  la  sonune  de  cens  ciiuiiianli'  livres  lournnis  qui  m'est 
donc  par  Clainic  Jean  et  Pierre  d'Assas  pL-rc  et  lils.  cl  sPiiililaldciMeiil  ce  que  m'est 
dcu  Innl  par  les  consuls  que  hahilans  dudil  Mel^'ucil  pour  raison  des  dixmes, 
taul  de  lilfd  que  de  vin,  des  annt-es  des  premiers  (roubles;  le  (oui  soil  mis  et 
eu)|)li)yé  aux  rabillemciils  el  réparations  tant  de  l'église  et  maison  claustrale  dudil 
prieuré  Noslre-Dame  dudil  Milgueil  que  du  cliasleau  dudil  lieu,  aussi  tous  les 
aclions  cjuc  j'ay  contre  M*  Jean  (Iczelly,  président  en  la  chambre  des  comptes. 

•  Ilei/i,  je  vtuix  et  ordonne  aussi  que  tous  les  arrérages  des  usages,  censives,  lods 
el  ventes  qui  nu'  sont  deus  en  la  terre  et  jurisdiction  de  Villeneufve-lez-.Mague- 
lonue  ',  mesmes  les  sommes  cl  restes  qui  nous  sont  deues  par  tous  ceux  qui  ont 
tenu  de  nous  l'arrenlemcnt  dudil  Yilleneufve,  soient  employées  aux  réparations  du 
chasieau  dudil  lieu. 

•  //ew),  j'ordonne  que  tout  ce  (|ui  m'est  deu  par  les  consuls  el  habilans  de  Fron- 
tignan  -,  pour  quelque  cause  cl  occasion  que  ce  soit,  le  tout  soil  employé  aux 
réparations  de  l'église  el  fort  de  Maguelonne. 

-  lieu,,  j'onlonne  que  tous  les  arrérages  des  usages,  censives,  lods  el  ventes  qui 
me  sont  deubs  à  Mcrviel  ^,  ensemble  tout  ce  qui  m'est  deu  par  les  rentiers  qui  ont 
par  oy-devant  tenu  tant  la  seigneurie  dudil  Merviel  que  le  prieuré  dudit  lieu,  le 
tout  soil  employé  aux  réparations  de  l'église  el  chasieau  dudit  Merviel. 

-  llem,  je  veux  et  ordonne  aussi  que  toutes  les  sommes  de  deniers  qui  me  sont 
deues  pour  raison  de  l'arrantemenl  du  Terrai  ^,  tant  par  André  Raflinesque,  Sarrel 
el  madamoiselle  de  Sarras,  que  tous  autres  rentiers  quy  ont  esté  jusques  à  huy, 
ensemble  lous  les  arrérages  des  usages,  censives,  lods  cl  ventes  qui  me  sont  deues 
audit  Terrai  el  Saint  Jean-de-Védas  ^,  le  tout  soil  employé  aux  réi)aralions  du 
chasieau  dudit  Terrai  et  chappelle  d'iccllny. 

•  llem,  j'ordonne  que  tout  ce  qui  m'est  deu  pour  raison  du  revenu  de  mon 
doyenné  du  collège  de  la  Trinité  dudil  Maguelonne,  soil  employé  aux  réparations 
dudil  collège  el  église  d'icelluy. 

-  llem,  je  vcus  et  ordonne  que  tous  les  arrérages  des  usages,  censives,  lods  et 
ventes,  qui  me  sont  deubs  en  ma  comté  de  Montferrand,  ensemble  tout  ce  que  nous 
doit  M«  (aiiiliaume  Rogier,  cappitaine  du  chasieau  de  Montferranil,  el  tous  les  autres 
rentiers  qui  ont  par  cy-devanl  tenu  de  nous  aucuns  arrenlemcns  en  ladite  comté, 
le  tout  soit  employé  aux  réparations  de  l'église  et  chasieau  dudit  Montferrand. 

«  //e»î,  j'ordonne  que  lous  les  arrérages  des  usages,  censives,  lods  el  ventes,  qui 
me  sont  deubs  à  Gigcan  ^,  aussi  tout  ce  que  nous  doivent  les  rentiers  dudil  lieu, 
le  tout  soit  employé  aux  réparations  de  l'église  cl  ciiasteau  dudit  Gigean. 

-  Item,  j'ordonne  aussi  que  lous  les  arrérages  des  usages,  censives,  lods  et  ventes 
qui  nous  sont  deubs  à  Balaruc  ',  ensemble  les  sommes  que  nous  doivent  les  ren- 
tiers dudil  lieu,  le  tout  soil  employé  aux  réparations  du  chasieau  dudit  Ballaruc. 

•  llem,  j'ordonne  aussi  que  tous  les  arrérages  des  usages,  censives,  lods  et  ventes, 
qui  nous  sont  deubs  en  la  ville  et  terroir  de  Montpellier,  soient  employées  aux 
réparations  de  la  Salie  et  maison  episcopale  dudit  Montpellier  8. 

•  Toutes  lesquelles  sommes  de\ies  par  lesdits  rentiers  et  autres  personnes  cy 
devant  nommées,  ensemble  lesdits  arrérages  d'usages,  censives,  lods,  ventes  qui 
me  sont  deubs  el  escheus  de  tout  le  passé  jusques  à  huy  ez  lieux  aussi  cy  devant 
déclarés,  je  veus  cl  ordonne  estrc  prises  el  levées  par  les  exécuteurs  de  ce  présent 

1.  Villoncuvo-iés-Magucloniic,  commune  de  l'arr.  do  Montpellier,  cant.  de  Frontignan. 

0.  Frontignan,  ch.-l.  de  cant.  de  l'arr.  de  Montpellier, 

:!.  Murvi.'l-lès-Monipellier,  commune  du  troisième  canton  de  Montpellier. 

•I.  Le  Terrai,  ancienne  résidence  des  évoques  de  Montpellier,  auj.  ferme  de  la  commune  de 
Saint-Jean  de  Védas. 

f>.  Saint-.Iean-de-Védas,  commune  du  troisième  canton  de  Montpellier. 

G.  Gijean,  commune  du  canton  de  M6zo,  arr.  de  >[ontpellier. 

'1.  Ualaruc-lc-Vieux,  ëcart  de  la  commune  de  Balaruc-ies-Bains,  canton  de  Frontignan. 

8.  La  Salle,  ancien  palais  des  évoques  do  Maguelonne  à  Montjicllier.  La  rue  où  s'élevait 
cette  construction  s'appelle  encore  aujourd'hui  rue  Sallc-rÉvêque. 


INTRODUCTION  LVII 

Fronlignan.  Il  n'est  pas  question  de  lui  dans  le  procès-verbal  de  cette 
assemblée.  Le  lendemain  seulement,  on  apprenait  la  mort  de  l'évêque. 

mon  testament  et  ordonnance  de  dernière  volonté,  et  par  eux  employées  ez  répa- 
rations dessiisdites  le  phislot  que  faire  se  pourra,  selon  leur  conscience  et  discré- 
tion, voulant  néanmoings  que  toutes  les  décimes  que  je  puis  devoir  aussi  du  passé 
jusques  au  jour  de  mon  trespas,  soient  préalablement  prinses  et  desduitles  sur 
toutes  lesdites  sommes,  arrérages  et  debtes  sustlits. 

«  Item,  je  veux  et  ordonne  que  tous  mes  serviteurs  domestiques  soint  entière- 
ment payés  et  récompensés  de  leurs  gages  et  salaires  jusques  au  jour  de  mondit 
(respas  par  les  exécuteurs  de  mondit  testament,  si  durant  ma  vie  et  avant  mondit 
trépas  je  ne  les  récompense  moy-mesme  de  leursdils  et  bon  service  qu'ils  m'ont 
faict,  et  veus  aussi  que  mesdits  exécuteurs  puisse[ntj  faire  tel  don  et  advantagc  à 
mesdits  serviteurs  qu'ils  auront  mérité  outre  la  satisfaction  de  leursdils  gages,  et 
à  leur  discrétion  et  bonne  volonté. 

«  Ilem,  je  donne  et  lègue  [à]  Guillaume,  Antoine,  Jean  et  Pierre  Pelliciers  frères, 
mes  nepveux,  Marguerite,  Jeanne  et  Pierre  Pellicières  seurs,  mes  niepces,  tous 
«nfans  légitimes  de  feu  Anthoine  Pellicier  mon  frère  '  ;  —  Jeanne  Pelicière,  ma  sreur, 
vefve  de  feu  Rossel,  Guillaume  et  Jean  Rossels  frères,  mes  nepveus,  Catherine  et 
Jeanne  Rousseiles  sœurs,  mes  niepces,  tous  enfans  de  ladite  Jeanne  ma  sœur;  — 
Péronne  Pellicier,  ma  seur,  femme  «le  M"  Guillaume  Caprerié,  et  tous  les  enfans 
qu'a  eus  ladite  Péronne  ma  sœur,  soint  masles  ou  femelles,  mes  nepveux  et  niepces; 
—  Pierre  de  Canceris  et  Jeanne  de  Mourgues  seurs,  mes  niepces,  filles  de  feue 
Maurice  de  Pellicier,  ma  sœur;  —  Guilhaumc  et  Jacques  Duranc  frères,  mes  nep- 
veux, fils  de  feue  Jaquette  Pellicière,  aussi  ma  seur,  et  mes  niepces  les  filles  de 
ladite  Jaquette  ma  seur;  —  César,  Hermion,  et  Astérion  Pelliciers  frères,  Anthoine 
et  Hermione  Pellicières,  seurs'-;  —   Guillhaume  et  Million  Peliciers  aussi  frères, 

et  enfans  et  héritiers  de  feiie ^  Guérine,  femme  de  feu  ...<•  Sestiers  d'Aygues- 

mortes,  ma  tante  maternelle;  les  héritiers  et  hoirs  de  Germain  et  Raymond 
Pelliciers,  de  Melguel,  et  Gabriel  de  Pélissier,  de  Lunel,  et  autres  descendans 
d'eux,  et  à  chacun  des  susnommés  et  comprins,  je  lègue  la  somme  de  cinq  sols 
tournois,  moyennant  laquelle,  et  pour  bonne  et  juste  cause  à  ce  me  mouvant,  uni- 
versellement je  les  déshérite  et  abandonne  de  tous  les  droits  successifs  et  hérédi- 
taires qu'ils  et  chacun  d'eux  en  général  et  en  particulier  sçauroient  avoir  et  pré- 
tendre, tant  de  droict,  de  faict  que  de  coustume,  en  tous  et  chacuns  mes  biens, 
meubles,  immeubles,  patrimoniaux,  acquesls  et  autres  présens  et  advenir,  géné- 
rallement  quelsconques,  et  semblablement  tous  autres  mes  frères,  seurs,  nepveus, 
niepces,  enfans  '^,  cousins  et  parens,  quels  qu'ils  soint,  lesquels  pourroinl 
prélhendre  ou  quereller  aucun  droict  à  madite  succession,  moyennant  pareilhe 
somme  de  cinq  sols  tournois. 

«  Item,  ']Q  fais  et  institue  mes  héritiers  seuls  et  universels  les  pauvres  démon  dio- 
cèse, qui  seront  choisis  et  esleus  h.  la  discrétion  et  bonne  volonté  desdits  exécuteurs 
de  ce  présent  mon  testament  et  ordonnance  de  dernière  volonté,  ausquels  pauvres 
je  donne  et  laisse  tous  et  chacuns  mes  biens,  meubles,  immeubles,  qui  resteront 
après  que  mes  debtes  auront  esté  payés,  si  aucuns  en  y  a,  et  après  que  ce  mien 
dit  testament  aura  esté  exécuté  et  accomply. 

«  Pour  lequel  testament  et  ordonnance  de  ma  dernière  volonté  dcssusdilte  enté- 
riner et  mettre  à  exécution  entière  et  deue,  je  prens,  nomme  et  eslis  mes  exécuteurs 
d'icelluy  Messieurs  M'  de  Beauxhostes  et  Jacques  de  Montfaucon,  sieur  de  Vissée, 
présidens  en  la  Cour  des  Aydes  à  Montpellier,  M*  Jean  Doumergue.  chanoine  et 
archidiacre  de  Castres,  mon  vicaire  général,  et  Frézal  Pastre,  prieur  de  Saint-Paul, 
mes  bons  et  féaux  amis,  ausquels  je  donne  plein  pouvoir  et  aulhorilé  de  faire  et 
accomplir  le  contenu  en  mondit  testament  au  plustôt  qu'ils  pourront,  et  des  biens 
tant  meubles  que  immeubles  qui  seront  par  moy  délaissés  après  mondit  trespas; 

1.  Antoine  Pellicier  avait  succédé  à  Milan  son  père  dans  la  charge  de  viguicr  de  Mauguio. 

2.  Enfants  naturels  de  Pellicier. 

3.  Un  blanc. 

4.  Un  blanc. 

5.  La  mention  est  nette  et  précise. 


LVIM  INTRODUCTION 

Le  20  janvier,  le  corps  de  l'évêquo  lut  enseveli  sans  pompe  et 
inhumé,  selon  son  désir,  dans  son  ancienne  calhédrule  de  Maguelonne. 
Le  ciiapilre  élut,  comme  vicaire  capiluUiire,  sede  vacante,  Léonard 
Aj^uillon,  prévôt  de  l'église  cathédrale  de  Montpellier'. 


Ii'siiiiels  l)icns  poiir  ce  faire. je  leur  côiic.  transporte  cl  mots  p/  mains  desilits  esieus 
mes  exi'culeiirs,  jusques  à  l'entier  acconiplisscnicnt  de  mundil  Icslanienl  cl  ordon- 
nance de  «lernière  volonté,  el  révo(]iic  et  mets  au  néant  Ions  aulres  leslamens  qui 
par  nioy  [poiirroinl]  avoir  esté  faicls  auparavant  ccsdites  présentes,  vuulanl  (jue 
celuy  ou  ceux  ipii  oonlrevicndronl  h  cedil  présent  mon  leslaiacnt  soinl  privés  el 
exempts  de  mon  nom,  parenté  et  cognoissance.  Je  ne  veux  et  n'cnlcnds  point  aussi 
qu'aucuns  mafrislrats  cl  officiers  (lu  Roy  ou  autres  quels  qu'ils  soint,  fassent  aucun 
inventaire  de  mesdits  hiens,  sans  le  vouloir  et  consentement  expiés  desdits  exécu- 
leurs,  lesijuels  prendront  el  choisiront  à  leur  volonté  loi  notaire  ou  clerc  qu'il  leur 
plaira  pour  faire  el  parfaire  ledit  inventaire.  Davantage  je  veux  el  ordonne  (jue 
deux  desdils  esieus  cl  exécuteurs  de  cedil  présent  mon  testament,  en  l'absence  ou 
rempescliemenl  ilo  l'ung  ou  deux  des  aulres,  puisser.t  exécuter  niomlil  testament 
en  chacun  de  ses  chefs,  comme  sy  tous  présens  y  esloinl,  el  lequel  mon  présent 
tcslamenl  el  ordonnance  de  dernière  volonté  je  veux  el  ordonne  aussi  avoir  telle 
force  el  vigueur,  estant  seulement  signé  *le  la  main  des  tesmoings  cy-après  nommés, 
comme  s'il  avoil  esté  prins  el  receu  par  aulhorité  de  magistral,  notaire  n)yal  ou 
autre  personne  publique,  el  en  la  meilleure  forme  el  manière  que  ce  pourroil  faire 
el  valloir,  considéré  le  lieu,  le  temps  et  les  troubles  présens  où  nous  sommes 
réduicts,  el  tel  est  mon  vouloir  leslamentaire  el  onlonnance  de  dernière  volonté, 
contenue  ez  six  feuillets  de  papier  entier  cy-devanl  cscripls  cesluy  comprins,  que 
j'ay  faict  signer  auxdits  tesmoings  cy-après  nommés,  nonobstant  tous  édicls,  ordon- 
nances, arrcsls,  statuts,  coustume  et  privilèges  à  ce  contraires. 

•■  Faict  à  Maguelonne,  dans  ma  chambre,  présens  mes  bons  amis  M*  Ozias  de 
Mellebost,  chanoine  en  l'église  cathédralle  de  Montpellier  et  prieur  de  Saincte- 
Croix;  Jacques  Barbuti,  prestre,  bedeau  de  ladite  église  de  Montpellier;  Jacques 
Nourrit,  prestre  du  Crès;  Pierre  de  Combe,  i)restre  de  Yalergues;  Grégoire  Fal- 
gayrolles,  prestre  de  Maguelonne;  frère  Laurens  Chalvet,  vicaire  de  l'Observance 
iludit  Montpellier;  sire  Anthoine  Aousl,  marchant  de  ladite  ville  de  Montpellier; 
Vidal  Pitol,  de  Sainl-Auban,  serviteur  du  sieur  de  Moriès;  Louis  Balmat,  de  Clias- 
saiiaige  *  en  Dauphiné;  et  Jean  Houveral,  du  lieu  de  Pérolo,  tous  lesquels  j'ay  prié 
el  requis  signer  cedil  présent  mon  testament  pour  la  vallidalion  d'icelluy,  le 
lundy  malin,  troisième  jour  de  nouvembre  lan  mil  cinq  cens  soixante  et  sept. 

•  Ozias  de  Malbosc;  Barbuti,  prêtre;  P.  de  Comba,  J.  Nourrit,  G.  Falgairolles, 
Jean  Rouveyrac,  L.  Chalveli,  vicaire,  Anthoine  Aoust,  V.  Pitot,  L.  Balmat,  et  plus 
bas,  par  commandement  de  mondit  seigneur  testateur,  Prévost,  secrétaire,  tous 
ainsi  signez  à  l'original. 

-  Exlraict  deuemcnt  eollationné  à  son  original  produit  au  procès  pendant  en  la 
cour  de  Monsieur  le  Gouverneur  de  .Montpellier,  devers  le  procurer  du  Roy  institué 
audit  Gouverncm[enlj  el  par  luy,  comme  demandeur  en  pul>lication  d'iceluy  tes- 
t-iment  el  les  proches  parens  dudil  feu  sieur  évesque  el  autres  préthendans 
droicls  en  des  biens,  par  moy  Jean  Janin,  greffier  en  ladite  cour  et  siège  prési- 
dial  de  ladite  ville  soubsigné,  le  sepliesme  de  juillet  et  l'an  mil  cinq  cens  quatre 
vingts-dix.  Janin,  greffier. 

«  Collalionné  par  nous.  Conseiller  du  Roy  et  secrétaire 
au  Parlement  de  Thoulouse. 

«  Delacroix  -. 

(Archiv.  départ,  de  l'Hérault,  G.  IV.  193.  —  Communication  de  M.  Joseph  lier- 
thelé). 

{.  Nomination  de  Léonard  Aguillon.  prévôt  de  l'église  cathédrale  de  Montpellier, 
1.  Sasscnage,  Casnaticum  (Isère). 


INTRODUCTION  LIX 

On  ne  connaît  pas  de  portrait  de  Guillaume  Pellicier.  Los  recher- 
ches que  nous  avons  laites  à  ce  sujet  sont  demeurées  infructueuses; 
M.  Henri  Bouchot,  l'érudit  conservateur  du  département  des  estampes 
à  la  Bibliothèque  Nationale,  si  au  courant  de  l'iconographie  du 
XVI*  siècle,  nous  a  déclaré  n'avoir  jamais  rencontré  de  représentation 
figurée  de  notre  prélat.  Nous  avons  peine  à  croire,  cependant,  qu'à 
une  époque  où  la  gravure  était  déjà  si  fort  répandue,  et  où  le  pin- 
ceau comme  le  crayon  servirent  à  reproduire  tant  d'effigies  souvent 
moins  illustres,  quelque  artiste,  italien  ou  français,  n'ait  pas  été 
tenté  de  fixer  les  traits  de  Tévêque  humaniste  et  diplomate.  Aussi  ne 
désespérons-nous  pas  de  découvrir  par  la  suite  une  image  authentique 
du  personnage  qui  nous  occupe.  Nous  pouvons  conjecturer  qu'il  était 
de  taille  moyenne,  de  tempérament  plutôt  sanguin,  avec  une  légère 
tendance  à  l'obésité;  il  devait  porter  toute  sa  barbe,  suivant  la  mode 
ordinaire  des  prélats  de  ce  temps.  Telle  est  du  reste  assez  exactement 
la  donnée  du  buste  qui  lui  a  été  élevé,  dans  les  premières  années  de 
notre  siècle,  au  milieu  du  Jardin  botanique  de  Montpellier.  En  dépit 
de  l'exécution  assez  médiocre,  cette  œuvre  pourrait  fort  bien,  selon 
nous,  qui  n'en  pouvons  juger  actuellement  que  par  un  cliché  photogra- 
phique, avoir  été  inspirée  par  des  documents  contemporains  aujour- 
d'hui perdus  '. 

La  famille  de  Pellicier  portait  pour  armes  :  de  gueules,  à  la  fasce  doi\ 
accompagnée  en  chef  d'une  larme  d argent,  et  d'un  anneau  d'or  en  pointe; 
écartelé  d'azur  au  soleil  d'or  surmonté  de  trois  étoiles  de  même  (Armoriai 
de  Languedoc,  t.  1,  p.  397),  ou  plus  simplement  :  de  gueules,  à  la  fasce 
d'or  accompagnée  de  trois  larmes  d'argent  en  chef,  et  de  trois  besants  de 
même  posés  3  et  i  (J.  Renouvier,  Monuments  du  Bas- Languedoc). 


comme  vicaire  capitulaire,  sedc  vacante,  après  le  décès  de  Guillaume  Pellicier. 
—  «  Le  cliappilre  estant  adverty  du  Irespas  de  feu  Révérend  Père  en  Dieu  Messire 
Guillaume  de  PcUissicr,  évesque  de  Montpellier,  que  Dieu  absolve,  et  ne  s'estant 
peu  assembler  pour  procéder  à  l'élection  d'ung  évesque,  suyvant  les  sainctzdécretz, 
édictz  et  ordonnances  du  Roy,  et  néantmoings  pour  eslire  et  nommer  ung  vicaire 
général  sede  vacante,  suyvant  ladicte  disposition  de  droict  et  leur  pouvoir,  ont 
esleu,  nommé  et  faict  vicaire  général  sede  vacante  audict  évesché  de  Montpellier 
Révérend  Père  Messire  M"  Léonard  Aguillon,  prévost  de  ladicte  esglise  cathédralle 
de  Montpellier,  absent,  à  ce  que  lui  soit  despéché  lettres  de  vicariat  avec  telz 
honneurs,  pu[i]ssance,  préhéminances,  prerrogatives  que  les  autres  vicaires  en  tel 
cas  requiez  en  peuvent  avoyr.  »  {Archiv.  départ,  de  V Hérault,  série  G.  Délibérations 
du  chapitre  cathédral  de  Montpellier,  volume  de  1564  à  1575,  fol.  286  v».  —  Com- 
munication de  M.  Joseph  Herthelé.) 

\.  S'il  faut  en  croire  les  Mémoires  et  Souvenirs  (Genève,  Cherbuliez,  1SG2,  in-S") 
d'Augustin-Pyrame  de  Candolle,  recteur  de  l'Université  de  Montpellier  en  1815,  ce 
fut  Pierre-Auguste  Broussonnet,  directeur  du  Jardin  botanique  de  cette  ville,  de 
1803  à  1807,  qui  eut  l'idée  d'orner  cette  magnifique  promenade,  relevée  de  ses 
ruines  après  un  long  siècle  d'abandon,  de  toute  une  série  de  bustes  en  pierre 
représentant  les  principaux  botanistes,  illustrations  de  l'Ecole  de  médecine  et  du 
Jardin  des  plantes.  Pellicier  y  avait  sa  place  naturellement  marquée  à  côté  de 
Rondelet  (V.  Ch.  Martins,  Le  Jardin  des  Plantes  de  Montpellier). 


LX  INTRODUCTION 

On  consene  au  siège  de  la  Sociélé  archéologique  de  Montpellier  une 
belle  pierre  sculptée,  de  lépoque  de  Louis  XII,  qui  représente  les 
armoiries  de  Guillaume  Pellicier  l'Ancien  ayant  pour  supports  deux 
anges.  M.  KmiU'  Honnel.  archiviste  de  la  société,  a  bien  voulu  nous 
autoriser  gracieusement  à  (aire  tirer  une  épreuve  photographique  de 
ce  monument. 

Guillaume  Pellicier,  avons-nous  dit,  lut  déposé  sans  grande  pompe, 
au  lendemain  de  sa  mort,  dans  les  caveaux  de  l'église  cathédrale  de 
Maguelonne.  Les  temps  troublés  ne  permirent  pas  de  lui  élever  de 
monument  apparent,  et  rien  ne  marqua,  parait-il,  sur  le  dallage  du 
temple,  l'endroit  précis  où  le  corps  de  l'évéque  avait  été  inhumé.  De 
nombreux  pontifes  avaient,  au  cours  des  âges,  été  de  même  enterrés  à 
Maguelonne;  après  Pellicier,  deux  de  ses  successeurs  y  furent  encore 
transportés,  malgré  la  translation  du  siège  épiscopal  à  Montpellier  :  ce 
furent  .\ntoine  de  Subiet,  mort  en  loOÔ,  et  Guittard  de  Ratte,  mort 
en  lOOi.  C'est  seulement  sous  l'épiscopat  de  Pierre  de  Fenouillet, 
en  1633,  que  Maguelonne,  par  ordre  de  Richelieu,  fut  démantelée  et 
l'église  délinitivement  abandonnée*. 


1.  Louis  de  la  Roque,  loc.  cil.,  pp.  123  et  127.  —  Le  propriétaire  actuel  «lu 
•lomaine  de  .Maguelonne,  M.  Fabrège,  au  cours  de  fouiller  minutieuses  prati<|uées 
en  mai  1871  dans  le  sous-sol  de  l'ancienne  cathédrale,  a  mis  au  jour  une  trentaine 
de  tombes  épiscopales  parmi  lesquelles  il  croit  avoir  retrouvé  la  sépulture  de 
Guillaume  Pellicier.  Entre  la  tombe  de  l'évéque  Jean  de  lîonnail,  mort  en  1487, 
située  prés  du  mailre-aulel,  et  le  trône  pontifical,  le  pavage  avait  été  remanié  et 
les  dalles  retournées,  les  unes  en  long,  les  autres  en  large,  pour  dessiner  un  carré. 
A  quatre-vingt  centimètres  du  sol,  on  mit  au  jour  un  cercueil  en  plomb,  rétréci 
vers  les  pieds,  orné  sur  toutes  les  faces  d'une  série  de  cartouches  en  bossage,  tous 
identiques  et  représentant  le  Crucifiement  et  la  Résurrection  du  Christ  :  dans  la 
partie  supérieure,  le  Christ  en  croix,  ayant  à  ses  pieds  la  Vierge  et  Saint-Jean; 
dans  la  partie  inférieure,  le  (Christ  sortant  de  son  tombeau  pour  monter  au  ciel. 
Les  deux  motifs  étaient  couronnés  par  un  dais  à  triple  arcature  surbaissée.  Il  y 
avait  enfin  une  seconde  série  de  cartouches,  tous  semblables,  olîrant  les  images 
nimbées  du  Christ  et  de  son  Père,  séparées  par  un  soleil,  figure  du  Saint-Esprit, 
et  placées  sous  un  dais  supporté  par  des  anges. 

Le  squelette,  intact,  était  d'assez  grande  taille;  la  mâchoire  garnie  de  toutes  les 
dents,  la  plupart  aurifiées.  Ni  crosse,  ni  anneau  pastoral,  ni  inscription;  rien  que 
les  vestiges  d'un  ornement  en  tissu  doré. 

La  suliordination  des  lignes  du  pavage  à  la  largeur  du  tombeau  de  Jean  de  lîon- 
nail accusait  une  sépulture  postérieure  à  1187;  le  style  du  cercueil,  le  milieu  du 
XVI*  siècle.  Ces  ossements  sont  donc  vraisemblablement  ceux  d'un  Pellicier,  I  An- 
cien ou  le  Jeune.  D'autre  part,  le  cercueil  en  plomb,  le  seul  quon  ait  trouvé  dans 
le  cours  des  fouilles,  prouverait,  selon  M.  Falirège,  que  le  corps  a  été  apporté  du 
dehors;  laurification  des  dents  attesterait  les  progrès  d'une  chirurgie  qui  brillait 
alors  en  Italie  de  tout  son  éclat;  l'absence  d'épitaphe  et  de  monument  extérieur 
correspondrait  bien  à  l'époque  des  guerres  de  religion.  On  sait  qu'en  mai  1562 
l'église  fut  saccagée  par  les  calvinistes,  et  les  tombeaux  détruits. 

Ces  renseignements  nous  ont  été  obligeamment  fournis  par  M.  Fabrège,  qui  les 
a  tirés  pour  nous  du  tome  111  de  son  llisloin;  de  Maguelonne,  en  cours  de  publica- 
tion. Ce  volume,  complément  des  deux  précédents,  dont  le  premier  a  seul  jiaru, 
compr<;n(lra  la  description  archéologique  des  ruines  de  Maguelonne,  accompagnée 
de  nombreuses  planches. 


INTRODUCTION  LXl 


111 


On  connaît  jusqu'à  ce  jour  trois  manuscrits  de  la  Correspondance  de 
Guillaume  Peliicier,  se  référant  également  tous  trois  à  la  seconde  partie 
de  son  ambassade  à  Venise. 

Manuscr'it  A.  —  Le  premier  et  de  beaucoup  le  meilleur  est  sans  con- 
tredit celui  que  possèdent  les  archives  des  Affaires  étrangères,  copie 
contemporaine,  exécutée  sous  les  yeux  mêmes  de  l'évèque  et  qui 
demeura  évidemment  en  sa  possession  jusqu'à  sa  mort*.  Après  lui,  les 
trésors  amassés  avec  tant  de  zèle  furent  certainement  mis  au  pillage, 
non  pas  tant  à  cause  des  dévastations  calvinistes  que  «  par  suite  du 
dérangement  des  affaires  de  Peliicier  »,  comme  le  dit  fort  justement  le 
chanoine  de  Grefeuille.  historien  de  l'église  de  Montpellier-.  Ainsi 
distraite  en  grande  partie  du  fonds  del'évêché,  cette  riche  bibliothèque 
devait  y  rentrer  dans  une  certaine  mesure,  par  les  soins  pieux  de  quel- 
ques érudits,  successeurs  de  Peliicier.  Ainsi,  le  volume  dont  nous  par- 
lons paraît  avoir  été  racheté  plus  tard  par  l'évèque  Charles  de  Pradel, 
à  moins  qu'il  n'ait  été  conservé  dans  la  bibliothèque  des  évêques  de 
Montpellier  jusqu'à  la  fin  de  l'épiscopat  de  Colbert  de  Croissy,  à  la 
vente  duquel  il  fut  enfin  acquis,  en  1741,  par  le  département  des 
Affaires  étrangères,  avec  divers  autres  documents  diplomatiques  de 
même  provenance.  On  trouvera  dans  l'appendice  les  pièces  relatives 
à  toute  cette  affaire". 

Le  manuscrit  sur  papier,  in-folio,  comprend  334  feuillets,  dont 
3  blancs.  Le  premier  feuillet  porte  au  recto,  à  la  suite  de  quelques 
notes  du  copiste,  ces  mots  d'une  bonne  écriture  du  xviii^  siècle,  qui 
paraît  être  celle  de  Colbert  de  Croissy  :  Lettres  de  M.  PelÀssiei\  Ev.  de 
Maguelonne,  pendant  son  ambassade  à  Venise  en  1 540  et  i 54i  ;  le  verso 
est  blanc.  Le  recto  du  second  feuillet,  où  commence  la  première 
dépêche  adressée  à  Rincon,  porte  en  marge  la  mention  suivante, 
d'une  belle  et  ferme  écriture  du  xviii"  siècle,  probablement  autographe 
du  prélat  qu'elle  concerne  :  Ex  libris  BibUo[thecœ]  D.  D.  Caroli  de 
Pradel  epi[sco]pi  Monspe[liensis].  La  copie  est  en  écriture,  assez  régu- 
lière, du  milieu  du  xvi"  siècle;  pour  les  dépêches  italiennes,  une  belle 
italique  remplace  l'écriture  française  et  ne  paraît  pas  être  de  la  même 
main. 

Une  reliure  moderne,  en  veau  brun,  avec  le  fer  officiel  des  reliures 
du  règne  de  Louis-Philippe,  a  remplacé  la  couverture  en  parchemin 

l.Un  premier  volume,  relatif  à  la  première  partie  de  l'ambassade,  a  certaine- 
ment existé,  et  fut  peut-être  détruit  dans  les  troubles  civils  du  xvi«  siècle,  après  la 
mort  ou  du  vivant  même  de  Peliicier. 

2.  Histoire  ecclésiastique  de  Montpellier ,  partie  II,  p.  170. 

3.  Voir  Appendice  Vlll,  pp.  722  à  738. 


LXll  INTRODL'CTION 

qui  prolégeait  le  inunustril,  lors  de  son  acquisition  en  17  41  (V.  la 
noie  de  l'abbé  Sallirr,  p.  l'Mt}. 

Manuscril  IL  —  Le  second  manuscrit,  conservé  à  la  Ribliolliéque 
nationale  sous  le  n°  570  du  fonds  (^lairambault,  est  un  volume  petit 
in-lolio  sur  papier,  de  ti.'iO  feuillets,  d'une  petite  écriture  ronde  qui 
semble  appartenir  à  la  première  moitié  du  xvn''  siècle.  Nous  manquons 
de  renseignements  sur  sa  provenance.  .Nous  savons  seulement  qu'en 
1070  Henri  dAguesseau,  intendant  de  Languedoc,  envoya  au  minisire 
Colberl,  en  vue  des  acquisitions  K  faire  pour  la  Bibliothèque  royale,  le 
catalogue  d'une  bibliothèque  où  l'on  remarquait  entre  autres  manuscrits 
l'Ambassade  de  Fellicier,  évéque  de  Maguelonne.  C'est  évidemment 
notre  manuscrit  B'. 

Le  recueil  est  intitulé  :  Volume  2"'"  des  missives  de  Mes$ire  Guilhaume 
de  l'clicier,  évesque  de  MoiitpoUer,  ambassadeur  pour  le  Iîo\i  François 
premier  à  Venise,  du  premier  jour  de  juillet  1540.  Un  tilre  équivalent 
a  été  ajouté,  en  belle  écriture,  au  xviii'  siècle,  sur  le  feuillet  qui  pré- 
cède. Celle  copie,  fort  inexacte  d'ailleurs  et  qui  abonde  pour  ainsi  dire 
à  chaque  ligne  en  lectures  défectueuses,  est  loin  de  comprendre  toutes 
les  dépêches  contenues  dans  le  manuscril  des  Affaires  étrangères.  On 
n'y  trouve  que  les  lettres  adressées  au  roi  et  au  connétable,  et  une 
partie  de  celles  adressées  à  Rincon  et  à  Langey.  Une  noie  du  temps, 
placée  en  haut  de  la  marge  du  premier  feuillet,  note  :  «  Au  dernier 
feuillet,  qui  est  le  248  v°,  j'ay  remarqué  les  lettres  que  je  fais  estât 
d'employer  en  mon  recueil.  »  Cette  mention  correspond  aux  feuillets 
24Gv°,  247  el248  v°  qui  contiennent,  à  la  suite  de  quelques  feuillets 
blancs,  disposée  en  deux  colonnes,  et  sous  forme  de  véritable  griffon- 
nage eu  maint  endroit  à  peu  près  illisible,  une  sorte  de  cote  ou  d'ana- 
lyse sommaire  des  dépêches  transcrites. 

Le  cartonnage,  en  parchemin  blanc,  est  tout  moderne,  et  porte  au 
dos  le  monogramme  doré  du  Second  Empire,  un  N  surmonté  de  la 
couronne  impériale  entre  deux  branches  de  laurier. 

Manuscril  C.  —  Le  troisième  manuscril,  conservé  à  Aix  sous  le 
n"  199  de  la  Bibliothèque  M(\janes,  est  une  copie  du  xvii'^  siècle,  in-folio, 
sur  papier,  de  1200  pages,  soit  GOO  feuillets,  reliée  en  veau,  avec  les 

I.  L'année  s»  i  van  le,  le  même  «IWgucsscau  envoyait  encore  le  catalogue  des  manus- 
crits du  sieur  Pupet,  «le  Toulouse,  et  du  célohre  François  de  Bosquet,  évèque  de 
Monipellicr  (ms.  ial.  y3ô3,  f"  164).  Ce  prélat,  mort  Tannée  précédente,  avait  réuni 
une  bibliothèque  importante,  mais  ses  manuscrits  ne  furent  pas  acquis  par  Colbert; 
ils  passèrent,  pour  une  bonne  part,  dans  la  bibliothèque  du  successeur  de  Bosquet, 
Ch.  de  Pradel,  et  après  lui  dans  celle  de  Ch.-J.  de  Colbert,  à  la  mort  duquel  ils 
furent  dispersés. 

La  même  année  (107"),  lloudon.  trésorier  de  France  à  Montpellier,  signalait  à 
Baluze  la  bibliothèque  de  feu  .M.  de  Rignac,  et  le  cabinet  du  chanoine  Gariel,  mort 
vers  10" i,  dans  lequel  étaient  réunis  beaucoup  de  documents  concernant  les  évé- 
ques  de  .Maguelonne  (Collect.  Baluze,  ms.  371,  f°'  I  et  10.  —  Delisle,  Cabinet  des 
mss.  de  la  Dibl.  iiaf.,  t.  l.  pp.  455  et   iSô). 


INTRODUCTION  LXIII 

armes  du  marquis  d'Aubais,  sur  le  dos.  Il  a  pour  lihc  :  Lettres  de 
Messire  Guillaume  Pellissicr,  évèque  de  Maguelonne^  ambassadeur  du  roy 
François  premier  vers  la  république  de  Venise. 

Ce  manuscrit  a  appartenu  à  Tévêque  de  Montpellier  C.-J.  Colberl  de 
Croissy,  et  figure  dans  le  catalogue  imprimé  de  sa  bibliothèque,  au 
tome  II,  p.  448.  Il  est  permis  de  supposer  que  cette  copie,  à  peu  de 
chose  près  conforme  au  manuscrit  A  ',  qui  faisait  partie  de  la  même  col- 
lection, fut  exécutée  par  les  soins  et  sous  Tépiscopat  de  Charles  de 
PradeP.  Après  la  vente  et  la  dispersion  de  la  bibliothèque  colbertinc, 
le  manuscrit  passa  dans  celle  de  Charles  de  Baschi,  marquis  d'Aubais 
(168G-1777),  érudit  et  bibliophile,  dont  il  porte  l'ex-libris  gravé  sur  la 
garde,  et  les  armes  sur  le  dos  de  la  reliure.  Il  parvint  ensuite  aux 
mains  de  Jean-Haptiste  Piquet,  marquis  de  Méjanes  (1729-178G),  qui  a 
écrit  sur  le  feuillet  de  garde  la  note  suivante  :  «  Ce  ms.  a  été  acheté  des 
héritiers  de  M.  le  marquis  d'Aubais,  par  la  médiation  de  M.  Séguier, 
12  livres,  en  1781=^». 

En  résumé,  le  manuscrit  B  nous  paraît  absolument  négligeable, 
puisqu'il  est  incomplet  et  que  son  texte  fourmille  d'erreurs.  Le  manus- 
crit C  n'est  guère  qu'une  copie  relativement  récente  du  manuscrit  A, 
qui  demeure  jusqu'à  nouvel  ordre  le  seul  texte  authentique  et  contem- 
porain. Il  comprend  dans  son  ensemble  405  dépêches,  qui  se  décom- 
posent ainsi  :  82  adressées  au  roi,  39  à  M.  de  Langey,  35  au  maréchal 
d'Annebault,  31  au  connétable  de  Montmorency,  31  à  Rincon,  31  à 
l'évéque  de  Rodez,  16  à  l'amiral  Chabot,  16  à  Vincenzo  Maggio,  11  au 
capitaine  Polin,  11  au  comte  de  la  Mirandole,  9  à  la  reine  de  Navarre, 
9  à  la  duchesse  de  Ferrare,  8  à  Cesare  Fregoso,  7  à  M,  de  Villandry, 
6  à  l'archevêque  de  Raguse,  6  à  l'évéque  de  Tulle,  4  au  cardinal  de 
Tournon,  4  au  cardinal  de  Ferrare,  4  à  M.  d'Echènay,  4  à  M.  de  Termes, 
4  à  Formiguet,  3  à  Rabelais,  3  à  M.  de  Vanlay,  2  au  duc  de  Ferrare, 
2  au  cardinal  de  Boulogne,  2  à  M.  de  Pons,  2  à  Costanza  Rangona 
Fregosa,  1  au  chancelier  Poyet,  1  à  Hippolyte  de  Gonzague,  1  à  la 
comtesse  de  la  Mirandole,  1  au  cardinal  du  Bellay,  1  au  cardinal  Cesa- 
rini,  1  à  l'évéque  de  Gissamo,  1  à  l'évéque  de  Sébénico,  1  à  l'évéque 
de  Limoges,  1  à  Bochetel,  1  à  M.  de  Boisrigault,  1  au  gouverneur  de 

i.  Les  dépêches  189,  iOl,  iO-2  et  403  manquent  an  manuscrit  C;  la  dépêche  404 
est  incomplète  de  la  majeure  partie  du  dernier  alinéa. 

2.  Charles  de  Pradel,  qui  occupa  vingt  ans  le  siège  de  Montpellier,  de  1676  à  1696, 
avait  réorganisé  la  bibliothèque  de  l'évèché,  riche  des  livres  et  manuscrits  de  François 
de  Bosquet,  son  oncle  et  prédécesseur,  qui  avait  hérité  lui-!ncme  de  ceux  de  Jean 
de  Plantavil  de  la  Pause,  ancien  évèque  de  Lodève. 

3.  Voir  Cat.  général  des  mss  des  /Afjliofhèqties  publiques  de  France;  Départements, 
t.  XVI,  Aix,  par  l'abbé  Ali)anès.  Paris,  Pion,  1894,  in-8",  p.  122.  —  Les  derniers 
cahiers  du  ms.  d'Aix  sont  (à  partir  de  la  page  903)  d'une  écriture  beaucoup  plus 
ancienne  (début  du  xvii"  siècle)  que  les  premiers;  peut-être  pourrait-un  attribuer 
cette  copie  partielle  à  François  de  Bosquet. 

Le  P.  Lelonga  signalé,  dans  sa  Bibl.  hisf.  (t.  III,  p  .48)  les  mss  A  et  C. 


LXIV 


INTRODUCTION 


Lyon,  I  a  l'éla  d'Avrauclies,  1  au  bailli  d'Orléans,  1  au  bailli  du  palais, 
1  à  M.  d'Araimm,  1  à  M.  d'[Iumiùres,  1  à  M.  du  Peyrat,  1  U  M.  de 
Saiul-Ililairo,  1  à  Ciuillauiin'  Reverdy,  1  au  comlo  Melchior  Testa,  1  à 
Tassin  de  Lonato,  1  à  M.  de  Sainl-Uavy,  1  ii  Pélréio. 

Il  est  sinf^ulier  i\\w  toutes  les  dt-pècbes  originales  de  IN-llicier  soient 
perdues,  à  l'exception  de  (jualre  conservées  dans  le  manuscrit  2G4  de 
la  collection  Dupuy,  Ji  la  Mibliotlièque  nationale  '. 

Charrière  a  publié,  dans  le  tome  I  de  ses  Négociations  de  la  France 
dans  le  Levant  *,  d'après  le  manuscrit  des  Affaires  étrangères,  un  cer- 
tain nombre  d'extraits  des  dépêches  de  Pellicier.  Il  est  regrettable  que 
l'auteur  de  cette  publication,  fort  utile  malgré  tout,  suivant  une  méthode 
arbitraire  et  dangereuse,  ait  pris  trop  souvent  la  liberté  de  tronquer 
les  textes  en  réunissant  deux  moitiés  de  dépêches  dill'érentes,  en  juxta- 
posant des  membres  de  plusieurs  phrases  détachés  de  leur  ensemble, 
ce  qui  entraînait  fatalement  des  altérations  du  sens,  des  erreurs  de  date, 
des  confusions  de  personnes,  sans  parler  même  des  lectures  fautives. 

On  sait  au  contraire  l'excellent  parti  qu'ont  tiré  de  quelques-unes 
de  ces  lettres,  après  M.  Léopold  Delisle  dans  son  Cabinet  des  manus- 
crits de  la  Bihliothèque  nationale,  MM.  J.  Zeller,  dans  sa  remarquable 
thèse,  et  Henri  Omonl,  dans  ses  études  sur  les  Manuscnts  grecs  de 
Pellicier  '. 


1.  Fol.  Il"  à  120.  Trois  lettres  au  roi,  des  31  juillet  et  1"  août  1540;  une  à  M.  de 
Villandry,  du  12  décembre  1540.  La  première  des  deux  lettres  au  roi  du  1"  août  1540, 
raturée,  ne  parait  pas  être  l'exemplaire  définitif.  —  V.  pp.  36  et  41,  pour  les  lettres 
adressées  au  roi;  celle  à  Villandry,  inédile,  mais  sans  grand  intérêt,  ne  figure  pas 
dans  le  ms.  des  Affaires  étrangères. 

2.  P.  418  h  553. 


3.  CONCORDANCE   DES    MANUSCRITS    DE    PELLICIER 

Ms.  A.  Ms.  B.  Ms.  C. 

(Aff.étr.).     (Bibl.nal.).     (Méjanes). 


Folios. 

Folios. 

Pages. 

1. 

Pellicier  à  Rincon. 

2juilleUo40. 

5 

1 

2. 

— 

au  roi. 

10 

— 

5v". 

1 

3 

3. 

— 

au  connétable. 

— 

— 

1 

3vV 

8 

K. 

— 

à  la  reine  de  Navarre. 

— 

— 

8 

10 

5. 

— 

a  M.  de  Tulle. 

— 

— 

8  y". 

12 

6. 

— 

à  M.  de  Langey. 

— 

— 

9 

4v». 

15 

1. 

— 

à  Rincon. 

12 

— 

10 

5 

n 

8. 

— 

à  .M.  de  Raguse. 

— 

— 

11 

21 

9. 

— 

à  Pélréio. 

— 

— 

— 

22 

10. 

— 

à  la  duch'"de  Ferrare. 

14 

— 

11  V». 

23  (ISjuill.). 

11. 

— 

au  roi. 

22 

— 

12 

6  Y». 

24  (•23juill.), 

12. 

— 

au  connétable. 

— 

— 

13  Y». 

9  Y». 

30 

13. 

— 

à  M.  de  Tulle. 

— 

— 

14  V. 

34 

14. 

— 

à  Bochetel. 

— 

— 

15 

38 

15. 

— 

à  M.  de  Langey. 

24 

— 

15  V. 

40 

16. 

— 

à  Rabelais. 

— 

— 

16 

40 

n. 

— 

à  Rincon. 

25 

— 

16V. 

Hv°. 

42 

INTRODUCTION  LXV 

Quelques  mois  nous  restent  à  dire  du  style  et  de  la  langue  de  notre 
ambassadeur.  C'a  été  une  tendance  commune  à  presque  tous  les  huma- 
nistes du  xvie  siècle  de  gréciser  et  de  latiniser  surtout  le  français  dans 
leurs  écrits;  mais  nul  ne  l'a  fait  peut-être  autant  que  Guillaume  Pelli- 


Ms.A. 

Ms.  B. 

Ms.c. 

(Aff.  étr.). 

(Bibl.nal.) 

.    (Méjanes). 

Folios. 

Folios. 

Pages. 

18. 

Pellicier  à  Rincon. 

30 

juin.  t.Tio 

'    n 

13  V''. 

46 

19. 

— 

au  roi. 

31 

— 

19 

15  v°. 

53 

20. 

— 

au  connétable. 

— 

— 

âOV. 

18 

58 

21. 

— 

au  roi. 

1" 

août  1540. 

22 

20  V. 

64 

22. 

— 

à  M.  de  Langey. 

2 

— 

21  v°. 

19  V». 

62 

23. 

— 

à  M.  de  Rodez. 

5 

— 

22  V». 

66 

24. 

— 

à  Rincon. 

14 

— 

23  v°. 

70 

25. 

— 

à  M.  de  Rodez. 

— 

— 

23 

78 

26. 

— 

au  roi. 

lo 

— 

25  V. 

24  V''. 

27. 

— 

au  connétable.  . 

— 

— 

27 

26  v°. 

28. 

— 

à  .M.  d'Annebaulf. 

— 

— 

28 

29. 

— 

à  -M.  de  Langey. 

17 

— 

— 

28 

89 

30. 

— 

à  M.  de  Boisrigault. 

— 

— 

28  V». 

92 

31. 

— 

au  roi. 

19 

— 

29 

28  V''. 

95 

32. 

— 

à  M.  de  Tulle. 

— 

— 

30 

98 

33. 

— 

au  roi. 

20 

— 

31 

30 

103 

34. 

— 

à  M.  de  Langey. 

— 

— 

31V''. 

31 

105 

35. 

— 

au  bailli  d'Orléans. 

— 

— 

32 

31  V. 

107 

36. 

— 

à  Rincon. 

21 

— 

— 

— 

108 

37. 

— 

— 

22 

— 

33 

32  V». 

m 

38. 

— 

à  ^L  de  Rodez. 

23 

— 

33  V». 

114 

39. 

— 

au  roi. 

26 

— 

34  V». 

33  V". 

117 

40. 

— 

au  connétable. 

— 

— 

3(> 

36 

124 

41. 

— 

à  -M.  de  Langey. 

— 

— 

38 

38 

128 

42. 

— 

à  .M.  de  Villandry. 

— 

— 

37  v°. 

132 

43. 

— 

à  Rincon. 

31 

— 

39 

39 

133 

44. 

— 

— 

1"  sept.  1540. 

41 

41 V». 

141 

45. 

— 

— 

— 

— 

42 

42  V». 

144 

46. 

— 

au  roi. 

10 

— 

43 

43  V. 

147 

47. 

— 

au  connétable. 

— 

— 

45 

46 

156 

48. 

— 

à  M.  d'Annebault. 

— 

— 

47 

164 

49. 

— 

à  M.  de  Langey. 

— 

— 

— 

48  V. 

165 

50. 

— 

au  roi. 

22 

— 

48 

49  V». 

171 

51. 

— 

au  connétable. 

— 

— 

50  v°. 

52  V". 

181 

52. 

— 

à  M.  de  Villandry. 

— 

— 

52 

190  (23  sept.) 

53. 

— 

à  M.  de  Langey. 

24 

— 

52  V. 

55 

192 

54. 

— 

à  Rincon. 

25 

— 

54 

57 

197 

55. 

— 

— 

26-27 

— 

56 

60 

206 

56. 

— 

— 

29 

— 

58 

62  v°. 

21.S 

57. 

— 

au  connétable. 

6  oc 

:tob.l540. 

61 

66 

228 

58. 

— 

au  roi. 

8 

— 

59 

63 

209 

59. 

— 

au  connétable. 

— 

— 

62 

67  v°. 

23 'r 

60. 

— 

à  la  reine  de  Navarre. 

— 

— 

63 

231» 

61. 

— 

à  M.  de  Tulle. 

— 

— 

64 

242 

62. 

— 

au  cardinal  de  Ferrare. 

— 

— 

64  V''. 

245 

63. 

— 

à  M.  d'.\nnebault. 

— 

— 

65 

248 

64. 

— 

au  bailli  du  palais. 

— 

— 

— 

249 

65. 

— 

à  Cesare  Fregoso. 

9 

— 

58  V. 

'J!6 

66. 

— 

à  M.  de  Langey. 

10 

— 

66 

69 

252 

67. 

— 

à  Rincon. 

12 

— 

— 

69  V». 

253 

Vknisk.  —  1540-1542. 


LXVI 


INTRODUCTION 


cier,  sans  doute  en  raison  de  la  connaissance  plus  approfondie  qu'il 
avait  du  latin,  au  dire  unanime  des  contemporains,  et  parce  qu'il  en 
savourait  davantage  toutes  les  beautés  et  le  charme.  Sous  sa  plume, 


68. 
«9. 

70, 

n. 

■2. 

73. 

li. 

75. 

76. 

77. 

78. 

79. 

80. 

XI. 

82. 

83. 

84. 

85. 

86. 

87. 

88. 

89. 

90. 

91. 

92. 

93. 

94. 

95. 

96. 

97. 

98. 

99. 
100. 
101. 
102. 
103. 
104. 
105. 
106. 
107. 
108. 
109. 
110. 

m. 

112. 
113. 
114. 
115. 
116. 
117. 
118. 
119. 


Pellicier  à  Vincrnzo  Maggio. 

—  a  Rabelais. 

—  au  roi. 

—  au  connétable. 

—  à  Du  Pt'vrat. 

—  a  Hincon. 

—  au  roi. 

—  au  connotablc. 

—  au  roi. 

—  au  connélalile. 

—  à  .M.  d'AnnebauIl. 

—  au  cardinal  de  Ferrare. 

—  à  .VI.  de  Langey. 

—  à  .M.  de  Hodez. 

—  à  la  duch"*  de  Ferrare. 

—  à  Cesare  Fregoso. 

—  à  Rincon. 

—  au  duc  de  Ferrare. 

—  à  .M.  de  Langey. 

—  à  Rincon. 


au  roi. 

au  connétable, 
à  yi.  de  Villandry. 
à  M.  de  Langey. 
à  .M.  de  Tulle, 
à  M.  de  Rodez. 


—      à  Rincon. 


à  la  duch"*  de  Ferrare. 

au  roi. 

au  connétable. 

à  la  reine  de  Navarre. 

à  .M.  d'AnnebauIl. 

au  cardinal  de  Ferrare. 

à  M.  d'Iluniiéres. 

à  M.  de  Langey. 

à  .M.  de  Rodez. 

au  roi. 

au  connétable. 

à  l'élu  d'Avranches. 

à  la  tlucli"*  de  Ferrare. 

à  .M.  de  Rodez. 

au  roi. 

au  connétable. 

au  cardinal  de  Tournon. 

à  M.  de  Langey. 


.M".  A. 

M».  B. 

.Mh.C. 

(Aff.elr.). 

(Bibl.oal.). 

(Mejanes). 

Folios. 

Folios. 

Pages. 

12 

octob.lSiC 

i.  68 

262 

17 

— 

— 

262 

26 

— 

68  v°. 

72 

264 

— 

— 

69  V». 

74V. 

271 

— 

— 

70  V. 

277 

— 

— 

71 

279 

3! 

— 

71  y'. 

77 

281 

7 

nov.  irj40. 

72 

77  V". 

283 

— 

— 

73  V. 

81  v°. 

289 

12 

— 

75 

82  v". 

2'.i5 

— 

— 

75  V. 

79  v°. 

299 

— 

— 

76  v°. 

304 

— 

— 

77  V». 

308 

— 

— 

78 

83 

310 

— 

— 

78  v°. 

312 

— 

— 

79  V. 

316 

16 

— 

80  v°. 

318 

19 

— 

— 

84 

321 

21 

— 

82  V. 

331 

26 

— 

83 

85  V. 

332 

29 

— 

83  V". 

86 

337 

— 

— 

86 

88  V. 

3i5 

1" 

déc.  1540. 

86  V. 

8''v°. 

3i7 

29 

nov.  1540. 

87  v°. 

90 

349 

— 

— 

90 

92  v°. 

358 

— 

— 

91 

364 

2 

déc.  1540. 

91V. 

93  v". 

365 

— 

— 

U2 

367 

28 

nov.  1540. 

93  V''. 

372 

4 

déc.  Io40. 

94  V. 

376 

— 

— 

95 

377 

5 

— 

95  V». 

94 

379 

6 

— 

— 

94  v°. 

380 

9 

— 

96 

94  v°. 

381 

11 

— 

97 

386 

12 

— 

98 

96 

389 

— 

— 

99  V. 

97  V. 

398 

— 

— 

lOOV. 

401 

— 

— 

101 

403 

— 

— 

102 

407 

— 

— 

102  V. 

409 

15 

— 

103 

99 

411 

18 

— 

103  V. 

413 

24 

— 

104 

99  V. 

416 

— 

— 

106 

101  V. 

424 

— 

— 

106  V. 

427 

l"j 

anv.1541. 

— 

428 

— 

— 

107 

429 

3 

— 

107  V. 

102v». 

433  (2  janr, 

— 

— 

108  V. 

103  V. 

437 

— 

— 

109 

439 

— 

— 

109  V. 

441 

INTRODUCTION  LXVII 

armée  se  traduit  par  exercite,  défaite  par  cladc,  renommée  par /a?ne, 
déroute  j)ai.rrQutte  (du  bas-latin  <  rupta»,  ital.  rolla)^  rames  par  rèmes, 
rivages   par  lites,    vautours  par  voultres.  Il  dit  couramment  atrdier, 

Ms.  A.  Ms,  B.  Ms.  C. 

(Afl'.élr.).     (Bibl.nat.).     (Mejanes). 

Folios.  Folios.        Pages. 

I20.PeIlicier  à  M.d'AnnebauU.  3  janv.  i;>;  1 .    110  il3 


121. 

— 

au    connétable,    ;'i    M. 
d'AnncbauIl  et  au  car- 

dinal de  Tournon. 

— 

— 

— 

444 

122. 

— 

à  Uincon. 

9 

— 

110  V". 

103 

443 

123. 

— 

au  roi. 

11 

— 

1 1 2  V". 

107  V". 

456 

124. 

— 

au  connétable. 

— 

— 

113v". 

ll)9v°. 

■160 

125. 

— 

— 

15 

— 

IMv». 

106  V". 

450 

126. 

— 

— 

— 

— 

112 

107  V". 

i52 

127. 

— 

à  Cesare  Fregoso. 

— 

— 

— 

453 

128. 

— 

à  M.  d'Annebaull. 

IS 

— 

114 

463 

129. 

— 

au  roi. 

— 

— 

114  V. 

llflv". 

463 

130. 

— 

à  M.  de  Langey. 

l'J 

— 

115 

1 1 1  V". 

467 

131. 

— 

à  M.  de  Rodez. 

20 

— 

115  v°. 

469 

132. 

— 

au  c'^  de  la  Mirandole. 

24 

— 

llCv". 

472 

133. 

— 

à  M.  de  Rodez. 

27 

— 

117 

474 

134. 

— 

à  Vincenzo  Maggio. 

29 

— 

inv». 

477 

135. 

— 

au  roi. 

31janv.-2fév. 

M8 

112v°. 

478 

13G. 

— 

au  connétable. 

— 

— 

llOV. 

113 

483 

137. 

— 

à  la  reine  de  Navarre. 

2fé 

vr.  1341. 

120  V". 

488 

138. 

— 

à  M.  d'AnncbauIt. 

— 

— 

121  v°. 

492 

139. 

— 

au  cardinal  du  lîollay. 

— 

— 

122 

493 

140. 

— 

au  cardinal  deFerrare. 

— 

— 

122  v°. 

493 

141. 

— 

à  M.  de  Rodez. 

5 

— 

— 

497 

142. 

— 

— 

10 

— 

123 

499 

143. 

— 

au  roi. 

15 

— 

123v". 

119 

501 

144. 

— 

au  connétable. 

— 

— 

123 

1 20  V". 

306 

145. 

— 

au  roi. 

20 

— 

126 

121 

509 

146. 

— 

au  connétable. 

— 

— 

127 

122 

312 

147. 

— 

à  M.  d'Annebault. 

— 

— 

127v°. 

314 

148. 

— 

à  Rincon. 

— 

— 

— 

— 

313 

149. 

— 

à  M.  de  Langey. 

— 

— 

128  Y". 

123 

319 

150. 

— 

à  Vincenzo  Maggio. 

28 

— 

129 

522 

151. 

— 

au  roi. 

7  mars  15  il. 

130 

123v^ 

323 

152. 

— 

— 

— 

— 

131  v°. 

123v". 

333 

153. 

— 

au  connétable. 

— 

— 

132 

126 

334 

154. 

— 

à  la  reine  de  Navarre. 

— 

— 

133  V. 

5  il 

153. 

— 

au  chancelier. 

— 

— 

— 

342 

156. 

— 

à  M.  d'Annebault. 

— 

— 

134 

344 

157. 

— 

h  Rincon. 

— 

— 

134  v°. 

127  V". 

346 

158. 

— 

à  M.  de  Yillandry. 

— 

— 

135 

348 

159. 

— 

à  M.  de  Langey. 

— 

— 

133v°. 

530 

160. 



au  roi. 

21 

— 

136 

— 

533 

161. 

— 

au  connétable. 

— 

— 

137 

129 

559 

162. 

— 

à  M.  d'Annebault. 

— ■ 

— 

138  V. 

564 

163. 

— 

à  M.  de  Langey. 

— 

— 

139 

130 

565 

164. 

— 

à  Rincon. 

— 

— 

139v». 

130v". 

567 

163. 



au  c"  de  la  Mirandole. 

— 

— 

— 

568 

166. 

— 

à  M.  de  Yillandry. 

— 

— 

140 

569 

167. 

— 

à  la  c'""  de  laMirandole 

22 

— 

135  v°. 

551 

168. 



à  Vincenzo  Maggio. 

28 

— 

140 

571 

169. 

— 

au  roi. 

31 

— 

141  V. 

131 

374 

Lxvm 


INTRODUCTION 


cavUtcr,  coticilcr,  se  couduxillDir,  dunuii/irr,  designer,  itjs'idrr,  sigitler, 
pour  ennuyer,  chicaner,  exciler,  s'affliger,  causer  du  dommage,  avoir 
dessein,  tendre  des  ombi'^clK'S,  sceller.  Financer,  se  livrer  au  négoce, 


i:o. 
ni. 

172. 

n;{. 
ni. 

175. 

no. 

177. 

178. 

i7y. 

iSO. 
181. 
132. 
183. 
184. 
185. 
180. 
187. 
188. 
189. 
190. 
191. 
192. 
193. 
194. 

19.-;. 

190. 

197. 

198. 

199. 

200. 

201. 

202. 

203. 

20i. 

205. 

200. 

207. 

208. 

209. 

210. 

211. 

212. 

213. 

214. 

215. 

216. 

217. 

218. 

219. 

220. 

221. 


l»cllici»;r.i  .M.  il'AniiobauH. 
-      a  UiiiCDii. 

à  Ces.ire  Fn^^,'oso. 
à  .M.  lie  Yillnndry. 
à  M.  «le  Rode/. 

—  à  .M.  lie  L;in'.'(*v. 

—  a  Vin<en/(>  .Maj;f,'io. 

—  à  .M.  d'Annebauil. 

—  au  connétable. 

—  an  roi. 

—  au  connélable. 

—  à  -M.  d'AnnelMult. 

—  il  Cesare  Fregosa. 

—  il  Hincon. 

—  à  .M.  lie  Villandry. 

—  à  M.  de  Limoges. 

—  à  .M.  de  Lanpey. 

—  il  la  diich""  de  Ferrare. 

—  il  Yincenzo  Maggio. 

—  ;i  .M.  de  Raguse. 

—  au  roi. 

—  il  .M.  d'Annebault. 

—  il  Cesare  Fregoso. 
il  Vincenzo  Maggio. 

—  il  M.  de  Raguse. 

—  il  .M.  de  Langey. 

—  il  M-  de  Rodez. 

—  au  roi. 

—  au  connétable. 

—  il  .M,  d'Annebault. 

—  il  Cesare  Fregoso. 

—  il  Rincon. 

—  il  M.  de  Langey. 

—  il  Rabelais. 

—  a.  Yincenzo  Maggio. 

—  il  Tassin  de  Lonalo. 

—  au  roi. 

—  il  M.  d'Annei)aull. 

—  il  CL'sare  Fregoso. 
à  Rincon. 

—  à  M.  de  Langey. 

—  à  M.  de  Cissamo. 
au  cardinal  Cesarini. 

—  au  roi. 

—  au  connétable. 

—  à  M.  d'Annebault. 
à  M.  de  Langey. 

—  à  Vincenzo  Maggio. 

—  au  roi. 
il  .M.  d'Annebault. 

—  il  .M.  de  Langey. 


M».  A. 

M».  H. 

Ms.  C. 

(Air.élr.). 

(Bibl.nal.) 

.  iMùjaues] 

Folio». 

Folios. 

Pages. 

;5i 

mars  Kiil 

L  ir» 

584 

— 

— 

— 

133 

585 

— 

— 

lUv\ 

580 

— 

— 

li5 

588 

..  î 

:ivriH5ll. 

145 

589 

3 

— 

145v". 

ri:;v\ 

590 

9 

— 

1 4<'. 

593 

13 

— 

147 

595 

— 

— 

1 17  v°. 

13  i 

597 

r» 

-- 

14S 

13  iv". 

598 

— 

— 

150 

136  V". 

609 

— 

— 

lui 

612 

— 

— 

— 

614 

— 

— 

152 

137 

617 

— 

— 

153 

620 

— 

— 

— 

621 

15 

— 

1d3v». 

138 

623 

,  19 

— 

1 55  v°. 

629 

23 

— 

154 

626 

— 

— 

155 

30 

— 

156 

138  v°. 

631 

— 

— 

158  V". 

640 

— 

— 

159 

642 

■i 

mai  1541. 

159v". 

645 

— 

— 

160 

647 

5 

— 

IGl 

140v». 

649 

7 

— 

162 

654 

17 

— 

162  V". 

141  V". 

655 

— 

— 

164  v°. 

143v". 

665 

— 

— 

1G5 

667 

— 

— 

165v'. 

669 

— 

. — 

16Gv\ 

144V. 

672 

20 

— 

107  Y". 

145 

677 

— 

— 

168 

679 

26 

— 

168  V. 

681 

27 

— 

169 

682 

31 

— 

169  V". 

145  v°. 

685 

— 

— 

173 

699 

— 

— 

174 

704 

— 

— 

174  V. 

148  v°. 

707 

— 

— 

175  v°. 

149 

711 

llj 

iiin  1511. 

170  V". 

714 

—  . 

177 

717 

14 

— 

177v". 

150 

718 

— 

— 

178v°. 

151 

721 

— 

— 

— 

— 

722 

— 

— 

179 

723 

— 

— 

— 

151V. 

726 

19 

— 

180  V. 

728 

20 

— 

181  V". 

152 

732 

— 

— 

183 

739 

— 

— 

184 

153  V. 

742 

INTRODUCTION  LXIX 

c'est  faire  faciendes;  fallaccs  sont  synonymes  de  tromperies,  fortune  de 
tempête.  Il  accuse  la  horrende  cruauté  des  Impériaux,  il  en  a  lame 
pertroicùléc;  ailleurs  il  fait  appel  à  la  bonté,  miséricorde  ei  piété  (dans 


Ms.  A. 

Ms.  B. 

M  s.  G. 

(Atf.élr.). 

(Bibl.nat.). 

(Méjanes). 

Folios. 

Folios. 

Pages. 

222.  Pc 

llicicr  au  c"=  de  la  Mirandole. 

20  juin  1541. 

184  V''. 

744 

223. 

— 

au  duc  de  Fcrrare. 

22 

— 

185 

745 

224. 

— • 

à  la  ducli""  de  Ferrarc. 

— 

— 

— 

746 

223. 

— 

à  -M.  de  Kodez. 

25 

— 

183  V". 

748 

226. 

— 

. — . 

2jui 

.Iletl54l 

.  189 

749 

227. 

— 

à  Vincon/.o  Maggio. 

•4 

— 

• — 

750 

228. 

— 

à  M.  de  liaguse. 

— 

— 

190 

752 

22'J. 

— 

au  roi. 

— • 

— 

— 

154 

752 

230. 

— 

à  M.  d'Annebault. 

— 

— 

193 

764 

231. 

— 

au  roi. 

1 

— 

193v". 

150  v". 

765 

232. 

— 

h    Costan/.a    Rangona 

Fregosa. 

— 

— 

194  V". 

770 

233. 

— 

au  roi. 

9 

— 

195 

157  v°. 

771 

234. 

— 

à  M.  de  Rodez. 

— 

— 

197  V. 

777 

23o. 

— 

à  Vincenzo  Maggio. 

— 

— 

198 

779 

236. 

— 

au  roi. 

12 

— 

198  V". 

139  V. 

781  (13juill.). 

237. 

— 

à  M.  d'Annebault. 

— 

— 

199  V. 

783 

238. 

— 

au  gouverneur  de  Lyon. 

19 

— 

200  \". 

786  {20jaill.). 

239. 

— 

au  c'"  de  la  Mirandole. 

21 

— 

— 

787  (22juill.), 

240. 

- — 

à  Forniiguct. 

— 

— 

201 

789  (^-'juill.), 

241. 

— 

à  M.  de  Rodez. 

23 

— 

201  V". 

789  (24juill.). 

242. 

— 

à  Vincenzo  Maggio. 

24 

— 

202  v°. 

792 

243. 

— 

au  roi. 

26 

— 

203  V. 

160 

795 

244. 

— 

au  c""  de  la  Mirandole. 

28 

— 

207 

805 

24.Ï. 

— 

h  Formiguel. 

— 

— 

207  v\ 

806 

246. 

— 

à  M.  de  Langey. 

— 

— 

— 

806 

247. 

— - 

au  roi. 

23 

— 

208 

163 

807 

248. 

— 

au  cardinal  deTournon. 

— 

— 

209 

810 

249. 

— 

à  M.  de  Langey. 

— 

— 

209  V. 

164 

812 

2o0. 

— 

et   le    capit""    l'oiin    au 

1 

même. 

— 

— 

— 

— 

813 

251. 

— 

à  M.  de  Rodez. 

30 

— 

210 

— 

814 

252. 

— 

et  le  capil.  Polin  au  roi. 

5 août  \'6ii. 

210  V. 

164  V''. 

816 

253. 

— 

à  Vincenzo  Maggio. 

(■) 

— 

213 

824 

254. 

— 

à  M.  de  Raguse. 

— 

— 

214 

827 

255. 

— 

au  roi. 

'j 

— 

214V''. 

167 

828 

256. 

— 

à  M.  de  Langey. 

— 

— 

— 

— 

828 

257. 

— 

au  c'""  de  la  Mirandole. 

10 

—  • 

215V. 

— 

831 

258. 

— 

à  Formiguet. 

— 

— 

216 

832 

259. 

— 

à  M.  de  Rodez. 

13 

— 

217 

835  (12  août). 

260. 

— 

à  Coslanza  Rangona  Fre- 

gosa. 

17 

— 

217  V 

836 

261. 

— ■ 

à  M.  d'Aramon. 

IS 

— 

— 

837 

262. 

— 

à  Formiguet. 

— 

— 

218 

839 

263. 

— 

et  le  capit.  Polin  au  roi. 

— 

— 

218  v°. 

168 

841 

264. 

— 

au  roi. 

22 

— 

219  V". 

108  v°. 

843 

265. 

— 

à  M.  d'.Vnnebault. 

— 

— 

222 

851 

266. 

— 

au  cardinal  deTournon. 

— 

— 

222  V». 

833 

267. 

— 

à  M.  de  Langey. 

— 

— 

224 

171 

858 

268. 

— 

à  la  duclr"  de  Ferra^'c. 

— 

— 

224  V". 

858 

269. 

— 

à  .M.  de  Rodez. 

— 

— 

— 

859 

270. 

— 

au  c'"  de  la  Mirandole. 

l"sei 

)t.l5il. 

225 

861 

LXX  INTRODUCTION 

le  sens  df  piliéj  du  roi  en  faveur  do  la  veuve  de  César  Frégose.  Plus 
loin  encore,  il  plainl  le  sort  de  Beltramo  Sacbia  honleusemenl  cl  vitu- 
péré ineiit  chassé  de  Marano. 


Ms.  A. 

M  .  U. 

Mï.C. 

(.VIT.élr.i. 

lUihl.ual.i. 

(Mej.incs), 

Folios. 

Folios. 

Page». 

27i.I»c 

■Ilicicrau  roi. 

6  sept.  1541. 

225  v°. 

862 

272. 

._ 

à  .M.  <rAiini'liaiill. 

r> 

— 

227 

867 

273. 



h  Vin<  cnzn  .Ma^^'io. 

11 

— 

227  V. 

868 

274. 



;i  M.  de  Hagusc. 

— 

— 

228  V". 

871 

275. 



au  roi. 

14 

— 

229 

173 

872 

27C. 

^^ 

nu  cardinal  dcTournon. 

— 

— 

232  V''. 

882 

277. 

___ 

à  .M.  d'Annebauil. 

— 

— 

233  v°. 

885 

278. 

„ 

à  M.  (il!  Langes . 

— 

— 

234 

l"v°. 

887 

279. 

— 

au  capitaine  Polin. 

— 

— 

235 

889 

280. 



à  Guillaume  Reverdy. 

— 

— 

230 

893 

281. 

_ 

au  capitaine  Polin. 

23 

— 

230  v°. 

894 

2S2. 



au  roi. 

25 

— 

237  V". 

178 

897 

283. 

6  ocl.  1541. 

239 

1 79  v". 

901 

284. 

— 

à  la  reine  de  Navarre. 

— 

— 

239  V". 

903 

285. 

— 

à  Chaliol,  à  d'Annc- 
liaull  et  au  cardinal 

de  Tournon. 

•  — 

— 

240 

904 

28C. 

— 

au  capilaine  Polin. 

— 

— 

— 

905 

287. 

— 

à  M.  de  Séhénico. 

10 

— 

241  v°. 

909 

288. 

— 

à  Melchior  Testa. 

— 

— 

242 

910 

289. 

— 

au  capilaine  Polin. 

— 

— 

— 

911 

290. 

— 

au  roi. 

12 

— 

242v». 

180v». 

911 

291. 

— 

à  M.  de  Langey. 

15 

— 

243 

— 

912 

292. 



à  M.  d'AnnebauK. 

19 

^ — 

243  V". 

914  (20  ocl.), 

293. 

, 

au  roi. 

26 

— 

— 

181 V". 

915 

294. 

— 

— 

i:;-27 

— 

244 

916 

295. 

— 

à  Chabot. 

27 

— 

247  V". 

926 

296. 

— 

au  roi. 

lOnov.  1541. 

248 

185 

927 

297. 



à  la  reine  de  Navarre. 

— 

— 

250 

933 

298. 

— 

à  M.  d'AnncbauFl. 

— 

— 

250  V. 

934 

299. 



à  M.  de  Langey. 

— 

— 

251 

187  v°. 

936 

300. 

— 

au  roi. 

18 

— 

251  v°. 

ISSv". 

938 

301. 

— 

à  Chabot. 

— 

— 

253 

942 

302. 

— 

à  .M.  d'AniU')»aull. 

— 

— 

253  v°. 

943 

303. 

— 

à  M.  de  Langey. 

— 

— 

254 

l'.lOV. 

943 

30  i. 

— 

au  roi. 

20 

— 

254  V". 

191 

945 

305. 

— 

au  capilaine  Polin. 

— 

— 

255 

946 

30C. 

— 

au  roi. 

25 

— 

256 

:91v». 

949 

307. 

— 

à  ('liabol. 

— 

— 

259 

955 

308. 

— 

à  M   d'AnnclMMll. 

— 

— 

— 

I94v°. 

956 

309. 

— 

à  M.  de  Langey. 

— 

— 

— 

957 

310. 

— 

au  capilaine  Polin. 

26 

— 

260 

958 

311. 



— 

1" 

déc. 1541 

.     260  v". 

959 

312. 

. 

au  roi. 

4 

— 

261  V". 

195  V. 

961 

313. 

— 

à  Chabot. 

— 

— 

263  V". 

966 

314. 



à  M.  d'Annebauil. 

— 

— 

— 

967 

315. 



à  M.  de  Langey. 

— 

— 

264 

198 

968 

316. 



à  M.  de  Pons. 

— 

— 

— 

969 

317. 

— 

à  M   de  Rodez. 

— 

— 

264  v". 

909 

318. 

— 

aucardinaldcDoulognc.  14 

— 

265 

971 

319. 



au  roi. 

18 

— 

266 

198 

973 

320. 

— 

— 

24 

— 

268 

201 

978 

INTRODUCTION'  LXXI 

Cette  affectation  à  traduire  constamment  sa  pensée  en  latinismes 
savants  pourra  faire  parfois  sourire,  en  évoquant  le  souvenir  du  fameux 
écolier  limousin  de  Rabelais;  mais  Rabelais  lui-même,  en  maint  endroit 


321.  Pellicierà  Chabot. 

322.  —  à  M.  d'Annebault, 

323.  —  à  M.  de  Lanj^ey. 

324.  —  à  M.  de  Termes. 

325.  —  au  roi. 

326.  —  à  M.  de  Rodez. 

327.  —  à  M.  de  Termes. 

328.  —  au  roi. 

329.  —  à  Chabot,  à  d'Annebault 

et  Langey. 

330.  —  à  M.  d'Annebault. 

331.  —  au  capitaine  Polin. 

332.  —  au  roi. 

333.  —  à  M.  de  Rodez. 

334.  —  au  c"  de  la  Mirandole. 
33o.  —  au  roi. 

336.  —  à  M.  d'Annebault. 

337.  —  au  cardinal  de  Boulogne. 

338.  —  à  M.  de  Rodez. 

339.  —  à  la  duch"*  de  Ferrare. 

340.  —  à  M.  de  Rodez. 

341.  —  au  roi. 

342.  —  àd'AnncliaultelLangey. 
ZV.L  —  à  M.  de  Pons. 

344.  —  à  la  duch'"  de  Ferrare. 

345.  —  au  c'°  de  la  Mirandole. 

346.  —  àHippolvtedeOonzague. 

347.  —  à  M.  de  Rodez. 

348.  —  au  roi. 

349.  —  à  M.  d'Annebault. 

350.  —  à  Chabot. 

351.  —  à  M.  de  Tulle. 

352.  —  à  M.  d'Echenay. 

353.  —  au  roi. 

354.  —  — 

355.  —  à  M.  de  Termes. 

356.  —  à  la  reine  de  Navarre. 

357.  —  à  M.  de  Rodez. 

358.  —  à  M.  de  Saint-Ravy. 

359.  —  à  Vincenzo  Maggio. 

360.  —  à  M.  d'Echenay. 

361.  —  — 

362.  —  à  M.  de  Sainl-IIiiaire. 

363.  —  au  roi. 

364.  —  à  Chabot  et  d'Annebault. 
363.  —  à  M.  de  Langey. 

366.  —  au  capitaine  Polin. 

367.  —  à  M.  de  Rodez. 

368.  —  à  .M.  de  Termes. 

369.  —  au  roi. 

370.  —  à  Yincenzo  Maggio. 


Mp.  a. 

Ms.  B 

Ms.  C. 

(Air.  élr.). 

(Bibl.nal.) 

.  (M'jancs) 

Folios. 

Folios. 

Paires. 

24déc.  1541. 

269  v°. 

982 

—   — 

270 

984 

—   — 

270  V". 

203 

985 

—   — 

271 

986 

31    — 

271  V". 

203  V''. 

988 

ojanv.lDi2. 

273  v°. 

9<<5 

8   — 

273 

9'.»2 

—   — 

274 

200 

996 



276  V». 

1005 

—   — 

277v°. 

1009 

11   — 

— 

1010 

12    — 

279 

210 

1014 

19    — 

280  \'°. 

1018 

—    — 

293 

1058 

21    — 

2S0v°. 

211  v°. 

1019 

24   — 

282  V". 

10-25 

26    — 

283 

1026 

27    — 

283  y". 

10-28 

30    — 

— 

1029 

2  févr.  1542. 

284 

1030 

5    — 

284  V». 

214 

1031 

—    — 

2SG 

1038 

8   — 

2S7 

1039 

—   — 

— 

1040 

—   — 

28  7  V". 

10  42 

—   — 

288 

1043 

9    — 

258  v°. 

10i3 

12    — 

— 

216 

1045 

—    — 

— 

2'JO  V". 

io;;i 

—    — 

291 

1052 

15    — 

291  v". 

1053 

17    — 

— 

iOU 

21    — 

293 

218v°. 

1050 

—    — 

294  v°. 

220  v". 

1063 

■ —    — 

296 

10 '■.5 

—    — 

— 

1067 

23    — 

296  v°. 

1068 

—    — 

297 

1070 

25   — 

— 

1071 

2  mars  1542. 

298 

1073 

7    — 

— 

1074 

9    — 

298  v°. 

1076 

10    — 

299 

221  v°. 

1077 

—    — 

301  V. 

1084 

—    — 

302  v". 

224  V». 

1088 

—    — 

303 

1089 

15   — 

303  v°. 

1090 

19    — 

304 

10  ■.>2 

20    — 

304  V". 

— 

1092 

22-29  — 

307  v". 

1099 

I.XXll 


INTRODUCTION 


«lo  Son  (i'uvre  iiiiin;rissal)l».',  n'a-l-il  pas  sacrilié  à  la  mode  du  Icinps, 
et  ses  fantaisies  de  philologue  ne  conlrihuent-elles  pas  l'oiiemenl, 
après  loul,  à  la  n)a};nili([ue  exubérance  de  son  style? 

Peu  d'années  plus  lard,  le  célèbre  Henri  Kslienne  raillait  spirituelle- 
ment, dans  un  de  ses  livres  ',  l'engouement  dont  s'étaient  pris  les 
gentilshommes  de  la  rour  de  France,  dans  l'entourage  de  Catherine  de 
Médicis,  pour  les  mots  italiens  dont  ils  «  farcissaient  »  volontiers  leur 
conversation  ordinaire.  Cette  influence  transalpine  se  nianiCeste  déjà 
légèrement  dans  la  correspondance  de  Pellicier.  Il  emploie,  pour  parler 


3li. 
372. 
373. 
374. 
375. 
37G. 
377. 
378. 
379. 
380. 
381. 
332. 
3S3. 
381. 

38:;. 

380. 
387. 
388. 
389. 
.390. 
.391. 


392. 
393. 
394. 
39o. 
396. 
397. 
398. 
3Ô9. 
400. 
401. 
402. 
403. 
404. 
405. 


Ms.  A. 

Ms.  lî. 

.    Ms.  C. 

(Aff.  cir.). 

(Bibl.  nat.). 

Mcjanes). 

Folios. 

Folios. 

Pages. 

Pellicier  au  roi. 

23 

mars! 

1542.  308  V». 

228 

1101 

— 

a  .M.  «l'AnnebauU. 

25 

— 

313 

HOC 

— 

a  Cliabol. 

— 

— 

311 

1108 

— 

â  la  rciiio  de  Navarre. 

— 

— 

3il>-". 

1110 

— 

à  M.  (le  Lange  y. 

— 

— 

312v". 

1112 

— 

au  c"  de  la  Mirandole. 

28 

— 

313 

1113 

— 

au  roi. 

3  avril  1' 

512.     3l3v". 

230 

1115 

— 

à  Cliabol  eld'Annebault. 

— 

— 

310 

1122 

— 

— 

— 

— 

310  V". 

1123 

— 

à  M.  de  Vanlay. 

4 

— 

317 

1125 

— 

à  M.  d'Eclicnay, 

7 

— 

317v°. 

1126 

— 

au  c'"  de  la  Mirandole. 

— 

— 

318 

1127 

— 

à  .M.  de  Vanlay. 

S 

— 

318v°. 

1129 

— 

et  lecapil.  Polin  auroi. 

iO 

— 

319 

232V''. 

M  30 

— 

à  Chabot  eld'Annebault. 

— 

— 

322 

1141  (11  avril) 

— 

au  roi. 

19 

— 

323 

236 

1142 

— 

à  .M.  de  Vanlay. 

— 

— 

— 

1142  (bv)) 

— 

au  roi. 

21 

— 

323 

236 

1142  (6is) 

— 

à  M.  de  Rodez. 

22 

— 

323  V. 

1143 

— 

au  roi. 

26 

— 

— 

1144 

àCliabot,àd'AnnebauU, 
au  cardinal  de  Tournon 
e  l  à  la  reine  de  Navarre. 

au  roi. 

h  Chabot, 
au  roi. 

à  M.  de  Rodez. 

cl  le  capil.  Polin  au  roi. 

au  roi. 


—        —  32i 

28        —  — 


29        — 

G  mai  1542. 
9        — 


—  àChaboleld'Annebault.  —        — 

—  auroi.  20août«lo42. 

—  au  capitaine  Polin.  13  sept.     — 

—  —  [non  datée)    — 


320  Y". 
327 

327  V". 
32Sv". 
328 

328  v". 
330 

332  V". 
333 

333  v°. 
334 
335 


230  v° 
238  V'' 

239 


239  v». 
241 
243 
243  V». 


1147  (bis) 

1147  (ter) 

1159 

1162 

1165 

1166 

1169 

1171 

1176 

1185 


1186 

1188 


i.  Deux  dialofjues  du  nouveau  laJigar/e  français  italianizé;  Paris,  Liseux-Belin, 
1883,2  vol.  in-S",  d'après  l'édition  originale  cl  unique  de  l'auteur  (1578). 


\.  Le  ms.  Clairainbault  570  donne  à  tort  la  date  du  29. 


INTRODUCTION  LXXIIf 

de  la  populace,  le  mot  popide^de  Tital.  popolo),  scome  {de  Vilal.  scorno) 
pour  atl'ront,  scorie  {do  rilal.  scorla)  pour  escorte,  etc.  '. 

Certaines  traces  d'influence  romane  se  décèlent  également  dans 
Torlhographe  de  Pellicier,  ou  du  secrétaire  qui  écrivait  sous  sa  dictée. 
Nous  avons  relevé  dans  notre  manuscrit  les  formes  absolut^  aslut  (astu- 
cieux, rusé),  résolut,  nrlillicrijc,  et  baslilhon. 

Quant  au  style  de  l'écrivain,  on  ne  saurait  lui  refuser,  en  dépit  de 
constructions  parfois  lourdes  et  embarrassées,  d'amplifications  et  de 
redondances  qui  sont  un  peu  la  caractcristi([ue  du  temps,  une  remar- 
quable netteté  de  vues,  une  imagination  vive  et  une  ardeur  passionnée 
qui  animent  ses  récits  et  leur  donnent  à  un  très  haut  degré  la  couleur 
et  la  vie. 

Si  nous  avons  cru  devoir  donner  à  cette  étude  un  développement 
qui  semblera  peut-être  exagéré,  l'importance  de  la  correspondance  de 
Pellicier,  l'une  des  sources  les  plus  riches  de  l'histoire  des  relations  do 
la  France  avec  l'Orient  au  xvi°  siècle,  et  l'intérêt  tout  particulier  du 
personnage  en  question  justifieront,  nous  osons  l'espérer,  la  latitude 
que  nous  avons  prise.  Il  nous  reste,  en  terminant  ce  travail,  à  témoi- 
gner notre  profonde  gratitude  aux  maîtres  éminents,  aux  savants  con- 
frères qui  ont  bien  voulu  nous  accorder  le  secours  de  leur  expérience 
et  de  leurs  précieuses  indications  :  MM.  Léopold  Delisle,  Jean  Zeller, 
Henri  Omont,  Léon  Dorez,  Anatole  de  Barthélémy;  Fécamp,  secrétaire 
de  Tuniversitc  de  Montpellier;  Ch.  Revillout,  professeur  honoraire  de 
l'université  de  Montpellier;  Berthelé,  archiviste  de  l'Hérault;  Pasquier, 
archiviste  de  la  Haute-Garonne;  Labande,  conservateur  de  la  biblio- 
thèque d'Avignon;  Aude,  conservateur  de  la  bibliothèque  Méjanes  à 
Aix;  Henri  Moris,  archiviste  des  Alpes-Maritimes;  L.-E.  Desbuissons, 
géographe  des  Affaires  étrangères,  et  Léon  Desbuissons,  attaché  au 
même  bureau;  Louis  Polain;  Paul  Marichal,  archiviste  aux  Archives 
nationales;  Edouard  Rult  ;  Gergely,  professeur  à  l'Université  de 
Kolosvar;  Eugène  Hubert,  professeur  à  l'université  de  Liège,  etc.  Qu'il 
nous  soit  enfin  permis  de  joindre  à  ces  mentions  un  souvenir  recon- 
naissant pour  M.  Girard  de  Rialle,  ministre  de  France  au  Chili,  ancien 
directeur  des  archives  des  Affaires  étrangères,  sous  la  direction  duquel 
cette  publication  a  été  entreprise  et  menée  à  terme. 


1.  Il  dit  de  même  ouxent  pour  osent.  Henri  Eslienne,  dnns  sa  Retnonslrance  aux 
courtisans  amateurs  du  français  italianizé  et  autrement  desguise,  s'écrie  : 

N'ctes-voiis  pas  de  l)ien  grands  fous, 
De  dire  ehouse,  au  lieu  de  chose? 
De  dire  j'ovse,  au  lieu  de  j'ose? 

{Loc.  cit.,  éd.  Liseiix,  t.  I,  p.  H.) 


AMBASSADE 


DE 


GUILLAUME    PELLICIER 


1540— 1342 


Venise.  —  1540-1542. 


l'ELUCIEIl   A   RINGON    ». 


1.  —  [Venise],  samedi  2  juillet  1540.  —  «  Monsieur,  par  mes  der- 
nières que  vous  aye  escriptes  par  Janezin,  le  xv"  du  passé,  aurez 
entendu  toutes  nouvelles  qui  se  disoyent  lors  comme  les  aflaires'd'entre 
Leurs  Majestés  estoyent  passez,  et  par  luy  l'accord  et  consentement  de 
la  paix  de  cez  Seigneurs  '  avec  le  Grant  Seigneur  \  Dont  de  ce  ne  vous 
feray  plus  long  propoz,  car  ne  vous  seroyt  que  redicte;  mais  vous 
diray  comme  depuys  ay  receu  les  vostres  des  pénultime  de  may  et 
11-^  juin,  le  dernier  du  passé,  ensemble  ung  pacquet  du  roy  que  luy  ay 
envoyé  le  jour  d'après  pour  ce  que  je  dépeschoys  à  la  court.  Ausquelles 
ne  gist  vous  faire  aultre  responce,  sinon  vous  dire  que  je  suys  en  une 
merveilleuse  et  grosse  peine  pour  n'avoir  encores  receu  voz  pacquetz 
des  X  et  xv''  de  may,  ausquelz,  comme  m'escripvez,  avoyt  une  dépesche 
pour  Sa  Majesté.  » 

Pellicier  pense  qu'ils  sont  perdus;  il  en  a  écrit  à  l'archevêque  de 
Raguse,  qui  estime  qu'il  faut  s'en  prendre  «  à  la  bestialité  et  négli- 
gence du  courrier  ».  Celui-ci,  en  effet,  dit  avoir  apporté  tout  ce  que 
Rincon  lui  avait  fait  remettre  à  xVndrinopIe. 

Pellicier  a  reçu  trois  lettres  du  roi  datées  des  4,  6  et  10  juin,  qui 
sont  sans  intérêt,  sauf  la  première,  où  S.  M.  mande  «  le  bon  recueil 

1.  -.  Du  premier  jour  de  juillet  1340.  -  ..  Ledit  jour  fut  faicte  une  dépesche  au 
roy  qui  fui  dattée  du  xxvi"  du  précédent. 

"  Ledit  jour  fut  escript  à  M.  de  Boys-Rigault,  dont  ne  fut  faict  minutte,  et  luy 
fut  mande  en  substance  les  nouvelles  des  lettres  de  Sa  Majesté  cy-dessus  — 
«  Escript  aussi  à  M.  l'arcevesque  de  Raguse,  le  nii«  de  ce  moys,  jusques  auquel 
ceste  dépesche  avoyt  esté  retenue  à  cause  du  mauvais  temps.  • 

Antonio  del  Rincon,  chevalier,  seigneur  de  Germolles,  conseiller  et  chambellan 
du  roi  et  son  ambassadeur  en  Levant  depuis  1338.  Espagnol  et  Navarrais  de  nais- 
sance (6V//e;u/«r  oZ-Sif//.' p«;^e/•6^  Spaaish  Séries,  / 3^7-1 3^9,  j).  176j,  il  avait  quitté 
le  service  de  Charles-Quint  pour  passer  à  celui  de  François  I",  qui  le  chargea  de 
missions  diplomatiques  en  Hongrie  (1524-lo29),  en  Pologne  (lo24-1527)  en  Angle- 
terre (1528)  et  en  Levant  (lo32).  '  ^'  b 

Le  roi,  en  récompense  de  ses  services,  lui  conféra  la  charge  de  maître  d'hôtel  de 
sa  maison,  lors  du  dernier  voyage  que  Rincon  fit  en  France,  au  printemps  de  1541 
B.  N.,  ms.  Clairambault  1213,  f'  67  v°,  69  et  79  v").  Il  fut  assassiné  par  ordre  de 
I  empereur  le  2  juillet  de  cette  même  année.  Rincon  avait  remplacé,  dans  le  poste 
de  Constantinople,  Charles  de  Marillac,  cousin  et  successeur  de  Jean  de  la  Forest. 
Louis  d'Angerant,  chevalier,  seigneur  de  Bois-Rigault,  conseiller  du  roi,  écuyer 
de  1  ecune  et  maître  d'hôtel  de  sa  maison,  ambassadeur  de  France  auprès  des 
Ligues  grises',  à  Soleure,  de  1523  à  134*). 

Filippo  Trivulzi,  quatrième  fils  du  sénateur  Giovanni  Trivulzi,  de  Milan,  arche- 
vêque de  Raguse,  de  1521  à  1543. 

2.  La  Seigneurie  ou  République  de  Venise. 

3.  Suleyman  1--  le  Magnifique,  empereur  des  Ottomans.  Né  en  1494,  il  avait  suc- 
cède a  son  père  Sélim  I--  en  1520  ;  il  mourut  en  1566. 


.  AMBASSAIiE    DE  [jLII.LET    loiO] 

quVlle  a  faict  au  soiKneur  Vincenz».  (Irimani  ',  qui  avoyt  esté  mandé 
ambassadeur  vors  luy  par  ce/  SeÏK'ueuis;  en  laveur  desquel/.,  et  aussi 
pour  ses  bonnes  verlus  el  (luallite/.,  luy  a  permis  et  octroyé  qu  il 
puyssc  pi^rler  en  ses  armes  une  Heur  de  lys  *... 

ù  Munsii-ur,  eslanl  lout  asseuré  que  voslre  singullier  el  bon  juge- 
ment seavt  trop  nueulx  prendre  et  choisyr  ce  quil  veoyt  estre  néces- 
saire pour  le  faict  de  sa  charge,  par  les  originaulx  mesmes  des  lettres 
et  nouvelles  que  je  vous  ay  tousjours  envoyez,  ma  semblé  faire  mieulx 
mon  debvoir  vous  les  mander  ainsy  que  de  vous  faire  aulruns  discours 
ne  jugement  là  dessus.  SeuUement  vous  diray  en  conlirmation  de  la 
exclusion  d'aultre  paix  entre  Leurs  Majestez  que  la  trefve  qui  y  estoyt 
auparavant,  comme  lempereur  a  escripl  au  pape,  et  mys  avant  excuses 
quil  navoyt  tins^  il  luv  si  la  paix  d'entre  Leurs  Majestez  n  avoyt  sorty 
son  eiïect,  en  chargeant  totallement  le  roy.  Mais  je  ne  faulx  à  rabbatlre 
bien  lel7  propoz,  et  donner  à  entendre  très  bien  le  contraire,  comme 
il  est  n  la  vérité  ainsi  «lue  ung  chascun  sçayt.  Et  là  dessus  Sa  Sainteté  \ 
se  doublant  bien  que  ces  Seigneurs  seroyenl  adverliz  de  ceste  exclu- 
sion et  ensemble  craignant  que  avecques  lofience  que  luy  el  1  empe- 
reur avo  vent  receue  diceulx  Seigneurs  pour  la  paix  et  appo.ntement 
faict  par'eulx  avec  le  Grand  Seigneur  contre  leur  voulloir  et  intention 
et  cherchassent  se  allier  avecques  S.  M.,  ilz  ne  se  changeassent  et  enfin 
se  retirassent  eAc.  {Comme  aux  dernières  lellres  du  rot/  du  XX\ f^juing, 
el  unq  article  des  lettres  de  M.  le  contestable  '  dudit  jour  ;  et  aussi  les 
nouvelles  des  lettres  receues  de  MM.  de  Boys  Rigault  et  de  Lavaour  «  des 
V  et  XV"  juing^  ». 
VoL  2,  f"  o,  copie  du  xvi=  siècle;  1  p.  1/2  in-f». 

1  Yincenzo  Orimani,  d'une  famille  patricienne  originaire  de  Vicence,  ambassa- 
deur ê"lraordinaire  de  la  Sérénissime  Républuiue  auprès  ,1e  François  1  .  exerça 
leThauterfoictions  de  procurateur  de  Saint-Marc.  11  avait  ete  reçu  par  le  roi  en 
,  r  '.11-,  rPin-innr  et  les  dépêches  de  cet  ambassadeur  sont  malheureusement 
';::Mlo(x;^.t:Zl^e!2cnL  .le  Venise;  Paris,  Pion  18.0,  in-8"  pp.  342  et673). 
l  T)è\\  le  8  iuillet  1492,  lors  de  l'ambassade  extraordinaire  de  Zaccaria  Conla- 
rin"i  et  le  Francesco  Capello  auprès  de  Charles  YUl,  ce  prince  leur  avait  concède 
[i m  it  de  porter  uni  (leur  de  lis  dans  leurs  armes.  (.\.  lîaschet,  La  diplomatie 
it  uHiu   Ml,   1  Vndrea  Rosso,  secrétaire  de  ^  enise  en 

^::T^  t52rkS:  o^i^t  ^aie^c^-ll^Lme  privilège  (B.  N.,  anc.  l.nd.  1.., 
ms  T5Ô0  r»  335).  -  Par  la  suite,  Henri  H  accorde  encore  deux  fleurs  de  lis  a  Gio- 
^ann  Spello  par  lettres  données  à  Paris  en  novembre  15b 4,  et  Henri  I\  en 
at^tr"bue  trois  k  Antonio  Priuli,  en  juin  IGOl  (V.  Baschet,  Arcinves  de  Vemse,  p.  3d4). 

3.  Tenu.  .  ^  ,     ,..„,,.,„ 

4   Paul  111  (Alessamlro  Fnrnese),  qui  fut  pape  de  lo3*  a  lo*9. 

o    Anne  de  M.ntmorencv.  né  le  15  mars  1 4'J2,  mort  à  Pans  le  12  novembre  lo67  ; 
grand  maître  de  la  maison  .lu  roi  et  gouverneur  du  Languedoc  (1526),  connétable 

'''6^Ge"orgifd'J"selve.  nommé  évèque  de  Lavaur  à  dix-huit  ans  (1526)  ;  ambassa- 
deur de  France  à  Venise,  du  12  décembre  1533  au  10  février  lb3<;a  Rome,  du 
ôo  é  rierS  au  30  juin  li>3S  ;  auprès  de  rem,>ereur,  du  9  octobre  1530  au 
l8  novembre  1540  (B.  N.:  ms.  Clairambault  1215,  f°  71  v"  et  suiv.).  ReUre  dans  son 
diocèse,  il  y  mourut  le  12  avril  1542.  à  l'Age  de  trente-cinq  ans. 
".  Ces  lettres  nous  man;iuent. 


IjUILLET    loi-O^  GUILLAUME    PELLICIER 


l'ELI.IClER   AU   ROI. 


2.  —  [Venise]^  10  juillet  1 540.  —  «  Sire,  depuys  les  dernières  lettres 
que  ay  escriptcs  à  V.  M.  du  xxvr  du  passé,  j'ay  receu  tout  en  ung  jour 
deux  pacquetz  du  sieur  Rincon,  dattes  du  pénultime  may  et  ii°  juing; 
esquelz  en  avoyt  ung  pour  V.  M.  que  luy  envoyé  présentement.  Mais 
les  lettres  tant  attendues  des  x'=  et  xv"  jours  de  may,  ainsi  que  dere- 
chef il  m'a  escript,  n'y  sont  point,  et  suys  en  fort  grant  double  qu'elles 
ne  soyent  pour  se  trouver  de  long  temps.  Dont  je  suys  merveilleuse- 
ment en  grant  peine;  car  se  remettant  du  tout  à  icelles,  estimant  que 
les  deubse  avoir  receues,  ne  me  mande  à  présent  presque  aulcune 
chose  d'importance;  et  encores  de  ce  peu  qu'il  m'advertist  ne  me  sem- 
bleroytque  répétition  vous  le  faire  sçavoir,  me  confiant  qu'il  ne  fault  à 
en  mander  aullant  à  V.  M.  Bien  vous  diray  que  quant  à  ce  que  je  vous 
avoys  escript  touchant  la  négociation  de  Tranquilo  '  à  Constantinople 
—  qu'il  avoyt  esté  refl'usé  de  la  prolongation  de  trefve  pour  deux  moys 
et  sauf  conduict   de  mander  ung  aultre  ambassadeur,  l'ayant  ainsi 
entendu  par  advertissement  venu  à  ces  Seigneurs  de  leur  ambassadeur 
prez  du  Grant  Seigneur  -,  —  ledit  sieur  Rincon  me  mande  le  contraire  : 
c'est  que  avant  le  parlement  dudit  Tranquilo,  il  obtint  ce  que  dessus 
non  seullement  pour  le  roy  Ferdinando  son  maistre,  mais  pour  l'empe- 
reur et  certains  ses  alliez  et  confédérez.  Par  quoy  appert  que  ledit 
ambassadeur  de  ces  Seigneurs  n'avoyt  pas  esté  adverty  du  tout.  Et 
davantaige  m'cscript  que  ledit  Tranquilo,  pour  acquéryr  plus  de  faveur 
et  crédit,  au  nom  de  son  maistre  a  faict  gros  présent  à  Janus  Bey  ^  et 
à  aultres,  et  promys  merveilles  pour  l'advenyr. 

«  Sire,  M.  l'arcevesque  de  Raguse  m'a  envoyé  une  lettre  que  mes- 


1.  Andronicus  Tranquillus,  humaniste  et  diplomate,  né  en  Dalniatie  dans  le 
dernier  quart  du  xv"  siècle.  11  avait  j^rofessé  à  l'université  de  Leipzig  et  fut  en 
correspondance  avec  Erasme.  Mêlé  aux  événements  politiques  de  son  temps,  il 
avait  été  secrétaire  de  Rincon  en  septembre  1527,  lors  de  la  seconde  mission  de 
celui-ci  en  Pologne  (Charrière,  Négociations  de  la  France  dans  le  Levant,  t.  1, 
p.  160);  en  octobre  lo31,  on  le  retrouve  secrétaire  du  roi  Jean  de  Hongrie  [Let- 
ters  and  papers  of  Hennj  VIII,  l.  V,  1530-1532,  p.  223).  Passé  enfin  au  ser- 
vice des  Impériaux,  il  hérita  plus  tard  du  rôle  et  de  l'influence  de  Laski  à  la 
Porte. 

Siniler  lui  attribue  un  discours,  imprimé  à  Augsbourg  en  1518  et  à  Vienne  en 
1541,  par  lequel  il  exhorte  les  princes  allemands  à  la  guerre  contre  les  Turcs. 

2.  .\loysio  Badoaro,  envoyé  extraordinaire,  depuis  le  27  décembre  1539,  pour  la 
ratification  de  la  paix  entre  Venise  et  la  Porte  (.Uberi,  Relazioni  degli  ambasciatori 
veneti,  3"  série,  t.  III,  p.  xxni). 

3.  Yuniz-Bey,  premier  drogman  de  la  Porte.  Suleyman  l'avait  envoyé  de  Belgrade, 
après  la  levée  du  siège  de  Vienne  en  1529,  pour  notifier  à  la  Seigneurie  le  succès  de 
sa  campagne.  Il  revint  encore  plusieurs  fois  à  Venise,  notamment  en  novembre 
1532  et  en  avril  1542,  comme  représentant  officiel  de  la  Porte  (Charrière,  1. 1, 
pp.  237  et  541).  Originaire  de  Gorfou,  Yuniz-Bey  parlait,  dit-on,  dix-huit  langues,  et 
Charles-Quint  fit  plusieurs  tentatives  pour  l'attirer  à  son  service. 


6  AMBASSADE    DE  JUILLET    1540] 

sire  Vinccnzo  Mazir»  '  liiy  avoyt  cscriple  de  Novo-Bazar  -  le  ix'  jning, 
par  laquelle  faict  entendre  seullemenl  comme  luy  el  sa  compaignie 
se  debvoyenl  parlyr  de  là  ledit  jour  pour  continuer  et  aciiever  leur 
voyaige,  el  que  pour  la  grant  ])eine  et  lïicherye  (ju'il  y  avoyt  k  trouver 
clievaulx  sur  les  chemins,  atlin  d'aller  en  meilleure  dilligence,  avoyent 
acheté  chascun  ung  cheval  et  laissé  Ui  leurs  malles,  ayant  donné  ordre 
de  les  faire  porter  après  eulx.  Je  pense  que  hien  tosi  viendront  nou- 
velles do  Coustanlinople,  par  lesquelles  serons  advertys  de  leur 
arrivée  Ui. 

«  Sire,  cez  Seigneurs  ont  prins  en  très  bonne  part  le  bon  traitement 
et  amyable  propoz  qu'ilz  ont  entendu,  par  leur  ambassadeur  messire 
Vincenzo  Grimani,  V.  M.  luy  avoir  usés,  et  que  icelle  se  soyt  ouverte- 
ment déclairée  en  afTaires  et  secretz  concernant  cez  Seigneurs,  et,  comme 
ilz  ont  accouslumé  à  dire,  s'est  laissée  entendre.  Et  pareillement  ont  esté 
bien  ayses  (}ue  aussi  luy  de  sa  part  vous  ayt  lait  sçavoir  leur  voulloir 
et  intenliou.  Par  quoy  le  attendent  à  grant  dévotion  pour  aprez,  selon 
son  rapport,  eulx  résouldre  de  ce  qu'ilz  auront  à  faire.  S'il  y  aura  chose 
digne  de  vous  faire  sçavoir,  de  ce  que  pourray  aprendre,  ne  fauldray 
en  advertyr  V.  M.  en  telle  dilligence  que  ralTaire  le  requerra. 

«  Sire,  cez  Seigneurs  ont  eu  lettres  de  leur  ambassadeur  prez  de 
l'empereur  ',  par  lesquelles  ont  esté  advertiz  que,  ayant  ledit  seigneur 
empereur  entendu  leur  paix  averques  le  Grant  Seigneur,  ne  avoyt 
faict  aulcun  semblant  du  monde  d'en  eslre  mal  content;  maisseullement 
sembloyt  se  doullpir  fort  de  la  perte  et  domaige  qu'ilz  avoyent  souf- 
ferlz  en  ce  faisant,  disant  toutesfoys,  puysque  ilz  n'avoyent  sceu  faire 
aultrement,  qu'il  estimoyt  qu'ilz  y  avoyent  esté  conlraiiictz,  et  faict  le 
tout  pour  le  moings  mal  et  non  point  pour  se  eslongner  de  son  amytié, 
en  laquelle  il  estoit  tousjours  bien  délibéré  les  mainctenyr  et  garder 

1.  Vincenzo  Mnggi  ou  Maggio,  secrétaire  <Ie  Rincon,  demeura  pendant  ses 
fréquentes  absences  seul  chargé  des  afTaires  de  France  à  Constantinoplc.  11  était 
de  vieille  souche  patricienne.  •<  Les  Magi,  effrontés  »,  dit  une  chronique  fort 
ancienne  qui  rappelle  le  nom  et  le  blason  populaire  des  premières  familles  qui 
vinrent  s'établir  flans  les  lagunes  de  Venise  (Molmenti,  La  vie  privée  à  Venise, 
Venise,  Ongania.  1882,  in-8",  p.  10). 

On  trouve  un  Vincenzo  Maggi,  de  Brescia.  ([ui  enseignait  avec  succès  à  Ferrare  el 
à  Padoue.  vers  l.")30.  Serait-ce  le  même  i»ersonnage?  C'est  ce  qui  parait  ressortir 
d'un  document  passé  en  vente  chez  Gabriel  Charavay  {Revue  des  autograp/tes, 
mars  1817,  n"  48)  :  «  Mandement  de  payer  675  livres  tournois  à  Vincent  Dymagy  [di 
Maggil,  gentilhomme  île  Brescia,  pour  son  voyage  d'Flbeuf  à  Conslantinople,  où  il 
va  porter  au  sieur  de  Hincon  des  lettres  de  la  plus  grande  importance;  Elbeuf, 
10  avril  1540  »  {Cat.  des  actes  de  François  I,  t.  VI,  Suppl.,  p.  594,  n"  21990). 

En  r>n,  réduit  à  la  plus  grande  misère,  Maggio  sollicita,  à  plusieurs  reprises, 
les  secours  «le  la  France.  L'amliassadeur  à  Venise,  Jean  de  Morvillicr,  écrivit  au 
roi,  le  2i  janvier,  à  ce  sujet,  en  l'engageant  à  venir  en  aide  à  cet  ancien  serviteur, 
dont  les  révélations  eussent  été  ctuupromettantos  (V.  Gharrière,  t.  I,  p.  638). 

2.  Novi-Bazar,  ville  de  Bosnie,  située  sur  la  Raschka,  importante  position  straté- 
gique. 

3.  Pietro  Mocenigo.  Les  Codici  Foscarini,  à  Venise,  contiennent  ses  dépêches  de 
1538  à  1540  (Baschet,  Archives  de  Venise,  p.  280). 


^JUILLET    lo40  GUILLAUME    PELLICIER  7 

comme  ses  très  chers  amys,  alliez  et  confédéré/..  Et  par  aultres  lettres 
que  le  secrétaire  Fidèle  ',  qui  est  pour  cez  Seigneurs  vers  le  marquiz  du 
Guast  -,  leur  a  escriptes,  ilz  sont  advertiz  que  combien  que  l'empereur 
leuraytfaict  telle  responce  et  démonstration  extérieure,  ce  néantmoins 
ilz  se  peulvent  tenyr  pour  tous  asseurez  que  secrètement  il  en  estoyt 
aussi  marry  et  fâché  contre  cez  Seigneurs  que  de  chose  qui  luy  advint 
long  temps  a;  et  que  quand  verroyt  luy  estre  à  propoz  s'en  vouldroyt 
ressentyr  contre  eulx.  Et  davantaige  que  ledit  empereur  avoyt  mis  en 
avant  qu'il  voulloyt  desmembrer  la  duché  de  Millau  en  plusieurs  par- 
tyes  et  en  faire  divers  seigneurs,  affin  qu'on  n'eust  plus  si  grant  envye 
de  l'avoir  et  la  quereller.  Et  de  faict  que  si  cez  Seigneurs  voulloient 
fournyr  argent,  qu'il  seroyt  pour  leur  bailler  Crémone  et  toute  la  Gié- 
radade  ^  Mais  je  crois  bien  qu'ilz  ne  sont  point  si  soubdains  de  mettre 
la  main  à  la  bourse  pour  faire  tel  achapt,  sçaichant  très  bien  que  ce 
ne  leur  seroyt  pas  seur  à  l'advenyr.  V.  M.  peult  très  bien  entendre  à 
quelz  lins  telz  propos  se  mettent  avant. 

«  Sire,  V.  M.  aura  entendu  par  madicte  dernière  lettre  comme  les 
coursaires  du  cousté  de  deçà  avoyent  eu  commendement  du  Grant 
Seigneur  se  retirer  en  Barberye  ■*.  Et  depuys  cez  Seigneurs  me  l'ont 
envoyé  confirmer  par  ung  de  leurs  secrétaires,  disans  l'avoir  ainsi 
entendu  par  lettres  de  leur  ambassadeur  messire  Aloysy  Badoare.  Et 
mesmement  'comme  les  bassaz  ^  avoyent  mandé  à  Sala  Raiz  %  cappi- 
taine  desdicts  coursaires,  ou  lynes  ''j  qu'il  eust  à  se  retirer  avecques 

1.  Yincenzo  Fedeli.  résident  de  Venise  à  Milan.  Il  avait  débuté  comme  secré- 
taire de  Carlo  Capello,  ambassadeur  à  Florence,  de  1529  à  1530  (Âlberi,  série  2, 
vol.  I,  p.  322);  il  y  fut  envoyé  i)lus  tard  comme  négociateur,  à  l'occasion  de  la  ces- 
sion de  Sienne  au  gouvernement  de  Cosme  I"  par  le  traité  de  Cateau-Cambrésis, 
conclu  entre  l'Espagne  et  la  France  en  1559  (Bascliet,  Diplomatie  vénitienne,  p.  135). 
Ribier,  qui  a  publié  une  partie  de  cette  lettre  en  la  remaniant,  a  pris  le  nom  du 
résident  vénitien  pour  un  adjectif  {Lettres  et  papiers  d'État,  Paris,  1GG6,  in-f, 
p.  53").  —  Fedeli  était  un  simple  résident,  appartenant  à  l'ordre  des  secrétaires,  et 
non  à  celui  des  patriciens  auxquels  étaient  généralement  réservées  les  ambassades. 

2.  Alfonso  II  d'.\valos,  marquis  del  Vasto,  capitaine  général,  gouverneur  impé- 
rial du  Milanais  de  1538  à  1546.  Cousin  du  marquis  de  Pescaire,  il  lui  avait  succédé 
dans  le  commandement  des  armées  de  Charles-Quint.  Il  mourut  le  31  mars  1546,  à 
l'âge  de  quarante-deux  ans. 

La  famille  d'Avalos.  d'origine  espagnole,  s'était  établie  dans  le  royaume  de 
Naples  vers  le  milieu  du  xv°  siècle,  et  tirait  son  titre  de  la  ville  de  Vasto,  située 
dans  l'Abruzze  citérieure,  près  de  l'Adriatique,  à  70  kilom.  de  Chieti. 

3.  La  Ghiara  d'Adda,  district  de  la  Lombardie  situé  entre  r.\dda,  l'Oglio  et  le  Pô, 
ainsi  nommé  de  la  nature  du  terrain,  alluvion  composée  de  galets  (de  l'ital.  (ihiara, 
galet,  gravier). 

4.  Barbarie  ou  États  barbaresques. 

5.  Les  quatre  grands  pachas  ou  vizirs  étaient,  par  ordre  de  dignité  :  Lutfy-Pacha, 
Suleyman-Pacha,  Mohammed-Pacha,  et  Rustem-Paclia,  gendre  du  sultan. 

6.  Salah-Raïs,  célèbre  capitaine  de  corsaires,  qui  devint  pacha  d'Alger  en  1552. 

7.  On  trouve  également  les  formes  ligne,  lisse,  lin,  lene  et  lynne,  francisation 
ancienne  du  bas-latin  lignum,  «  bois  »,  désignant,  par  extension,  le  navire  cons- 
truit avec  ce  bois.  Ces  termes  s'appliquent  à  une  sorte  de  grand  bâtiment  à  rames 
très  commun  au  moyen  âge,  et  mentionné  habituellement  à  la  suite  des  galères 
{Cf.  Jal,  Glossaii'e  nautique,  Paris,  Didot,  1818,  in-4°,  aux  mots  précités). 


8  AMBASSADE    DE  JUILLET   1540, 

toute  sa  siiylte  on  lailiclf  Barhcryo,  ot  que  Salim  Hassa  •  et  Caia  Bogdan  ' 
(lebvoyent  entrer  avociiues  graiit  excrcite  en  la  Transylvanie  (mais 
(lepuys  la  nouvelle  de  ce  voyaige  s'est  discontinuée)  ;  pareillement  que  le 
roy  Jehan  Vayvauda'  avoyt  mandé  ung  homme  pour  soy  excuser  s'il 
n'avoyt  jteu  mander  encores  ambassadeurs  devers  le  Grant  Seigneur. 
«  Sire,  je  pence  (lue  aurez  bien  entendu  le  décedz  du  duc  de  Man- 
toue  *  par  ung  flux  de  ventre,  avec  si  très  grant  rélemption  d'urine 
qu'il  n'a  jamais  esté  possible  de  la  lui  faire  rendre.  J'ay  entendu 
comme  peu  auparavant  son  trespas  manda  appeler  M.  le  Cardinal  son 
frère  '  et  son  tilz  ',  lesquelz  prya  que  soubdain  aprez  son  décedz  ilz 
mandassent  vers  l'ambassadeur  de  l'empereur  résident  icy,  pour  luy 
faire  entendre  comme  il  avoyt  tousjoursesté  bon  et  loyal  serviteur  du- 
dit  seigneur  empereur,  et  que  à  caste  cause  son  bon  plaisyr  fiU  luy 
recommander  sondict  filz  et  l'avoir  ensemble  toute  sa  maison  en  sa 
bonne  protection  et  saulve  garde  ;  ce  qu'ilz  ont  fait  ces  jours  passez, 
luy  mandant  ung  des  principaulx  de  sa  maison.  L'on  veult  faire 
entendre  iju'il  a  faict  cecy  plus  pour  garder  que  le  marijuisat  de  Mont- 
ferrat,  par  le  second  mariage  de  madame  la  marcjuise  sa  femme  ^  ou 
aultrement,  ne  vînt  à  estre  hors  de  sa  maison,  que  pour  aulcun 
aultre  respect.  Il  a  laissé  sa  maison  très  bien  fournye,  mesmement  du 

1.  Siileyman-Pacha,  second  vi/ir. 

•2.  •  Kara-Bopdan  »,  nom  par  lequel  les  Turcs  désignaient,  au  moyen  âge,  les 
princes  ninldavcs,  héritiers  de  l'aventurier  Bogdan,  et  la  Moldavie  elle-même.  —  Il 
s'agit  ici  d'Etienne  YI,  élu  prince  de  Moldavie  en  1.Ï38  |iar  les  Turcs.  (|ui  venaient 
de  détrôner  son  prédécesseur,  Pierre  Raresrh.  11  mourut  assassiné  à  Suceava,  vers 
la  Tin  de  1540. 

Klienne  VI  était  petit-fils  d'Etienne  IV  le  Grand,  ]iar  son  in-re  Alexandre. 

3.  Jean  Zapolya,  comte  de  Szepes,  voiévode  de  Transylvanie.  A  la  mort  de  Lo\iis  II 
Jagellon.  noyé  à  la  défaite  de  Mohacz,  en  1526,  il  s'était  fait  proclamer  roi  de  Hon- 
grie tandis  que  Ferdinam'.,  frère  puiné  de  Charles-Quint  et  heau-frère  du  feu  roi, 
prenait  aussi  la  couronne.  Vaincu  par  son  rival.  Jean  recourut  h  Suleyman  et  se 
reconnut  vassal  de  la  Porte  :  à  ce  prix,  il  obtint  l'investiture  d'une  partie  de  la 
Hongrie,  et  des  secours  avec  lesquels  il  se  rendit  maître  de  la  Transylvanie.  Pressé 
par  les  forces  de  son  adversaire,  il  négocia  tour  à  tour  l'intervention  des  souverains 
d'Europe  et  la  méilialion  du  pape;  enfin,  en  1530,  il  conclut  avec  Ferdinand  un 
traité  secret  par  lequel  il  le  reconnaissait  pour  son  héritier.  Zapolya  mourut  le 
21  juillet  1540,  Laissant  de  son  récent  mariage  avec  Isabelle,  fille  de  Sigismond- 
Augustc,  roi  de  Pologne,  un  fils  âgé  de  quinze  jours.  La  naissance  de  cet  enfant, 
nommé  Jean-Sigismond,  en  réveillant  le  parti  national  hongrois,  qui  s'empressa  de 
le  reconnaître  et  «le  lui  donner  Suleyman  pour  protecteur,  remit  tout  en  question 
et  ralluma  les  hostilités. 

4.  Federigo  II  di  Gonzaga,  né  le  17  mai  1500,  mort  le  28  juin  1510.  Charles-Quint, 
pour  prix  de  son  alliance,  avait  érigé,  le  25  mars  1530.  son  marquisat  de  Mantoue 
en  duché:  il  y  joignit,  en  1536,  la  princiiiauté  de  Montferrat. 

5.  Ercole  di  Gonzaga,  né  en  1505,  mort  le  2  mars  1563.  Évèque  de  Mantoue  (1520), 
cardinal  (1526),  il  i)ril  en  main  le  gouvernement  du  duché,  pendant  la  minorité  de 
son  neveu,  et  l'administra  avec  une  grande  sagesse. 

6.  Francesco  III  di  Gonzaga,  fils  aîné  de  Federigo  H,  et  second  duc  de  Mantoue» 
né  le  10  mars  1533,  mort  le  21  février  1550. 

1.  Marguerite,  sipur  de  Bonifacc  VI  Paléologue,  dernier  marquis  de  Montferrat, 
mort  en  1531. 


[juillet    1o40j  GUILLAUME    PELLICIER  9 

meilleur  meuble,  c'est  de  deux  ou  troys  millions  d'or,  comme  aulcuns 
dignes  de  foy  veullent  dire,  bien  que  aultres  le  Ireuvent  fort  estrange. 

«  Sire,  encores  que  V.  M.  pourra  estre  advertye  par  M.  de  Rhodez  ' 
plus  amplement  que  de  ce  cousté  des  nouvelles  de  Rome,  néantmoins 
ne  lairay  à  vous  dire  comme  l'on  a  eu  adviz  que  le  pape  estoyt  résolu 
d'entendre  au  recouvrement  de  Sénégaia  -,  comme  chose  appartenant 
de  tout  temps  aux  généraulx  de  l'Esglise,  et  conséquemment  au  sei- 
gneur Pierre  Loys  ',  comme  celluy  qui  à  présent  en  a  la  charge;  mais 
l'on  entend  que  le  duc  d'Urbin  *  n'est  pour  la  quitter  si  facillement  ne 
le  mettre  en  telle  dispute  qu'il  a  faict  Camarin  '.  Et  se  doubte  l'on  que 
pour  cest  effect  son  ambassadeur,  qui  est  icy  avecques  ung  sien  secré- 
taire, ces  jours  passez  estoyent  ordinairement  à  consulter  plus  qu'ilz 
ne  souUoyent  avecques  l'ambassadeur  de  l'empereur.  Et  depuys,  peu 
de  jours  après,  icelluy  ambassadeur  d'Urbin  se  partit  de  ceste  ville 
pour  aller  vers  son  maistre. 

«  Sire,  j'estime  que  par  monseigneur  le  comte  de  la  Myrandola  ^ 
V.  M.  pourra  avoyr  esté  advertye  comment  son  beau  père,  le  seigneur 
Ludovico  de  Bosoulo  '',  et  père  du  seigneur  Caguin  ^  est  déceddé  ces 
jours  passez,  et  comment  ledit  seigneur  comte  s'est  mys  dedans  les 
places  fortes,  et  tient  tout  Testât  pour  et  ou  nom  de  l'héritier,  qui  est 
fîlz  du  lilz  aysné  ^  dudict  seigneur  de  Bosoulo.  Et  par  ce  moyen  a  obvyé 
à  l'entreprinse  et  tentacion  du  fîlz  du  seigneur  Petro  de  Bosoulo,  qui 
les  voulloyt  prendre  au  nom  de  l'empereur.  » 

Vol.  2,  f"  5  v",  copie  du  xvi*  siècle;  3  pp.  in-f". 

1.  Georges  d'Armagnac,  né  vers  1501,  mort  le  2  juin  lo8o.  Ambassadeur  de  France 
à  Venise,  en  remplacement  de  Georges  de  Selve,  évèque  de  Lavaur.  du  3  juin  1536 
au  3  février  1539  (B.  N.,  ms.  Clairamhaull  1213,  T'  74  v°  et  77),  il  fui  ensuite  nommé 
à  l'ambassade  de  Rome,  le  8  mars  1540,  en  remplacement  de  Jean  de  Langeac, 
évètiuc  de  Limoges  {Id.,  ibid.,  î"  79  v").  Georges  d'Armagnac  fut  successivement 
évè(iue  de  Rodez  (1529-1562),  cardinal  (1544),  archevêque  de  Toulouse  (1562-1576), 
puis  d'Avignon  (1576-1385). 

2.  Sinigaglia,  ville  du  duché  d'Urbin,  sur  r.\drialique,  à  l'embouchure  de  la  Misa. 

3.  Pietro-Aloysio  Farnese,  fds  naturel  du  pape  Paul  III,  nommé  en  1537  gonfa- 
loniiier  de  l'Église  et  duc  de  Castro  ;  puis,  en  1545,  premier  duc  de  Parme  et  de 
Plaisance  ;  mort  assassiné  le  10  septembre  1547. 

4.  Guid'Ubaldo  II  délia  Rovere,  fils  de  Francesco-Maria  I"  et  d'Eleonora  di  Gon- 
zaga,  duc  d'Urbin,  de  1538  à  1574,  date  de  sa  mort. 

5.  Camerino,  siège  d'un  duché  que  Paul  III  s'était  fait  céder  par.  le  duc  d'Urbin, 
en  1539,  pour  en  investir  Ottavio  Farnese,  son  petit-fils. 

6.  Galeotlo  II  Pico,  comte  de  la  Mirandole,  s'empara  de  cette  principauté  par 
surprise,  au  mois  d'octobre  1533,  en  égorgeant  son  oncle  Gian-Francesco  et  son 
cousin  Alberto.  Il  se  mit  ensuite  sous  la  protection  de  François  I",  et  la  place  de  la 
Mirandole  devint  un  centre  de  ravitaillement  et  de  recrutement  pour  les  troupes 
françaises  en  Italie. 

7.  Lodovico  di  Gonzaga,  seigneur  de  Bozzolo,  mort  en  1540. 

8.  Caguino  di  Gonzaga,  fils  du  précédent  et  neveu  de  Federigo  di  Gonzaga, 
seigneur  de  Bozzolo,  compagnon  d'armes  de  Montmorency,  mort  à  la  fin  de  1527. 

9.  Pietro  di  Gonzaga,  seigneur  de  Bozzolo.  La  plupart  des  membres  de  cette 
famille  avaient  mis  leurs  armes  au  service  du  roi  de  France. 


10  AMBASSADE   DE  JUILLET   1540j 


l'ELLICIER   AU  CONNETABLE. 

3.  —  ^Vftiise  ,  i  0  juillet  l.')U). —  Les  rocherches  faites  par  PcUicier 
ol  par  rarchoYi'Miup  do  Uaguse  pour  retrouver  les  dépêches  de  Uincon 
des  10  et  l.'J  mai  sont  restées  jusqu'ici  sans  résultat. 

«<  ...Monseigneur,  n'ayant  à  présent  aultres  meilleures  nouvelles  pour 
vous  faire  sçavoir  que  celles  que  j'escripz  au  roy,  desquelles  estant 
asseuréqut^  verrez  le  tout  ne  vous  feray  aulcune  répétition,  m'asemblé 
ne  debvoir  ohmettre  vous  faire  entendre  comme  messire  Vincenzo  Gri- 
mani,  nni^Miières  aml)as><a(lenr  pour  cez  Seigneurs  vers  S.  M.,  leur  a 
escript  la  grande  amytié  et  allection  que  le  roy  porte  à  cez  Seigneurs, 
luy  décluiranl  avoir  à  présent  meilleur  moyen  et  commodité  leur  faire 
plaisyr  que  jamais,  pour  eslre  plus  fourny  d'argent,  ses  confins  et 
lymites  mieux  forliffiées,  meilleure  chevallerye,  et  meilleur  moyen  de 
recouvrer  gens  plus  amys,  confédérez  elmieulx  confirmez  qu'il  n'eust 
longtemps  a;  et  si  a  vingt-sept  gallères  mieulx  en  ordre  que  nulles 
aullros  qui  se  sçauroyent  trouver.  De  quoy  cez  Seigneurs  ont  eu  très 
grant  plaisyr,  et  sont  tousjours  de  plus  en  plus  en  meilleur  espoir  et 
affection  vers  S.  M.  que  à  l'aventure  ne  furent  de  longtemps,  attcndans 
à  grant  désyr  leurdit  ambassadeur,  pour  entendre  inieulx  les  parlicul- 
larités  de  sa  négociation. 

«  Monseigneur,  combien  que  je  ne  doubte  que  M.  de  Lavaur  ne  fauldra 
à  advertyr  le  roy  de  tout  ce  qui  appartient  à  sa  charge,  si  m"a  il  semblé 
ne  debvoir  obmettre  vous  faire  entendre  tout  ce  quejepuys  apprendre 
par  deçà  do  tous  cousiez,  mesmement  de  ce  que  cez  Seigneurs  en  ont. 
A  ceste  cause  vous  diray  comme  jusques  icy  le  Pellou  '  ne  cesse  de  faire 
les  plus  maulvais  offices  et  rypportz,  ouUre  sa  principalle  commission, 
de  l'ordre  et  conduycte  des  affaires  de  S.  M.  qu'il  n'est  possible  déplus, 

1.  François  ilu  Poloiix  ou  Le  Peloux,  gcnlilhomme  du  Yivarais,  seigneur  de 
(lourdan.  Passé  au  service  de  l'empereur  à  la  suite  du  connélabie  de  Bouri)on,  il 
avait  été  nommé  gentilhomme  de  la  chambre  de  Charles-Qviint,  vers  la  fin  de  1531 
[Journal  do  Jean  de  Vandenesse;  B.  N.,  ms.  Dupuy  500,  f°  38  v°i.  11  avait  été  pré- 
cédemment chargé,  de  concert  avec  l'aljbé  de  Najera,  d'une  mission  près  du  duc  de 
Ferrare,  Alfonso  d'Esté,  en  mars  loi",  pour  le  compte  de  l'empereur  [Calendar 
of  S>lalc  pnpers,  Spanish,  lo27-152î),  p.  88).  Charles-Quint  l'envoya  en  France,  au 
î»rintemps  de  loiO.  pour  accompagner  son  ambassadeur,  François  Bonvalot.  al)bé 
do  Saint-Vincent.  Les  instructions  de  ce  <lernier  sont  datées  de  Gand.  24  mars  1540 
(Papiers  d'Elal  de  Granrclh,  publics  par  Weiss,  t.  II,  p.  598).  Le  sieur  du  Peloux 
était  revenu  en  France,  au  milieu  de  juin  (State  papers  of  Henry  VIII,  vol.  VIII, 
5'  partie,  pp.  341  et  354). 

Il  avait  un  frore,  demeuré  au  service  du  roi  de  France,  et  qui  fut  le  compagnon 
d'armes  de  Monlluc. 

François  «lu  Peloux  mourut  à  Bruxelles,  au  moment  où  il  se  disposait  à  rentrer 
définitivement  dans  sa  patrie. 

La  maison  du  Peloux  (Pilosus),  originaire  d'AlIcvard  on  Dnnphiné,  remonte  au 
xii'  siècle.  Au  siècle  suivant,  une  de  ses  branches  vint  se  fixer  à  Annonay,  où  les 
membres  de  la  Tamille  exercèrent  presque  héréditairement,  pendant  trois  siècles, 
la  charge  de  baillis  et  gouverneurs  de  la  ville. 


[juillet    JS40j  GUILLAUME    PELLICIER  {[ 

faisant  bien  entendre  à  l'empereur  que  le  roy  n'est  pour  venyr  à  chief 
ne  faire  beau  faict  de  ses  entreprinses;  de  sorte  que  icy  Ton  estime 
qu'il  ne  va  en  France  que  pour  servir  d'espion,  se  ingérant  d'entendre 
par  le  menu  le  plus  d'affaires,  tant  d'estat  que  aullres,  de  la  court  qu'il 
peult,  pour  puys  aprez  en  faire  ses  devis  avecques  l'empereur  et  luy 
en  donner  passe-temps  que  l'on  prent  voullentiers.  Dont,  Monseigneur, 
vous  ay  bien  voullu  advertyr  afiin  que,  si  d'aventure  il  retournoyt  vers 
le  roy  et  vous,  soyez  informé  de  sa  façon  de  faire  pour  négocier  avec- 
ques luy,  ainsy  que  sçaurez  trop  mieulx  que  ne  sçavoys  penser.  » 

Vol.  2,  f"  7,  copie  duxvi«  siècle;  1  p.  1/2  in-f". 


PELLICIER  A   LA  REINE  DE   NAVARRE 


4.  —  [  Venisel,  / 0  juillet  i 540.  —  «  Madame,  n'eust  esté  que  me  suys 
tousjours  attendu  que  veoyez  ordinairement  le  contenu  des  lettres  que 
j'escriptz  au  roy,  n'eusse  failly  à  vous  escripre  plus  souvent  depuis  que 
suys  icy  ;  mais,  n'ayant  eu  aultre  chose  digne  de  vous  faire  sçavoir,  m'a 
semblé  ne  vousdebuoir  ennuyer  ne  fâcher  par  lettres  inutilles  et  de  nul 
plaisyr.  Ce  néantmoings  m'estimant  du  nombre  de  voz  très  humbles  et 
très  obéissans  serviteurs,  vous  ay  bien  voullu  donner  adviz  en  quel 
estât  je  me  retreuve  à  présent  avecques  cez  Seigneurs  Vénitiens  quant 
au  faictde  ma  charge  et  négociation  avecques  eulx  ;  c'est  que,  suyvant 
ce  qu'il  a  pieu  au  roy  me  commander  leur  faire  la  plus  grant  démons- 
tration de  l'amylié  que  S.  M.  leur  porte,  ilz  se  sont  réduictz  en  telle  et 
si  bonne  dévotion  vers  elle  que,  de  ce  que  puys  congnoistre,  l'on  les 
trouveroyt  aultanl  prestz  à  luy  faire  plaisyr  que  à  l'aventure  furent  de 
long  temps.  Et  les  veoy  cliascun  jour  de  plus  en  plus  augmenter  leur 
bon  voulloir  en  cest  endroict,  ayans  merveilleusement  agréable  le  bon 
traitement  et  amyables  propos  que  a  pieu  à  S.  M.  usera  leur  ambassa- 
deur Vincenzo  Grimani,  l'acceptant  pour  ung  très  grant  béneffice.  Au 
demeurant,  Madame,  il  y  a  ici  ung  nommé  messire  Sebasliano  de  Bou- 
loigne,  architecte  -,  de  qui  ne  m'estanderay  vous  faire  aultre  descrip- 
tion, me  confiant  que  avez  esté  très  bien  informée  de  luy  et  de  ses 
bonnes  quallitez  par  M,  de  Rhodez  ^,  lequel  estant  en  cette  ville  le  incita 


1.  Marguerite  rie  Valois,  sœur  de  François  I",  femme  de  Henri  d'AIbret,  roi  de 
Navarre,  née  à  Angoulême  le  11  avril  1492,  morte  à  Odos  (Bigorre)  le  21  dé- 
cembre 1549. 

2.  11  s'agit  du  célèbre  architecte  italien  Sébastian©  Serlio,  né  à  Bologne  le  26  sep- 
tembre 14'o,  mort  à  Fontainebleau,  vers  la  (in  de  loo4.  Après  avoir  étudié  la  plu- 
part des  monuments  antiques  de  l'Italie  et  de  la  Dalmalie,  Serlio  s'était  étaiili  à 
Venise.  Il  y  tint,  de  1537  à  1540,  une  école  d'architecture,  et  s'y  lia  avec  de  nom- 
breux artistes  et  écrivains,  notamment  avec  le  Titien  et  l'Arétin. 

3.  Georges  d'Armagnac  lui  servit  d'intermédiaire  pour  offrir  à  François  I"  un 
exemplaire  de  son   premier  livre  (le  quatriOnic  de  son  œuvre)  des  Règles  de  l'Ar- 


12  AMBASSADE    DE  [jlIM.ET    i  b40j 

faire  quelques  livres  do  archileclure  où  il  a  bien  employé  le  temps, 
et  enfin  les  a  paraclieve/  et  dédiez  à  S.  M,';  laquelle,  par  sa  libéra- 
lité et  magnanimité,  ordonna  qu'il/.  Iiiy  leussent  délivrez  troys  cens 
escu/,  mais  jamais  ne  luy  a  esté  possible  en  pouvoir  recouvrer  ung 
denier.  Par  (juoy,  ne  sçaichant  ii  cpii  mieulx  avr»ir  recours  que  à  voslre 
clémence  et  bonté  comme  conservalrice  de  lous  gens  de  bien  et  de 
bonnes  mœurs  et  vertus,  se  retrouvant  à  présent  en  très  jurande  néces- 
sité, pour  la  };ranl  cherté  des  vivres  qu'il  y  a  eu  icy  cesle  année,  se  met 
à  genot/.  devant  vous,  vous  supplyant  qu'il  vous  plaise  avoir  pytié  et 
compassion  de  luy,  remémorant  à  S.  M.  qu'il  luy  plaise  faire  mettre  à 
exécution  sa  bonne  voullenté.  11  a  mis  sa  clievance  et  son  temps  si  très 
avant  à  faire  imprimer  lesditz  livres  que,  se  retrouvant  despourveu  de 
tout  aullre  ayde  et  support,  a  esté  conlrainct  pour  grant  indigence 
laisser  son  travail  et  labeur  entre  les  mains  de  l'imprimeur-,  sans 
jamais  en  avoir  eu  aulcun  profficl.  11/  lui  ont  esté  présentez  plusieurs 
partys,  mais  pour  la  grant  dévotion  qu'il  ad'estre  au  service  de  S.  M.  et 
de  nous  n'en  a  encore  voullu  accepter  pas  ung,  que  premièrement  il  ne 
soyt  résolu  de  ce  que  plaira  au  roy  estre  faict  en  cestendroict.  Je  puys 
bien  lesmoigner  qu'il  a  esté  recherché  de  M.  le  marquis  du  Gouast,  luy 
estant  icy',  et  pareillement  de  la  royne  de  Pouloigne*,  tant  à  cause 
que  sa  femme  ^  a  esté  une  de  ses  filles  de  chambre  que  aussi  pour  ses- 
dictes  quallilez,  luy  voullant  donner  très  bon  party.  Toutesfois  il  m'a 
dicl  qu'il  aymcroyt  mieulx  estre  au  service  de  S.  M.  et  de  vous  pour  la 
pagnolte  ^  seullement  que  à  nulz  aultres  princes  ayant  bien  gros  estât. 
"Vous  supplyant,  Madame,  me  pardonner  si  je  vous  en  fays  si  long 
propoz,  mais  la  bonté  et  la  vertu  du  personnage  me  le  faict  faire,  me 
confiant  aussi  que  ne  le  prendrez  que  en  bonne  part  et,  se  veoyez  que 
bien  soyt,  vous  supplye  m'en  faire  faire  response.  » 

Vol.  2.  f"  8,  copie  du  .\vi«  siècle;  1  p.  t/i  in-f°. 


chilecUire,  qui  venait  dètre  imprimé  à  Venise  chez  Marcolino  d.i  Forli  (lo37,  in-P, 
fif.'.  sur  bois).  Le  roi  lui  fil  allribuer  en  récompense  une  somme  de  300  écus 
d'or. 

i.  Serlio  avait  dédié  à  François  1"%  en  reconnaissance  de  sa  libéralité,  le  troi- 
sième livre  de  son  œuvre,  consacré  à  la  description  des  antiquités  de  Rome  et  de 
l'Italie  (Venise.  .Ma^^•oli^o,  loin),  et  dans  lequel  il  manifeste  le  désir  d'aller  étudier 
en  France  les  monuments  antiques  dont  lui  a  i»arlé  Pellicier. 

•2.  Franccsco  Marcolino  da  Forli,  imprimeur  à  Venise,  proche  de  l'église  de  la 
Trinité,  <i  l'enseigne  de  la  Vérité. 

3.  La  seconde  et  la  troisième  éditions  italiennes  des  Règles  de  VArchitecture 
(Venise,  Marcolino,  loJO  et  154i)  lui  sont  dédiées. 

4.  Bona  Sforza,  seconde  femme  de  Sigismond,  roi  de  Pologne,  qui  fit  île  |fré- 
qucnls  voyages  en  Italie,  son  pays  d'origine. 

;■).  Francesca  Palladia  ou  Pallaude,  qui  survécut  à  son  mari  et  mourut  à  Fontai- 
nebleau postérieurement  à  I.IGO  (V.  Léon  Charvel,  Sébastien  Serlio  (i4"o-lo54), 
Lyon,  186'J  (in-8°,  avec  portr^et  fig.). 

6.  Dans  la  pauvreté,  dans  la  misère. 


[juillet    1o40'|  GUILLAUME    PELLICIER  13 

l'ELLlClER   A    M.    DE   TULLE    '. 

5.  —  [Venise],  i 0  juillet  1540.  —  «  Monsieur,  il  yaassez  longtemps 
que  j'ay  receu  vostre  lettre  du  viii'^  may,  à  laquelle  avoys  tousjours 
différé  vous  faire  responsc,  jusques  à  ce  que  eussions  reconneu  les  mil 
escuz  contcnuz  en  icelle,  pour  nous  faire  tenyr  icy,  ce  que  avons  faict 
en  très  bon  payement;  dont  de  ma  part  vous  remercye  grandement. 
Lesquelz  ay  incontinent  deslivrez  ez  mains  du  gentilhomme  grec  *  à 
qui  il  a  pieu  au  roy  user  de  sa  libérallité  et  magnanimité.  Lequel  m'a 
pareillement  faict  apporter  à  mon  logis  toute  la  reste  des  livres  con- 
tenuz  au  cathalogue  que  je  vousay  envoyé,  et  davantaige,  car  je  treuve 
beaulcoup  de  volumes  n'ayant  que  une  intitulation  seullement  où  il  y 
en  a  plusieurs  aultres  insérez  dedans,  ainsi  que  vous  pourrez  mieulx 
veoir  et  refl'érer  à  S.  M.  Et  si  a  ledict  gentilhomme  très  grant  voulloir 
mettre  à  exécution  sa  deslibération  et  offre  qu'il  a  faicted'en  recouvrer 
encores  d'aultres,  toutes  foys  et  quantes  qu'il  plaira  au  roy  ■\  Mais 
pour  ce  faire  plus  aisément,  et  pour  avoir  plus  de  faveur  et  crédict,  luy 
seroyt  besoing  avoir  expresse  commission  de  S.  M.;  et  en  oultre  que, 
ne  povant  vacquer  pour  tous  les  lieux  où  il  sçayt  qu'il  s'en  pourra 
recouvrer,  peust  soubz  ladicte  commission  commettre  aultres  person- 
naiges  qu'il  verra  estre  idoynes  et  sulïisans  pour  ce  faire.  Et  pour  ce 
que  la  plus  grant  part  desdicls  livres  se  doibvent  recouvrer  des  pays 
du  Grant  Seigneur  où  il  en  sçayt  nommément  grant  quantité,  comme 
verrez  par  les  mémoyres  que  je  vous  en  envoyé  présentement,  affin 

L  Pierre  Du  ChàtcL  criidit,  lecteur  de  Franeois  I",  né  à  Arc-en-Barrois,  mort  le 
3  février  l.jo2.  11  fui  tour  à  tour  évèque  de  Tulle  (Io39-lo4't),  de  Màcon  (1544-1531) 
et  d'Orléans  (1551-1552).  —  Cette  lettre,  ainsi  que  cinq  autres  adressées  à  Du  Châtel, 
des  22  juillet,  19  août,  8  octol)re,  2  décembre  1340  et  15  février  1542,  ont  été  publiées 
par  M.  H.  Oinonl,  dans  son  Catalogue  des  manuscvils  gréa  de  Guillaume  PelUcier 
{Bililiothèr/ue  de  l'Ecole  des  Chartes,  t.  XLVI,  1885,  pp.  45-83  et  594-624). 

2.  Antoine  Eparchos,  né  vers  1492,  à  Corfou,  vivait  encore  en  1370.  Réfugié  à 
Venise,  il  y  professa  la  langue  et  la  littérature  grecques,  de  1533  à  1547.  Sa  pauvreté 
l'avait  contraint  à  mettre  en  vente  sa  belle  bil)liothèque,  dont  les  manuscrits 
furent  acquis  par  Françjois  T",  moyennant  celte  somme  de  mille  écus  (V.  Zeller,  La 
diplomatie  française...  d'après  la  correspondance  de  G.  Pélicier,  p.  99  et  suiv.). 
Encouragé  par  ce  succès,  Eparchos  continua  jiar  la  suite  le  fructueux  commerce 
des  manuscrits  grecs,  qu'il  lirait  en  grand  nombre  des  monastères  du  Levant. 

3.  François  1",  sur  les  indications  du  savant  Jean  Lascaris,  avait  établi  dans  son 
château  de  Fontainebleau  une  «  librairie  »  i)lus  particulièrement  airectée  aux 
manuscrits  grecs,  qu'il  faisait  acheter  ou  transcrire,  à  grands  frais,  en  France  et  à 
l'étranger.  Les  doctes  prélats  qui  se  succédèrent  à  l'ambassade  de  Venise  pendant 
la  première  moitié  du  xvi"  siècle  contribuèrent  puissamment  à  enrichir  la  bildio- 
thèque  du  roi;  ce  furent  d'abord  Jean  de  Pins,  jjIus  tard  évoque  de  Rieux,  ambas- 
sadeur de  1515  à  1319;  Georges  de  Sclve,  de  1334  à  1337;  Georges  d'Armagnac,  de 
1536  à  1539,  enfin  et  surtout  Guillaume  Pellicier,  de  1539  à  1542. 

Guillaume  Budé  avait  été  le  premier  titulaire  de  la  charge  de  «  maître  de  la 
librairie  »  royale.  A  sa  mort,  arrivée  le  24  août  1340,  Pierre  Du  ChâloI  fut  désigné 
pour  lui  succéder  (L.  Delisle,  Le  CaOinet  des  manuscrits  de  la  liitAiolIièque  impé- 
riale, t.  I,  pp.  151  et  181). 


li  AMUASSADE    DE  'JUILLET    loiOj 

que  plus  seuremenl  el  avecques  plus  grani  apport  il  puysse  en  cher- 
olianl  pérégriner  el  recouvrer  lesdicls  livres,  dêsireroyt  grandement 
qu'il  pleust  à  S.  M.  escripre  h  son  anjhassadeur  qui  est  à  Conslanti- 
nople  '  (ju'il  inipétrast  ung  sauf  conduict  du  Grant  Seigneur  pour  ce 
faire.  El  ce  faisant,  je  vous  ose  bien  dire  qu'il  sera  moyen  d'enrichir 
la  librairie  de  S.  M.  d'aussi  bons  livres  et  il  moings  de  fraiz  que  à 
l'aventure  sçauroyent  faire  d'aultres  avecques  plus  grosse  despense. 
Je  suys  bien  asseuré  que  daultant  que  ave/,  faicl  le  plus  fort,  c'est  de 
avoir  faict  recouvrer  si  bonne  somme  d'argent,  ne  lairez  ceste  entre- 
prinse  imparfaicte;  et  pour  ce  que  ledict  gentilhomme  vous  en  escripl 
ne  m'cslanderay  vous  faire  plus  longue  lettre.  Bien  vous  diray  que 
incontinent  après  le  parlement  de  ceste  ville  de  feu  M.  Fondulus-,  vint 
à  moy  ung  nommé  Demetrio  Zeno  ',  lequel  me  disl  que  ledict  sei- 
gneur Fondulus  luy  avoyl  donné  charge  d'aller  chercher  de?,  livres 
grec/  qu'il  disoyt  sçavoyr  estre  à  Le/anle  *,  Courfou  ',  et  aullres  lieux 
circonvoisins,  pour  S.  M.;  auquel  feiz  response  qu'il  se  debvoyt  tenyr 
pour  tout  asseuré  de  la  promesse  que  lui  avoyl  faicle  icelluy  Fondulus, 
car  avoyl  charge  de  S.  M.  de  ce  faire.  Lequel  ayant  accomply  sesdicts 
voyaiges,  s'en  est  retourné  avecques  quarante  pièces  de  livres;  et  sçai- 
chant  que  ledict  Fondulus  estoyt  déceddé,  s'est  rendu  à  moy  pour  me 
pryer  donner  ordre  à  son  afTaire,  comme  à  celluy  qui  a  charge  géné- 
ralle  des  affaires  de  S.  M.  par  deçà.  Il  m'a  semblé  que  ne  povoys 
adresser  mieulx  cedict  affaire  que  à  Vostre  Révérence,  laquelle  verra 
mieulx  ce  que  sera  pour  servyr  au  roy  que  tout  aultre.  Il  y  a  aulcuns 
livres  qui  sont  idem  numéro  que  ceulx  qui  se  treuvent  au  calhalogue 
de  ceulx  qui  ont  esté  présentés  par  messer  Eparcho,  comme  bien  verrez 
par  celluy  que  je  vous  envoyé  de  ceulx  dudict  Zeno;  mais  vous  jugerez 
trop  mieulx  se  ung  tel  trésor  se  doibt  estimer  riche  pour  n'avoir  que 

1.  Anlonio  del  Rincon. 

2.  Hieroiiiiuo  ou  Girolamo  Fomlulo,  Italien,  originaire  de  Crémone,  et  remarquable 
humaniste,  avait  accompagné  en  France  le  cardinal  Salviali,en  io27.  Il  parvint  à  gagner 
la  faveur  de  Frani;ois  I",  qui  lui  fit  don  d'une  pension  annuelle  de  400  livres  (Cat. 
des  ncle.t  de  Vrauiois  r,  t.  VI.  Suppl.,  p.  45,  n"'  19,  136  et  19,  131)  el  lui  confia 
liustruclion  de  son  fils  Henri.  Envoyé  en  mission  dans  la  péninsule  pour  y 
recueillir  les  manuscrits  grecs  apportes  par  les  réfugiés,  il  revint  en  1529  avec 
soixante  volumes.  .\mi  de  Hcmbo,  de  Lascaris  et  de  Dolet,  qui  lui  a  consacré  une 
épigramme,  Fondulo  mourut  à  Paris  le  12  mars  1540  (V.  Delisle.  loc.  cit.,  1. 1,  p.  151, 
et  Zeller,  loc.  cit.,  p.  Ol).  —  D'autres  membres  de  cette  famille  paraissent  avoir 
porté  les  armes  pour  la  France,  à  celle  époque.  On  rencontre  en  effet  dans  les 
Comptes  extraordinaires  des  guerres,  à  l'année  1529,  la  mention  de  Carlo  et  Ludovic 
Fondulo.  lieutenant  et  enseigne  du  capitaine  Jides-César  de  Gonzague,  à  la  tête 
de  360  hommes  de  jiied,  italiens,  et  de  3ii  arquebusier»  au  service  du  roi(13.  N.,  ms. 
Clairambault  1215,  f"  154  v"). 

3.  Démélrios  Zénos,  de  Zanle,  humaniste,  professa  l'éloquence  à  Venise.  On  lui 
«loil  une  traduction  de  la  Iiatrac/io>n>/otnac/iie  d'Homère  en  grec  moderne,  et  une 
Vie  d'Alexandre  le  Grand  en  vers  rimes,  dans  la  même  langue. 

4.  Zante,  l'une  des  îles  Ioniennes. 

a.  Corfou,  la  plus  importante  des  iles  Ioniennes,  et  considérée  comme  la  clef  de 
r.Vdriatique. 


[juillet    1540^  GUILLAUME    PELLICIER  15 

une  seulle  pierre  précieuse  de  chascune  espèce.  Et  certes  il  y  a  granl 
dillerence  le  plus  souvent  de  volume  à  volume  de  ung  mesme  livre.  Uz 
ne  sont  pas  pour  couster  si  chèrement  que  ont  faict  les  aultres,  mais  à 
prys  raisonnable.  Je  vous  prye  me  faire  faire  responce  de  ce  qu'il 
plaira  au  roy  et  à  vous  en  estre  faict.  » 

Vol.  2.  f*^  8  v'',  copie  du  Nvi«  siècle;  1  p.  l/t  in-f"^. 

PELLICIER    A    M.    DE   LANCEY    '. 

6.  —  [Venise.,  10  juillet  1540.  —  «  Monseigneur,  depuys  les  der- 
nières lettres  que  vous  ay  escriptes  du  premier  de  ce  moys,  j'ay  receu 
ung  pacquet  pour  le  roy  du  seigneur  Rincon,  lequel  vous  envoyé  pré- 
sentement. Je  ne  vous  pryeray  point  le  mander  en  toute  dilligence,  car 
je  en  suys  tout  asseuré,  faisant  selon  que  avez  accoustumé.  Et  par  les 
lettres  qu'il  m'a  escriptes  n'y  a  aultre  chose,  sinon  le  contraire  de  ce 
que  vous  ay  escript  touchant  la  négociation  de  Tranquilo  en  Constanti- 
nople;  car  il  a  impétré  du  Grant  Seigneur,  avant  son  parlement  de  là, 
prolongation  de  la  trefve  pour  deux  moys,  et  saulf  conduyct  de  mander 
ung  aultre  ambassadeur  non  seullement  pour  le  roy  Ferdinando  son 
maistre,  mais  pour  l'empereur  et  certains  ses  alliez  et  confédérez.  Et 
ledict  Tranquilo,  pour  acquéryr  plus  de  faveur  et  crédict  au  nom  de 
son  maistre,  a  faict  gros  présens  à  Janus  Bey  et  à  aullres,  et  promys 
merveilles  pour  l'advenyr.  Et  m'escript  davantaige  que  nonobstant 
quelques  jalousyes  que  on  ayt  eues  où  il  est  du  passaige  de  l'empe- 
reur en  France  *,  les  affaires  de  S.  M.  ne  laissent  à  se  bien  porter,  et 
que  quelque  issue  qui  advienne  feutre  Leurs  Majesteznous  aurons  tous- 
jours  le  Grant  Seigneur  pour  amy  comme  auparavant;  et  ne  sera  si 
facille  audict  empereur  d'avoir  paix  ou  trefve  avecques  ledict  Grant 
Seigneur,  comme  il  pense  et  qu'il  donne  à  entendre,  sans  le  moyen 
de  S.  M...  » 

Pellicier  attend  toujours  les  lettres  de  Rincon  des  10  et  15  mai,  et 
les  croit  plutôt  perdues  qu'égarées. 

«  J'estime  qu'il  y  a  quelques  jours  que  messire  Vincenzo  Mazio  et 
sa  compagnye  sont  arrivez  à  Constantinople  ;  car,  par  lettres  qu'ilz  ont 

1.  Guillaume  du  Bellay,  seigneur  de  Langey,  né  au  château  de  Glatigny,  près  de 
Monlinirail(Sarthe),  en  li'.)l.mort  h  Sain t-Symphorien,  près  Roanne,  le  '.i  janvier  1543. 
Nommé  vice-roi  du  Piémont  en  1537,  par  François  I",  il  y  déploya  jusqu'à  sa  mort 
les  plus  grands  talents  politiques  et  militaires. 

2.  Charles-Quint,  invité  par  Franc'ois  I"  à  traverser  la  France  en  se  rendant  dans 
les  Pays-Bas,  en  octoiire  1539.  avait  passé  la  Bidassoa  le  27  novembre,  avec  une 
suite  peu  nombreuse,  dans  laquelle  figuraient  le  duc  d'Albe  et  le  sieur  du  Peloux. 
11  fut  accueilli  vers  la  frontière  par  le  duc  d'Orléans,  le  dauphin  et  le  connétable 
de  Montmorency,  et  fit  son  entrée  à  Paris  le  1"  janvier  1540;  le  roi  et  toute  la  cour 
l'accompagnèrent  ensuite  jusqu'à  Saint-Quentin. 


16  AMBASSADE   DE  [jUII.I.ET    1  o40] 

escriples  à  monseigneur  l'arcevesque  de  Haguse,  ilz  esloyenl  à  Novo- 
bazar  le  ix"  Juing,  et  ne  peull  esire  que  bien  losl  ne  viennent  nou- 
velles de  leur  arrivée  audict  Conslantinople...  » 

Pellicier  termine  en  reproduisant  les  détails  donnés  dans  la  lettre 
au  roi  concernant  les  c(»rsaircs  barbaresques,  le  comte  de  la  Miran- 
dole,  la  mort  du  duc  de  Mantoue  et  les  ailaires  du  Saint-Siège. 

Vol.  2,  f»  y,  copie  du  .\vi«  siècle;  1  p.  1/t  in-f". 

PELLICIER   A  RINCON. 

7.  —  Venise,  12  juillet  Iô40.  —  «  Monsieur,  je  vous  ay  escript  par 
mes  dernières  lettres  du  u"  de  ce  moys  comme  avoys  receu  les  vostres 
despénultimc  de  may  et  ir  juing,  ensemble  ung  pacquet  pour  le  roy, 
lequel  luy  feis  tenyr  incontinent.  Et  depuys  en  ay  encores  receu 
aullres  de  vous  du  xvi"  du  passé,  ausquelles  ne  gisi  vous  faire  aultre 
response,  sinon  que  vous  diray  quant  ad  ce  que  m'escrlpvez  de  la 
fàclierye  et  passion  en  quoy  se  relrouvoyt  le  clarissime  ambassadeur 
Badoare,  pour  avoir  avancé  les  trente  mil  ducatz.  Il  a  escript  des  nou- 
velles à  cez  Seigneurs  qui  les  ont  mys  bien  davantaige  en  plus  grant 
combustion  et  peyne  qu'ilz  n'esloyent  de  cella.  C'est  que  les  bassaz  luy 
avoyent  dict  que  le  Grant  Seigneur  ne  vouUoyt  admettre  la  paix  avec- 
ques  eulx  s'ils  ne  se  faisoyent  amys  de  ses  amys  et  ennemys  de  ses 
ennemys,  chose  qu'ilz  treuvent  fort  estrange  et  de  dure  digestion;  car 
ce  faisant,  à  l'aventure  que  avecques  le  temps  se  pourroyent  faire 
ennemys  de  toute  la  chrestienté,  et  conséquemment  que  leurs  subgectz 
mesmes  leur  seroyent  contraires.  Dont  je  croys  que  à  grant  peyne 
accorderont  ilz  cest  article.  Bien  vouldroyent,  ainsi  que  j'ay  entendu 
d'aulcuns  deulx,  particuUiers  et  des  plus  grans,  estre  amys  du  roy  et 
ennemys  de  ses  ennemys,  non  point  que  cella  soyt  passé  par  conseil 
ne  aullrement;  mais  je  vous  ose  bien  assurer  qu'ilz  sont  à  présent  en 
meilleure  dévotion  vers  S.  M.  qu'ilz  ne  furent  de  long  temps.  Ils  atten- 
dent à  grant  désir  leur  ambassadeur  messire  Vincenzo  Grimani  venant 
de  vers  le  roy,  qui  sera  ici  dedans  troys  ou  quatre  jours,  pour  entendre 
mieulx  et  par  le  menu  les  particularités  de  sa  négociation,  et  après 
selon  son  rapport  eulxrésouldre  de  ce  qu'ilz  auront  à  faire... 

«  Monsieur,  je  receuz  hier  au  soir  ung  pacquet  du  roy  qui  m'escript 
vous  le  fere  tenyr  le  plus  seurement  et  en  la  meilleure  dilligence  qu'il 
me  sera  possible.  Ce  que  ay  faict  jusques  à  Raguse;  car  je  y  ai  envoyé 
expressément  ung  de  mes  gens,  craignant  quil  ne  fut  crocheté  ou 
esgaré.  Et  pour  ce  que  j'estime  que  par  icelluy  entendrez  toutes  nou- 
velles de  la  court,  ne  m'esteuderay  vous  en  dire  aulcunes...  ;  mais  pour 
passer  le  temps  je  vous  envoyé  lesvrays  originaulx  que  j'ay  receuz  de 
certaines  responces  faictes  par  les  protestans,  aultrement  luthériens,  à 


[juillet    la40]  GUILLAUME    PELLICIER  17 

l'empereur,  et  la  grâce  qu'il  a  faicte  aux  Gantoys ',  ensemble  quelques 
petites  nouvelles  venues  de  Rome...  » 

Pellicier  continue  en  donnant  à  Rincon  les  nouvelles  contenues  dans 
la  lettre  au  roi  du  10  juillet,  concernant  l'impression  produite  sur  l'em- 
pereur par  la  paix  des  Vénitiens  avec  le  sultan,  la  mort  du  duc  de 
Mantoue,  et  les  visées  du  pape  sur  Sinigaglia. 

«  Monsieur,  le  cappitaine  de  la  nave  *  de  monseigneur  le  duc  de 
Ferrare  ^  est  venu  vers  moy  pour  faire  ses  excuses  si  les  promesses 
par  ledict  seigneur  à  moy  faictes  avant  son  parlement  d'icy  pour  aller 
al  Vollo  '''  n'avoyent  esté  accomplyes,  se  complaignant  fort  du  seigneur 
Pierre  Pommart  •^  disant  que  jamais  ne  les  a  voUu  laisser  charger  que 
premièrement  ne  eussent  forny  l'argent  de  toute  la  traicte  des  vingt 
cinq  mil  sestiers  que  par  vostre  honnesteté  et  bonté  aviez  impétré 
pour  luy  et  pour  moy.  Et  ce  faisoyt-il  affin  de  satisfaire  au  payement 
qu'estoyt  tenu  faire  le  seigneur  Sommaia  ^  des  bledz  qu'il  avait  prins. 
Et  les  tint  là  quarante-cinq  jours  avant  que  le  laisser  charger,  de  sorte 
que  toutes  les  aultres  naves  qui  arrivèrent  là  depuys  celle  dudict  sei- 
gneur duc  furent  chargées  les  premières;  mais  je  pence  que  plus  tost 
faulte  soyt  venue  des  gens  dudict  seigneur  duc  que  aultrement.  Car 
par  là  encores  ne  se  peulvent  excuser  qu'ilz  ne  ayent  reffusé  tout 
oultre  de  fournyr  argent  et  naves  pour  tirer  ma  quotte  part  ainsi  que 
ledit  duc  me  avoyt  promys  et  asseuré.  El  me  desplaist  plus  du  dom- 
maige  ([ue  y  avez  eu,  pour  le  maulvais  ordre  desdictes  gens  dudict 
seigneur  duc,  et  que  vostre  bonne  voullenté  et  bien  faict  soyt  ainsi 
demeuré  inutil,  que  pour  la  perte  que  je  y  ai  eue,  qui  me  revient  d'ar- 

1.  C'est  pour  aller  réprimer  cette  révollc  des  Gantois  que  Charles-Quint  tUait 
passé  par  la  France.  La  sentence  qu'il  rendit  contre  eux,  le  30  avril  1340,  consistait 
en  amendes  honorables  el  profitables. confiscaLiion  de  biens  et  matériel  de  guerre,  etc. 
(V.  Papiers  de  Granvelle.  t.  11.  p.  573). 

2.  Le  mot  <•  nave  »,  de  i'ilalion  nave  et  du  latin  rMvis.  exprimait  généralement  au 
moyen  âge  l'idée  d'une  nef  importante,  d'un  navire  grand  et  fort,  le  terme  «  vais- 
seau "  désignant  tout  navire  inférieur  à  la  nave  (Y.  Jal,  Glossaire  nautique,  p.  104). 

3.  Ercole  II  d'Esté,  duc  de  Ferrare  et  de  Modéne,  fds  aine  d'Alfonso  I"  et  de 
Lucrezia  Borgia,  né  le  4  avril  loOS,  mort  le  3  octobre  1359.  11  avait  épousé  en  1328 
llenée  de  France,  fille  de  Louis  XII  et  belle-sœur  de  François  1",  et  succéda  à  son 
père  le  31  octobre  1334.  11  montra  le  plus  grand  dévouement  à  la  cause  de  Charles- 
Quint,  dont  la  prépondérance  était  absolue  dans  les  affaires  d'Italie,  tandis  qu'à 
Rome  son  frère,  le  cardinal  Hippolyte  le  jeune,  s'était  placé  ouvertement  sous  le 
protectorat  de  la  France. 

4.  Volo,  port  de  Thessalie. 

3.  Pietro  Pomaro,  gentilhomme  vénitien,  intendant  de  l'ambassade  française  à 
Constantinople.  Il  aurait  joué  un  certain  rôle  dans  les  négociations  du  traité  de  paix 
entre  Venise  et  la  Porte,  et  servi  de  médiateur  entre  l'ambassadeur  vénitien  Badoaro 
et  les  vizirs,  pour  la  cession  de  Napoli  de  Romanie  et  de  Malvoisie.  Le  4  décem- 
bre 1346,  le  Conseil  des  Dix  prescrivit  une  enquête  à  ce  sujet;  on  décida  de  faire 
comparaître  Pomaro.  et  au  cas  où  ses  explications  ne  sembleraient  pas  assez  r.etles, 
de  le  mettre  en  état  d'arrestation  et  de  faire  saisir  chez  lui  ses  papiers  {Calendar 
of  Hlale  pajun-s,  Venefian,  13:îl-13o4,  p.  179). 

6.  Les  Sommaja,  banquiers  llorentins  établis  à  Constantinople. 

Venise.  —  1540-1S42.  2 


jg  AMBASSADE   DE  'j^'^'^'^'    l»'*»- 

«enl  cli.lrihué  plus  de  cent  escuz.  Si  csl-ce  que  je  m'en  tiens  auUant 
u"l  ohliKé  i  vous  que  se  je  y  eusse  gaign.  dix  m.l  escu,.  ;  car  ,  ay  en 
e  aus  i  «>•'-  ap..rceu  voslre  honne  vouU.nlé  que  se  les  choses  eussent 
eu X  Or  Dieu  sovt  loué  du  tout,  lequel  je  supplye  vous  v.v.ex  en 
sanlltnn..  .1  longue  vye,  vous  pryanl  avoir  souvenance  du  sauf  con- 
rvUlont  vous  av  ^script  pour  messire  Francesco  CharU  -,  me  recom- 
Janl  tousiours  humblement  à  vostre  bonne  grâce. 


m  an 

,,  /),■   \ruizt'.  )' 


Vol.  2.  r-  10,  copie  du  XW"  siècle;  2  pp.  in-f'. 

PELLICIER   A  M.   DE   RAGUSE. 

ft   _    Venise     I  2  inUlei  1510.  -  «  lUuslrissimo  et  Reverendissimo 
Si.  .ior.  dopo  le'mie  ultime  scritle  à  Voslra  lllustrissima  Signona,  ho 
ri'epulo  k  vostre  del  primo  del  instante  per  Zannelto  Pomaro  -,  e 
insieme  un  plico  del  signor  Rincone.  Et  perche  non  ho  --  degna  d' 
la  corle  di  scrivervi,  vi  mando  certe  nuove  che  sonno  venute  d  Roma, 
et  oltra  di  quelle  daro  aviso  a  Y.  1.  S.  come  queste  di  passât,  d  S.gnor 
duca  di  Mantoa  è  decesso,  da  una  doglia  dt  corpo  et  r.tenuta  délia  sua 
urina  laquai  non  è  mai  slato  possible  fargli  rendere.  E    se  dice  haver 
lassato  la  sua  casa  mollo  ben  fornita  de  gli  miglion  mobi h  che  sianno, 
doîda  doi  o  tre  milioni  de  scudi,  come  alcuni  degni  d.    ede  voghono 
dir    Tamen  altri  dicono  dal  contrario.  Se  dice  in  questa  terra  che  Sua 
Sanlilà  era  risoluto  intendere  alla  récupération  de  Senega.a,  come  cosa 
pertinente  de  ogni  tempo  alli  generali  délia  Chiesia,  et  consequamen  e 
al  signor  Pietro  Alluysi  come  quello  che  al  présente  ne  ha  la  charga. 
Tamen  se  dice  che  il  duca  d'Urbino  non  è  per  quittarlo  cosi  facilmente 
ne  metlerla  in  cotai  disputacione  che  fece  Camerm. 

«  Monsignor  il  Conteslabile  me  hascritlo  come  Cramoel%  che  era  quasi 
governalor-  di  tutta  Vlngillerra,  è  estato  messo  in  prigion  m  la  Torre 
Kros.a  di  Londres,  et  gia  condannato  per  doi  sententie,  et  gh  suoi  bem 
confiscati,  et  gli  suoi  officii  distributi  ad  altri,  et  si  st.ma  che  presto 
sarà  juslicialo  per  gli  meriti  et  cativavita  sua.  Tamen  pur  che  succéda 

,  Franroi.  Charly,  o..  r.harli.M..  -lit  Labbé,  apparlenail  à  une  famille  de  népocianls 
norentTn"  aa  1  sh  Lvon  et  qui  .rati.iuaienl  avec  le  Levant,  pour  le  commerce  des 
IrrïèrLa T/Ze  Cordù^re  était  de  cette  famille  (V.  Invenl.  somm.  des  Arclnves  de 

'^r^nla  "uino'pi^i^a^'-lrHer  mentionné  déjà  sous  le  nom  de  Janezin,  dans  la 

''"'";?::;;':'1îm:^rt:n.  t'::::au  p^é.  créé  comte  .l-Essex  et  grand  cham- 
3.  riioma.  i-romNN.ii.  '"r'    '  r,,,  „p,.A,é  le  11  juin  à  Westminster,  enferme 

terre  de  /5.«  «  IÔ42,  publ.  par  J.  Kaulek.  Pans.  Alcan.  1885,  in-8  ). 


[juillet    lb40]  GUILLAUME    PELLICIER 

1  y 

un  altro  in  suo  luoco  meglior  francese  di  luy  '  non  sarà  gran  danno 
perche  era  dil  tutto  inimico  délia  nostra  parte,  et  questo  si  è  il  tulto 
vi  posso  dire  peradesso  di  nuovo. 

«  11  portador  di  questa  è  homo  mio  il  quale  io  niando  a  posta  per 
port.irvi  questo  plico  clie  va  al  signor  Riucone.  V.  S'^  R'°»  si  de-narà 
mandarlo,  secondo  il  suo  solito,  con  ogni  diljigentia  et  prestessa.  Per 
il  medesimo  vi  mando  un  piciol  présente  anzi  un  segno  daniore- 
V.  S'=  R"^  degnarà  goderlo,  havendo  la  mente  più  alla  grandessa  de 
l'animo  mio  che  alla  piciolessa  del  dono,  al  quale  un  altra  voila  riffarô 
con  dono  di  V.  R'""  S'»  piû  degno.  » 

A'ol.  2,  f"  II,  copie  du  XVF  siècle;  3/4  p.  in-^. 

PELLICIER  A   PÉTRÉI0  2. 

9.  -  [Venise],  1 3  juillet  1540.  -  Pellicier profite  de  l'occasion  d'un 
courrier  qu'il  envoie  à  l'archevêque  de  Raguse  pour  lui  renouveler  ses 
témoignages  de  vive  amitié. 

Vol.  2,  P  II,  copie  du  xvi'-  siècle;  1/4  p.  in  f\ 

PELLICIER   A  LA    nUCIIESSE   DE    FERRARE  ^ 

10.  —  [Venisel  14  juillet  1540.  —  «  Madame,  j'ay  receu  depuys 
deux  ou  troys  jours  en  çà  lettres  de  la  court  du  xxiiii''  du  passé;  mais 
les  meilleures  nouvelles  que  vous  en  puysse  dire,  c'est  la  bonne  santé 
du  roy,  et  que  de  bryef  debvoyt  partyr  de  Fontainebleau  pour  aller  à 
Pans  et  veoir  le  Landyt;  et  de  là  faire  ung- voyage  en  Normandye  et 
comme  m'escript  M.  de  Villandry  *,  S.  M.  pourra  puys  aprez  aller  à 
Bloys,  à  Amboyse  et  en  Touraine,  suyvant  cette  rivière  deLoyre.  Mon- 
seigneur le  connestable  m'escript  aussi  avoir  eu  nouvelles  d'Angleterre, 
comme  Cramoel,  qui  tenoyt  le  seel  secret  et  qui  avoyt  le  gouvernement 

n-^-^rT-nr  Fitz-WiUiam,  duc  de  Soutliamplon  (1.537),  ?rand  amiral  d'AngloLcrre 
(!oob-lo40),  succéda  a  Cromwell  comme  lord  du  sceau  privé 

2    En  italien.  -  Nicolas  Pétros  ou  Pélréio,  savant  humaniste  grec,  originaire  de 
Cor.ou   e  al.h  a  Raguse,  avec  lequel  Pellicier  s'était  lié  pendant  son  Séjour  'non  e 

':!oi::T:i:aS^''''  '  ''-''^^  '^  ^"^'^^-  ^^^-^  -^  l'auteur-\run  grand 

3.  Renée  de  France,  seconde  fille  de  Louis  XII  et  d'Anne  de  Bretagne,  née  à  Rloi. 

isst  dil^^r-  ,  '  r'J  ^  '^^«"^^T^^i^  '«  '-^  .)"i"  1"6.  On  sait  que;  physiquement 
assez  disgiaciee  de  la  nature,  au  dire  des  contem,.orains,  elle  possé.laiten  revanche 
une  vive  intelligence,  un  cœur  généreux,  une  érudilion  profonde.  Peu  de  princesses 
pa>.erent  par  autant  de  vaines  fiançailles.  Orpheline  à  cinq  ans,  et  successivement 
e.tinee  en  ma  nage  a  Gaston  de  Foix,  à  Charles-Quint,  à  son  frère  Ferdinan.l,  au 
lue  Lharles  III  de  Savoie,  au  margrave  Joachim  de  Brandebourg,  au  roi  d.'  Por- 
tugal Jean  III,  au  connétable  de  Bourbon,  à  Henri  VIII  d'Angleterre,  Renée  finit  par 
epouse^r,  le  28  juin  1,528,  Ercole  II  .ri-ste,  devenu  duc  de  Ferrare  en  1534.  Clément 
Marot  lui  a  consacré  un  ardent  épithalame.  L'accueil  que  Renée  donna  à  Ferrare  aux 
réfugies  français,  notamment  à  Marot  et  à  Calvin,  et  surtout  le  prosélvtisme  reli- 
gieux que  ce  dernier  se  mit  à  faire,  déterminèrent  le  duc.  en  1536,  à  les  expulser 
(V    Uodocana.hi.  Renée  de  France,  duchesse  de  Ferrare,  Paris,  Ollendorf,  1895,  in-8°) 

4.  Clau.ie  Le  Breton,  seigneur  de  Villandrv,  secrétaire  des  finances. 


20  AMBASSADE    DE  [JUILLET    lotO] 

quasi  de  loulo  l'Angleterre,  avoyl  esté  condenné  par  deux  sentences, 
ses  biens  confisqués  et  pslal/.  déparlys;  et  estimoyt  l'on  (lUC  jà  estoyt 
exécuté,  chose  que  depuys  a  esté  confirmée  par  lettres  de  Flandres, 
ayant  eu  la  teste  tranchée  ';  mais  que  en  sa  i.lace  succède  ung  meilleur 
françoys  que  luy,  ce  n'est  pas  grant  dommaige.  M.  de  Langé  m'escript 
avoir  heu  nouvelles  d'Allemaigne,  comme  ladyeltedeHagucnaou- s'en 
va  résoulue  en  fumée  et  en  grande  confusion.  11  ne  s'y  est  trouvé  aul- 
cuns  des  princes  protestans,  aultrement  luthériens,  et  bien  peu  des 
auUres.  Le  roy  des  Romains  ^  est  aprez  pour  en  faire  assembler  une 
aultre,  à  laquelle  scdoibt  trouver  l'empereur;  mais  l'on  dict  qu'il  n'y 
fairapas  le  tiers  de  ce  qu'il  pence,  si  les  seigneurs  du  pays  ne  voyent 
qu'il  ayl  aultre  intelligence  qu'il  n'a  pour  le  présent  avccques  le  roy. 
Qui  esl  tout  ce  que  vous  puys  dire  pour  ceste  heure,  sinon  que  j'ay 
receu  vo7.  lettres  en  recommandation  du  Pyémontoys  présent  porteur 
auquel,  pour  l'honneur  que  je  doibtz  à  Votre  Excellence,  ay  faict  tout 
le  plaisyr  qu'il  m'a  esté  possible,  luy  ayant  faict  retirer  son  jacque  de 
maille  par  ung  mien  amy  et  voslre  serviteur  que  bien  congnoissez  *  : 
c'est  messire  Francesco  Beltrame,  pour  aultant  que  telz  affaires  ne  sont 
de  ma  profession  et  qu'il  ne  m'estoyt  trop  licyte  ne  honneste  m'en 
empescher.  Mais  tant  y  a  qu'il  est  aussi  seurement  que  entre  mes 
mains.  El  m'a  promys  ledict  Beltrame  que  loulesfoys  et  quantes  que 
l'aultre  vouldra,  il  faira  porter  ledict  Jacques  de  maille  à  Ferrare  ou 
aultre  part  où  il  vouldra.  » 
Vol.  2.  ï"  11  v°,  copie  du  xvi^°  siècle;  l  p.  in-f'^. 

PELLICIER  AL'  1^)1. 

11.  __  \Vemse\  32  juillci  1540.—  <-  Sire,  depuys  les  dernières 
lettres,  que  ay  escriptes  à  V.  M.  du  x<=  de  ce  moys,  ay  receu  les  siennes 

1.  11  semble  que  celte  nouvelle  fût  prématurée,  car  la  correspondance  de  Marillac 
dit  posilivcment  (lue  rexéculion  n'eut  lieu  que  le  29  juillet. 

•)  la  dicte,  qui  avait  dû  daliord  se  tenir  à  Worms.  s'était  ouverte  a  Spire  le 
6  iuîn  1340;  eile  avait  été  ensuite  ajournée  à  llaguenau,  où  elle  continua  de  se  tenir 
jusqu'au  28  juillet.  Kilc  fut  alors  ajournée  à  Worms.  pour  le  28  octobre  (Slate  papers, 

^'3  Ferdinanil.  ^-eond  lils  de  l'hilii.pe  le  Beau  et  de  Jeanne  la  Folle,  archiduc 
d'Vutriche  frère  puîné  de  Gliarles-Quinl,  né  le  10  mars  Vm  à  .Mcala  de  llenares. 
mort  à  Vienne  le  2.".  juillet  156i.  11  avait  hérité,  à  la  mort  de  Maximihen  1",  son 
crand-père  des  provinces  autrichiennes  (1519),  devint  roi  de  Boliême  et  de  Hongrie 
vn    i:'.26,  à'  la  mort    de  Louis   11  dont  ii  avait  épousé  la  sœur,  et  fut  élu  roi  des 

Boinains  en  1531.  .,      ,      ,^   •    ,  -     r  ua- 

11  succéda  plus  fard  (oinnu-  cuip.'r.-ur  d-AUemairn.-  a  (  .liarles-Quint,  après  labrii- 

cilion  de  celui-ci  en  1.J5C.  .       ,,,11:., 

i  Francesco-Beltramo  Secchia  ou  Sachia,  issu  d  une  tauulle  bourgeoise  d  Udine 
oui  s'enrichit  dans  le  commerce  et  conlracUa  des  alliances  avec  la  noblesse  du 
l'avs"  était  entré  déjà  dans  la  clientèle  de  la  France,  du  temps  des  évêques  de 
la'va'ur  et  de  Rodez.ll  semble  avoir  redoublé  .l'anleur  et  d'activité  pendant  l'am- 
liassade  de  l'ellicier.  Kn  récompense  de  ses  services,  Sachia  fut  anobli  par  lettres 
.lonnées  à  Villeneuve-le-Comte,  le  15  mars  1542  {Cat.  des  actes  de  François  l".  t.  IV, 
p.  299,  n»  i2  394). 


[juillet    1o40]  GUILLAUME    PELLICIER  21 

(lu  xxiiiF  do  juing  le  xi«  du  présent,  ensemble  ung  pacquet  pour  le 
seigneur  Rincon,  auquel,  suyvant  vostre  commandement,  ay  donné  la 
plus  seure  adresse  et  en  la  meilleure  dilligence  qu'il  m'a  esté  possible. 
Car,  le  jour  mesmes,  par  briganlin  '  exprez,  dépesché  ung  de  mes 
gens  pour  le  porter  jusques  à  Raguse  où  le  patron  dudit  brigantin  m'a 
promis  arriver  au  plus  tard  dedans  cinq  jours,  si  fortune  ne  luy  sur- 
venoyt  et  vent  contraire.  Et  l'ordinaire  est  de  aller  depuys  Raguse  jus- 
ques à  Conslantinople  en  xvi  ou  xvii  jours,  de  sorte  que  ledict  sei- 
gneur Rincon  le  pourra  recepvoir  en  vingt-deux  ou  vingl-troys  jours. 
Duquel  ay  pareillement  receu  lettres  du  xvi°  juing,  me  donnant  adviz 
seulement  comme,  Dieu  mercy,  les  affaires  de  V.  M.  se  retrouvoyent 
en  très  bons  termes  là  où  il  est,  et  mettoyt  peyne  les  maintenyr  tous- 
jours  de  bien  en   myeulx,  attendant   la  venue  de  messire  Yincenzo 
Mazio,  l'arrivée  duquel  commençoyt  jà  fort  à  ennuyer  tant  audict  sei- 
gneur  Rincon    que   aux   baschaz.   Toutesfoys  j'estime   bien  que  peu 
aprez  sesdictes  lettres  du  xvi  juing  icelluy  messire   Yincenzo  sera 
arrivé  là,  veu  que,  comme  ay  escript  à  V.  M.,  le  viii  dudict  moys 
estoyt  à   Novobazar,    et   partoyt   ledict  jour   pour  continuer   sondict 
voyage;   et  pence  que  par  la  première  dépesché  qui  viendra  dudict 
seigneur  Rincon,  l'on  pourra  estre  adverty  de  la  venue  dudict  messire 
Yincenzo.  Et  par  lesdictes  dernières  lettres   m'escript   aussi   comme 
l'ambassadeur  de  cez  Seigneurs  estoyt  en  très  grant  fâcherie  et  passion 
pour  avoir  avancé  trente  mil  ducatz,  lesquelz  il  a  prins  à  très  gros 
intérestz,  cuydant  par  ce  moyen  deslivrer  leurs  gentilshommes  pri- 
sonniers qui  se  treuvent  encores  en  la  tour  de  mer  Maieur-,  et  recou- 
vrer toutes  les  marchandises  retenues.  Mais  les  baschatz  le  meynent  à 
la  longue,  luy  remettant  telle  résolution  de  jour  en  jour,  se  rendant 
fort  durs  à  consentyr  la  restitution  desdictes  marchandises.  Mais,  sellon 
mon  petit  jugement,  je  pence  plus  tost  que  ledict  ambassadeur  se 
treuve  trop  plus  fâché  et  estonné  de  ce  que  Janus  Bey  luy  a  dict  de  par 
le  Grant  Seigneur  qu'il  ne  vouUoyt  consentyr  l'accord  de  ladicte  paix 
que  préalablement  cez  Seigneurs  ne  se  déclairassent  amys  de  ses  amys 
et  ennemys  de  ses  ennemys,  et  nommément  de  Y.  M.,  ainsi  que  leur  a 
escript  leurdict  ambassadeur,   que   pour  aultre  chose.  Je  suys  bien 
esmerveillé  que  ledict  seigneur  Rincon  n'en  touche  aulcune  chose  par 
ses  lettres,  qui  est  grant  argument,  ou  qu'il  n'en  a  rien  sceu,  ou  bien 

1.  Briganlin,  petit  navire  de  la  famille  des  galères,  à  une  voile,  ayant  de  huit  à 
seize  bancs  à  un  seul  rameur.  Très  rapides  et  commodes  en  ce  qu'ils  occupaient  peu 
de  place,  ces  navires  servaient  surtout-fiour  la  course.  On  ne  rencontre  pas  ce  nom 
avant  le  xiv"  siècle  (Jal,  Glossaire  naulique,  p.  342). 

2.  La  mer  Noire,  appelée  par  les  Italiens  mare  Maf/giore.  —  La  Tour  noire  du  fort 
d'Anatolie,  sur  les  rives  de  la  mer  Noire,  dont  la  destination  était  semblable  à  celle 
du  Château  de  l'oubli  des  anciens  rois  de  Perse  et  à  celle  du  Puits  du  sang  du  Châ- 
teau des  Sept  tours,  sur  le  même  Bosphore,  fut  longtemps  la  terreur  des  Hongrois 
et  des  Allemands  (J.  de  llammer,  Histoire  de  Vempire  ottoman,  trad.  fr.  de  Hellert; 
Paris,  1835-18i:î,  18  vol.  in-8''). 


22  AMItASSADE    DE  [jUII.LET    1340] 

qu'il  en  oust  jà  escripl  par  ses  drpesches  perdues  des  \  et  xv  uiay, 
sçaichanl  par  aventure  pluslosl  le  vouUoir  el  deslihéralions  du  Grant 
Seigneur  el  des  baschalx  qu'il  n'a  esté  signilIiL'  audid  ambassadeur  de 
cez  Seigneurs.  Lesquol/.  treuvenl  cesl  arlicle  l'orl  grief  el  de  dure  diges- 
tion; car,  coMinic  ils  disent,  s'il/,  venoyenl  à  consenlyr  ce  puincl,  à 
l'aventure  seroyenl  contraiuct/  quelque  jour  se  porter  enncniys  de 
toute  la  chrestienlé.  Mais,  ainsi  que  j'ay  entendu  par  des  plus  grans 
d'entre  eulx,  non  point  que  cella  soyt  encore  passé,  par  conseil  ne 
aultreinent  vouldroyent  très  bien  estre  recherchez  et  comme  contrainctz 
du  Grant  Seigneur  d'entrer  en  ligue  avecques  V.  M.,  délaissant  toutes 
aultres  avecques  quelzconques  personnes  de  la  chrestienlé,  et  d'avan- 
laige  se  faire  amys  de  voz  amys  el  ennemys  de  voz  ennemys.  Ce  (jue 
tous  ceulx  tenant  vostrc  parly  désireroyent  d'un  commun  accord  sin- 
gullièrcment  eslre  faicl.  Mais,  comme  les  aulcuns  m'ont  faict  dire  et 
remonstrer,  estant  leur  république  encores  tant  pertroublée  et  fâchée 
de  ceste  nouvelle  paix  à  eulx  si  griefve,  —  laquelle,  s'il  eusl  esté  po.s- 
sible,  ne  eussent  accordée  pour  n'avoir  leur  ambassadeur  Badouare  eu 
puyssance  de  bailler  et  rendre  les  deux  places  par  eulx  accordées  que  par 
le  conseil  de  Diexe  ',  sans  de  ce  avoir  riens  esté  rapporté  à  louv  pregai/  - 
ou  conseil  général,  —  y  auroyt  danger  que  —  à  cause  de  ceste  playe 
qui  est  encores  toute  fresche,  el  aussi  qu'ilz  sont  encores  en  leur 
entier  pour  n'avoir  rien  délivré  que  trente  mil  escuz,  de  quoi  ne  font 
pas  grant  cas,  que  la  pluspart  d'entre  eulx  et  de  ceulx  mesmes  qui 
feurent  cause  de  leur  fere  rompre  contre  le  Turcq,  qui  ayment  trop 
mieulx  leur  profficl  particulier  que  de  leur  républicque,  pour  eslre 
pauvres  et  souflreleulx,  —  Icsquelz  ilz  appellent  sgwjsnry^  qui  ne  de- 
mandent aullre  chose  que  guerre,  espérant  avoir  quelques  charges, 
tant  par  mer  que  par  terre,  —  ayant  ceste  occasion,  ne  voulsissent 
rompre  et  annuller  tout  ce  que  a  esté  lyssu  et  faict  en  ladicle  paix,  et 

1.  La  niapislraliire  des  Dix.  mentionnée  dès  le  xni*  siècle  parmi  les  institutions 
politiques  de  la  réiiuliliquc  de  Venise,  re«,'ut,  à  la  suite  des  afiilations  intestines  qui 
marquèrent  la  preniière  moitié  du  xiv"  siècle,  une  consécration  définitive,  et  prit  ce 
caractère  de  tribunal  d'exception  à  la  discrétion  absolue  duquel  était  confié  le  salut 
pour  ainsi  dire  matériel  de  l'État. 

Ce  conseil,  composé  de  dix  patriciens  élus  dans  le  Grand  Conseil,  dont  un  seul 
d'une  même  famille,  était  investi  d'un  pouvoir  permanent  et  illimité;  le  doge  et  ses 
six  conseillers  prenaient  part  délibérative  aux  séances  (A.  Baschet,  Archives  de 
Venise,  p,  51.'?). 

2.  Le  ï^énat  de  Venise,  appelé  Conseil  des  Pregadi,  c'est-à-dire  des  citoyens  priés 
de  prêter  leur  assistance  au  doge  ou  chef  de  l'État  (doxe,  du  latin  dux,  conducteur), 
exer(;ait  véritablement  la  haute  direction  politif|ue.  Institué  sous  le  gouvernement 
de  Domenico  Flabanico,  en  1032.  il  compta  d'abord  quarante,  puis  soixante  mem- 
bres, auxquels  se  joignaient  bon  nombre  de  dignitaires  et  de  fonctionnaires  (|ui  y 
avaient  légitimement  accès.  Chaque  sénateur  n'était  élu  que  pour  un  an,  mais  était 
toujours  rééligible;  les  fonctions  étaient  purement  honorifiques;  une  même  famille 
ne  pouvait  compter  dans  le  Sénat  plus  de  trois  membres.  Toutes  les  grandes  déci- 
sions de  l'État  étaient  prises  dans  cette  assemblée  :  résolutions  de  paix  ou  de  guerre, 
élections  des  capitaines  généraux,  provédileurs  des  armées,  nominations  des  ambas- 
sadeurs, etc.  (A.  Baschet,  loc.  cit..  p.  228). 


[juillet    IbiO]  GUILLAUME    PELLICIER  23 

renforcer  plus  que  jamais  leur  ligue  contre  ledict  Grant  Seigneur.  Car 
la  ballotte  '  d'un  chascun  d'eulx  vault  aultant  que  du  plus  grant  et 
saige,  et  soyt-il  le  duc  -  ;  et  si  sont  en  bien  plus  grand  nombre  de  ceste 
part  là  que  d'aultre,  dont  seroyent  grandement  d'adviz  que  Ton  deust 
tascher  faire  supercedderà  telle  demande,  jusques  à  quelque  temps  que 
le  Grant  Seigneur  fust  en  possession  desdictes  places,  et  qu'ils  eussent 
fourny  les  trois  cens  mil  escuz,  et  aussi  que  tous  eussent  commencé  à 
gouster  et  sentyr  à  bon  essient  le  fruict  de  ladicte  paix  et  receu  l'util- 
lité  tant  de  trallicque,  de  provisions,  de  vivres  que  de  aultres  commo- 
ditez  qu'ilz  soulloyent  avoyr  du  Levant,  et  lors,  que  sans  aulcune  con- 
tradition  l'on  pourroyt  facillement  faire;  ce  que  à  grant  peyne  à 
présent  peulvent  sentyr  parler.  Mais  au  contraire  plusieurs  aultres  de 
plus  grant  réputation  qui  soyent  entre  tous  m'ont  faict  dire  par  termes 
généraulx  que  la  voye  et  conduicte  que  l'on  tient  à  présent  est  la 
meilleure  que  il  eust  esté  possible,  sçavoir  adviser  s'en  congratuUer 
avecques  moy,  et  me  pryant  le  vous  voulloir  faire  faire  entendre,  et 
supplyer  qu'il  vous  plaise  voulloir  continuer  ceste  entreprise  jusques 
au  bout;  car  la  fin  n'en  peult  estre  que  à  l'honneur  et  gloire  de  V.  M., 
et  à  eulx  advanlaige  et  proffict.  De  quoy.  Sire,  vous  ay  bien  vouUu 
faire  cez  longs  discours  comme  chose  de  aussi  grand  importance  à 
mon  adviz  que  nulle  aultre  qui  me  soyt  advenue  depuys  que  suys  icy, 
affin  que  par  le  meilleur  jugement  de  V.  M.  soyt  advisé  ce  que  sur  ce 
vous  plaira  estre  faict. 

«  Sire,  M.  l'ambassadeur  du  feu  duc  de  Mantoue  est  venu  vers  moy 
qui  m'a  apporté  lettres  de  créance  de  M.  le  Révérendissime  cardinal  de 
Mantoue  et  de  madame  la  duchesse;  lequel,  aprez  m'avoir  faict 
entendre  le  cas  du  décedz  dudict  feu  seigneur  duc  et  le  bon  ordre  qu'il 
a  laissé  à  sa  maison,  m'a  pryé  vous  voulloir  escripre  estre  votre  bon 
plaisyr  avoir  ladicte  maison  et  le  nouveau  duc  en  vostre  bonne  protec- 
tion, ainsi  que  tousjours  icelluy  feu  seigneur  duc  a  eu  grant  dévotion 
que  luy  et  sa  postérité  fussent  en  icelle  maintenuz.  De  quoy  m'a  dict 
vous  debvoir  envoyer  de  bryef  ung  de  ses  gentilzhommes  pour  vous 
faire  entendre  amplement  le  tout.  Pareillement  j'ay  veu  quelques 
lettres  escriptes  à  Millau  le  xii<=  jour  de  ce  moys,  par  lesquelles  l'on 

1.  Ribier,  corrigé  par  Charrière,  d'après  notre  manuscrit,  avait  lu  naïvement 
■<  calotte  ».  Ballotte  est  ici  synonyme  de  vole.  On  désignait  sous  ce  nom  les  petites 
boules  de  laine  qui  servaient  au  scrutin  dans  les  assemblées  du  Sénat  de  Venise; 
elles  étaient  de  couleur  blanche,  verte  ou  rouge,  selon  qu'elles  désignaient  l'adhé- 
sion, le  refus  ou  le  doute.  —  Joachim  du  Bellay,  dans  une  pièce  satirique  sur  Venise, 
adressée  à  Olivier  de  Magny  {Regrets,  sonnet  lxxi),  raille  cette  coutume  des  Véni- 
tiens : 

11  fait  bon  voir  de  tout  leur  sénat  balloter. 

2.  Le  duc  ou  doge  était  alors  Pielro  Lando,  élu  le  20  janvier  1339,  à  l'âge  de 
soixante-dix-huit  ans.  11  mourut  le  8  novembre  1545,  dans  sa  quatre-vingt-quatrième 
année. 


24  AMBASSADE    DE  [jUIl.LKT    lb40 

estoyl  adverly  que  Jt'lian-Loys,  M.  de  Salluces  ',  avoyl  esté  tué  en  sa 
maison  à  Millau;  mais  l'on  ne  avoyl  cncorcs  en  ce  temps  làsceu  sçavoir 
qui  avoyl  ce  laicl. 

«  Sire,  combien  que  le  seigneur  Cézar  Frégose  *  h  mon  adviz  vous 
ayl  faicl  sçavoir  le  congé  que  le  seigneur  Aloysy  de  (ionzagues,  son 
beau-lrère  ',  a  prins  de  l'empereur,  ce  néanlmoins  m'ayanl  escripl  et 
pryé  en  voulloir  aussi  adverlyr  V.  M.,  m'a  semblé  ne  luy  debvoir 
desnyer  vous  en  dire  ce  mol,  et  vous  faire  entendre  ([ue  de  long  temps 
il  a  dévotion  à  vous  faire  service.  Ce  qu'il  eust  démonslré  par  effect 
longtemps  a,  si  avectiues  son  honneur  il  l'oust  peu  faire;  mais  que  à 
présent  et  à  l'advenyr  qu'il  est  quitte  de  tout  aultre  service,  il  est  bien 
deslibéré  d'en  faire  apparoir  à  bon  essient,  vous  supplyant  le  tenyr  au 
nombre  de  voz  très  affectionnez  serviteurs.  » 

Vol  :l,  f'  l'J,  copie  du  xvi"  siècle;  3  pp.  in-f'. 

l'ELLICIEK   AU   CONNETABLE. 

12.  —  [  Venise],  3.2  juillet  1 540.  —  «  Monseigneur,  depuys  les  der- 
nières lettres  que  vous  ay  escriptes  du  x*^  de  ce  moys,  ay  receu  les 
voslres  du  xxiii"  du  passé,  ensemble  ung  pacquet  adressant  au  sei- 
gneur Rincon  que  luy  ay  mandé  en  telle  dilligence  et  seureté  que 
verrez  par  celles  que  j'escriplz  présentement  à  S.  M.;  par  lesquelles 
cognoislrez  aussi  en  quels  termes  sont  cez  Seigneurs  sur  ce  que  leur 
ambassadeur  près  du  Grant  Seigneur  leur  a  escript  touchant  le  propos 
que  luy  a  esté  tenu  d'estre  amy  de  l'amy  et  ennemy  de  Tennemy. 
Dont  ne  vous  feray  aulcune  répéticion  ;  seullement  vous  diray  que, 
combien  que  ceulx  d'entre  cez  Seigneurs  qui  désirent  le  bien  et  con- 
servacion  de  ceste  républicque  soyent  tous  merveilleusement  affec- 
tionez  à  S.  M.  et  voulsissent  par  quelque  bon  moyen  venyr  à  accord 
et  ligues  avecques  icelle,  ce  néantmoins  vous  entendrez  trop  mieulx 
comment  en  une  républicque  faicte  de  tant  de  pièces  comme  ceste-cy, 

1.  Gian-Lodovico  de  Saluées,  abbé  de  SlafTarda. 

i.  Cesaro  Freposo,  fils  aine  de  Jamis  II  Fregoso,  doge  de  Gênes,  exilé  avec  sa  famille 
en  1513,  et  étal)!!  depuis  lors  sur  le  territoire  de  Venise.  Après  avoir  servi,  comme 
ses  frères  Alessandro  et  Ercole  Fregoso,  dans  les  troupes  de  la  llépublique,  il  était 
passé,  vers  1528,  au  service  du  roi  de  France,  s'engageant  à  lui  remettre  Gênes  par 
un  habile  couj)  de  main,  en  échange  du  poste  de  gouverneur  de  la  fiiace.  et  d'une 
l»ensiondeO.COOécuspourluict  les  siens, avce  unegarnison  de  60  lances.  La  i>aix conclue 
avec  Charles-Quint,  le  5  août  1529,  à  Cambrai,  vint  anéantir  ce  contrat.  En  1536,  il 
encourul  la  peine  de  bannissement  jiour  s'être  porté  au  secours  de  François  I"^  contre 
l'empereur,  sans  l'aveu  de  la  Seigneurie;  cette  interdiction  l'ut  d'ailleurs  prompte- 
ment  levée,  gràceà  l'intervention  de  l'évêque  <lc  Rodez,  alors  ambassadeur  de  France. 

Par  la  suite,  le  roi  eut  encore  recours  aux  services  de  Fregoso,  et  le  chargea  de 
négocier  avec  Ilincon  une  alliance  oITensive  et  défensive  entre  la  France,  Venise  et 
la  Porte.  On  verra  jilus  loin  comment  les  deux  pléni[iotenliaires  périrent  ensemble 
dans  le  guet-apens  tendu  par  les  Impériaux  le  2  juillet  loil. 

3.  Aloysio  di  Gonzaga,  beau-frère  de  Cesare  Fregoso,  résidait  à  Castel-Goffredo, 
place  forte  et  seigneurie  située  à  28  kilomètres  de  Manloue. 


[juillet    1o40j  GUILLAUME    PELLICIER  2o 

les  vouUoirs  sont  si  divers  et  variables,  que  la  meilleure  et  la  plus 
saine  partye  ne  l'emporte  pas  le  plus  souvent;  mesmement  là  où  les 
passionnez  ont  quelque  souftîsante  coulleur  pour  contraster,  comme 
voyrement  ils  ont  tousjours  eu  ce  poinct  icy  les  constraindre  estre 
amy  et  ennemy  de  Tennemy  du  Grant  Seigneur,  pour  les  raisons  que 
mieulx  sçavez,   qui  sont  à  eulx  si  très   péremptoires,  qui  seroyent 
plus  tost  pour  les  faire  despérer  et  se  habandonner  à  quelque  plus 
grand  mesclief  qu'ils  ayent  jamais  esté  que  par  ce  moyen  estre  con- 
duictz  à  quelque  bonne   entreprinse.  A  ceste  cause,   Monseigneur,  il 
vous  plaira  par  vostre  bon  sens  et  prudence  adviser,  sellon  ce  que  vous 
apperra  l'aftaire  pouvoir  estre  d'importance  à  S.  M.,  ce  que  l'on  aura 
affaire  là  dessus;  et  s'il  y  aura  lieu,  vostre  bon  plaisir  sera  m'en  advertyr. 
«  Monseigneur,  cez  Seigneurs  ont  eu  lettres  de  leur  secrétaire  Fidel 
qui  est  près  M.  le  marquiz  du  Guast,  par  lesquelles  ont  entendu  que 
icelluy   marquiz,  estant  à  Côme,  a   eu  lettres   du  Conseil  de  Millau, 
pour  ce   qu'il   y  avoyt   besoin  de  trouver  argent,  estoyt  retourné  à 
Millan;  mais  n'a  esté   possible  en  pouvoir  jamais  tirer  un   denier. 
Quoy  voyant,  après  avoir  le  tout  faict  entendre  à  l'empereur,  avoyt 
déterminé  s'en  aller  à  Ast  ',  et  laisser  la  charge  de  trouver  ledict  argent 
au  seigneur  domp  Lopes^  Et  que,  par  lettres  de  Gand  du  xxviii"  du 
passé,  l'on  entendoyt  comme  l'empereur  estoyt  totallement  résolu  et 
avoyt  fiché  le  cloud  de  jamais  en  effect  ne  voulloir  rendre  la  duché  de 
Millan  au  roy  ;  et  qu'il  espéroyt  de  obtenyr  la  trefve  avecques  le  Turcq, 
et  que,  ce  pendant  qu'elle  viendroyt,  il  nousdonnoyt  tousjours  bonnes 
parolles  sans  riens  descouvrir.  Et  monstrant  ledict  Fidel  d'entendre  ce 
que  on  faict  au  conseil  du  roy,  a  escript  que  Vostre  Excellence  estoyt 
d'oppinion  avecques  une  partye  du  conseil  que  le  roy  et  monseigneur 
d'Orléans'  vinssent  en  Italye;  mais  que  une  aullre  partye  n'estoyt  de 
cest  aviz,  disans   n'estre   encores  temps,  et  que  il   falloyt  attendre 
quelque  temps.  Et  ce  pendant  estoyt  besoing  mander  gens  de  guerre 
devant  en  ceste  Itallie,  et  d'aultre  cousté  faire  que  les  gallères  *  tur- 
quesques  vinssent  à  la  volte^  de  Naple,  Gennes,  et  aullres  lieux;  et  que 

1.  Asli,  ville  et  duché  de  Piémont,  donnés  à  Yalentine  Visconli  lors  de  son 
mariage  avec  Louis,  duc  d'Orléans,  et  cédés  en  lo2'J  à  l'Empereur,  qui  en  fit  don  en 
1531  à  son  beau-frère,  le  duc  Charles  III  de  Savoie. 

2.  Don  Diego  Lopez  de  Zuniga,  trésorier  impérial  au  duché  de  Milan,  résidait  sou- 
vent à  Venise,  et  secondait  dans  ses  négociations  l'ambassadeur  ordinaire  de  l'empe- 
reur, don  Diego  Hurtado  de  Mendoza. 

3.  Charles,  due  d'Orléans,  second  fils  de  Fran(;ois  V  et  de  Claude  de  France,  né  à 
Saint-Germain-en-Laye  le  22  janvier  1522,  mort  à  l'abbaye  de  Forest-Munlier,  près 
d'Abbeville,  le  8  septembre  1545. 

4.  Galères,  longs  vaisseaux  munis,  au  xvi"  siècle,  de  vingt  à  trente  et  quarante 
bancs  de  rameurs,  généralement  secondés  par  des  voiles  triangulaires,  dites 
latines.  Armés  pour  la  guerre,  ces  navires  étaient  également  propres  au  transport 
des  marchandises  (Jal,  loc.  cit.,  p.  752). 

5.  Volte,  vieux  mot  français  (dérivé  de  l'italien  volta,  tour,  changement  de  direc- 
tion, virement  de  bord),  employé  comme  synonyme  de  route. 


26  AMUASSADE   DE  [jL'II.LET   la40J 

quant  S.  M.  viendroyl  en  Itallye,  fauldroyt  qu'il  feisl  le  chemin  de  la 
Tuscane  ',  Pise,  Florence  et  ses  aulires  terres.  Lesquelles  choses  ayans 
entendues,  cex  Seigneurs  ont  levé  l'oreille  plus  (jue  jamais,  prenans 
bonne  augure  encores  de  ce  qu'il  leur  escripl  louchant  lallaire  du 
chastellain  de  Carail -,  pour  avoir  esté  prins  comme  mieulx  sravez; 
disans  (jue  par  telles  petites  menées  se  pourroyt  dresser  ([ueUjue 
guerre  entre  Leurs  Majesté/.,  laquelle  ils  aymeroyent  trop  mieulx  que 
eslre  tousjours  ainsi  en  suspens  souhz  umbre  d'une  paix  fourrée  de  la 
part  de  l'empereur.  Et  escript  pareillement  icelluy  Fidel  que  ledict 
marqui/.  disoyt  que  si  l'empereur  ne  mandoyl  bientost  argent,  qu'il 
n'y  auroyt  ordre  de  tenyr,  non  seullement  Millau,  mais  nul  aultre  lieu 
quel  qu'il  soyt  de  la  duché;  et  qu'il  blasmuyl  beaucoup  la  tardilé  de 
l'empereur.  Et  aussi  comme  domp  Terrant  de  Oonzagues^  avoyt  dict 
à  André  Doria  ',  qui  voulloyt  aller  en  Levant,  (ju'il  n'y  allast  point;  car 
par  advenlure,  cella  seroyt  cause  de  destourbcr  la  trefve  que  de  jour  en 
jour  l'empereur  attendoyt,  et  de  irriter  le  Grant  Seigneur  :  le  exortant 
d'aller  du  cousté  de  Affricque,  pour  n'estre  point  oysif.  Toutesfoys  ces 
Seigneurs  ont  eu  advys  ([u'il  s'en  revient  à  Gennes,  et  ce  pour  la 
jallousye  et  suspeçon  qu'il  a  eu  de  la  traicle  de  bledz  que  le  roy  a 
donné  aux  Gennevoys^;  et  les  aultres  dyent  que  c'est  pour  s'aprocher 
de  l'empereur.  Semblablement,  cez  Seigneurs  ont  eu  nouvelles  d'aullre 
cousté  comme  domp  Ferrando  de  Gonzagues,  vice  roy  de  Sécile, 
n'estoyt  en  guières  bon  prédicament  avecques  l'empereur;  et  qu'il 
estoyt  pour  se  partyr  bien  tost  de  son  service  à  cause  de  quelques  mal- 
versacions  qu'il  a  usez  en  l'adminislracion  de  sa  charge  en  Sécile. 

«  Monseigneur,  par  lettres  que  cez  Seigneurs  ont  receues  de  leur 
ambassadeur  prez  l'empereur,  ont  entendu  entre  aulires  choses  comme 
icelluy  empereur,  luy  tenant  propos,  a  prommys  les  plus  grands 
parlys  et  meilleures  asseurances  qu'il  est  possible  au  monde,  pourveu 

i.  Toscane. 

2.  Carn;.'lio,  l)oiirg  du  Piémont,  siliic  sur  la  Grana.  à  10  kilonu-lres  de  Coni.  Le 
vieux  cliàloau  couronne  encore  aujourd'hui  la  colline  qui  domine  la  ville. 

3.  Ferdinando  11  di  Gonzaga,  fils  de  Gian-Francesco  11  di  Gonzaga,  marquis  de 
Mantoue,  et  disahelia  d'Esté,  né  le  28  janvier  1501.  mort  à  Bruxelles  le  l"  no- 
vembre l.">;j7.  .\près  avoir  il'abortl  servi  sous  le  connétable  de  Bourbon,  son  cousin 
germain,  et  sous  le  prince  d'Orange,  il  commanda  les  troupes  impériales  en  Italie, 
aux  Pays-Bas,  en  Hongrie  et  contre  les  Turcs.  Après  s'être  distingué  dans  l'expédi- 
tion de  Charles-Quint  contre  Tunis,  en  1.J35,  il  fut  nommé  au  retour  vi<"e-roi  de 
Sicile.  En  153'.»,  il  avait  acquis  le  comté  de  Guastalla,  que  l'empereur  détacha  pour 
lui  du  Milanais  en  1541.  Il  succéda,  quatre  ans  plus  tard,  au  marquis  del  Vaste 
comme  gouverneur  <lu  .Milanais. 

4.  .Vndrea  Doria,  célo!)re  amiral,  né  à  Oncglia,  dans  le  golfe  de  Gènes,  le  30  no- 
vembre 14G,s,  mort  à  Gènes  le  15  novembre  1500.  Issu  dune  des  plus  anciennes 
familles  de  Gènes,  il  avait  servi  dans  sa  jeunesse  plusieurs  princes  d'Italie.  Rentré 
dans  sa  patrie  en  1503.  il  fut  tour  h  tour  généralissime  des  galères  de  Gènes,  de 
François  I",  de  Clément  Vil,  de  François  I"  et  de  Charles-Quint,  au  service  du(iuel 
il  entra  définitivement  en  152S. 

5.  Génois.  On  retrouvera  plus  loin  le  même  mol  dans  la  même  acception. 


■JLILI.ET    i'6io]  GUILLAUME   PELLICIER  27 

que  entre  eulx  ne  soyt  rien  rétracté  des  capitulacions  quilz  ont 
ensemble  pour  la  ligue  faicle  par  eulx,  et  nommément  quant  appartient 
au  secours  de  la  duché  de  Millan;  et  que  quant  aux  pertes,  dom- 
maiges  et  intérestz  qui,  es  aflaires  de  ladicte  ligue,  leur  pourroyent 
estre  entrevenu/,  il  en  seroyt  récompensateur  si  largement,  que  ne 
leur  toucheroyt  rien  pour  leur  quote  part,  et  que  le  tout  tourneroyt 
sur  luy.  Et  quant  au  traicté  et  party  de  Crémonne  et  de  la  Gieradade, 
que  au  premier  jour  il  se  résouldroyt  et  leur  en  feroit  tel  party  qu'ils 
auroyent  occasion  de  s'en  contenter. 

((  Monseigneur,  sur  le  poinct  que  voulloys  serrer  la  présente,  l'on  a 
eu  icy  nouvelles  que,  nonobstant  quelques  conclusions  de  paix  que  ayent 
cez  Seigneurs  avecques  le  Grant  Seigneur,  Barberousse  '  avecques 
soixante  gallères  tenoyt  assiégée  une  isle  de  cesdicts  Seigneurs 
nommée  Thinos  *,  en  Tarchipellago,  prez  de  Gio  '.  » 

Vol.  2,  r^  13  V,  copie  du  xvi*'  siècle;  2  p.  1/4  in-f°. 

1>ELLIC1ER   A   M.    DE   TULLE. 

13.  —  [Venise],  22  juillet  1540.  —  «  Monsieur,  par  les  dernières 
lettres  que  vous  ay  escriptes  du  x°  de  ce  moys,  vous  ay  faict  entendre 
comme  avoys  receu  les  mil  escuz  et  baillez  à  mcssire  Eparcho,  qui 
pareillement  m'a  deslivrés  les  livres  contenuz  au  mémoyre  que  je  vous 
en  ay  envoyé,  et  davantaige;  et  aussy  la  responce  qu'il  m'a  faicte  pour 
en  aller  chercher.  Desquels  vous  mande  présentement  ung  petit  inven- 
taire pour  vous  faire  aparoir  qu'il  ne  est  si  despourveu  de  telle  faculté 
qu'il  soyt  pour  aller  chercher  à  l'aventure.  Dont  ne  vous  en  feray  aul- 
cune  répéticion;  seulement  vous  pryerai  nous  y  faire  responce  le  plus 
lost  qu'il  sera  possible  et  ensemble  de  ce  que  auray  à  faire  avecques 
messire  Demetrio  Zeno,  duquel  vous  ay  semblablement  escript  et 
mandé  l'inventaire,  qui  avoyt  eu  charge  de  feu  M.  Fondulus  d'aller 
trouver  des  livres  grecz,  car  il  me  recherche  fort  de  luy  donner  résolu- 
cion  de  la  vouUenté  du  roy.  Je  ne  faulx,  oultre  tous  les  livres  qui  se 

1.  Kheïr-ed-Din  Barberousse,  frère  aine  de  Yacoiib-Raïs  Aroiidj,  et  le  véritable 
fondateur  de  la  régence  d'Alger.  C'étaient,  ainsi  que  leurs  frères  Elias  et  Ishac,  en 
dépit  des  nombreuses  légendes,  les  fds  d'un  potier  ou  plutôt  d'un  pêcheur  de 
Mételin.  Pour  venger  la  mort  d'Elias,  mort  dans  un  combat  avec  les  chevaliers  de 
Saint-Jean  de  Jérusalem,  les  trois  frères  s'étaient  faits  corsaires.  A  la  mort 
d'Aroudj,  tué  par  les  Espagnols  en  1518,  peu  de  temps  après  Ishac,  Kheïr-ed-l)in 
lui  succéda,  rendit  hommage  à  Sélim  1"  et  fut  le  premier  pacha  d'Alger  jusqu'en 
août  1533,  époque  à  laquelle  il  remit  le  gouvernement  de  la  régence  à  son  khalifat 
lïassan-Aga.  En  1535,  Suleyman  V  le  nomma  grand  amiral  de  la  Porte,  poste  qu'il 
conserva  jusqu'à  sa  mort  arrivée  le  4  juillet  1546.  Il  était  âgé  d'environ  soixante- 
seize  ans  (H.-D.  de  Grammont,  Histoire  d'Alger  sous  la  dominalion  turque;  Paris, 
Leroux,  188",  in-8''). 

2.  Tinos,  île  de  la  mer  Egée,  une  des  Cyclades. 

3.  Chio,  île  de  l'archipel  grec,  près  de  la  côte  occidentale  de  l'Asie  Mineure,  dont 
elle  n'est  séparée  que  par  un  étroit  canal.  Les  Génois  la  possédèrent  de  1346  à  1566, 
époque  où  les  Turcs  s'en  emparèrent. 


28  AMItASSADE    DE  [jlILI.ET    1540 

peulvenl  avoir  pour  argent,  à  faire  escripre  les  aullres  que  puys  recou- 
vrer par  le  moyen  de  mes  amysdes  njeilleures  librairies  de  ceste  ville; 
et  pour  ce  faire  je  tiens  ordinairement  à  gros  gaiges  et  despence  quatre 
escrij»vains  grec/.,  de  sorte  (juc  j'espère  avecques  le  temps  en  taire 
amas  d  aussi  bons  et  rares  que  à  raventure  se  pourroyent  trouver  en 
plusieurs  aultres  lieux.  Et  si  suys  tous  les  jours  aprez  pour  me  informer 
où  l'on  en  pourra  recouvrer  de  siugulliers;  d(jnt  entre  aultres  ung  mien 
amy  (jui  se  tient  h  Ilaguse,  nommé  messire  Nicolao  Pretreo,  fort  docte 
en  lettres  grecques,  lequel,  pour  la  granl  cognoiscence  et  amytié  que  de 
longue  main  est  entre  nous  deux,  mesmement  du  temps  que  estoys  à 
Rome  ',  m"a  escript  dcpuyspeu  de  jours  qu'il  en  faira  toute  dilligence, 
et  selon  qu'il  en  trouvera  me  le  fera  sçavoir.  Pareillement  passant  par 
icy  ung  prieur  *  de  convenl  des  chartreulx  qui  demeure  en  Calabre, 
voysin  de  la  Marjun  Clrcria  \  m'est  venu  veoyr  pour  la  bonne  cognois- 
sence  que  paravant  avions  ensemble.  Lequel  jadiz  à  Romme,  avecques 
ledict  messire  .Nicolao  Petreo,  qui  a  aprins  son  grecaudict  pays,  m'avoyt 
assuré  que  audict  pays  s'en  pourroyt  recouvrer  d'aussi  rares  et  en 
aussi  granl  babondance  que  en  quelque  aultre  pays  que  ce  fusl,  me 
offrant  faire  son  debvoir  d'en  recouvrer;  qu'il  m'a  promys.  Et  si  m'a 
dict  davantaige  que  entre  aultres  il  y  a  ung  gentil  liomme  en  ce  pays 
là  fort  grand  serviteur  de  S.  M.,  qui  en  est  très  bien  fourny;  lequel, 
entendant  ([ue  le  roy  a  plaisyr  en  telle  chose,  ne  fauldra  lui  en  mander 
des  meilleurs  et  en  assez  bonne  quantité.  Dont  je  vous  ay  bien  vouUu 
■  adverlyr  affin  que  se  voyez  que  bien  soyt  et  quant  vous  viendra  à 
propos  en  veuillez  adverlyr  S.  M.  Et  pour  ce  que  je  congnoys  que  icelle 
a  plaisir  de  veoyr  et  congnoistre  toutes  ciioses  nouvelles  et  rares, 
mesmement  de  arbres  et  herbes*,  trouvant  la  commodité,  n'ay  failly 
donner  charge  à  aulcuns  marchans  qui  alloyent  en  Candye  ',  Surye  ^  et 
Alexandrye  d'Egiple",  qui  sont  mes  amys,  les  pryant  m'en  envoyer  de 
toutes  sortes  qui  se  treuvenl  en  ces  pays  là".  Dont  de  la  plus  part  leur 

1.  Pellicier  séjourna  à  Rome  de  1534  à  1537,  alors  qu'il  était  en  instance  pour 
obtenir  la  translation  de  son  évêchc  t\ù  Mapiiclonnc  à  Montpellier,  qui  ne  lui  fut 
accordée  qu'en  1536  par  une  bulle  de  Paul  IJl. 

2.  «  Soin,  qu'il  fui  baillé  audit  prieur  chartreux  une  monstre  des  heures  d'or- 
loge,  pour  présenter  audit  gentilhomme;  laquelle  fut  achaptée  quinze  escuz.  • 

3.  Grande  Grèce.  On  sait  que  ce  nom  fut  dunné.  par  les  anciens,  à  l'Italie  méri- 
dionale à  cause  des  nombreuses  colonies  grecques  dont  ses  rives  furent  couvertes. 

4.  «  Sola,  que  à  cause  de  ces  arbres  et  herbes  furent  faictes  plusieurs  despences.  • 

5.  Candie,  ville  principale  de  l'ile  de  Crète,  qui  a  donné  son  nom  à  l'île  tout 
entière.  Venise  y  faisait  un  rommeroe  très  actif  de  grains,  coton,  miel,  huile  et 
surtout  de  vins  dits  de  Malvoisie,  qui  étaient  fort  estimés. 

(•).  Syrie. 

T.  Alexandrie  ilÉgyple,  pour  la  distinguer  de  la  ville  d'Alexandrie  d'Italie,  fondée 
en  Piémont  au  xu"  siècle  en  l'honneur  du  pape  Alexandre  111. 

8.  C'est  ainsi  que  Habelais  avait  envoyé  d'Italie,  quelques  années  plus  tôt,  à  son 
ami  Etienne  Dolet,  la  recette  du  Garum  des  anciens,  et  à  Geoffroy  d'Eslissac,  évèque 
de  .Maillezais,  des  fleurs,  des  légumes  indigènes  ou  acclimatés  en  Italie,  mais  encore 
inconnus  en  France,  tels  que  melons,  artichauts,  œillets  d'Inde. 


[juillet    ib40]  GUILLAUME    PELLICIEIl  29 

ay  baillé  mémoyres.  Et  jà  pour  oxpérimcnler  s'ils  pourroyent  venyr 
en  ces  pays  de  deçà,  j'ai  faict  planter  plusieurs  simples  en  mon  petit 
jardin,  comme  de  la  colocasia^  et  aultres,  lesquelz  à  force  d'arroser  et 
cultiver  non  seuUcment  ontprins,  mais  se  trouvent  très  bien;  et  aussi 
des  plans  de  malvoisye  ^  et  aultres  singullièrcs  espèces  de  vignes,  qui 
jusques  icy  se  portent  bien.  De  sorte  que  si  l'automne  ne  leur  faict  non 
plus  de  dommaige  qu'ils  ont  eu  jusques  à  présent,  ilz  se  pourront 
conserver  et  en  feray  apporter  davantaige  qui  seront  prins  de  la  meil- 
leure et  plusparfaicte  malvoisye  de  Candye.  Car  vous,  qui  congnoissez 
la  nature  de  ce  terrain,  à  mon  adviz  ne  serez  hors  d'op])inion  que 
toutes  ces  choses  ne  puyssent  aussi  bien  prendre  et  fructitier  es  pays  du 
roy,  et  en  plus  grant  partye  et  avecques  le  temps  par  adventure  le  tout, 
que  icy.  Vous  verrez,  si  le  trouvez  bon,  d'en  tenyr  quelques  propoz  au 
roy,  et  de  tout  ce  que  dessus  je  vous  supplye  me  faire  faire  responce 
afin  de  persévérer  si  S.  M.  l'a  agréable;  car,  oultre  la  principalle 
charge  pour  laquelle  je  suis  icy,  je  m'efforce  de  trouver  tous  moyens  de 
luy  agréer  et  donner  plaisyr  qu'il  m'est  possible.  » 

Vol.  2,  f«  14  v°,  copie  du  xvi°  siècle;  i  p.  2  3  iu-f". 

PELLICIER  A  BOCIIETEL  '. 

14.  —  ■Venise],  22  juillet  1 540.  —  Pellicier  accuse  réception  des 
dernières  lettres  du  roi  et  du  paquet  adressé  à  Rincon. 

«  ...VA  davantaige  ne  vous  sçauroys  dire  grant  chose  sinon  que  M.  Sac- 
cus,  président  de  Millau  *,  s'est  trouvé  fort  esmerveillé  que  depuys  le 
XXV"  d'ottobre  mV'  xxxix,  environ  quatre  heures  de  nuyl,  qu'il  se  assembla 
la  première  foys  avecques  sa  femme,  luy  ayt  produict  une  tille  le 

1.  Le  Colocasiu,  de  la  famille  des  aroïdées,  eini)loyé  aujourd'hui  comme  planlc 
«l'ornement.  Il  est  surtout  cultivé  en  Egypte,  dans  la  vallée  du  Nil,  mais  on  le 
trouve  également  dans  d'autres  terres  méditerranéennes,  notamment  dans  le  sud 
de  l'Espagne,  oii  iT croît  presque  naturellement. 

2.  Ce  vin  liquoreux,  fort  estimé  dès  le  haut  moyen  âge  —  on  se  souvient  de  la 
fin  singulière  et  légendaire  du  duc  de  Clarence  en  1478,  — ■  lirait  son  origine  des 
célèbres  vignobles  de  Napoli  de  Malvoisie,  en  Morée,  fondée  à  l'époque  des  Croi- 
sades, aujourd'hui  Monembasia. 

3.  Guillaume  Bochetel,  seigneur  de  Sacy,  secrétaire  d'État  et  des  finances,  greffier 
de  l'ordre  du  roi,  mort  en  1358.  Issu  d  une  famille  de  secrétaires  royaux,  origi- 
naire du  Berry,  il  était  fils  de  Bernardin  Bochetel,  secrétaire  du  roi,  et  pelit-fils  du 
fameux  surintendant  Florimond  Robertet.  Il  avait  épousé  Marie  de  Morvillier,  soeur 
de  Jean  de  Morvillier,  qui  fut  plus  tard  ambassadeur  à  Venise. 

4.  Giacomo-Filippo  Sacco  ou  Sacchi,  «l'Alexandrie,  président  du  sénat  établi  à 
Milan  par  Louis  XII  en  vertu  d'une  ordonnance  datée  de  Yigevano,  le  11  novem- 
bre l'/J'J.  Cette  assemblée  comprenait  un  président  et  dix-sept  membres  :  soit  deux 
prélats,  quatre  chevaliers  et  onze  légistes,  dont  cinq  français  et  six  italiens. 

Filippo  Sacco  en  était  président  depuis  lo29;  il  mourut  vers  l'jii  (V.  Orazio 
Landi,  Senatus  tnediolcniensis,  Milan,  1637,  in-4",  et  Fiollet,  Élude  historique  sur 
Geoffroy  Caries:  Grenoble,  1882,  in-S"). 


30  AMBASSADE    I)E  JUILLET    lo40] 

xiiir  jour  do  apvril  mv'"\l.  Dont  :i  mandé  icy  etàHoiilloignn  «  à  consulter 
au  colliùge  des  docteurs  si  ludiclo  lille  est  sienne  cl  si  est  pour  vivre, 
et  si  doibt  estre  tenue  pour  léj^itinie.  Lesquels  tous,  après  s'estre  bien 
travaillez,  entin  quasi  la  plus  granl  partye  s'est  inclinée  à  loppinion 
que,  n'estant  de  sept  moys,  ne  pourroyl  survivre;  et  daventure  qu'elle 
survesquist,  ne  l'estiment  point  légitime  ne  de  sept  moys,  ains  de  neuf. 
Je  ne  vousescriptz  ces  nouvelles,  sinon  par  faullc  d'aullres  meilleures, 
et  aussi  que  le  seigneur  méritte  bien  (juc  tous  les  serviteurs  du  roy 
luy  dienl  le  prof/icitit  tout  ainsi  (ju'il  a  mérilté  et  est  affectionné  à  S.  M. 
Au  demeurant,  Monsieur,  je  vous  prye  bien  Tort  faire  tenyr  seurement  le 
pacquetcjui  s'adresse  à  mon  homme  le  prieur  de  Sainct-Pol*,  car  il  m'est 
d'importance  pour  aulcuns  miens  alVaires  particulliers.  Et  pareillemeut 
si  ledict  Sainct-Pol  vous  chargeoyl  de  (quelques  lettres,  il  vous  plaira 
me  les  envoyer  seurement...  » 

Vol.  2.  P  lo,  copie  du  .\vi«  siècle;  1  p.  iii-f'. 

PELLICIER   A   M.   DE   LANGEV. 

15.  —  l'cnise  ,  24  juillet  1 540.  —  Pcllicier  accuse  réception  de  ses 
lettres  des  t\  juin  et  3  juillet,  lui  annonce  qu'il  a  reçu  la  lettre  de 
Rincon  du  1(5  juin,  et  lui  donne  les  nouvelles  contenues  dans  les  lettres 
au  roi  et  au  connétable,  du  22  juillet. 

Vol.  2,  f"  15  v^,  copie  du  xvi''  siècle;  1/4  p.  in-r*^. 

PELLICIER  A  RABELAIS   ^. 

16.  —  1  l'e/Jise],  24  juillet  1 540.  —  «  Monsieur,  je  ne  vous  escripviz 
point  dernièrement,  tant  pour  la  presse  que  j'avoys  que  aussi  pour  ce 
que  ne  avoys  receu  aulcune  lettre  de  vous,  ne  sçavoys  argument  méri- 

1.  Bologne,  célèbre  par  son  universilé,  la  plus  ancienne  de  l'Italie;  elle  avait  été, 
disait-on,  fomléc  en  425  par  l'empereur  Théodose,  et  l'on  y  compta  jusqu'à 
12  000  étudiants. 

2.  Le  prieur  de   Sainl-Pol,  prolonotaire  apostolique,  seml>lo  avoir  joué  le  rôle 
d'intendant  auprès  de  Pellicier;  chargé  deux  ans  plus  lard  d'une  mission  diploma-, 
tique  auprès  de  la  Porte,  il  fut  assassiné  par  les  Impériaux.  Une  déiiêche  de  William 
Papet.  résident  d'AnpIeterre  à  Paris,  du  10  février  1542,  en  fait  à  tort,  croyons-nous, 
le  projire  frère  de  Pciliiier  [Stafe  paprvx.  t.  VIII,  o°  partie.   1537-1542,  p.  657). 

3.  «  A  Mons'.  le  docteur  Rabotai/.  »  —  François  Rabelais,  né  à  Chinon,  vers  1495, 
niorl  à  Paris  vers  1553.  Rabelais  résidait  alors  à  Turin,  où  il  était  attaché  en  qua- 
lité de  médecin  et  de  secrétaire  intime  à  la  personne  de  Guillaume  du  Bellay,  sei- 
gneur «le  Langey  et  gouverneur  du  Piémont.  —  Cette  lettre  a  été  publiée,  ainsi  que 
les  deux  autres  des  17  octobre  I5'i0  et  20  mars  1541.  par  l'abbé  Verlaque,  dans  la 
Revue  des  Socirlés savantes  (décembre  1869,  t.  X)  et  par  .Si.  Louis  .Moland,  au  tome  VII, 
p.  Liv,  des  Œuvres  de  Rabelais  (collection  Jannel-Picard.  7  vol.  in-16),  mais  avec 
une  quantité  do  contresens  cl  d'omissions  ([ui  eu  rondont  la  lecture  presque  incom- 
préhensil)le.  M.  Marty-Lavcaux,  dans  son  édition  de  Rabelais  (Paris,  Lemerre. 
6  vol.  in-S°),  a  suivi  la  même  version  fautive. 


[juillet    1540j  GUILLAUME    PELLICIER  3| 

tant  vous  faire  entendre.  Ce  néantmoings,  pour  m'entretenyr  tousjours 
que  puyssions  avoir  nouvelles  Tung  de  l'aullrc,  n'ay  point  vouUu  dis- 
continuer de  vous  escripre  ;  et  pour  n'avoir  à  présent  meilleure  matière, 
vous  ay  bien  vouUu  advertyr  de  ce  que  nous  avons  icy,  touchant  cer- 
taine consultation  que  me  semble  appartenyr  pour  vostre  proffession 
et  suflisence  à  vous.  C'est  que  messer  Pliilippus  Saccus,  président  de 
Millan,  a  mandé  icy  et  à  Boullongne  à  consulter  aux  colliéges  des  doc- 
teurs, si  une  fille  que  luy  est  née  est  sienne?  et  est  pour  vivre?  et  si 
doibt  estre  tenue  pour   légitime?  et   ce   d'aullant   que,   du   1539  le 
XXV*  d'octobre  à  quatre   heures  de   nuyct   avant   la  pleine  lune,  se 
assembla  la  première  foys  avecques  elle  :  or,  du  1540  le  13  d'apvril, 
sadicte  femme  luy  a  faict  una  puta;  perche  si  disputa  si  cest  enfante- 
ment est  de  sept  moys?  et  s'il  est  pour  vivre?  et  est  légitime?  Tous  les 
docteurs  se  travaillent,  mais  en  somme  quasi  la  plus  grant  partye  se 
incline  à  l'oppinion  qu'elle  ne  soyt  point  de  sept  moys;  par  quoy  ne 
pourroyt  survivre,  et  advenant  d'aventure  qu'elle  survesquist  ne  l'esti- 
ment poinct  légitime  ne  de  sept  moys,  ains  de  neuf,  a  la  barba  del 
signor  presidenle.  A  Boullongne  sont  encores  ceulx  qui  attendent  la 
résolucion  dudit  coUiége.  Ce  néantmoings  certains  icy  treuvent,  tant 
pour  la  raison  d'Hippocrates  comme  de  Aviceua  '  et  de  Pline,  que  cest 
enfantement  peult  arriver  au  septimestre  et  par  conséquemment  estre 
vital  et  légitime.  Et  tous  leurs  fondemens  sont  que  les  anciens,  non 
seullement  Hcbrieux  ^,  mais  Arabes  et  Galdiens  '\  content  leurs  moys 
selon  le  cours  et  pérégrinacion  de  la  lune,  et  selon  icelle  considéroyenl 
le  temps  de  l'enfant.  De  sorte  que  toutes  et  quantes  foys  que  à  ung 
enfantement  se  trouvoyent  sept  lunes,  ilzle  tenoyent  pour  septimestre, 
comme  se  peult  veoir  par  ce  que  Pline  en  escript  en  son  livre  sep- 
time  au  chapitre  V  *,  et  en  Hippocrates,  au  livre  De  seplimesiri  parla, 
nonobstant  que  ledict  livre  soyt  courrompu  en  ce  lieu  là,  et  par  ainsi 
mal  traduict  par  messer  Fabio  de  Ravena  °.  Je  auroys  bien  à  plaisyr 
que  vous  m'en  mandissiez  vostre  adviz,  d'aultant  que  la  chose  de  soy 
mesmes  est  digne  d'estre  examinée,  et  le  seigneur  méritte  bien  que 
les  serviteurs  du  roy  lui  dyent  le  proffîciaf,  tout  ainsi  qu'il  a  mérilté  et 
est  affectionné  à  S.  M.  » 

Vol.  2,  f"  16,  copie  du  xvi'=  siècle;  1  p.  in-f". 


1.  Ibn-Sina,  vulgairement  appelé  Avicenne,  célèbre  médecin  arabe,  né  en  août  980, 
mort  en  juin  1037,  auquel  on  doit  de  nombreux  traités  dont  les  traductions  hébraï- 
(jues  et  latines  abondèrent  pendant  tout  le  moyen  âge. 

2.  Hébreux. 

3.  Chaldéens. 

4.  Septimo  non  nisi  pridie  posterove  plenihinii  die,  aut  interlunio  concepti  nas- 
cuntur.  )>  {Œuvres  de  Pline  l'Ancien,  édit.  Lemairc.  Paris,  1827-1832,  11  vol.  in-S"; 
t.  111,  p.  51.  —  [list.  nat.,  liv.  VII,  ch.  iv). 

0.  Fabius  de  Ravenne,  traducteur  d'Hippocrate. 


32  AMBASSADE    DE  [jUJLLET    1540] 

PELUCIER   A   lUNCON. 

17.  —  [  IV/i/se],  5.5  juillet  lôlO.  —  <>  Monsieur,  ne  voulant  jamais 
perdre  aulcune  occasion  de  vous  escripre,  ayant  trouvé  la  commodité 
d'un  briganlin  qui  se  partoyt  pour  Raguse,  vous  ay  bien  voullu  donner 
advi/  de  ce  <iui  est  survenu  depuys  les  dernières  lettres  (jue  vous  ay 
escriples  du  xir  de  ce  moys,  et  envoyé  ung  pacquet  du  roy  par  ung  de 
mes  gens  expressément  jusques  à  Haj^use.  Depuys  lesquelles  n'ay  receu 
aulcunes  nouvelles  de  la  court,  par  quoy  ne  vous  en  puys  mander; 
dont  retourneray  à  vous  dire  plusieurs  discours  que  on  a  faict  sur  le 
propoz  que  vous  ay  dernièrement  escript,  touchant  amy  de  l'amy  et 
ennemy  de  Tennemy....  » 

Pellicier  s'étend  ensuite,  dans  les  termes  de  sa  lettre  au  roi,  du 
22  juillet,  sur  les  incertitudes  de  In  politique  vénitienne  et  les  agita- 
lions  du  grand  conseil. 

«  Et  si  vous  diray  davantaige  que  ayant  entendu  cez  Seigneurs 
eslre  en  très  grand  suspeçon  que  par  vostre  moyen  et  pourchaz 
les  baschaz  leurs  feissent  telle  demande,  —  ce  qui  m'a  esté  con- 
firmé par  certains  propoz  non  accoustumez  que  m'a  tins  ung  dez 
principaulx  d'entre  eulx,  —  me  sembla,  et  aussi  à  plusieurs  aultres 
bons  serviteurs  de  S.  M.  qui  sont  icy,  estre  requiz  que  je  allasse  à  la 
Seignorie  pour  remonstrer  à  cez  Seigneurs  qu'ils  povoyent  estre  très 
bien  asseurez  ([ue  jamais  le  roy  n'a  point  faict  porchasser  cecy,  ne  vous 
ne  aultres  ministres  de  S.  M.  n'en  avez  faict  aulcune  instance  ne 
parolle.  Ce  que  ay  faict  avecques  les  plus  apparentes  causes,  raisons 
et  tesmoingnages  que  m'a  esté  possible.  Lesquel'/  à  l'acoustumée  en 
termes  généraulx  n'ont  faict  responce  et  démonstré  n'avoir  jamais 
pencé  ne  doubté  en  cecy.  Je  verray  par  cy  aprez  d'entendre  mieulx 
ce  qu'ilz  en  tiennent.  Et  cependant  ne  larray  à  vous  dire  que  qui  les 
vouldroyt  contraindre  à  ce  poinct,  il  y  auroyt  danger  que  ce  seroyt 
plus  tost  pour  les  faire  despérir  et  se  habandonnerà  quelque  plus  gros 
meschef  (pi'ilz  ayent  jamais  esté,  que  par  ce  moyen  estre  conduictz  à 
quelque  bonne  entreprinse.  A  ceste  cause,  par  vostre  bon  sens  et  pru- 
dence adviserez  d'en  faire  selon  ce  qu'il  vous  apperra  lafTaire  pour 
estre  d'importance  à  S.  M.,  et  me  advertyr  de  ce  que  congnoistrez  pou- 
voir valloir  au  service  de  noslre  commun  maistre.  » 

Pellicier  reproduit  alors  les  nouvelles  contenues  dans  la  lettre  au  roi 
du  22  juillet,  concernant  l'ambassadeur  de  Venise  auprès  de  l'empe- 
reur, le  congé  de  Lodovico  di  Gonzaga,  la  mort  de  M.  de  Saluées,  la 
retraite  d'Andréa  Doria,  et  «  le  maulvais  prédicament  de  Gonzages, 
vice-roy  de  Sécile  ». 

Vol.  2,  f"  IG  v°,  copie  du  xvi^  siècle;  I  p.  Wl't  in-f". 


[juillet    1540]  GUILLAUME    PELLICIER  33 

l'ELLlCIER   AU   MÊME   K 

18.  —  Venise,. 30  Juillet  1 540. —  «  ...  Eu  attendant  nouvelles  de  plus 
grant  importance,  n  ay  voullu  obmettre  à  vous  faire  entendre  comme 
il  y  a  troys  jours  que  receuz  lettres  du  roy  escriptes  à  Meudon, 
le  vu- juillet;  mais  les  meilleures  nouvelles  que  vous  en  puysse  dire, 
c'est  sa  bonne  santé,  Dieu  mercy,  et  que  au  partyr  de  là,  s'en  alioyt 
faire  ung  voyaige  en  Normandye,  me  donnant  charge  faire  entendre 
la  grande  amour  et  affection  à  ceste  Seigneurie  qui  luy  porte  plus  que 
jamais;  et  combien  il  a  esté  satisfaict  et  a  eu  à  plaisyr  les  bons  et 
agréables  propoz  que  luy  a  tenuz  M.  l'ambassadeur  de  cez  Seigneurs, 
mesmement  touchant  l'obligacion  qu'ilz  recongnoissent  à  S.  M.  pour 
le  faict  de  leur  paix  avecques  le  Grant  Seigneur,  se  louans  grandement 
des  bons  oflices  que  y  avez  faiclz.  Et  en  mesme  substance  m'cscript 
monseigneur  le  connestable.  Et  M.  de  Langé  davantaige  me  faict 
entendre  que  le  marquiz  du  Guast  se  vouldroyt  bien  saisyr  du  mar- 
quizat  de  Monlferrat;  toutesfoys  que  ce  n'estoyt  pas  l'intencion  de 
M.  le  cardinal  de  Mantoue,  tuteur  du  jeune  duc.  Il  m'escript  aussi  que 
à  la  court  y  avoyt  ung  ambassadeur  du  duc  de  Clèves  "-  pour  le 
maryage  de  son  maistre  en  quelque  maison  de  France  que  jusques  à 
présent  n'ay  encores  peu  sçavoir.  Et,  par  ce  que  on  povoyt  congnoistre, 
ne  tiendroyt  à  luy  que  ladicte  alliance  ne  se  feist;  et  que  les  estatz 
proteslans  ne  arresteront  encores  chose  quelconque  avecques  l'empe- 
reur que  premièrement  l'on  ne  leur  ayt  osté  toute  espérance  de  s'en- 
tretenyr  avecques  le  roy.  J'ay  pareillement  receu  les  vostres  des  m 
et  VI"  de  ce  moys  le  xxviii"  dudict  moys,  me  advertissant  de  l'arrivée 
de  messire  Vincenzo  Mazio  et  du  seigneur  de  Vaulx  "  à  Constantinople, 

1.  «  Escript  ccdil  jour  à  M.  l'arcevesque  de  Raguse  auquel  a  esté  mandé  ne 
envoyer  le  pacquet  du  seigneur  Hincon  expressément.  » 

•1.  Guillaume  le  Riche,  fils  de  Jean  IIl,  duc  de  Clèves,  de  Berg  et  de  Juliers.  Né  le 
28  juillet  lolij,  il  avait  été  reconnu  duc  de  Gueldres  par  les  Étals  du  pays,  ilu 
vivant  du  duc  Charles  d'Egmont.  le  27  janvier  1538. Jl  succéda  à  son  père  le  6  fé- 
vrier ];î;]'J;  épousa,  le  18  juillet  l.'UG,  Marie  d'Autriche,  fille  de  Ferdinand  \",  et 
mounU  le  2o  janvier  1592.  Les  ambassadeurs  du  duc  de  Clèves,  chargés  de  négo- 
cier une  alliance  avec  la  France,  étaient  le  conseiller  intime  Jean  GogralT,  le  maré- 
chal du  palais  Hermann  de  Waclitendonck  et  le  docteur  Hermann  Kreuzcr.  Leurs 
pouvoirs  sont  datés  de  Dusseldorf,  le  21  juin  1540  (V.  Ribier,  loc.  cit.,  p.  529). 

3.  Jean-Joachim  de  Passano,  seigneur  de  Vaux,  gentilhomme  italien  de])uis  long- 
temps au  service  de  François  P^  qui  utilisa  ses  talents  de  diidomate  en  lui  con- 
fiant plusieurs  importantes  missions.  Conseiller  du  roi  et  maître  d'hôtel  de  sa 
maison,  il  occupa  le  poste  d'ambassadeur  en  Angleterre  pendant  toute  l'année 
1520;  fut  envoyé  en  mission  en  Italie  auprès  de  Lautrec  à  Plaisance,  Parme,  Gènes, 
Ancône  et  Naples  (juin-juillet  1528);  puis  renvoyé  de  nouveau  en  Angleterre,  du 
0  janvier  1530  au  31  janvier  1531.  François  1"%  par  lettres  données  à  Rouen  le  27  fé- 
vrier 1532,  l'expédia  encore  à  Londres  pour  i)orter  une  coupe  d'or  à  Etienne  Gar- 
diner,  évèque  tle  Winchester  et  aml)assadeur  de  Henri  YllI  en  France,  qui  avait 
pris  congé  et  quitté  Rouen  «  avant  que  la  coupe  eust  esté  parfaitte  ».  Enfin,  le  sieur 
de  Vaux  avait  rempli  les  délicates   fonctions  de  résident  à  Venise,  depuis   1536 

Venise.  —  1540-1542.  3 


34  AMBASSADE   DE  [JUIU.ET    1540, 

et,  comme  bienlosl  aprez  debvie/.  dépescher  ledict  seigneur  de  Vaulx 
pour  s'en  revenir  avecques  entière  salislacinn  et  contentement  de  ce 
que  S.  M.  vous  avoyt  mandé  :  ce  que  luy  leray  sçavoir  par  ma  première 
dèpesche,  que  sera  demain  comme  j'espère,  qui  en  aura  à  mon  advi/. 
grani  plaisyr.  Car,  ad  ce  qu'il  m'escript,  il  a  grant  désyr  de  s.;avoir  des 
nouvelles  du  cousté  Ui  où  vous  este/.,  dont  m'a  chargé  ',  soubdain  que 
en  auray,  les  luv  faire  sçavoir...  »  Pellicier  présume  (lue  les  dépêches 
de  Uincon  des  i(»  et  15  mai  ont  été  perdues  par  le  courrier,  et  non 
point  retenues  par  le  Sénat  de   Uaguse,  comme  le  courrier  s'en  est 
excusé  à  Rincon.  Car,  «  comme  m'a  dict  et  assuré  M.  l'ambassadeur  de 
Uaguse,  ([ui  est  icy,  m'en  condollant  encores  ce  matin  avecques  luy,  il 
ne  se  trouvera  jamais  que  le  Sénat  ayt  faicl  ...lia;  car  n'ont  telle 
ordonnance  ou  coustume  de  ce  faire,  et  que,  quand  tel  cas  auroyt  esté 
faict,  plus  tost  seroyt  venu  par  Zenobio  Barlholi,  llorentin,  maislre 
des  courriers  de  ladicle  nation,  que  par  aullre  publicque  ou  privée 
personne  de  leur  estât.  El  que  n'est  pas  vraysemblable  que  ceulx  qui 
oui  paix  cum  oinuibus  hominibus,  jusques  avecques  inlidelles,  se  voul- 
sissent  si  fort  mesfaire  ne  mesprendre  contre  ung  si  grant  seigneur 
et  leur  bienfaicteur  comme  le  roy  ou  à  ses  ministres.  El  qu'ils  auroyent 
plus  losl  commencé  à  ce  faire  par  le  passé  que  à  présent...  Sur  .[noy 
j'ay  esté  adverly  comme  messire  Francesco  Léon  avoyt  eu  lettres  de 
"Conslanlinople  du  xvii^  ou  xviir  juing,  par  lesquelles  avoyt  adviz  ([ue 
entre  Andrinopoli  '  cl  Raguse  avoyt  esté  tué  ung  courrier  venant  de 
Conslanlinople   qui  apporloyt  plusieurs  pacquel/,  èsquelz  en  l'ung  y 
avoyt  grant  quantité  de  joyes  =»  et  pierreries,  qui  fut  occasion  de  ce. 
Dontaulcuns  se  vouldroyenl  doubler  que  lesdicls  pacquel/  ne  fussent 
esté  entre  ses  mains,  et  par  ce  moyen  perduz.  Si  trouvez  bon  dores- 
navant  de  me  faire  sçavoir  le  nom  du  courrier  que  vous  dépeschere/ 
pour  me  faire  lenyr  voz  lettres,  et  le  lieu  où  il  se  tient  et  habille,  il  me 
semble  que  quant  il  arriveroyt  une  aullre  foys  tel  inconvénient,  que  je 
auroys  meilleur  moyen  de  pouvoir  sçavoir  que  seroyent  devenuz  voz 

pacquectz. 

«  Monsieur,  quant  aux  nouvelles  de  par  deçà,  je  vous  diray  comme 
sont  venues  icy  lettres  de  la  court  du  roy  Ferdinando,  du  xiii'^  jour  de 
ce  moys,  par  lesquelles  l'on  entend  que  le  seigneur  Laski  '  en  estoyt 

jusqu'à  celle  «laie  de  jinllel  lo40,  à  laquelle  il  fut  envoyé  à  ConsUinlinople  p-iur 
traiter  du  rachat  des  captifs  cl  des  navires  saisis  j-ar  los  Infidèles.  (B.  >.,  ms.  Ulai- 
rambault  li>i;>.  f"  <>:?  et  suiv.). 

1.  «  Nota,  par  la  lettre  du  roy  du  T  juillet,  à  Meudon.  ■• 

■1.  Andrinople.  la  seconde  capitale  de  ICmpiro  ottoman. 

3.    JovaUX.  ,  ^    ,  I  ;  ne      11 

4  Jérôme  .le  Laski,  palatin  <le  S/.iria.l,  né  à  Lask.  en  Pologne,  vers  1  ».)6.  Il 
.-•lait  rainé  .le  trois  frères,  .lean  cl  Stanislas,  .p.i  jouèrent  tous  un  rôle  «lans  la 
.lipl„malie  .le  leur  temps.  Elevé  à  Cracovie  dans  le  palais  de  son  oncle,  archevêque 
de  Gnesen,  primai  el  chancelier  <lu  royaume,  il  étudia  successivement  aux  univei- 


[JUUJ.ET    i;j40]  GUILLAUME   PELLICIER  o- 

party   avecques   Tranquilo   pour   retourner   en    Constantinople   pour 
suyvre  le  faict  de  leur  trefve.  Et  que  avant  son  partement  il  a  laict 
démonstration  d'espérer  tant  de  sa  laveur  à  la  Porte,  que  non  seuUe- 
ment  il  se  promettoyt  povoir  tout  en  sa  oliar^^c  principaile  et  affaire  de 
son  maislre,  mais  en  povoir  départir  encores  à  cez  Seigneurs  présen- 
tant à  leur  ambassadeur  faire  tous  telz  offices  et  eflectz  que  pour  son 
propre  maistre,  comme  s'il  estoyt  tout  asseuré  en  son  afiaire,  se  tenant 
et  reputant  ainsi  qu'il  disoyt  leur  subject  et  serviteur,  pour  estre  né 
soubz  leur  estât  de  Dalmatia.  Pareillement  sont  aussi  venues  lettres 
de  Naples,  du  xx"  de  ce  moys,  par  lesquelles  l'on  entend  que  André 
Doria  estoyt  party  de  Sicile  pour  aller  à  Tlmnis,  pour  auitant  qu'il 
estoyt  venu  nouvelles  que  deux  cappitainesd'Allarbes  ',  voysins  dudict 
Thunis,  s'estoyent  esmeuz  et  faictz  maistres  de  tout  l'environ  du  pays 
dudict  Thunis.  Par  quoy  se  doublant  icelluy  Doria,   tant  pour  leur 
grande  puissance,  qui  se  monte  bien  de  soixante  mil  hommes,  que 
pour  le  peu  de  faveur  et  bénivolence  que  le  roy  dudict  Thunis  a  avec- 
ques ses  subjectz,  qu'ilz  ne  prennent  ladicte  place,  faict  bruyct  avoir 
entreprins  ledict  voyage.  Je  ne  scay  pourtant  si  ce  seroyt  pour  dissi- 
muler et  couvryr  la  jalousye  et  suspeçon  qu'il  pourroyt  avoir  conceue, 
ainsi  que  je  vous  ay  escript  par  mes  dernières,  pour  la  traicte  des 
bledz  que  le  roy  a  accordée  aux  Génevoys,  et  par  ce  moyen  s'en  aller 
à   la   volte  de  Gennes,  et   se  tenyr   aux   environs   pour    assayer  de 
descouvryr  s'il  y  auroyt  quelques  intelligences  ou  à  l'aventure  tenter 
mettre  à  exécution  quelque  Iraicté  duquel  j'ay  quelque  sentiment  que 
Dieu  garde. 

«  Monsieur,  par  lettres  de  Millau  du  xx^  de  ce  moys,  l'on  entend 

sites  de  Cracovic  et  de  Bologne  et  prit  un  instant  du  service  dans  les  Irounes 
vénitiennes,  alliées  de  celles  de  la  France  (loll).  Au  printemps  de  1320,  le  roi  Si^is 
mond  lui  confia  une  mission  près  de  François  I"  et  de  Charlcs-Ouint,  du  duc  Je'^.n 
Frédéric  de  Saxe  et  de  Marguerite  d'Autriche,  tante  de  l'empereur,  régente  des 
1  ays-iJas;  il  se  fit  alors  accompagner  de  ses  deux  frères  dont  Fun.  Jean  entra  dans 
les  ordres  et  plus  tard  embrassa  le  protestantisme,  l'autre,  Stanislas,  se  mit  au 
service  du  roi  de  France. 

Vers  la  fin  de  1323,  Laski  eut  une  seconde  mission  en  Allemaene  en  France  et 
en  Italie  Entré  au  service  du  roi  de  Hongrie,  Jean  Zapolva,  Laski  vint  à  Paris 
et  a  Londres,  au  commencement  de  1327,  pour  intéresser  François  l"--  et  Henri  VHI 
à  la  cause  de  son  maître.  Envoyé  par  Zapolva  comme  ambassadeur  auprès  de  la 
Porte,  a  son  retour  de  France,  il  y  conclut,  le  2y  février  1520,  le  traité  par  lequel 
Mileyman  reconnaissait  le  roi  Jean  pour  son  vassal.  H  revint  encore  en  France  à  la 
lui  de  l.i31,  et  a  Rome,  pour  y  réclamer  la  médiation  de  Clément  VII.  En  1336,  à  la 
suite  d'intrigues  de  cour  et  probablement  aussi  parce  qu'il  commençait  k  douter  de 
sa  fidélité,  Zapolya  fit  emprisonner  Laski;  celui-ci,  rendu  à  la  liberté  sur  les 
instances  de  Sigismond,  se  retira  aussitôt  près  de  Ferdinand  et  devint  désormais 
1  ennemi  le  plus  acharné  de  son  ancien  maître.  Ferdinand,  par  lettres  datées  du 
3  septembre  1339,  l'accrédita  comme  ambassadeur  auprès  de  Sulevman.  et  il  partit 
pour  Constantinople  accompagné  de  Tranquillo  qui  avait  quitté,  comme  lui  le  ser- 
vice de  Zapolya.  Mal  accueilli  cette  fois  par  la  Porte,  il  était  reparti  de  Haguenau. 
au  printemps  de  l'année  suivante,  avec  de   nouvelles  instructions  de  l'Enifiereur' 

\.  Algarves,  corruption  du  mot  Algharb,  qui  signifie  «  le  couchant  ... 


36  AMBASSADE   DE  JIII.LET    la40] 

comme  le  conle  Philippes  Tnuniier  ',  le  inarqiii/.  de  Musq  *  et  le  cappi- 
tain(>  Sit;oi^;ne  '  csloyent  relounu'/  de  la  court,  de  l'empereur,  kMjuel 
il  leur  parlement  leuravoyl  enchargé  qu'il/,  se  tinssent  prestz,  afin  (jue 
s'il  esloyl  hesoiiig  Caire  gens,  souhdain  en  peussenl  mettre  en  cam- 
paigne  tant  qu'il  en  fuuldroyt,  se  doublant  bien  qu'il  y  auroyt  guerre 
par  les  approchez  (jue  S.  M,  en  dcmonstroyt,  à  cause  dez  forliftications 
et  provisions  (juil  faisoyt  faire,  tant  du  cousté  de  Picardye  que  de 
Piémont;  toulefoys,  <m"\\  estoyt  plus  tost  résolu  de  l'attendre  que  de 
nous  rendre  Testât  de  Millan,  et  qu'il  estoyt  totalloment  deslibéré  de 
jamais  ne  s'en  dell'aire,  qui  ne  luy  osteroyt  par  force,  et  que  Ton 
estoyt  âpre/  avecques  toute  dilligence  pour  mettre  vivres  et  municions 
dedans  les  places  où  il  y  en  a  telle  faulte  que  ladicte  duché  seroyt 
en  assez  grant  danger  qui  l'assauldroyt  de  présent.  Et  escript  aussi 
que  ledict  empereur  presse  faire  alliance  avecques  le  roy  d'Angle- 
terre *  et  avoir  sa  fille  "'  en  mariage,  puys  que  S.  M.  ne  vouloyt  plus  oyr 
parler  d'aultres  partys  ne  alliances;  de  quoy  le  roy  avoyt  totallement 
refusé  en  oyr  plus  parler  son  ambassadeur  qu'il  avoit  envoyé  vers  S.  M. 
<(  Monsieur,  j'ay  reçu  le  pacquet  que  m'avez  envoyé  de  Jehan 
Pairat,  cousin  du  sire  Jehan  de  Farges,  vous  mercyant  bien  humble- 
ment de  la  peyne  et  grande  sollicitude  que  prenez  ordinairement 
pour  la  délivrance  dudit  de  Farges,  dont  à  tout  jamais  non  seullement 
luy,  mais  tous  ses  parents  et  moy  aussi  en  serons  obligés  à  vous  priant 
qu'il  vous  plaise  continuer  jusques  à  sa  pleine  liberté  et  deslivrance 
s'il  est  possible.  » 

«  De  Vt')nzf.  » 

Vol.  2,  f"  17,  copie  du  xvi*  siècle;  3  pp.  1/4  in-f". 

PELLICIER  AU  ROI  *. 

19. —   [Venise],    3  /  juillet    1540.   —   Pellicier  raconte  au  roi   la 

1.  Filippo  Torniclli.  des  Tornielli  de  Novare,  comtes  de  Vallengin,  comté  réuni  à 
cchii  de  Neiirliàlel,  en  l.ï"9. 

2.  Gian-Giacomo  dci  Mcdicis.dil  le  Medichino,  né  à  Milan  en  1  i97.  mort  dans  cette 
ville  le  8  novemlire  lo55.  Marquis  de  Maripnan,  châtelain  de  Mus  sur  le  lac  de  Ct^me, 
il  avait  été  d'abord  au  service  de  la  France,  mais  fut  bientôt  gagné  par  les  offres 
de  Charies-Qilint.  lîrantùme  lui  a  consacré  une  notice  dans  ses  Grands  cajiihiines 
étrangers  l^Œuvres  complètes,  édit.  L.  Lalanne;  Paris,  1864-1882,  11  vol.  in-S".  t.  I. 
p.  291). 

.3.  Cifogna,  cai>ilaip.e  milanais.  Le  mampiis  del  Vasto  lui  confia  une  nouvelle 
mission  près  de  l'empereur,  en  juillet  I5U  (V.  Calendar,  Spanislt.  lo3S-lo42,  p.  337). 

4.  Henri  VIll,  né  en  1  i'U.  lils  de  Henri  Vil  Tudor,  lui  succéda  en  1509,  et  mourut 
en  l.">4". 

5.  Marie  Tudor,  fdle  de  Henri  Vlll  et  de  Catherine  d'.\ragon,  née  en  lol6.  Klle 
monta  sur  le  trône  en  l.ïo3,  épousa  Philippe  II  flEspagne  l'année  suivante,  et 
mourut  en  1558. 

6.  «  Escript  ce  dit  Jour  à  M.  Bouchetel.  ■• 


[juillet    1o401  GUILLAUME    PELLICIER  37 

démarche  qu'il  vient  de  faire  pour  dissiper  certains  soupçons  de  la 
Seigneurie  sur  les  vérital)les  sentiments  du  prince  : 

«  ...Sire,  troys  ou  quatre  jours  aprez  avoir  faict  ce  que  dessus,  je 
receu/.  lettres  de  V.  M.,  du  \n°  de  ce  moys,  faisant  mencion  des  bons 
propoz  que  vous  avoyt  tenuz  M.  lambassadeur  de  cez  Seigneurs  tou- 
chant leur  paix  avecques  le  Grant  Seigneur,  et  de  la  responce  que 
V.  M.  luy  avoyt  faicte  tant  libéralle  et  amyable,  ce  que  le  lendemain 
suyvant  vostre  commendement  feuz  déclairer  bien  amplement  à  ceste 
Seigneurie  avecques  le  meilleur  efîoct  qu'il  me  fut  possible,  et  mesme- 
ment  que  en  tout  ce  que  toucheroyt  à  V.  M,,  non  seuUement  au  faict 
de  leurdicte  paix,  mais  en  tous  aultres,  elle  vous  trouvera  tousjours 
son  meilleur  amy  et  prest  à  luy  faire  tout  le  plaisyr  que  vous  pourrez. 
A  quoy  aprez  vous  avoir  très  humblement  remercyé  m'a  faict  responce 
à  Taccoustumée  qu'ils  en  sont  très  bien  asseurez,  et  qu'ils  ne  sont  de 
présent  à  le  cognoistre,  et  expérimenter,  et  que  pour  l'advenyr  ne  se 
attendent  aultrement,  me  promettans  que  de  leur  costé  ne  fauldrontà 
faire  le  semblable  en  tout  ce  qu'ilz  pourront. 

«  Sire,  j'ai  pareillement  receu  lettres  du  seigneur  Rincon  du  \i°  de 
ce  moys,  par  ung  courrier  envoyé  à  cez  Seigneurs  de  leur  ambassadeur 
en  Constantinople,  par  lesquelles  ne  me  faict  entendre  aultre  chose 
digne   de  faire   sçavoir  à  V.  M.  sinon  que  le  xx°  du  passé  messire 
Vincenzo  Mazio  et  le  seigneur  de  Vaulx  arrivèrent  en  Constantinople, 
se  remettant  à  escripre  plus  amplement  par  ledict  seigneur  de  Vaulx 
lequel,  environ  le  x  ou  xii'=  de  ce  présent,  debvoyt  dépescher  pour  s'en 
revenyr  devers  V.  M.,  avecques  l'entière  satisfacion  et  contentement 
d'icelle.  Et  par  celles  que  cez  Seigneurs  ont  receues  de  leurdict  ambas- 
sadeur du  iiir  dudict  moys,  s'entend  comme  icelluy  Grant  Seigneur 
avoyt  libérés  tous  les  gentilzhommes  véniciens,   qui   estoyent  en  la 
tour  de  mer  Maiour,  excepté  quatre;  et  quant  aux  robbes,  ilz  avoyent 
promesse  des  baschaz  par  laquelle  espéroyent  les  recouvrer.  Et  sans  la 
indisposition  de  gouttes  qui  tenoyent  le  Grant  Seigneur  et  Lotphi  Bey, 
premier  basclia,  auroyent  désja  avancé  beaucoup  ladicte  négotiacion; 
mais  obstant  ce,  et  la  longue  demeure  de  Janezin,  qui  fut  rencontré  le 
ix°  de  ce  moys  à  Andrinopoly,  laquelle  començoit  jà,  non  seullement 
à  ennuyer,  ains  à  donner  doubte  ausdictz  baschaz,  n'avoyt  rien  peu 
faire  davantaige,   combien  que  le  seigneur  Rincon  et  lesdictz  Mazio 
et  de  Vaulx  ayent  employé  vostre  faveur  et  pouvoir  avecques  leurs  per- 
sonnes pour  les  affaires  de  cez  Seigneurs  tant  généraulx  que  particul- 
liers,  comme  s'ils   feussent  mandez  expressément  pour  ladicte  Sei- 
gneurie. De  quoy  leur  ambassadeur  se  loue  et  contente  si  très  tant 
qu'il  n'est  possible  de  plus,  ainsi   qu'il  escript,  et  dont  cesdicts  Sei- 
gneurs s'en   sentent  tant  attenuz  qu'ils  sont  merveilleusement  plus 
disposez  à  vous  faire  toute  chose  agréable.  Par  quoy  commencent  à  ne 
trouver  si  dure  et  indigestible  la  demande  et  condition  à  eulx  proposée 


38  AMUASSADK    DE  [JUILLET    lolOj 

de  atny  <ie  l'amy  t'I  ennemy  dr  reniiciiiy.  A  ceste  cause,  ainsi  que 
suys  advcrty,  sont  à  la  rcciucste  du  Orant  Soigneur  pour  accordor  ce 
poincl  ail  nom  ol  protlicl  de  V.  M.,  pourveu  tiiu^  par  ce  il/,  ik-  soyent 
contrainclz  à  faire  aullrc  alliance  avecques  le  (iranl  Seigneur  que 
celle  qu'il/,  soulloyenl  avoir  auparavant  la  guerre  avecques  luy,  cest 
d'estre  ses  alliez  et  confédéré/.,  en  sorte  t(nit('sfoys  que  pour  ce  ilz  ne 
soyent  contraincl/.  luy  donner  ayde  contre  aulcuns  clirostiens.  Néan- 
moins ont  mande  à  Spalalro  que  s'il  y  envoyoyl  quelques  unt,'S  pour 
recouvrer  les  cent  mil  ducat/,  chequins  '  ainsi  qu'ils  avoyenl  ordonné 
et  que  vous  ay  jà  escript,  qu'il/,  veissent  de  les  recepvoir,  acuillyr  et 
faire  pins  grant  chère  du  monde,  et  les  entretenyr  jusques  ad  ce  qu'ilz 
en  l'eussent  advertys  et  eussent  receues  et  approuvées  les  cappitula- 
cions;  car  ne  estoyent  résolu/,  aullrement  bailler  plus  argent  que  leurs 
choses  de  ladicte  pai.K  ne  fussent  establyes  etasseurées. 

«  Sire,  cliarchant  ledict  empereur  tous  les  mf)yens  à  luy  possibles 
de  attirer  cez  Seigneurs  à  sa  dévotion,  leur  faict  faire  ordinairement 
des  plus  belles  offres  par  ses  ministres  dont  il  se  peult  adviser; 
comme  son  ambassadeur  %  qui  est  icy  puys  quatre  ou  cinq  jours,  entre 
aultres  a  faict  le  plus  secrettemenl  qu'il  a  peu  à  la  Seigneurie,  offrant 
leur  bailler  Crémone  et  laGiéradade  ainsy  que  vous  ay  escript,  traic- 
tant  de  la  convention  du  prys  et  payement  desdicts  lieux  à  leurs 
meilleures  commoditez  et  partiz.  Toutesfoys,  à  ce  que  puys  entendre, 
cez  Seigneurs  n'y  mettent  pas  grant  foy,  estans  assez  aprins  pour 
le  passé  des  belles  desguyses  desdicts  ministres  tousjours  en  rien 
revenues.  Pareillement  par  lettres  que  cez  Seigneurs  ont  receues  de 
leur  ambassadeur  prez  du  roy  Ferdinando  ',  ont  entendu  que  le 
seigneur  Lasky  s'en  estoyt  party  avecques  Tranquilo  pour  retourner 
en  Conslanlinople  pour  poursuyvre  le  faict  de  leur  Irefve  et  qu'ilz 
se  promettoyent  et  presque  asseuroyent  venyr  à  bout  de  leur  entre- 
prinse. 

«   Sire,    par  lettres  de    Naples   du  .xx"   de  ce    moys,    l'on    entend 

1.  Sequins. 

2.  Diego  llurlado  de  Mendoza,  comte  de  Tendilla.  né  à  Grenade  en  1503,  mort  à 
Madrid  en  ['6T6.  Accrédilo  par  l'empereur  comme  ambassadeur  auprès  de  la  répu- 
blique de  Venise,  en  1538,  il  y  résilia  tout  le  temps  de  l'ambassade  de  Pellicier. 

A  la  fois  homme  de  yucrre,  liistorien,  littérateur  et  poète,  llurtado  do  .Mendoza 
fut  successivement  ciiargé  de  missions  importantes  à  Rome,  puis  au  concile  de 
Trente,  et  gouverna  pendant  si.x  années,  de  Sienne,  la  Toscane  avec  une  extrême 
rigueur.  Son  Histoire  de  la  f/uerrc  contre  les  Muui-es  de  Grenade,  son  fameu.v  roman 
de  Lazarillo  de  Tonnes,  ses  poésies  ont  fait  de  lui  l'une  des  plus  grandes  gloires 
littéraires  de  l'Espagne. 

Rivai  lie  Pellicier,  il  recherchait  avec  une  égale  ardeur  les  livres  et  les  manus- 
crits, et  correspondait  avec  les  savants  les  plus  illustres  de  l'Italie;  Paolo  .Manu/.io 
lui  dédia  la  première  partie  de  la  Philosophie  de  Cicéron  (Venise,  loti).  Sa  belle 
collection  de  manuscrits  grecs  fut  léguée  par  lui  au  roi  d'Espagne  et  fait  aujour- 
d'hui partie  de  la  biiiliothèque  de  l'Escuriai. 

3.  Marino  Giustiniani. 


■"JUII.LKT    1!140]  GUILLAUME    PELLICIER  39 

que  André  et  Janctin  Doria'  ostoyent  partys  de  Sicile  pour  aller 
à  Thuniz,  pour  aultanl  que  il  estoyl  venu  nouvelles  que  deux  cappi- 
laines  d'AUarhes  voysins  dudic!,  Thuniz  s'estoyent  esmeuz  et  mutinez 
et  avoyent  faict  ung  exercite  *  de  soixante  à  septante  mil  Ipommes, 
lesquelz  ayans  intelligence  avecques  le  Grant  Seigneur  sont  entrez 
au  pays  de  Thunis,  duquel  se  sont  faictz  maistres.  Par  quoy,  se 
doubtant  iceulx  Doria,  tant  pour  leur  puyssence  que  pour  le  peu  de 
faveur  et  grâce  que  le  roy  dudict  Thuniz'  a  avecques  ses  subjectz, 
qu'ils  ne  prennent  ladicte  place  et  aultres  terres,  a  cntreprins  faire  le- 
dict  voyage.  Et  encores  par  aultres  lettres  de  Naples  d'aulcuns  parti- 
culliers  s'entend  pour  tout  certain  que  le  vice-roy  de  Naples  *  a  faict 
publyer  et  cryer  que  quelconque  personne  qui  vouldra  achepter 
dommaine,  routes,  places,  seignoryes  et  aultres  biens  deppendens  du- 
dict royaulme  et  de  Sicile  se  retirent  vers  luy,  car  il  a  toute  ample  et 
suffisente  puyssence  pour  les  deslivrer  à  priz  raisonnable;  et  par  ce 
que  l'on  peult  entendre  l'empereur  cherche  de  faire  par  tous  moyens 
le  plus  grant  amas  d'argent  qu'il  peult.  » 

Vol.  2,  f"  19,  copie  du  xvi°  siècle;  2  pp.  3/4  in-f».  —  B.  X.,  ms.  Dupuy  264, 
f"  t-JO,  original  signé;  3  pp.  in-fo. 

PELLICIER   AT-   CONNÉTABLE. 

20.  —  [Venise],  3  J  juillet  1540.  —  Pellicier  rappelle  les  nouvelles 
contenues  dans  sa  dépêche  au  roi,  que  la  Seigneurie  a  reçues  le  20  de 
ce  mois  de  Fedeli,  son  «  secrétaire  »  à  Milan. 

...«  Monseigneur,  j'estime  que  mieulx  sçavez  la  coustume  des  ambas- 
sadeurs de  cez  Seigneurs  venans  de  leur  commission  estre  que  inconti- 
nant  eulx  arrivez  icy  s'en  vont  au  sénat  faire  récit  du  progrès  et  succez 
de  toute  leur  négociation.  Ainsi  continuant  a  faict  dernièrement  messire 
Petro  Monsenigo  ^  naguières  ambassadeur  ordinaire  vers  l'empereur, 

1.  Gianncltino  Doria,  fiLs  de  Tommaso  Doria,  cousin  d'Andréa  Doria  qui,  n'ayant 
point  d'enfants,  l'adopta  et  lui  confia  le  commandement  de  vingt  galères  de  sa  flotte. 
Giannettino  Doria  se  signala  notamment,  en  liiiO,  par  la  jirise  du  corsaire  Dragut, 
ou  mieux  Torglioud,  qu'il  rencontra  sur  les  côtes  de  Corse,  et  pour  lequel  Kheïr- 
cd-Din  ilut  payer  une  rançon  royale  de  3000  écus.  11  périt  à  Gênes,  en  1547,  pendant 
les  troubles  qui  suivirent  la  conjuration  de  Fieschi. 

2.  Troupes  de  terre,  par  opposition  à  Varméi;  ou  troupes  de  mer. 

3.  Muley-llassen,  de  la  dynastie  hafside,  avait  succédé  à  son  père.Muley-Mohammed 
en  1526;  chassé  de  Tunis  en  août  1534  par  les  forces  de  Kheïr-ed-Din,  rétabli  en 
juillet  l."i3."  par  Charles-tjuint,  il  fut  dépossédé  par  son  fds  Ahmed-Sullan  en  1542 
(V.  Ernest  Mercier,  Histoire  de  l'Afrique  septentrionale,  depuis  les  temps  les  plus 
reculés  jusqu'à  la  conquête  française  (1830);  Paris,  Leroux,  1888-1891,  3  vol.in-8",  t.  III). 

4.  Pedro-Alvarez  île  Toledo,  marquis  de  Villafranca,  vice-roi  de  Naples  de  1532  à 
1552,  date  de  sa  mort. 

5.  Pietro  Morenigo,  ambassadeur  de  Venise  auprès  ilc  l'empereur  de  1538  a  1540. 
Les  Moncenighi,  dit  une  très  ancienne  chronique  vénitienne  citée  par  Molmenti, 
s'étaient  distingués  de  tout  temps  par  leur  faste  et  le  nombre  de  leur  domestique. 


40  AMBASSADE    DE  [juiLI.ET    lo40] 

lequel,  après  avoir  Ijion  déclairé  le  IduI  par  le  menu,  en  somme  par 
conclusion  est  venu  aux  derniers  propo/.  que  luy  tint  l'empereur  pre- 
nant son  congé,  qui  ne  sont  toutesfois  que  répélicionsde  ceulx  que  luy 
avoyl  lenuz  auparavant  touchant  la  paix  qu'ils  avoyent  faicte  avecques 
le  Grant  Seigneur.  De  laquelle  pour  estre  à  leur  si  granl  désadvanlage 
se  condolloyt  fort,  comme  ay  jà  escript,  mesmement  qu'il  ayt  faillu 
que  par  nécessité  quilz  ont  eue  il/,  ayent  esté  contrainctz  à  ce  faire; 
dont  de  sa  part  ne  se  voulioyt  du  tout  excuser  s'il  ne  leur  avoyt  esté 
donné  ayde  et  secours  en  leur  très  grant  besoing  et  indigence  de 
vivres  et  aultres  choses,  mais  bien  leur  faire  entendre  qu'il  n'avoyt 
tins  au  bon  voulloir  et  amytié  qu'il  leur  porte,  voyre  si  très  grant  qu'il 
n'est  possible  de  plus,  ains  à  plusieurs  troubles  et  empeschemens  qu'il 
aeuz  ou  par  adventure  à  sa  disgralia.  Nonobstant  que  pour  cella,  et 
quelque  paix  qu'ilz  eussent  faicte,  il  se  promettoyt  et  fyoit  tant  d'eulx 
qu'ilz  ne  larroyent  à  mainctenyr  et  garder  les  cappitulations  faictes 
ensemble.  Et  mesmement  sur  la  deffension  de  la  duché  de  Millan,  s'il 
en  est  besoing.  Et  davantaige  que  quant  adviendroyt  que  le  Turcq 
vouldroyt  assaillyr  la  chrestienlé,  il  estimoyt  tant  de  leur  bonne  foy 
qu'ilz  se  démonstreroyent  par  effectz  trop  plus  tost  chrestiens  que 
turcqz,  les  asseurant  que  à  tout  jamais  il  leur  sera  vray  etparfaict  amy, 
et  qu'il  a  plus  de  foy  à  eulx  que  à  nulz  aultres  princes  quelz  qu'ilz 
soyent.  Or,  aprez  avoir  icelluy  ambassadeur  dict  tout  ce  que  dessus, 
pour  conclusion  a  dict  à  cez  Seigneurs  que,  de  tout  temps  qu'il  a  esté 
auprez  dudict  empereur,  il  a  tousjoursusé  de  propoz  etfaict  démons- 
Iracion  de  leur  porter  bonne  amytié,  se  offrant  leur  faire  tous  les  plai- 
syrs  à  luy  possibles;  mais  quant  audict  ambassadeur,  que  nonobstant 
quelques  offres  qu'il  feist,  il  n'estoyt  point  d'adviz  que  jamais  de  luy 
se  peussent  valloir  d'un  seul  denier,  ne  moings  de  gens  de  guerre  ne 
aullre  ayde,  si  ce  n'estoyt  à  son  grant  advantaige,  comme  d'entretenyr 
sesdictz  gens  ce  pendant  qu'il  n'en  auroyt  que  faire.  Et  quant  est  venu 
sur  le  poinct  de  la  quallilé  et  confiance  que  ledict  empereur  avoyt  au 
Pape,  ({uelque  alliance  et  parenté  qu'ilz  ayent  ensemble,  que  ledict 
empereur  ne  s'en  fye  pas  beaucoup,  et  ne  s'attend  de  s'en  valloir 
guyères  au  besoing. 

«  Monseigneur,  je  ne  veulx  oblyer  à  vous  dire  comme  le  lendemain 
que  le  seigneur  Vincenzo  Grimani  fut  arrivé  icy,  fust  faire  son  rapport 
du  faict  de  sa  charge  au  conseil  de  Diexe  seullement,  qui  a  esté  tenu 
jusques  à  présent  si  secret  que  je  n'en  ai  encores  rien  sceu  entendre 
aultre  chose.  Et,  pour  ce  que  le  jour  d'aprez  tomba  mallade  d'une 
fiebvre  qui  le  tient  encores,  n'en  a  faict  sondicl  rapport  au  pregay.  Et, 
à  ce  que  j'ay  entendu,  il  se  loua  merveilleusement  des  bienfaictz  qu'il 
a  receuz  de  S.  M.  et  de  vous,  et  du  bon  traictement  qu'il  a  eu  par  toute 
la  France,  qui  luy  a  esté  tant  gryef  à  laisser  que  ung  chascun  estime 
que  cella  a  esté  cause  de  sa  malladye,  pour  le  changement  de  vivres 


[août    1540]  GUILLAUME    PELLICIER  41 

qu'il  y  a  en  France  au  prys  d'icy,  mesmement  des  bons  vins  qu'il  a 
lenuz  tant  chers,  que  il  n'en  a  poinct  beu  d'aultres  que  de  celJuy  de 
S.  M.  qu'il  a  faict  durer  jusques  à  Bresse'.  Monsieur  l'ambassadeur, 
qui  venoyt  devers  l'empereur  -,  ayant  aussi  commencé  à  gousler  cez 
bons  vins  là,  incontinent  qu'il  a  esté  icy,  est  tombé  mallade.  Mais  que 
ledict  seigneur  Grimanisoyt  retourné  en  convallescence,  j'estime  qu'il 
ira  à  la  Seigneurie  pour  achever  de  faire  sondict  rapport.  Et  tins-je 
mettre  peyne  entendre  particuUièrement  quel  il  sera,  et  s'il  y  aura 
chose  digne  de  vous  faire  sçavoir,  je  ne  faudray  incontinent  vous  en 
advertyr.  » 

Vol.  2,  i"  20  V",  copie  du  xvi'^  siècle;  2  pp.  1/1  in-f". 

PELLICIER   AU   ROI. 

21.  —  [Fenise],  /"  aoiU  1540.  —  ((  Sire,  tout  à  ceste  heure,  aprez 
avoir  faicte  et  close  la  présente  dépesche,  j'ay  esté  adverty  que  depuys 
cinq  ou  six  jours  cez  Seigneurs  avoyent  receu  lettres  de  leur  ambassa- 
deur qui  est  vers  le  roy  Ferdinando,  par  lesquelles  les  adverlissoyt  en 
chiffre  que  il  avoyt  entendu  de  bien  bon  lieu  que,  loutesfoys  et  quantes 
que  Y.  M.  se  vouldroyt  mouvoir  pour  entrer  en  Lombardye,  l'empereur 
s'estoyt  asseuré  de  telles  intelligences  et  traites  dedans  deux  de  vos 
villes  fortes  en  vostre  royaulme  qu'il  les  tenoyt  comme  s'il  les  avoyt  en 
sa  main  propre;  de  sorte  que  quant  il  luy  plairoyt  en  pourroyl  faire  à 
gré.  C'est  Hesdin  et  Marseille,  desquelles  advenant  le  cas  estoyt  bien 
deslibéré  s'en  saisyr;  dont,  me  semblant  ceste  nouvelle  estre  de  si  grant 
importance,  j'ay  bien  voullu  différer  madicte  dépesche,  pour  m'en 
enquérir  encore  plus  amplement,  jusques  aujourd'huy  que  ay  faict 
toute  dilligence  par  tous  les  moyens  que  me  suys  peu  adviser,  pour 
sçavoir  s'il  estoyt  ainsi.  Mais  en  conformité  j'ay  entendu  qu'il  estcer 
tain  que  ledict  ambassadeur  l'a  escript;  et  davantaige  qu'il  y  avoyt 
ung  nommé  Thomas  à  la  court  dudict  empereur  lequel  aussi,  advenant 
le  cas  de  ladicte  entreprise  d'entrer  en  Lombardye,  ne  fauldroyt  en 
contrechange  faire  semblable  entreprinse  sur  la  Myrandola.  Et  estoyt 
bien  deslibéré  que  s'il  y  entroyt  il  la  mettroyt  en  tel  estât  que  pour 
l'advenyr  on  pourroyt  dire  d'elle  aussi  bien  que  de  la  Concorde  :  hic 
emt;  qui  sont  les  parolles  propres  par  lesquelles  voulloyt  entendre 
qu'il  la  raseroyt.  Je  ne  puys  pencer  que  cedict  Thomas^  soyt  aultre 

1.  Brescia.  —  Les  ambassadeurs  vénitiens  s'accordent  dans  leurs  relations  à  louer 
le  vin  de  France,  qu'ils  qualifient  volontiers  de  bonissimo  (Andréa  Navagero,  1528). 
Ils  le  trouvent  moins  fort,  mais  plus  délicat  que  ceux  d'Espagne  et  de  Candie,  et 
aussi  plus  cher  (iVIarino  Cavalli,  1546). 

2.  Pietro  Mocenigo. 

3.  Giovanni-Tommaso,  second  fils  de  Giovanni-Francesco  Pico.  seigneur  de  la 
Mirandola,  échappé  au  massacre  de  son  père  et  de  son  frère  aîné  Alberto,  lors  de 
l'usurpation  de  la  principauté  par  son  cousin  Galeotto  Pico,  en  1533. 


42  AMIIASSADE    DE  AOUT    l^VO 

que  lo  lilz  du  l'eu  scij^ueur  Jcliuii  l-raucesco  Piclio,  jadis  uccupalcur 
de  la  Myrandola,  lequel  y  lut  lue.  J'ai  entendu  souvent  que  ledict 
Thomas  la  inenasseoyl,  se  conllanl  beaucoup  de  la  faveur  de  l'empereur, 
auijuel  est  j^randement  serviteur. 

«  Kl  sur  ce  dernier  article  chairchanl  d'entendre  plus  au  vraytoul  ce 
que  dessus,  j'ay  eslé  adverty  que  le  secrétaire  Kidel  puys  na^uères 
avoyt  escriiit  à  ce/.  Seigneurs  que  le  marquis  du  (îuast  estoyt  depuys 
queltiue  Icmps  âpre/  pour  essayer  de  desrohber  ladicle  place  par 
force  ou  trahison.  Je  n'ay  lailly  d'en  advertyr  le  secrétaire  du  seigneur 
conte  de  la  Myrandola  qui  est  en  ceste  ville,  pour  le  faire  sçavoir  à  son 
maislre  auquel  pareillement  j'en  ay  escript  se  tenyr  sur  ses  gardes. 

«  Sire,  vous  entendez  trop  mieulx  que  les  ambassadeurs  de  cez  Sei- 
gneurs ne  faillenl  oi-dinairement  à  escripre  entièrement  tout  ce  qu'il/ 
peulvent  apprendre  de  là  où  il/  sont,  avecques  telle  foy  et  religion, 
qu'il  leur  scmbleroyl  adviz  faire  grandement  contre  leur  conscience  de 
rien  receller  à  leur  faire  sçavoir;  par  quoy  V.  M.  pourra  trop  mieulx 
juger  (luellc  foy  et  eilicace  fault  adjouster  à  cest  advcrlissement  (jue 
dessus.  Car,  par  adventure,  luy  pourroyt  avoir  esté  baillé  d'aulcuns 
Impériaulx  pirartet  à  poste,  estansasseurez  qu'il  ne  fauldroyt  le  faire 
entendre  à  cez  Seigneurs.  Et  ce  aflin  que,  iceulx  Seigneurs  voyans  les 
merveilleux  moyens  et  grands  machinations  que  ils  ontde  nuyreàleurs 
ennemys,  cesdicts  Seigneurs  eussent  doubte  et  crainte  de  rien  changer 
contre  culx  et  se  tinssent  coy  '.  » 

Vol.  2.  f"  22,  copie  du  xvi°  siècle;  1  p.  la  1». 


l'ELLIClER   A    M.    DE   LANGE V. 

22.  —  [Wm'se],  2  août  1540. —  «  Monseigneur,  depuys  les  miennes 
dernières  du  xxiiii"  du  passé  que  vous  ay  escriptes,  j'ay  receu  les 
vostres  du  xx-,  ensemble  ung  pacquet  du  roy,  suyvant  lesquelles  je  ne 
faillys  le  lendemain  envoyer  vers  le  seigneur  Grimani  pour  luy  départyr 
nouvelles  que  me  laides  sçavoir  par  vostredicte  lettre;  et  aussi  pour 
luy  bailler  la  semence  de  coucourdes*  que  luy  envoyez.  Mais  à  cause 
d'une  (iebvre  ([ui  leprint  ung  jour  ou  deux  aprez  qu'il  fut  arrivé  icy, 
n'a  esté  possible  povoir  parler  à  luy.  » 

Pellicier  annonce  qu'il  a  reçu  les  lettres  de  Rincon  du  6  juillet,  et 
reproduit  les  diverses  nouvelles  contenues  dans  les  lettres  au  roi  et  au 
connétable. 

1.  Le  nis.  Dupuy  :2iJi  de  l.i  l$il)l.  nat.,  T'  117  cl  118,  renferme  une  expéililion,  cliif- 
frée  en  grande  [larlie  et  signée,  de  cette  dépêche  (4  pp.  in-f°),  mais  qui  n'est  cepen- 
dant pas  la  rédaction  définilive  envoyée  à  la  cour,  car  elle  comporte  des  erreurs  et 
des  ratures. 

2.  Coucounle  ou  cougourde.  du  latin  cuciirbita,  variété  de  courge. 


'agit    1;)40  GUILLAUME    PELLICIER  43 

«  ...Monseigneur,  j'ontondz  que  entre  aultreshons  propoz  généraulx 
que  le  roy  a  tins  dernièrement  à  M.  l'ambassadeur  de  cez  Seigneurs,  il 
s'est  mieulx  et  plus  ouvertement  déclairé,et  comme  ilz  disent  s'est  laissé 
entendre  qu'il  ne  avoyt  faict  par  cy  devant.  Et  semblablement  cez  Sei- 
gneurs lui  avoyent  très  bien  faict  entendre  le  bon  vouUoir  qu'ilz  luy  por- 
tent; dont  j'espère  que  par  cy  aprez  en  nostre  négociation  pourra 
advenyr  quelques  meilleurs  afTaires,  si  Dieuplaist.  Je  ne  veulx  oblyer  à 
vous  dire  que  vous  faictes  très  bien  de  vous  tenyr  survoz  gardes;  car, 
oultreceque  vous  sçavez  trop  mieulx  quelle  foyet  asseurancel'ondoibt 
avoir  à  telz  voysins,  je  vous  puysdire  que  je  suys  adverty  que  non  seul- 
lement  ez  lieulx  de  vostre  charge,  mais  à  aultres  qui  ne  sont  en  telle 
question  et  qualité,  ne  faillent  journellement  à  machiner  s'ilz  par  force 
ou  trahison  en  pourroyent  surprendre  quelqu'une.  » 

Vol.  2.  f"2l  v",  copie  du  xvi"  siècle;  2/3  p.  iii-f". 

PELLICIER   A    M.    DE  RODEZ. 

23.  —  [Venise]^  5  août  1 540.  —  «  Monsieur,  pour  respondre  aux 
vostres  que  ay  receues  du  dernier  du  passé,  je  vous  diray,  quant  à  ce 
point  que  m'escripviez  touchant  Testât  et  disposition  en  quoy  nous 
sommes  de  présent  avecques  cez  Seigneurs,  qu'il  me  sem.ble,  de  ce  que 
puys  congnoistre',  qu'ils  sont  aultant  affectionnez  et  dévotz  à  S.  M.  ([ue 
à  l'adventure  feurent  de  long  temps,  se  tenant  grandement  tenuz  et 
obligez  audict  Seigneur  des  bons  plaisyrs  qu'ilz  ontreceuz  et  reçoyvent 
journellement  de  luy  et  ses  ministres.  Mesmement  au  faict  de  leur  paix 
avecques  le  Grant  Seigneur,  lequel  puys  naguères  a  libérez  tous  les 
gentilzhommes  véniciens  qui  estoyent  en  la  tour  de  mer  Maior.  Et 
quant  aux  marchandises,  ilz  avoyent  promesse  des  baschaz  par  laquelle 
ils  espèrent  les  recouvrer.  Et  sans  l'indisposition  de  gouttes  qui 
tenoyent  le  Grant  Seigneur  et  Lotphi  Bey,  premier  bascha,  auroyent 
desjà  beaulcoup  avancé  ladite  négociation,  en  laquelle  le  seigneur 
Rincon  a  employé  la  faveur  et  pouvoir  du  roy  comme  s'il  estoyt  là  mandé 
expressément  pour  ceste  Seigneurie,  sçaichant  e*,  congnoissant  estre 
tel  le  vouloir  de  S.  M.  De  quoy  leur  ambassadeur  qui  est  à  Cons- 
tantinople  se  loue  et  contente  si  très  tant  qu'il  n'est  possible  de  plus, 
ainsi  qu'il  a  escript  par  deçà;  qui  fait  augmenter  de  plus  en  plus  le 
couraige  à  cez  Seigneurs  de  chaircher  faire  toutes  choses  agréables 
au  roy,  ce  qu'ils  fairont  à  mon  adviz  toutes  foys  et  quantes  que  l'occa- 
sion s'y  adonnera.  Et  d'aultre  cousté,  ainsy  que  m'escript  ledict  sei- 
gneur Rincon,  les  affaires  de  nostre  maistre  sont  en  très  bon  termes 
du  cousté  de  delà;  lequel,  par  sa  dernière  lettre  du  vi«  juillet,  ne  m'escript 
aultre  sinon  que  dedans  cinq  ou  six  jours  de  là  debvoyt  dépescher  M.  de 
Vaulx,  duquel  vous  ay  escript,  pour  s'en  revenir  par  deçà  avecques 


44  AMIJASSADE    DE  AOIT    1540] 

t'iiliîTt>  salisfacion  et  conlenleiniMil  tic  ce  pourfjuoy  S.  M.  lavoyl 
inamk';  me  remeltanl  h.  sa  venue  à  me  dire  i»liis  ain[»lemenl  des  nou- 
velles de  ce  cousté-Ui. 

«  ...  Et  cependant  vous  diray  que  cez  Seigneurs  ont  bien  entendu 
quelques  nouvelles  de  ce  que  m'escripvez  touchant  (jue  ceulxde  Napoli 
de  Romanye  '  ont  levé  eu  la  ville  les  enseignes  de  l'empereur  et  faict 
entendre  ([u'ils  ne  rece|)vront  le  Grant  Seigneur  pour  maistre.  Mais  je 
suis  l)ien  de  leur  ()i)pinion  et  vostre  qui  les  tiennent  pour  con- 
Irouvées  à.  rarcouslumoe  de  ces  trahisons;  car,  s'il  en  estoyt  quelque 
chose,  Ion  peullhien  croyre  qu'ilz  en  devroyenteslre  advertiz  des  pre- 
miers, comme  chose  qui  leur  touche  de  plus  pre/. 

«...  Monsieur,  je  vous  diray  aussy  que  cez  Seigneurs  ont  entendu  d'un 
personnaige  qui  a  été  aux  lieux  pour  le  devoir  bien  sçavoir  que  l'empe- 
reur, non  obstant  ({uelque  parenté  qu'il  ayt  avecques  Nostre  Sainct  Père, 
ne  se  fye  pas  beaulcoup  de  luy  ne  se  attend  de  s'en  valloir  guères  au 
besoing.  Toutcsfoys,  ainsy  que  j'ay  entendu,  le  général  desObservantins 
qui  est  espaignol-  a  esté  icy,  qui  a  dict  avoir  lettres  dudict  empereur, 
adressantes  à  Sa  Sainteté.  Lequel  ce  jourd'huy  matin  debvoyt  partyr  de 
ceste  ville  pour  les  luy  aller  présenter  et  s'est  laissé  entendre  que, 
mais  que  Sadicte  Sainteté  les  eust  vues  et  entendu  ce  qu'il  avoyt  à  luy 
dire  de  la  part  dudict  empereur,  l'on  se  pouvoyt  asseurer  qu'il  feroyt 
de  sorte  que  Sadicte  Sainteté  auroyt  aussy  à  cueur  et  protection  les 
affaires  dudict  empereur  que  les  siennes  propres,  nonobstant  quelque 
mariage  que  l'on  pourchassast  en  France  :  lequel  il  estoyt  aprez  pour 
essayer  d'empescher  de  tout  son  pouvoir  '.  De  quoy  vous  ay  bien  voullu 
advertyr,  plus  pour  vous  en  donner  adviz  de  bonne  heure  que  pour 
chose  que  j'estime  du  tout  vraye;  car  sçavez  combien  il  se  fault  du  tout 
attendre  à  ce  que  sort  de  tels  chappej'ons,  mesmement  en  choses  cC estât ^  les- 
quelz  comme  ne  leur  appartenant  ne  s'en  doibvent  mesler  pour  n'estre 
de  leur  gibier.  Dont  vous  plaira  en  prandre  ce  que  verrez  faire  pour 
vous.  » 


Vol.  2,  î°  22  yo,  copie  du  xvi°  siècle;  2  pp.  in-f°. 


1.  Naiiplici  ou  Napoli  <le  Romanie,  ville  de  Morée  située  sur  une  langue  de  terre 
au  fond  du  polfc  de  ce  nom  (anciennement  d'Argos),  —  par  ojiposilion  à  Moneni- 
basie  ou  Nai)oli  de  Malvoisie,  autre  ville  de  Morée,  sur  la  côte  orientale,  dont  il  a 
été  question  jilus  haut. 

2.  Vicentc  Liinello  [Lunellus),  originaire  d'Espagne,  fut  général  de  l'ordre  des 
Frères  Mineurs  de  l'étroite  observance,  de  1536  à  1541.  Il  traversa  effectivement 
Venise  en  revenant  d'Alii'magnc  oii  Paul  III  l'avait  envoyé  pour  négocier  avec  l'Em- 
pereur. Ce  personnage,  qui  Jnuissait  réellement  d'un  grand  créilit  auprès  de  Charles- 
Quint,  fut  chargé  par  lui,  à  l'expiration  de  son  généralat,  de  plusieurs  missions 
importantes.  On  lui  confia  le  soin,  en  Ili40,  de  réprimer  des  troubles  qui  avaient 
éclaté  dans  la  province  de  Murcie,  cl  il  fut  délégué  comme  théologien  au  concile 
de  Trente. 

3.  11  s'agissait  du  projet  de  mariage,  caressé  par  le  pape,  entre  Villoria  Farnese, 
sa  petite-fille,  et  le  comte  d'Aumale. 


[août    1540J  GUILLAUME    PELLICIER  43 

PELLICIER   A  RINCON  '. 

24.  —  [Venise],  14  août  i  540.  —  Pellicier  attend  de  jour  en  jour 
la  venue  de  M,  de  Vaux,  dont  il  a  annoncé  au  roi  le  retour  prochain. 
Il  a  reçu  de  la  cour  deux  paquets,  en  date  des  22  et  2G  juillet,  dans 
lesquels  S.  M.  se  plaint  de  la  perte  des  dépèches  de  Rincon  des  10 
et  15  mai  et  prescrit  de  nouvelles  recherches. 

Le  roi  et  le  connétable  chargent  encore  Pellicier  d'entretenir  le 
mieux  qu'il  pourra  les  bonnes  relations  avec  la  république  de  Venise, 
et  de  faire  savoir  à  quiconque  l'en  interrogerait  la  singulière  affection 
que  le  prince  a  toujours  eue  et  porte  à  cette  Seigneurie...  «  Si  elle  avoyt 
voullenté  entrer  en  ligue  avecques  luy,  il  y  entendroyt  très  voullen- 
tiers,  avecques  telles  et  si  bonnes  condicions  que  ce  seroyt  le  commun 
bien,  prothct  et  utillité  de  cez  Seigneurs  et  de  luy.  Sur  quoy  vous 
povez  trop  mieulx  comprendre  le  voulloir  de  S.  M.  que  ne  vous  sçau- 
roys  escripre.  Bien  vous  diray  que  les  ministres  de  l'empereur,  à  l'ac- 
coustumée,  ne  cessent  ordinairement  de  leur  user  des  plus  belles 
parolles  qu'ilz  peuvent  pour  empescher  tousjo'frs  à  leur  povoir  qu'ilz 
ne  se  condescendent  à  ce  poinct.  Et  mesmes  à  la  court  de  l'empereur 
et  du  roy  Ferdinando  l'on  ne  cesse  de  mettre  chacun  jour  nouveaulx 
propoz  braves  et  espoventables  en  avant,  afiin  qu'ilz  viennent  aux 
oreilles  des  ambassadeurs  de  cez  Seigneurs  qui  sont  là,  qui  ne  faillent 
à  les  recepvoir  en  tout  leur  efficace  et  les  leur  faire  entendre;  dont, 
comme  j'ay  esté  averty,  journellement  ilz  escripvent  à  cez  Seigneurs, 
les  supplyant  plus  que  Dieu  qu'ilz  ne  se  vueillent  changer  ne  mouvoir 
aulcunement,  ains  se  tiennent  fermes  et  constans  en  attendant  à  veoir 
comme  les  choses  de  ce  monde  passeront.  Toutesfoys  j'ay  entendu 
d'aultre  cousté  que  il  a  esté  tenu  propoz,  en  une  maison  de  ceste  ville 
où  l'on  les  peult  mieulx  sçavoir  que  en  nulle  aultre,  comme  le  seigneur 
Lasky  et  Tranquilo  n'estoyent  point  tant  allez  à  Constantinople  pour 
obtenyr  la  trefve  pour  l'empereur  et  le  roy  Ferdinando,  que  pour 
empescher  la  paix  de  cez  Seigneurs,  offrant  au  Grant  Seigneur  que 
toutesfoys  et  quantes  qu'il  vouldroyt  entreprendre  contre  eulx,  qu'il 
luy  bailleroyt  vivres  et  passaige  par  le  Friol  ^  et  ailleurs,  et  que  il  y 
pourroyt  faire  trop  meilleur  acquest  que  contre  nul  aultre  prince  de  la 
chrestienté.  Qui  est  bien  le  contraire  de  ce  que  vous  ay  escript  par 
madicte  dernière  lettre  touchant  l'offre  et  promesse  dudict  Tranquilo 
à  l'ambassadeur  de  cez  Seigneurs  vers  ledict  roy  Ferdinando,  don- 
nant à  entendre  audict  Grant  Seigneur  que,  ayant  promys  et  asseuré 

1.  «  E?cript  cedit  jovir  à  M.  l'arcevesque  de  Ragiize,  auquel  fut  envoyé  le  pacquct 
expressémoul  pour  Constantinople,  et  suyvant  la  lettre  de  monseigneur  le  conues- 
table,  touchant  les  mil  escuz,  et  de  la  diligence  que  en  a  faicte  Mgr.  » 

2.  Frioul. 


46  AMHASSADK    ItE  [aOI  T    1540] 

ladic'to  Irefvo  pour  cinq  ans,  en  faveur  el  contemplacion  de  S.  M.,  ce 
luy  seroyt  faicl  injure  de  vuulloir  muinclenant  aller  au  contraire  el  de 
quoy  il  se  vouldroyt  rescenlyr,  attendu  niesmement  que  ledict  empe- 
reur el  luy  sonl  pour  cortainenienl  faire  de  brief  une  bonne  et  vraye 
paix  ensemble  à  tout. jamais.  VA  au  rej^ard  de  ce/.  Seigneurs  pour  leur 
inconstance  el  variacion  qu  ilz  ont  ordinairement  use/  envers  tous 
ceulx  ijuil/  ont  eu  alVaire,  il  n'y  auroyl  prince  en  la  cbrélienlé  qui  se 
voulsist  mesler  d'eux;  el  par  ainsi  ledict  Grant  Seigneur  pourroyl 
eslre  asseuré  d<'  n'avoir  aulcun  empeschement  venant  contre  iceulx. 
De  quoy  de  tout  vous  ay  bien  vouUu  adverlyr,  alïin  que  vous  qui  estes 
sur  les  lieux  où  lelle  farce  se  doibt  jouer,  me  vueillez  donner  advi/. 
quelle  grâce  y  aur(mt  les  personnaigos.  Monseigneur  le  conncstable 
m'escripl  aussi  que  le  roy  a  faict  don  à  M.  l'arcevesque  de  Raguse  de 
mil  escu/  en  attendant  qu'il  luy  ayt  faict  quelque  bien  en  l'Esglise;  les- 
quel/  M.  de  Vaux,  aullrement  le  seigneur  Jehan  Joachim,  a  charge  de 
fournyr.  Je  suys  aprez  pour  le  solliciter  de  ce  faire,  suyvant  ce  que 
m'en  a  escript  monseigneur  le  conncstable,  lequel  me  faict  aussy 
entendre  comme  la  dyette  de  Haguenaou  s'en  alloyt  dissolue  et  en 
fumée.  Vray  est  qu'elle  en  pourroyl  amener  de  brief  une  aullre,  ainsi 
que  luy  avoyt  faict  sçavoir  M.  de  Bayf  '  estant  par  delà  pour  le  roy, 
duquel  vous  envoyé  ung  double  de  lettre  qu'il  a  escripte  à  M.  de  Boys 
Rigault,  el  ung  aullre  en  latin  dung  bon  serviteur  du  roy;  par  les- 
quelz  doubles  pourrez  plus  amplement  entendre  tout  le  progrez  de  la- 
dicle  diette.  Et  davantaige  m'escripl  mondicl  seigneur  le  conncstable 
que  le  roy  d'Angleterre  avoyt  répudié  la  seur  du  duc  de  Clèves,  qu'il 
avoyt  dernièrement  espousée  -,  soubz  coulleur  de  ce  qu'il  dicl  avoir 
auparavant  promys  et  consommé  le  mariaige  avecques  une  genlilfemme 
de  son  royaulme  ^.  El  a  esté  ladicte  répudiacion  quasi  aussitost  faicte 
que  lenvye  luy  en  est  venue.  Et  M.  de  Langey  m'escripl  que  ledict  roy 
d'Angleterre  a  faicl  déclarer  en  son  royaulme  toutes  les  oppinions  de 
Martin  Luther  héréticques  el  contraires  à  l'Evangille,  excepté  quant  à 
l'obéyssance  du  pape  et  de  l'Esglise  rommaine. 

i.  L.i/are  «li-  Bayf  ou  lînïf.  iliplomale.  érmlil.  |)oète,  fils  de  Jean,  seigneur  <le  Bayf 
en  Anjou,  cl  dé  Marguerite  Cliastcigner  (!<■  la  Borlie-Posay  ;  né  vers  ll'JG  au  chàleau 
des  Pins,  près  de  la  Flèche,  mort  vers  154".  il  avait  étudié  le  grec  à  Rome  sous  le 
candiote  Musurus,  et  h  son  retour  en  France  fut  envoyé  par  François  V  comme 
ambassadeurà  Venise,  du  25  juin  1520  au  1  mars  l">Xi;  ])uis  en  .VUeuiagne,  du  16  mai 
au  li  août  1510  (B.  N.,  ms.  Clairambaull  1215.  f"  07  et  suiv.).  Une  grande  partie  de 
sa  correspondance  diplomatique  est  conservée  à  la  Bibl.  Nat.  (V.  Hauréau,  Histoire 
Ultéraire  du  Maine,  Paris,  Dumoulin,  1S"()-18"7,  l(i  vol.  in-12,  t.  I,  p.  243  et  suiv.). 

2.  Anne,  seconde  fille  du  duc  Jean  111  de  Clèves  et  de  Marie  île  Juliers,  née  le 
22  septembre  1515,  morte  le  10  juillet  155".  Henri  Vlll  l'avait  épousée  en  quatrièmes 
noces,  par  contrat  du  24  septembre  153U,  signé  à  Windsor,  sur  la  foi  d'un  portrait 
exécuté  par  Ilolbein,  son  peintre  ordinaire.  Le  'J  juillet  1510.  h  l'instigation  du  roi, 
le  mariage  fut  déclaré  nul,  en  vertu  d'un  acte  du  Parleun-nl,  comme  n'ayant  jamais 
été  consommé. 

3.  Catherine  Howard,  nièce  du  iluc  de  Norfolk. 


[août    liiiOj  GUILI-AUME    PELLICIER  47 

«  Monsieur,  encores  que  par  deux  adviz  que  j'ay  euz  de  Romme  d'aul- 
cuns  miens  amys  particullicrs,  le  double  desquelz  vous  envoyé  présen- 
tement, vous  pourrez  entendre  nouvelles  de  plusieurs  endroietz,  —  ce 
néanlmoins  nay  v.oullu  obmctlre  vous  l'aire  sçavoir  ce  que  M.  de  Rhod- 
dez  ma  escript  de  ce  cousté  là,  par  deux  lettres  que  ay  receues  de 
luy.  Ktpar  la  première  du  dernier  du  passé  me  donne  adviz  que  le  pape 
se  relreuve  pour  l'heure  présente  aussy  bien  et  mieulx.  disposé  envers 
le  roy  qu'il  fut  jamais,  comme  le  tesmoignera,  s'il  plaist  à  Dieu,  le 
mariage  de  Madame  Victoria,  sa  niepce  *,  avec  M.  le  comte  d'Aumalle  -, 
filz  de  M.  de  Guyse  ^,  —  dont  la  résolucion  estoyt  desjà  prinse  quant 
aux  personnes,  et  ne  restoyt  que  venir  aux  condictions  et  particulla- 
rilez;  et  qu'il  avoyt  entendu  de  bien  bon  lieu  qu'il  y  avoyt  tout  plain 
de  princes  d'Allemaigne  qui  cbairchoyent  l'alliance  du  roy,  et  que 
desjà  le  frère  du  conte  Palatin  avoyt  esté  retiré  au  service  dudict  sei- 
gneur, et  promys  fournyr  vingt  enseignes  de  bons  lansquenetz,  toutes 
et  quantes  foys  que  on  en  auroyt  affaire.  Et  oultre  m'escript  avoir 
entendu  par  lettres  de  Napples,  du  xxiiiF  juillet,  que  les  Alarbes,  qui 
debvoyent  venyr  à  Thunys  contre  le  roy  de  là,  n'estoyent  encores 
compareuz,  mais  bien  faisoyent-ils  grandes  préparacions.  Et  par  son 
aultre  lettre  du  vf  de  ce  moys  me  faict  sçavoir  comme  il  avoyt  receu 
lettres  de  la  reyne  de  Navarre  du  xv^  dudict  moys  de  juillet,  ladvertis- 
sant  qu'il  y  avoyt  eu  desjà  propos  de  mariaige  de  sa  lille  ^  avecques  le 
duc  de  Clèves,  et  que  icelluy  duc  avoyt  envoyé  pour  cest  affaire  à  la 
court  ses  ambassadeurs,  ses  chancellier  et  mareschaP;  à  quoy  le  roy 

1.  Yittoria  Farnese,  petite-fiUe  de  Paul  III,  fille  de  Pielro-Aloysio  Farnese,  duc  de 
l'arme,  de  Plaisance  et  de  Castro,  et  de  Hieronymc  Orsini.  Mariée  en  15't7  à  Guid' 
Ubaldo  11  délia  Rovcre,  duc  d'Urbin,  elle  mourut  en  1602.  "  Nièce  ■>  est  pris  ici 
dans  le  sens  latin,  nepos. 

•2.  François  de  Lorraine,  fils  aine  de  Claude  V  de  Lorraine,  premier  duc  de  Guise, 
et  d'Antoinette  de  Bourbon.  Né  au  château  de  Bar,  le  17  février  131'J,  il  mourut 
ilcvant  Orléans,  le  2i  février  1563,  des  suites  de  l'attentat  de  Poltrot. 

;!.  Claude  I"  de  Lorraine,  premier  duc  de  Guise,  pair  cl  grand  veneur  de  France, 
marquis  de  Mayenne  et  d'Elbeuf.  baron  de  Joinville,  gouverneur  de  Ghampi^igne, 
de  Brie  et  de  Bourgogne,  cinquième  fils  de  René  II,  duc  de  Lorraine  et  de  Bar,  et 
de  Philippe  de  Gueldres,  sa  seconde  femme.  Né  au  château  de  Gondé  le  20  octobre  1496, 
il  mourut  le  12  avril  looO.  A  la  suite  de  démêlés  avec  son  frère  aîné  Antoine,  auquel 
il  voulut  disputer  inutilement  le  duché  de  Lorraine,  il  vint  à  la  cour  de  France  et 
suivit  François  l"  en  Italie.  En  récompense  de  ses  services,  le  roi  érigea  pour  lui 
la  seigneurie  de  Guise  en  duché-pairie  (1.j27);  mais  ses  intrigues  et  son  ambition 
démesurée  le  firent  éloigner  de  la  cour  dans  les  dernières  années  du  règne  de 
P'rançois  I". 

4.  Sa  fille  unique,  Jeanne  II  d'Albret,  née  à  Pau  le  7  janvier  J528.  morte  à  Paris  le 
9  juin  1572.  Elle  avait  été  déjà  demandée  par  Charles-Quint  pour  son  fils,  l'infant 
don  Philippe;  mais  François  V  s'y  opposa  et  fiança  la  jeune  fille  au  duc  de  Clèves. 
Le  projet  n'eut  d'ailleurs  pas  de  suites  et  Jeanne  d'Albret  finit  |)ar  épouser,  en  1548, 
Antoine  de  Bourbon,  duc  de  Vendôme,  qui  hérita  par  elle  du  royaume  de  Navarre. 

■K  Le  chancelier  Jean  Gograff  et  le  maréchal  du  palais  Hermann  de  Wachten- 
donck.  Leurs  instructions  étaient  datées  du  21  juin  1540;  les  ambassadeurs  arrivè- 
rent à  Paris  le  3  juillet  (V.  de  Ruble,  Le  mariage  de  Jeanne  d'Albret;  Paris,  Labitte, 
1877,  iu-S",  p.  58  et  suiv.). 


48  AMBASSADE    DE  [aOUT    ir.tOj 

et  elle  de  leur  pari  avoyenl  condescemlu,  mais  du  cousté  du  roy  de 
Navarre  '  s'esloyt  trouvée  (juelque  clillicullé  sur  les  demandes  faites 
par  lesdicts  ambassadeurs,  lesquelles  n'avoyent  encores  esté  vuydées. 
Et  ainsy  (juc  ledicl  sieur  de  Rhoddo/  a  entendu  par  aultros,  iceulx 
ambassadeurs  s'en  csloyent  jk  retouruc/.  devers  leur  niaislre  pour 
entendre  son  oppinion  sur  lesdicles  dillicultc/..  Kt  m'escript  aussi  que 
par  lettres  de  la  court  de  l'empereur  l'on  enlendoyt  (jue  le  roy  des 
Romains  avoyt  pryé  ledict  seigneur  empereur  de  se  voulioir  aprocher 
d'Allemaif^ne,  l'asseuranl  ({ue  les  princes  (jui  s'estoyent  trouvez  à  la 
dielle  de  lla^uenaou,  lesquels  n'avoyent  rien  résoulu,  luy  accorde- 
royent  une  aultre  dietle,  en  laquelle  se  pourroyt  conclure  queWjue 
bonne  chose  pour  le  bien  de  la  chreslienlé.  A  quoy  ledit  empereur 
n'auroyt  rien  respondu,  ains  monslroyt  de  poursuyvre  ses  estât/,  de 
Braban  -,  Hollande  et  Zellande  ^,  pour  y  faire  son  protïict  particullier, 
chose  qui  avoyt  esté  très  mal  prinse  de  Nostre  Sainct  Père,  et  encores 
pys  du  consystoire,  où  la  matière  avoyt  esté  proposée,  de  manière 
qui!  y  fiHconclud  que  ledit  empereur  ne  se  voulloyt  si  avant  engaiger 
de  paour  d'interrompre  le  voyaige  qu'il  veult  faire  en  Itallye,  et  qu'il 
enlendoyt  à  assembler  deniers  i)0ur  incontinent  aprez  se  mettre  en 
chemin  et  venyr  par  deçà. 

«  Monseigneur,  je  vous  prye  avoyr  souvenance  du  sauf  conduyct 
pour  Francesco  Charli  qui  est  en  Alexandrye  d'Kgipte,  duquel  vous  ay 
escript  plusieurs  foys,  et  me  faire  responce  de  ce  que  en  aurez  faict, 
car  je  suys  sollicité  par  deçà  du  sien  frère  *,  auquel  je  désire  aullanl 
faire  plaisyr  que  à  homme  de  ce  monde,  de  luy  mander  comme  il  en 
A-a,  et  ce  me  sera  augmentacion  tousjours  de  plus  en  plus  de  l'obliga- 
tion que  je  vous  doibz.  Il  me  déplaist  grandement  que  ne  puys  accom- 
plyr  votre  voulioir  et  mien  avec(iues  le  père  ministre  général  comme 
vous  m'avez  escript;  mais  il  n'est  possible  le  pouvoir  trouver.  Car  je 
envoyé  encores  hier  au  couvent  de  ceste  ville  pour  sçavoir  quelle 
part  il  estoyt,  aliin  de  mander  vers  luy;  mais  à  grant  peyne  en  sça- 


1.  Henri  11  (lAlbrct.  roi  de  Navarre,  jirince  de  Béarn,  comte  de  Foix,  troisième 
fds  de  Jean  II  d'Albret,  roi  de  Navarre,  el  de  Catherine  de  Foix.  Né  en  avril  lo():{, 
il  hérita  du  trône  en  juin  1516;  épousa,  le  3  janvier  l."J2C,  Marguerile  d'Orléans- 
Anpoulênie.  sirur  de  François  l"',  cl  mourut  à  Pau  le  2o  septembre  llio.j. 

•2.  Hrai)ant. 

;{.  Zélande. 

4.  11  semble  que  ce  Francesco  Charly,  (pii  faisait  sans  doute  le  commerce  en 
Levant,  fût  un  frère  de  Laurent  Charles,  banquier  el  négociant  en  soieries  de  Flo- 
rence, établi  à  Lyon,  (pii  y  iîl  souche,  et  dont  nous  trouverons  plus  loin  diverses 
mentions.  — D'autre  part,  les  Archives  muni(ii)ales  de  Lyon  menlionnenl  en  1548,  à 
l'occasion  des  fêles  données  pour  l'entrée  de  Henri  II  et  (le  Catherine  de  Médicis,  les 
2.3  et  2i  septembre,  un  François  Charly,  dit  Lahhc.  i)armi  «  les  maistrcs  joueurs  d'épée, 
pour  les  bateries,  armes  et  fiuerre  navalle  ordonnée  estre  faiclc  pour  donner  [plaisir 
au  roy  ».  Ce  François  Charly  était  jiarenl  de  Pierre  Charly  ou  Charlieu,  ûil  Lahôé, 
le  père  de  la  belle  Cordière  {Invent,  sonunuire  des  Archives  de  Lyon, \..\\\,\).  218,  col.  i). 


"août    |:)40]  GUILLAUME    PELLICIER  49 

vent-ils  rirn,  car  les  ungz  dient  qu'il  est  à  Crémonne,  et  les  aultres 
d'ung  aullre  cousté.  Je  ne  fauldray  y  faire  tout  ce  que  pourray...  » 

Vol.  2,  f"  23  V,  copie  du  xvi"  siècle;  3  pp.  3/i  in-f'\ 

PELMCIER   A    M.    DE   RODEZ. 

25.  — [Venise],  1 4  août  Jô  W.  —  «  Monsieur,...  depuys  les  miennes 
dernières  du  v«  de  ce  présent,  n'est  rien  succédé  '  icy  de  nouveau,  pas 
(]ue  je  aye  peu  entendre.  Bien  ay  rcceu  lettres  de  la  court;  mais  il  n'y 
a  aullre,  sinon  que  le  roy  et  toute  sa  compagnye  se  retrouvoyt,  grâces 
à,  Nostre  Seigneur,  en  très  bonne  santé;  et  comme  m'a  escript  M.  le 
connestable,  il  n'est  rien  plus  vray  que  le  roy  d'Angleterre  a  répudyé 
sa  dernière  femme  ainsi  que  vous  mesmes  m'avez  faict  sçavoir.  Je  suys 
chacun  jour  attendant  M.  de  Vaulx,  et  m'esbahis  bien  qu'il  n'est  jà 
arrivé  icy,  veu  ce  que  le  seigneur  Rincon  m'en  avoyt  escript  comme 
vous  ay  mandé.  Cez  Seigneurs  l'attendent  aussyàgrant  dévotion,  espé- 
rant bien  qu'il  leur  apportera  quelques  nouvelles;  lesquels  je  veoy  de 
jour  en  jour  augmenter  en  la  bonne  voullenté  qu'ilz  ont  vers  S.  M.  Je 
ne  sçay  comme  il  va  touchant  ce  que  m'aviez  escript  de  Napoli  de  Rom- 
manye;  mais  si  est-ce  qu'il  sont  venues  icy  lettres  de  plusieurs  endroictz 
qui  le  confirment.  Toutesfoys  cez  Seigneurs  n'en  veullent  rien  croyre, 
pour  ce  qu'ilz  n'en  ont  eu  aulcunes  lettres  de  là.  Quant  est  du  maître 
des  courrierz  de  Romme  dont  m'avez  escript,  n'en  sçaichant  rien 
aultre  que  ce  que  vous  mesmes  m'en  faisiez  sçavoir,  me  sembloyt  ne 
vous  servyr  de  rien  vous  en  escripre.  Je  me  suys  bien  enquiz  s'il  estoyt 
venu  en  ceste  ville  pour  aultre  efîect  que  pour  cestuy  là,  mais  j'ay 
trouvé  que  non.  « 

Vol.  2,  f°  23,  copie  du  xvi«  siècle;  3/4  p.  in-P. 

PELLICIER   AU   ROI    ^ 

26.  —  [Venise],  15  août  lî)40.  —  Le  retard  de  M.  de  Vaux,  dont  la 
venue  avait  été  annoncée  par  Rincon,  décide  Pellicier  à  écrire  au  roi 
sans  attendre  cette  arrivée.  Il  a  reçu  les  deux  lettres  de  S.  M.,  datées 
des  22  et  2G  juillet,  et  s'est  conformé  à  leurs  instructions  relativement 
au  projet  de  ligue,  «  qui  a  esté  très  agréable  »,  et  au  maintien  des 
bonnes  relations  avec  la  république  de  Venise. 

«...  En  vostre  dernière  dépesche  y  avoyt  ung  pacquet  adressant  au 
seigneur  Rincon,  lequel  ay  faict  tenyr  bien  seurement  jusques  à 
Raguse,  et  ay  escript  à  M.  l'arcevesque  de  là  qu'il  luy  pleust,  selon  sa 
coustume,  le  mander  en  toute  dilligence.  A  quoy  à  mon  adviz  n'aura 

1.  Arrivé. 

2.  <■  E.-cript  cedit  jour  à  M.  Bouchetcl.  » 

Venise.  —  1540-1542.  4 


50  AMHASSALiE    DE  [aOLT    15401 

failly,  comme  il  a  faict  votre  aullrc  précécienl  pac<iiiel;  le  messaiger 
duquel,  que  avoys  envoyé  expressément  jusques  ù  Uaguse  pour  le 
porter,  est  icy  de  rt^lour,  qui  m'a  rellVré  comme  il  lut  en  cinq  jours 
d'icy  audit  Raguse,  et  que  mondict  seigneur  Tarcevesque,  comme  luy 
mesmes  m'a  escripl,  lavoyt  faict  partyr  incontinent,  et  avoyt  faict 
marchr  au  courrier  pour  le  porter  jusques  en  Constantinople  en  dix- 
sept  jours,  comprins  le  jour  de  son  partement.  Par  ainsi  ledict 
seigneur  Uincon  le  pourra  avoir  receu  de  ceste  ville  en  vingt-deux 
jours,  qui  seroyt  environ  le  vu"  de  ce  moys. 

«>  Sire,  chairchant  de  tous  cousle/  l'origine  et  source  de  ceste  nou- 
velle que  vous  ay  escripte  en  cliillre  par  ma  lettre  du  premier  de  ce 
moys  touchant  les  intelligences  et  traictes  que  on  disoyt  avoir  en  deux 
villes  fortes  de  vostre  royaulme,  j'ay  trouvé  que  le  général  des  Obser- 
vantins  qui  est  espagnol,  lequel  venoyt  de  la  court  de  l'empereur 
et  avoyt  passé  par  celle  du  roy  des  Rommains,  aprez  estre  arrivé 
icv,  en  avoyt  menacé  aultant,  non  point  qu'il  nommast  ne  décla- 
rast  si  appertement  les  villes,  mais  les  désignoyt  assez,  les  intitullant 
deux  des  plus  fortes  et  de  grant  importance  villes  de  vostre  royaulme. 
Dont,  venant  de  la  court  desdits  empereur  et  roy  des  Romains,  et 
que  on  avoyt  de  là  mesmes  entendue  cestedite  nouvelle  par  l'am- 
bassadeur de  cesdits  Seigneurs  prez  du  roy  Ferdinando,  faict  à 
pencer  que  elle  est  venue  d'un  mesmes  lieu,  soyt  vraye,  que 
Dieu  ne  veuille,  ou  controuvée  à  leur  accoustumée.  Et  davantaige 
avoyt  semez  plusieurs  aultres  propoz,  et  entre  aultres  que  si  V.  M.  ne 
venoyt  à  se  accorder  avecques  ledit  empereur,  nonobstant  quelque 
trefve  qui  fust  entre  Voz  Majestez,  si  ne  vouUicz  entendre  aultrement 
à  faire  une  asseurée  paix  avecques  luy,  combien  que  de  vostre  cousté 
ne  tînt  que  la  trefve  ne  fust  gardée,  et  que  ne  donnissiez  aulcunement 
matière  de  rompture,  ce  néantmoins  ledit  empereur  ne  fauldroyi  de 
brief  à  ce  faire,  disant  avoir  les  meilleurs  moyens  de  faire  guerre  qu'il 
n'eust.  oncques,  pour  estre  plus  puyssant  d'or  et  d'argent,  alliances  et 
guère  qu'il  ne  fut  jamais,  voullant  persuader  à  cez  Seigneurs  que  s'ilz 
se  mouvoyent  ne  cliangeoyent  en  façon  du  monde,  ce  seroyt  à  leur 
très  grant  perte  et  ruyne  lolalle...  » 

Ce  personnage,  chargé  d'une  mission  secrète  de  l'empereur  pour  le 
pape,  est  parti  pour  Rome  le  o  de  ce  mois.  «...  Et  avant  son  partement 
il  feist  très  bien  ses  menées,  sollicitant  jour  et  nuict  très  secrettement 
en  particullier  les  plus  grans  de  ceste  Seigneurie.  De  quoy,  Sire,  n'ay 
failly  advertyr  de  bien  bonne  heure,  avant  qu'il  peust  estre  arrivé  là, 
M.  de  Rhodez  pour  y  veiller...  » 

Pellicier  a  prévenu  Rincon  du  but  réel  du  voyage  de  Laski  et  de 
Tranquillo  à  Constantinople. 

Vol.  2,  f°  23  v'-,  copie  duxvi*  siècle;  2  pp.  1/2  in-^. 


i^AOUT    lo40J  GUILLAUME   PELLICIER  51 

PELLICIER  AU   CONNÉTABLE. 

27.  —  [Venise],  15  août  1 540.  —  Pellicier  a  reçu  les  lettres  du  roi 
des  23  et  27  juillet. 

((  ...Cez  Seigneursont  eu  lettres  de  leur  ambassadeur  prez  du  roy  des 
Rommains  et  par  icelles  entendu  que  ledict  seigneur  roy  luy  tenoyt 
plusieurs  propoz,  se  condollant  fort  que  cez  Seigneurs  n'avoyent  esté 
secouruz  en  leur  grant  besoing  et  nécessité,  et  que  par  ce  eussent  esté 
contrainctz  chaircher  appoinctements  avecques  le  Grant  Seigneur 
donné  à  leur  si  très  grant  désavantaige.  Et  quant  de  luy,  qu'il  avoyt 
tousjours  prochassé  leur  bien  et  accroissement  en  toutes  choses,  bien 
qu'il  avoyt  entendu  que  l'on  estimoyt  le  contraire  :  dont  il  estoyt  fort 
déplaisant,  mais  que  on  le  povoyt  aussi  bien  accuser  de  cella  à  tort 
et  sans  cause,  comme  l'on  faisoyt  qu'il  eust  esté  occasion  que  n'estoyt 
succédée  une  bonne  paix  entre  S.  M.  et  l'empereur,  de  quoy  avoyt  esté 
adverty  S.  M.  estre  mal  contente  de  luy.  Et  de  tout  ce  appelloyt  Dieu 
à  tesmoing  si  la  faulte  estoyt  proceddée  de  luy,  ains,  comme  ledict 
ambassadeur  povoyt  très  bien  sçavoir,  l'avoyt  de  tout  son  pouoir  pro- 
cliassée,  et  que  de  luy  en  estoyt  grandement  desplaisant,  usant  des  plus 
belles  et  gratieuses  paroUes  à  l'accoustumée  audit  ambassadeur  pour 
empescher  tousjours  à  son  povoir  que  cez  Seigneurs  ne  se  tournent;  ce 
que  ledit  ambassadeur  ne  fault  journellement  leur  faire  entendre,  les 
pryant  plus  que  Dieu  qu'ilz  ne  se  vueillent  changer  ne  mouvoir  aulcu- 
nement,  ains  se  tiennent  en  Testât  qu'ilz  sont  en  attendant  encores  à 
veoir  comme  les  aflaires  passent. 

«  Monseigneur,  longtemps  a  que  n'estoyent  venues  icy  nouvelles 
comme  ceulx  de  Napoli  de  Romanye  avoient  levé  dedans  la  ville  les 
bandières  '  de  l'empereur,  ne  voulans  devenyr  subjectz  du  Grant  Sei- 
gneur. Toutesfoys,  voyant  que  cez  Seigneurs  n'en  avoyent  aulcunes 
nouvelles,  chascuji  les  estimoyent  plus  tost  estre  artifficielles  et  con- 
trovées  que  véritables;  mais  à  présent  que  elles  se  continuent  et  qu'il 
en  est  venu  lettres  de  quelque  bon  endroict,  encores  que  cesdits  Sei- 
gneurs n'en  ayent  rien  de  ce  cousté  là,  je  n'ay  plus  d'aventure,  de 
paour  de  faillyr,  voullu  différer  à  le  vous  faire  entendre.  Et  comme 
André  Doria  estant  party  de  Messine  pour  aller  en  Africque  chaircher 
quelque  aventure,  et  trouvant  que  la  ville  de  Thunise  estoyt  assiégée 
par  les  Alarbes,  comme  ay  escript  par  cy  devant,  estoyt  retourné  à 
Trapani  pour  lever  et  embarcquer  troys  mil  hommes  de  guerre  pour 
cest  effect;  mais,  ne  les  y  trouvant  comme  il  pençoyt  et  estant  rappelle 
par  le  vice-roy  de  Naples,  s'en  estoyt  retourné  audict  Messine,  ainsi 
que  l'on  dict  pour  cest  affaire  de  Napoli  de  Romanye,  à  l'emprinse  de 

1.  Bannières. 


52  AMBASSADE    DE  AOUT    lliiO] 

laquelle  clel»voyl  iiiaiider  (lueliiue  nombre  suffisanl  de  gens  de  guerre 
et  les  faire  descliarger  eu  (juehiue  endroiot,  comnie  seroyl  de  Cio  (lui 
est  à  la  dévolion  dez  «iennevoys  plus  pre/  de  là,  allin  que  âpre/,  avoir 
tenté  et  prins  intelligence  aveeques  certains  citadins  de  la  ville,  ilz 
feussent  receuz  dedans  pour  desrober  silz  pctvoyenl  la  forlresse. 
Voylii  tout  ce  que  je  en  ay  peu  entendre  jusques  à  présent.  S'il  en 
survient  rien  davanlaige  à  ma  cognoyssence,  je  ne  fauldray  incon- 
tinent à  vous  en  advertyr.  El  cependant  vous  diray,  combien  que  à  mon 
adviz  l'ave/,  entendu  par  la  voyc  de  Thurin,  comme  ces  jours  passez 
s'est  meù  ung  grant  débat  et  «lucslion  entre  plusieurs  des  plus  gros  de 
Millau  contre  le  comte  Jehan  Ferme  Trivullio  '  ;  desquelz  les  princi- 
paulv  sont  le  conte  Tietro  et  Francesco  de  Someia  *,  le  jiarly  desquelz 
suyvenl  les  Posteruli,  Visconli,  Magi,  et  Borromei,  Crivelli  ^  et  aullres 
qui  ont  esté  pour  ce  chassés  de  ladicte  ville  de  Millan  par  le  marquiz 
du  Guast.  Lequel,  ainsi  que  Ton  entend  par  lettres  du  gecrétaire  Fidel, 
a  faict  faire  une  crye  et  ban  que  tous  ceulx  qui  se  trouvoyent  à  Millan 
sansadveu  eussent  à  se  retirer  le  plus  tost;  et  ce,  comme  il  escript,  a 
esté  faict  pour  on  chasser  certains  François  qui  estoyent  là,  lesquelz  il 
tenoyl  y  estre  mandez  pour  espyes.  Kt  a  pareillement  faict  cryer  et 
publier  à  Loddes  *  que  sur  certaines  et  grosses  peines  tous  ceulx  qui 
auroyentbledz  sur  ce  pays-là,  quelconques  personnes  que  ce  fussent, 
qu'ilz  ayent  à  les  faire  mener  etconduyre  ou,  pour  le  moings,  la  moitié 
dedans  le  xv°  de  ce  moys  etTaultre  moytié  dedans  le  xv^ de  septembre; 
et  s'il  y  en  avoyt  en  trop  grant  quantité  pour  la  suffisence  du  pays,  il 
eslovt  fait  commendement  de  mander  le  surplus  à  Millan  dedans  ledit 
terme.  Vostre  Excellence  entendra  trop  mieux  que  le  meut  à  ce  faire...  » 

Vol.  2,  f"  27,  copie  du  xvr  siècle;  2  i»p.  1/2  iii-f°. 


PEI.I.ICIER   A   M.    D'.XNNEnAILT  ». 


I 


28.  —  [Venise],  15  août  1540.  —  Le  maréchal  ayant  quitté  la  Cour  I 
pour  aller  faire  un  séjour  à  sa  maison  de  Bretagne  \  Pellicier  a  différé  I 
de  lui  écrire  jusqu'à  ce  qu'il  y  fiH  invité. 

«  ...  Mais  estant  adverty  de  vostre  voulloir,  c'est  que  je  eusse  à  vous 

1.  Gian-Firniio  Triviilzio.  conilc  flo  Melzi.  si-n.iteur  de  Milan,  mort  en  1556. 

2.  Pietro  et  Francesco  Gavazzi  délia  Somaglia. 

3.  Toutes  ces  grandes  familles  patriciennes  de  Milan,  les  Borromei,  les  Crivelli, 
les  Triviilzi,  avaient  ••ontracté  diverses  alliances  de]nus  plus  de  deux  siècles,  mais 
les  rivalités  étaient  non  moins  fréquentes  entre  elles,  et  engendraient  sans  cesse 
des  luttes  intestines. 

4.  Lodi.  ville  de  Lonibardie,  sur  la  rive  droite  de  TAdda.  à  .''.1  Uil.  de  Milan, 
s!  «  Ao/rt,  que  la  présente  n'a  esté  envoyée  que  jusques  au  xx"  dudit.  » 

6.  Claude  d'Annebault  était,  par  sa  femme,  Françoise  de  Tournemine,  baron  de 
Retz  et  de  la  Hunaudaye  en  Bretagne. 


[août    1540]  GUILLAUME    PELLICIER  53 

escripre,  n'ay  voullii  faillyr  à  le  accoinplyr,  comme  à  celluy  [à]  qui  je 
désire  singuUièremenL  faire  toute  chose  agréable,  ainsi  que  suys  tenu 
pour  les  bons  offices  que  de  voslrc  grâce  avez  faictz  pour  moy  à  la 
court  en  mes  affaires  particuUiers,  ainsi  que  mon  homme  qui  est  là 
m'a  faict  sçavoir;  de  quoy  demeureray  à  tout  jamais  vostre  obligé  et 
esclave...  » 

Les  nouvelles  qui  suivent  sont  les  mêmes  que  celles  déjà  contenues 
dans  les  lettres  précédentes  au  roi  et  au  connétable. 

Vol.  2,  f"28,  copie  du  xvi'^  siùcle;  1/2  p.  ia-f". 

PELLICIER   A   M.   DE    LANGEY. 

29.  —  [\'t!iiise],  17  août  1540.  —  Le  retard  de  M.  de  Vaux  décide 
Pellicier  à  prendre  lavance.  Il  reproduit  d'ailleurs  les  nouvelles  don- 
nées, dans  la  lettre  précédente,  au  connétable,  concernant  les  menées 
de  l'empereur  et  ses  projets  sur  certaines  places  de  France  '. 

Vol.  2,  f"  28,  copie  du  xvF  siècle;  3/4  p.  in-f". 

PELLICIER   A   M.    DE  BOISRIGAULT  2. 

30.  —  [Venise],  1 7  août  1 540.  —  «  Monsieur,  tenant  la  voye  que  M.  le 
secrétaire  Maillart^  m'enseigna,  quant  il  se  partist  d'icy,  pour  vous 
faire  tenyr  mes  lettres,  c'est  les  adresser  à  sire  Pierre  de  Bourgoingne 
à  Lyon*,  vous  escripviz  le  premier  de  juillet;  lesquelles  à  mon  adviz 
aurez  receues,  et  entendu  tout  ce  que  Ton  disoyt  lors  de  nouveau  en 
ceste  ville.  Et  depuys  ay  receu  les  lettres  du  \m.^  dudit  moys,  ensemble 
les  coppyes  des  lettres  de  M.  de  Bayf  et  d'ung  aultre  bon  serviteur  du 
roy,  que  m'avez  envoyées;  dont  vous  remercye  grandement...  » 

Pellicier  rappelle  les  nouvelles  de  Venise  et  du  Levant,  de  Naples  et 
de  Milan. 

«  Monseigneur,  je  croy  que  aurez  bien  entendu  la  mort  du  feu  duc 
de  Mantoue  ;  toutes  foys  ne  lairay  à  vous  dire  comme  le  Réverendis- 
sime  cardinal  et  madame  la  duchesse  de  Mantoue  m'ont  envoyé  son 
ambassadeur;  lequel,  aprez  m'avoir  faict  entendre  le  cas  du  décedz  et 
le  bon  ordre  qu'il  a  laissé  à  sa  maison,  m'a  pryé  voulloir  escripre  à 

1.  .<  Rem,  escripl  ledit  jour  audit  seigneur  la  venue  de  M.  de  Vauix  par  les  deux 
messagiers  qui  estoyenl  venuz  de  Tliurin,  qui  pitrtèrent  tous  les  pacquelz  et  mes- 
mement  celluy  dudict  sieur  de  Vaulx  jusques  à  Tliurin.  ■• 

2.  ■<  Nota,  que  n'a  esté  envoyée  que  jusques  au  xx"  duilit.  » 
'S.  Guillaume  Maillart,  secrétaire  de  M.  de  Boisrigault. 

4.  Pierre  de  Bourgogne,  agent  de  Pellicier  à  Lyon,  est  qualifié  de  «  contrerolleur  • 
à  la  date  de  l.")37,  dans  Vlnv.  som.  des  Archives  de  Lyon,  t.  III,  p.  179,  col.  1. 


54  AMBASSAPE    DE  [AOUT    1540^ 

S.  M.  eslre  son  bon  plaisyr  avoir  ladite  maison  et  le  nouveau  duc  en 
sa  bonne  protection;  et  que  lesdits  seigneur  cardinal  et  dame  deb- 
voycnt  envoyer  uiig  de  leurs  gentilzhommes  vers  le  roy  pour  lui  faire 
entendre  plus  amplement  le  tout.  Je  croy  que  aurez  aussi  bien  esté 
adverty  (jue  Jehan  L<jys,  M.  de  Saluées,  avoyt  esté  tué  en  sa  maison  à 
Millau;  mais  je  n'ay  encores  sceu  seavoir  ijui  avoyt  ce  faict  '.  Je  ne 
veulx  oblyer  ii  vous  dire  le  congé  que  le  seigneur  AUoysi  de  Gonza- 
gues,  beau  frère  du  seigneur  Cézar  F"régoso,  a  prins  de  l'empereur. 
J'espère  que  de  brief  entendrez  dire  (ju  il  aura  aultrc  party...  » 

Vol.  2,  fJ  28  V,  copie  du  xvi'*  siècle;  1  p.  i/4  in-f». 

l'El.I.ICILK   Al'  ROI   -. 

31.  —  [\'enise],  i  9  août  1 540.  —  «  Sire,  j'estime  que  par  M.deThulles 
aurez  esté  adverty  de  la  deslivrance  des  mil  escuz  qu'il  a  pieu  à  V.  M. 
ordonnera  ce  gentilhomme  grec,  du(iuel  vousay  escript  longtemps  a', 
qui  vous  a  faict  présent  de  cez  livres  grecz;  dont  il  remercye  très  hum- 
blement V.  M.  d'ung  si  très  grand  bienfaict  que  luy  et  les  siens  seront 
à  tout  jamais  tenuz  et  obligés  prier  Dieu  pour  vous,  car,  k  dire  la 
vérité,  les  avez  tirez  d'une  grant  nécessité.  Il  n"a  failly  semer  la  famé  *, 
en  ceste  ville,  de  telle  voslre  libéralité;  de  sorte  que,  pour  ce  qu'il  y 
est  bien  congueu  et  aymé,  ung  chascun  en  a  eu  très  grant  plaisyr,  et  a 
esté  estimé  beaulcoup  de  tout  le  monde.  Et  pour  ce,  Sire,  que  pour 
l'anticquité  desdicts  livres  qu'il  m'a  consignez  en  plus  grant  nombre 
que  le  rolle  qu'il  vous  a  envoyé,  —  des  aulcuns  quelques  fueilletz  sont 
gaslez  et  mangés  de  vermine,  tellement  que  on  ne  pourroyt  bonne- 
ment lire  en  cez  endroictz,  avons  esté  dadviz  que  avant  les  vous 
envoyer  donner  ordre  de  restituer  lesdicts  fueilletz  et  lieux  que  y 
faillent.  Luy  et  moy  avons  esté  et  sommes  tous  les  jours  aprez  à  chair- 
cher  tant  aux  librairies  publicques  que  particullières  pour  essayer 
trouver  des  exemplaires  de  mesmes  livres,  aflin  de  les  amender  et 
acomplyr;  et  jà  en  avons  faict  une  bonne  partye,  et  ne  fauldrons  à 
continuer  tant  que  pourrons  rencontrer  des  livres  entiers,  jusques  ad 

1.  Gian-Lodovico  11,  aliljù  de  StafTarda.  Gian-Lodovico  I,  marquis  de  Saluées, 
frère  aîné  et  successeur  légitime  de  Michelc-Anlonio,  marquis  de  Saluées,  mort  en 
1529,  avait  été  dépossédé  au  profit  i\c  ses  frères  :  Franccsco,  qui  régna  de  132'.)  à 
lo3~,  et  Gabriele,  de  l."i3"  à  lJ4f>.  La  France,  en  13*8,  s'annexa  Sahices:  Gian-Lodo- 
vico céda  ses  droits  à  la  Savoie  en  1560,  puis  à  la  France  en  1362;  il  ne  mourut 
qu'en  156:<. 

Le  territoire  de  Sahices  comprenait  la  partie  méridionale  de  l'ancienne  marche 
d'Ivrée. 

2.  Cette  lettre  a  été  publiée  par  M.  L.  Delisle  dans  le  Cabinet  des  mss.  de  la  Bibl. 
imper,  (t.  1,  p.  134). 

3.  Antoine  Ei)archos. 

4.  Renommée,  du  latin  fuma. 


[août    1540]  GUILLAUME    PELLICIER  55 

ce  que  on  les  parfournyra  tous,  ou  qu'il  vous  plaira  me  commander 
aultrement  et  les  vous  mander.  Pourquoy  faire  plus  seurement  avoys 
advisé  les  vous  envoyer,  s'il  vous  plaist,  avecques  le  train  du  magnif- 
ficque  misser  Matheo  Dandnlo\  naguères  esleu  ambassadeur  pour 
ceste  Seigneurie  devers  V.  M.,  —  en  la  maison  duquel  de  longtemps 
voz  ambassadeurs  ont  acoustumé  loger  etj:)ù  suys  encores  de  présent-, 
—  qui  se  doibt  partyr  d'icy  dedans  peu  de  temps,  estant  asseuré  que 
pour  la  grande  dévotion  que  de  long  temps  luy  et  ses  ancestres  ont 
à  vostre  couronne^,  qu'il  les  fera  conduyre  comme  chose  chère  et 
agréable  à  V.  M.  Et  davantaige,  oultre  l'asseurance  que  je  auray  de  lui, 
je  ne  fauldray  à  y  mettre  ung  homme  qui  y  prendra  très  bien  garde, 
affîn  que  par  le  chemin  ne  soyent  broullez  ne  gastez;  dont  vous  plaira 
sur  ce  me  commander  vostre  bon  plaisyr.  Ledict  gentilhomme  grec 
est  bien  deslibéré  de  employer,  non  seulement  toute  la  faculté  que  luy 
avez  donnée,  mais  encores  sa  personne  pour  aller  chaircher  d'où  s'en 
pourront  recouvrer  des  plus  rares.  Toutesfoys,  cognoissant  combien 
luy  pourroyt  servir  une  patente  et  commission  de  V.  M.  pour  la  récu- 
pération diceulx,  il  désireroyt  singullièrement  qu'il  pleust  à  icelle 
commander  luy  estre  expédyée,  ainsi  que  j'ay  escript  à  M.  de  Thulles. 
Et  pour  ce.  Sire,  que  il  m'a  faict  entendre  que  le  vouUoir  de  V.  M. 
estoyt  que  je  feisse  escripre  icy  tous  les  livres  grecz  qui  ne  sont  point 
imprimés  ou  bien  que  ne  se  trouvent  en  vostre  librairie,  chose  que  je 
désire  grandement  acomplyr  comme  toute  aultre  chose  que  je  puys 
congnoistre  vous  estre  agréable,  et  daultant  plus  ceste-cy,  pour  estre 
si  honorable,  proflîtable,  et  de  mémoyre  perpétuelle  que  non  seulle- 

1.  Matleo  Dandolo,  fils  de  Marco  Dandolo  et  de  Nicolosa  Loredano,  élu  membre 
du  sénat  de  Venise  à  la  fin  de  1321,  fut   amljassadeur  en  France  du  30  juillet  1340 
date   de  sa  nomination,  au  22  août  1342,  date  de  son  retour  à  Venise.  Bibliophile 
et  lettré,  il  était  propriétaire  de  la  demeure  où  résidaient  les  envoyés  de  France. 

Cinq  ans  plus  tard,  en  1547,  Dandolo  revint  en  France,  avec  Vetlore  Grimani, 
en  ambassade  extraordinaire  à  l'occasion  de  l'avènement  de  Henri  II.  De  134!^  à 
lool,  il  séjourna  à  Rome  en  qualité  d'ambassadeur  auprès  de  Paul  III.  Il  y  retourna, 
en  1333,  avec  Francesco  Conlarini,  Carlo  Morosini  et  Girolamo  Grimani,  pour 
l'exaltation  du  pape  Paul  lY.  Le  29  septembre  1561,  il  fut  envoyé  au  concile  de 
Trente,  avec  Niecolo  da  Ponte  et  Bernardo  Navagero.  Procurateur  de  i^aint-Marc  en 
1563,  il  mourut  à  Venise,  septuagénaire,  le  29  juillet  1370. 

Les  Codici  F'iscarird  contiennent  une  partie  des  dépèches  de  la  première  ambas- 
sade de  Dandolo,  du  28  novembre  1340  au  G  juillet  1342  (A.  Baschet,  Archives  de 
Venise,  pp.  280  et  673).  Albéri,  dans  son  Recueil ,  a  publié  la  relation  de  cette 
ambassade  (série  I,  t.  II,  p.  27),  ainsi  que  celles  des  deux  autres  (série  I,  t.  II; 
série  II,  t.  III). 

2.  Le  palais  de  l'ambassade  de  France,  propriété  des  Dandolo,  était  situé  dans  la 
calle  San-Moïsè,  non  loin  de  la  place  San-Marco.  On  n'avait  pas  encore  adopté  le 
règlement  qui  obligeait  les  ambassadeurs  à  se  logera  une  certaine  distance  du  siège 
du  gouvernement  de  la  République.  L'ambassade  française  fut  transportée  plus  tard 
dans  le  quartier  du  Camareggio  (Zeller,  loc.  cit.,  p.  361,  et  Baschet,  Archives  de 
Venise,  p.  431). 

3.  On  sait  notamment  la  part  que  prit  Enrico  Dandolo,  doge  de  Venise  à  la  fin  du 
xiie  siècle,  avec  les  barons  français,  à  la  croisade  dirigée  contre  Bvzance,  de  1202 
à  1205. 


Sd  AMIJASSAHE    DE  [aOUT    HUOi 

nu'iil  il  V.  M.,  mais  iitout  votre  royauline  et  subjecl/.  sera  bien  incom- 
l)aral)U'  à  tout  jamais,  —  loutesloys,  Sire,  il  vous  jilaira  sçavoir  (jue 
(lepuys  (jue  siiys  en  eosle  ville,  suyvant  voslre  (•ommamlemcnt  à  mon 
parlement,  j'uy  lonsjours  eu  jns(iues  ii  cesle  heure  force  escripvains; 
et  de  présent  en  ay  encores  linict,  comprins  ung  liébrieu  qui  m'escript 
des  choses  les  plus  rares  que  je  puys  trouver  en  ceste  lengue  là.  Les- 
quelz  ne  se  peulvent  entrelenyr  sans  bien  grant  coust,  mesmement  en 
ceste  incredible  charte  de  l'année  passée;  de  sorte  (jue  voyant  ceste-cy 
en  danger  de  n'estre  pas  moingdre,  et  que  ay  jà  despendu  tout  ce  que 
avoys  peu  pour  ce  assembler  avant  ([ue  venyr  icy,  —  je  n'auroys  moyen 
ne  |)ouvoir  de  entretenyr  longuement  lesdicts  escripvains.  Dont  suj)- 
plyeroys  très  voullentiers  V.  M.,  si  son  plaisyr  est  que  je  continue  à 
ce  faire,  ordonner  (}ue  il  soyt  faict  deslivrer  (juehiue  somme  d'argent 
à  qui  vous  plaira  par  deçà,  pour  satisfaire  et  contenter  lesdits  escrip- 
vains; lesquelz,  pour  estre  pouvresel  chassez  de  leurs  pays  de  Grèce, 
ne  peulvent  attendre  longuement  leur  payement.  Par  quoy  les  fault 
contenter  et  satisfaire  au  jour  la  journée,  à  tout  le  moings  de  douze  en 
quinze  jours,  —  de  quoi  vous  ay  bien  voullu  advertyr,  afiin  de  sur  ce 
me  commander  vostre  bon  plaisyr,  pour  l'acomplir  de  tout  mon 
povoir...  » 

Vol.  :*,  f"  29,  copie  du  xvi«  siècle;  1  p.  1/2  in-f°. 

PELLICIER   A   M.    DE   TILLE. 

32.  — [Venise],  J  9  août  1540.  —  Pellicier  a  reru  la  lettre  du  2  juillet 
par  laquelle  Tévèque  de  Tulle  lui  demandait  d'envoyer  les  manuscrits 
grecs  destinés  à  la  bibliothèque  du  roi  :  il  est  occupé  à  combler  les 
lacunes  des  manuscrits  endommagés. 

«  ...  Je  avoys  faict  mon  desaing,  s'il  vous  sembloyt  bon  affln  de  les 
mander  plus  seurement,  non  pas  seuUement  de  paour  qu'ilz  feussent 
perduz,  mais  encores  pour  estre  mieulx  conservez  des  eaues  et  aultres 
accidens  par  les  chemins,  que,  s'en  allant  de  brief  ambassadeur  pour 
cez  Seigneurs  vers  le  roy  le  maistre  de  la  maison  où  ont  logé  de  long- 
temps mes  prédécesseurs  et  où  suys  encores  à  présent,  les  faire  con- 
duyre  avecques  son  train,  et  davanlaige  pour  plus_grande  asseurance  y 
mettre  ung  de  mes  gens  pour  y  prendre  garde. 

«  Monsieur,  je  vous  ay  escript  du  x  et  xxii"  juillet  des  livres  de  messer 
Démélrio  Zéno,  lequel  par  commission  de  feu  M.  Fondulus  a  apporté 
de  Zante  et  Courfou  quarante  pièces  de  livres  grecz  bien  anciens  et  des 
aucteurs  et  qualitez  que  pourrez  avoir  veu  par  le  cathalogue  que  vous 
en  ay  envoyé.  Je  vous  prye,  mais  c'est  de  tout  mon  cueur,  m'en  voulloir 
faire  responce,  car  il  m'est  tous  les  jours  âpre/,  pour  en  avoir  résolu- 
cion.  Touchant  ce  que  m'escripvez  de  faire  transcripre  les  livres  qui  ne 


[août    ro40j  GUILLAUME   PELLICIER  ;î7 

se  Ireuvent  en  la  librairie  du  roy,  jo  vous  diray  que  la  chose  de  ce 
monde  que  je  désire  le  plus  c'est  de  luy  faire  service  en  toutes  choses, 
et  d'aultant  plus  en  ceste  cy,  qui  est  non  pas  honnorahle  seullement, 
mais  tant  proffilable  à  ung  chacun  que  à  tout  jamais  ce  sera  ung  bien 
incomparable  et  de  mémoyro  perpétuelle.  Touteslbys,  Monsieur,  vous 
sçavez  très  bien  ma  portée  et  que  ma  puyssance  ne  pourroyt  entre- 
tenyr  longuement  la  despense  qu'il  m'y  convicndroyt  l'aire,  car  jusques 
à  présent  j'ay  eu  plusieurs  escripvains  et  en  ay  encores  à  ceste  heure 
huict,  ausquelz  j'ay  despendu  tout  ce  peu  que  je  avoys  peu  assembler 
avant  que  venyr  icy  et  davantaige,  m'attendant  avoir  secours  de  ce  peu 
de  bien  que  j'ay.  Ainsi  que  mes  gens  de  Montpellier  n'ont  escript,  par 
les  ordonnances  qui  ont  esté  faictes  dernières  sur  la  justice  ecclésias- 
licque,  qu'elle  ne  se  pourra  plus  empesclier  des  choses  layes  ',  je  viens 
bien  à  perdre  la  quarte  partye  du  revenu  de  mon  évesché;  et  oultre  ce 
il  me  fault  cntretenyr  aussi  bien  les  ofQciers  ainsi  que  ainsi-,  dont  je 
me  voy  entrer  en  grand  double  comme  je  pourray  eschapper  en  ce 
temps  icy  qu'il  t'aict  plus  cher  vivre  ([u'il  ne  feist  il  y  a  plus  de  vingt 
ans  en  ce  pays,  excepté  l'année  passée  qui  m'a  tant  mys  au  bas  d'ar- 
gent que  j'ay  belle  paour  d'en  avoir  grant  nécessité,  attendu  que  je 
voy  préparer  ceste  cy  d'estre  encores  plus  chère  si  Dieu  n'y  met  ordre. 
Et  quant  j'eusse  pencé  avant  que  venyr  icy  me  trouver  en  telle  inca- 
pacité de  povoir  l'aire  service  au  roy  pour  ma  petite  puyssance,  j'eusse 
bien  pencé  troys  foys  avant  que  de  accepter  ceste  charge.  Par  quoy,  il 
vous  plaira  en  faire  quelque  remonstrance  à  S.  M.,  et  que,  si  c'est  son 
bon  plaisyr  que  je  continue  à  faire  transcripre  lesdicts  livres,  il  est 
nécessaire  de  ordonner  à  quelque  ung  par  deçà  de  fournyr  argent  pour 
satisfaire  ausdicts  escripvains;  car,  comme  sçavez  très  bien,  ce  sont 
genz  qui  ne  sont  point  reniez  et  que  fault  payer  au  jour  la  journée, 
vous  asseurant.  Monsieur,  que  si  j'ay  le  moyen  de  pouvoir  fornyr,  je  y 
mettre  telle  peyne  et  dilligence  non  seullement  en  ceulx  de  ceste  ville, 
mais  encore  s'il  plaira  au  roy  des  librairyes  de  Romme,  Florence  et 
Urbin,  que,  avant  qu'il  soyt  ung  an  d'icy,  j'espère  qu'il  pourra  avoir 
ung  aussi  bon  commencement  de  librairye  que  nul  autre  que  soyt  en 
Europpe. 

«  Je  en  escriptz  présentement  à  S.  M.  et  vous  envoyé  la  lettre  pour 
luy  présenter,  s'il  vous  plaist.  Pareillement  ledict  gentilhomme  grec 
luy  escript  ",  le  remercyant  très  humblement  de  sonbienfaict. 

«  Quand  est  de  ce  que  m'escripvez  que  vous  envoyé  le  double  de  l'in- 


1.  La  grande  ordonnance  donnée  à  Villers-Cottcrets.  en  août  i;J39,  sur  la  réforme 
de  la  justice,  qui  restreignait  la  compétence  des  tribunaux  ecclésiastii|ues  et 
créait  les  registres  de  l'état-civil,  venait  de  causer  un  réel  préjudice  aux  évêijues 
en  diminuant  fortement  leurs  revenus. 

2.  Tant  bien  que  mal,  vaille  que  vaille. 

3.  Antoine  Eparciios. 


58  AMBASSADE   DE  [aoUT   1d40] 

ventaire  des  livres  qui  sont  en  la  Itibliothecque  de  cesle  ville,  je  vous 
diray  que  pour  n'y  avoir,  comme  diclesl  cy  dessus,  (jue  deux  jours  que 
ay  reccu  voslre  lettre,  je  n'ay  encore  eu  le  loysyr  de  le  recouvrer.  Je  en 
ay  bien  ung  de  la  librairie  de  Saincl-Anllioiue  do  ceste  ville  ',  mais  il 
est  tant  mal  esrripl  que  je  seray  c<mtrainct  le  faire  conférer  sur  le  lieu 
mesnjes,  et  pareillement,  mais  qu(\jaye  recliairché  ung  peu  par  mes 
papiers,  je  pence  bien  trouver  des  inventaires  deslibrairyesde  Komme, 
Florence  et  d'I'rbin.  Par  ma  première  dépesche,  j'espère  vous  envoyer 
cesle  là  de  ceste  ville  et  les  aultres  avecques  le  temps... 

«  Monsieur,  s'il  plaist  au  roy  que  je  face  transcripre,  il  vous  plaira 
me  faire  mander  ungroUe  de  ceulx  que  ave/,  ut  sciam  (juiddesitvoOis...  » 

Vol.  2,  f"  30,  copie  du  xvi"  siècle  :  2  pp.  in-f". 

TELLICIEU   AU   Ut>I    -. 

33.  —  [Venise],  20  août  1540.  —  «  Sire,  comme  par  ma  dernière 
lettre  du  xvc  de  ce  moys  vous  ay  escript  que  estoys  chacun  jour  atten- 
dant la  venue  de  M.  de  Vaulx  présent  porteur,  hier  arriva  icy;  et  pour 
ce  que  depuys  madicte  dernière  n'ay  entendu  dicy  aulcune  chose  de 
nouveau,  et  aussi  que  par  luy  serez  advcriy  amplement  des  nouvelles 
de  Levant,  ne  vous  diray  aultre  sinon  que  l'affaire  des  intelligences  et 
traictes  que  on  a  entendu  secretlement  avoir  en  deux  villes  fortes  de 
vostre  royaulme  se  continuent  encores.  El  en  confirmation  de  ce,  M.  de 
Loddes  '  me  feisl  hier  entendre  avoir  eu  advizpar  ung  tillet*d'ung  dez 
plus  groz  personnaiges  et  auquel  l'on  se  peultaultant  attendre  en  choses 
d'estatque  à  nul  aultre  de  ceste  ville,  par  telz  ou  semblables  propoz  : 
c'est  en  somme  que  si  l'on  ne  avoyt  très  bien  pourveu  à  la  garde  de 
Marseille,  que  on  le  feist  et  le  plus  promptement  ;  et  mesmemenl  à  la 
rocquelte  qui  est  vers  le  port.  Et  quant  à  Hesdin,  r[ue  l'on  y  feist 
grosses  gardes,  et  par  tous  les  lieux  ou  environs  de  là  autour.  Et  sur  la 

1.  l'ar  lestament  en  date  rtu  16  août  1523,  année  de  sa  mort,  le  cardinal  Dome- 
nico  Griiiiani.  jialriarche  dAqiiilée.  (ils  du  doge  Antonio  Grimani.  avait  léguô  aux 
chanoines  rcj-'uliers  du  Sainl-Sauveur,  établis  dans  le  couvent  de  SanfAnlonio  in 
Caslello,  à  Venise,  sa  bibliothèque,  qui  passait  pour  Tune  des  plus  riches  de  ce 
temps.  Tomasini  a  donné  dans  ses  BihUothecx  Venptx  mamisrrlpl/e  (Udine.  1G50, 
in-i")  le  catalogue  complet  des  manuscrits  de  cette  bibliothèque,  qui  fut  cntière- 
remenl  «létruite  par  un  incendie,  à  la  fin  du  xvu'  siècle  (V.  Zeller,  loc.  cit.,  p.  116 
à  119). 

2.  «  Sota.  qu'il  n'a  point  esté  escript  cedit  jour  à  Mgr  le  conneslable.  —  Envoyé 
par  M.  de  Vaulx,  venant  de  r.onslanlinople.  » 

3.  LodovicoSimonetta.  évéque  de  l'esaro  de  lo3.o  â  lo37,  transféré  au  sièfi^î  de  Lodi, 
avait  dû  quitter  son  diocèse  à  cause  de  ses  sentiments  français.  Il  séjournait  fré- 
quemment à  Venise,  entretenait  dans  le  Milanais  tles  relations  c|ui  pouvaient  servir 
nos  intérêts,  et  jouissait  d'un  f.'rand  crédit  à  la  cour  de  Home.  11  résigna  son  siège 
en  155",  fut  créé  cardinal  en  1567,  et  mourut  le  3U  avril  de  l'année  suivante. 

4.  Synonyme  de  •  billet  ». 


[août    ia40]  GUILLAUME    PELLICIER  LJ9 

fin  de  ce  propoz  escript  davantaige  ce  mot  :  «  Entre  cy  et  peu  de  jours,  je 
vous  adviseray  plus  amplement  et  de  plus  grant  chose  ».  Je  ne  puys 
entendre  que  ad  ce  qu'il  dict,  que  on  prenne  garde  plus  à  la  rocquette 
vers  le  port,  que  ce  doibve  estreaultre  plus  tostquela  tour  et  [chasteau] 
de  Yf.  Sire,  j'estimoys  jusques  à  présent  tout  cecy  estre  vonu  par  le 
mesme  moyen  de  ce  père  révérend  duquel  vous  ay  escript  -,  mais 
attendu  le  long  temps  qu'il  y  a  qu'il  est  party  de  ceste  ville,  et  que  le- 
dit gentilhomme,  pour  la  dévotion  qu'il  porte  à  V.  M.,  ne  auroyt  tant 
attendu  d'en  donner  advertissement,  me  faict  pencer  qu'il  le  peult  avoir 
sceu  d'aultre  cousté.  Je  ne  fauldray  y  avoir  l'œil  et  aussy  j'ay  pryé 
mondict  sieur  de  Loddes  de  y  tenyr  la  main  :  ce  que,  je  suys  seur,  fera 
dilligemment  de  très  bon  cueur,  pour  la  grant  afïection  que  je  congnoys 
qu'il  porte  à  vostre  service.  De  quoy,  jusques  à  présent,  s'est  très  bien 
employé  et  me  suys  beaulcoup  vallu  de  son  œuvre.  S'il  m'en  faict 
entendre  davantaige,  suyvant  ce  que  ledit  gentilhomme  promect  par 
son  tillet,  je  ne  fauldroy  sellon  la  qualité  et  exigence  de  l'afTaire,  vous 
en  faire  sçavoir  en  telle  dilligence  que  y  sera  requise.  Et  pour  aultant 
que  je  entendz  que  ledict  affaire  requiert  scellerité  '  de  remedde,  m'a 
semblé  en  debvoir  escryre  à  M.  de  Langey  pour,  si  luy  semble  expé- 
diant, en  advertyr  M.  le  gouverneur  de  Provence*  et  aultres  qu'il  con- 
gnoistra  mieulx  servir  à  cest  affaire'.  » 

Vol.  2,  f"  31,  copie  du  xvi®  siècle;  1  p.  in-f^. 

PELLICIER   A   M.    DE  LANGEV^. 

34.  —  [Venise],  20  août  1 540.  —  «  Monsieur,  pour  ce  que  il  n'y  a 
que  troys  jours  que  vous  ay  escript  amplement  tout  ce  que  avoys  peu 

1.  Château  fort  et  donjon  construits  par  ordre  de  François  I"',  en  1529,  sur  un 
rocher  situé  k  2  kilomètres  de  la  côte,  en  face  du  port.  L'ilot  tire  son  nom  des 
ifs  qui  y  croissaient  primitivement  en  abondance. 

2.  Lunello,  général  des  Observantins. 

3.  Célérité. 

4.  Claude  de  Savoie,  comte  de  Tende,  baron  de  Cipierre,  gouverneur  et  grand 
sénéchal  de  Provence,  né  le  1"  mars  1507,  mort  à  Aix  le  6  avril  1560. 

11  était  Ois  de  René,  bâtard  de  Savoie,  comte  de  Yillars  et  de  Tende,  qui  avait 
exercé  ces  charges  avant  lui. 
La  sœur  de  Claude,  Maileleine,  avait  épousé  le  connétable  de  Montmorency. 

5.  «  Escript  cedit  jour  à  M.  le  bailly  du  Palais  touchant  son  nepveu.  »  Le  bailli  du 
Palais,  qui  siégeait  à  Paris  dans  l'enclos  du  Palais  de  Justice,  et  connaissait  des 
causes  civiles  et  criminelles  dans  l'étendue  de  son  ressort,  était  alors  Nicolas  Ber- 
thereau  (V.  Cat.  des  actes  de  François  1",  t.  III,  p.  604.  n"  10  282). 

«  Escript  auasi  cedit  jour  à  Saint-Pol  touchant  de  s'en  aller  au  pays  aprez  avoir 
receu  la  demye  année.  ■■ 

6.  "  Escript  encores  cedict  jour  audit  seigneur,  Tadvertissant  des  épistres  Ad 
Atticum  de  messer  Paulo  Manutio.  • 

Pellicier,  qui  avait  connu  à  Rome  le  célèbre  imprimeur,  l'avait  mis  bientôt  en 
relation  avec  le  roi  et  ses  ministres,  et  lui  prêta  plus  d'une  fois,  pour  ses  impor- 


60  AMllASSAOE    DE  [aOIT    1540] 

eiUendre  icy  de  nouveau,  et  aussi  que  le  présent  porteur  vous  pouira 
compter  bien  au  long  les  affaires  de  Levant,  ne  vous  diray  pour  ceste 
heure,  sinon  que  journellement  viennent  a  moy  plusieurs  person- 
nai^es  désirans  estre  au  service  du  roy.  Kntre  lesquels  vous  ay  bien 
voullu  adverlyr  d'uiiK  nommé  messire  Jlicronimo  de  Treviso ',  fort 
ingenieulx  à  l'aire  insliumentz  sur  le  laicl  de  la  guerre;  et  mesmement 
m'a  monstre  ung  modelle  d'ung  pont  pour  entrer  en  une  ville  par 
force  ou  à  laniblée,  fort  subtil,  et  s'il  se  peult  aussi  adopérerpar  effect 
quil  démonstre  par  son  idea,  s'il  vous  plaist  qu'il  aille  vers  vous,  en 
m'en  advertissant,  je  le  luy  feray  entendre  pour  vous  aller  trouver, 
et  lors  ]>ourrez  trop  mieulx  congnoistre  en  quoy  l'on  le  pourra 
employer  et  se  servir  de  luy  que  ne  sçauroys  escripre.  Pareillement  y 
a  icy  ung  vieil  homme  qui  a  ung  lilz  qui  sçait  faire  le  bronze  sans  y 
mettre  mixture  d'aullres  métaulx,  (^ui  sera  aussi  bon  et  qui  résistera 
contre  le  ieu  mieulx  deux  foys  que  l'aullre;  lequel  semblablement  ne 
désire  que  d'cstre  employé.  Vous  adviserez  s'il  y  aura  lieu  de  ce  faire, 
et,siveoyez  que  bien  soyl,  m'en  ad vertyr  pour  luy  faire  entendre  voslre 
vouUoir  et  intencion...  » 

Pellieier  allirme  encore  de  bonne  source  que  l'ennemi  a  des  intelli- 
gences dans  Marseille  et  Hesdin,  et  engage  du  Bellay  à  en  écrire  au 
gouverneur  de  Provence. 

Vol.  2.  r^  .31  yo,  copie  du  .wi''  siècle;  \  p.  in-fo. 

PELLICIER   Al"   li AILLI   D'oRLÉANS  2. 

35.   —  [F(?/îise],   .20    août   1  ô40.  —  «  Monsieur,  je  suys  très  aise 

lanls  travaux,  le  concours  do  la  vaste  érudition  qu'il  possédait.  Il  eut  en  outre 
l'occasion  de  lui  rendre  un  signalé  service  en  faisant  accorder  un  sauf-conduit  à  son 
second  frère,  Antonio  Manuzio,  banni  do  Venise  pour  une  affaire  dont  on  ignore 
les  détails,  et  que  l'aolo  qualilie  «rorreur  de  jeunesse,  «  juventulis  erratum  ».  En 
témoignage  de  gratitude,  P.  Manuzio  dédia  à  Pellieier  la  première  édition  des 
Lelires  de  Cicéron  à  Allicus,  publiée  au  mois  d'août  «le  celte  année  (M.  Tidiii  Cice- 
t'Oiiis  Epislolie  ud  Allicum,  ad  M,  Urulum,  ad  Quintum  fralrem,  apud  Aldi  filios, 
Venoliis,  MDXL.  nniise  augiisto,  iri-8"j. 

1.  Biaise  de  Munlliic,  Martin  du  Bellay  elBrantùmc  i)arlent,  dans  leurs  mémoires, 
d'un  «  Jéronim  Marin,  qu'on  estimoicl  le  plus  grand  homme  d'Italie  pour  assiéger 
les  places  »,  rpii  j>ril  part  à  ralla(|ue  de  Pei'pignan,  en  1312,  fut,  l'année  suivante, 
eni|)loyé  aux  fortilicalions  de  Luxomliourg  cl  négocia  en  ioi4  la  capitulation  de 
Saint-Dizier  ;  mais  du  Bellay  le  dit  originaire  de  Bologne.  En  elfel,  des  lettres 
de  chevalerie  furent  accordées  à  Meudon,  le  2"  février  io42,  au  capitaine  Jérôme 
Marin,  de  Bologne,  commissaire  général  des  réjjaralions  des  places  de  Piémont 
{Cat.  des  actes  de  François  I",  t.  IV,  j).  291,  n"  12  3oo).  —  Girolamo  de  Trévisc 
figure  au  nombre  des  correspondants  de  l'Arétin,  qui  lui  écrit  de  Venise  le 
22  mai  1542  (V.  Il  seconda  libro  délie  le/lere  di  l'ielro  Ai-clino;  Paris,  ICO'J,  in-12). 
Les  deux  désignations  peuvent  d'ailleurs  fort  bien  se  rapporter  à  un  même  per- 
sonnage. 

2.  «  Adjonction  d'une  lettre  escripte  à  .M.  le  bailly  d'Orléans,  du  xx»  d'aoust,  qui 
n'a  esté  mise  en  myiiute.  »  —  Jacques  Groslot,  seigneur  de  Champbaudoin,  con- 


[août    \]\iO  GUILLAUME    PELLICIER  61 

que  avez  prins  la  cognoissence  du  sire  Laurens  Charles  '  ;  car  je  vous 
asseure  que  c'est  ung  aussi  asseuré  et  parfaict  amy  que  l'on  sçauroyt 
désirer.  Et  de  ftion  cousté  je  l'ay  très  bien  congneu  en  plusieurs  mes 
afiaircs,  m'y  donnant  ordinairement  aultant  d'ayde  et  secours  que 
parent  ne  amy  que  je  aye  -...)> 

Vol.  2,  f°  32,  copie 'du  xvi"  siècle;  1/3  p.  iu-f". 


PELLICIER   A   RINCON. 

36.  —  [Venise],  21  août  1540.  —  «  Monsieur,  vouUant  gratiffier  ung 
chacun  et  aussi  que  je  congnoys,  pour  l'entière  amytié  que  me  portez, 
que  n'aurez  à  desplaisir  se  tant  souvent  à  la  faveur  d'aulcuns  bons 
serviteurs  du  commun  maistre  et  à  présent  entre  aultres  de  M.  de 
Vaulx,  aultrement  le  seigneur  Jehan  Joachim,  et  messire  Jacomo  de 

seiller  au  grand  conseil,  avait  été  pourvu  de  roffice  de  bailli  d'Orléans  par  lettres 
du  30  avril  1537  {Cat.  des  actes  de  François  I",  t,  VI,  SiippL,  p.  454,  n°  21  238).  Le 
14  juin  1541,  il  résigna  ses  fonctions,  qui  étaient  héréditaires,  en  faveur  de  son 
fils,  Jérôme  Groslot.  11  devint  chancelier  de  la  reine  de  Navarre,  mère  de  Henri  IV 
(E.  Bimbenet,  Monographie  de  l'hôtel  de  la  mairie  d'Orléans;  Orléans,  1851,  in-^",  et 
Cal.  des  actes  de  François  I"',  t.  IV,  p.  213,  n°  11  979). 

l.Les  Archives  municipales  de  Lyon  nous  ont  fourni  quelques  renseignements 
sur  ce  personnage,  qualifié  en  1533  de  ■<  Laurent  (Iharles,  marchand  florentin  »,  à 
l'occasion  de  fournitures  faites  à  la  Ville,  de  fil  d'or  de  Chypre,  pour  la  confection 
des  poêles  destinés  à  l'entrée  de  la  reine  Eléonore,  femme  de  François  I'"'',  du  dau- 
phin, du  duc  d'Orléans  et  du  duc  d'Angouléme,  fils  du  roi,  les  26  et  27  mai  (Inv. 
somm.,  t.  m,  p.  ICI).  En  1536,  des  plaintes  s'élevèrent  de  la  part  des  tanneurs 
et  cordonniers  de  Lyon  contre  Laurent  Charles,  qui  accaparait  tous  les  cuirs  non 
seulement  des  boucheries  de  la  ville,  mais  encore  des  contrées  voisines,  de  sorte 
que  ces  artisans  ne  pouvaient  s'en  procurer,  «  si  ce  n'est  par  les  mains  dudict 
Charles  qui  les  vend  à  son  plaisir  et  plus  cher  de  moytié  qu'ils  ne  souloient 
couster  »  {Inv.  som.  des  archives  de  Lyon,  t.  I,  série  BB,  p.  26,  col.  1).  Néanmoins 
des  lettres  de  naturalité  furent  accordées  à  Compiègne,  en  octobre  1539,  au  même 
Laurent  Cliarli,  marchand  florentin,  marié  et  domicilié  à  Lyon  [Cul.  des  actes  de 
François  I",  t.  IV,  p.  59,  n°  H  270).  En  1550,  on  voit  «  honorable  homme  Laurent 
Charles,  marchand,  citoyen  de  Lyon,  acquérir  «  une  maison  haute,  moyenne  et 
basse,  avec  deux  Jardins  et  une  cour  entre  deux  »,  rue  Tramassac,  ou  de  la  Mon- 
naie, devers  Fourvières.  Élu  pour  le  roi  à  Lyon  en  1559-1560,  il  était  mort  en  1580, 
époque  où  ses  héritiers,  Jean,  qui  fut  aussi  élu  du  Lyonnais  (en  1373-74),  et 
Alexandre,  transigèrent  avec  la  Ville  pour  l'établissement  d'une  percée  dans  l'im- 
meuble de  la  rue  de  la  Monnaie  [Arcliiv.  dit  Rhône,  Inv.  somm.,  t.  I,  série  E,  p.  65). 

L.  Charles  faisait  partie  de  la  grande  colonie  de  marchands  florentins,  génois, 
lucquois,  milanais  et  mantouans,  banquiers  ou  négociants  en  soieries  pour  la  plu- 
part, établis  à  Lyon  au  xvi*  siècle  (V.  Inr.  somm.  des  Archives  de  Lyon,  t.  III.  pp.  223, 
254,  etc.) 

Il  ne  faut  pas  confondre  celle  famille  avec  celle  du  dauphinois  Geofl'roy  Caries  ou 
Charles,  président  de  Grenoble,  puis  de  Milan,  héros  de  la  36"  nouvelle  de  l'IIepta- 
méron  de  Marguerite  de  Navarre  (V.  la  notice  de  l'édition  donnée  par  le  regretté 
A.  de  Montaiglon,  Paris,  Eudes.  1880,  4  vol.  in-8°;  t.  IV,  p.  293). 

2.  «  Escript  cedit  jour  deux  lettres  au  sire  Laurens  Charles,  la  première  le  pryant 
mander  argent  le  plus  tost  à  Mgr,  et  par  l'aultre  de  recepvoir  trente  escuz  que 
M.  de  Vaulx  luy  doibt  bailler  au  nom  de  mondit  seigneur  pour  les  luy  avoir 
prestez  icy.  » 


02  AMllASSADE    DE  [aOUT    1;U0] 

la  Croys  '  que  bien  congnoissez,  vous  fays  pryôres  et  supplications,  — 
à  ceste  heure,  estant  par  eulx  très  allectueusement  pryé  vous  escripre 
la  |»résente,  ne  vous  ay  voullu  desnyer  pour  vous  adverlyr  et  faire 
entendre  comme  vous,  ayant  eu  licence  et  congé  des  Seigneurs  de 
Raf^use  de  lever  quatre  de  leurs  naves  pour  aller  chercher  frommens 
al  lo/o'el  les  porter  en  (piolquc  pari  «[uil  vous  plairoyt  en  la  chré- 
tienté; et  que  pour  cest  elFecl  semble  que  ladicte  Seigneurie  de 
Ra^use  ^  vueille  accuser  que  messer  Polo  de  Gradi,  Raguseo  *,  demeu- 
rant ix  Péra,  en  avoyt  esté  cause  que  à  son  instance  cela  aytesté  faict. 
De  quoy  se  voidlant  excuser  et  i)urger,  j'ay  esté  recharché  par  ceulx  que 
dessus  et  aultres  vous  pryer  donner  bonne  information  de  ce  au  sieur 
ambassadeur  de  Raguze  prez  du  Grant  Seigneur.  Et  pour  aultant  que 
au  nombre  desdicles  quatre  naves  à  vous  concédées  en  fui  nollisée  une 
de  Somaio  de  Florence^ pour  Ligorne",  en  laquelle  estoyt  participant  on 
polile  quantité  ung  nommé  messer  Orsato  de  Giammagno,  de  ceste  ville 
de  Venise,  laquelle  fut  par  icelluy  Somaie  conduyle  en  Florence,  et  que 
à  ceste  cause  lesdicts  messer  Orsato  et  Polo  de  Péra  ont  esté  condemnez 
parla  Seigneurie  de  Raguze  chascun  en  deux  mille  ducalz  contre  tout 
debvoir  et  raison,  s'il  est  ainsy  qu'ilz  n'en  ayent  point  de  coulpe.  Il 
vous  plaira  faire  apparoir  à  la  Seigneurie  de  Raguze  de  leur  innocence 
qui  est  à  vous  toute  noloyre,  ainsi  que  on  m'a  dict.  Et  davantaige  que 
lesdicts  Seigneurs  de  Raguze  furent  contens  que,  en  lieu  de  la  nave 
qui  fut  menée  à  bigorne,  l'on  en  print  une  aullre  et  la  conduyre  al  V'olo. 
Laquelle  n'y  peust  estre  chargée,  non  par  faulte  et  manquement  des- 
dicts  messer  Orsato  et  Polo,  mais  pour  ce  que  le  Grant  Seigneur  ne 
voulust  que  ledict  Somaie  en  fist  charger  davantage.  Vous  pryant 
aussi  donner  bonne  justiffication  audict  seigneur  ambassadeur  de 
Raguze,  si  ledict  Polo  de  Gradi  ou  bien  ledict  messer  Orsato  ont 
aulcunement  particippé  aux  frommens  que  vostre  Seigneurie  a  faict 
charger  l'année  passée  en  Levant,  afin  de  leur  lever  telle  culompnies  à 
eulx  imposées  et  qu'ilz  ne  soyent  injustement,  à  cause  de  tout  ce  que 
dessus,  mollestez  ne  oppressez  en  leurs  facultez.  Et  pareillement  j'ai 

{.  Jean-Jacques  de  la  Croix,  agent  de  l'ambassade  française  à  Venise.  Il  en  est 
question  dans  une  lellre  de  Renée  de  France,  du  23  juillet  1539,  â  M.  de  Pons,  où 
elle  dit  :  «  J'cscripré  à  Jean  Jacomo  de  la  Crois  pour  me  faire  avoir  des  pongnars 
{poir/nardt)  et  à  M.  de  Monpelier  (l'elticier)  »  (Fontana,  Renata  di  Francia,  duchessa 
di  i-enara-,  Rome,  1S89-1803,  2  vol.  gr.  in-S"). 

2.  Volo,  ville  et  i)orl  de  Tuniuie,  en  Tliessalie,  sur  un  golfe  de  l'archipel  qui  porte 
également  ce  nom. 

3.  Indépendante  depuis  la  rlmte  de  l'empire  grec,  Raguse  formait  une  petite 
republique  aristocrati(jue,  qui  se  maintint  pendant  plusieurs  siècles  sous  la  protec- 
tion des  puissances  voisines. 

i.  Paolo  de  Gradis,  négociant  et  banquier  ragusain  établi  à  Constantinople. 

5.  Les  Sommaja,  banquiers  florentins. 

6.  Livourne,  port  de  commerce  fort  important  de  la  Toscane,  sur  la  Méditerranée. 
Simple  bourgade  jusqu'au  milieu  du  xni«  siècle,  les  Florentins  l'avaient  acquise 
des  Génois,  en  1421,  afin  d'y  établir  un  port  et  de  se  créer  une  puissance  maritime. 


["août    Ia40]  GUILLAUME    PELLICIER  63 

esté  pryê  vous  supplyer  qu'il  vous  plaise  donner  toute  ayde  et  faveur 
à  un  nommé  Jclian  do  Pahnonte,  de  Andrinopoli',  alin  qu'il  ayt  congé 
et  licence  de  povoir  lever  des  pays  du  Grant  Seigneur  telle  quantité  de 
uve  passé  -  qui  luy  sera  de  besoing,  sçavoir  est  à  Lépanto^,  Palrasso  *, 
et  aultres  lieux  circonvoisins.  Dont  de  tout  ce  que  dessus  je  vous 
supplye,  Monsieur,  mais  c'est  de  tout  mon  cueur,  suyvant  vostre 
accoustuméo  bonté,  voulloir  donner  à  cognoistre  ausdicts  person- 
naiges,  le  plus  efficacement  qu'il  vous  sera  possible,  que  ma  lettre  leur 
aura  servy  en  cest  endroict;  et  ce  sera  pour  de  tant  plus  confirmer  et 
faire  apparoir  à  ung  chascun  la  vraye  et  entière  amytié  qui  est  entre 
nous  deux,  faisant  de  mon  cousté  le  semblable  en  tout  ce  qui  me  sera 
possible.  » 

Vol.  2,  f"^  32,  copie  du  wi"  siècle;  1  p.  in-f'^. 

PELLICIER  AU  MÊME  ^. 

37.  — [Venise],  3.2  aoùl  1540. —  M.  de  Vaux  est  arrivé  le  18,  appor- 
tant les  lettres  de  Rincon  des  17  et  18  juillet. 

«...  Quant  ad  ce  que  m'escripvez  vous  faire  responce  sur  ce  propoz  que 
vous  avoys  mandé  long  temps  a,  touchant  la  décadence  et  abaissement 
du  crédict  de  S.  M.  par  delà  et  de  ses  ministres,  je  vous  diray  que  à  pré- 
sent le  contraire  est  tant  bien  congneu,  et  a  l'on  a  vu  à  l'œil  et  touché  au 
doy  que  c'estoyent  parolles  mises  en  avant  contre  toute  vérité  et  hon- 
nesteté,  comme  depuys  par  plusieurs  tesmoingnages  des  bons  et  loyaulx 
offices  que  soubz  la  faveur  et  crédict  dudict  seigneur  roy  avez  faict  en 
cest  endroict,  ainsi  que  vous  ay  escript  et  que  vous  mesmes  m'escripvez 
par  vostre  lettre  dudit  xviii*^  avoir  entendu.  Il  me  semble  n'estre  besoing 
vous  faire  aulcune  responce  sur  ce  poinct  là,  sinon  que  pour  le  grant 
desplaisyr  que  je  avoys  de  telz  biaisons  qui  n'estoyent  vraiz  les  vous 
vouUuz  bien  faire  entendre,  ainsi  que  feray  ordinairement  tout  ce  que 
pourray  congnoistre  qui  concernera  la  réputacion  et  auctorité  du  roy 

1.  Giovanni  di  Palmonle,  négociant  italien  établi  en  Levant. 

2.  Uve,  du  lalin  uva.  —  Uva  passa,  raisin  sec. 

3.  Lépante,  ville  forte  et  port  de  Grèce  sur  la  côte  septentrionale  du  golfe  de  ce 
nom.  Elle  appartenait  aux  Turcs  depuis  1498. 

4.  Patras,  port  de  Grèce  situé  à  l'entrée  du  golfe  de  Lépante,  dans  l'enfoncement 
qui  prend  de  là  le  nom  de  golfe  de  Patras.  Conquise  par  les  Turcs  en  1446,  son 
commerce  florissant  y  avait  fait  établir  des  consuls  par  les  principales  nations 
européennes,  et  notamment  par  les  Vénitiens. 

5.  «  Nota,  che  e  stato  scritto  il  detto  giorno  al  signor  arcivescovo  di  Ragusa,  dan- 
doli  aviso  de  le  ultime  ne  le  quali  si  scriveva  degli  mille  scudi;  del  plico  che  va  a 
Gonstantinopoli  per  messo  non  a  posta;  le  acoglienze  fatte  a  lo  scapoccino;  la  excusa 
fatta  del  dolcrsi  de  l'aviso  datoli  di  quelli  di  Ragusa,  che  rapportavano  le  nuove; 
la  racommandalio  del  canonico  Dulcigno;  la  nuova  de  la  morte  del  re  d'Un- 
garia,  etc.  • 


64  AMBASSADE    DE  [aOUT    l:i40] 

el  honneur  de  vous,  estant  asscuré  que  le  prendrez  tousjours  comme 
d'ung  vostn;  el  parfaict  amy,  désirant  vous  tenyr  adverly  de  toutes 
choses.  Au  demeurant,  n'esloyt  que  je  crains  que  on  voullust  penccr 
que  fusse  trop  enviculx  de  sçavoir  les  afTaires,  je  vous  vouldroys  bien 
pryer,  si  voyez  que  bien  soyl,  rtu;  donner  adviz  quel  fruicl  et  mérite 
Ton  pourra  avoir  à  la  lin  sur  la  conclusion  de  ceste  paix  au  prolllct  et 
avantage  de  nostre  commun  maistre,  pour  tant  de  peynes  et  travaux 
que  y  ont  prins  ses  ministres  souhz  sa  faveur  et  crédict;  et  mesme- 
menl  vous  plus  (juc  nul  aullre,  en  quoy  aussi  de  mon  cousté  ne  me 
suys  espargné  sellou  l'endroict  où  jii  suys.  Car  s'il  est  ainsi  que  de 
lonj^temps  suys  adverly  que  cez  Seigneurs  vous  ayenl  faict  entendre, 
que  d'eulx-mesmes  feussenl  conlcns  condescendre  à  quehjue  parly 
pour  lequel  se  voulsissenl  rendre  neutres,  ce  ne  seroyl,  s»tulr/,  correc- 
tion, grand  avantage,  comme  vous-mesmes  sçavez  trop  mieulx;  mais, 
j'estime  par  voslre  bonne  prudence  el  dextérité  sçaurez  si  bien  con- 
dnvre  cest  afTaire  que  suys  tout  asseuré  que  ce  sera  au  plus  grant 
lionneur,  proflict  el  advanlage  de  S.  M.  Et  de  ma  part  n'esloyt  que  on 
me  pourroyl  accuser  de  m'empesclier  trop  avant  en  cest  afl'aire,  je 
diroys  (jue  à  tout  le  moings  l'on  debvroit  emporter  ce  poincl  que  on  se 
déclarasl  amy  du  vray  amy  que  bien  sçavez,  el  qu'ilz  ne  nient  point  ne 
luy  estre  plus  allenuz  que  à  nul  aullre...  » 

M.  de  Vaux  est  parti  le  20  pour  la  cour,  envoyant  d'avance  son 
paquet  à  Turin. 

«  ...  Icy  sont  venues  lettres  de  laTransylvanye,  du  vii^du  présent,  par 
lesquelles  l'on  entend  que  le  roy  Jehan  esloyl  si  griefvement  mallade 
que  l'on  n'y  allendoyl  vie.  S'il  est  ainsi,  j'estime  que  aurez  esté 
adverly  plus  tosl  que  de  ce  cousté.  » 

Vol.  2,  fol.  ;{3.  copie  du  xvi^  siècle;  i  p.  1/2  in-f». 

l'ELLlCIER   A    M.    DE   RODEZ, 

38.  —  [Venise],  23  août  1540.  —  «  ....  M.  de  Vaulx,  ainsi  que  vous 
ay  cscripl,  arriva  icy  le  xviii  en  très  l)onne  santé,  ayant  apporté  lolal- 
lemenlla  résolucion  de  ce  pour  quoy  il  esloyl  allé  en  Constantinople, 
avecques  l'entière  satisfacion  el  contentement  de  S.  M.  ;  qui  n'est  aullre, 
ainsi  que  j'ay  peu  entendre,  que  une  nouvelle  ralificaciou  el  confirma- 
tion de  lamytié  et  bonne  voulenlé  que  le  Grant  Seigneur  porte  â  S.  M., 
laquelle  a  accordée  moult  voullentiers  et  de  très  bon  cueur,  avecques 
telles  promesses  et  offres  que  on  eust  sceu  demander.  Qui  sont  toutes 
les  nouvelles  que  vous  puys  faire  entendre  de  ce  cousté  là,  sinon  que 
le  xviF  du  passé  les  bassaz  tenoyenl  propoz  au  seigneur  Rincon  qu'ilz 
estoyenl  en  grande  expeclalion  d'entendre  la  responce  el  résolution  de 
ceste  Seigneurie  sur  les  conditions  de  la  paix  accordée  à  cez  Seigneurs, 


[AOUT    1540"  GUILLAUME    PELLICIER  gj; 

s'esbahissans  qu'elle  tardoyt  tant  à  venyr.  Sur  quoy  ledit  seigneur 
Rincon  l'eist  responce  tant  pertinente  et  suflisante  à  ee,  par  sa  bonne 
dextérité  et  jugement,  qu'il/,  s'en  tindrent  pour  contens.  Et  le  lan- 
demainxviii'-^  arriva  là  Janezin,  envoyé  par  ceste  Seignorie,  comme  vous 
ay  escript,  portant  ladicte  résolucion  de  tout  sur  cest  affaire;  mais, 
pour  ce  que  ledict  seigneur  de  Vaulx  avoyt  desjà  sa  dépesche  toute 
faicte  et  qu'il  se  partit  ledict  jour,  l'on  n'a  sceu  encores  entendre  quelle 
conclusion  se  faira  là  dessus  :  laquelle,  ainsi  que  a  escript  l'ambassa- 
deur de  cesdicls  Seigneurs,  debvoyt  mander  dedans  quatre  ou  cinq 
jours  de  là.  Et  enfin  j'estime  que  les  affaires  de  cez  Seigneurs,  pour  la 
faveur  et  auctorité  du  roy  qui  ne  les  a  pas  moings  à  cueur  que  les 
siennes  propres,  avec  la  conduyte  et  dextérité  dudict  seigneur  Rincon, 
se  pourteront  très  bien  de  ce  cousté  de  là.  L'on  a  eu  icy  lettres  de 
Pétovia  -  et  aultres  lieux  de  ce  quartier  là,  du  vii"  de  ce  moys,  par 
lesquelles  l'on  entend  que  le  roy  Joani,  vayvoda,  estoyt  si  griefvement 
mallade  que  l'on  n'y  attendoyt  vye;  de  sorte  que  à  présent  Toppinion 
est  d'un  chascun  qu'il  est  déceddé  -.  S'il  est  ainsi,  vous  entendez  très 
bien  quelz  mutacions  et  troubles  en  pourront  sourtyr^  Quand  aux  nou- 
velles de  la  court,  je  vous  diray  que  j'en  ay  ce  jourd'huy  receu  lettres 
du  xiT  et  XIII''  de  ce  moys,  escriptes  à  Watteville  \  où  le  roy  se  retrou- 
voyt  en  aussi  bonne  santé  que  jamais.  Dieu  mercy,  et  ses  affaires  se 
portoyentde  tous  coustez  aussi  bien  que  on  sçauroyt  souhaiter;  et,  ad 
ce  que  m'escript  monseigneur  le  connestable,  S.  M.  estoyt  pour  s'en 
retourner  de  brief  à  Fontainebleau.  Et  pour  aultant  que  suys  bien 
asseuré  que  aurez  plaisyr  d'entendre  le  bien  et  accroissement  de  messer 
Sébastiano  Serlio,  architecto,  je  vous  diray  comme  ayant  escript  en  sa 
faveur  à  la  reyne  de  Navarre,  il  y  a  environ  ung  moys,  mon  homme, 
que  j'ay  là  à  la  court,  m'a  faict  responce  là  dessus  que  madicte  dame 
avoyt  tant  faict  avec  S.  M.  qu'il  luy  avoyt  esté  ordonné  troys  cens  escuz, 
lesquelz  desjà  mondict  homme  avoyt  recouvers  et  mandez  à  Lyon  pour 
me  faire  tenyr  icy,  affm  de  les  luy  bailler  pour  faire  le  voyaige  en 
France  avecques  sa  famille;  —  et  pour  l'ad  venyr  deux  cens  escuz  d'estat 
du  roy  et  cent  que  madicte  dame  luy  donne,  et  une  maison  en  France, 
sans  aultres  bons  advantages  que  mondict  homme  m'escript  me  faire 
entendre  cy  après.  Il  m'a  donné  une  lettre  par  laquelle  à  mon  adviz 
vous  advertist  de  son  voulloir  et  intencion...  » 

Vol.  2,  fo  ,33  v%  copie  du  xvi»  siècle;  1  p.  1/2  in-f^. 


i.  Pcttau,  en  latin  ..  Petovio  «,  ville  de  Styrie  sur  la  rive  gauche  de  la  Dravc,  à 
30  kilom.  de  Marbourg. 

2.  Jean  Zapolya  mourut,  en  elTet,  le  21  juillet  1540. 

3.  Valteville,  bourg  de  Normandie,  situé  dans  l'arrondissement  d'Yvelot  (Seinc- 
Inférieure),  sur  la  rive  gauche  de  la  Seine.  François  I"  y  fit  alors  un  assez  long 
séjour  (V.  Catalogue  des  actes  de  François  I",  l.  IV,  pp.  131  à  137). 

Vemsk.  —  1540-1542.  .S 


66  AMUASSAl'E   DE  AOl T    1540j 

l'ELMCIEH    Al     »(»!  '. 

39.  —  \Vruise],  26  août  i  ,')40.  —  «  Sire,  je  receuz  hier  les  lettres 
qu  il  vous  a  pieu  m'escripre  du  xu"  de  ce  moys,  les<iu<'llt'sce  jourd'huy 
suysallé  comuiuniqucr  à  co/.  Scij^neurs,  eu  ce  qui  laisoyt  pour  eulx, 
mesmemonl  que  V.  M.  vnulloyt  quo  on  leur  feist   1res  bien  entendre 
que  en  tous  les  lieux  et  endroiclz  où  vous  pourrez  faire  pour  ceste  Sei- 
gneurie, qu'il  ny  aura  point  de  faulle  que  ne  le  faciez  comme  le  meil- 
leur et  plus  Terme  amy  qu'elle  aura  jamais  en  ce  monde.  VA  pareille- 
ment ay  dêclairé  le  contenu  de  celles  que  avoys  receues  du  seigneur 
Rincon  j)ar  M.  de  Vaulx,  qui  n'estoyt  en  somme  (jue  les  bons  offices 
quejournellemenlicelluy  seigneur  Hincon  afaictz  et  faict  pour  eulx  là  où 
il  est  suyvanl  voslre  vouUoir  et  commendemenl.  Lesquelz,  après  vous 
avoir  très  atlecUonnèment  remercyè,  m'ont  dict  qu'il/,  congnoissoyent 
les  etïecty.  et  démonstrations  eslre  si  apparens  de  la  parfaicte  et  vraye 
araytié  que  leur  portez;  et  encores  qu'ilz  en  sont  tant  bienasseurez  par 
leurs  ministres  mesraes,  par  le  rapport  de  messire  Vincenzo  Grimani, 
et  de  leur  ambassadeur  le  seigneur  Gapello*  qui  est  prez  de  V.  M.,  que 
povez  estre  certain  que  réciproquement  vous  portent  telle  amytié  et 
affection  qu'ilz  sçauroyent  faire  à  leur  estât  et  république  mesmes.  Et 
de  ma  part  me  semble  que  je  les  veoy  chascun  jour  augmenter  de  plus 
en  plus  en  ceste  bonne  voullenté,  principallement  les  plus  grandz  et 
apparens  de  ceste  Seignorie,  comme  ceulx  du  colliege  et  conseil  de 
Diexe.  Et  aprez  avoir  dêclairé  tout  ce  que  me  sembloyl  estre  bon  à  leur 
dire,  les  ay  priez,  s'ilz  avoyenl  quelque  nouvelle  digne  de  vous  faire 
sçavoir,  qu'il  leur  pleust  m'en  voulloir  faire  part,  et  nommément  du 
bruictqui  estoyt  icy  du  roy  Jehan,  vayvoda;  lesquelz  me  ont  dictqu'ilz 
avoyent  eu  lettres  de  Pelovia,  du  vu"  de  ce  moys,  et  par  icelles  entendu 
pour  tout  vray  que  ledict  roy  vayvoda  estoyt  déceddé,  me  disant  que 
V.  M.  enlendoyt  très  bien  de  quelle  importance  et  conséquence  povoyt 
estre  sa  mort,  et  quelles  mutacions  et  troubles  en  pouvoyent  sortyr. 
Et  depuysj'ay  entendu  comment  ilz  avoyent  eu  lettres  de  leur  ambas- 
sadeur prez  du  roy  Ferdinando,  les  advertissant  que  icelluy  roy,  ayant 
sceu  le  grief  estât  dudict  roy  Jehan,  se  partyt  le  xxix'  juillet  de  Ilague- 
naou  et  se  mistpareaue  sur  le  Danubio  pour  arriver  plus  tost  à  Vienne, 
en  laquelle,   nonobstant   quelque  peste   qu'il  y  ayt,    estoyt  résouUu 
d'entrer  pour  pourveoir  aux  affaires  du  royaulme  d'Hongrye  et  pays 

1.  «  Nola  que  la  présente  dépeschc  a  été  mandée  par  Formiguet  en  dilligence.  • 
—  Formiguet,  munilionnaire  chargé  de  la  solde  des  troupes  et  des  autres  dépenses. 

2.  Cristoforo  Capeilo,  ambassadeur  ordinaire  de  la  république  de  Venise  auprès 
de  François  I"de  1537  à  1540.  Ses  dépêches  malheureusement  nous  manquent,  aussi 
bien  que  sa  relation,  qui  fut  présentée  à  la  Seigneurie,  à  son  retour  de  France,  le 
2S  avril  l.')41  (V.  Baschet,  Ai-chives  de  Venise,  pp.  342  et  G"3,  et  la  dépêche  de  Pelli- 
cier  au  roi,  du  30  avril  1541). 


[août    1540]  GUILLAUME    PELLICIER  67 

dudict  roy  Jehan,  le  tenant  comme  pour  mort.  Par  quoy,  me  recordant 
encores  des  propoz  que  M.  l'arcevesque  de  Transilvanye,  son  ambas- 
sadeur, me  dist,  passant  par  cy  au  moys  de  may,  comme  ay  escript 
à  V.  M.  le  xxix^  dudict  moys,  touchant  le  traictement  de  quelques 
affaires  de  bien  grant  importance  avecques  icelle,  m"a  semblé  ceste 
nouvelle  n'estre  nioings  d'importance  pour  estre  faicte  entendre  aussi 
tost  que  celle  de  la  paix  de  ccz  Seigneurs  dernièrement  et  de  la  prinse 
de  Castelnove,'  dont  ay  dépesché  incontinent  expressément  et  en  dilli- 
gence  jusques  à  Thurin  pour  vous  en  advertyr.  Sire,  j'ay  entendu  que 
l'empereur,  estant  adverty  par  quelque  cardinal  de  Rome  que  Ton 
présume  que  Mgr  le  Révérendissime  Salviati  '  sollicitoyt  fort  le  duc 
Cosme  -  pour  l'attirer  à  la  dévotion  de  V.  M.  et  se  deslicr  totallement 
de  l'obéyssencc  dudict  empereur,  en  a  eu  si  très  grant  desplaisyr  qu'il 
a  escript  au  duc  de  Ferrare  quasi  par  forme  de  commendement  que  s'il 
luy  voulloyt  faire  plaisyr  et  service,  qu'il  ne  laissast  ledict  seigneur 
cardinal  résider  en  ses  pays,  nonobstant  qu'il  en  soyt  évesque;  dont 
ledict  cardinal  en  debvoyt  partir  de  brief  pour  s'en  aller  où  sa  niepce 
est  vefve  du  feu  seigneur  Gaguin  %  et  deslibôre  d'entendre  à  l'alliance  et 
mariaige  du  seigneurSforsin,  nepveu  du  pape  \  duquel  vous  ay  escript 
cez  moys  passez. 

«  Sire,  comme  j'ay  esté  adverty,  le  seigneur  Pietro  Strocy^  se  doibt 
partyr  de  brief  d'icy  pour  s'en  aller  à  Romme  traicter  avecques  Sa  Sainc- 
teté  de  l'achapt  qu'il  veult  faire  de  la  ville  et  conté  de  Fan  **,  terre 
maritime  de  assiette  pour  aisément  fortiffier  et  pour  estre  voysine  des 
pays  du  royaulme  de  Naples,  d'Urbin,  et  parmy  les  terres  de  l'Esglise, 
pour  avoir  là  non  seullement  ung  lieu  de  reffuge,  mais  très  apte  et  suf- 
fisent à  faire  beaulcoup  d'ennuy  à  ceulx  qu'il  vouldra.  Et  m'a  bien  faict 


1.  Giovanni  Salviati,  cardinal  (1517),  évèqno  de  Formo  (l,")ls-lo23);  de  Ferraro 
(1520-1550);  de  Saint-Papoul  (1522-1538),  de  Vollerra  (1331)-! 532);  de  Santa-Severina 
(1532-1535),  légal  apostolique  en  France  (1527).  Fils  de  Giacomo  Salviati  et  de 
Lucrezia  dei  Medicis,  sœur  de  Léon  X,  il  était  né  à  Florence,  le  2i  mars  llOO,  et 
mourut  à  Ravenne  le  28  octobre  1553.  Il  remplit  diverses  missions  diplomatiques 
pour  le  Saint-Siège  et  négocia  près  de  (Iharles-Quint  la  délivrance  de  François  I". 

2.  Cosimo  I"dei  Medicis,  premier  grand-duc  de  Toscane,  né  en  1519,  mort  en  1574. 
En  1537,  après  le  meurtre  d'Alessandro,  il  était  devenu  chef  de  la  répul)li(juc  floren- 
tine, avec  l'aide  de  Charles-Quint,  qui,  pour  prix  de  sa  protection,  obtint  de  mettre 
des  garnisons  dans  les  places  de  Florence,  de  Livourne  et  de  Pise. 

3.  Caguino  di  Gonzaga. 

4.  Guido  Sforza,  comte  de  Santa-Fiore,  avait  épousé  Constanza,  fille  d'Angelo  Far- 
nese,  frère  et  capitaine  du  pape,  et  d'Angela  Orsini. 

5.  Pietro  Strozzi,  depuis  maréchal  de  France,  né  en  1500,  tué  au  siège  de  Thion- 
ville  le  20  juin  1558.  Issu  d'une  illustre  famille  florentine,  bannie  de  la  cité  par  les 
Medicis  et  réfugiée  à  Venise,  il  s'était  mis  en  1336  au  service  de  François  1='; 
celui-ci  le  nomma  colonel  des  bandes  italiennes  qui  guerroyaient  en  Piémont 
sous  le  comte  Lodovico  Rangone,  lieutenant-général.  Après  avoir  tente  vainement, 
l'année  suivante,  de  rendre  l'indépendance  à  sa  patrie,  Pietro  Strozzi  s'était  de  nou- 
veau retiré  à  Venise. 

6.  Fano,  sur  l'Adriatique,  à  11  kilom.  de  Pesaro. 


68  AMUASSAliE    I>E  FaOUT    ItUOj 

enlfiulre  qu'il  n'a  culrt'prins  faire  cesl  acquest  si  n'est  pour  le  service 
de  V.  M.,  espérant  Incn  que  advenant  l'oeeasion  en  faire  aparnir  ])ar 
l)ons  elle  cl"/.. 

«  Sire,  sur  le  poincl  que  voulloys  sigiller  lu  présente,  jay  l'ulendu 
que  Janezin  venoyl  d'arriver,  renvoyé  expressément  par  le  sieur 
Bailouare,  ambassadeur  de  ccz  Seigneurs  vers  le  Grant  Seigneur;  dont, 
me  attendant  bien  tju'il  auroyl  apporté  quelques  lettres  pour  nous  du 
seigneur  Rincon,  ay  superceddé  de  envoyer  cestcdicte  dépesche  jus- 
ques  ad  ce  (jue  les  eusse  receues  et  entendu  si  je  pourrrjys  rien 
apprendre  digne  de  faire  sravoir  à  V.  M.  Mais  ledict  seigneur  Ilincon 
ne  mescripl  aullre  par  la  sienne  du  .v.v.\' juillet,  sinon  que  de  là  à  deux 
ou  troys  jours  nianderoyt  la  coppie  de  ses  deux  dépesches  perdues  des 
X"  et  xV  may,  ainsi  que  luy  avoys  escript  estre  nécessaire;  et  que  le 
Orant  Seigneur  ne  veult  ratiffier  la  paix,  si  n'est  avecques  novitez  et 
reslrinctions  des  anciennes  cappilulacions  que  de  long  temps  ont  esté 
faictes  et  observées  entre  eulx  à  son  grant  advantaige;  et  ([ue,  nonob- 
stant quelques  raisons  et  remontrances  pércmptoires  que  lesdicts  sei- 
gneurs Kincon  et  ambassadeur  Badouare  ayent  sceu  faire  l'ung  après 
l'aullre,  n'a  esté  ordre  povoir  jamais  deslourner  ledict  Grant  Seigneur 
de  telz  propoz.  Et  voyant.  Sire,  que  ledict  seigneur  Rincon  m'escrip- 
voyt  assez  briefvement  sans  me  toucher  rien  de  la  particullarité  des 
demandes,  m'a  semblé  estre  mon  debvoir  chercher  d'entendre  ce  que 
l'ambassadeur  de  cez  Seigneurs  leur  escripvoyt  pour  le  vous  faire  sça- 
voyr  :  qui  est  que  j'ay  esté  adverty  que  Lotphibey  et  les  aultres  bas- 
chatz  mettoyent  avant,  oultre  les  anciennes  capitulacions  comme  dict 
est,  (juinzc  poinclz;  et,  entre  aultres,  les  plus  importans  estoyent  que 
toutes  et  quantes  foys  que  le  Grant  Seigneur  armeroyt  pour  entrer 
dedans  le  goulfe  de  Courfou  '  et  de  Venize,  que  les  Seigneurs  eussent 
à  se  retirer  dedans  leurs  portz  et  ne  se  démonstrer  aulcunement  en  tout 
ledict  goulfe.  Et  oultre  ce  demandoyt  les  moullins  de  Sébénico  *,  qui 
n'est  aultre  que  le  port  dudict  lieu,  plus  beau  et  commode  que  nul 
aullre  que  soyten  la  Dalmalia,  auquel  descend  ung  fleuve  qui  s'appelle 
la  Cliina',  qui  l'enricliist  beaulcoup;  voullant  davantaige  que  eesdictz 
Seigneurs  luy  rendissent  toutes  les  places  et  chasleaulx  qu'il  avoyt 
prins  et  saccaigez  durant  la  guerre  en  leur  estât  et  domine,  comme  est 
la  Parga*,  origine  et  naiscence  d'Ymbrain  Bascha^,  chasteau  en  terre 
ferme  entre  les  goulfes  de  Butrinto  *,  qui  est  tout  au  devant  de  Corfou, 

1.  Corfou. 

•2.  Sébénico,  ville  et  port  important  de  Dalmatie,  à  60  kilom.  de  Zara.  Possession 
vénitienne,  les  Turcs  l'avaient  assiégée  vainement  on  1538. 

3.  ("/est  aujourd'hui  le  Kerka  ou  Tizio,  qui  se  jfllo  dans  l'Adriatique  à  Sébénico. 
i.  Parga,  ville  forte  <le  l'Albanie,  à  80  kilom.  de  Janina,  en  face  de  Corfou. 

5.  Ibraliiin-Paclia,  premier  pacha  de  Suleyman,  grand  vizir  et  séraskier  ou  lieu- 
lenanl-j-'i'niTal,  grec  d'origine,  mort  assassiné  le  5  mars  1536  (V.  de  Hammer, //i^- 
loire  de  l'empire  olloman,  t.  V,  p.  2.32). 

6.  Butrinto.  ville  d'.Mhanie,  en  face  de  Corfou. 


[aOLT    1o40j  GUILLAUME    PELLICIER  69 

et  celluy  de  la  Prévésa',  et  en  Tarchipellago  les  isles  de  Thinos  et 
Michon-,  retenans  encore  leurs  noms  anciens  :  desquelz  cez  Seigneurs 
s'estoyent  remys  en  possession,  n'estant  tenuz  et  gardez  par  ledict 
Grant  Seigneur.  Mais  quant  aux  deux  premiers  dictz,  c'est  des  moulyns 
de  Sébénico,  et  de  l'entrée  de  l'armée  au  goull'e,  par  les  raisons  desdicts 
ambassadeurs  cela  a  esté  si  bien  rabbattu  qu'ilz  les  ont  emportez,  et 
le  semblable  ont-ilz  faict  desdictes  isles  de  Thinos  et  Michon  ;  de  sorte 
que  desdicts  quinze  poinctz  en  somme  n'en  sont  demourez  que  six 
en  diflicullé.  Sçavoir  est  que  le  Grant  Seigneur  ne  veult  rendre  Nadin^ 
et  Laurana,  cliasteaulx  du  conté  de  Jarra  ^  tout  au  prez  de  ladicle 
terre,  pour  aullant  qu'il  les  print  du  temps  qu'ilz  rompirent  avecques 
luy,  et  conséquemment  les  avoit  acquiz  de  bonne  guerre.  Et  quant  est 
de  la  Parga,  ledict  ambassadeur  escript  qu'il  estime  qu'ilz  pourront 
conduyre  l'affaire  en  façon  que  ledict  Grant  Seigneur  se  pourra  con- 
tenter que  ledict  chasteau  soyt  desmoly  et  ruyné,  pour  ne  servyr  ne 
nuyre  à  l'ung  ne  à  l'aultre.  Et  les  troys  aultres  poincts  sont  de  sembla- 
bles choses  en  l'archipellago;  et  en  revanche  de  ce  lesdicts  seigneurs 
Rincon  et  ambassadeur  ont  gaigné  le  poinct  que  cez  Seigneurs  avoyent 
de  longtemps  plus  travaillé  à  obtenyr  dudict  Grant  Seigneur  que  tout 
aultre  :  c'est  qu'ilz  seront  doresnavant  quicles  de  ne  payer  les  décymes 
de  toutes  les  marchandises  que  ledict  Grant  Seigneur  prant  en  la  Surye  '. 
Et  en  tout  ce  que  dessus  cez  Seigneurs  sont  après  pour  se  résouldre; 
car  ledict  seigneur  ambassadeur  a  esté  plus  respectueulx  et  retenu  que 
auparavant,  et  n'a  vouUu  accorder  le  nombre  d'iceulx  sans  le  sceu  et 
bon  plaisyr  de  sa  Seigneurie,  et  le  messager  n'a  peu  avoir  respict  pour 
retourner  à  Constantinople  que  cinquante  jours,  par  quoy  on  estime 
qu'ilz  le  dépescheront  le  plus  tost..  » 

Vol.  2,  f"  34  v°,  copie  du  xvi"  siècle  ;  3  pp.  1/i  in-f». 

PELLICIER    AU   CONNETABLE. 

40.  —  [Venise],  26  août  1 540.  —  La  république  de  Venise  continue 
à  se  féliciter  des  bonnes  dispositions  du  roi  à  son  égard,  dispositions 
qui  lui  oui  été  confirmées  par  Vincenzo  Grimani  et  l'ambassadeur 
Capello  qui  est  à  la  cour.  «  Lesquelz  en  oultre  ont  faict  sçavoir  à  cez 
Seigneurs  le  roy  s'estre  déclairé  apertement   à   eulx,  et,  comme  ilz 

1.  Prévéza,  ville  et  port  d'Albanie,  à  l'entrée  du  golfe  d'Arta,  dans  la  mer  Ionienne, 
conquise  par  les  Turcs  en  4338. 

2.  Mycons,  l'une  des  Cyeladcs,  voisine  de  Ténos. 

3.  Nailin,  forteresse  construite  sur  un  roc  très  élevé,  à  dix-huit  milles  de  Zara, 
avait  été  prise  par  les  Turcs  sur  les  Vénitiens  en  1538  (V.  de  Hammer,  loc.  cil., 
t.  V,  p.  308). 

4.  Lavrana,  autre  forteresse  voisine,  au  comté  de  Zara. 

5.  Syrie. 


70  AMltASSADE    DE  lAOLT    loiO' 

disent,  s'est  laissé  cnli-iidre  de  voulloir  enlror  en  une  bonne  ligue  lou- 
tesfoys  et  (juaiilos  (ju'ilz  y  vuuldroyont  entendre;  ce  (lue  est  très 
bien  accepté  ties  plus  grans  et  de  la  meilleure  partye  de  cex  Seigneurs 
qui  y  donnent  et  adjoustenl  très  bien  foy.  Mais,  comme  Voslre  Excel- 
lence mieulx  sçayt  (jue  en  une  répuhlicque  de  tant  de  pièces  que  ceste- 
e  peult  eslre  qu'il  n'yayt  beaulcnup  de  diverses  oppinions  et  fan- 
taisyes,  j'entond/.  (ju'il  y  en  a  aulcuus  (jui  disent  (jue  si  S.  M.  vouUoyl 
à  bon  essiant  entendre  ad  ce  faire,  il  auroyt  donné  commission  à  ses 
ministres  qui  sont  par  deçà  de  leur  porter  telz  propoz  et  les  mettre 
avant  en  plain  conseil,  ausquelz  on  se  pourroyt  plus  lost  attendre  que 
aux  leurs  qui  ne  ont  charge  ne  povoir  de  y  rien  conclure.... 

«  Monseigneur,  plus  tost  que  à  l'advcnture  faillyr  adverlyr  le  roy  et 
vous  ainsi  qu'il  fault  de  chose  qui  me  semble  estre  de  assez  grande 
importance  pour  luy  faire  sçavoir  promptement,  ay  mieulx  aymé 
encoryr  ce  danger  de  n'estre  aprovée  cestedicte  dépesche  faicte  expres- 
sément en  toute  dilligence  jusques  à  Thurin,  que  estre  reprins  de  tar- 
dité  et  négligence  :  encores  que  peult  estre  que  pourrez  avoir  esté 
advcrty  de  ceste  nouvelle,  plus  tost  d'ailleurs  que  de  ce  cousté,  dont 
vous  plaira  me  en  avoir  pour  excusé.  Et  pour  ce  que  verrez  plus  ample- 
ment par  les  lettres  du  roy  la  raison  pour  quoy  ay  faicte  cestedicte 
dépesche,  vous  diray  seullement  soubz  vostre  correction  et  jugement 
que  à  présent  par  le  décedz  du  roy  Jehan,  vayvoda,  attendu  la  bonne 
et  grant  amytié  qui  de  mémoire  fresclie  est  eschauffée  que  le  roy  a 
avccques  le  Grant  Seigneur,  S.  M.  pourroyt  avoir  aussi  bonne  part  à 
faire  desposer  du  royaulme  de  Hongrye  audict  Grant  Seigneur  que  nul 
aultre  qui  le  vouldroyt  pourchasser,  chose  qui  ne  seroyt  hors  de 
propoz,  et  ne  fust  seullement  que  pour  garder  tousjours  que  ce  pouvre 
pays-là  ne  fust  du  tout  réduict  ez  mains  des  inlidelles,  le  faisant 
tumber  ez  mains  de  celluy  qu'il  congnoislroyt  luy  estre  plus  amy  et 
afleclionné,  et  au  contraire  garder  que  ses  ennemys  et  fàcheulx  n'en 
vinssent  à  leurs  attentes,  de  sorte  que  à  l'aventure  eulx-mesmes 
seroyent  contrainctz  de  chaircher  de  faire  le  debvoir  au  roy  de  la  duché 
de  Millau  et  qu'ilz  peussenl  eslre  paisibles  dudict  royaulme.  Vostre 
Excellence  entend  trop  mieulx  telles  choses  que  ne  sçauroys  pencer; 
dont  vous  pryerai  seullement  les  prendre  en  bonne  part  selon  vostre 
accoustumée  humanité  et  bonté,  affîn  d'en  faire  ce  qu'il  vous  plaira 
puys  aprez,  et  que  congnoistrez  estre  le  meilleur. 

«  Monseigneur,  vous  verrez  aussi  par  les  lettres  du  roy  la  cause  de  la 
venue  de  Janezin,  dont  ne  vous  en  feray  aulcune  répéticion;  mais  bien 
vous  diray  que  le  seigneur  Rincon  m'a  mandé,  oultre  ce  que  j'escriptz 
à  S.  M.  touchant  les  capitulacions  et  demandes  que  le  Grant  Seigneur 
faict  à  cez  Seigneurs,  que  M.  leur  ambassadeur  Badouare,  cuydant 
couvryr  et  excuser  son  erreur  passé,  n'a  vouUu  accepter  lesdictes  cap- 
pitulacions  sans    premièrement  le  faire  entendre  à  ceste  Seigneurie 


[AOLT    liiiO!  GUILLAUME    PELLICIER  71 

pour  en  sçavoir  son  voulloir  et  intcncion;  et  que  si,  dès  le  commence- 
ment que  s'est  attacliéc  la  praticque  de  ceste  paix,  ceste  Seigneurie  et 
ses  aniIjassadeUrs  (ju'elle  a  envoyez  par  delà  se  fussent  de  tout  remi/ 
et  habandonnez  à  la  disposition  et  povoii-  de  S.  M.,  et  qu'il/  eussent 
franchement  et  sans  rétemplion  communicqué  leur  finalle  intencion 
avecques  luy,  il  est  certain  que  l'apoinctement  de  ladicte  paix  ne  leur 
auroyt  esté  si  cher  et  ne  se  trouveroyent  mainctenant  en  ces  frivolles 
cavilacions  et  discordz  où  ilz  se  veoyent;  et  qu'il  leur  avoyt  tousjours 
dict  qu'ilz  ne  debvoyent  jamais  permettre  ne  offrir  chose,  sinon  comme 
persuadez  el  forcez  de  S.  M.  Car  aultrement  jamais  le  (Jrant  Seigneur 
ne  se  contenteroyt;  mais  ilz  ne  se  sont  oncques  voullu  déclairer  à  luy, 
comme  il  m'escript  faire  entendre  plus  amplement  par  le  double  de  ses 
dépesches  perdues  des  x  et  xv''''  may  qu'il  debvoyt  mander  dedans  deux 
ou  troys  jours  aprez  sa  dernière  du  xxx''  du  passé  que  ay  eue  par 
Janezin;  lesquelles  receues  ne  fauldray  incontinent  les  mander  en  toute 
dilligence. 

«...  .Monseigneur,  depuys  avoir  achevé  ceste-cy  est  venu  vers  moy 
ung  des  serviteurs  du  seigneur  arcevesque  de  Transylvania  et  ambassa- 
deur dudict  feu  seigneur  roy  Jehan  ',  qui  m'a  conlirmé  pour  tout  cer- 
tain la  mort  dudict  seigneur;  et,  comme  si  la  fatalle-  du  royaulme  de 
Hongrye  ne  fust  assez  déplorée,  m'a  conté  que  avant  son  trespas  desjà 
les  deux  vayvodaz  de  Transylvania,  c'est  Stéphano  Maylac  et  Ymbric 
Valassa',  s'estoyent  rebellez  contre  ledict  roy,  lequel  avoyt  prins  sur 
eulx  deux  places  d'importance  et  sur  le  temps  de  son  trespas  les  tenoyt 
assiégez  tous  deux  dedans  ung  chasteau  fort  appelle  Foucaras  ^  Lequel 
siège  aprez  sondict  trespas  u"a  laissé  de  continuer  le  thésorier  dudict 
royaulme  nommé  frère  George^,  hermite,  lequel  estoyt  ordonné  et 
prestà  se  partyr  pour  aller  porter  au  Granl  Seigneur  la  pension  des 
années  passées  qui  se  montoyt  en  somme  troys  cens  mil  ducatz.  Et 
entretient  ledict  siège  avecques  luy  Valentino  Thurec,  cappitaine 
général  de  toute  la  Hongrye  ''.  EL  d'aultre  part  Petro  Prigny,  l'ung  des 

1.  Jean  Statileo.  évêiiiie  il'Alha  Julia  on  Transylvanie  (1o3S-]ûo3).  Il  avait  été 
envoyé  on  Franco  à  divorses  reprises,  de  lu2S  à  lo40,  pour  y  négocier  les  intérêts 
lie  son  maître  (V.  Charrière,  t.  1.  pji.  162.  169  el  i37;  et  Ribier,  t.  J,  p.  o31). 

•2.  Destinée,  fatalité. 

3.  Etienne  Mailath,  et  Emerich  Balassa,  magnats  de  Hongrie,  élus  Ions  deux 
voïévodcs  de  Transylvanie  pour  l'empereur,  dans  une  diète  tenue  à  Schôshourg. 

4.  Fôgaras.  en  allemand  Holz-dorf,  l'orteresse  et  bourg  de  Transylvanie  (V.  Ribier, 
t.  I,  p.  o31,  et  X.  de  Gérando,  Lri  T.vnsi/lvcuiie  et  ses  hnhitftnts;  Paris.  1845,  2  vol. 
in-S";  t.  Il,  p.  39). 

o.  Georges  Martinozzi  Uliesenovics,  plus  connu  sous  le  nom  de  Frère  Georges.  A 
la  suite  de  la  mort  de  son  père  et  de  son  frère,  tués  en  combattant  contre  les  Turcs, 
il  était  entré  au  couvent  de  Saint-Paul-Ermite,  auprès  de  Bude,  où  il  ne  tarda  pas 
à  acquérir  un  grand  renom  de  savoir  et  de  piété.  Après  la  défaite  de  Tokay,  il 
releva  lo  courage  de  Zapolya,  (pii  le  récom]iensa  par  l'évéché  de  Varad  (Gross- 
Wardein).  dont  il  occupa  le  siège  de  153ià  l.'iol. 

6.  Yalcntiii  Tôrok.  magnai  hongrois,  généralissime  de  l'armée  de  Zapolya. 


7-2  AMHASSADE   l»K  [aoUT    ln40j 

plus  ^rans  soif^ncurs  dudict  loyaulrnc',  avecques  réves({uc  de  Agria', 
Yoysin  dudicl  genlilliommo  qui  se  lient  en  Cassovia  ',  lenoyenl  pour 
le  r(iy  Ferdinando.  I^a  reyne,  estant  relevée  de  couche  d'ung  iilz  que 
Dieu  li'iir  av<t\l  donné,  s'est  saisye  du  trésor  lequel,  aprez  avoir  esté 
f^randeinenl  diminué  à  cause  de  ladicli'  pension  tirée  pour  lediclGrant 
Sei^'ucnr,  n'est  pas  heanicoup  riche  en  argent  content,  mais  en  quel- 
ques joyeaulx  el  hagiies.  Le  roy  Ferdinando  a  envoyé  ii  ladicte  reyne 
Nicolas  (îrof  Fouzohon,  et  ung  nommé  Paulo  lialogue  *  en  Tran- 
sylvania  aux  barons  et  seigneurs  de  delà,  et  audict  arcevesque  de 
Agria  et  aullres  ung  Nicolas  Ollah'.  Je  suys  asseuré  que  n'aurez  failly 
à  entendre  combien  ledict  roy  Ferdinando,  vivant  ledict  roy  défunct, 
a  chairché  par  tous  moyens  plusieurs  foys  de  avoir  l'investiture  dudicl 
royaulmc  par  le  Granl  Seigneur.  Il  est  vraysemblable  que  à  présenl 
il  est  pour  plus  insister  et  pourchasser  de  l'oblcuyr  que  jamais,  el 
n'est  besoing  vous  dire  combien  cella  les  rendroyt  dillicilles  el 
haullains.  l*ar  quoy  n'en  diray  aultre  sinon  que  je  ne  fauldray  le  plus 
tosl  à  en  adverlyr  le  seigneur  Rincon,  afiin  de  y  prendre  garde  de 
ce  cousté-là.  Ledict  serviteur  m'a  baillé  ung  pacquet  adressant  audict 
arcevesque  son  maistre,  lequel  pour  l'afTcction  que  je  sçay  que  S.  M. 
et  vous  luy  portez  n'ay  voullu  reffuser  de  mettre  en  cesle  présente 
dépesche  pour  luy  faire  lonyr.  Il  m'a  dict  luy  estre  de  grandissime 
importance..  » 

Vol.  •-',  f°  :{G,  copie  du  xvi'-'  siècle;  3  pp.  1/2  in-f". 

l'ELLlClEH    A    M.    l)K  LANOEV. 

41.  —  [Venise],  26  août  i  540.  —  «  Monsieur,  jay  receu  vostre  lettre 
du  wir  de  ce  moys,  ensemble  ung  pacquet  du  roy  et  deux  aullres  que 
aviez  receuz  de  Lyon  pour  me  faire  tenyr  cl  pareillement  un  petit  livre 
que  m'avez  envoyé,  dont  de  tout  je  vous  mercye.  » 

Pellicier  revient  alors  sur  la  nouvelle  de  la  mort  du  roi  Jtrn 
Zapolya  (^ui  peut  occasionner  «  plusieurs  mulacions  el  troubles  de 
grant   importance    ».   Le   dernier  courrier   de    Rincon,   en    date   du 


1.  l'icri'f  Pérényi,  l'un  des  principaux  magnats  de  Hongrie,  avait  été  l'un 
des  compétiteurs  de  Zapolya:  il  lutta  courageusement,  jusqu'à  la  mort  de 
ce  iirincc,  pour  l'indépendance  nationale,  mais  se  tourna  ensuite  du  côté  de  Fer- 
dinaiiil. 

2.  Frère  Fran(;ois  de  Frangipani,  évéque  d'Agria  (Filau).  de  1539  à  1542.  Déjà 
archevêque  de  Coloc/a  (Hacs)  depuis  vy.W.  il  nuturul  dans  cette  dernière  ville  en 
154:5. 

:].  Cassovie,  aujouririiui  Kascliau,  évèclié  de  Hongrie  situé  sur  le  Hernath. 

4.  l'aulUalogh,  genlilliouimc  hongrois  au  service  de  Ferdinand. 

5.  Un  membre  de  celle  famille,  Biaise  Olah,  avait  défendu  Belgrade  contre  les- 
Turcs  en  août  1521  (V.  de  Hammor,  toc.  cil.,  t.  V.  p.  18). 


[août    1540^  GUILLAUME    PELLICIER  73 

30  juillot,  ne  lui  a  rien  appris  «  sinon  que  le  Grant  Seigneur  ne  voul- 
loyt  raLirticr  la  paix  ->, 

«  ...  Monsieur,  j'ay  esté  adverty  que  ung  frère  Léonard  ',  observantin, 
natif  de  Pyémont  et  jadiz  confesseur  do  rextrêmc  duchesse  de 
Savoye  ",  qui  puys  naguères  est  passé  par  icy  pour  aller  à  Romme 
avecques  le  général  des  Observantins  qui  est  espagnol,  s'est  laissé 
entendre  que  peu  de  temps  après  qu'il  sera  arrivé  là,  s'en  doibt  aller  en 
Pyémont  pour  tramer  à  leur  accoustumée  quelques  traictemens.  Et 
entendez  aussi  que  aprez  luy  en  vient  ungaultre  de  la  court  de  l'empe- 
reur et  roy  des  Romains,  duquel  ne  sçay  le  nom  desesaultres  qualitez  / 
ou  notes,  qui  doibt  mettre  avant  plusieurs  menées  et  faulces  enlre- 
prinses,  promesses  et  espoirs,  pour  h  son  povoir  essayer  de  faire 
quelques  esmotions  ez  pays  de  Piémont  et  Savoye,  œuvres  voirement 
de  telle  leur  religion.  Dont  vous  plaira  en  estre  adverty  et  mesmement 
du  frère  Léonard,  lequel,  comme  j'entendz  de  bien  bon  lieu,  en  la  ter- 
rible saison  que  lempereur  entra  en  Prouvence  ",  vint  à  ladicte 
duchesse  environ  la  fin  de  juillet,  luy  annonceant  ceste  à  eulx  piétable  * 
nouvelle  que  avant  que  fust  la  fesle  Nostre-Dame  de  la  my-aoust 
ensuyvant,  il  n'y  auroyt  de  la  stirpe  du  roy  ne  luy  ne  aulcuns  de  ses 
enfans  survivens  :  ce  que  ladicte  duchesse,  pour  sa  bonne  prudence  et 
taciturnilé,  non  seullement  le  creut  voullentiers,  mais  en  fcist  part  à 
plusieurs  ([ui  l'eurent  à  plaisyr  et  les  aulcuns  à  desplaisir,  dont  s'en 
ensuyvist  la  pitoyable  et  cruelle  mort  de  feu  Mgr  le  daulphin  ^.  Je 
désireroys,  si  Dieu  le  voulloyt,  que  ce  beau  père,  qui  a  accoustumé 
confesser  les  aultres  de  telz  cas,  fust  confessé  de  cestuy-cy  pour 
adjouster,  avecques  celle  du  conte  de  Monte  Cocullo,  la  sienne  ^.  Je 
verray  entendre  le  nom  et  enseignes  de  cest  aultre  frère  frappart  qui 
doibt  venyr  de  brief,  et  ne  fauldray  vous  advertyr  de  tout  ce  que  en 
entendray.  Vous  congnoissez  mieulx  leurs  portées  et  combien  il  faut 
peu  tenyr  conte  des  menées,  non  seullement  de  ces  deux  icy,  mais  géné- 

1.  Leonardo  Publicio  roiiiplit  successiveincnt  les  fonctions  de  gardien  de  la  pro- 
vince de  Gènes,  vicaire  général  de  l'ordre  et  commissaire  général  de  la  famille 
cismonlane  (V.  Annriles  Mmoriim,  t.  XVI,  pp.  213  eL  395j. 

2.  Béalrix,  fille  d'Emmanuel,  i-oi  de  Portugal,  et  de  sa  seconde  femme  Marie  d'A- 
ragon. Née  à  Lisbonne  le  31  décembre  IriOi,  mariée  à  Charles  III,  duc  de  Savoie,  le 
26  mars  l;j21,  elle  était  morte  le  8  janvier  153S  au  château  de  Nice.  Son  mari,  versa- 
tile, hésitant  sans  cesse  entre  le  parti  de  François  1"  son  neveu,  et  celui  de  Charles- 
Quinf,  son  beau-frère,  s'était  vu  dépouillé  par  eux  d'une  bonne  partie  de  ses  états. 

3.  Cliarles-Quinl  avait  i)assé  la  frontière,  avec  son  avant-garde,  le  25  juillet  1536. 

4.  Pitoyable. 

5.  François,  dauphin  de  Yietmois  et  duc  de  Bretagne,  était  mort  à  Tournon,  le 
10  août  1536,  à  l'âge  de  dix-huit  ans,  des  suites  d'un  refroidissement  suivant  les 
uns,  empoisonné  selon  les  autres. 

6.  Sebasliano,  comte  de  Montecuculli,  gentilhomme  ferrarais,  écuyer  du  dauphin, 
accusé  d'avoir,  à  l'instigation  de  Charles-Quint,  empoisonné  son  maître  à  Lyon,  le 
S  août  1536.  Le  procès  eut  un  long  retentissement;  Montecuculli  fut  exécuté  à  Lyon 
le  1  octobre  de  la  même  année.  Catherine  de  Médicis,  belle-sœur  du  dauphin,  passa 
également  pour  n'avoir  pas  été  étrangère  à  ce  crime. 


74  AMBASSADE    DE  [aOIT    1540] 

ralleint'nl  de  tous.  Je  vousav  escripl  par  ma  dernière  dépesche  comme 
le  tilz  d'Aldo  '  m'avoyl  envoyé  le  livre  .4</  Atlinim  lequel,  pour  n'avoir 
eu  le  temps  depuys  de  le  povoir  faire  rellier,  —  el  aussi,  (luant  à  la 
vérité,  il  esloyt  trop  fraiz  pour  battre,  — jay  remis  à  le  vous  mander 
par  le  messat;»M'  que  m'avc/.  envoyé,  que  je  déliens  jusques  ad  ce  qu'il 
me  sovt  venu  «tccasioii  «le  faire  une  aultre  dépesche.  " 

Vol.  2,  f^  :}8,  copie  (lu  \vr  siècle:  1  p.  '.i/'t  in-f^ 


l'ELLIi;iEK  A  M.    DE  VILLANDRV. 

42.  —  [l'rnise],  26  août  1540.  —  Pellicicr  a  reçu  sa  lettre  du  12  de 
ce  mois,  avec  le  paquet  du  roi.  11  a  pris  plaisir  à  apprendre  le  retour 
de  Villandry  à  la  cour,  et  compte  que  celui-ci  ne  le  laissera  pas  man- 
quer de  nouvelles  «  de  ce  cousté-ià  ». 

Vol.  2,  i°  37  \^,  copie  du  \vi«  siècle;  1/2  p.  in-f". 

PELLICIER  A  RINCUN. 

43.  —  [  Venise],  3 1  août  1 540.  —  «  Monsieur,  par  la  mienne  dernière 
du  XXII*  de  ce  movs  vous  av  l'aict  entendre  l'arrivée  icv  de  M.  de  Vaulx  et 
son  parlement  pour  aller  à  la  court,  et  depuys  ay  receu  les  vostres  par 
le  lilz  de  M.  l'ambassadeur  Badouare,  du  xxx*  de  juillet,  que  Janezin 
avoyt  apportées  qui  arriva  icy  le  xxiiii'^  de  ce  présent  moys.  Le  contenu 
desquelles,  aveccjues  ce  que  ay  peu  entendre  icy  davanlaigc  sur  le  dif- 
férend des  conclusions  de  ceste  paix,  ayfaict  savoir  au  roy,  et  le  demeu- 
rant à  monseigneur  le  connestable,  desquelz  ay  pareillement  receu  let- 
tres escriptes  à  Watteville  en  Normandye  le  xiir  de  ce  moys.  Desquelles 
ne  vous  puys  mander  aultre,  sinon  la  bonne  santé  du  roy  et  de  toute  sa 
compagnye.  Bien  est  vray  que  à  cause  des  grandes  sécheresses  et  chal- 
leurs  (jui  ont  esté  là  y  a  eu  de  grandes  malladyes;  et  entre  aultres 
madame  la  daulphine,  M.  d'Aumalle,  avec  qui  se  traicte  le  mariage  de 
la  niepce  du  pape,  et  M.  de  Boysy  ^  y  ont  esté  fort  mallades,  et  M.  de 
Lautrec  ^  aussi,  tant  qu'il  y  est  demeuré  par  ung  flux  de  ventre.  Dont 
est  très  grant  domaige  à  cause  que  la  maison,  quant  aux  nom  el  armes, 
est  perdue;  car,  quant  aux  biens,  ilz  sont  tumbez  en  une  aultre  maison 
non  moingdre  que  ceste-là,  «jui  est  de  M.  de  Laval  en  Bretaigne,  nepveu 


1.  Paolo  Manuccio  mi  .Manuziu,  né  ;i  Venise  en  l.";i:2.  mort  en   l-ûl. 

■1.  Claude  rioiiflier,  seigneur  de  Boisy,  f-'enlilhomnie  de  la  (liaiiiltre,  mort  on  1570. 

3.  Henri  de  Foix,  seigneur  de  Lautrec,  second  lils  d'Odel  de  Foix,  vicomte  de 
Lautrec,  maréchal  de  France,  mort  au  siège  de  Naples  en  1528.  Le  P.  .\nselme 
{Uisl.  f/énéalof)irjue.  l.  III,  p.  380)  le  fait  mourir  à  lorl  le  20  sei)tembre. 


[août    1540]  (iUILLAUME    PELLICIER  78 

de  M.  le  connestable,  qui  a  espousé  lasœur  dudict  feu  sieur  de  Laulrec'. 
S.  M.  a  faict  sa  feste  de  Xostre-Dame  de  la  iny-aoust  audict  Watteville, 
de  où  devovt  part\ r  l)ien  tost  aprez  pour  venyr  droict  à  Fontaiuel)leau  "^ 
J'ay  entendu  par  aultre  voye  ([ue  M.  le  maresclial  d'Ânne])aulL  s'en 
doibt  venyr  de  brief  à  Thurin  avecques  quatre  mil  Gascons.  Je  vous 
envoyé  ung  double  de  nouvelles  venues  de  Romme,  en  la  fourme  que  les 
ay  receues;  oultre  lesquelles  vousay  bien  voullu  escripre  celles  que  me 
faict  entendre  M.  de  Rhodez  par  sa  lettre  du  xxi"  de  ce  moys  :  mesme- 
ment  comme  le  soyr  auparavant  estoyt  arrivé  vers  luy  ung  chevaucheur 
d'escuerye  que  le  roy  avoyt  dépesché  audict  Watteville,  le  xiii%  pour 
le  faict  du  mariaige  de  M.  d'Aumalle,  filz  de  M.  de  Guyse,  avecques  la 
signora  Victoria,  ouquel  comme  il  m'escript  ne  veoyt  tanlost  plus  de 
difficulté.  Et  arrivé  que  fust  ung  gentilhomme  que  S.  M.  luy  escripvoyt 
debvoir  envoyer  bientost  aprez,  toutes  choses  se  vuyderoyent,  et  pren- 
droyt  l'on  tinalle  résolution  dudict  mariaige,  lequel  oultre  le  omen  du 
nom  de  Victoria  trouble  plus  les  cerveaulx  des  Impériaulx  que  chose 
que  leur  advint  long  temps  y  a,  et  ce,  pour  les  raisons  que  pour  vostre 
bon  sens  et  jugement  pourrez  bien  congnoistre.  Et  j'espère  vous  en 
faire  ung  bon  discours  par  mes  premières,  tout  tel  qu'ilz  l'ont  mandé 
à  l'empereur.  Il  m'escript  aussi  avoir  eu  lettres  de  Suysse  et  de  Savoye 
comme  ceulx  de  Berne  et  de  Genefve  estoyent  en  grant  combustion,  et 
que  à  Genefve  l'on  monstroyt  ne  A'oulloir  nulle  amytié  avecques  les 
Bernoys;  car  ilz  faisoyent  grosses  réparations  et  avoyent  mys  toute 
leur  artillerye  grosse  en  leur  grant  place.  L'on  présumoyt  que  les 
Ligues  s'eslèveroyent  pour  faire  guerre  de  là  le  Rin  contre  ceulx  de 
Lendeberg  ^  et  leurs  consors,  et  y  a  desjà  dix  cantons  qui  sont  résoluz  de 
ladicte  guerre,  n'attendans  aultre  chose  que  la  responce  des  princes 
d'AUemaigne,  ausquelz  ilz  en  ont  escript.  Et  le  semblable  ont-ilz  faict 
au  roy  et  demandé  secours  suyvant  le  contenu  des  traictez  qu'ilz  ont 
ensemble.  Les  princes  qui  estoyent  à  Haguenaou  ont  accordé  une  aultre 
diette  qui  se  ti-endraàlaToussainctz,  et  a  esté  dict  que  le  pape  s'y  trou- 
vera s'il  plaist  à  l'empereur;  ilz  se  doyvent  trouver  ce  pendant  à  Olmes  * 
pour  disputer  des  choses  de  la  religion.  Je  vous  envoyé  ce  que  M.  de 
Bayf  dist  ausdictz  princes  de  la  part  du  roy,  et  puys  s'en  retourna 
incontinent  devers  ledict  seigneur.  Le  pape  est  en  propoz  d'y  en- 
voyer  M.   le   cardinal  Contarin  '  et  révocquer   M.  le  Révérendissime 

1.  Guy,  comte  de  Laval,  gentilhomme  de  la  chaiiil)re,  neveu  <rAnne  de  Mont- 
morency, et  marié  à  Claude,  sœur  de  M.  de  Lautrec  (V.  Cnt.  des  Actes  de  Fran- 
çois I",  t.  IV,  p.  145,  n"  11.665). 

2.  11  n'y  revint  que  dans  la  première  quinzaine  de  novembre 

3.  Hohen-Landenberg,  en  Brisgau. 

4.  Worms. 

0.  Gasparo  Contarini.  eardinal  (J.';3'i).  évèque  de  Belliine  (l.")3ri).  né  ;i  Venise  le 
16  octobre  1483,  mort  à  Bologne  le  25-  août  1542.  Amltassadeur  ordinaire  de  la  Séré- 
nissimc   république  près  de  Charles-Quint,  de  1320  à   1525,  député  de  Venise  près 


'lu  AMIIASSADE    DE  [aOUT    1540] 

Marcello  ',  car  il  y  a  assez  temps  pour  ce  faire.  Le'roy  des  Romniains 
presse  l'enipereiir  de  se  trouver  à  hulicte  dielte  procliaine,  mais  il  ne 
luy  a  poiuct  encore  faict  de  responce  altirmative.  11  a  esté  mallade  de 
};oultes  en  llolande  et  s'en  est  revenu  en  Brahant,  et  encores  ne  se  Irou- 
voyl  bien;  aulcuns  veullent  dire,  —  et  ce/.  Seigneurs  en  ont  lettres  de 
bon  lieu,  —  que  ce  a  esté  morbus  qui  clespui  solel,  duquel  vous  sçavez 
qu'il  a  esté  pour  le  passé  touché.  Il  a  laict  demander  un  om|»runcl  de 
cent  mil  escu/.  a  Florence,  et  que  la  garnison  de  la  ville,  qui  est  d'Ytal- 
liens,  fust  d'Esj)agnolz,  et  que  parcillfinent  la  garde  de  la  fortresse, 
qui  est  de  troys  cens  Espagnolz,  lust  redoublée,  le  tout  aux  despens  de 
la  communaulté  *.  André  Doria  est  retourné  à  Messine,  n'ayant  trouvé 
le  roy  de  Thunys  opprimé  des  .\llarbes,  comme  Ton  disoyl,  et  en  s'en 
retournant  a  prins  ung  coursaire  avecques  trois  ou  quatre  fustes  ". 

«  Monsieur,  je  vous  ay  oscripi  ])ar  madicte  dernière  lettre  comme  l'on 
avoyt  apprins  icy  que  le  roy  Jehan  vayvoda  esloyt  griefvement  mallade; 
mais  depuys  cez  Seigneurs  me  ont  laicl  sçavoir  quilz  avoyent  lettres 
comme  il  esloyt  mort,  ce  que  m'a  esté  confirmé  par  ung  serviteur  de 
M.  l'arcevesque  de  Transilvania  qui  le  m'a  asseuré  pour  tout  certain. 
Dont,  me  recordant  des  propoz  que  me  tint  ledict  seigneur  arcevesque 
passant  par  icy  en  ce  moys  de  may,  allant  en  France  ambassadeur  vers 
S.  M.  pour  ledict  roy  de  Hongrye,  pour  traicter  de  quelques  affaires  de 
grant  importance,  m'a  semblé  faire  à  propoz  en  debvoiradverlyrle  roy 
en  toute  dilligence,  considérant  de  quelle  importance  et  conséquence 
povoyt  estre  sa  mort  et  quelles  mutacions  et  troubles  en  povoyent  sortyr. 
Et  a  l'on  icy  eu  nouvelles  que  le  roy  Ferdinando,  ayant  entendu  seulle- 
mentlagriefve  malladye  dudict  roy  Jehan,  s'estoyt  party  le  xxix^  juillet 
de  Hagenaou,  et  s'estoyt  myspar  eaue  sur  le  Danubio  pour  arriver  plus 
tost  à  Vienne,  en  laquelle  nonobstant  quelque  peste  qu'il  y  ait  estoyt 
résolu  d'entrer  pour  pourveoir  aux  affaires  du  royaulme  de  Hongrye  et 
pays  dudict  roy  Jehan,  le  tenant  comme  pour  mort. 

Dont  vous  ay  bien  voullu  adverlyr,  afiin  que  par  voslre  bon  jugement 

du  duc  de  Ferrare,.en  lo^:,  il  séjourna  à  Rome  de  1528  à  1530.  Paul  III  le  charpea, 
de  1538  à  i;S33,  de  diverses  négociations  auprès  de  l'Empereur  el  de  la  répulilique 
de  Venise,  et,  sur  la  demande  de  Charles-Quinl,  en  1540,  le  désigna  comme  son 
légat  à  la  (lièle  de  Halisbonnt-.  De  retour  à  Rome  en  1541,  il  z-e(;ut  du  pape,  l'année 
suivante,  la  légation  de  Bologne  (Alberi,  Brlazioni,  etc.,  •2°  série,  t.  III,  p.  251). 

1.  Marcello  Cervini,  cardinal,  évéquc  de  Nicastro,  depuis  pape  sous  le  nom  de 
Marcel  II.  Il  était  alors  légal  aposlolicjue  dans  les  Flandres.  Né  le  G  mai  1501.  à 
Monte-Pulciano,  il  mourut  à  Home  le  1"  mai  1555,  après  vingt  el  un  jours  de  pon- 
tilicat. 

2.  Voir  la  note  2  de  la  page  6". 

3.  Par  le  mot  fuste,  du  latin  fustis.^,'  Itois  »,  on  désignait  primitivcmenl  tout 
navire,  par  métonymie,  d'après  la  matière  dont  il  élail  fait  (V.  la  note  7,  p.  ",  pour 
le  mot  ligne,  du  latin  lif/uum).  Aux  xv'  et  xvi*  siècles,  les  fustes  formèrent,  dans 
la  famille  des  bâtiments  à  rames,  une  catégorie  à  part,  tenant,  selon  l'organisation 
des  bancs  de  rames,  soit  du  brigantin,  soit  de  la  galère  (V.  Jal,  Glossaire  imutique, 
p.  -26). 


[août    lb40]  GUILLAUME    PELLICIER  77 

et  dextérité  pourvoyez  ainsi  que  verrez  les  affaires  le  requérir.  Si  ne 
larray-je  à  vous  dire  mon  petit  jugement  là  dessus  qu'il  me  semble  que 
attendu  la  bonne  et  grande  amytyé  qui  de  fraiz  est  eschaufée  entre  le 
roy  et  le  Grant  Seigneur,  S.  M.  pourroyt  avoir  aussi  bonne  part  à  faire 
disposer  dudict  royaulme  de  Hongrye  audict  Grant  Seigneur  que  nul 
aultre  qui  le  vouldroyt  pourchasser,  chose  qui  ne  seroyt  hors  de  propoz 
et  ne  fust  seullement  que  pour  garder  tousjours  que  ce  pauvre  pays  là 
ne  fust  du  loutréduyt  ez  mains  des  gens  alliénez  de  nostre  religion,  le 
faisant  tumber  en  celles  que  Ton  congnoistroyt  estre  le  plus  amy  et 
affectionné  du  roy.  Et  encores,  à  Tadventure,  cela  pourroyt  bien  estre 
cause  que  on  rechercheroyt  S.  M.  de  luy  faire  le  debvoir  de  la  duché  de 
Millan,  moyenant  que  on  les  feist  paisible  dudict  royaulme.  Vous 
entendez  trop  mieulx  cez  affaires  là  que  ne  sçauroys  pencer,  et  ce  que 
je  vous  en  dictz  n'est  seullement  que  soubz  votre  correction  et  bon  adviz, 
pour  vous  tenyr  adverty  de  tout  ce  que  me  semble  estre  au  proffïct, 
advantaige  et  honneur  du  roy.  » 

Pellicier  entretient  alors  Rincon  de  la  révolte  qui  a  précédé  la 
mort  du  roi  Jean,  dans  les  termes  contenus  dans  sa  précédente  lettre 
au  connétable. 

«  ...  Monsieur,  je  vous  renvoyé  l'orloge  du  seigneur  Janus  Bey, 
laquelle  a  esté  si  bien  racoutrée  que  ce  luy  pourra  tourner  à  proffïct 
d'avoir  esté  gasté  d'aultant  qu'il  est  mieulx  réparé  qu'il  ne  fust  jamais 
du  commencement  faict. 

«  Monsieur,  je  suys  adverty  par  lettres  de  M.  l'arcevesque  de  Raguse, 
du  xv«  de  ce  moys,  qu'il  y  a  ung  nommé  Odoardo  qui  a  esté  prins  et 
mené  en  Constantinople  ;  je  vous  prye  y  prendre  bien  garde,  car  l'on  m'a 
dict  qu'il  a  faict  faire  tout  cecy  à  poste  pour  ce  qu'il  a  voulloir  de  se 
rendre  Tourcq.  Aussi  j'ay  entendu  que  le  marquis  du  Guast  depuys 
naguères  a  faict  proclamer,  dedans  Millan,  que  tout  ceulx  qui  estoyent 
à  la  soulde  de  l'empereur  eussent  à  se  retirer  audict  Millan  dedans  peu 
de  jours,  sur  peyne  d'estre  cassez,  bannys,  et  confisquez  tous  leurs 
biens;  et  davantaige  a  faict  aussi  cryer  que  l'on  eust  à  fortifier  en  toute 
dilligence  les  villes  qui  sont  lymitrophes  à  celles  que  tient  le  roy  en 
Piémont,  comme  Voulpien  et  aultres  ^ 

«  Monsieur,  j'ay  esté  adverty  que  cez  Seigneurs  ont  trouvé  terrible- 
ment estrange  que  le  Grant  Seigneur  recherche  chascun  jour  de  leur 
mettre  avant  nouvelles  capitulacions  et  nouveaulx  articles,  comme  de 
présent  desnyer  de  leur  rendre  Nadin,  Laurana  et  la  Parga,  places  qui 
luy  sont  de  tant  peu  d'importance  qui  ne  luy  sauroyent  en  rien  servyr. 
Et  au  contraire  à  eulx  elles  leur  sont  tant  commodes  et  proffitables 
que  bonnement  ne  se  sçauroyent  presque  de  rien  valloirde  la  conté  de 
Jarra  sans  lesdictes  places;  et  encores,  oultre  la  commodité  et  proffict 

1.  Volpiano,  à  19  kilom.  de  Turin. 


78  AMBASSADE   DE  SEPTEMBRE    lo40] 

qu'il/,  recepvroycnl  de  les  avoir,  l'auroyeut  à  graiil  honneur  pour  avoir 
occasion  de  dire  qu'il/,  les  avoyenl  eues  en  récompense  des  deux  terres 
de  Napoli  de  Uomanye  et  Malvaisye,  comme  silz  se  lussent  voullu 
acommoder  desdicfes  places  les  un^'s  les  aultres.  Dont,  s'il  estoyt  pos- 
sible que  vous  peussit'/  employer  davantaif^e  la  faveur  et  crédict  du 
roy  pour  eulx  (jne  vous  aviez  faict  par  cy  devant,  ainsi  ([u'ilz  sont  très 
bien  asseure/.  que  qui  leur  pourroyt  gaigner  ce  poiuct  de  avoir  les- 
dictes  places  ilz  en  auroyent  telle  obligation  au  roy  et  à  vous  que  cer- 
tainement cela  les  pourroyt  du  tout  esmouvoir  à  croyre  que  la  faveur 
et  crédict  de  S.  M.  a  lieu  envers  le  Grant  Seigneur  :  de  laquelle  toutes- 
fovs  il/,  se  asseurent  tant  pour  avoir  congneu  dernièrement  que  avez 
impétré  de  luy  tout  ce  que  avez  voullu  quant  à  S.  M.,  que  qui  l'en 
requerra  et  sollicitera  de  bonne  affection,  l'on  le  pourra  impétrer.  Ce 
qu'ilz  espèrent  que  ferez,  attendu  mesmement  qu'ilz  ont  congneu  par 
les  dernières  lettres  que  m'a  escriptes  monseigneur  le  connestable, 
desquelles  vous  envoyé  le  double,  la  vraye  et  bonne  fin  que  S.  M.  pro- 
cedde  en  leurs  affaires...  » 

Vol.  2,  f"  39,  copie  du  wi^  siècle;  4  pp.   1/-'  in-f». 

l'ELLIClER  AU  MÊME  '. 

44.  —  [Fe>Hse],  1  ^^  septembre  1 540.  —  Le  roi  «  est  aprez  pour  fonder 
ung  colliége  à  Paris  qui  sera  aussi  excellant,  mais  qu'il  soyt  parachevé 
et  fourny  de  ce  qui  y  est  requiz,  que  fut  à  l'adventure  jamais  aultre; 
car  il  sera  occasion  de  faire  venyr  à  lumière  toutes  les  bonnes  lettres 
qui  conmiencent  piéçà  aultant  à  floryr  en  France  que  en  nul  aultre 
pays  '.  El  pour  ce  que  on  ne  le  pourroyt  mieulx  douer  que  d'une 
librairie,  faict  chaircher  livres  de  tous  coustez,  mesmement  grecz,  et  à 
cest  effect  avoyt  envoyé  icy  expressément  M.  Fondulus  pour  en 
recouvrer,  ce  qu'il  feist  en  quelque  bon  nombre;  et,  quand  je  prins 
congé  de  luy  pour  venyr  par  deçà,  m'en  donna  charge  d'aussi  grant 
afifection  que  pour  ses  aultres  affaires  d'estat.  Dont,  luy  vouUant  obéyr 
en  toutes  choses  que  luy  congnoistray  estre  agréables  et  d'aultant  plus 
en  ceste-cy  qui  est  tant  ulille  et  honnorable,   et  appertenant  plus  à 

i.  Celte  lettre  a  été  publiée  par  M.  L.  Dclisle  dans  le  Cabinet  des  manuscrits  de 
la  Bibl.  Impér.  (t.  I,  p.  150). 

2.  Pour  compléter  la  création  du  Collège  de  France,  déjà  fondé  par  lui  en  1530, 
François  I"  songeait  alors  à  bâtir  sur  les  terrains  de  l'hôtel  de  Nesle,  en  face  du 
Louvre,  de  l'autre  côté  de  la  Seine,  un  vaste  établissement  où  plus  de  si.\  cents 
jeunes  gens  recevraient  l'enseignement  des  plus  illustres  maîtres.  Par  lettres  datées  de 
Villers-Cotterets,  le  19  décembre  1539,  le  roi  donnait  commission  à  Guillaume  Pru- 
dhomme,  trésorier  de  l'épargne,  pour  faire  le  payement  des  dépenses  de  la  cons- 
truction de  ce  collège,  qui  devait  porter  le  nom  de  «  Collège  des  Trois  langues  » 
(V.  Zeller,  toc.  cit.,  pp.  112  et  113,  et  le  Cat.  des  actes  de  François  I",  t.  IV,  p.  45, 
n"  11.208). 


[septembre    1540  GUILLAUME   PELLICIER  79 

mon  office  et  profession,  quelque  temps  aprez  que  fuz  arrivé  icy  et 
que  je  euz  ung  peu  mis  ordre  aux  affaires  de  ma  principalle  charge, 
me  suys  enquiz    où    s'en    pourroyeut   retrouver;  et  entr'aultres  j'ay 
trouvé  ung  gentilhomme  corfiot  ',  qui  en  avoyt  ung  très  beau  nombre 
de  fort  bons.  Lesquelz  ce  néantmoins  avoyt  ofTertz  audict  Fondulus  en 
luy  en  donnant  larayson;  mais  je  ne  sçay  à  quoy  il  tint,  ou  que  ledit 
Fondulus  ne  luy  en  présentoyt  pas  assez  à  son  gré  ou  aullrement,  il 
ne  s'en  desfist  pour  ce  coup  là  :  tant  y  a  qu'il  a  mieulx  aymé  en  faire 
ung  présent  au  roy.  De   quoy  ay  adverty  S.  M.  qui   luy  a  faict   en 
récompence  ung  très  beau  et  libéral  présent,  c'est  de  mil  bons  escuz 
que  je  luy  ay  comptez  en  ses  mains.  Dont  plusieurs  aultres  Grecz,  ayant 
senty  ceste  nouvelle,  sont  venuz  vers  moy  pour  en  offrir  d'aultres  à 
S.  M.;  mais  il  suffist  que  cecy  a  faict  descouvryr  seullement  les  lieux 
où  ilz  estoyent,  car  doresnavant  on  en  pourra  avoir  à  meilleur  marché. 
Et  de  moy  je  tiens  tous  les  jours  ordinairement  huict  Grecz  qui  ne  font 
aultre  chose  que  en  escripre,  ainsi  qu'il  a  pieu  au  roy  me  commander 
encores  par  la  dernière  dépesche  que  ay  receue  de  la  court.  M.  l'éves- 
que  de  Tulles  m'escript  S.  M.  luy  avoir  commandé  me  faire  entendre 
que  il  n'y  avoyt  chose  en  laquelle  je  luy  peusse  plus  agréer  que  de  luy 
faire  amas  des  meilleurs  et  plus  grant  nombre  desdictz   livres   que 
pourray  recouvrer.  Par  quoy  m'en  enquérant  de  tous  coustez  est  venu 
vers  moy  ung  nommé  messer  Dimitri  Marmoretti,  qui  m'a  dict  avoir 
ung  frère  en  Constantinople  qui  s'appelle  il  signor  Jacomo  de  Marmo- 
retti que  congnoissez,  comme  il  m'a  dict;  lequel  vous  pourra  adresser 
soixante  ou  quatre-vingtz  pièces  de  fort  bons  et  rares  livres,  lesquelz 
estoyent  à  ung  de  leurs  oncles  qui  les  tenoyt  bien  chèrement.  Dont 
vous  vouldroys  pryer  donner  charge  à  ung  de  voz  gens  de  chercher  et 
faire  telle   poursuytte  avecques  ledict  Jacomo   de   Marmoretti,  qu'il 
puysse  sçavoir  où  ilz  sont.  Et  cela  faict,  ce  ne  seroyt  pas  peu  de  ser- 
vice au  roy,  et  à  moy  d'obligation,  de  vous  en  mander  ung  cathologue; 
à  quoy  faire  vous  pourrez  ayder  dung  nommé  Chio  Jeorges,  précep- 
teur fort  docte  en  Constantinople.  Car,  aprez  avoir  confronté  ledict 
cathologue  avecques  ceulx  que  j'ay  par  deçà,  et  en  avoir  mandé  ung 
double  au  roy,  s'il  s'en  trouve  aulcuns  que  nous  ne  ayons  point,  je 
vous  en  advertiray  pour  les  recouvrer  s'il  est  possible.  Et  ce  faisant,  je 
vous  puys  très  bien  asseurer  que  vous  ne  sçaurez  faire  chose  plus 
agréable  à  S.  M.  et  me  obligerez  tousjours  de  plus  en  plus  à  vous  faire 
service,  ce  que  feray  de  très  bon  cueur.  » 

Vol.  2,  f^»  41,  copie  du  xvi«  siècle;  1  p.  1/2  in-P. 


1.  Antoine  Eparchos. 


80  AMBASSADE    DE  [sEPTEMnUE    i;)40j 

l'ELLICIER    \r   MÊME. 

45.  —  [  I  V/jj5t'],  y  "^  se/>trinhro  1  ')40.  —  ■  Monsieur,  encores  que 
CDiiimc  vous  ay  escripl  plusieurs  l'oys  ce/.  Seigneurs  eslre  très  bien 
adverli/.  et  asseurez  que  le  roy  et  ses  ministres  se  sont  totuUement 
employez  sur  le  faicl  de  leur  paix  avecques  le  Grant  Seigneur,  ce 
néantmoins  IDn  s'esmerveille  fort  icy  de  ce  que  .M.  l'ambassadeur 
Bailouare  et  aullres  ministres  de  ceste  Seigneurie  n'ont  jamais  escript 
que  ledict  Grant  Seigneur  ne  les  baschatz  ayent  aulcunement  tenuz 
propoz  d'avoir  faict  ladicle  paix  en  contcmplacion  et  à  l'instance  du 
r(»y,  ne  en  sa  faveur  donné  aulcun  soullaigemenl  en  icelle,  et  davan- 
taige  «lue  ledict  Grant  Seigneur  ne  leur  a  jamais  tenuz  propo/  je  ne 
diray  pas  d'estre  amys  du  roy,  mais  seullemen-t  de  se  deslyer  de  l'em- 
pereur. Et  voyrement  quant  je  seroys  le  plus  endormy  liomme  du 
monde,  ce  néantmoins  voyant  aulcuns  bons  serviteurs  et  amys  du  roy 
me  advertyr  et  solliciter  des  choses  de  la  plus  grant  importance  de 
ma  charge,  ne  pourroys  faire  du  nioings  que  de  me  esveiller  et  vous 
en  informer.  Et  mesmemenl  comme  ilz  ont  advisé  de  faire  escripre  au 
seigneur  Badouare,  par  un  homme  qui  a  aussi  bon  crédict  envers  luy 
que  nul  autre,  qu'il  pence  bien  à  ses  afi'aires  de  se  attendre  bien  et  tenyr 
la  main  au  propoz  que  le  Grant  Seigneur  a  de  luy  mettre  avant  qu'il 
n'entend  conclure  la  paix  tolalle  que  cez  Seigneurs  n'ayent  à  soy  des- 
lyer et  mettre  hors  de  la  ligue  qu'ilz  ont  avecques  l'empereur.  Aultre- 
ment  il  se  peult  tenyr  pour  asseuré  que  il  y  a  aulcuns  de  cez  Sei- 
gneurs, tenant  encores  leur  part  impérialle,  qui  sont  si  indignez  si 
ladicte  paix  se  conclud,  causans  cesle  occasion  de  se  plaindre  pour  ce 
qu'il  a  accordé  les  deux  places  au  Grant  Seigneur,  qui  sont  pour  luy 
faire  faire  ung  maulvais  tour  voyre  en  sa  personne,  si  ceste  ligue 
demeure  en  son  entier  par  laquelle  ilz  se  rendroyent  si  haultains  et 
terribles.  Et  au  contraire  s'ilz  se  voyent  abaissez  de  leur  crédict,  ce 
quilz  seront  si  ceste  Seigneurie  se  deslye  de  ladicte  ligue,  ilz  ne  ose- 
ront rien  dire  ne  entreprendre  contre  ledict  Badouare  auquel  celluy  qui 
luy  escript  propose  tels  moyens  et  advantaige  que,  quant  il  ne  luy 
reviendroyt  point  le  danger  que  dessus,  si  sont-ilz  suffisentz  pour 
l'inviter  et  attirer  à  ce  faire.  Et  ont  esté  d'adviz  que  je  vous  le  feisse 
sçavoir,  et  vous  envoyé  la  lettre  qu'ilz  m'ont  baillée  pour  luy  faire 
tenyr;  et  en  oultre  de  nostre  cousté  vous  escripre  que  vous  ne  debviez 
plus  différer  de  remonstrer  au  Grant  Seigneur,  si  faict  ne  l'avez,  quel 
moyen  et  advantaige  il  laisse  à  l'empereur  pour  le  faire  tousjours  plus 
grant,  s'il  laisse  cez  Seigneurs  avecques  luy  en  ligue,  et  qu'ilz  luy  don- 
nent tel  secours  mesmement  contre  le  roy  son  meilleur  amy,  contre 
lequel  et  aussi  contre  ledict  Grant  Seigneur  ledict  empereur  entre- 
prend journellement,  principallement  en  ceste  affaire  de  Hongrye  où 


[septembre  1540]  Guillaume  pellicieh  81 

il  a  jà  mandé  son  frère  pour  occuppcr  tout  le  royaulme;  et  pour  con- 
clusion que  ledict  Grant  Seigneur  ne  doibt  jamais  conclure  en  la  paix 
qu'ilz  ne  leur  promettent  de  se  déclairer  ennemys  dudict  empereur. 
El  pour  les  inviter  à  cella,  si  vous,  par  le  crédict  et  faveur  du  ro\ ,  poviez 
tant  faire  que  le  Grant  Seigneur  fust  content  de  leur  laisser  Nadin  et 
Laurana  au   conté  de  Jarra,  et  la  Parga  deppandant  de  Corfou,  tous 
ce/.  Seigneurs  en  despit  dez  Impériaux  auroient  ladicte  condicion  pour 
très  bonne  et  agréable,  et  la  chose  se  pourroyt  faire  sans  grant  contra- 
diction ne  difficulté.  Car  aultrement,  à  vous  dire  la  vérité,  combien  que 
cez  Seigneurs  dient  estre  fort  affectionnez  au  roy,  si  ne  sont-ilz  tant 
recongnoissans  ses  bienfaictz  que  ilz  soyent  pour  se  déclairer  de  nostre 
part  sans  leur  faire  faire  par  une  honneste  conlrainctc  ou  bien  forcez; 
et  si  nous  perdons  à  ceste  heure  ceste  occasion  et  opportunité,  je  ne 
veoy  pour  l'advenyr  qu'il  soyt  possible  de  rencontrer  telle  commodité 
et  facilité  de  parvenyr  ad  ce,  quelque  discours  que  je  vous  aye  escript 
que  aulcuns  m'ont  faict  du  xxV  juillet.  Et  quant  au  demeurant,  se 
vous  povez  aussi  faire  que  le  Grant  Seigneur  fust  content  de  leur  faire 
très   bien   entendre,   s'ilz  veullent  que   les  capitullacions   demeurent 
sellon  la  teneur  des  anciennes,  qu'il  le  fera  en  contemplacion  du  roy, 
pourveu  qu'ilz  feront,  comme  dict  est,  ligue  avecques  luy  et  avecques 
aultres  que  bon  leur  semblera,  ce   néantmoins   non   amys  ne   alliez 
avecques  l'empereur.  Je  ne  double  point  que  vous  ne  entendiez  trop 
mieulx  les  affaires  que  ne  sauroys  pencer;  mais  si  est-il  que,  passant 
les  choses  comme  elles  sont,  je  n'ay  peu  faire  de  moings  que  agréant 
à  si  bons  serviteurs  et  amys  du  roy  vous  aye  adverty  de  ce  que  dessus, 
remettant  néantmoins  le  tout  lousjours  à  vostre  meilleur  jugement.  » 

Vol.  2,  f"  42,  copie  du  XVF  siècle;  1  p.  3/4  in-f». 

PELLICIER   AU   ROI  •. 

46.  — •  [Venise],  10  septembre  1540.  —  «  Sire,  par  les  dernières 
lettres  que  ay  escriptes  à  V.  M.,  du  xxvp  du  passé,  aurez  entendu 
comme  Janezin  estoyt  arrivé  icy,  renvoyé  expressément  par  le  seigneur 
ambassadeur  Badouare  pour  advertyr  cez  Seigneurs  des  nouveaulx 
poinctz  et  articles  que  le  Grant  Seigneur  et  ses  baschatz  vouUoyent 
leur  estre  accordez  d'avant  que  conclure  la  paix  entre  eulx;  et  mesme- 
ment  touchant  Nadin  et  Laurana,  chasteaulx  au  conté  de  Jarra,  et  la 
Parga  au  devant  de  Corfou,  lesquelles  places  le  Grant  Seigneur  voul- 
loyt  retenyr  ou  avoir  de  cez  Seigneurs.  Sur  quoy  ilz  ont  esté  fort  trou- 
blez, et  ont  faict  plusieurs  pregaiz  avant  que  se  résouldre  là  dessus. 

1.  «  \ota,  qu'il  a  esté  escript  à  M.  de  Villandry  ledict  jour,  qui  n'a  esté  inys  on 
registre  ne  mynule.  » 

Venise.  —  1540-1542.  6 


82  AMUASSADE   DE  SEPTEMDHE    1540j 

El,  ainsi  (lue  jay  esté  advorly,  la  plus  f;ranl  pari  oui  presque  esté  en 
propoz  dv  délaisser  lotallcmenl  à  poursuyvre  plus  en  façon  du  monde 
ladicle  paix  tjuoy  qu'il  en  peusl  advenyr,  eslans  quasi  deniy  despérez 
de  la  povoir  i)artaire.  Toulesloys,  aprez  avoir  bien  consulté  et  faictz 
plusieurs  discours  entre  eulx,  se  sont  résoluz  en  lin,  s'il  plaist  au  Grant 
Seigneur  l'acccpler,  de  mettre   en   arbitres   de  chascune   part  pour 
décider  de  Thinos  el  Miclion,  ti  qui  d'entre  eulx  deux  appartiennent;  et 
s'il    ne    voullnyl   entendre  à   cella,    et  qu'il    vouUust   avoyr  lesdicles 
places,  les  luy  laisser  aller.  Mais  quant  à  Nadin,  Laurana  el  la  Parga, 
ont  escript  àleurdict  ambassadeur  ([u'il  ne  face  aulcune  démonstracion 
de  y  voulloir  en  aulcune  façon  du  monde  consentyr,  et  plustost  offrir 
de  (juatre  k  cinq  mil  escuz  de  tribut  sur  iceulx.  Néanlmoins  le  conseil 
de  Diexe  secrettement  luy  a  mandé  et  donné  povoir  ([ue  si,  à  faulte 
de  ce,   veoyt  ne  povoir  oblenyr  ladicle  paix,  veullent  plus  tost  qu'il 
passe  oullre  et  accorde  le  tout,  désirant  grandement  universellement 
tous,  mais  encores  singullièrement  les  dévotz  et  alfeclionnez  à  V.  M., 
voslre  faveur  et  crédicl  leur  povoir  tant  ayder  et  valloir  qu'ils  peus- 
sent  obtenyr  lesdictes  places,  à  eulx  tant  commodes  et  profti labiés  que 
bonnement  sans  icelles  ne  se  sçauroyent  presque  de  rien  valloir  de  la 
conté  de  Jarra,  et  au  contraire  sont  de  tant  peu  dimportance  audict 
Grant  Seigneur  qu'ilz  ne  luy  sçauroyent  presque  de   rien  servyr.  Et 
oultre  ladicte  commodité  et  proffict  qu'ilz  en  recepvroyenl,  auroyent  à 
grant  honneur,  pour  avoir  occasion  de  faire  apparoir  qu'ilz  les  avoyent 
eues  en  récompence  de  Napoly  de  Romanye  et  Malvaisye,  comme  s'ilz 
se  fussent  vouUu  accommoder  desdictes  places  en  contreschange  les 
ungs  les  aultres.  Et  n'eust  esté  l'espérance  quilz  ont  mise  que  par 
vostre  faveur  et  crédict  à  l'aventure  le  Grant  Seigneur  ne  les  vouldra 
contraindre  à  passer  ce  poincl,  et  estant  pryé  par  le  seigneur  Rincon 
de  vostre  part,  la  plus  grant  partye  d'eulx  ne  se  fussent  si  facillement 
submys  à  ce  qu'ilz  ont  faicl.  Mais,  ayant  entendu  certainement  que 
ledict  seigneur  Rincon  a  obtenu  dudict  Grant  Seigneur  tout  ce  qu'il  a 
vouUu,   voyre  quasi  plus  que  l'on  n'eust  sceu  demander,  au  non  de 
V.  M.,  touchant  la  dépesche  de  M.  de  Vaulx,  et  par  ce  congneu  vostre 
crédict  et  auctorité  estre  plus  grant  envers  icelluy  Grant  Seigneur  que 
jamais,  se  sont  totallement  confiez  du  bon  voulloyr  et  affection  que 
V.  M.  leur  a  tousjours  donné  à  conj^noistre  par  bons  effectz,  se  asseu- 
rant  bien  que  encores  à  cestuy   leur   grant   besoing  et  nécessité  ne 
fauldra  à  les  ayder  et  supporter  de  tout  son  povoir.  Et  ainsi,  Sire,  que 
j'ay  esté  adverty,  ont  faict  plusieurs  discours  en  plein  pregay   sur 
ladicte  dépesche  obtenue  par  ledict  seigneur  Rincon,  ne  sçachant  cer- 
tainement sur  quoy  elle  estoyt  faicte.  Dont  enfin   sont  demeurez  en 
ceste  oppinion  et  fantaisye  que  cest  une  nouvelle  intelligence    que 
V.  M.  a  faicte  avecques  ledict  Grant  Seigneur  à  ce  qu'il  face  descendre 
à  ce  printemps  une  bien  bonne  et  grosse  armée  en  la  Fouille,  ou  bien 


[SEPTEMBIIE    lo40j  GUILLAUME    PELLICIER  83 

que  le  Grant  Seigneur  ne  leur  accorde  jamais  la  paix  que  première- 
ment ne  se  déclairent  amys  de  V.  M.,  s'esmerveillant  toutesfoiz  les 
aulcuns  d'entre  eulx  qui  estiment  V.  M.  sçavoir  bien  comme  cez  Sei- 
gneurs sont  esté  et  seroyent  bien  encores  deslibérez  de  se  déclairer 
neutres;  et  que  néantmoins  ne  de  Constantinople  ne  d'aultre  part  ilz 
n'ont  jamais  entendu  qu'il  en  ayt  jamais  esté  parlé  par  voz  ministres, 
ne  qu'ilz  en  ayent  esté  recherchez  de  par  vous.  Dont  ilz  présument  que 
V.  M.  tend  à  plus  haut  party,  c'est  qu'ilz  se  déclairent  et  facent  tout 
oultre  une  bonne  ligue  avecques  V.  M.,  et  dellaissent  totallcment  celle 
qu'ilz  ont  avecques  l'empereur;  chose  que  tous  les  gens  de  bien  de 
ceste  république  et  qui  ayment  l'honneur  et  augmentation  d'icelle 
désirent  et  attendent  à  grant  dévocion.  Dont  aulcuns  des  plus  grans 
estans  de  ceste  vollenté  ont  advisé  de  faire  escripre  une  bien  bonne 
lettre  audict  seigneur  ambassadeur  Badouare,  par  ung  homme  qui  a 
aussi  bon  crédict  envers  luy  que  nul  aultre,  tendant  affin  que  si  le 
Grant  Seigneur  luy  vient  à  mettre  avant  qu'il  n'entend  conclure  la  paix 
totalle  que  cez  Seigneurs  ne  facent  premièrement  la  ligue  avecques 
V.  M.  ainsi  que  dessus,  qu'il  ne  vueille  faillyr  à  tenyr  la  main  et 
entendre.  Et  pour  à  ce  mieulx  l'induyre,  luy  ont  remonstré  que  aultre- 
ment  il  se  povoyt  tenyr  pour  tout  asseuré  qu'il  y  a  aulcuns  de  cez 
Seigneurs  tenant  encores  de  leurs  maulvaises  humeurs  du  temps 
passé,  prenans  ceste  occasion  de  se  plaindre  de  luy  pour  avoir  accordé 
lesdicles  deux  places,  qui  pour  ce  sont  si  indignez  contre  luy  qu'ilz 
sont  pour  luy  faire  ung  maulvais  tour  en  le  charchant  de  son  hon- 
neur, voyre  encores  jusques  à  sa  personne,  si  ladicte  ligue  impérialle 
n'est  débouttée,  par  laquelle  ilz  se  rendent  si  haultains  et  terribles. 
Mais  au  contraire  s'ilz  se  voyent  abaissez  de  leur  crédict,  ce  qu'ilz 
seront  si  une  foys  ladicte  ligue  est  abattue,  ilz  ne  oseront  rien  dire  ne 
entreprendre  contre  luy,  auquel  en  oultre  celluy  qui  luy  escript  pro- 
pose telz  moyens  et  advantaiges  que,  quant  il  ne  luy  reviendroyt  point 
tel  danger,  si  sont-ilz  suffisans  pour  l'inviter  et  attirer  à  pourchasser 
l'enfraincte  et  changement  de  ladicte  ligue.  Lesquelz,  avant  que  clorre 
ladicte  lettre,  me  l'ont  faict  veoir  et  en  fin  laissée  pour  l'envoyer  au  sei- 
gneur Rincon,  affin  que  luy  mesmes  la  baillast  entre  les  mains  dudict 
seigneur  Badouare  :  ce  que  ay  faict  par  ledict  Janezin  en  la  plus  grant 
asseurance  que  j'ay  peu  adviser,  qui  partit  d'icy  le  premier  jour  de  ce 
moys  ;  auquel  seigneur  Rincon  n'ay  failly  d'escripre  bien  amplement  en 
conformité  de  tout  ce  que  dessus. 

«  Sire,  comme  ay  jà  escript  plusieurs  foyz  à  V.  M.  que  l'empereur 
ne  cesse  journellement  faire  les  plus  belles  offres  et  partiz  qu'il  est 
possible  à  cez  Seigneurs,  encores  ainsi  qu'ilz  ont  esté  advertiz  par  leur 
ambassadeur  qui  est  vers  luy,  s'est  offert  de  nouveau  à  eulx,  leur  usant 
de  termes  par  lesquelz  se  démonstroyt  mieulx  ung  vray  filz  de  Saint 
Marc  que  retenyr  sa  majesté  impérialle,  ainsi  que  ledict  ambassadeur 


84  AMItASSADE    DE  [SEl-TEMlllU-:    1540' 

pscripi,  —  It'iir  oflVant  les  places  <iue  le  roy  des  Romains  tient  entre 
le  Kriol  cl  riiistri:i  ',  comme  les  porlz  de  Maian  "  et  de  Triestz  ^  et 
pareillement  (îuricia*,  passaijçes  des  Allemaif^nes,  etOradisca'',  lieux  de 
terre  ferme  vers  la  raontaigno;  et  adjoustant  à  ce  encores  que  à  unjç 
bosoinj;  il  lesenlemlroyt  parler  des  places  que  leur  scrnyenl  plus  com- 
modes et  vouldroyi-nt  avoir  en  la  Fouille,  moyenant  toulesfoys  priz 
raisftnnahle  du(juel  conviendroyt  bien  avecques  oulx.  Sur  quoy  ce/ 
Seij^neurs  ont  faict  responce  n'avoir  point  d'argent,  se  trouvant  tant 
rehatluz  de  telz  propoz  qu'il/,  ne  font  presque  semblant  de  oyr  plus 
parler  de  semblables  choses.  Kt  aflin  de  empescher  tousjours  le  plus 
qu'il  peut  qu'ilz  ne  se  changent  de  luy  et  tournent  avecques  V.  M.,  a 
davantaige  faict  courir  ung  bruict  que  le  recharchiez  de  nouveau 
encores  plus  que  jamais  de  faire  accorder  paix  avecques  luy,  luy  pro- 
posant nouveaulx  partyz,  auquel  il  enlendoyt  de  sorte  que  l'on  tenoyt 
la  chose  pour  faicte  et  accordée.  De  quoy  son  ambassadeur  qui  est  icy 
n'a  failly  d'essayer  à  faire  bien  son  prol'fict  envers  cez  Seigneurs,  leur 
confirmant  tout  ce  que  dessus;  et  sur  ce  adjoustant  qu'il  entendoyt 
très  bien  qu'ilz  estoyent  résoluz  de  avoir  amytié  avecques  V.  M.  et 
faire  une  ligue  avecques  icelle,  et  par  ce  moyen  l'empereur  s'attendoyl 
bien  qu'elle  seroyt  entre  tous  troys  plus  seure  et  confirmée  que  jamais. 
Et  tout  cccy  briguent-ilz  alfin  de  les  tenyr  tousjours  en  craincte  et 
suspens  de  ne  rien  changer,  leur  disant  davantaige  et  asseurant  pour 
tout  certain  que  le  mariage  d'entre  luy  et  la  lille  du  roy  d'.\ngleterre  " 
estoyt  presque  conclud  et  accordé,  et  qu'il  n'y  auroyt  point  de  faulte 
qu'il  ne  se  feist,  et  que  V.  M.  l'agréoyt  et  pourchassoyt  envers  ledict 
roy  à  vostre  povoyr;  et  que  pareillement  vous  troys  avecques  les 
protestais  estiez  aprez  pour  faire  quelque  bon  accord  et  ligue,  qui 
donne  à  pencer  à  beaulcoup  de  gens  pour  les  secours  et  commoditez 
qu'il  pourroyt  avoyr  par  ce  moyen  de  ce  couslé  là,  si  les  choses  pas- 
sent ainsi. 

«  Sire,  cez  Seigneurs  ont  aussi  eu  lettres  de  leur  ambassadeur  prez 
du  roy  Ferdinand© ',  contenant  comme  l'empereur  avoyt  mandé  audicl 
seigneur  roy  avoir  eu  lettres  de  Nostre  SainctPère  luy  offrant  l'acom- 
moder  de  tout  ce  qui  luy  plairoyt,  principallement  d'une  bonne  grosse 
somme  d'argent;  mais,  par  aultres  lettres  que  a  escriptes  depuys 
Sadicle  Saincteté  audict  empereur,  luy  a  faict  quelques  offres  ce 
néantmoings  beaulcoup  différentes  et  loing  de  celles  des  premières 

1.  Le  Friolil  cl  l'Islric. 

2.  M.irano,  place  du  Frioul.  située  au  fond  du  polfc  de   IWdriatique,  entre  les 
bouches  du  Tagliamcnlo  cl  celles  de  l'isonzo,  au  milieu  des  laf-'unes. 

3.  TrieslL>.  ville  forte  et  port  de  l'IIlyrie,  sur  le  golfe  de  ce  nom,  dans  l'Adriatique. 

4.  Gorit/,  à  35  kilom.  de  Trieste,  sur  la  rive  gaurlie  de  l'isonzo. 

5.  Gradiska,  place  forte  située  à  9  kilom.  de  Gorilz,  sur  la  rive  droite  de  l'isonzo. 

6.  Marie  Tudor. 

1.  Marino  Giustiniani. 


[SEPTEMBUE    1540]  GUILLAUME    PELLIGIER  gli 

lettres  :  de  quoy  Tempereui'  et  son  frère  sont  demeurez  en  bien  peu 
de  confiance  avecques  le  pape,  ainsi  que  escript  ledict  ambassadeur. 

«  Sire,  l'ambassadeur  de  Poulongne  qui  est  icy  a  esté  veoir 
M.  Tévcsque  de  Loddos,  lequel  luy  a  dict  pour  tout  certain  que  les 
Moschovites  et  les  Tartares  s'estoyent  accordez  ensemble  pour  venyr 
assaillyr  la  grant  duché  de  Lituania  du  roy  de  Polonia,  ayant  en  leur 
excercite  huict  mille  Turcz;  et  ont  donné  l'assault  par  troys  foys  à  ung 
chasteuu,  lequel  n'ont  sceu  avoir  :  tout  le  corps  de  leurdict  excer- 
cite est  de  soixante  mille  chevaulx.  Qui  sera  cause,  comme  ledicl 
ambassadeur  luy  a  dict,  que  ledict  roy  de  Poulongne  ne  pourra 
prendre  la  protection  du  lilz  du  feu  roy  Jehan  vayvoda  ne  luy  donner 
secours  contre  le  ruy  des  Romains,  lequel  va  moult  avant  à  Temprinse 
du  royaulme  de  Hongrye,  et  se  doubte  l'on  qu'il  est  pour  le  gaigner.  La 
femme  dudict  feu  roy  Jehan  \  congnoissant  le  péril  où  elle  se  retreuve, 
d'ung  cousté,  du  roy  des  Romains,  et  de  l'aultre,  du  Turcq,  —  lequel 
l'on  tient  pour  certain  que  à  ce  printemps  vouldra  venyr  avecques 
grant  puyssance  pour  conquester  ledict  royaulme  et  aultres  lieux,  — 
s'en  vouUoyt  aller,  mais  les  barons  du  pays  ne  l'ont  voullu  laisser 
partyr...  » 

Vol.  :2,  f"  43,  copie  du  xvp  siècle;  4  pp.  i/'t  in-f'\ 

PELLICIER   AU    CONNÉTABLE. 

47. —  [Venise],  i  0  septembre  1540.  —  Pellicier  résume  lesnouvelles 
du  Levant  dont  il  a  été  question  dans  la  lettre  au  roi.  Ne  recevant  pas 
le  double  des  dépêches  égarées  des  10  et  15  mai,  que  Rincon  lui 
annonçait  dans  sa  lettre  du  30  Juillet,  il  n'a  pas  voulu  différer  davan- 
tage d'informer  le  roi  et  le  connétable  des  derniers  événements 
survenus. 

«...  Et  pour  ce  que  ne  vous  seroyt  que  reditte  vous  faire  auUrement 
aulcune  répéticion  de  celles  de  S.  M.,  vous  diray  comme  puys  naguères 
ung  grant  et  bon  serviteur  du  roy  s'est  trouvé  par  cas  fortuyt  en  ung 
lieu  où  il  a  veu  ung  discours  et  conseil  faict  à  Ferrare  par  aulcuns 
Impériaulx,  dont  entre  aultres  l'ung  est  le  cardinal  de  Ravenne  *;  lequel 
■discours  et  conseil  estoyt  escript,  ainsi  que  l'on  m'a  dict,  de  la  main 
d'ung  secrétaire  de  monseigneur  le  duc  de  Ferrare.  Et  encores  que,  au 
lieu  où  il  se  lisoyt,  ledict  servitclir  du  roy  ne  le  peult  veoir  sinon  à  la 
desrobbée  et  en  passant,  toutesfoys  en  recueillytla  meilleure  parlye  de 


86  AMBASSADE    I»E  [SBFTKMBUE    1540j 

kl  sul)slancc  d'ici-iilx  (jui  s'addressoyeni  à  l'empereur,  luj  faisant 
entendre  premièrement  qu'il  del)Voyt  empesclier  de  tout  son  povoir 
pour  plusieurs  raisons  (jue  le  maria};e  qui  se  traictoyt  entre  monseigneur 
d'Aumalle  et  la  signora  Vitlnria  ne  se  luisl,  car  succédant  porteroyt 
audici  rnipcreur  très  granl  dommaige,  tant  es  choses  de  Lombardye 
que  du  royaulme  de  Naples,  auquel  avoyt  encores  plus  de  danger  que 
en  latlicle  Lombardye;  et  que  se  ledicl  mariage  avoyt  à  venyr  à  effect, 
il  failloyt  i\w  l'empereur  pensast  à  garder  beaulcoup  de  lieux.  Et  pre- 
mièremenl  l'eslat  de  Millau,  pour  aullant  que  le  roy  mcttroyt  dedans 
le  Pyémont  sept  ou  huictmil  adventuriers,  troys  cens  hommes  d'armes, 
et  (|ualre  cens  chevaulx  légers',  Icsquelzseroyent  pour  se  defîendre  de 
tout  aullre  excercite  et  oHendre  sil  en  estoyt  besoing.  Dont  seroyt 
force  audict  empereur  pour  la  garde  dudicl  estât  de  Millan,  et  aussi 
pour  avoyr  assez  plus  de  lieux  à  garder  que  S.  M.  tenyr  uug  excercite 
trop  plus  granl.  Et  davanlaigo  ostimoyent  losdictz  discoureurs  que  le 
roy  meltroyt  en  la  Myrandola  troys  ou  quatre  mil  adventuriers,  cent 
lances  et  deux  cens  chevaulx  ligiers,  lesquelz  liendroyent  en  suspeçon 
et  si  besoing  estoyt  offenceroyent  les  choses  de  Crémonne,  où  seroyt 
de  besoing  tenyr  une  grosse  garde.  Et  oultre  es  choses  de  Florence  les- 
diclz  gens  de  guerre  donneront  fort  d'empeschement  audict  empereur 
en  plusieurs  lieux,  sans  que  on  leur  peusse  faire  aulcun  dommaige.  Et 
par  ce  moyen  conviendroyt  audict  empereur  tenyr  et  faire  trop  plus 
grosse  despence  (jue  le  roy,  disans  davantaige  que  s'ensuyvant  ledict 
maryaige,  encore  que  le  pape  ne  se  déclarast  en  faveur  de  S.  M.,  que 
néantmoings  il  ne  laisseroyt  luy  donner  passaige  et  ayde  secrètement 
en  tout  ce  qu'il  pourroyt,  tenans  pour  tout  certain  que  oultre  lesdictes 
gens  mis  aux  lieux  cy  dessus,  le  roy  feroyt  ung  fort  gros  excercite 
jusques  au  nombre  de  vingt  mil  adventuriers,  cinq  cens  lances,  et  mil 
chevaulx  légiers  qui  seroyent  la  force  de  son  armée;  laquelle  feroyt 
aller  droicl  audict  royaulme  où  indubitablement  succédant  telz  effectz, 

1.  Des  guerres  d'Italie  «lait;  l'organisation  do  la  cavalerie  légère  prèfêrablemenl 
à  la  grosse  ravalcrio.  Le  tornio  de  chevau-lér/ers,  d'apn-s  J.  Quicherat  {Hist.  du  cos- 
tume en  Frunce;  Paris,  Hachette,  ISTo,  gr.  in-8°  avec  fîg.,  p.  34").  se  trouve  déjà  dans 
les  récits  du  voyage  de  Charles  VIll  à  Naples,  pour  désigner  les  suivants  des 
lances,  les  archers  h  cheval  et  en  général  tous  les  corps  de  cavalerie  qui  n'étaient 
point  ariné>  de  pU-in  harnais.  Louis  Xll  ajouta  à  la  cavalerie  légère  les  Albanais  ou 
eslradiols  (<lu  grec  cTpa-ttoTr,?),  ■•  tous  grecs,  dit  Philippe  de  Commines,  venus  des 
places  que  les  Vénitiens  ont  en  Morée  et  devers  Duras  [Durazzo],  vêtus  à  pied  et  à 
cheval  comme  les  Turcs  •■.  Hientùt  les  cavaliers  albanais  cessèreni  d'être  armés  à 
l'orientale  pour  prendre  l'équipement  des  chevau-légers  :  le  corselet  de  mailles,  la 
bourguignole  —  salade  garnie  de  larges  oreillons,  dont  la  mode  avait  commencé 
dans  les  bandes  liourguignonnes  — .  l'épée  large  et  la  lance  ferrée  aux  deux  bouts. 

Sous  François  I",  les  archers  à  cheval  tendirent  de  jilus  en  plus  à  former  des 
compagnies  particulières  distinctes  de  celles  des  gens  d'armes,  à  limitation  de  la 
cavalerie  vénitienne  divisée  en  cnvaW  armali  elcavall'  leggieri.  Les  gendarmes  con- 
tinuèrent les  traditions  de  la  cauilerie  noble,  ou  troupes  de  réserve,  tandis  que  la 
cavalerie  légère  ouvrait  ses  rangs  aux  aventuriers  de  toute  classe  (G'"'  Siizane.  Uisl. 
de  la  cavalerie  française;  Paris,  Ifeizel.  18"i.  S  vol.  in-18.  t.  1.  p.  42j. 


["SEl'TEMnilE    i;)40]  GUILLAUME    PELLICIER  87 

si  ledict  empereur  n'y  pourvoyt  à  bonne  heure,  pourroyt  mettre  en 
péril  tous  ses  pays  de  deçà.  Et  davantaige  estoyent  asseurez  que  au 
bon  temps  en   faveur  du  roy  l'armée  turquesque  seroyt  es   confins 
dudict  royaulme,  avecques  les  Forussiz  *  qui  sont  en  France  et  ailleurs. 
Et  pour  conclusion  disoyent  que  le  roy  pourroyt  entretenyr  de  son 
ordinaire  la  despence  que  dessus  pour  ung  long  temps,  qui  seroyt  de 
trente  mil  adventuriers,  mil  lances  et  mil  quatre  cens  chevaulx  ligiers  ; 
et  que  l'empereur  auroyt  double  despcnce  s'il  voulloyt  procedder  de 
cette  façon;  et  que  ledict  royaulme  de  Naples  estoyt  pouvre,  dont  n'en 
pourroyt  tirer  que  bien  peu,  et  le  semblable  disoyt  de  Millau.  Et  plu- 
sieurs aultres  propoz  sont  contenuz  audict  conseil  lesquelz,  comme 
dict  est,  pour  la  presse  du  temps  ledict  serviteur  du  roy  ne  eut  loysir 
de  lire;  mais  bien  disoyent  que  si  les  affaires  de  S.  M.  alloyent  le  moings 
du  monde  prospérant,  que  l'empereur  pourroyt  estre  tout  asseuré  que 
Sa  Saincteté  les  ayderoyt  mieulx  que  nul  aultre  et  d'aultant  plus  pour 
le   droict  et  action  que  la  maison  de  Lorraine  prétend  avoir  audict 
royaulme  de  Naples,  et  conséquemment  charcheroyt  plus  cecy,  espé- 
rant que  le  mary  de  sa  niepce  *  pourroyt  avoir  ung  gros  estai  audict 
royaulme  et  par  aventure  icelluy  royaulme  mesmes  à  son  moyen.  Et 
oultre  ce  advertissoyent  ledict  empereur  et  mettoyent  avant  la  grandesse 
en  quoy  povoyt  advenyr  monseigneur  le  Révérendissime  cardinal  de 
Lorraine^.  C'est  que,  advenant  que  le  pape  déceddast,  indubitablement 
et  sans  contradiction  ledict  seigneur  cardinal  seroyt  pour  estre  faict 
pape;  car  il  y  avoyt  jà  vingt-deux  voix  françoyses  toutes  franches,  sans 
celles  qu'il  pourroyt  avoir  faisant  ledict  mariage,  qui  seroyent  pour  le 
moins  dix  ou  douze;  et  que,  oultre  tout  ce,  ledict  cardinal  de  Lorraine 
se    trouvoyt  septante   ou   citante    mil  ducatz   de  revenu  :   desquelz 
voullanl  disposer   et  départyr    aux  cardinaulx   moings  pourveuz  en 
l'Église,  il  auroyt  pour  le   moings  à  cause  de  ce,  sans  aulcune  con- 
tradiction, une  douzaine  de  voix  davantaige,  de  sorte  que  indubita- 
blement il  seroyt  faict  pape. 

«  Monseigneur,   cez  Seigneurs  ont  eu  lettres  de  leur  ambassadeur 
prez  du  roy  Ferdinando  *,  les  advertissant  comme  lempereur  avoyt 


1.  «  Forussiz  >>,  de  l'ilalieti  fiiorasciti  ou  fuora  xisciti,  émigrés  el  bannis.  Leur 
nombre  el  leur  agitation  dans  les  villes  d'Italie  furent  souvent  tels  qu'ils  suscitèrent 
de  véritables  complications  diplomatiques. 

2.  Guido  Sforza. 

3.  Jean,  sixième  fils  de  Hené  II,  duc  de  Lorraine,  né  en  1498,  mort  le  18  mai  1550. 
Nommé  par  Alexandre  YI,  à  (juatre  ans,  coadjuleur  de  son  grand-oncle  Henri  de 
Lorraino-Vandemont,  évêque  de  Metz,  il  fut  fait  cardinal  par  Léon  X  en  1518.  A  cet 
évêché  vinrent  s'ajouter  successivement  et  simultanément  les  revenus  des  arciievê- 
chés  de  Narbonne,  Reims.  Albi  et  Lyon,  des  évêchés  de  Tout,  Valence,  Thérouanne, 
Luçon  et  Verdun,  ainsi  que  de  nombreuses  abbayes.  Très  influent  à  la  cour,  [il 
avait  été  chargé  en  lo3()  des  négociations  de  la  paix  avec  Charles-Quint,  où  il  échoua"; 
en  1542,  il  fut  mis  en  disgrâce. 

4.  Marino  Giustiniani. 


88  AMBASSAOE    DE  'SEPTEMUIIE    li)40; 

onvoyé  aiulicl  seigneur  r(»y  Icllres  que  lo    cardinal   (k'  Manloue  luy 
avoyl  eschplt'S,  contenant  la^M•ant  liddilé  et  afleclion  (]uil  luy  porloyt 
et  les  ollVcs  (iiiil  luy  faisuyl  »!•'  tmit  l'rslat  de  Manloue  jiour  inellre  en 
armes  ji;ens  et   chevaulx  à  son    pouvoir,   loutesfoys  et  (juantes  qu'il 
plairoyl   audicl    empereur    l'employer.    Voyres  encores  sa  personne 
esloyl  à.  son  commt'ndt'mcnt  :  chose  qui  a  esté  fort  a}ïr(''al)le  audicl 
empereur.  Lcqut'l  roy  Ferdinaudo,  afiin  de  publyer  ladicte  lettre,  n'a 
lailly  iiicniiliiienl  (juil  l'a  eue  la  faire  lire  à  ung  des  eslecteurs  de 
lEmpirr  qui   se  retrouvoyt   lors  à  sa  court,    et  pareillement   audicl 
ambassadeur   de  ce/    Seigneurs.    Semhlablement  escript  aussi   ledict 
ambassadeur  (jue  ledict  roy  Ferdinando  avoyt  lettres  que  monseigneur 
le  duc  de  Ferrare  avoyl  escriples  audicl  empereur,  se  offrant  A  luy 
que,   louleslbyz  et  quantes  que  l'occasion  s'y  adonnera,  ne  fauldra  à 
démonsirer  par  effecl  l'obligation  qu'il  tient  de  luy;  nonobstant  (juil 
sovl  beau-IVère  du  roy,  ne  larra  ce  néanlmoings  de  donner  tout  ayde, 
et   secours  selon    sa   puyssance,  audicl   empereur.    Pareillement   le 
marqui'/.  du  (îuast  a  escripl  audicl  empereur  comme  Testai  de  Millan 
esloyl  fort  bien  muny  de  victuailles  et  municions,  non  seuUement  les 
forlresses,  mais  encores  les  aultres  petites  villes,  de  sorte  que  avec  bien 
peu  de  gens  entreprent  de  les  garder;  et  avecques  bien  peu  de  des- 
pence,   voyre  quasi    que    d'eulx-mesmes,  se   pourront  mainlenyr  et 
garder. 

<(  Monseigneur,    ledict  ambassadeur  escript  aussi  que  l'empereur 
attend  d'heure  eu   heure  ce  (jui  aura  à  eslre   entre  Leurs  Majestez, 
pour  s'il  y  aura  lieu  mettre  à  elTect  certainement  ce  que  ay  jà  escript 
au  roy  et  à  vous  touchant  Hesdin  et  Marseille,  Je  auroys  estimé  que 
cecy  fusl  chose  faicte  à  poste;  mais  il  se  continue  par  tant  de  lettres 
que  cela  me  donne  à  pencer  qu'il  y  ayt  quelque  chose,  attendu  mes- 
mement   que  icy  est  arrivé  ung  frère  Jehan  de  Pyémont,  cordellier 
observantin  venant  de  la  court  de  l'empereur,  qui  a  passé  par  celle  du 
roy  des  Rommains.  Lequel  avions  jà  entendu  debvoir  passer  pour  s'en 
aller  à  Thurin  mettre  à  effect  une  intelligence  et  attente  qu'il  avoyt 
donnée  à  l'empereur,  sçavoir  est  de  mettre  le  feu  aux  municions  de 
Thurin  pour  puys  aprez,  pendant  que  l'on  se  amuseroyt  à  l'estaindre 
et  que  l'on  seroyt  ainsi  troublez,  prendre  et  desrobber  la  ville  s'ilz 
peulvenl;  et  s'en  est  parly  cez  jours  passez  pour  acomplyr  son  enlre- 
prinse.  J'espère  bien  que  M.  de  Langey  en  aura  esté  adverly  plus  tost 
qu'il  ne  sera  arrivé  là,  car  il  doibt  séjourner  quelque  temps  à  Millan 
pour  communicquer  le  tout  au  marquiz  du  Guast  et  luy  pourveoir  de 
gens  et  aultres  choses  qu'il  faira  besoing.  Ledict  frater  a  esté  fort 
recommandé  par  ledict  ambassadeur  de  cez  Seigneurs,  comme  chose 
qui  seroyt  1res  agréable  audicl  empereur  et  son  frère  de  luy  faire  hon- 
neur etplaisyr.  Esdicles  lettres  se  faict  aussi  mencion  de  quelques  feuz 
artifficielz  et  polz  de  feuz,  fers  et  aultres  telz  bagaiges,  sans  que  l'on 


[^SEPTEMBRE    iuiO]  GUILLAUME    PELLICIER  89 

ayt  bien   peu   entendre  à  quelz   tins;   par  quoy  ne  vous  en  sçauroys 
aultrement  donner  adviz...  » 

Vol.  2,  f-^  io,  copie  du  xvF  siècle;  3  pp.  3/4  in-I'°. 

l'ELLIClER   A    M.    d'aNNEUAULT. 

48.  —  [Venise],  10  septembre  i 540.  —  Pellicier  le  met  au  courant 
des  nouvelles  énoncées  précédemment  dans  les  lettres  au  roi  et  au 
connétable. 

Vol.  2,  ^   57,  copie  du  xvi»  siècle;  1/3  p.  in-fJ. 

PELI-ICIER  A   M.   DE  I.ANGEV'. 

49.  —  [Venise],  i  0  septembre  i  540.  —  Après  avoir  informé  son  cor- 
respondant des  décisions  prises  par  les  Vénitiens  relativement  aux 
affaires  du  Levant,  et  du  conseil  secret  tenu  par  les  Impériaux  à  Fer- 
rare,  Pellicier  l'entretient  des  menées  du  frère  Léonard  en  Piémont 
et  de  l'entreprise  du  frère  Jean  contre  Turin. 

«...  Monsieur,  j'ay  esté  adverty  que  avez  trouvé  les  Fpistres 
famillirres  que  vousavoys  envoyées  dignes  d'estre  mandées  à  la  court; 
par  quoy  m'a  semblé  vous  en  debvoir  encores  envoyer  d'aultres  avec- 
ques  celles  ad  Atticum,  qui  ont  esté  depuys  parachevées.  Si  je  enten- 
dray  que  lesdictes  œuvres  vous  soyent  agréables,  je  ne  fauldray  à  vous 
les  mander  ainsi  que  ilz  se  parfairont... 

«  Monsieur,  j'ay  esté  adverty  par  M.  Rabellays  de  l'amyable  et  gra- 
cieuse responce  que  luy  avez  faicte,  touchant  ung  personnaige  duquel 
luy  avoys  escript  pour  estre  employé  au  service  du  roy  soubz  vostre 
charge,  vous  pryant  doncques,  monsieur,  voulloir  continuer  en  celte 
bonne  voullenté...  Et  pour  ce  que  je  escriptz  plus  amplement  de  ses 
quallitez  et  afTaires  à  M.  Rabellais,  de  paour  de  vous  ennuyer  trop  ne 
vous  en  diray  aultre,  sinon  de  rechef  vous  le  recommande  tant  qu'il 
m'est  possible  et  moy  à  vostre  bonne  grâce...  » 

Vol.  2.  fo  47,  copie  du  \\i'  siècle,  "2  pp.  1/2  in-f'\ 

PELLICIER    W  ROI  2. 

50.  —  [Venise],  22  septembre  i 540.  —  La  maladie  de  Rincon  et  les 

L  •  jVo/rt,  qu'il  a  esté  escripl  à  ceste  dépesche  ledictXe  jour  de  septembre  à  MM.  le 
bailly   d'Orléans,  le  docteur  Rabellays,  Saint-Pol,  et  au    sire  Laurens  Charles.  » 

2.  ■<  Nota,  que  la  présente  dépesche  a  estée  retardée  jusques  au  xxnii",  et  a  esté 
escript  à  MM.  de  Saint-Pol,  Garrigues,  et  au  sire  Laurens  Charles,  et  aussi  à  M.  de 
Thulles,  ainsi  que  est  contenu  à  un  mémoyre  qui  est  avecques  les  mynutes.  » 

Le  prieur  de  Garrigue,  un  des  familiers  de  Pellicier  sur  UMjuel  nous  manquons 
de  renseignements.  —  Garrigue  est  un  village  du  déparlement  de  lllérault,  arron- 
dissement de  Montpellier,  canton  de  Clarret. 


90  AMBASSADE    DE  SEPTKMHIU:    la40J 

mauvais  leinps  avaient  rrlardé  la  vonut'  du  courrier  Janezin,  porteur 
du  double  des  lettres  égarées  des  10  et  15  mai;  il  est  enfin  arrivé  hier 
au  soir.  Par  lui  Uincon  avertit  Fellicier  (ju'il  a  reçu  le  paquetdu  25  juin, 
venu  de  France. 

«  ...  Et  aussi  touchant  lepoincl  que  luy  avoys  escripl  comme  je  feiz 
à  V.  M.  du  xxir  jour  de  juillet,  (pie  avoys  entendu    que  le  Grant  Sei- 
gneur ne  voulloyt  arrester  la  paix  de  cez  Seigneurs  s'il/,  préablement 
ne  se  déclairoyent  amys  de  ses  amys  et  ennemys  de  ses  ennemys,  me 
faict  responce  tel/,  propo7.  n'avoir  jamais  esté  mys  en  avant,  mais  estre 
bien  vray  que  les  baschatz  le  voulloyenl  faire,  si  luy-mesmes  en  traic- 
tant  de  ladicte  paix  ne  leur  eust  dissuadé,  leur  remonslranl  qu'il  suffi- 
royt  assez  qu'ilz l'eussent  amys  de  V.  M.  Et  là  dessus  en  déclairant  son 
intencion  encores  me  dict  estre  le  moilleurde  lesgaigner  et  attirera  soy 
par  obligacion  et  béneffice  que  par  conlraincle.  Sur  quoy.  Sire,  pour  ce 
que  le  propoz  s'y  offre  et  aussi  pour  mon  debvoir  vous  diray  que  voz 
bons  serviteurs  f[ui  sont  icy,  et  encores  d'aulcuns  de  cesdictz  servi- 
teurs mesmes  qui  ayment  le  bien  etaccroyssement  deleur  républicque, 
congnoissans  que  V.  M.  est  celluy  qui  leur  peult  et  veult  le  plus  ayder 
en  leurs  meilleurs  affaires  que  nul  autre,  seroyent  d'adviz  de  ne  se 
arrester  point   laul  aux    belles    paroUes  et  aultres   démonslracions 
d'amytié  que  cez  Seigneurs  nous  usent  journellement,  qu'il  se  faille 
attendre    que    pour    tous    les   plaisyrs    ne    béneffices    qu'ilz    ayent 
receu  encores  de  vous,  et  entretien  et  bons  offices  que'  leur  sçaiclient 
faire  voz  ministres,  qu'ilz  se  bougent  ne  changent  aulcunement  de  la 
ligue  qu'ilz  ont  avecques  l'empereur  pour  se  tourner  du  cousté  de  V.  M. 
Et  ce  par  plusieurs  raisons,  mesmement  pour  paour  qu'ilz  ont  de  l'em- 
pereur et  ses  alliez  estans  voysins  et  les  environnant  de  tous  cousiez 
des  pays  qu'ils  tiennent,  comme  sont  sur  la  marine  du  royaulmc  de 
Xapies,  et  par  terre  du  cousté  de  Millan  et  du  conté  de  Guricia  *  et 
Thyrol;  qui  faict  qu'ilz  craignent  d'aultant  plus  de  les  irriter.  Et  aussi 
qu'il  y  a  encores  une  bonne  partye  d'entre  cez  Seigneurs  ayans  leur 
vieille  humeur  et  oppinion  vmpérialle,  et  les  aultres  pour  recepvoir 
particullièrement   souvent  de  grandes  commôditez  dudict  empereur, 
pour  la  mesmc  vicinité  des  pays;  et  ce,  parle  moyen  et  des  mains  de 
son  ambassadeur  qui  est  icy.  Par  quoy,  Sire,  sauf  vostre  meilleur  et 
infaliible  jugement,  vosdictz  serviteurs  et  aultres  de  telles  quallitez 
que  dessus  trouveroyent  bon  que  cez  Seigneurs  fussent  jà  ung  peu  plus 
vivement  menez  et  poulcez  de  se  vouUoir  déclairer  de  vostre  cousté, 
que  de  allendre  qu'ilz  le  facent  pour  le  de])voir  et  recongnoissence  de 
voz    bienfaiclz  d'eulx-mesmes;  car  certainement  ilz  sont  tant  las  et 
fâchez  de  guerre,  et  desnuez  d'argent  et  facuUez   pour  l'entretenyr, 
qu'ilz  ne  demandent  que  repoz  et  se  tenyr  coy.  Et  laisser  faire  aux  aul- 

i.  fioritz. 


[septembre    1d40]  GUILLAUME    PELLICIER  91 

très  pour  veoir  comme  les  choses  passeront  et  de  attendre  qu'il/,  eussent 
totallement  obtenue  ladicte  paix,  il  y  auroyt  danger  de  perdre  la  com- 
modité de  Thonneste  induction  que  on  leur  pourroyt  faire  mainctenant, 
non  seuUement'en  ayant  Toccasion,  mais  aussi  bonne  couUeur  et  raison 
que  jamais.  Dont  V.  M.  en  ordonnera  ce  que  luy  plaira,  et  me  faira 
advertyr  bien  tost  si  c'est  son  bon  plaisyr  de  ce  que  vous  vouldrez  estre 
faict  là-dessus,  tant  pour  le  danger  qu'il  y  a  que  le  temps  se  passe,  se 
parachevant  ladicte  paix,  que  aussi  ])our  obvier  à  la  poursuyte  et  ins- 
tance que  l'ambassadeur  de  l'empereur  i'aict  à  présent  plus  chaude- 
ment que  jamais,  que  cez  Seigneurs  se  veuillent  déclairer  s'il/,  n'enten- 
dent pas  garder  les  cappitulations  faictes  avecques  son  maistre,  et 
principallement  de  luy  donner  l'ayde  et  secours  de  gens  et  aultres 
choses  qu'ilz  ont  promys  pour  la  delFence  de  la  duché  de  Millan. 

«  Sire,  quant  aux  choses  de  Hongrye,  l'on  a  icy  lettres  de  Vienne 
comme  le  roy  Jehan  avoyt  ordonné  tuteur  de  son  filz  le  Grant  Seigneur 
et  laissé  les  places  et  fortresses  en  gouvernement  à  frère  George, 
hermile,  et  trésorier  dudict  royaulme.  Et  pour  ce  qu'il  ne  avoyt 
gardé  au  roy  des  Rommains  les  cappitullacions  qu'ilz  avoyent  ensemble, 
mesmement  quant  à  ce  que  aprez  sa  mort  le  royaulme  de  Hongrye 
deust  revenyr  audict  roy  des  Rommains,  il  voulloyt  faire  l'emprinse 
de  conquérir  ledict  royaulme  :  mais,  comme  ilz  escripvent,  y  a  danger 
que  ce  sera  foco  d'i  pagLia,  et  ce  pour  estre  la  saison  bien  avant.  Par 
quoy  vouldroyt  veoir  plus  tost  de  avecques  beaulx  moyens  gaigner  le 
peuple  de  là,  et  ne  povant  par  cesle  façon  venyr  à  cez  fins,  se  deslibère 
à  la  prime  vère  le  faire  par  force*;  11  avoyt  cuydé  faire  quelque  bon  amas 
de  deniers  pour  faire  gens,  ayant  pour  ce  dernièrement  requiz  ceulx 
des  contez  de  Thirol  et  Guritia  luy  faire  ayde  et  service  d'argent;  mais 
s'en  sont  très  bien  excusez,  néantmoings  lui  ont  présenté  bailler  des 
gens  qu'ilz  sont  tenuz  faire  pour  la  tuicion  et  deffence  desdictz  pays. 
Desquclz  aprez  avoir  esté  levez  en  nombre  de  quatre  mil,  en  leur  don- 
nant demy  escu  contant  pour  teste,  aprez  avoir  marché  une  journée 
où  leur  estoyt  promys  payement,  ne  le  trouvant  point,  se  sont  tous 
départiz  et  retirez  çà  et  là.  Et  pareillement  l'on  entend  aussi  qu'il  a 
demandé  secours  d'argent  au  pape  pour  faire  ladicte  emprinse  de  Hon- 
grye :  de  quoy  Sa  Saincteté  s'est  excusée,  et  l'on  estime  qu'il  en  aura 
bien  peu.  Et  davantaige  que  le  Médeguin  '  et  le  conte  Philippes  Tour- 
nier-,  ayant  charge  lever  chacun  troys  mil  hommes  au  duché  de  Millan 
pour  conduyrc  à  cestedicte  entreprinse,  n'en  ont  peu  trouver  que  y 
vueillent  aller,  sans  estre  plus  gros  nombre  de  gens,  et  avoir  aultres 
chefz  de  plus  grant  réputacion;  et  reffusent,  ainsi  que  l'on  entend, 
pour  la  ennemytié  que  les  Allemans  ont  contre  les  Itallicns,  à  cause  des 

1.  Gian-Giaconio  dei  Medicis,  dit  lo  Medic/tino.   Il  avait  doux   fi-i'-rcs  :  Giovanni- 
Ballista,  et  Giovanni-Angeln.  (jui  fut  le  pape  IMe  IV. 
■2.  Le  comte  Fiiippo  Torniello. 


92  AMllASSADE    DE  [SEI'TEMltllF:    lliVO 

foullos  l'I  oppressions  qu'il/  leur  feirenl  au  retour  de  Vienne  depuys 
le  dernier  voyaf;e  que  le  Granl  Seif,'neur  y  feisl.  L'on  entend  aussi  que 
ung  Christofle  de  ses  Fourres  d'Auguste  •  a  eu  lettres  comme  les  Terres 
franches  d'Allemagne  ont  octroyé  audict  roy  Ferdinando  luy  bailler 
pour  ladicti'  enlrcprinse,  (jui  une  bandière  de  gens,  et  (jui  plus  ou 
moings.  Tant  y  a  ipi'il/.  se  pourroyenl  liicn  montei"  eu  tout  le  nombre 
de  douze  mil  hommes  de  pied. 

«  Sire,  il  est  venu  icy  nouvelles  par  certains  brigantins,  tant  de 
Raguse  que  de  Spalatro,  comme  ledict  Janezin,  s'en  retournant  à  Cons- 
lantinople  porter  la  résolution  de  cez  Seigneurs  sur  la  conclusion  de 
leur  paix  ainsi  que  ay  faict  entendre  â  V.  M.,  avoyt  esté  tué  à  Clinsa*, 
chasteau  du  (îrant  Seigneur  estant  au  millieu  du  chemin  d'entre  Spa- 
latro et  le  Serrait  ^,  à  troys  journées  de  l'un  et  de  l'autre.  Et  ne  sçavoyt 
l'on  si  ce  avoyt  esté  faict  par  certains  brigans  ordinaires  de  ce  pays  là 
que  on  appelle  Scoqs  *,  ou  par  aultres.  Toutesfoys,  estant  retourné  le 
brigantin  qui  Tavoyt  conduict  â  Spalatro,  et  ayant  apporté  lettres  de 
son  arrivée  là  sans  faire  aulcune  mencion  de  telle  adventure,  l'on  n'en 
sçayt  que  croyre.  S'il  estoyt  ainsi,  on  estime  que  pour  le  moings  cela 
pourroyt  estre  cause  de  retarder  assez  longuement  ladicte  conclusion 
lolalle  de  ladicte  paix  d'entre  cez  Seigneurs  et  le  Grant  Seigneur, 
attendu  que  sans  ce  elle  n'est  pour  estre  trop  avancée  et  eschaufîée,  s'il 
est  vray  ce  que  M.  l'arcevesque  de  Raguse  mescript  qu'il  avoyt  nou- 
velles que  ledict  Grant  Seigneur  n'estoyt  pour  faire  ladicte  paix  si  cez 
Seigneurs  ne  luy  accordoyent  entièrement  toutes  les  demandes  qu'il 
leur  a  faictes  dernièrement.  Si  est-il  que  ilz  n'eurent  jamais  meilleur 
besoing  de  l'avoir  promplement  que  ilz  ont  à  présent,  pour  la  grant 
charte  de  bledz  qui  est  icy  desjà  aussi  grande  qu'elle  estoyt  l'année 
passée  environ  >'ouël. 

«  Sire,  ayant  présentement  entendu  comme  cez  Seigneurs  venoyent 

1.  Les  Fugger,  richissimes  bani(uiers  d'Aiigsbourg,  (jui  rendirenl  de  fréquents  el 
signalés  services  à  Giiarles-Quinl.  Leur  forliiiie  scandaleuse  augmenta  en  sept  ans 
de  treize  millions  de  florins. 

Chrisloplie  Fugger,  né  le  5  février  Id20,  mourut  le  2  avril  1579,  el  fut  enterré 
dans  réglise  des  Dominicains  d'Aiigshourg. 

On  a  publié  dans  celle  ville,  en  iOl'.t,  un  magiiilique  recueil  pot.  in-fol.  contenant 
les  armoiries  et  les  127  portraits  gravés,  accompagnés  de  notices,  des  dilTércnts 
membres  de  la  famille  Fugger. 

2.  Glissa,  forteresse  construite  eu  luIH  par  le  pacha  de  Uosnie,  h  9  kilom.  <le 
Spalatro  (l)almatic).  Elle  fut  maintes  fois  prise  et  reprise  par  les  Turcs  et  les  Véni- 
tiens (V.  Charrière.  f.  I,  p.  181). 

:).  Seraïevo  ou  Bosna-Seraï,  importante  ville  de  Bosnie,  qui  tire  son  n(uu  du 
palais  ou  serai  bàli  au  xV  siècle  par  Mohammed  11. 

l.  Uscoques  ou  UsUoks,  association  d'aventuriers  slaves  ipii  pour  la  plu|)art 
avaient  quitté  les  provinces  de  Servie,  de  Bosnie,  de  Croatie  ou  d'.Mlianic  sous 
[irétexte  de  religion,  Ltablis  sur  les  cotes  de  l'Adriaticpie.  ils  exerçaient  la  piraterie 
et  s'en  prenaient  souvent  aussi  bien  aux  chrétiens  qu'aux  infidèles.  Les  Turcs  ne 
parvinrent  à  les  détruire  ciunplèlement  que  dans  les  premières  années  i.\n  .wii* 
siècle. 


[septembre    1540]  GUILLAUME    PELLICIER  93 

de  recepvoir  aussi  lettres  de  leur  ambassadeur  Badouare  prez  le  Grant 
Seigneur,  du  xx''  dudict  moys  passé,  m"a  semblé  eslre  le  meilleur 
relarder  ung  jour  davantaige  la  présente  dépesche,  pour  veoir  si  pour- 
roys  rien  apprendre  digne  de  faire  savoir  à  Y.  M.  Et  ad  ce  que  j'ay  peu 
entendre  il  leur  escript  que  les  baschatz  l'ont  recherché  et  sollicité  ne 
se  arrester  point  tant  à  cez  petites  particuUaritez  et  difïerends  qu'il 
laissast  pour  cella  de  conclure  la  générallité  de  leur  paix,  car,  puys 
aprez,  tout  le  demeurant  se  passeroyt  mieulx  estant  confirmée  l'amytié  : 
et  que  lesdictz  baschatz  iuy  avoyent  donné  quelque  espoir  que  des 
troys  cens  mil  escuz  qu'ilz  ont  accordé  de  donner  audict  Grant  Seigneur 
se  pourroyt  desduyre  tant  que  se  monteroyt  la  somme  que  a  esté 
estimée  la  marchandise  et  aultres  biens  qui  furent  prins  sur  les  gal- 
léasses  en  Alexandryc  de  Egypte,  en  leur  prime  rompture.  Et  en  con- 
firmation de  ce  que  le  seigneur  Rincon  m'a  escript  de  amy  de  l'amy  et 
ennemy  de  l'ennemy,  ledict  seigneur  Badouare  escript  que  Iuy,  estant 
allé  veoir  icelluy  seigneur  Rincon,  il  Iuy  dist  entre  aultres  propoz  que 
ces  baschatz  estoyent  si  bestiaulx  que  il  y  avoyt  plus  de  troys  moys 
qu'ilz  s'estoycnt  mis  en  teste  de  ne  accorder  point  la  paix  à  cez  Sei- 
gneurs, sans  que  ilz  se  déclarassent  amys  de  l'amy  et  ennemys  de  l'en- 
nemy; mais  qu'il  leur  avoyt  remonstré  et  pryé  que  pour  rien  du  monde 
ilz  ne  meissent  telz  propoz  en  avant,  car  jamais  cez  Seigneurs  ne  le 
feroyent,  d'aultant  qu'il  n'estoyt  honneste  ne  raisonnable,  ains  seroyt 
très  mal  faict.  Chose  que  cezdictz  Seigneurs,  quant  a  esté  rapporté  à 
leur  pregay,  ont  eu  merveilleusement  agréable.  Et  là  ledict  ambassa- 
deur ne  fault  comme  tousjours  à  répéter  des  bons  offices  dudict  sei- 
gneur Rincon,  et  en  quelle  sincérité  et  affection  Iuy  et  voz  aultres 
ministres  secourent  journellement  ceste  républicque.  Et  sur  le  propoz 
que  icelluy  seigneur  Rincon  m'a  escript,  que  aulcuns  seigneurs  et  cap- 
pilaines  qne  le  Grant  Seigneur  tenoyt  sur  les  confins  de  la  Persia  s'es- 
toyent  rebellez,  lesquelz  aprez  avoir  faict  assez  de  mal  sont  avec  une 
grant  force  de  gens  allé  rendre  au  Sophy  ',  —  icelluy  ambassadeur  y 
adjouste,  escripvant  à  cez  Seigneurs,  que  ladicte  rébellion  et  désordre 
a  esté  tel  qu'il  ne  Iuy  est  demeuré  que  une  seulle  place  de  tout  ce  qu'il 
avoyt  conquiz  sur  le  Sophy.  Et  depuys  ay  entendu  que  ladicte  terre  se 
nomme  Bagadet  -  et  que  le  mutinement  s'est  faict  pour  n'avoir  eu  le 
payement  de  leur  soulde  acouslumé;  mais  le  Grant  Seigneur  y  avoyt 
mandé  très  grant  nombre  de  gens,  Escript  oultre  que  pour  certain  pro- 
nosticque  de  l'astrologue  dudict  Grant  Seigneur,  disant  que  les  chres- 
tiens  forcez  et  amaistrancés  de  l'arcenal  de  Constantinople  avoyent  à 
mettre  le  feu  audict  arcenal,  ledict  Grant  Seigneur  les  a  faict  tous 
ester  et  tirez  dehors  d'icelluy  et  mys  en  aultres  lieux  et  servitudes. 

1.  Thamasp  I",  fils  de  Schah  Ismaïl  I*'  et  second  souverain  de  la  dynastie  persane 
des  Sofis,  monta  sur  le  trône  à  l'âge  de  dix  ans  et  régna  de  lo24  à  1376,  date  de  sa  mort. 

2.  Bagdad. 


04  AMBASSADE    DE  [SEPTEMURE    lti40] 

«  Siro,  loilicl  seigneur  ambassadeur  Hadduare  escripl  aussi  ([ue  le- 
dict  Granl  Seigneur  avoyl  laicl  l'aire  coujuiandemenl  à  tous  les  baschatz 
se  tenyr  prestz,  el  mesmemenlii  Cassin,  baschade  la  Moréa',  et  aultres 
ses  voysins,  pour  avecques  vingt  mil  elievaulx  obvier  à  l'entreprinse  de 
Ferdinando  pour  Hongrye.  Desquel/  a  jà  faict  avancer  cinq  mil,  et  ce 
pendant  avoyt  mandé  ii  toutte  diligence  aux  princes  et  barons  de  Hon- 
grye, sur  tant  qu'il/,  craignoyent  de  l'olTencer  ((u'il/.  eussent  à  mainc- 
tenyr  le  party  du  fil/,  du  roy  Jeban,  lefjuel  il  voulloyt  haulser  et  con- 
lirmer  roy  de  Ibjngrye;  et  que  s'il  y  avoyt  homme  qui  y  contrevint, 
qu'il  y  viendroyt  à  toute  sa  puissance  les  destruyre  en  corps  et  biens. 
I.edict  enfant  roy,  avec  la  reyne  sa  mère  et  frère  George,  hermitte,  et 
trésorier  dudict  royaulme,  est  en  Budde  '.  » 

Vol.  2,  r  48,  copie  du  \vi«  siècle;  4  pp.  in-f\ 


l'EI.I.ICIER  AU  CONNETABLE. 

51.  —  [T>»Jse],  22  septembre  1 540.  —  Pellicier  lui  annonce  l'arrivée 
des  lettres  de  Rincon.  Quant  aux  nouvelles  qu'elles  contiennent,  «  pour 
ce  que  verrez  celles  que  j'escriptz  à  S.  M.,  ne  vous  en  feray  aultre 
répéticion,  sinon  quelque  mot  sur  la  responce  que  m'a  faict  le  seigneur 
Rincon  touchant  le  propoz  dont  luy  avoys  escript  de  amy  de  l'amy  et 
ennemy  de  l'ennemy,  et  que  ce  seroyt  le  meilleur  de  gaigner  et  attirer 
à  soy  cez  Seigneurs  par  obligation  et  Ijéneffice  que  par  contraincte, 
chose  que  nul  ne  doubte  pourveu  que  l'on  fust  asseuré  que  par  tel 
moyen  l'on  vint  à  son  intencion.  Mais  quant  ad  ce  propoz,  oultre  ce  que 
j'en  escriptz  au  roy,  vous  advertys  que  j'ay  entendu  par  monseigneur  le 
Révérendissime  cardinal  Pisan^  qui  est  serviteur  de  S.  M.  tel  que  sçavez, 
que  il  n'y  a  propoz  de  se  attendre  de  y  venyr  par  ce  moyen  là  ;  car  ilz 
ne  feroyent  jamais  de  prime  arrivée  une  si  grant  mutacion  d'extrémité 
à  extrémité,  comme  est  de  là  où  ilz  sont  alliez  avecques  l'empereur 
contre  le  roy,  que  au  contraire  ilz  fussent  de  leur  voullenté  pour  soy 
allier  avecques  S.  M.  contre  l'empereur.  Et  de  ce  j'ay  grant  conlirma- 
cion  par  le  double  d'une  lettre  que  leur  ambassadeur  prez  dudict 
empereur  leur  a  mandée,  respondant  à  une  quilz  luy  avoyont  escripte, 
comme  appert  par  icelle  de  certaine  offre  qu'ilz  ont  faicte  dernièrement 
audict  empereur  touchant  certaines  capitulacions  sur  l'afifaire  de  Millan. 

1.  Kasim-Pacha,  gouverneur  de  la  Morée. 

2.  «  A.  M.  de  Villandry,  dudicl  jour.  » 

3.  Franccsco  Pisani,  vénitien  de  naissance,  cardinal  (151"),  évêque  de  Padoue 
(lo24  à  1567)  et  de  Trévise  (1528  à  1564),  mort  en  1510.  Il  occupa  également  plus 
lard  les  sièges  de  Narbonne,  d'Albano,  de  Frascati  el  de  Porto. 

Il  avait  reçu  du  roi,  entre  autres  bénéfices,  l'abbaye  de  Prémontré  au  diocèse  de 
Laon  (Cat.  des  actes  de  François  1'',  l.  III.  p.  365,  n"  9193). 


[SEPTKMIîRE    1540]  GUILLAUME    PELLICIER  95 

De  quoy  je  vous  mande  le  double  de  mot  à  mot,  comme  Tay  l'ecouvert 

depuys  avoir  faict  les  lettres  du  roy.  Par  quoy,  Monseigneur,  sauf  vostre 

meilleur  jugement,  je  persisteroys  en  ceste  oppinion  que  qui  les  voul- 

droyt  deslier  d'avecques  l'empereur,  on  ne  le  pourroyt  mieulx  ne  plus 

aysément  ou  seurement  faire  que  par  le  moyen  du  Grant  Seigneur,  et 

ce  avant  qu'ilz  eussent  conclud  la  paix  totalle.  Sur  quoy  je  vous  sup- 

plye.  Monseigneur,  m'avoir  pour  excusé  envers  S.  M.  et,  en  tant  que 

Lesoing  seroyl,  me  pardonner  si  j'ay  prins  la  hardyesse  de  me  mettre 

si  avant  comme  d'escripre  de  choses  de  la  plus  grant  importance  de 

ma  charge  si  instemment;  car  la  craiucte  que  j'ay  de  faillyr  à  mon 

dehvoir  si  je  ne  advertissoys  le  roy  et  vous  de  ce  que  je  puys  con- 

gnoistre  touchant  tous  affaires  concernans  madicte  charge  et  singul- 

lièrement  cestuy-cy  pour  surmonter  tous  aultres  en  son  importance, 

m'y  a   contrainct,   —  considérant  mesmement  que  à  l'aventure  telz 

propoz  que  j'ay  escriptz  par  cy  devant  touchant  les  belles  paroUes  et 

grandes  démonstracions  que   cez  Seigneurs  nous   ont  faict  quelque 

temps  et  font  encores  d'estre  tant  disposlz  à  complaire  au  roy,  pourroyt 

avoir  faict  croyre  qu'ilz  deubsent  libérallement  de  leur  franche  voul- 

lenté  venyr  à  quelque  bonne  alliance  avecques  le  roy;  à  quoy  je  ne 

vouldroys  que  en  s'y  attendant  ou  endormant  plus  longuement  Ton 

vint  à  perdre  une  si  bonne  occasion  de  les  y  attirer  certainement.  Dont 

pour  mon  debvoir  et  ma  descharge  aussi  m'a  semblé  d'en  escripre  tout 

ainsi  que  ay  faict  à  S.  M.  et  à  vous. 

«  Monseigneur,  cez  Seigneurs  ont  eu  lettres  de  leur  ambassadeur  ' 
prez  de  l'empereur  comme  icelluy  empereur  avoyt  commencé  à  se 
relever  delà  malladye  qu'il  a  eue,  néantmoings  qu'il  en  estoyt  encores 
tant  desbille  qu'estoyt  contrainct  se  aller  apuyant  d'ung  baston;  et 
avoyt  tenu  propoz  audict  ambassadeur  que  il  désiroyt  entretenyr  et 
accroistre  toujours  de  plus  en  plus  la  confédération  et  amytié  qu'il  a  à 
cez  Seigneurs,  pourveu  qu'il  ne  tînt  àeulx  :  ce  que  les  faict  pencer  qu'il 
ne  se  double  de  leur  voullenté  envers  luy.  Lequel  lors  se  entendoyt 
trouver  pour  tout  janvier  à  Ratisbonne,  ainsi  que  escript  ledict  ambas- 
sadeur, et  là  faire  une  diette,  pour  aprez  passer  en  ceste  Italye.  Et  m'a 
l'on  dict  que  cez  Seigneurs  ont  achepté  du  vice-roy  de  Naples  *  la  traicte 
de  troys  mil  quarres  de  bled,  se  montans  soixante  mil  sexliers  à  six 
escuz  et  demy  pour  quarre,  que  revient  audict  vice-roy  vingt  mil  escuz. 
Et  ont  donné  ladicte  traicte  entièrement  à  quatre  marchans  qui  seront 
tenuz  acheter  ledict  bled  et  faire  conduyre  en  ceste  ville  de  Venize 
et  le  deslivrer  pour  unze  livres  de  leur  monnoye  le  sextier,  qui  val- 
lent  monnoye  de  France  soixante  treize  soulz  quatre  deniers  :  et  par 
ce  moyen  cesdicts  Seigneurs  viendront  à  perdre  ladicte  traicte.  Le 

1.  Pielro  Mocenigo. 

2.  Pedro  de  Toledo,  marquis  de  Villafranca. 


'J6  AMBASSADE    DE  [SKPIEMBHK    Io40] 

seigneur  domp  Diègues  icy  ambassadeur  de  l'empereur  ',  ayant  trouvé 
la  trariicque  de  bledz  de  laullre  année  si  bonne  que  de  y  avoyr  gaigné 
mieuK  (|ue  de  un/.e  ou  douze  mil  esciiz,  a  si  bien  brigué  que  lesdicts 
marchans,  pour  estre  asseurez  de  la  foy  espagnolle,  l'ont  accueilly  au 
tiers  de  tout  le  proftict.  Je  ne  veulx  oblycr  à  vous  ilire  la  dénonciation 
que  a  faicte  à  cez  Seigneurs  M.  l'ambassadeur  prez  de  S,  M.,  ainsi  que 
vous  ay  escriiil  par  cy  devant,  les  advertissant  qu'ilz  se  vueillent  bien 
prendre  garde,  car  le  roy  esloyt  mieulx  informé  que  jamais  de  tous  les 
principaiilx  poinctz  que  se  traictenl  icy  et  nouvelles  qui  y  viennent;  et 
disoyt  l'avoyr  sceu  par  la  cavalleria,  jargon  (jue  je  n'ay  encores  sceu 
entendre  que  veult  dire  ladicte  cavullcnju.  Qui  pourroyt  estre  cause, 
Monseigneur,  de  renouveller  ledoubteet  craincte  que  ont  eue  les  servi- 
teurs (lu  roy  (pii  sont  icy,  et  par  ce  moyen  ne  pouvoir  rien  retirer 
deulx.  attendu  mesmement  que  sans  cela  il  y  en  a  beaulcoup  pour  ne 
se  voulloir  plus  contenter  de  parolles  et  excuses  que  leur  ay  toujours 
usées  le  mieulx  que  j'ay  pu  jusqucs  icy,  qui  commencent  fort  à  s'eslon- 
gner,  et  ne  me  donner  plus  nulz  adviz  et  confortz  comme  ilz  faisoyent 
de  conmiencement,  et  mesmement  de  ceulx  qui  souUoyent  avoir  les  groz 
entretiens,  du  temps  de  MM.  de  Rhodez  et  de  Lavaour  aussi.  Et  n'eust 
esté  l'espérance  que  j'ay  donnée  à  quelques  aultres  que  j'ay  trouvez  en 
les  entretenant,  ce  néantmoings  tousjours  par  effect,  non  pas  comme  la 
chose  le  requiert  et  méritte,  mais  selon  ma  petite  puyssance  quant  à  faire 
sçavoir  au  roy  choses  d'importance,  à  grant  peyne  serviroys-je  de  guères 
estre  icy.  Et  ay  belle  paour  que  si  bientost  Vostre  Excellence  ne  faict 
deslivrer  quelque  somme  d'argent  pour  leur  despartyr,  je  me  "^erray 
du  tout  inulille  et  habandonné  d'ung  chascun  ;  car  certainement  je  n'ay 
plus  de  quoy  leur  fournyr  pour  avoir  despendu  longtemps  a  tout  ce 
que  avoys  peu  amasser  avant  que  venir  icy,  et  suys  tous  les  jours  aux 
cmprunctz  pour  subvenyr  à  la  despence  ordinaire  et  extraordinaire 
qu'il  me  convient  faire  :  vous  supplyant  doncques,  Monseigneur,  ne 
me  laisser  en  telle  nécessité  que  à  faulte  de  commodité  et  puissance 
je  laisse  de  mettre  à  exécution  le  bon  voulloir  que  j'ay  de  faire  service 
au  roy  et  à  vous,  —  vous  asseurant.  Monseigneur,  que  j'ay  esté  aussi 
ayse  du  présent  qu'il  a  pieu  au  roy  par  vostre  moyen  faire  à  M.  l'arce- 
vesque  de  Raguse  que  s'il  eust  esté  faict  à  moy-mesme  deux  foys  plus 
grant  bien.  Dont  me  semble  ne  debvoir  obmettre  à  vous  en  remercyer 
très  humblement  comme  aussi  faict-il  de  sa  part  par  une  lettre  qu'il 
m'a  escripte,  chose  qui  n'a  pas  mys  en  peu  de  jallousye,  —  ensemble 
les  partiz  qui  ont  estez  faictz  au  gentilhomme  grec  qui  a  faict  ung 
présent  au  roy  de  livres  que  sçavez  -,  et  à  messire  Sébastiano  de  Boul- 
longne,  architecte  ^,  et  avoir  donné  charge  au  cappitaine  Scipio  Cons- 

1.  Diego  Hurlado  de  .Mendoza. 

2.  Antoine  Eparclios. 

3.  Serlio. 


[septembre    1d40]  GUILLAUME   PELLICIER  97 

tance  —  ',  plusieurs  aultres  Itallicns  qui  sont  icy,  lesquels  de  leur 
nature  y  sont  assez  subgectz.  Et  cela  a  bien  aydé  à  estrc  cause  de 
faire  anonchalloyr  les  dessusdicts,  à  qui  Ton  avoyt  accoustumé  de 
donner  pensions  et  aultres  bienfaictz  du  temps  de  mes  prédécesseurs. 
Par  <iuoy,  Monseigneur,  n'ayant,  comme  povez  très  bien  sçavoir,  du 
mien  propre  pour  y  fournyr  à  la  septiesme  partye  prez  qu'ilz  avoyent, 
je  vous  supplyc  derechef  me  vouUeoir  faire  pourveoir  pour  leur 
entrelien,  ainsi  que  l'on  faisoyt  aux  aultres  ou  aultrement  ainsi  qu'il 
vous  semblera  bon.  Pareillement,  Monseigneur,  comme  vous  povez 
bien  estre  recordz,  il  plust  auroy  me  commander  à  mon  parlement  de 
luy  faire  amas  du  plus  grand  nombre  de  bons  livres  grecz  que  pourroys 
trouver,  ce  que  ay  faict  etfays  journellement;  et  en  trouvant  quelques 
ungs  rares  qui  ne  sont  à  vendre,  pour  estre  des  librairies  publicques 
ou  de  personnes  qui  ne  s'en  veullent  desfaire,  les  fays  transcripre, 
quoy  qu'ilz  couslont  :  pour  quoy  faire  avoys  tenu  quatre  ou  cinq  per- 
sonnes à  groz  fraiz.  iMais,  puys  ung  moys,  M.  de  ThuUes  m'ayant 
escript  de  par  le  roy  y  faire  toute  dilligence,  à  présent  y  en  ay  mis  aprez 
jusquesau  nombre  de  douze  pour  gaigner  temps;  car,  quelque  foys,  on 
ne  peult  avoir  les  livres  lesquelz  l'on  faict  coppier  si  longuement  à  son 
commeudement.  Les  fraiz  de  laquelle  chose  se  montent  journellement 
mieulx  d'ung  escu  et  demy  d'argent  desboursé,  sans  la  despense  que  je 
fays  à  six  hommes  pour  cest  affaire  :  vous  asseurant.  Monseigneur, 
([ue  cela  se  monte  presque  aultant  que  la  moictié  de  ma  dcspence  ordi- 
naire, ce  que  me  charge  beaulcoup  et  ne  sçauroys  l'entretenyr  lon- 
guement sans  qu'il  vous  plust  faire  envers  le  roy  qu'il  ordonne 
m'estre  avancé  argent  pour  subvenyr  à  telle  despence;  car,  comme  ay 
dict,  je  n'ay  point  du  mien,  eteulx,  pour  estre  pouvres  gens  grecz  hors 
de  leur  pays,  ne  peulvent  attendre  d'estre  payez,  sinon  au  jour  la 
journée.  Du  reste,  Monseigneur,  quant  à  la  charge  de  l'ordinaire,  j'es- 
père avecques  l'ayde  de  Dieu,  quelque  charte  ne  affaires  que  je  aye,  faire 
service  agréable  au  roy  et  à  vous,  sans  vous  importuner  de  plus  qu'il 
vous  a  pieu  me  ordonner;  car  il  me  suffira  bien  assez  de  demeurer  en 
ia  bonne  grâce  de  S.  M.  et  de  vous... 

«  Monseigneur,  je  vous  envoyé  demy  douzaine  de  lettres  des  lieux  que 
verrez  que  ay  trouvé  moyen  de  recouvrer,  ce  que  n'a  esté  sans  mistère; 
par  lesquelles  vous  pourrez  par  vostre  meilleur  jugement  congnoistre 
mieulx  les  dispositions  et  humeurs  des  principaulx  de  ce  monde,  et  s'il 
vous  semble  estre  au  service  de  S.  M.,  verrons  de  faire  que  ceulx  icy  ne 
seront  les  seulles  ne  dernières  que  vous  en  envoyerons  par  cy  aprez.  » 

Vol.  2,  f°  oO  v°,  copie  du  xvi^  siècle;  3  pp.  1/4  in-f^^. 

1.  Scipione  Costanzo,  capitaine  italien  au  service  du  roi,  et  l'un  des  principaux 
officiers  de  l'armée  de  Pielro  Strozzi,  résidait  ordinairement  à  Venise.  Le  second 
recueil  des  lettres  de  l'Arétin  contient  une  lettre  à  lui  adressée,  de  Venise,  le 
7  février  1540. 

Venise.  —  1540-1542.  7 


98  AMIiASSADE    DE  [SEI'TEMBRE    i:;40j 

PEI.LICIEH    A    M.    lU;    \  II.I.ANDHY. 

52.  —  Venise^,  22  scptcmOrc  iJ40.  — Pellicier  lui  apprend  la  nou- 
velle qui  court  de  l'assassinat  du  courrier  Jane/.in  el  rt'iilrelicnl  des 
conséquences  que  cet  événement  peut  avoir  pour  la  conclusion  de  la 
paix. 

Vol.  2,  f"  52,  copie  du  \\\°  sit-rlo;  1  \).  in-f". 

l'ELLICIER    A   M.    DE   LANGEV '. 

53.  —  "Venise  .,  24  srpliinhn'  I o40.  —  Pellicier  a  reçu  les  lettres  de 
Langey  des  1"  et  14  septembre  ;  il  s'étonne  que  celui-ci  n'ait  pas  reçu 
sa  dépêche  chiffrée  du  !2()  aoilt,  confiée  à  M.  de  Vaux. 

«  ...  Et  faisoyent  mencion  de  chose  à  laquelle  le  roy  m'a  jà  faict  res- 
ponce  y  avoir  donné  bon  ordre,  c'est  que  les  intelligences  et  traicte/. 
dont  vous  avoys  escript  auparavant  que  faisoyent  les  Impériaalx 
estoyent  à  Marseille  et  Hesdin,  aflin  que  vous,  comme  estant  le  plus 
pro7.  du  cousté  de  deçà,  advisissie/,  selon  voslre  bon  jugement  d'en 
escripre  pour  advancer  temps  à  M.  le  gouverneur  de  Prouvence  et 
aultres  que  trop  mieulx  congnoistriez  estre  plus  expédiant.  Je  vous 
prye  m'advertyr  si  avez  depuys  receu  mesdictes  lettres  ou  si  en  aurez 
rien  entendu  par  aultre  voye;  car  j'ay  sceu  que  vous  avez  mandé 
Gorge-Noyre  *  à  Marseille,  —  qui  me  faict  estimer  que  ce  pourroyt 
avoyr  esté  pour  cest  effect,  —  et  aussi  que  par  certaines  lettres  de 
Nice  du  xiii"  septembre,  mandées  à  l'empereur  par  ung  nommé  de 
Bellegarde,  fort  féal  d'icelluy  empereur,  l'on  entend  comme  le  traicté 
de  Marseille  avoyt  esté  descouvert  et  que  soubdainement  y  avoyt 
esté  pourveu,  non  ainsi  qu'il  escript  con  impeiu  et  fnria  franceze,  ma 
site  procedulo  stringatamente  con  multa  prudencia.  Le  moyen  par  lequel 
a  esté  descouvert  ilz  ne  peulvent  entendre,  chose  qui  est  nouvelle  et 
fort  fâcheuse  à  l'empereur  et  de  quoy  il  a  merveilleusement  grant 
desplaisyr;  de  sorte  qu'il  luy  est  échappée  cestc  parolle  que  s'il 
debvoyt  despendre  bien  grant  chose,  qu'il  estoyt  pour  sçavoir  la  per- 
sonne, car  ceste  chose  luy  importoyt  beaulcoup.  Ce  néantmoins  le 
Pyémont  luy  donnoyt  grande  espérance  de  son  enlreprinse,  laquelle 
il  se  attend  bien  que  a  de  réuscyr,  et  exhorte  l'ambassadeur  de  cez 
Seigneurs  prez  de  l'empereur  qui  les  advertist  de  ce  que  dessus.  Que 
si  les  Révérendz  Pères  ^  sont  parliz,  qu'il  va  bien  ;  et  se  d'adventure 

1.  .<  Notcu  que  cedicf  jour  fui  cscril  <ï  M.  Rabcllays.  ■■ 
•1.  Gorge-Noire,  ((îurrier. 

3.  11  s'agit  toujours  ici  des  sourdes  agitations  ijue  fomentaient  en  Piémont  les 
Frères  observantins,  agents  secrets  de  Charles-Quint. 


[septembre  1540]  Guillaume  pellicier  99 

n'estoyent  poinct  partyz,  S.  M.  Cézarienne  pryoyt  cez  magnifficques 
Seigneurs  que  bien  tost,  bien  tost  il/,  y  aillent,  car  cela  luy  importe 
assez,    et  comme   il   conclud,  periculum    est   in   mora.   Je  désireroys 
fort  que  telles  inenées  fussent  apertement  et  par  effect  descouvertes 
et  touchées  au  doy,  et  que  cez  maistres  fratres  peussent  estrc  happez. 
Par  quoy  vous  prye  faire    prendre   bonne   garde    pour  quelque  bon 
temps  à  ceulx  qui  entrent,  non  pas  seullement  à  Thurin,  mais  encore 
en  toutes  les  aultres  villes  de  vostré  gouvernement;  car  eulx  estant 
bien  advertiz  du  double   et  suspeçon  que  Ton  a  sur  ceulx  de  leur 
profession,  pour  la  malignité  et  meschanceté  de  quov  ilz  ont  usé  par 
le  passé,  ilz  seroyent  bien  gens  pour  changer  leur  robbe  et  prendre 
aultre  habyt,  soyt  de  aultre  religion  ou  du  tout  desguisez.  Dont  est 
requiz  faire  bon  guet  et  ne  laisser  entrer  en  ville  de  vostre  charge 
homme  qui  ne  soyt  bien  deffublé  et  visité  de  tous  coustez  quelz  gens 
ce  sont;  car  s'ilz  povoyent  une  foys  estre  surprins  ilz  descouvriroyent 
bien  le  pot  aux  roses  d  aultres  choses.  Vous  ne  trouverez  estrange  si  je 
m'empesche  si  avant  adviscr  l'ordre  et  moyen  pour  y  parvenyr;  car  ce 
n'est  point  que  je  ne  sçaiche  très  bien  que  le  sçaurez  trop  mieu'lx  faire 
que  ne  sçauroys  pencer.  Mais  c'est  pour  l'affection  et  ardant  désir  que 
j'ay  que  telles  menées  et  trahisons  viennent  à  lumière  et  soyent  con- 
gneues  apertement,  affin  que  parla  l'on  évite  si  périlleux  et  irrépara- 
bles dangiers,  et  ensemble  on  puisse  congnoistre  le  contraire  de  ce  que 
l'empereur  met  avant  tous  les  jours,  que  S.  M.   commence  à  rompre, 
faisant  plusieurs  subornacions    et    traictez  ez  Allemaignes,  par  quoy 
dernièrement  ayt  esté  cause  que  la  diette   de  Ratisbonne  n'a  sorty 
effect;  et  encores  de  traicter  l'alliance  avecques  le'grantduc  de  Clèves, 
dont  il  estoyt  fort  malcontant  et  sommes  advertiz  qu'il  s'en  plainct 
beaulcoup  du  roy.  Je  vous  prye  me  donner  advertissement  de  tout  ce 
que  aura  esté  faict  quant  ausdictz  fratrus;  car  cela  pourra  estre  pour  le 
moings  cause  que  je  donneray  plus  de  foy  à  l'advenyr  à  ceulx  qui  me 
donnent  telz  advertissements  et  me  guider  comme  je  auray  à  m'y  gou- 
verner plus  seurementà  l'advenyr...  » 

Pellicier  demande  une  réponse  au  sujet  des  ingénieurs  italiens  qu'il 
a  recommandés  précédemment. 

«  Monseigneur,  Ton  a  eu  icy  lettres  de  l'ambassadeur  de  cez  Sei- 
gneurs prez  de  l'empereur,  allégant  lettres  de  Hongrye  addressées 
audict  empereur.  Lesquelles  advisent  que  ledict  royaulme  de  Hongrye 
est  divisé  en  troys  partz  :  l'une  veult  le  roy  des  Rommains  en  toutes 
façons  et  à  leur  povoyr;  la  seconde  veult  ia  conservacion  de  Testât 
pour  le  filz  desjà  né  roy,  avecques  propos  de  bien  grant  efficace;  et  la 
tierce  veult  le  Turcq  avecques  les  armes  en  main.  Toute  la  doubte  que 
en  ce  a  l'empereur  est  que  la  part  turquesque  s'accorde  avecques  celle 
de  l'enfant  roy.  Ce  néantmoings,  comme  ilz  escripvent,  à  ce  a  esté 
donnée  bonne  provision,  laquelle  croira  qui  vouldra  :  c'est  que  la  conté 


,00  AMBASSADE    DE  [SEPTEMBRE    i:i40] 

il.-  Tliiidl  luy  donnera  quinze  mil  hommes  de  pied,  et  pareillement 
TAllomaigne  luy  secourera  si  bien  qu'il  faict  son  compte  que  advenant 
ce  besoing  il  en  tirera  d'icelle  plus  de  oltante  mil  hommes;  mais, 
comme  ilz  escripvent,  il/  ne  croyentque  le  Turcq  doibve  faire  Tenlre- 
prinse.  El  aussi  bonnement  ne  p<uirroyent,  pour  ce  que  en  tout  ledit 
pays  de  Hon^rye  a  grant  nécessité  de  vivres  pour  la  chevallerye...  » 

PelliriiT  It-nnine  sa  lettre,  en  mentionnant  la  révolte  survenue  en 
Perse  dont  Uincon  lui  a  transmis  la  nouvelle. 

Vol.  2,  f«  o'i  v".  coi»ic  du  xvi«  siècle;  2  pp.  1/2  in-f». 

l'ELLICIEK   A   RINCOX.  ' 

64.  _  [Venise],  25  sepfemhrc  1640.  —  Pellicier  a  reçu  ses  lettres 
des  15  et  10  août,  avec  le  double  des  lettres  perdues  des  10  et  15  mai, 
ainsi  qu'un  paquet  destiné  au  roi.  Il  s'étend  longuement  sur  les 
affaires  du  Levant  et  de  Hongrie,  et  sur  la  santé  de  l'empereur,  à  peu 
près  en  mômes  termes  que  dans  les  lettres  adressées  au  roi  et  au  con- 
nétable. 

«...  Et  ainsi  que  on  a  eu  icy  adviz,  la  praticque  d'entre  ledict  empe- 
reur et  le  Sophy  va  prospérant;  et  pour  ceste  occasion,  le  xii«  de 
ce  moys,  s'esloyt  party  de  la  court  de  l'empereur  le  Grego  Remyro 
pour  aller  vers  ledict  Sophi  \  et,  comme  il/,  escripvent,  espèrent  qu'il 
se  employera  et  fera  si  bien  qu'ilz  en  attendent  l'issue  estre  très  bonne. 
Je  ne  veulx  obmettre  à  vous  dire  que  l'on  est  adverly  que  l'empereur 
se  complainct  grandement  de  S.  M.;  dont  luy  a  escript  que  par  son 
moyen  la  diette  de  Ratisbonne,  laquelle  il  charchoyt  faire,  ayt  esté 
deslourbée,  —  et  semblablement  qu'il  traicle  alliance  avecques  le  duc 
de  Clèves  et  la  princesse  de  Navarre  :  à  quoy  le  roy  luy  a  très  bien 
respondu.  Ce  nonobstant  ne  prant  cela  en  satisfacion,  et  sur  sa  collère 
a  juré  qu'il  en  feroyt  repentir  ledict  duc  de  Clèves.  Qui  est  presque 

1.  .  Sola,  que  la  présente  .lépeschc  fui  e.Kpressémenl  envoyée  par  M.  deVillega- 
«non  et  en  dilligence  à  Conslanlinople,  loqucl  pour  le  maulvais  temps  [ne]  se  partyt 
ius<iucs  au  pcnultinie  de  ce  moys,  et  fut  escript  à  M.  de  Raguse.  » 

Nicolas  Durand,  seigneur  de  Villegagnon,  près  Provins,  né  en  ialO,  mort  le  9  jan- 
vier \^H,  dans  sa  commanderie  de  lîeauvais,  ])rès  Nemours,  où  l'on  voit  encore 
son  épitaphe.  Neveu  du  grand-maitrc  de  Ilsle-Adam,  il  était  entré  en  it>:n  dans 
l'ordre  de  Malte. 

Ce  personnage,  qui  fait  ici  l'office  de  courrier,  et  dont  Pellicier  parle  du  reste 
avec  une  certaine  déférence,  prit  part  Tannée  suivante  à  l'expédition  de  Charles- 
Quint  contre  .Vlgcr  et  en  écrivit  une  relation;  il  paraît  avoir  servi  ensuite  en  Hon- 
grie contre  les  infidèles.  Navigateur  habile  et  audacieux,  il  occupa  plus  tard  le  poste 
de  vice-amiral  do  Bretagne,  et  établit  au  lîré-il,  de  lo5o  à  ISiiS.  une  colonie  de 
réformés  français. 

•2.  Le  grec  Uemyro.  envoyé  de  f'.harles-Quint  à  la  cour  de  Perse.  Les  premières 
relations  de  l'empereur  avec  le  schah  datent  de  lo2o;  elles  paraissent  s'être  conti- 
nuées pendant  presque  toute  la  durée  de  son  règne. 


[septembre    I5i0]  GUILLAUME   PELLICIER  101 

tout  ce  que  vous  sçauroys  dire  pour  ceste  heure;  car  de  France  je  n'en 
ay  chose  voyrement  digne  de  vous  faire  sçavoir,  sinon  que  par  les  der- 
nières lettres  que  en  ay  reccues,  du  xxviir  d'aoust,  escriptes  à  la  Mil- 
leraye  •,  le  roy  et  toute  sa  compagnye,  grâces  à  Nostre  Seigneur,  se 
retrouvoyt  en  très  bonne  santé,  et  s'en  venoyt  droict  à  Fontainebleau. 
Ledict  maryage  du  duc  de  Clèves  avecques  la  fille  de  la  princesse  de 
Navarre,  lequel  s'estoyt  ung  peu  reffroydy,  s'est  remys  en  train,  et  en 
espère  l'on  bonne  résolution.  Quant  est  de  celluy  de  M.  d'Aumalle  avec 
la  signora  Victoria,  l'on  le  tient  quasi  pour  faict,  et  espère  l'on  que  de 
brief  se  consommera,  comme  est  jà  celluy  du  prince  d'Orange  avecques 
la  fille  de  Lorraine  -.  Et  sur  ce  feray  fin  à  la  présente  après  vous  avoir 
humblement  remercyé  des  bons  offices  que  avez  faictz  et  faictes  jour- 
nellement pour  mon  voysin  Jehan  de  Farges  et  aultres  pauvres  chres- 
tiens;  duquel  m'escripvez  en  brief,  me  remettant  ad  ce  que  messire 
Vincenzo  Mazio  m'en  a  mandé,  mais  je  n'ay  poinct  receu  ses  lettres... 
Toutes  foys  je  congnoys  assez  par  les  vostres  le  vray  et  ardant  désir 
duquel  proceddez  en  son  affaire  :  à  quoy  derechefz  je  vous  supplye 
continuer. 

«   Monsieur,    depuys   avoir  conclud  et   faict   du   tout  la   présente 
dépesche,  voullant  serrer  mon  pacquet,  est  venu  à  moy  le  patron  du 
brigantin  m'advertyr  que  le  temps  n'esloyt  commode,  et  que  il  ne  se 
partiroyt  pour  ledict  jour.  Dont  ay  esté  contrainct  supercedder,  depuys 
hier,  et  attendre  jusques  à  ce  jourdhuy  dimenche  qu'il  m'est  survenu 
à  ce  matin  ung  pacquet  du  roy,   pour  vous  faire  tenyr;  lequel  m'est 
plus  recommandé  de  S.  M.  et  de  monseigneur  le  connestable,  voyre 
encores  de  M.  de  Villandry,  que  ne  fut  jamais  aultre,  —  me  comman- 
dant que  vous  le  mandasse  en  la  meilleure  seureté  et  dilligence  qu'il 
me   seroyt  possible,    non   pas  seuUement  jusques  à   Raguse,    mais 
encores  pour  l'asseurer  davantaige  jusques  à  vous  par  homme  exprez. 
Dont  n'ayant  point  de  mes  gens  qui  soyent  plus  praticiens  pour  faire 
tel  voyage  ne  plus  suffisans  que  ce  gentilhomme  présent  porteur,  l'ay 
dépesche  expressément  pour  cest  efi'ect,  pour   aultant  qu'il  sçait   la 
lengue  du  pays  et  grecque,  et  aussi  pour  ce  que  l'ay  trouvé  homme 
saige  et  digne  pour  servyr  à  ung  meilleur  affaire.  Lequel,  à  mon  adviz, 
mais  que  l'ayez  congneu,  l'aurez  et  trouverez  en  telle  estime  que  moy. 
Par  quoy,  encores  que  soye  asseuré  que  telles  gens  n'ont  que  faire 
d'estre  recommandez  envers  vous,  ne  laisseray  de  vous  pryer  de  tout 
mon  cœur  l'avoir  en  oultre  pour  l'amour  de  moy  en  telle  recommanda- 


1.  La  Mailleraye-sur-Seine  (Seine-Inférieure),  écart  de  la  commune  de  Guerba- 
ville,  canton  de  Caudebec,  arrondissement  d'Yvetot. 

Cette  seigneurie  appartenait  à  la  famille  de  Mouy. 

2.  Uené,  comte  de  Nassau,  prince  d'Orange,  tué  au  siège  de  Saint-Dizier,  le 
18  juillet  lb44,  à  l'âge  de  26  ans.  Il  avait  épousé  Anne,  fille  d'Antoine  le  Bon.  duc  de 
Lorraine. 


102  AMBASSADE    DE  [SEPTEMURF.    Io40] 

lion  que  avez  acouslumé  les  serviteurs  du  roy  et  gens  de  si  bonne 
quallilô  que  luy...  » 

Vol.  2,  f°  54,  copie  du  xvi"  siècle;  i  pp.  1/2  in-P>. 

PEU.1CIEH   Ai:   MÊME. 

55.  —  l'ciiise,  26  et  27  septembre  I .')40.  —  «  Monsieur,  par  mes 
dernières  lettres  vous  serez  tant  amplement  adverty  des  nouvelles  de 
de»;à  que  ne  m'cslanderay  à  vous  faire  pour  le  présent  longue  lettre... 
SeuUemont  vous  diray  <jue  estant  bien  certain  que,  ainsi  que  estes  bon 
serviteur  de  Dieu,  encores  désirez  singullièremenl  mettre  à  exécution 
les  œuvres  que  congnoistrez  estre  selon  sa  vouUenté,  comme  derniè- 
rement ne  tint  à  vous,  par  la  dilligence  et  peyne  que  vous  plust  prendre 
pour  me  faire  avoir  la  traicle  de  bledz  desquelz  si  la  chose  fust  venue 
à  bonne  issue,  —  ce  qu'il  n'a  tins  à  vous  ne  à  moy,  —  plusieurs  pou- 
vres  s'en  fussent  senliz,  et  eussent  eu  à  juste  cause  plus  grande 
raison  de  se  contenter  des  bienfaictz  que  j'estoys  deslibéré  par  vostre 
moyen  leur  faire;  ce  que  n'ay  peu  pour  avoir  esté  frustré  de  mon 
inlencion.  De  quoy  fust  cause  celluy  pour  lequel  je  vous  avoys  escript, 
à  qui  je  m'estoys  fyé;  mais  si  je  l'eusse  aussi  bien  congneu  que  je  fays 
présentement  pour  aultre  cas  de  plus  grant  importance,  ne  me  fusse 
employé  pour  luy  ne  moings  addressé  à  luy  ne  à  gens  qui  se  feussent 
meslez  de  ses  affaires.  Or,  Dieu  soyt  loué  du  tout,  puys  que  ceste  occa- 
sion là  a  esté  perdue.  Je  me  suys  advisé  de  vous  pryer,  si  congnoissez 
que  la  paix  d'entre  cez  Seigneurs  et  le  Grant  Seigneur  ne  soyt  pour 
estre  conclue  et  accordée  plus  tost  que  on  ne  eust  loysir  de  tirer  quel- 
ques bledz,  qu'il  vous  plaise  me  faire  avoir  une  semblable  traicte  que 
l'aultre,  et  davantaige  s'il  est  possible,  et  la  faire  dresser  à  Lépantho 
et  aultres  lieux  illec  voysins,  et  en  laMorée.  J'enlendz  le  tout  avecques 
vostre  commodité,  sans  vous  en  fâcher  aulcunement;  et  j'ay  espérance 
(ju'elle  succédera  à  meilleure  fin  que  l'aultre,  la  baillant  à  gens  de  qui 
je  me  tiens  pour  trop  mieulx  asseuré  et  en  suys  jà  rechairché.  Il  vous 
plaira  m'en  donner  adviz  de  bonne  heure.  Quant  à  la  reste,  messire 
Cola  '  vous  escript,  qui  me  gardera  vous  en  dire  aultre,  sinon  que 
pour  quelque  rescription  et  recommandation  <jue  vous  aye  faicte  en 

1.  Cola  Bunello,  cai>itainc  napolitain  originaire  de  Bénévent,  avait  pris  de  bonne 
lienre  du  service  dans  les  troupes  du  roi  de  France,  qui  lui  avait  confié  la  garde 
de  la  place  de  Barlelta,  ville  et  port  sur  l'Adriatique  à  40  kiloni.  de  Bari.  —  Par 
lettres  datées  de  Fontainebleau,  le  5  novembre  1528,  François  I"  lui  attribua 
f(00  livres  tournois  en  récompense  de  ses  bons  offices,  notamment  pour  être  venu 
de  Barletla  el  y  être  retourné  en  toute  hâte,  porteur  d'importantes  missives  (B.  N., 
ms.  fr.  10  406,  f"  78j. 

A  l'automne  de  1541,  il  fut  désigné  par  Pellicier  pour  accompagner  Polin  à  Cons- 
lantinople. 


[SEPTEMRKE    lo40]  GUILLAUME    PELLICIER  103 

faveur  de  je  ne  sçay  quel/  Ragusoys,  je  n'entendz  que  pour  cela  vous 
debviez  employer  à  leur  faire  aulcun  plaisyr  si  faict  ne  l'avez;  car, 
comme  j'entendz  par  vous-mesmes,  n'avons  occasion  de  leur  voulloir 
faire  tel  plaisyr,  et  ce  que  je  en  ay  faict  a  esté  par  importunité  d'aul- 
cuns  de  qui  ne  me  povoys  bonnement  deffaire,  comme  aurez  peu 
veoir.  Il  est  question  de  avoir  quelques  traictes  de  t^ya  passa  *  et  escorse 
d'arbres  laquelle  on  dict  avclania  -.  Je  trouveroys  beaulcoup  plus  rai- 
sonnable et  certainement  trop  plus  agréable  à  vous  et  à  moy  qu'il  en 
revînt  le  profiict  audict  messire  Cola  que  à  nul  autre,  comme,  ainsi 
que  j'estime,  entendrez  mieulx  par  luy.  Ce  néantmoings  vous  en  ferez 
ainsi  qu'il  vous  plaira;  car  en  rien  ne  pour  rien  du  monde  ne  vous 
vouldroys  faire  ne  dire  chose  qui  vous  deust  desplaire. 

«  Monsieur,  je  vous  envoyé  ung  petit  livre  que  verrez  quant  serez 
de  loysyr,  lequel  si  je  eusse  peu  trouver  imprimé  n'eusse  failly 
plus  tost  vous  l'envoyer,  et  si  je  cognoistray  que  ayez  telles  choses 
agréables,  ne  fauldray  à  vous  en  mander  davantaige,  voyre  si  je  puys 
ne  laisser  aller  pacquet  sans  l'accompaigner  de  telle  marchandise.  Et 
en  ce  et  toute  aultre  chose  que  je  cognoistray  ma  petite  faculté  se 
povoir  estendre  à  vous  faire  plaisyr  et  service,  je  n'attendray  d'en 
estre  sommé  de  vous,  mais  de  mon  propre  mouvement  le  feray  tous- 
jours  et  d'aussi  bon  cueur  que  je  me  recommande  à  vostre  bonne 
grâce. 

«  De  Venize. 

«  Aujourd'huy  lundy  xxviF  que,  pour  la  continuacion  du  maulvais 
temps,  le  brigantin  a  esté  contrainct  demeurer  icy,  et  ayant  entendu 
d'ung  nommé  messire  Jehan  Jacomo  di  Veronna,  serviteur  de  la  reyne 
de  Hongrye,  venant  devers  elle  tout  mainctenant,  des  nouvelles  de  ce 
quartier  là,  vous  ay  voullu  déparlyr  ce  que  en  ay  trouvé.  C'est  qu'il  a 
laissée  ladicte  reyne  avecques  son  filz  enBudde,  et  pareillement  Périm- 
peter  ^  qui  y  avoyt  quatre  mil  hommes;  lequel,  combien  qu'il  ayt  deux 
enfans  siens  en  oustaige  devers  le  Grant  Seigneur  *,  ce  néantmoings 
pour  résister  à  l'entreprinse  de  frère  George,  hermitte,  et  trésorier,  — 
lequel  se  porte  du  Grant  Seigneur  — ,  à  présent  il  suyt  le  party  de  Fer- 
dinando  et  faict  condescendre  ad  ce  ladicte  royne.  Et  avecques  eulx 
sont  les  Maylatz,  vayvaudes  de  Transilvania,  que  le  feu  roy  Jehan 
tenoyt  assiégez  au  chasteau  de  Foucaras  avant  sa  mort,  et  pareillement 
l'évesque  d'Agria,  de  la  maison  de  Francapane  ^  Ledict  frère  George, 

1.  Raisin  sec. 

2.  Peul-èlre  l'avelinier  {mu:  avellana),  variété  de  noisetier. 

3.  Pierre  Pérényi. 

4.  Suivant  une  relation  tic  Laski,  de  l'année  1539,  les  fds  laissés  par  Pérényi  en 
otage  à  Constantinople  avaient  été  circoncis  et  incorporés  parmi  les  pages  du  serai. 
(Ilammer,  t.  V,  p.  331). 

0.  François  de  Frangipani,  franciscain,  chargé   par  le  pape  Clément  VII  d'une 


104  AMUASSADL    I)fc:  [sEI'TKMimE    l:i40j 

hormittr,  a  inandù  au  (irant  Seigneur  Iroys  cens  mil  cscuz  tant  en 
argent  conlanl  nionnoyc  que  en  masse  et  vaisselle  d'or  (il  d'argent,  et 
ce  par  les  mains  de  l'thesque  de  Cinq-Ksglises  '  et  du  granl  chancellier 
de  Hongrye  ';  ce  que  aurez  peu  mieulx  si;avoirque  moy.  Il  se  treuve  à 
Varadin  en  son  évpsclié,  lieu  très  fort,  et  avecques  luy  la  force  et  le 
meilleur  de  la  gendarmerye  du  royaulme  en  nombre  de  douze  mil  che- 
vaulx.  Lequel  tous  suyvenl  à  la  coustume  turcquesque.  C'est  pour 
aullant  (ju'il  a  en  son  povoir  le  trésor  dudict  feu  roy  et  la  dotte  de  la 
royne,  et  tous  ses  joyeaulx  et  cofTres  entièrement.  Car  le  roy  Jehan 
allant  à  Temprinsf  de  Foucaras  contre  lesdiclz  Maylatz,  faisant  suyvre 
la  royne,  avoyl  mandé  davant  tout  son  bagaige  où  estoyt  tout  son 
trésor,  et  aussi  les  aultres  susdictes  choses;  et  se  trouvèrent  audict 
Varadin  sur  1(>  poinct  que  ledict  roy  devint  mallade  :  lequel  frère 
George  ne  faillyt  aprez  son  trespas  s'en  saisyr,  et  ne  s'en  veult  pour 
quelque  chose  que  l'on  ayt  sceu  faire  dessaisyr.  Parquoy  le  seigneur 
Périmpeter  luy  a  mandé  de  grosses  paroUes  et  en  somme  que  s'il  ne 
rendoyt  lesdictes  choses,  qu'il  luy  escrasseroyt  le  scapuchin;  auquel 
n'a  failly  de  luy  respondre  aussy  félonnemcnt,  disant  que  avant  luy 
aprocherà  sa  robbe,  qu'il  y  auroyt  beaulcoup  de  chemises  sanglantes 
et  par  adventure  la  sienne  propre.  Pour  l'enfant  roy  tiennent  quatre 
cappilaines,  ou  plustost,  comme  l'on  veult  dire,  assassbis;  c'est  Bara- 
gnis  Mathias,  Simon  Dirch,  Cornât  George,  et  le  proposito  dAlbergal  ', 
lesquelz,  pour  avoir  moyen  et  coulleur  de  povoir  piller  comme  ont 
acoustumé  faire  par  cy  devant,  ayant  tenu  les  champs,  font  semblant 
tenyr  ladicte  part.  Ce  néantmoins  ne  sont  pour  faire  grant  chose;  car 
n'ont  puyssance  de  mettre  au  plus  hault  de  cinq  à  six  cens  chevaulx 
pour  chascun  en  campaigne.  —  Disoyt  aussi  qu'il  avoyt  trouvé  le  roy 
Ferdinando  le  xvi"  de  ce  moys  à  Novestoch,  aultrement  dicte  Cita 
Nova  *,  qui  est  une  journée  de  Vienne  tirant  à  Budde.  Et  se  debvoyl 
partyr  le  landemain  pour  aller  à  Possonya  ^,  ville  de  Hongrye,  qu'il 


mission  auprès  de  Jean  Zapolya,  avait  été  député  par  ce  dernier  à  rassemblée 
d'Olmiitz,  en  juin  1^)27,  i)oiir  y  soutenir  ses  droits;  l'année  suivante,  il  remplit  une 
autre  mission  en  Pologne.  Nommé  an'lievêi]ue  de  Colocza  (1530),  il  fut  envoyé 
comme  amljassadour  auprès  de  Ferdinand  (lb36-lo3")  et  de  Charles-Quint  (lo38). 

En  1539.  les  Turcs  ayant  ravagé  les  terres  de  son  archevêché  de  Goloeza,  le  roi 
.Jean  donna  à  Frangipani  le  siège  épiscopal  d'Erlau;  le  prélat,  peu  de  temps  après 
la  mort  de  Zapolya.  se  rallia  au  parti  du  roi  des  Romains,  qui  se  fit  représenter  par 
lui  à  la  diète  de  Ralisbonnc,  en  15U. 

I.  Jean  d'Eszek. 

'2.  Le  prolonotaire  Etienne  Verliôczy,  remarqnalile  jurisconsulte. 

3.  Le  prévôt  d'Albe  Royale.  L'église  de  l'.Vssomplion  rie  cette  ville  servit,  pendant 
près  de  cinq  cents  ans,  au  couronnement  et  à  la  sépulture  des  rois  de  Hongrie. 
Pellicier  compare  plus  loin  celle  ville  à  Saint-Denis  en  France. 

4.  Neusladt.  ville  de  la  Basse-.Vu triche,  située  à  53  kilom.  de  Vienne,  résidence 
impériale  fondée  en  1180. 

5.  Presbourg  (en  latin  Posonium  et  en  hongrois  Posoiii/),  à  220  kilom.  de  Rude  et 
T.)  kilom.  de  Vienne. 


[septembre    1540]  GUILLAUMI::    PELLICIER  lOlJ 

tient  de  là  à  troys  journées,  et  prez  de  Budde  deux,  où  il  avoyt  six  mil 
hommes  de  pied  et  en  attendoyt  douze  mil  qui  venoyent  tousjours 
assez  prez,  tant  Allemans  que  Bohesmes  (desquelz  y  avoyt  troys  mil  à 
cheval)  et  trois  mil  Espagnolz.  En  tout  peulvent  bien  arriver  à  dix- 
huict  mil,  gens  assez  mal  en  ordre,  mesmement  les  lansquenelz,  et 
encores  luy  plus  mal  fourny  d'argent.  Ce  néantmoins  l'on  estimoyt  qu'il 
pourroyt  de  présent  estre  entré  dedans  Budde,  s'il  avoyt  tousjours 
marché  avant,  pour  n'estre  achevez  deux  bastions  ne  aultremcnt  forte. 
—  Et  davantaige  disoyt  aussi  avoir  entendu  que  le  sanzacque  de  Belle- 
grade  *  avoyt  desjà  assemblé  là  auprez  quarante  mil  chevaulx  prestz  à 
entrer  en  Hongrye.  Et  ledict  frère  Georges  attendoyt  à  grant  dévotion 
responce  du  secours  du  Grant  Seigneur,  duquel  il  faisoyt  bien  son 
compte  qu'il  n'auroyt  faulte,  tant  pour  le  party  sien  qu'il  suyt  que 
pour  la  faveur  d'ung  frère  sien  qui  est  auprès  dudict  Grant  Seigneur, 
ainsi  que  m'a  dict  ledict  messer  Jacomo  di  Verona. 

«  Monsieur,  pour  ce  que  je  viens  d'entendre  une  nouvelle  qui  me 
semble  aprez  le  roy  toucher  de  plus  prez  à  vous  et  à  moy  que  à  nul 
aultre,  n'ay  voullu  obmettre  à  vous  la  faire  entendre.  C'est  que  cez  Sei- 
gneurs ont  eu  lettres  de  leur  secrétaire  Fidel,  estant  prez  le  marquiz 
du  Guast,  du  xvii"  de  ce  moys,  les  advertissans  comme  ledict  marquis 
et  domp  Loppes,  trésorier  général  de  Millan,  luy  avoyent  dict  qu'il  ne 
se  falloyt  point  esmerveiller  si  cesdiclz  Seigneurs  avoyent  esté  con- 
trainctz  faire  paix  avecques  le  Grant  Seigneur  si  très  désadvantageuse, 
car  ilz  estoycnt  certains  que  avant  que  le  seigneur  ambassadeur 
Badouare  fust  arrivé  à  Constantinople,  je  vous  avoys  advisé  entiè- 
rement de  toute  la  puyssance  qu'il  avoyt  par  sa  commission;  de  quoy 
n'aviez  failly  advertyr  les  baschatz  amplement,  et  par  le  menu;  qui 
avoyt  esté  cause  qu'ilz  avoyent  tenu  telle  roydeur  à  cez  Seigneurs  en 
faisant  ladicte  paix,  estans  bien  asseurezque  ledict  ambassadeur  ayant 
la  puissance  de  leur  accorder  ce  qu'ilz  demandoyent  ne  s'en  reviendroyt 
sans  passer  le  tout,  plus  tost  que  revenyr  sans  l'apporter.  Chose  que 
lesdicts  Impériaulx  ont  mise  avant  industrieusement  et  à  poste,  cuy- 
dant  par  là  eslongner  tousjours  cez  Seigneurs  de  l'amytié  qu'ilz  ont  à 
S.  M.  et  les  divertyr  de  la  bénivolence  et  recongnissance  qu'ilz  ont  à 
vous  de  tant  de  bons  offices  que  avez  tousjours  faictz  au  grant  bien  et 
commodité  de  ceste  république,  tant  en  général  que  en  particullier,  et 
aussi  pour  les  faire  esmouvoir  contre  moy;  maisj'ay  bonne  confiance 
que  vous  par  vostre  bonne  prudence  et  dextérité  y  sçaurez  très  bien 
obvier,  leur  donnant  à  cognoistre  le  contraire  par  la  continuacion  des 
plaisyrs  et  services  que  leur  ferez  cy  aprez,  comme  avez  tousjours 
faict  par  cy  devant.  Et  de  ma  part  j'espère  faire  de  sorte  du  cousté  de 


1.  Bali-Bey,  sandjak  ou  gouverneur  de  la  province  de  Belgrade,  la  plus  importante 
place  forte  de  l'empire  ottoman,  conquise  en  1521  sur  les  Impériaux. 


106  AMBASSADE    DE  [SEPTEMBIIE    1540] 

deçà  qu'il/,  ne  nous  rcculloront  à  cause  de  ce  de  la  bonne  vouUenté  et 
amylié  quilz  nous  portent;  car  je  les  liens  si  saiges  qu'ilz  ne  sont  pour 
croyre  semblables  choses,  mesmetnent  venant  de  telle  part,  desquelles 
si  clairetnent  par  bons  efTectz  sraventet  congnoissent  bien  le  contraire. 
T(julesfoys  si  est-ce  qui  pourroyt  sçavoir  le  personnage  qui  met  avant 
lelk'S  calompnyos  et  meschanlos  mcntoryes  à  la  Porto  du  Grant  Sei- 
gneur, si  poinct  leur  on  ont  esté  mandées;  il  mériloroyl  très  bonne 
pugiiilion.  Je  suys  tout  asseuré  que  y  ferez  bon  guet. 

«  J'ay  aussy  esté  adverly  que  le  roy  Ferdinando  avoyt  dépesché  le 
seigneur  Lasky  pour  aller  devers  le  Grant  Seigneur  luy  faire  offre  que 
s'il  luy  j)laisoyt  le  faire  et  laisser  joyr  paisible  du  royaulme  de  Hongrye, 
que  non  seuUement  ledict  roy,  mais  encore  toute  la  maison  d'Autriche, 
le  recongnoistroyont  pour  père  comme  bons  filz;  et  qu'ilz  luy  feroyenl 
tel  tribut,  non  seulloment  de  la  Hongrye,  mais  encore  de  toute  l'Au- 
triche, (ju'il  auroyl  occasion  de  s'en  contenter  '.  De  quoy  vous  ay  bien 
voullu  adverlyr,  estant  asseuré  que  vous  ne  serez  jà  tesmoing  ne  con- 
sentant à  telle  infeudation  en  faveur  d'icelluy  seigneur...  » 

Vol.  2,  f'  56,  copie  du  xvi»  siècle;  4  pp.  1/4  in-f''. 


PELLICIER    W  MEME. 

56.  —  [Venise],  29  septembre  1 540.  —  «  Monsieur,  je  vous  ay  escript 
par  cy  devant  en  faveur  et  recommandation  du  filz  du  clarissime  sei- 
gneur Thomas  Conlarin  *,  à  ce  que  vostre  plaisyr  fust  pourchasser  sa 
libéracion  envers  le  Grant  Soigneur.  A  quoy  ainsi  que  avons  entendu 
vous  estes  employé  tant  qu'il  vous  a  esté  possible,  vous  pryant  donc- 
quesà  présent,  mais  c'est  de  tout  mon  cueur,  qu'il  vous  plaise  de  con- 
tinuer jusques  ad  ce  que  en  ayez  totallement  bonne  résolucion  de 
sadicte  libéracion.  Car  je  vous  asseuré  que,  oultre  l'obligation  que  vous 

1.  Le  DIS.  107  (In  fonds  Baliizc,  à  la  Bibliotlièquc  Nationale,  qui  nous  a  conservé  un 
Iragmcnl  <les  comjites  originaux  de  l'ambassade  de  Rincon  à  Conslanlinople,  durant 
cette  période,  menlionne,  à  la  date  du  24  septembre  1540,  parmi  les  présents  faits 
aux  grands  officiers  de  l'entourage  de  Suleyman,  le  don  à  Lutfy  Bey,  premier  vizir, 
d'une  maiipemonde  en  forme  de  sphère,  fort  belle  et  riche,  confectionnée  exprès  à 
Venise,  et  apportée  à  Constantinople  avec  un  livre  contenant  «  l'interprétation 
^riceluy  instrument  »,  le  tout  ayant  coûté  ({uatre-vingt-dix  écus  et  étant  estimé  plus 
de  cent  cinquante,  —  •  7)0ur  le  préparer  et  confirmer  en  faveur  du  roy  sur  la  venue 
de  Jéromme  Lascjui,  ambassadeur  jmur  le  roy  tles  Romains  devers  le  Grant  Sei- 
gneur »  (V.  Charrière,  I,  p.  47".)). 

2.  Tomma.so  Contarini,  sorti  d'une  des  plus  illustres  familles  patriciennes  de 
Venise,  avait  rempli  à  Constantinople,  du  14  juin  au  27  décembre  1.039,  les  hautes 
fonctions  d'envoyé  extraordinaire  de  la  Sérénissime  République.  Par  ses  soins,  la 
paix  avait  été  conclue  entre  Venise  et  la  Porte,  et  son  successeur,  Aloysio  Badoaro, 
avait  été  chargé  de  la  ratification  de  cette  paix  (.\lbcri.  3"  série,  t.  III,  p.  xxu-xxiii). 
Maintc-nanl  C(jnlarini,  de  retour  dans  sa  patrie,  s'inquiétait  non  sans  raison  de 
recouvrer  son  fils,  demeuré  sans  doute  comme  caution  aux  mains  des  Turcs. 


[octobre    lb40]  GUILLAUME    PELLICIER  10" 

seront  attenuz  beaulcoup  de  gros  seigneurs  et  gens  de  bien,  tant  de 
ceste  républicque  que  aultres,  comme  mesmes  le  seigneur  Cézar  Fré- 
gose  qui  vous  en  escript,  vous  ne  ferez  pas  peu  de  chose  pour  le  ser- 
vice de  S.  M.  ;  qui  à  cause  de  ce  plusieurs  se  inclineront  de  plus  en  plus 
à  icelle...  » 

Vol.  2,  ^  58,  copie  du  xvi«  siècle;  1/2  p.  in-K 

PELLICIER    AU    CONNÉTABLE  K 

57.  —  [Venise],  6  octobre  1 340.  —  «  Monseigneur,  je  ne  vous  sçau- 
roys  assez  très  humblement  remercyer  de  la  bonne  consollacion  et  con- 
fort qu'il  vous  plaist  me  donner,  me  faisant  entendre  le  contentement 
que  le  roy  et  vous  avez  de  mon  petit  service  et  aussi  du  bien  qu'il  vous 
plaist  me  pourchasser  continuellement,  chose  qui  procedde  plus  de 
vostre  bénignité  et  bonté  que  non  pour  mes  mérittes.  Si  est-ce,  Mon- 
seigneur, que  je  n'entendz  par  mes  lettres  que  vous  ay  escripte  en 
façon  du  monde  avoir  rien  charché  pour  moy  ne  qui  tende  à  cez  fins; 
mais  tant  seuUement  pour  avoir  meilleur  moyen  de  mettre  à  exécution 
ce  que  congnoys  ordinairement  estre  nécessaire  au  service  de  S.  M., 
c'est  d'avoir  subside  que  l'on  puysse  entretenyr  icy  aulcuns  siens  bons 
serviteurs,  lesquelz  comme  vous  ay  escript  ne  puys  de  ce  petit  de  bien 
que  j'ay.  Et  pour  vous  faire  entendre,  Monseigneur,  Testât  des  affaires 
quant  à  mon  endroict  et  comme  ilz  sont  passez  jusques  icy  lorsque 
arrivé  en  ceste  ville,  je  ne  sçay  comment  ma  venue  fut  agréable  à  aul- 
cuns; si  est-il  qu'il  ne  tarda  pas  quinze  jours  que  je  ne  feusse  délaissé 
et  destitué  de  tous,  dont  feuz  contrainct  avoir  recours  et  reffuge  à 
Vostre  Excellence  et  vous  supplyer  escripre  à  ceulx  que  de  vostre  grâce 
plut  faire.  Et  estant  aussi  le  seigneur  Valério  *  indisposé,  et  je  ne  sçay 

1.  «  Nota,  que  la  présente  fut  mise  dans  le  pacquet  avec  la  dépesche  tlu  vui'  du 
présent,  et  ne  fut. envoyée  que  jusques  au  xi*  dudict  • 

2.  Gian-Francesco  Valiero,  bâtard  d'un  gentilhomme  vénitien  de  la  maison  de  ce 
nom,  chanoine  de  Padoue,  abbé  de  Saint-Pierre-le-Vif  de  Sens.  François  I""  avait 
récompensé  les  services  qu'il  rendait  à  l'ambassade  de  Venise  en  lui  accordant  des 
bénéfices  ecclésiastiques.  Le  duc  d'Urbin,  en  1542,  le  chargea  d'une  mission  de  con- 
fiance auprès  du  roi,  vers  lequel  il  faisait  de  fréquents  voyages  (V.  Paruta,  Uistoria 
Vinetiana,  1703,  liv.  X,  1'°  part.,  p.  450).  —  V.  aussi  Cat.  des  actes  de  François  I", 
t.  III.  pp.  322  et  CtO,  n"'  9002,  1039  et  1040  :  don  à  Jean-Francisque  Valerio  d'une 
pension  annuelle  de  2250  livres,  pour  ses  services  secrets,  du  18  mai  1537;  lettres 
de  naluralité,  avec  permission  de  tester  et  de  tenir  des  bénéfices  ecclésiastiques 
en  France,  en  Provence  et  en  Bretagne,  octroyées  à  Jean-Francisque  Valerio,  abbé 
de  Saint-Pierre-le-Vif  de  Sens,  et  à  Julio  Valerio,  son  neveu  :  Chantilly,  le  18  no- 
vembre 1538. 

En  avril  ou  mai  1537,  Valiero  avait  été  arrêté  et  emprisonné  par  le  gouvernement 
vénitien  pour  avoir  fait  déchiffrer  des  dépêches  impériales,  sans  doute  adressées 
à  l'ambassadeur  Mendoza.  Sa  détention  dura  plusieurs  mois.  On  comprend  que 
cette  aventure  ait  pu  refroidir  pour  un  temps  son  zèle. 

A  la  mort  de  Jean  de  la  Forest,  arrivée  en  Turquie  le  9  septembre  1537,  l'abbaye 


108  AMBASSADE    DE  [OCTOBRE    loiO] 

comment  salisfaict,  je  ne  povoys  pas  bonnement  valloir  bcaulcoup  de 
luy;  par  qiioy,  fuz  contrainct  faire  pieil  neuf,  et  eliaircher  et  me 
tourner  à  tiucNiues  autres  pour  cost  ofTccl,  si  voulloys  faire  service 
à  S.  M.,  car  de  tculx  ilu  temps  de  MM.  de  Lavaour  et  de  Rhodde/ 
ne  m'en  povoys  presque  rien  prévalloir.  Knlre  lesquelz  le  principal 
estoyt  ung  gentilhomme  d'entre  cez  Seigneurs,  duquel  ledict  seigneur 
de  Ulioddez  h  son  retour  parla  affectueusement  au  roy  et  à  vous, 
et  il  qui  de  son  temps  fut  ordonné  neuf  cens  escuz  pour  luy  bailler. 
Mais  je  ne  sçay  comme  tout  alla  :  quoy  qu'il  en  soyt,  il  s'en  est 
prescjuc  ilu  tout  déporté;  qui  n'a  pas  esté  petite  perle,  et,  à  l'aven- 
ture, recuUement  des  affaires.  Car  vous  ose  bien  asseurer  que  c'est 
pour  estre  ung  aussi  bon  instrument  au  service  de  S.  M.,  quant  à  cest 
endroict,  que  homme  qui  soyt  point  en  toutte  l'itallye,  et  je  le  puys 
hardiment  dire,  pour  ce  que  puys  quinze  jours  en  çà  je  l'ay  veu  en 
lieu  où  certainement  ay  trouvé  «lu'il  peult  et  veult  aultant  que  nul 
aullre  où  il  veult.  Dont,  s'il  plaisoyt  au  roy  et  à  vous,  je  vous  puys 
affermer  que  je  trouveroys  le  moyen  de  le  remettre  à  sa  première  dévo- 
tion et  train;  et  certes,  le  congnoissant  tant  commode  et  nécessaire 
pour  les  affaires  de  S.  M.,  il  me  grèveroyt  grandement  de  souffryr  que 
l'on  me  peust  reprocher  que  de  mon  temps  se  fust  allienné  du  roy,  et 
aymeroys  mieulx  engaiger  ma  croce  si  aultrement  faire  ne  se  povoyt. 
Je  n'y  ay  espargné  tant  que  ay  eu  de  quoy  fournyr;  mais  à  présent 
n'ayant  plus  le  moyen  du  mien  et  ne  les  pouvant  plus  entretenyr  de 
parulles  et  excuses,  je  me  veoy  en  grant  danger  d'eslre  habandonné  de 
rechef  d'ung  chacun.  En  quoy,  Monseigneur,  je  vous  supplye  ne  me 
voulloir  faillyr  de  vostre  secours  et  protection  acoustumée;  car,  comme 
vous  sçavez,  je  n'ay  aullre  meilleur  moyen  d'entretenyr  icy  cez  Sei- 
gneurs que  par  les  bonnes  opérations  et  plaisyrs  que  le  roy  leur  faict 
et  présente  ordinairement,  comme  leur  fays  entendre  par  chascun 
jour;  cl  encores  particullièrement  par  les  bons  offices  et  corloisyes, 
desquelles  les  ministres  dudict  seigneur  leur  vallent  souvent,  et  je 
m'estudye  user  envers  eulx,  pour  les  gaingner  et  attirer  de  plus  en  plus 
à  la  dévotion  de  S.  M.  Et  au  contraire  noz  compétiteurs  ont  tant  de 
commodilez  et  moyens  pour  les  captiver  particulièrement  à  eulx,  et 
joyr  entièrement  de  ce  qu'ilz  veullent,  que  toutes  nos  doulces  courtoisyes 


de  Sainl-Pierre-le-Vif,  dont  il  avait  la  commende,  fut  demandée  à  la  fois,  de  Rome, 
par  Georges  de  Selve  et  Héinard  de  Denonville.  pour  Charles  de  Marillac,  parent  et 
secrétaire  de  La  Foresl  et  son  successeur  à  Constantinopic,  —  et  de  Venise,  par 
Georges  d'Armagnac,  pour  Valiero,  qui  obtint  la  préférence. 

V.n  octobre  1337.  Valiero  eut  son  bénéfice  et  recouvra  la  lii>erté;  mais,  entraîné 
par  son  zèle  au  service  de  la  France,  il  devait  bientôt  se  compromettre  encore,  et 
l'on  verra  plus  loin  quelle  fut  sa  fin  tragique  (V.  AfT.  étrang.,  Rome,  Coi'respon- 
dance,  t.  III,  f*  i>6  v°,  233  et  3G3  v°). 

Après  la  mort  de  Valiero,  en  dot2.  ral)baye  de  Saint-Pierre-le-Vif  fut  attribuée  à 
Jean  de  Monlluc  {Gallia  christiana,  t.  XII,  coll.  144). 


[octobre    1540]  GUILLAUME    PELLICIER  109 

et  bons  offices  ne  sont  à  s'y  opposer  ne  comparer  en  façon  du  monde. 
Et  ce,  tant  pour  estre  cez  Seigneurs  voysins  de  tous  coustcz  des  terres 
de  l'empereur,  et  du  roy  Ferdinando,  où  l'ambassadeur  de  l'empereur 
a  moyen  de  leur  faire  beaulcoup  do  plaisyrs,  comme  en  traictes  de 
marchandises  et  aullres  commodité/,  et  proliictz  que  cez  Seigneurs  ne 
prisent  pas  peu,  —  ains  en  font  très  bien  leur  proffîclz,  —  que  aussi 
pour  avoir  la  bourse  garnye  d'ung,  dix  ou  douze  mil  escuz  pour  l'extra- 
ordinaire que  lempereur  luy  donne  moyen  de  recouvrer.  Et  davantaige 
icelluy  ambassadeur  a  l'amytié  et  intelligence  avecques  tous  les  ambas- 
sadeurs qui  sont  icy,  pour  la  suitte  et  affection  que  leurs  maistres  ont 
à  l'empereur,  et  mesmement  de  celluy  du  pape  jusques  à  présent:  je 
ne  sçay  pas  à  Tadvenvr  que  ce  sera.  Quand  est  de  celluy  d'Urhin,  c'est 
son  grant  cousteau pendant,  duquel  il  se  vault  beaulcoup  à  tous  affaires; 
car  il  a  plusieurs  praticques  avecques  cez  Seigneurs,  qu'il  a  prinses  du 
temps  du  feu  duc  d'Urbin,  à  cause  de  l'auclorité  et  crédit  que  comme 
général  de  ceste  république  '  avoyt  avecques  cez  Seigneurs,  ainsi  que 
sçavez  très  bien.  De  ceulx  de  Mantoue  et  de  Ferrare,  ilz  n'y  font  pas 
moingsleur  povoiret  effort.  Et  dernièrement,  pour  n'avoir  faulte  d'ung 
seul  d'eulx,ung  Sismond  Arrouel,  solliciteur  du  roy  d'Angleterre  et  se 
portant  pour  son  ambassadeur  ^  a  commencé  pratiquer  fort  estroicte- 
ment  avecques  ledict  ambassadeur  de  l'empereur,  —  chose  que,  avec- 
ques le  bruict  que  les  Impériaulx  ont  espendu  icy  de  l'amytié  et  ligue 
de  l'empereur  avecques  ledict  roy  presque  faicte,  donne  beaulcoup  à 
penser  et  faict  aller  plus  retenuz  cez  Seigneurs.  Je  ne  veulx  aussy  oblyer 
à  vous  dire  comme  le  cardinal  de  Ravenne  ^,  —  lequel  ne  cesse  jamais 
de  machiner  quelque  chose  à  nostre  désadvantaige  et  ne  fault  à  en 
advertyr  et  solliciter  ledict  ambassadeur  de  l'empereur, —  dont  suyvant 
son  bon  zelle  cez  jours  passez  envoya  icy  ung  sien  serviteur,  nommé 
Angulo,  vers  ledict  ambassadeur  pour  lui  porter  quelque  message,  qui 
ne  peiilt  estre  sans  quelque  grant  importance  pour  la  dilligence  qu'il 
feist,  ainsi  qu'il  luy  estoyt  commandé  user,  et  aussi  parla  démonstra- 
tion que  ledict  ambassadeur  faisoyt  des  longues  consultations,  peynes 

1.  Giiid'  UbaMo  II  délia  Rovere,  diK-  d'Urbin,  n'obtinl  définitivement  le  titre  de 
gouverneur  général  de  la  milice  vénitienne,  dont  son  père  Francesco-Maria  avait 
été  investi,  qu'en  lo4o  (Parula,  loc.  ciL,  p.  434). 

2.  Edmond,  aUàn  Sigismond  Harwell,  négociant  (Lef^ers  rt«(/pape/\«.  t.  IV,  Impar- 
tie, n°  G 192),  ministre  d'Angleterre  à  Venise,  de  lo3.j  à  1550. 

Une  décision  prise  par  le  conseil  des  Dix,  à  la  date  du  11  mai  loiO,  porte  que 
pour  honorer  l'ambassadeur  anglais,  quatre  de  ses  serviteurs  résidant  avec  lui. 
salariés  et  entretenus  jiar  lui,  seront  autorisés  à  porter  des  armes,  leurs  noms  une 
fois  désignés  expressément  selon  la  coutume.  Par  une  autre  décision  du  15  mars  1542. 
cette  mesure  fut  étendue  à  neuf  autres  personnages  de  sa  maison,  Anglais  et 
Italiens  [Calendar  of  slate  papers,  Venelian,  1534-1554,  pp.  83  et  112). 

Harwell  mourut  à  Venise,  étant  en  fonctions,  au  commencement  de  janvier  1550, 
et  ses  funérailles  solennelles  eurent  lieu  dans  l'église  dominicaine  des  SS.  Jean  et 
Paul  (W.,  jhid.,  p.  201). 

3.  Benedetto  Accolti. 


HO  AMn.vssADi:  di:  [octobue  1540. 

et  grans  occupations  qu'il  y  uieltoyt  avecques  lesdicts  ambassadeurs 
d'Urbin  et  aulires  ses  secquacos.  Je  n'ay  peu  entendre  aultrement  que 
c'estoyt;  dont,  pour  empescher  telle  menées  et  machinations,  il  sein- 
bleroytà  aulcuns  personnaiges  de  bon  jugement  que  si  le  roy  mandoyl 
au  seigneur  diu-  de  Fcrrare  (ju'il  deust  faire  retirer  ailleurs  ledict  car- 
dinal de  Uavenne,  comme  homme  qui  est  tel  que  le  pape  a  faict  appa- 
roir il  tout  le  monde,  et  qu'il  semble  s'empescher  par  trop  des  all'aires 
des  plus  grans  seigneurs  du  monde  que  à  luy  ne  alliert,  —  il  ne  seroyt 
trouvé  incivil  ne  impertinant  comme  l'on  a  faict  de  luy  avoir  esté 
mandé  quasi  en  façon  de  commandement  par  celluy  seigneur  que  aurez 
entendu,  qu'il  ne  laissast  résider  monseigneur  le  Révérendissime  car- 
dinal Salviati  en  son  évesché  et  y  faire  son  office,  et  ce  à  cause  qu'il 
se  soulcyoyt  des  afTaires  de  son  nepveu  le  duc  Cosme  et  les  addressoyt 
ainsi  qu'il  congnoist  mieulx  pour  luy. 

«  Monseigneur,  je  vous  supplye  prendre  tout  ce  que  dessus  en  telle 
boune  part  que  vous,  par  vostre  bonté  et  magnanimité,  avez  toujours 
faict  tous  mes  honnestes  discours,  et  excuser  mon  importunité  d'aul- 
tant  plus  que,  soubz  Dieu,  je  n'ay  en  ce  monde  seigneur  à  qui  je  sçaiche 
et  puysse  plus  seurement  ne  franchement  me  rendre  et  faire  sentir 
mes  nécessitez,  qui  me  sont  assez  plus  fortes,  à  cause  que  les  affaires 
très  importans  du  roy  en  peulvent  despendre....  » 

Vol.  "2,  f°  Gl,  copie  du  xvi*=  siècle;  2  pp.  1/4  in-f». 

PELLICIER   AU   ROI   '. 

58.  —  [Venise  ,  8  octobre  J 540.  —  «  Sire,  depuys  les  dernières  let- 
tres que  ay  escriptes  à  V.  M.  du  xvii''  du  passé,  ay  receu  les  siennes 
du  XIII'  et  xxvi*-'  dudict  moys,  ensemble  ung  pacquet  addressant  au 
seigneur  Rincon,  lequel  ne  fut  possible  mander  jusques  au  xxviii"  pour 
le  maulvais  temps  qui  faisoyt  lors...  »  Pour  éviter  la  perte  du  paquet, 
qui  est  de  grande  importance,  Pellicier  a  dépêché  un  exprès  à  Cons 
tantinople,  «  homme  »,  dit-il,  «  selon  mon  jugement,  le  plus  ydoyue 
et  suffisant  pour  faire  telle  charge  que  aultre  que  j'aye  peu  recouvrer 
par  deçà.  Car  oultre  ce,  qu'il  est  homme  à  qui  l'on  se  peult  fyer  gran- 
dement, sçayt  parler  la  langue  turquesque  et  grecque,  et  a  toutes  aul- 
tres  qualitez  à  ce  requises  *.  S'il  a  eu  le  temps  prospère  d'icy  à 
Raguse,  il  y  aura  esté  en  cinq  ou  six  jours,  pour  estre  en  ung  bri- 
gantin  mieulx  fourny  de  rames  et  équippé  de  toutes  aultres  choses 
nécessaires  que  nul  aultre  qui  exerce  les  voyaiges  de  Raguse  icy;  et 

1.  "  Nota,  que  celle  dépcsclie  fut  mamlée  le  xi"  octobre;  et  fut  cscript  ii  MM.  de 
Villandry,  Saint-Pol  et  Ciarritrues  ensemble,  et  au  sire  Laurens  Charles.  >• 

2.  Il  s'agit  de  Durand  de  Villegaguon,  dont  il  a  été  question  dans  la  dépêche  à 
Rincon,  du  25  septembre. 


[OCTOBUE    1540]  GUILLAUME    PELLICIER  111 

m'a  bien  promys  que  de  Raguse  ne  mettra  que  seize  jours  pour  aller 
en  Conslanlinoplc  moyennant  Tayde  de  Dieu.  Par  ainsi  ledict  soigneur 
Rincon  le  pourra  recepvoir  environ  le  xx"  ou  xxF  de  ce  moys.  Duquel 
ay  pareillement  receu  ung  pacqucl  pour  V.  M.  que  luy  envoie  présen- 
tement. J'ay  aussi  receu  celle  qu'il  vous  a  pieu  m'escripre  par  M.  Tarce- 
vesque  de  Trassilvania,  qui  arriva  en  ceste  ville  le  iii*^  de  ce  moys,  et 
entendu  de  luy  les  propoz  que  V.  M.  luy  avoyt  ordonné  me  dire.  Pour 
lequel  suysallé  voir  la  Seigneurie,  pour  faire  entendre  le  plaisyr  qu'elle 
feroyt  à  V.  M.  de  le  avoir  en  bonne  recommandation  et  saulvegarde, 
et  la  requérant  de  luy  octroyer  ung  sauf-conduyt  ainsi  qu'il  désiroyt  : 
ce  que  libérallement  m'a  accordé.  Et  ne  fauldray  à  faire  ce  que  vous 
plaist  me  commander  touchant  les  pacquetz  et  aultres  choses  concer- 
nans  telz  affaires  que  congnoistray  estre  pour  vostre  service. 

«  Sire,  cez  Seigneurs  ont  eu  lettres  de  leur  secrétaire  Fidel  prez  du 
marquis  du  Guast,  de  si  longue  teneur  que  ilz  ont  esté  plus  de  quatre 
ou  cinq  heures  en  pregay  pour  les  lire  ;  de  sorte  que  il  eust  esté  bien 
difficille  de  povoyr  retenyr  tant  de  propoz  qu'ils  conlenoyent.  Ce 
néantmoings  j'ay  trouvé  le  moyen  d'en  avoir  le  sommaire  et  substance, 
par  laquelle  m'a  semblé  valloir  bien  de  le  vous  faire  sçavoir.  C'est  que 
ledict  marquis,  ayant  appelle  ledict  Fidel  à  manger,  luy  bailla  à  lyre 
lettres  que  l'empereur  luy  avoyt  escriptes,  contenant  entre  aultres 
choses  que  ledict  seigneur  empereur  estoyt  mieulx  forny  de  bons  cap- 
pitaines  et  gens  de  guerre  qu'il  ne  fut  oncques;  et  estoyt  mieulx  obéy, 
craint  et  aymé  de  tous  ses  subgectz  que  jamais;  et  si  avoyt  plus  d'or 
et  d'argent  deux  foyz  qu'il  n'eut  oncques,  et  plusieurs  aultres  moyens 
par  lesquelz  allégoyt  avoir  plus  grant  puyssance  de  faire  guerre  qu'il 
n'eut  jamais  :  faisant  les  plus  belles  offres  et  partiz  à  cez  Seigneurs 
qu'il  n'est  possible  de  plus,  disant  qu'il  avoyt  leurs  affaires  en  aussi 
grande  affection  que  les  siennes  propres,  et  qu'il  ne  tiendroyt  qu'à 
eulx  qu'il  ne  leur  donnast  à  congnoistre  par  bons  effectz,  —  estant 
fort  desplaisant  du  si  très  désadvantaigeulx  accord  qu'ilz  traictent  faire 
avecques  le  Turcq.  Et  qu'il  ne  tiendroyt  que  à  eulx  qu'ilz  ne  gardessent 
de  faire  d'eulx  tous  ses  desaings;  car  il  estoyt  bien  deslibéré  de  sa 
part  faire  ung  plus  groz  exercite  par  terre  qu'il  ne  fut  veu  longtemps 
a,  et  pareillement  armer  mieulx  que  jamais  ne  feist.  Dont  s'ilz  voul- 
loyent  de  leur  cousté  faire  leur  debvoir  ainsi  qu'ilz  estoyent  tenuz,  il 
espéroyt  bien  donner  plus  d'affaires  au  Turcq  qu'il  ne  se  veid  long- 
temps y  a  :  à  quoy  il  les  confortoyt  et  pryoyt  de  ne  voulloir  faillyr, 
attendu  mesmement  la  bonne  occasion  et  opportunité  qui  se  montroyt 
à  présent,  pour  estre  ledict  Turcq  plus  embesoigné  et  troublé  que 
jamais  pour  la  rescente  playe  qu'il  avoyt  dernièrement  receue  du 
Sophi  telle  qu'ilz  sçavoyent,  et  de  ce  cousté  pour  avoir  perdu  Jehan 
son  vayvauda  de  Transilvania,  qui  faisoyt  teste  en  Hongrye  pour  luy. 
Leur   remonstrant   que   s'ilz  perdoyent  ceste   occasion,    à   peyne   se 


112  AMItASSADE   DE  [oCTOnUE    1540] 

relrouveroyenl  jamais  l'avoir  si  bonne,  et  qu'il  ne  failloyl  quil  tint  à 
argent  ne  aullre  chose;  car  s'il/,  n'en  avoyenl  point  pour  en  avoir  beaul- 
coup  despendu,  il  leur  en  presteroyl  tant  qui!  en  feroyt  besoing,  car 
il  en  avoyl  assez  pour  tous  :  le  semblable  feroyl-il  de  gens  de  guerre, 
municions  et  aullres  choses  à  cesle  enlreprinse  nécessaires.  Kl  pour 
mii'uU  leur  persuader  ce  <iue  dessus,  ledicl  marquis  leur  debvuyt 
mander  de  brief  ung  gentilhomme.  Toutesfoys,  il  l'uuldra  bien  qu'il 
soyl  \>ni\  orateur  s'il  peult  faire  que  cez  Seigneurs  y  donnent  foy,  car 
aveccyies  ce  qu'ilz  sont  tanl  reballuz  de  telles  belles  promesses,  encores 
les  dernières  lettres  qu'ilz  ont  receues  de  leur  ambassadeur  Badouare 
y  ayderont  beaulcoup;  car  par  icelles  ilz  entendront  très  bien  ce  que 
le  seigneur  Hincon  m'a  escript,  comme  j'estime  qu'il  a  faict  aussi  à 
V.  M.,  touchant  lenlreprinse  que  les  Impériaulx  avoyent  faicle  de  faire 
révolter  Napoli  de  Komunye  et  aultres  lieux  de  cez  Seigneurs  en 
Levant,  —  ainsi  que  desjà  vous  avoysadverty  du  moysd'aoust,  comme 
depuys  a  esté  descouvert  par  la  prinse  du  cappitaine  Petro  Siculi,  qui 
a  esté  mené  à  Constanlinople.  Lequel  a  confessé  qu'il  avoyt  esté 
dépesché  par  le  vice-roy  de  Napples  pour  cest  effect;  et  plus  grant 
confirmation  de  ce  ont  donné  les  instructions,  lettres  à  ceulx  de  Napoli 
de  Komanye  et  aultres  susdicts  lieux,  et  patentes  dudict  vice-roy, 
desquelles  a  esté  trouvé  saisy.  Et  escript  aussi  que  ledict  Grant  Sei- 
gneur avoyt  libéré  messire  Francesco  Suriano,  gentilhomme  de  ceste 
ville,  pour  venyr,  avecques  ung  chaoulx  '  dudict  Napoli  de  Romanye, 
entendre  la  vérité  de  TafTaire  avecques  les  habitans  de  là.  Et  avoyt 
icelluy  messire  Francesco  Suriano  charge  dudict  seigneur  ambassadeur 
Badouare  de  advertyr  très  bien,  non  seullement  ceulx  dudict  Napoli  de 
s'y  prendre  garde,  mais  encores  le  général  de  l'armée  de  cez  Seigneurs, 
et  qu'il  meist  bon  ordre  aux  aultres  places  et  ysles  de  ce  cousté  là,  se 
doublant  que  André  Doria,  soubz  colleur  d'aller  donner  secours  au 
roy  de  Thunys,  vousist  prendre  d'assault  ou  à  l'emblée  aulcunes  des- 
dictes places  de  cez  Seigneurs.  Lequel  Doria,  comme  l'on  entend  par 
lettres  de  Napples,  debvoyt  partyr  de  brief  pour  aller  à  Palerme  lever 
le  vice-roy  de  Napples,  pour  en  compaignye  aller  à  l'emprinse  dudict 
Thunys,  ayant  trente  six  gallères,  dix  naves,  et  ung  gallion  *.  Si  ledict 
gentilhomme  que  doibt  envoyer  Icy  ledict  marquis  du  Guast  viendra, 
ou  en  entends  aullre  chose,  je  ne  fauldray  s  il  y  aura  lieu  en  advertyr 
en  toute  diligence  V.  M. 

«   Sire,   ledict  seigneur  ambassadeur  Badouare  continue  plus  que 
jamais  d'escripre  à  ses  Seigneurs  du  contentement  qu'il  a  des  bons 


1.  Chnouch,  messager  d'étal. 

2.  Galion,  navire  en  usage  dès  la  seconde  moitié  du  xv'  siècle,  d'une  construction 
mixte,  tenant  de  la  nef  ou  vaisseau  rond  par  la  forme  générale,  et  de  la  galère  par 
sa  longueur  plus  grande  que  celle  de  la  nef  (V.  Jal,  loc.  cil.,  p.  757). 


[octobre    1540j  GUILLAUME    PELLICIER  H3 

offices  que  journellement  le  seigneur  Rincon  faict  par  delà  pour  eulx; 
leur  faisant  sçavoir  comment  ieelluy  Rincon,  entre  aultres  remonstra- 
cions  qu'il  avoyt  faictes  aux  bassatz,  leur  avoyt  donné  à  entendre  la 
grant  tidellité  et  sincérité  de  cez  Seigneurs,  allégant  combien  l'empereur 
leur  avoyt  présenté  et  présentoyt  journellement  de  grands  partiz  pour 
les  tenter  et  faire  retirer  de  l'accord  d'entre  eulx  et  le  Grant  Seigneur, 
mais  qu'ilz  n'en  avoyent  jamais  voullu  sentyr  parler.  Et  que  ledict 
Badouare,  estant  allé  veoir  ledict  seigneur  Rincon,  entre  aultres 
propoz  luy  avoyt  dict  ({ue  l'amytié  d'entre  V.  M.  estoyt  tant  estroicte 
avecques  ceste  Seigneurie  que  c'estoyt  comme  ung  aneau  dedans  le 
doy.  qui  ne  se  povoyt  ouster  sans  le  tailler.  A  quoy  ledict  seigneur 
Badouare  luy  avoyt  faict  responce  que  de  ceste  si  estroicte  amytié  n'en 
estoyt  pas  adverty.  Bien  estoyt  vray  que  pour  la  grant  obligation  que 
ceste  Seigneurie  a  à  V.  M.  seuUement  et  à  jamais,  qu'elle  vous  sera 
toujours  complaisante  et,  comme  il  dict,  obséquentissime.  Lequel 
propoz  et  encores  plus  la  responce  ont  esté  grandement  agréables  et 
acceptées  de  tous  ceulx  qui  entendent  et  ayment  ce  qu'il  faict  pour  le 
bien  de  ceste  républicque.  » 

Suivent  les  nouvelles  de  Hongrie  contenues  dans  les  précédentes 
lettres  adressées  à  Rincon. 

«...  Sire,  par  lettres  du  xix"^  du  passé  de  l'ambassadeur  de  cez  Sei- 
gneurs prez  dudict  roy  des  Rommains,  Ton  est  adverty  que  ledict  roy 
avoyt  mandé  son  second  filz  '  à  la  court  de  l'empereur,  le  pryant  et  sol- 
licitant instemment  qu'il  luy  voulsist  donner  la  douairière  de  Millan  - 
avecques  la  duché,  pour  par  ce  moyen  l'incorporer  et  asseurer  à  la 
maison  d'Autriche  à  perpétuité.  J'estime  que  par  M.  de  Lavaour  pourrez 
avoir  esté  mieulx  adverty  de  la  vérité. 

«  Sire,  quant  ad  ce  que  le  seigneur  Rincon  m'a  escript  que  le  Grant 
Seigneur  avoyt  respondu  au  messaiger  envoyé  par  le  chancellier  et 
évesque  de  Cinq-Esglises,  ambassadeurs  désignez  par  le  roy  Jehan  pour 
aller  vers  luy,  que  à  leur  arrivée  leur  déclareroyt  ce  qu'il  veult  entere- 
ment  estre  faict  louchant  l'administration  du  royaulme  de  Hongrye, 
là  dessus  ledict  seigneur  Rincon  adjouste  qu'il  ne  sçayt  si  ledict  Grant 
Seigneur  se  vouldroyt  contenter  de  l'eslection  faicte  dudict  nouveau  roy  ; 
car  auparavant  la  mort  du  feu  roy  avoyt  destiné  de  usurper  ledict  pays 
pour  luy  et  y  mettre  pour  seigneur  ung  sien  filz.  Chose  qui  m'a  semblé 
estre  à  propoz  et  très  expédiant  en  toucher  quelque  mot,  par  façon  de 
m'en  enquéryr  comme  de  moy-mesme,  à  M.  l'arcevesque  de  Transilvania, 


1.  De  son  mariage  accompli  en  1521  avec  Anne,  fille  de  Ladislas.  roi  <Ip  Hongrie 
eL  de  Bohême,  morte  en  1547,  Ferdinand  I"  avait  eu  deux  fils  :  Maximilion  II,  qui 
lui  succéda,  et  celui  dont  il  est  question  ici,  Ferdinand,  comte  de  Tyrol.  marquis 
de  Burgau,  né  en  1529,  mort  en  1595. 

2.  Christine  de  Danemark,  mariée  en  avril  1534  à  Francesco-Maria  Sforza,  dernier 
duc  de  Milan,  mort  sans  postérité  le  24  octobre  1535. 

Venise.  —  1540-1542.  8 


1,',  AMBASSADE   DE  [OCTOUKE    15iO] 

luy  disant  en  avoir  senly  quelque  chose.  Ma  diel  estimer  que  ledict 
Granl  Seigneur  n«'  seroyl  jamais  pour  faire  semblable  chose,  pour  aul- 
tanl  (juo  ce  seroyt  conlre  leur  coustume  inviolable,  qui  ne  veull  qu'il 
V  avl  à  la  foiz  que  ung  de  la  casa  otlomane  survivant  en  estât  de  prince, 
pour  éviter  les  divisions  et  ruynes  de  leur  monarchie;  et  aussi  que 
ledict  tirant  Seigneur  vi  tout  son  conseil  sçayt  très  bien  que  jamais 
lachrestienté  ne  souflriroyt,  —  et  moings  les  Hongres,  qui  sont  d'assez 
mal  à  renger  et  suppéditer,  —  qu'ils  fussent  réduicl/.  du  tout  à  son 
obéyssence,  et  tant  moings  il  seroyt  seur  à  ung  qui  n'eusl  aultre  force 
(juc  ledict  royaulme.  De  (juoy  vous  ay  bien  voullu  advertyr  afhn  que 
V.  M.,  par  son  meilleur  et  infaillible  jugement,  advise  là-dessus  ce  que 
luy  en  semblera;  car  il  pourroyt  estre  que,  comme  il  advient  souvent 
aux  plus  saiges,  que  ledict  seigneur  arcevesque  ne  creust  pas  vouUen- 
liers  ce  que  il  ne  vouldroyt  qui  advint  et  que  Dieu  ne  veuille...  » 

Vol.  -',  f»  59,  copie  du  xvi»  siècle;  3  pp.  1/2  in-f". 


PELLICIER  AU  CONNETABLE 


1 


59.  _  [>«ise^,  S  octobre  i 540.—  L'attente  d'un  paquet  de  Rincon 
a  retardé  l'envoi  des  lettres  de  Pellicier.  Il  a  reçu  celle  du  connétable, 
du  12  septembre,  ainsi  que  le  paquet  à  l'adresse  de  Rincon,  qu'il  s'est 
empressé  de  lui  transmettre. 

«  ...  Monseigneur,  cez  Seigneurs  ont  eu  lettres  de  leur  secrétaire 
Fidel,  qui  est  prez  le  marquiz  du  Guast,  les  adverlissant  comme  ledict 
marquis  et  domp  Loppes,  trésorier  général  de  Millan,  luy  avoyent  dict 
qu'il  ne  se  failloyt  point  esmerveiller  si  lesdictz  Seigneurs  avoyent  esté 
contrainctz  faire  paix  avecques  le  Grant  Seigneur,  si  très  désadvanta- 
geusement;  car  ilz  estoyent  certains  que  avant  que  le  seigneur 
Radouare  fust  arrivé  en  Constantinople,  je  avoys  advisé  ledict  seigneur 
Rincon  entièrement  de  toute  la  puyssance  qu'il  avoyt  par  sa  commis- 
sion :  de  quoy  icelluy  Rincon  n'avoyt  failly  advertyr  les  bassatz 
du  tout  par  le  menu.  Qui  avoyt  esté  cause  qu'ilz  avoyent  tenu  telle  roy- 
deur  à  cez  Seigneurs  en  faisant  ladicte  paix,  eslans  bien  asseurez  que 
ledict  ambassadeur,  ayant  telle  puyssance  de  leur  accorder  ce  qu'ilz 
demanderoyent,  ne  s'en  reviendroyt  sans  passer  le  tout  :  chose  que 
lesdictz  Impériaulx  ont  mise  avant  industrieusement  et  à  poste,  cuy- 
dant  par  là  allienner  lousjours  cez  Seigneurs  de  l'amytié  qu'ilz  ont  à 
S.  M.,  et  les  attirer  à  la  dévotion  de  l'empereur  le  plus  qu'ilz  peuvent, 
à  quoy  faire  cherchent  tous  les  moyens  à  eulx  possibles;  et  que  pour 
ceste  cause  ledict  marquis  du  Guast,  ainsi  que  l'on  dict  cez  Seigneurs 
estre  advertiz,  doibt  mander  de  brief  icy  ung  gentilhomme  avecques 

1.  -  Envoyée  avec  la  précédente.  » 


'oCTOnRE    J54()]  GUILLAUME    PELLICIER  1  |  li 

bien  ample  commission.  S'il  estoyt  vray,  ce  ne  me  seroyt  pas  moindre 
béneffice  que  le  voyaige  icy  de  M.  d'Hannebault.  Si  le  roy  en  contre- 
poys  en  mandoyt  icy  ung  aiiltre,  et  si  mon  souhait  estoyt  digne  d'ostre 
oy,  estant  monseigneur  le  Révérendissime  cardinal  de  Lorraine  par  deçà 
comme  l'on  attend,  s'il  plaisoyt  à  S.  M.  luy  donner  charge  que  en  s'en 
retournant  passast  par  cy  pour  exposer  à  cez  Seigneurs  ce  que  l'on 
verroyt  estre  à  faire,  me  semble  que  ce  ne  seroyt  pas  peu  faict  pour  les 
aiTaires  de  S.  M.  Si  je  entendray  par  cyaprez  mieulxdela  venue  dudict 
gentilhomme,  je  ne  fauldray  à  vous  en  advertyr,  et  de  sa  commission  si 
je  en  pourray  rien  sçavoir.  Ce  pendant,  je  ne  faulx  ne  fauldray  à  rab- 
battre  le  mieulx  que  me  sera  possible  leurs  menées  et  enlreprinses. 
Dont,  pour  ce  faire,  les  lettres  dudict  seigneur  Rincon  seront  jà  bien 
venues  à  propoz,  pour  avoir  esté  cez  Seigneurs  advertiz  de  la  machina- 
tion des  ministres  de  l'empereur  à  faire  révolternon  seullementNapoli 
de  Romanye,  mais  encores  toutes  les  aultres  isles  et  terres  de  cez  Sei- 
gneurs en  Levant,  ainsi  que  j'estime  entendrez  plus  amplement  par 
lesdictes  lettres  dudict  seigneur  Rincon  :  chose  que  a  mis  cez  Seigneurs 
en  merveilleux  trouble  et  effroy.  Et  ont  par  là  cogneu  la  vérité  et  vertu 
de  l'advertissement  que  je  leur  en  donnay  ou  moys  d'aoust  dernier 
passé,  comme  lors  vous  escripveiz;  et  ce  plus  clairement,  d'aultant  que 
par  les  instructions  et  la  patente  que  Petro  Seculi  avoyt  du  vice-roy  de 
Xapples,  a  part  par  les  dattes  que  desjà  l'entreprinse  estoyt  faicte  ou 
moys  de  juillet  auparavant.  De  quoi  cez  Seigneurs,  se  recordans  du  bon 
office  qui  leur  fut  faict  en  ce,  sçavent  merveilleusement  bon  gré  à  S.  M. 
et  l'en  remercyent  infiniment.  Leur  ambassadeur  escript  davantaige 
que  ledict  Grant  Seigneur  avoyt  libéré  messire  Francesco  Suriano,  gen- 
tilhomme de  ceste  ville,  pour  aller  avecques  ung  chaous  à  Napoli  de 
Romanye  sçavoir  s'il  estoyt  vray  que  ceulx  de  ladicte  ville  eussent  telle 
vouUenlé.  Et  a  mandé  ledict  ambassadeur  Badouare  au  cappitaine 
dudict  Napoli  et  aussi  au  général  de  l'armée  de  cez  Seigneurs  prendre 
bien  garde  et  veiller  à  cest  affaire. 

«  Monseigneur,  cez  Seigneurs  ont  esté  advertiz  parleur  ambassadeur, 
qui  est  prez  du  roy  Ferdinando,  que  l'empereur  avoyt  suspeçon  sur 
quelque  ung  de  sa  court  qu'il  ne  ayt  destruict  l'intelligence  etlraicte  de 
Marseille;  et  aussi  escript  que  pour  ceste  heure  l'entreprinse  et 
desaings  qu'ilz  avoyent  faict  sur  le  Pyémont  n'est  pour  se  mettre  à 
eflect,  mais  que  le  tout  se  fera  avecques  le  temps;  et  pareillement  que 
en  la  court  dudict  roy  s'est  semé  bruyt  de  donner  une  de  ses  filles  au 
nouveau  duc  de  Mantoue,  et  donnoyt  ledict  roy  quelque  espérance  qu'il 
se  debvovt  faire...  » 


Vol.  2,  f»  62,  copie  du  xvi''  siècle;  2  pp.  iii-f°. 


,,,.  AMllASSADK    HK  OCTOBUE    liliO. 

l'Ki.uciKH  \  i.\  nr.wv.  i»i:  n\v\kue. 

60   -Vrnisr      s  nrluhrc   I  .rU).  -  "  Madame,  jay  .Trou  la  leltiv 
,.ail  vous  a  pl.u  .urscripr..,  ù  laqucll..  si  plus  losl  u'ay  laid  responce 
je  vous  supplv.  in-avoir  pour  excusé;  car  je  lay  eue  ung  peu  b.en  lard, 
de  sorte  que  uel'av  p.u  faire  plus  «ostque  par  ceste  présente  depesche. 
Par  ic.lle  jav  veu  la  provision  qui  a  esté  donnée  à  mess.re  Sehasl.ano, 
archilori;;  dont  je  me  sens  et  tiens  aultant  attcnu  et  ol.li^'é  à  \oslre 
Excellence  <iue  si  ce  fust  esté  h  moy-mcsmes,  estimant  que  ma  sollici- 
tation envers  vous  luv   avl   s.-rvi  en   ccst  endroict;  vous  asseurant, 
Madame,  «lue  oullre  le"  bien  et  libérallité  que  ave.  faict  à  ung  person- 
naiKO  qui  le  merilte  aultant  que  nul  aultre  de  sa  qualilé  (lue  je  con- 
Kuoisse  deçà  les  mont/,  vous  u'a^ey.  pas  peu  donné  de  réputacion  et 
commodité'aux  alVaircsde  S.  M.  Car,  à  dire  la  vérité,  il  y  en  avoyt  ja 
qui  murmur<»vent  beaulcoup  de  ce  qu'il  y  avoyt  si  longtemps  que  on 
luy  avovt  promis  quelque  provision,  sans  que  on  meist  1  eflect  a  exécu- 
tion; et^en  disovenl  mesmement  quelques  ungs  de  ceulx  qui  ne  sont 
pas  beaulcoup  "aiTectionne/.  à  noslre  party  ce  que  bon  leur  sembloyt, 
mais  cecv  leur  a  faict  du  tout  clorre  la  bouche  de  tel/  propo/..    1  est  tous 
les  jours  aprez  pour  mettre  ordre  à  ses  aflaires  de  par  deçà;  lesque  es 
mises,  qui  sera  de  brief,  ainsi  qu'il  m'a  dict,  se  partyra  pour  vous  aller 
trouver,  comme  verre/,  s'il  vous  plaist  par  ce  qu'il  vous  en  escript.  Au 
demeurant,  Madame,  je  ne  vous  sçauroys  assez  très  huml>lement  remer- 
cverdubien  qu'il  vous  plaist  me  présenter  ou  vrayemenl  faire  par 
vostredicte  lettre.  Et  ne  suys  à  présent  à  congnoistre  par  bons  eilectz 
que  de  vostre  bénigne  grâce  m'avez  tousjours  supporté  et  ayde  en  tous 
mes  affaires,  de  sorte  que  je  n'ay  jamais  rien  eu  en  ce  monde  que  je  ne 
le  tienne  soubz  Dieu  de  vostre  bonté,  ne  encores  espère  avoir  qui   ne 
vienne  par  vostre  faveur  et  libérallité.  Dont  comme  l'ung  de  voz  1res, 
humbles  et  afTeclionnez  serviteurs  ne  doubteray  à  vous  recorder  que  il 
V  a  environ  trois  ans  que  le  roy,  de  sa  grâce   et  propre  mouvement, 
Vous  tint  propoz,  afin  que  j'eusse  meilleur  moyen  et  occasion  desuyvrc 
la  court  de  me  pourveovr  d'ung  office  de  maislre  des  rcquestes  a.nsi 
„ue  dès  lors  il  vous  pleut  me  le  faire  entendre  par  monseigneur  de  INar- 
bonne',  alors  estant  nouvellement  conseiller  de  Tholoze.  Et  de  faict 
depuys,  à  mon  partement  pour  venyr  icy,  m'en  a  faict  expédier  lettres 
de  la  première  vaccance,  me  prefférant  à  tous  aultres.  ^éanlmolngs 
depuys  le  temps  de  sa  première  voullenté,  il  en  est  jà  vacque  Iroyj, 
sans  que  par  quelque  souvenance  et  propoz  que  luy  ayt  este  tenu  de 
moy  j'en  ave  esté  pourveu.  A  ceste  cause,  Madame,  sçachani  combien 
vous  avez  tousjours  mon  meilleur  bien  en  bonne  recommandac.on  et 

t.  Jean  de  Lorraine,  canlinal.  archovè.iue  «le  Narbonne. 


[octobue  i:i40'  Guillaume  pellicier  ht 

proleclinn,  vous  supplye  que  si  congnoissez  que  je  ne  soye  encores  ou 
bien  jamais  pour  y  parvenyr,  —  et  par  ce  moyen  que  cecy  fust  pour 
donner  à  parler  de  moy  comme  de  celluy  qui  est  si  ambilieulx  et  con- 
voicteulx  de  biens  et  honneurs  de  ce  monde  que  à  chascune  occasion 
que  advient  de  vaccation,  je  me  porte  et  présente  compétiteur  ordinaire 
de  telz  offices  contre  tous,  chose  qui  seroyt  pour  escandalliser  à  l'ad- 
venture  beaulcoup  de  gens  qui  n'entendent  bien  l'affaire  comme  il 
passe  et  peut-cslre  ne  me  congnoissent  pas  bien,  —  je  vous  supplye. 
Madame,  faire  faire  qu'il  ne  s'en  parle  jamais  plus;  car  j'aymeroys 
mieulx.  l'honneur  de  Dieu  et  la  bonne  odeur  de  mon  petit  nom,  soubz  sa 
grâce,  que  tous  les  biens  du  monde;  vous  asseurant,  Madame,  que  de 
ma  part  je  me  liens  aullant  contant  de  ceulx  qu'il  a  pieu  à  Dieu  et  à 
voslre  grâce  et  bonté  me  donner  que  homme  qui  soyt  en  ce  monde,  et 
n'en  chairche  davantaige  sinon  tant  que  fera  besoing  pour  faire  meil- 
leur service  au  roy  et  à  vous.  Sur  quoy  vous  diray  que  ayant  employé, 
tant  pour  le  service  de  S.  M.  que  pour  luy  faire  transcripre  et  achepter 
livres,  tout  ce  peu  que  avoys  peu  amasser  de  tous  coustez  avant  que 
venyr  icy,  je  me  veoy  en  bien  grand  peyne  où  je  en  pourray  trouver 
daultre,  de  quoy  fournyr  à  la  grosse  despence  qu'il  me  convient  faire 
ordinairement,  pour  la  grant  charte  qu'il  y  a  icy  de  toutes  choses,  et  si 
extrême  que  ce  qui  ne  valloyt  du  temps  de  mes  prédécesseurs  que  ung 
escu  en  vault  bien  à  présent  troys....  » 

Vol.  2,  r  63,  copie  du  xvi"  siècle;  i  p.  1/2  in-f». 

PELLICIER  A  M.  DE  TULLE. 

61.  —  'Venise],  8  octobre  1540.  — «  Monsieur,  j'ay  receu  la  lettre 
que  m'avez  escripte  du  iiii'=  septembre  et  ne  vous  sçauroys  remercier 
assez  humblement  delà  peyne  qu'il  vous  a  pieu  prendre  pour  moy  et 
faveur  que  m'avez  donnée,  présentant  mes  lettres  au  roy,  et  pareille- 
ment celle  du  gentilhomme  grec,  lequel  n'est  encores  de  retour  de 
Romme.  Toutesfoys,  si  m'aurez  envoyé  son  sauf  conduict  et  lettres 
patentes,  je  ne  fauldray  l'en  advertyr,  affin  de  s'apprester  le  plus  tost 
pour  faire  le  voyaige  ;  mais  estant  jà  si  avant  en  hyver,  à  grant  peyne  y 
aura  il  ordre  departyr  jusques  au  nouveau  temps.  Et  cependant  j'espère 
que  nous  ne  perdrons  point  temps,  car  il  nous  pourra  ayder  à  rescru- 
tier  et  recouvrer  livres  de  cez  seigneurs  particulliers  avecques  lesquelz 
il  a  très  bonne  pratique  et  crédict,  chose  que  je  n'estimeroys  pas 
moings  que  d'en  recouvrer  beaulcoup  qui  pourroyent  estre  incertains 
de  quelle  quallité  seroyent.  J'ay  receu  le  cathalogue  de  la  librairye  du 
roy  S  de  quoy  j'ay  esté  bien  aise  pour  povoir  entendre  quelz  y  fault  en 

1.  11  s'agit  apparemment  du  premier  catalogue  de  la  bibliothèque  royale  de  Fon- 
tainebleau, conservé  aujourd'hui  en  tête  du  [ms.  grec  3064  de  la  Bibl.  nat.  (Oniont, 
■Cal.  cle<  mss.  f/recs  de  Guillaume  Pellicier). 


118  AMHASSADi:   DE  OCTOBKE    l.'J40] 

icelle  et  quelz  désirerie/.  avoir  les  premiers,  ce  que  je  me  allendz  bien 
quo  m'adverlirez  par  le  premier  pouravoir  receu  le  calhahjgue  de  ceulx 
de  Sanlo  Aullionio,  pour  leijuel  je  ne  vous  envoyé  point  en  contres- 
change  aulcun  cathalogue  des  aullres  librairyes  d'icy,  pour  ce  que  ilz 
n'ont  esté  encoros  rescrutiez  ne  correclz,  ainsi  qu'il  fault  pour  le  vous 
présenter.  Mais  en  lieu  d'iceulx,  je  vous  en  ay  bien  voullu  envoyer  ung 
de  deux  cens  vingt  pièces  ',  telz  que  verrez,  lesquelz  je  ne  craindray 
de  dire  que,  si  nous  les  povions  recouvrer,  pourrions  dire  avoir  Ircjuvé 
la  lleur  et  paragon  des  livres  du  monde.  J'ay  doubte  que  pour  la  singul- 
larilé  d'iceulx  que  ce  fust  une  pencée  joyeuse   que  on  me    voulsisl 
doimer  :  par  quoy  ay  pryé  celluy  qui  le  m'avoyt  donné  me  vouUoir  dire 
à  bon  essiant  si  il  sçavoyt  bien  que  ledict  cathalogue  contint  vérité  et 
que  lesdicts  livres  lussent  en  estre  etpovoir  de  la  main  d'ung  homme, 
lequel  m'a  asseuré  et  promis  estre  tout  certain  et  vray,  et  que  si  je  voul- 
loys  il  en  l'eroyt  apparoir  par  effect.  Et  mesmerveillant  encores  de  ce, 
luy  ay  demandé  comment  se  povoyt  faire  que  au  povoir  d'ung  homme 
s'en  Irouvast  si  grant  nombre,  non  ailleurs  sceuz  ne  attendu/.,  m'a  res- 
pondu  en  somme  que  c'est  la  garde-robbe  et  despouille  de  toute  la 
librairye  des  empereurs  Paléologucs.  Je  ne  vous  ose  bailler  encores 
avec  tout  cecy  ceste  chose  pour  certaine,  doublant  que  ce  ne  soyt  ung 
traict  de  foy  grecque;  mais  si  pencé  je  que  il  en  soyt  quelque  chose, 
nous  verrons  de  faire  s'il  est  possible  quelque  preuve  de  cecy,  et  ne 
fauldrons  vousadvertyr  de  jour  en  jour  de  ce  que  en  trouverons,  vous 
asseurant  que,  pour  recouvrer  semblable  marchandise,  l'on  ne  pourroyl 
pencer  combien  la  libérallité  du  roy  que  il  a  faicte  à  ce  gentilhomme  des 
mil  escuz  est  pour  servyr  à  faire  sortyr  livres  que  l'on  ne  pourroyt 
croire  qu'ilz  se  trouvassent  de  ce  temps  icy  en  tout  le  monde.  Mais, 
quelque  chose  qu'il  y  ayt,  ne  se  faict  rien  sans  force  argent  ;  à  ceste 
cause  vous  supplye  que  si  vouliez  que  je  puisse  continuer  de  faire  ce 
service  au  roy  et  à  vous,  qu'il  vous  plaise  donner  ordre  faire  deslivrer 
quelque  argent  pour  employer  en  telles  choses,  comme  desjà  vous  avez 
obtenu  du  roy  le  commendement.  Et  ce  me  sera  très  grant  accroisse- 
ment des  obligacions  que  je  vousay  pour  tant  de  bonsplaisyrset  bénef- 
fices  que  journellement  en  cecy  et  aultres  miens  affaires  pour  vostre 
humanité  me  exhibez;  dont  à  perpétuité  je  vous  resteray  très  affec- 
tionné serviteur,  et  ensemble  tous  les  gens  de  bien  et  estudieulx  de  la 
France  vous  recongnoistront  ce  bien  perpétuellement  à  l'ayde  de  Dieu. . .  » 

Vol.  2,  fo  65,  copie  du  xvi'' siècle;  1  p.  1/4  in-r\ 


1.  La  lettre  du  2  décembre,  adressée  au  même  personnage,  accuse  un  envoi  de 
deux  cens  vingt  deux  pièces  de  livres  ». 


[octobre    1540]  GUILLAUME    PELLICIER  119 


PELLICIER  AT-  CARDINAL  DE  FEHH  \UE. 

62.  —  [Venise],  8  octobre  i 540.  —  «  Monseigneur,  j'ay  receu  les 
lettres  qu'il  vous  a  pieu  m'escripre,  ensemble  ung  pacquet  qui  s'adres- 
soyt  à   inessire  Francesco  Bcltramo;  et  ne  vous  sçauroys  assez  très 
humblement  remercyer  de  la  bonne  afîection  qu'il  vous  plaist  de  vostre 
bénigne  grâce  me  porter,  et  des  bonnes  offres  que  me  faictes  par  vostre 
rescription  audict  Beltrame,  ainsi  qu'il  m'a  récité  et  déclairé  bien  au 
long,  les  acceptant  et  recepvant  comme  chose  qui  me  peult  ayder  et 
subvenyr  grandement  quand  l'occasion  s'y  ofl'rira.  Et  pour  ce,  Monsei- 
gneur, que  entendez  et  sçavez  très  bien  quelle  despense  il  convient 
faire  estant  au  lieu  oîi  je  suis  pour  entretenyr  les  serviteurs  du  roy,  me 
suys  bien  voullu  adresser  à  vous,  pour  vous  supplyer  me  voulloir  ayder 
de  vostre  faveur  et  crédict  envers  S.  M.  et  monseigneur  le  connestable, 
affin  que  vostre  bon  plaisyr  soyt  leur  donner  bien  à  entendre  qu'il  est 
impossible  sans  quelque  bonne  provision  que  je  m'en  puysse  aulcune- 
raent  valloir  ne  ayder.  Car  ce   ne  sont  gens   qui   se   veuillent  plus 
repaistre  des  belles  parolles  et  excuses  que  leur  ay  tousjours  baillez 
jusques  icy,  en  entretenant  ce  néantmoings  aulcuns  avecques  ce  peu 
qu'il  m'a  esté  possible  de  fournyr  par  effect  jusques  à  présent,  selon 
me  petite  puyssance.  Je  ne  vous  diray  point  combien  ledict  seigneur 
Francesco  Beltramo  est  bon  et  dévot  serviteur  de  S.  M.,  estant  certain 
que  vous  le  congnoissez  aussi  bien  que  moy  ;  mais  bien  vous  asseu- 
reray  que  je  me  vaulx  aultant  ou  plus  de  luy  pour  le  service  dudict 
seigneur  que  de  nul  aultre  qui  soyt  icy,  sans  qu'il  en  ayt  jamais  eu 
depuys  que  y  suys  aulcune  récompense.  Il  luy  avoyt  esté  ordonné  du 
temps  de  M.  de  Rhodez  quelque  pension;  mais,  ainsi  que  je  entendz, 
jamais  n'en  a  receu  ung  tournois  :  dont  il  commence  fort  à  doubler  que 
l'on  ayt  oblyé  du  tout  le  mérite  de  son  service,  et  y  a  danger  qu'il  ne 
s'en  retire.  Par  quoy,  Monseigneur,  s'il  estoyt  besoing  que  pour  luy  je 
vous  deusse  supplyer,  je  le  feroys  de  très  bon  cueur;  mais,  sçaichant 
qu'il  n'en  est  nécessité  pour  luy  estre  Vostre  Révérendissime  Seigneurie 
aultant  affectionné  que  moy  mesmes,  vous  supplye  avoir  les  aultres 
pour  recommandez.  Car  j'estimeray  le  bien  que  on  leur  fera  plus  que 
s'il  estoyt  faictà  moy-mesmes;  affin  que  si  pour  le  moings  l'on  ne  me 
veult  bailler  de  quoy  en  povoir  acquéryr  de  nonveaulx,  l'on  ne  me 
puisse  accuser  d'avoir  laissé  perdre  les  anciens  de  mon  temps.  Je  en  ay 
escript  à  mondict  seigneur  le  connestable,  et  fays  encores  à  présent  là 
où  je  ne  metz  en  dernier  lieu  ledict  seigneur  Beltrame,  le  supplyant 
très  humblement  y  voulloir  faire  mettre  ordre.  Si  Vostre  Révérendissime 
Seigneurie  se  treuve  à  propoz,  ce  ne  me  sera  pas  peu  d'accroyssement 
de  l'obligacion  que  je  vous  doibz,  si  c'estoyt  vostre  bon  plaisyr  de  luy 


120  AMBASSADE    DE  'oCTOItriE    1540] 

on  dire  quelque  mol;  de  quoy  de  rechef  très  liuinblemonl  je  vous 
supplye...  » 

Vol.  2.  f'^  Ci  V,  copif  thi  W!"  sièclt",  1  [i.  in-f". 

l'ELUCIEK  A  M.  I)" ANNEBAUI-T. 

63.  —  [W'Hise],  s  uclobre  JôiO.  —  Pellicier  le  lelicile  de  son  retour 
à  la  cnur  et  le  remercie  de  la  continuation  de  ses  bonnes  grâces.  Il  lui 
transmet  les  nouvelles  contenues  dans  .sa  lettre  au  roi,  concernant  les 
menées  des  Impériaulx,  les  atï'aires  de  Hongrie  et  d'Italie,  etc. 

Vol.  2,  r»  g;'),  copie  du  xvi«  siècle;  1/3  p.  in-f°. 

PELLICIER    Al"    HAILLI    Or    1"ALA1:>'. 

64.  —  [Venise],   8  oclobr-e   1540.  —  «  Monsieur,  j'ay  receu  vostre 
lettre  du  .\if  septembre  et  veu  le  contentement  que  avez  de  moy  tou- 
chant M.  vostre  neveu,  chose  que  certainement  procedde  plus  tost  de 
vostre  courtoisye  que  de  mérite  ne  louenge  qui  m'en  soyt  deue.  Si  est- 
ce  que  vous  diray  bien  ce  petit  mot  que  quant  ce  eust  esté  mon  propre 
frère,  je  n'eusse  sceu  me  employer  davantaige  que  j'ay  faict  à  luy  pour 
l'amour  de  vous,  comme  suys  bien   deslibéré  faire  en  toutes  aultres 
choses  que  cognoistray  vous  estre  agréables  pour  l'obligacion  que  je 
vous  doibz.  Toutesfoys  vous  diray  que  j'ay  trouvé  très  bon  vostre  adviz 
duquel  ma  adverty  le  prieur  de  Saint-Pol,  c'est  de  faire  doresnavant 
deslivrer  à  Ihomme  de  M.  de  Vaulx  qui  est  à  la  court  l'argent  qui  con- 
viendra pour  Tontretien  de  vostredict  nepveu,  affin  de  le  faire  tenyr 
entre  les  mains  de  son  maislre  qui  le  fournyra  de  toutes  ses  commo- 
ditez  et  nécessitez.  De  quoy,  comme  j'estime,  pour  estre   ainsi  que 
sçavez  trop  mieulx  tant  vostre  amy  etaflectionné,  prendra  très  voullen- 
tiers  la  charge  :  laquelle  à  dire  la  vérité  pourra  faire  à  présent,  pour 
estre  sur  le  lieu,  mieulx  à  propos  que  moy;  car  il  le  pourra  veoir  et 
entendre  chacun  jour,  et  luy  subvenyr  d'heure  en  heure  de  ce  qui  luy 
sera  besoing  :  chose  que  ne  sçauroys  faire  si  commodément,  pour  ce 


1.  Ce  Nicolas  Bcriliereau,  nolairc  et  secrétaire  du  roi,  bailli  du  Palais,  seigneur 
de  Villiers-lc-Sec,  au  neveu  du(|ucl,  étudiant  à  l'université  de  Padoue,  Pellicier 
promet  ses  bons  offices,  semble  avoir  eu  des  attaches  lyonnaises.  Il  existait  à 
Lyon,  à  la  même  dati-,  un  imprimeur  nomme  Thomas  Berthereau  (hiv.  somm.  des 
Ârchiv.  de  Lyon,  t.  111,  p.  20G,  col.  2). 

Nicolas  Berthereau  était  mort  en  février  l.jo'J,  laissant  une  veuve,  Marie  de  Saint- 
Mesmin,  et  un  neveu,  Aignan  de  Saint-.Mesmin,  chevalier,  seigneur  du  Breuil  près 
Orléans,  qui  pourrait  être  le  personnage  visé  dans  cette  lettre  (V.  Bibl.  nat., 
ms.  fr.  20,797,  C'  4  et  5). 


[octobre    1o40j  GUILLAUME    PELLICIER  1  :i  1 

qu'il  y  a  une  journée  d'icy  à  Padoue  '  et  une  auUre  à  revenyr,  et  aussi 
que  dedans  peu  de  jours  je  perdray  la  commodité  que  j'avoys  de  le 
taire  visiter.  C'est  du  prieur  de  Vérargues,  mon  maislre  d'hôtel  *, 
lequel  je  envoyé  au  pays  pour  aulcuns  miens  afTaires,  qui  vont  tant  de 
ce  couslé  là  que  ailleurs  comme  Dieu  veult.  Je  luy  avoys  du  commence- 
ment donné  la  charge  de  se  employer  pour  vostredict  ncpveu,  pour  en 
estre  homme  plus  suflisant  et  apte  que  nul  aultre  (jue  j'aye  en  ma 
maison.  Et  les  avoys  mys  coucher  ensemble,  mais  jamais  vostredict 
nepveu  ne  voullut  ce  faire  ne  prendre  chambre  à  mon  logeis,  disant 
que  ne  me  voulliez  donner  tant  de  charge.  De  quoy  me  suys  esmer- 
veillé  que  eussiez  tel  respect  envers  moy;  car  ne  me  sçauriez  charger 
aulcunement,  ains  ce  ne  m'est  que  plaisyr  de  vous  faire  chose  agréable. 
Et  me  déplaist  bien  que  ne  ave  gens  qui  m'y  peussent  faire  tel  service 
que  ledict  prieur  de  Vérargues;  car  je  n'ay  pas  beaucoup  de  person- 
naiges  ne  serviteurs  à  ma  maison  qui  soyent  par  trop  pralicques  et 
sut'fisans  pour  entendre  à  telle  chose,  ne  en  qui  je  me  voulusse  trop 
repouser  en  tel/,  all'aires,  —  comme  aussi,  à  dire  la  vérité,  n'ay-je  pas 
le  moyen  ne  povoir  de  entretenyr  gens  de  telle  quallité,  ne  moings  de 
puyssence  de  leur  donner  espérance  à  l'advenyr,  me  voyant  moy- 
mesmes  en  danger  d'avoir  assez  affaire  d'eschapper,  sans  que  soys  con~ 
Irainct  avoir  recours  à  mes  bons  amys.  Pséantmoings  je  ne  larray  tous- 
jours  pour  l'amour  de  vous  luy  faire  tous  les  plaisyrs  qu'il  me  sera  pos- 
sible. Au  demeurant  je  ne  vous  sçauroys  assez  remercyer  des  bons 
plaisyrs  et  offices  que  faictes  journellement  pour  moy  à  la  court,  tant 
de  mon  estât  de  la  maistrise  des  requestes,  de  laquelle  je  ne  me  tra- 
vailleray  pas  beaulcoup,  me  confyant  que  comme  vous  avez  très  bien 
commencé  et  là  mise  si  avant  où  elle  en  est,  que  vous  y  mettrez 
([uelque  bonne  fin.  Bien  vous  diray  que  plustost  que  on  deust  donner 
matière  à  plusieurs  de  parler  de  moy  comme  par  trop  convoicteulx  et 
ambilieulx,  et  l'on  ne  deust  point  parvenyr  à  noz  attentes,  j'aymeroys 
mieulx,  si  ainsi  vous  sembloyt,  quejamais  ne  s'en  parlast  plus.  Au  fort, 
je  vous  enlaisseray  entièrement  faire,  sans  vous  dire  aultre...  » 

Vol.  2,  f"  65,  copie  du  xvi"  siècle;  1  p.  in-f". 


1.  Le  sénat  de  Venise,  en  date  du  14  mars  loli,  avait  interdit  tout  enseignement 
acadénii(iiie  ailleurs  (iii'â  Padoue,  dont  l'université  se  trouvait  placée  sous  son 
entière  proteelion.  Trois  réformateurs,  résidant  à  Venise,  avaient  la  régence  et 
l'administration  de  tout  ce  qui  concernait  l'université;  ses  professeurs  de  méde- 
cine et  de  droit  touchaient  des  émoluments  princiers  pour  les  mémoires  qu'on 
leur  faisait  rédiger  sur  des  questions  médicales  ou  juridiques.  Aussi  les  étudiants, 
dont  le  nombre  atteignit  jusqu'à  dix-huit  mille,  affluaient-ils  à  Padoue  de  tous  les 
points  de  l'Europe  (V.  Molmenti,  loc.  cit.,  et  J.  BurckhardI,  La  civilisation  en  Italie 
au  temps  de  la  Renaissance,  Irad.  fr.  de  Schmidt;  Paris,  Pion,  188:;,  ■?.  vol.  in-8°). 

2.  Le  prieur  de  Vérargues,  maître  d'hôtel  de  Pcllicior.  —  Vérargues  est  un  vil- 
lage de  l'Hérault,  arrondissement  de  Montpellier,  canton  de  Lunel. 


122  AMBASSADi:    DE  [OCTOBRE    1  ntOj 

l'ELI.ICIER    A    CESARE   FREGOSO. 

65.  —  [  \'i'nisr,,  i)  octobre  i  1)40.  —  La  dernière  lettre  que  Pellicier  a 
reçue  de  Frej^oso  est  du  HO  septembre.  Pellicier  le  félicite  de  sa  conva- 
lescence et  l'informe  des  dernières  nouvelles  arrivées  de  la  cour. 

"...  Les  meilleures  nouvelles  que  je  en  ay  eues,  c'est  la  bonne  santé 
du  rny,  et  (juil  s'en  venoyt  à  Fontainebleau,  continuant  tousjours  de 
plus  (Ml  |ilus  laiiiytié  qu'il  porte  ii  cez  Seigneurs,  chose  que  je  ne  oblye 
point  à  leur  faire  très  bien  entendre.  —   Et  quant  est   de  celles  de 
Levant,  encores  que  je  pence  bien  que  aultre  que  moy  vous  le  pourra 
mander,  je  n'ay  voullu  laisser  à  vous  dire  comme  il  a  esté  prins  une 
frégatte  par  les  coursaires  turcqs,  en  laquelle  estoyt  ung  cappitaine 
ancien  de  l'empereur,  nommé  Pietro  Seculi,  que  a  esté  mené  en  Cons- 
tantinople,  où   il  a   confessé  avoir  esté  dépesché   par  le  vice-roy  de 
Naples  pour  aller  faire  révolter  non  seullement  Napoli  de  Romanye, 
mais  encore  toutes  les  aultres  terres  et  isles  de  cez  Seigneurs  en  Levant, 
chose  de  quoy  ilz  ont  esté  fort  estonnez  et  troublez,  et  cella  pourra 
divertyr  grandement  la  créance  que  l'on  cusl  peu  donner  aux  belles 
lettres  que  l'empereur  a  escriptes  au  marquiz  du  Guast  expressément 
pour  monstrer  au  secrétaire  Fidel,  estans  asseurez  qu'il  ne  fauldroyt 
en  faire  récit  à  cez  Seigneurs,  ausquelz  ledict  empereur  faict  les  plus 
belles  offres  que  jamais  ne  feist,  comme  de  leur  fournyr  gens  et  argent, 
s'ilz  en  ont  besoing,  et  qu'il  a  leurs  affaires  en  aussi  grande  recom- 
mandation que  les  siennes  propres,  ce  que  ledict  Fidel  n'a  failly  leur 
faire  entendre  très  bien,  et  que  dedans  peu  de  jours  ledict  marquiz  du 
Guast  manderoyt  icy  ung  gentilhomme  avecques  bien  ample  commission 
pour  leur  faire  entendre  le  tout  amplement  et  par  le  menu.  —   Des 
nouvelles  de  Hongrye,  je  vous  diray  comme  le  roy  des  Rommains  a 
quelque  amas  de  gens  autour  de  Strigonia  •  et  de  Neustat,  une  journée 
de  Vienne,  et  qu'il  estoyt  allé  en  Moravia  faire  une  diette,  laquelle  se 
doibt  tenyr  à  Olmulz,  principaile  terre  de  ladicte  province  de  Moravia, 
pour  chaircher  de  faire  argent.  Le  Grant  Seigneur  a  mandé  lettres  à 
tous  les  seigneurs  et  peuple  de  Hongrye  qu'ilz  obéysenl  à  l'enfant  roy, 
et  avoyt  desjà  mandé    en  Ézijk  *,  à  quatre  journées  de    Budde,  le 
sanzacho  de  Bellegrade  avecques  vingt-mille  chevaulx  turcqs,  qui  ne 
attendent  sinon  que  le  roy  Ferdinando  monstre  de  se  bouger.  Tous  les 
estatz  de  la  Transilvania  se  sont  accordez  ensemble  qu'ilz  ne  se  mou- 
veront  ne  déclaireront  de  nulle  partye  jusques  ad  ce  que  les  Hongres  ' 

1.  Gran,  l'ancienne  Slrif/onhwt.  située  sur  la  rive  droite  du  Danube,  à  l'embou- 
chure de  la  Gran,  et  à  37  kiloni.  de  Bude;  siège  de  l'archevêché  primatial  de  Hongrie 
et  patrie  de  saint  Etienne  1". 

2.  Eszek,  place  forte  de  l'Esclavonie,  située  sur  la  rive  droite  de  la  Drave,  à 
218  kilom.  de  Bude. 

3.  Hongrois. 


[octobre    1o40J  GUILLAUME   PELLICIER  123 

auront  ordonné  quel({ue  chose  du  laict  du  royaulme.  Et  que  les  pré- 
latz  et  barons  de  ladicte  Transylvania  estoyent  venuz  avecques  toute  la 
maison  dudict  feu  roy  Jelian,  conduysant  sou  corps  à  Budde,  pour 
aprez  à  la  première  occasion  le  porter  à  Albe  Régal,  l'ensevcUyr  là 
selon  la  coustume  des  roys  ses  prédécesseurs,  et  aussi  pour  bapli/.er 
et  couronner  là  ledict  enfant  roy.  Périmpeter  et  l'évesque  de  Agria 
branslent,  mais  ne  se  osent  déclairer;  ains  faignent  de  faire  office  de 
médiateurs  entre  le  roy  Ferdinand o  et  ceulx  qui  tiennent  le  party  du 
jeune  roy.  L'on  a  icy  aultres  nouvelles  que  le  roy  Ferdinando  n'estoyt 
pour  faire  force  cest  y  ver,  mais  avecques  intelligence  d'aulcuns  de 
dedans  Budde  s'attendoyt  d'avoir  une  ou  deux  portes  pour  entrer  en 
icelle...  » 

Vol.  2,  f«  58  yo,  copie  du  wi"^  siècle;  1  p.  i/i  in-^. 

PELLICIER  A   M.    DE   LANGE V. 

66.  —  [Voiise],  10  octobre  1540.  —  Pellicier  a  reçu  ses  dernières 
lettres  datées  du  19  septembre,  avec  le  paquet  du  roi.  lia  attendu  pour 
lui  répondre  l'arrivée  d'un  jiaquet  annoncé  par  Rincon,  qu'il  lui  envoie 
présentement,  pour  le  faire  tenir  à  Sa  Majesté. 

«  ...  J'ay  détenu  le  gentilhomme  que  avez  envoyé  avecques  monsei- 
gneur l'arcevesque  de  Transylvania  qui  est  arrivé  icy  en  très  bonne 
santé,  Dieu  mercy,  pour  par  luy  vous  envoyer  ma  première  dépesche 
quant  l'occasion  s'y  adonnera...  » 

Pellicier  termine  sa  lettre  en  donnant  les  nouvelles  de  la  Hongrie  et 
de  la  cour  impériale  contenues  dans  la  lettre  au  roi  du  8  courant. 

Vol.  2,  f°  66,  copie  du  XVF  siècle;  1/3  p.  h\-P. 

PELLICIER   A   UINCON     *. 

67.  —  [Venise\,  i .2  octobre  i 540.  —  «  Monsieur,  j'espère  bien  que 
avant  que  ayez  receu  la  présente,  le  gentilhomme  que  vous  ay  dépesche 
le  pénultime  du  passé  pour  vous  porter  ung  pacquet  du  roy  sera  arrivé 
vers  vous;  par  lequel  pourrez  avoir  esté  amplement  informé  des  occur- 
rances  de  deçà.  Dont  vous  pryeray  seullement  m'advertyr,  si  jà  ne  l'aurez 
faict,  de  sa  venue  et  du  temps,  affin  que  je  le  face  entendre  à  S.  M.  et 
à  monseigneur  le  connestable,  suyvant  ce  qu'ilz  m'ont  commandé  de 

1.  «  Nota,  qu'il  fut  escript  cedict  jour  o  monseigneur  l'arcevesque  de  Raguse,  à 
messer  Francesco  Cliarli  en  Alexandrye  d'Egipte,  à  M.  de  Villegagnon,  et  à  messer 
Pelro  Pomar,  en  Gonstantinople. 

«  Item,  le  landemain  Xlll'  dudict  moys  fut  escript  aux  seigneurs  conte  de  la  Mi- 
randola  et  Hippolito  de  Gonzagues,  dont  n'en  fut  faict  minute.  » 


12»  AMBASSADE    DE  OCTOBUE    loiO. 

l'airo.  El  depuys  ay  recou  les  vosires  des  xxiiii''  d'aoust  elv"  septembre 
lout  en  un}^  inesme  jour,  enseiultle  un  pacquel  pour  S.  M.,  lequel  le 
lendemain  luy  envoyé  i)ar  la  voye  ordinaire  de  Tlmrin.  Kl  pareiilemenl 
ineonlinant  fei/.  distribuer  celluy  de  ceste  illu'^lrissime  Seigneurie,  et 
aussi  ay  mandé  celluy  (jui  s'adressoyl  à  M.  de  Kliode/,  et  donné  bon 
receple  à  tous  les  aullres  paciiuel/.  encbjd/  en  vostre  pacquet.  Jay 
esté  très  ayse  que  ayez,  congneu  telles  faulces  calompnyes  dont  vous 
avoys  escript  louchant  des  amys  des  ennemys  ayent  certainement 
esté  eslevées  et  mises  sus  par  aulcuns  qui  ne  peulvent  estre  sinon  ceulx 
«jue  vous  et  moy  croyons  estre  eulx-mesmes  ennemys  de  leur  bien 
publicque.  Et  pour  ce  que  telz  propo/.  sont  mainctenant  assouppiz  et  que 
ce/.  Seigneurs  sont  bien  asseurez  du  contraire,  je  ne  m'estendray  à  vous 
en  faire  aultre  discours...  »  Pellicier  enlrclient  Rincon  des  bonnes  nou- 
velles qu'il  a  reçues  de  l'ambassadeur  Badoaro,  des  entreprises  des 
Impériaux  et  des  aflaires  du  Levant,  dans  les  termes  de  la  lettre  au  roi 
du  8  courant. 

Quant  aux  nouvelles  de  France,  Pellicier  n'en  saurail  dire  grant 
chose,  «  sinon  que  M.  de  Lavaour  ayant  gousté  de  la  doulceur  et  bien  du 
repo/  chez  soy,  a  si  bien  sollicité  son  congé  qu'il  l'a  obtenu;  cl  est  allé 
pour  estre  en  sa  place  M.  de  Vueiliy  '  une  aultre  foiz.  Et  par  ce  que  cez 


I.  Claude  Dodieu,  scigiuiir  de  Vély  ou  Velly,  alibé  de  Saint-Riquier.  maître  des 
requil'les,  mort  ii  Paris  le  4  avril  lo.iS.  Dodieu,  qui  fut  pourvu  i'anuéc  suivante, 
en  récompense  de  ses  sersices,  de  révèclié  de  Rennes,  (juil  conserva  jusqu'à  sa 
mort,  avait  déjà  été  chargé  d'une  mission  diplomatique,  en  lo37,  auprès  de  Tempe- 
rcur,  a\ec  lequel  il  avait  conclu  la  trêve  de  Mon(;on.  Les  lettres  qui  le  désignaient 
comme  successeur  de  Georges  de  Selve  à  la  cour  de  Charles-Quint  furent  datées 
de  la  Roche-Guvon,  le  il  septembre  1510  (B.  N..  nis.  Clairambaull  121j,  f"  ~l'>. 
78  V,  et  79). 

Les  Dodieu,  noblesse  de  robe  et  d'épée.  étaient  d'origine  lyonnaise.  On  trouve 
à  Lyon,  ilés  14o8,  entre  autres  titulaires  de  ce  nom,  un  Jean  Dodieu,  prévôt  de>- 
maréchaux  de  la  province  de  Lyonnais  (Inv.  sotnm.  des  Archiv.  de  Lyon,  t.  11. 
p.  09,  col.  I). 

En  loi;',,  Jean  Dodieu,  fds  de  Jacques,  laissa  pour  héritiers  Claude,  conseiller  au 
Parlement  de  Paris,  qui  parait  être  notre  ambassadeur,  et  Guillaume  son  frère, 
courrier  de  la  poste  à  Lyon  [Inv.  somm.  di's  archiv.  de  Lyon,  t.  H,  p.  38,  col.  1). 
Ce  Guillaume  fui  chargé  d'une  mission  i)rès  de  Francesco-.Maria  ïrforza,  fluc  de 
Milan,  dans  les  premiers  mois  de  1529  (V.  Cui.  des  actcfs  de  François  1",  t.  VL 
Suppl.,  p.  168.  n"  19,753).  Claude  Dodieu,  seigneur  de  Rivaz  en  Forez,  hérita  de-' 
importantes  propriétés  que  son  père  possédait,  tant  à  Lyon  qu'à  Saint-Just. 
Millery,  Tassin,  Nuelles  et  l'Arbresle  (V.  Inv.  sojynn.  des  Archiv.  de  Lyon,  t.  II. 
pp.  38  et  47,  col.  1). 

Claude  Dodieu  avait  un  neveu,  Claude  Dodieu,  seigneur  d'Epcrcieux,  qui  fut 
chargé  de  diverses  missions  diplomatiques  à  la  cour  de  l'empereur,  à  Rome,  eu 
Ecosse  et  en  Italie,  de  1535  à  1511  (B.  N.,  ms.  fr.,  281C,  f°  57,  et  Cal.  des  actes  de 
François  I",  t.  II!,  p.  091,  n"  10,070,  et  t.  IV,  pp.  lOi  et  220,  n*"  11,475  et  12,015). 

Epercicux-Sainl-Paul  est  un  village  du  déparlement  de  la  Loire,  arrondissement 
de  Montbrison,  canton  de  Feurs. 

Enlln,  le  même  Catalogue  mentionne  un  autre  Claude  Dodieu,  •  cousin  »  de 
l'ambassadeur,  venu  de  Madrid  à  Evrcux  pour  j»orler  des  nouvelles  au  roi  de  la 
part  de  son  parent,  en  mars  1535  (t.  III,  p.  44,  n"  7664).  Ne  serait-ce  point  le  même 
que  le  précédent? 


OCTOBUE    lo40j  (iUILLAUMli    PELLICIER  125 

Seigneurs  (jnl  onteudii  de  leur  ambassadeur  prez  dudicl  empereur,  le 
roy  ne  vouUu\  t  plus  sentyr  parler  d'aultres  parti/  si  en  premier  lieu 
icelluy  empereur  ne  luy  envoyoyt  en  une  carte  '  clairement  la  resti- 
tution de  Testât  de  Millau,  et  que  chascun  le  sçeut  et  Tentendist.  De 
<juoy  l'empereur  avoyt  laicl  entendre  à  tout  le  monde  que  à  luy  ne 
avoyt  tenu  que  la  paix  ne  se  feist,  mais  que  le  roy  n'en  voulloyt  plus 
sentyr  traicler  ne  parler.  p]t  que  depuys  S.  M.  avoyt  mandé  audict 
empereur  que  le  marquiz  du  Guast  journellement  faisoyt  contreven- 
tions  directement  à  la  trefve,  et  qu'il  s'en  deschargeoyt  devant  Dieu  à 
tout  le  monde  si  elle  ne  se  tenoyt  plus;  car  il  n'en  avoyt  esté  cause.  A 
quoy  ledict  empereur  avoyt  respondu  que  si  ledict  marquiz  et  ses  gens 
avoyent  faict  chose  contre  icelle,  n'estoyt  de  son  sceu  ne  intencion,  et 
qu'il  avoyt  voullenté  de  la  garder  à  présent  mieulx  que  jamais.  Par 
lettres  de  l'ambassadeur  de  ce/dictz  Seigneurs  prez  du  roy  des  Rom- 
mains,  du  xix"  du  passé,  l'on  entend  que  ledict  roy  avoyt  mandé  son 
second  filz  à  la  court  de  l'empereur,  le  pryant  et  sollicitant  instemment 
qu'il  luy  voulsist  donner  pour  femme  la  douairière  de  Millau  avecques 
la  duché,  pour  par  ce  moyen  incorporer  et  asseurcr  ladicte  duché  à  la 
maison  d'Autriche  à  perpétuylé,  et  que  ledict  roy  donnoyt  quelque 
espérance  de  faire  le  mariage  d'une  de  ses  filles  avecques  le  nouveau 
duc  de  Mantoue  -.  » 

Pellicier  s'étend  ensuite  sur  les  événements  de  Hongrie,  dont  il  tient 
le  récit  de  l'archevêque  de  Transylvanie  récemment  «  arrivé  icy  de 
retour  de  France  »  et  les  relate  dans  les  mômes  termes  que  ceux  de  sa 
lettre  à  Cesare  Fregoso,  du  9  courant. 

...  <(  Monsieur,  je  vous  mercye  très  humblement  tant  qu'il  m'est  pos- 
sible de  la  peyne  qu'il  vous  a  pieu  prendre  pour  faire  deslivrer  Jehan 
Petro,  et  aussi  de  la  faveur,  support  et  ayde  que  faictes  ordinairement 
à  ceulx  desquelz  vous  ay  escript;  et  mesmement  à  mon  pouvre  voysin 
Jehan  de  Farges%  lequel  tousjours  de  tout  mon  cueur  je  vous  recom- 
mande, et  surtout  le  gentilhomme  que  vous  aydépesché  dernièrement, 
n'oblyant  jamais  de  vous  supplyer  vouUoir  obtenyr  le  sauf  conduyct 
duquel  vous  ay  escript  pour  le  seigneur  Francesco  Charli,  marchant 
résidant  à  Âlexandrye  d'Egipte,  comme  de  nation  florentine  et  non  fran- 
çoise  ne  aultre.  Et  ce  me  sera  merveilleusement  grant  accroisssement 
de  tant  de  plaisyrs  que  journellement  me  faictes  :  dont  si  en  récom- 


1.  Charte. 

2.  Franscesco  III  di  Gonzaga,  second  duc  de  Mantoiie  ol  marquis  de  Montferraf, 
épousa  en  effet,  quand  il  eut  atteint  sa  dix-septième  année,  Catherine,  tille  de 
Ferdinand,  roi  des  Romains.  Né  en  1533,  il  mourut  le  21  février  1550. 

3.  On  trouve  dans  VTnr.  so7»m.  ries  Archiv.  de  Lyon,  t.  III,  pp.  S2,  col.  1,  et  S4. 
col.  2,  un  Jehan  de  Farges,  de  Saint-Cyr-au-Mont-d'Or  (Rhône),  maitre  carrier 
ayant  fait  des  fournitures  de  pierres  de  taille  pour  la  réfection  du  pont  du  Rhône, 
à  Lvon.  de  1508  à  1510. 


1-JO  AMDASSADK    DK  [OCTOBRE    1540] 

pense  je  puys  quelque  chose  pour  vous,  en  m'en  adverlissant  le  feray 
d'aussi  bon  cueur...  » 

Vol.  »*,  1"  GCi,  copie  ilu  \vr  siècle:  ;f  pii.  l/^J  iii-r». 


l'KI.I.ICIEH  A  VINTENZO  MAGCIo'. 

68.  —  I  Venise .,  12  octobre  I  ôlO.  —  Pelliciera  reçu  ses  deux  lettres, 
la  dernière  datée  du  -4  septembre,  avec  un  paquet  à  l'adresse  de  l'am- 
bassadeur de  .Mantoue,  ([u'il  lui  a  fait  tenir.  Dès  qu'il  aura  reçu  la 
réponse,  il  la  retournera  à  Maggio. 

Vol.  3,  1°  08,  copie  liii  \vr  siècle;  i/ip.  in-f». 


l'ELLICIEU    \    HAHEI.AIS    -. 

69.  —  Venise],  SI  octobre  lôiO.  —  «  Monsieur,  pour  n'avoir  point 
receu  lettres  de  vous  depuys  que  vous  ay  escript,  et  aussi  à  vous  dire 
la  vérité  pour  la  presse  et  occupation  que  je  euz  faisant  la  dernyère 
dépesche  de  Thurin,  n'eu/,  bonnement  loysyr  de  vous  escripre.  Si  est-ce 
toutefois  que  si  j'eusse  eu  chose  digne  de  vous  faire  sçavoir,  n'eusse 
demouré  pour  rien  du  monde  à  vous  le  faire  entendre.  Et  à  présent 
mandant  le  porteur  de  cestes,  mon  maistre  d'hostel,  jusques  au  pays 
pour  mes  affaires,  ne  l'ay  vouUu  laisser  passer  sans  vous  présenter 
mes  bonnes  et  affectueuses  recommandations,  et  faire  offre  que  n'es- 
pargne/  aulcunement  tout  ce  que  congnoistrez  estre  commode  en  ma 
maison,  tant  pour  M.  de  Langey  que  pour  vous;  car  luy  en  donnant 
charge,  il  a  commission  de  moy  de  l'accomplyr,  et  pareillement  de 
vous  dire  de  ma  part  quelques  propo/.  touchant  le  gentilhomme  messer 
Anthonio  Ter/o,  duquel  depuys  la  bonne  espérance  qu'il  vous  plut 
m'en  donner,  laquelle  luy  feiz  entendre,  m'a  sollicité  grandement  de 
luy  en  tlonner  la  totalle  résolucion.  Et  de  faict,  ainsi  que  j'ay  entendu 
daultres  que  de  luy,  il  a  délaissé  depuys  de  beaulx  parti/,  ausquel/, 
n'a  voullu  entendre  jusques  ad  ce  qu'il  ayt  eu  responce  de  monsei- 
gneur de  Langey  et  de  vous,  laquelle  je  vous  prye  me  faire  sçavoir  le 
plus  tost  qu'il  vous  sera  possible.  Et  m'esbahis  bien  que  nous  sommes 
si  longuement  sans  avoir  aulcunes  nouvelles  de  vous;  dont  je  suys 
entré  en  double  que  n'ayez  quelque  indisposition,  que  Dieu  ne  veuille. 
De  rechef  je  vous  recommande  ceste  alfaire;  car  ce  me  sera  entre  les 
aultres  obligations  que  j'ay  à  M.  de  Langey  et  à  vous  l'une  des  plus 
grandes  ainsi  que  vous  dira  ledict  porteur.  Quant  aux  nouvelles  de 

!.  En  italien. 

2.  "  A  Monsieur  le  iloi^tcur  Uabellais.  • 


[octobre   1o40j  GUILLAUME   PELLICIER  127 

deçà,  il  n'y  aaultre  sinon  que  maislre  Martin  '  et  moy,  avecques  quatre 
aultres  collateurs,  sommes  tousles  jours  aprezàrescrutier  livres  gréez, 
et  mesmement  les  œuvres  de  Gallien,  les  meilleurs  comme  vous  feray 
entendre,  mais  que  les  ayons  parachevez,  suyvant  ce  que  M.  de  Thulles 
m'a  dernièrement  escript  par  commandement  de  S.  M.  Et  pour  ce 
faire,  a  ordonné  qu'il  sera  baillé  quelque  provision;  je  ne  sçay  quelle 
elle  sera,  mais  si  est-il  que  avec  la  despense  qu'il  fault  faire  pour  faire 
transcripre  livres,  se  montera  à  peu  prez  aultant  que  ma  despense 
ordinaire,  si  ne  suys-je  encores  pour  ({uicter  le  jeu,  quelque  avance- 
ment que  je  y  face,  tant  que  je  treuveray  moyen  par  moy  et  mes  amys, 
que  je  n'aye  avancé  plus  en  l'œuvre. 

Je  attend/-  en  grant  dévotion  des  racines  de  la  nardus  cellica  et  de 
Yanthora  avecques  leurs  terres  dedans  (juelques  petites  boystes,  pour 
s'il  est  possible  les  faire  alumnes  et  citoyennes  en  nostre  jardin  de 
ceste  ville;  et  avecques  ce  des  aultres  telles  pour  la  médecine,  comme 
m'avez  mandé  vouUoir  faire  -...  » 

Vol.  2,  f»  68,  copie  du  xvi"  siècle;  1  p.  in-r\ 

l'Ei.uciEn  \y  noi  :;. 

70.  —  '  Venise  ,  .26  octobre  Io40.  —  Pcllicier  a  reçu  les  lettres  du  roi 
du  20  septembre  «  en  attendant  lettres  du  Levant.  Lesquelles  doibvent 
venyr  bien  tost,  ainsi  que  j'estime,  pour  ce  que  le  seigneur  Rincon, 
par  ses  dernières  du  xvic  septembre,  m'escript  n'avoir  eu  loysir  faire 
responce  à  vostre  pacquet  du  xxviie  de  juillet,  pour  la  presse  du  mes- 
sager dépesché  à  cez  Seigneurs  par  leur  ambassadeur  Badouare;  mais 

1.  Ce  maître  Martin,  (ju'on  retrouvera  [ilus  loin,  dans  une  lettre  adressée  à  Du 
(^hàlel,  le  2  (lécen>l)re  de  la  même  année,  semble  jiuuvoir  être  identifié  avec  le 
célèbre  Martin  AkaUia,  ou  Sans-Malice,  médecin,  éditeur  de  Galien,  et  lecteur  royal 
au  Collèj;e  <le  France.  Il  publia  le  De  curandi  ratione  à  Paris,  en  1538,  et  à  Venise. 
en  1547;  et  YArs  medicandi  à  Paris  en  15i3,  et  à  Lyon  en  1548.  Né  à  (Ihàlons-sur- 
Marne,  dans  les  dernières  années  du  xV  siècle,  il  mourut  à  Paris  en  looi. 

A  la  même  époque  vivait  un  certain  Jean  Martin,  parisien,  qui  fut  secrétaire  de 
Maximilien  Sforza,  relire  en  France  après  la  cession  de  son  duché  de  Milan  à 
Franrois  I".  A  la  mort  de  son  maître  (1530),  il  entra  au  service  du  cardinal  de 
Lenoncourt,  près  duquel  il  demeura  jusqu'à  la  mort  de  celui-ci  (lljS^).  Lui-même 
mourut  entre  1550  et  1553.  On  lui  doit  de  nombreux  ouvrages  d'érudition,  et  des 
traductions  de  l'.\rioste,  de  Sannazar,  de  Hembo,  etc.  C'est  ce  J.  Martin  qui  tra- 
duisit notamment,  à  la  prière  de  Serlio,  Le  premier  et  le  second  livre  d'Architecture, 
j»ubliés  il  Paris  en  1545,  in-f". 

2.  Nard  celtique,  ainsi  nommé  parce  qu'on  le  recueillait  autrefois  dans  les  mon- 
tagnes de  la  Gaule  celtique:  on  en  trouve  encore  aujourd'hui  dans  les  Alpes  ita- 
liennes. Celte  plante  aromatique,  célèbre  déjà  du  temps  de  Dioscoride,  a  de  gramles 
analogies  avec  la  valériane.  —  Anthora,  variété  d'aconit. 

Ce  dernier  alinéa  a  été  totalement  omis  dans  le  texte  publié  par  .M.  Jannct. 
Alumnes,  «  élèves  »,  du  latin  alumna. 

3.  -  yiola.  que  la  présente  dépeschc  fut  envoyée  le  xxix'=  dudict  moys,  et  fut 
escript  à  M.  de  Langey  ledict  xxix<=.  » 


128  AMBASSADE    DE  [oCTOnUE    1540J 

»jue  bien  tosl  il  fiToyt  enlendre  ainpleinenl  di;  ses  nouvelles,  el  espère 
qui'  par  la  proiiiièr»'  dépesclio  qui  viendra  du  couslé  de  delà,  l'on  sera 
atlvcrly  do  la  tolallc  conclusion  el  résolucion  de  la  i)aix  denlre  ces- 
dicl/.  Seigneurs  fl  le  (iranl  Si'igneur.  Car  ledict  messaj^cr  venu  à  ce/. 
Sei^'iu'urs  m'a  dicl  iju'il  rencontra  le  vx*"  dudict  moys  de  septembre 
.laneziu  à  troys  journées  de  Conslaiitiiiople,  lequel  portoyl  la  responce 
(jue  cez  Sei^neu^s  avoyenl  faicte  sur  les  nouveaulx  articles  que  le 
Granl  Seigneur  et  ses  bascliat/.  avoyent  mys  en  avant,  ainsi  que  ay 
escript  à  V.  M.  Kl,  comme  m'escript  ledict  seigneur  Rincon,  on  atten- 
doyt  par  delà  ledict  Janezin  à  grant  dévotion,  ne  me  faisant  entendre 
a\illre,  sinon  (jue  ung  des  ])lns  gr<i7,  et  principaulx  seigneurs  des  (îéor- 
gians  ',  (jui  est  une  nation  grcccpie  cijnliiiant  d'une  bande  avi'cques  la 
Persia,  a  mandé  à  la  Porte  du  (îrant  Seigneur,  ung  ambassadeur  du 
Soi>lii,  homme  d'assez  belle  présence  *,  lequel  ledict  Sophi  avoyt  envoyé 
devers  luy  pour  le  faire  voulter  '  de  son  cousté,  comme  puis  naguères 
avoyt  faict  plusieurs  aultres  subject/-  dudict  Grant  Seigneur.  Et  se  pré- 
sumoyt  qu'il  auroyt  la  genne  *  pour  sçavoir  plus  oullre  de  sa  charge 
et  commission;  et  estimoyt  l'on  encores  qu'il  seroyt  payé  de  la  mesme 
monnoye  que  l'aultre  qui  fut  desfaict  avecques  le  cappitaine  Petro 
Siculi,  duquel  ay  escript  à  V.  M.  que  avoyt  commission  du  vice-roy  de 
Naples  d'aller  suborner  Napoli  de  Romanye  et  aultres  pays  et  terres 
de  cez  Seigneurs.  Et  me  enquérant  par  le  menu  des  nouvelles  de  delà 
audicl  messager  mandé  par  ledict  ambassadeur  de  cez  Seigneurs,  m'a 
dict  que  Barberosse  avoyt  preste  à  icelluy  ambassadeur  deux  mil  du- 
catz  pour  payer  quelques  choses  qu'iLdisoyt  le  Grant  Seigneur  luy 
demander,  lesquelles  ne  m'a  sceu  aultrement  donner  à  entendre,  mais 
bien  disoyt  que  le  tout  se  pourroyt  accorder  avecques  argent.  Et  m'a 
dict  aussi  (juil  avoyt  trouvé  auprès  de  Philippopuli  '  les  ambassadeurs 
de  Hongrye,  qui  alloyent  vers  le  Grant  Seigneur  avecques  force  groz 
présens;  et  qu'il  avoyt  aussi  rencontré  prez  de  .\ndrinopoli  cinq  cens 
chameaulx  qui  alloyent  en  Constantinople  pour  lever  le  bagaige  du 
Granl  Seigneur,  lequel  de  ceste  heure  debvoyt  estre  par  chemyn  pour 
venyr  faire  son  yver  audict  Andrinopoli,  et  que  l'on  faisoyt  besoigner 
en  fort  grant  presse  à  l'arcenal  de  Constantinople.  Qui  est  tout  ce  que 
puys  dire  pour  le  présent  à  V.  M.  du  cousté  du  Levant. 

«  Sire,  quant  aux  nouvelles  de  Hongrye,  M.  Tarcevesque  de  Transil- 
vania,  qui  est  icy,  m'a  dict  avoir  entendu  comme  le  roy  Ferdinando 
estoyt  encores  le  xi"  de  ce  moys  à  Neuslat,  et  son  armée  à  cinq  milles 

4.  Depuis  1.")20,  la  Géorgie  orionlalc  était  dovonuc  vassale  «les  souverains  <lo  la 
Perse,  et  la  Géorgie  occiilenlale.  des  empereurs  ottomans. 

■2.  Prestance. 

:(.  Voiler,  tourner. 

i.  Géhenne,  torture. 

■j.  Pliilippopoli  fie  Uoumélie,  sur  la  rive  tlmite  rie  la  Marilza.  à  160  kilom.  d'An- 
drinople. 


foCTORUE    lairO]  GUILLAUME    l'KLLltlHR  129 

de  Vienne,  qui  est  de  environ  le  nombre  de  quinze  mille  hommes;  et 
que  la  reyne  de  Hongrve  estoyt  toujours  en  Budde,  où  estoyent  entrez 
l*elro  Vie,  conte  de  Themesfar,  proche  parent  du  deiï'unct  roy  ',  avec- 
ques  cinq  mille  Ratziens  -,  Thurec  Valente  ^  avecques  deux  mil,  et 
frère  George,  trésorier,  avecques  mil;  lesquelz  Thurec  et  frère  George 
avovent  faict  venvr  des  environs  de  la  Transilvania  et  aultres  lieux 
voysins  seize  mil  Turcqs  qu'ils  avoyentconduictz  àhuict  mil  de  Budde, 
et  n'atlendoyent  sinon  l'occasion  de  venyr  aux  mains.  Ledict  seigneur 
arcevesque  attend  de  jour  en  jour  ung  sien  serviteur  qu'il  avoyt  envoyé 
en  Hongrye,  par  lequel  l'on  pourra  plus  amplement  et  au  vray  estre 
informé  de  ce  qu'il  se  faict  de  ce  cousté  là  :  de  quoy  ne  fauldray 
advertyr  incontinent  V.  M.  si  la  matière  le  requiert. 

«  Sire,  par  lettres  que  cez  Seigneurs  ont  receues  de  leur  ambassadeur 
prez  du  roy  des  Rommains,  ont  entendu  que  ledict  roy  estoyt  jà 
pourveu  de  dix  mille  aventuriers  et  de  quatre  mil  chevaulx  pour  aller 
au  recouvrement  du  royaulme  de  Hongrye.  Dont,  voyant  que  son  con- 
seil estoyt  fort  destourné  et  allienné  de  ceste  entreprise,  a  voullu 
entendre  leurs  oppinions  et  les  raisons  pourquoy;  lesquelz  luy  ont 
respondu  et  remonstré  troys  choses  :  la  première,  que  S.  M.  se  advise 
qu'elle  donne  commencement  à  une  grant  et  longue  guerre,  laquelle 
pour  beaulcoup  de  respectz  seroyt  contrainct  mainctenyr  avecques 
merveilleux  frai/,  et  qu'il  failloyt  pencer  la  mode  de  ce  povoir  faire. 
Âllégoyent  en  oultre  que  la  Hongrye  se  retrouvant  divisée  en  troys 
partyes,-  en  quels  affaires  pourroyt  venyr  S.  M.  s'il  se  retrouvoyt  au 
meilleu  de  ses  discordz;  car  les  deux  se  pourroyent  unyr  ensemble, 
sçavoir  est  celle  qui  veult  le  jeune  enfant  roy,  et  laultre  qui  demande 
le  Turcq,  et  que  toutesfoiz  et  quantes  que  le  Turcq  vouldroyt  venyr,  ce 
ne  auroyt  à  estre  sinon  avecques  grosse  puissance.  Dont  falloyt  bien 
pencer  comment  tout  iroyt,  voullant  conclure  icelluy  conseil  que 
S.  M.  feroyt  as.sez  de  conserver  ce  qu'il  tenoyt  et  print  garde  de  ne  le 
mettre  à  l'aventure,  pour  voulloir  conquérir  ce  qui  est  es  mains 
d'aultruy.  Mais,  ainsi  que  escript  ledict  ambassadeur,  S.  M.  n'est  pour 
entendre  à  ce  que  dessus,  et  ne  laissera  de  poursuyvre  ladicte  entre- 
prise, se  fondant  et  confyanl  sur  les  forces  du  Sophi,  pour  avoir  supé- 
dité  jusques  à  présent  la  plus  grant  partye  de  la  Persia,  et  encores 
donné  assez  d'affaires  à  la  Babilonia  ^;  et  oultre,  pour  ce  qu'il  s'at- 
tendoyt  dedans  peu  de  jours  nouvelles  que  quelques  ungs  des  plus 
grans,  voire  à  l'aventure  quelque  bassa,  se  auroyenl  à  rebeller  contre 


1.  Le  magnat  Petrovirs,  comte  do  Téme^^var.  , 

2.  Les  Rasci  ou  Raïtzi,  ancienne  population  de  la  Bosnie  {Rascia)  dont  il  ne  reste 
plus  que  quelques  vestiges  dans  les  environs  de  Novi-Bazar.  Ces  montagnards 
étaient  employés  comme  troupes  irrégulières. 

3.  Vaienlin  Tôrôk. 

4.  La  Babylonie. 

Venise.  —  1540-1542.  9 


130  AMBASSAUi:    DK  ^OCTOBRE    lo40j 

le  Grant  Seigneur.  Et  espéroyl  heaulcoup  S.  M.  de  la  bonne  amytié 
qu'il  avoytavcciiucs  Icdicl  Sdplii. 

«  Sire,  ce  jourd'luiy  en  rai>aiil  la  préseule  dépesche,  M.  l'ambas- 
sadeur de  l'empereur,  qui  est  icy,  m'a  envoyé  adverlyr  (ju'il  avoyt  eu 
lettres  d'Kspai^ne  du  seigneur  Cours  ',  comme  domp  Bernardino,  frère 
dudict  seigneur  ambassadeur  ',  avecques  douze  gallères,  estoyt  allé 
trouver  les  fustes  des  Mores  qui  avoyent  sacaigé  Giballar  ^  ;  lesquel/. 
s'esloyent  relire/,  en  une  petite  isle  prez  de  la  Barbarye  qu'il  ne  m'a 
sceu  nommer,  où  pour  se  reffraiscliyr  avoyent  mis  les  poupes  en  terre, 
et  estoyent  en  nombre  quatre  gallères,  huict  galleotles,  et  quatre 
fustes.  Et  voullant  ledict  domp  Bernardin,  aprez  avoir  esté  descouvert 
par  iceulx  Mores,  les  attirer  en  la  baulte  mer,  feist  semblant  de  prendre 
la  fuyle.  Quoy  voyant  lesdictz  Mores  le  poursuivirent  jusques  environ 
vingt  cini[  mil,  où  soubdain  ledict  domp  Bernardino  leur  tourna  le 
visaige  et  se  attacha  avecques  eux.  Et  combatirent  fort  et  ferme 
ensemble,  de  sorte  qu'il  y  eust  bien  environ  troys  cens  Espaignolz 
tuez.  ïoulesfoyz  euflin  lesdictes  fustes  eurent  le  pyre  et  furent  prinses 
ou  mises  à  fous  de  ladicte  armée  moresque.  Les  quatre  gallères,  sept 
galleoltes  et  laultre  avecques  les  quatre  fustes  beaulcoup  endoni- 
maigées  eschappèrent.  De  quoy  ledict  ambassadeur  n'a  failly  en 
donner  des  nouvelles  Irionphalles  à  cez  Seigneurs,  adjoustant  là- 
dessus  à  iceulx  que  André  Dorya,  avecques  cinquante  gallères  el 
trente  naves  qu'il  avoyt  assemblées  en  Sicille,  et  douze  qu'il  avoyt 
prinses  à  Naples,  et  auitres  d'ailleurs,  jusques  en  tout  faisant  le  nombre 
de  cent  voilles,  estoyl  allé  au  royaulme  de  Alegier,  et  avoyt  desjà  si 
bien  exploiclé  qu'il  avoyt  prins  Monaslerio  \  ville  de  Barberosse,  des- 
libéré de  poursuyvrc  bien  plus  avant  sa  victoire;  choses  que,  ainsi  que 
l'on  n'a  pas  pour  trop  certaines  icy,  l'on  ne  croyt  point  totallement. 
J'ay  aussi  entendu  tout  à  cesle  heure  comme  cez  Seigneurs  avoyent 
eu  lettres  de  leur  ambassadeur  prez  du  roy  des  Romains,  les  adver- 
tissant  comme  ceulx  qui  tiennent  son  party  en  Hongrye  luy  faisoyent 
entendre  qu'ilz  ne  se  déclareroyent  ne  mouveroyent  aultrement  jus- 
ques ad  ce  que  luy  avecques  son  armée  fust  au  devant  de  Bude  : 
chose  que  luy  a  grandement  agréé,  donné  espoir  et  accreu  le  couraigo, 
ensemble  se  confyant  de  ce  que  le  Grant  Seigneur  pourra  estre  bien 
embesoigné  àl'aflaire  du  Sophi,  et  pareillement  qu'il  se  pourra  amuser 
et  différer  de  mettre  ordre  à  la  deffence  dudict  royaulme,  soubz  l'ombre 


I.  Martin  Corlez  de  Monroy,  marquis  de  Guaxara.  lils  de  Fernan  Cortez,  le 
fameux  conquérant  du  Mexique.  Il  avait  épousé  sa  cousine  germaine,  Anna,  tillo 
de  l'edro,  comte  dAt-'uilar,  el  d'Anna  d'Arcllano,  héritière  du  comté  d'Aguilar. 

■2.  Bernardino  Hurlado  de  Mendoza,  frère  puiné  de  l'ambassadeur  à  Venise,  capi- 
taine général  des  galères  de  Sicile,  tué  à  la  bataille  de  Sainl-Quenlin  en  1557. 

3.  Gibraltar. 

».  Miiiifisiir,  port  de  Tunisie,  à  10  kilom.  de  Sousse. 


ÎOCTOnUE    do40]  GUILLAUME   PELLICIER  131 

et  colleur  des  ambassadeurs  h  luy  envoyez  par  les  Hongres;  et  cepen- 
dant icelluy  roy  fera  toute  diligence  de  mettre  à  exécution  son  entre- 
prinse.  » 

Vol.  "2,  f"'  68  v»,  copie  du  w  [f^  siècle;  2  pp.  1/2  in  f'^. 

PELLICIER  AU   CONNETABLE. 

71.  —  [Venise],  .26  octobre  i 540.  —  «  Monseigneur,  vous  avez  bien 
peu  congnoistre  par  cy  davant  comme  aulcunes  foiz  les  occurrences 
et  nouvelles  viennent  en  ceste  ville  par  undées;  car  quelquefoiz  il 
adviendra  que  Ton  demeurera  quinze  et  seize  jours  sans  avoir  chose 
digne  de  faire  sçavoir  au  roy  ne  à  vous,  et  puis  aprez,  tout  en  ung 
coup,  il  en  viendront  tant  de  toutes  pars  que  l'on  est  presque  conlrainct 
en  laisser  de  telles  qui  pourroyent  bien  servyr  à  ung  bcsoing  quant 
I'du  en  est  si  mal  pourveu  pour  mander  celles  qui  sont  de  plus  grant 
importance.  Comme  à  présent  depuys  les  miennes  dernières  que  ay 
escriptes  à  S.  M.  et  à  vous  du  viii'=  de  ce  moys  n'estoyt  rien  sur- 
venu, sinon  depuys  deux  jours,  et  encores  hier  fuz  adverty  de  tout  ce 
que  j'escriptz  au  roy  et  à  vous.  Sauf  que  ce  jourd'huy  les  Espagnolz 
ont  apporté  nouvelles  comme  les  fustes  de  Mores  qui  avoyent  saccaigé 
Gibraltar,  ainsi  qu'il  vous  a  pieu  m'escripre  par  la  vostre  du  v°  de  ce 
moys,  ont  esté  prins,  ainsi  que  verrez  simplement  par  ce  que  je  en 
escriptz  au  roy.  Dont  ne  vous  en  feray  aulcune  répéticion,  mais  bien 
vous  diray  que,  voullant  accomplyr  le  commandement  qu'il  vous  plaist 
me  faire  ordinairement  de  advertyr  le  roy  et  vous  de  tout  ce  que 
puys  apprendre  de  tous  cousiez,  n'ay  voullu  obmettre  à  vous  escripre 
ung  article  d'une  lettre  que  l'ambassadeur  de  cez  Seigneurs  prez  de 
l'empereur  leur  a  escript  en  semblables  parolles  :  «  Messeigneurs, 
«  quant  aux  choses  de  Testât  de  Millan  ,  de  quoy  Vos  Seigneuries 
«  m'ont  escript,  je  vous  prye  ne  prester  foy  à  aulcunes  personnes, 
«  car  ce  sont  toutes  bayes  \  ainsi  que  tousjours  vous  ay  escript; 
«  ains  plus  tost  l'empereur  consentiroyt  de  bailler  l'Espaigne  au 
«  roy  de  France  que  Testât  de  Millan.  Vray  est  que  les  praticques  et 
«  demandes  avecques  grandes  offres,  haultz  priz  et  partys  ne  faillent; 
«  mais  certainement  ledict  empereur  demeure  ferme  et  non  muable, 
«  et  escoutte  bien  ung  chascun  gracieusement,  mais  puys  aprez  S. 
«  M.  faict  ce  qu'il  luy  semble  estre  le  meilleur,  et  ne  veult  tant  de 
«  divers  conseillers  à  résouldre  ses  affaires.  » 

«  Monseigneur,  par  aultres  lettres  que  l'ambassadeur  de  cez  Sei- 
gneurs leur  escript,  leur  faict  entendre  icelluy  empereur  luy  avoir 
dicl  par  fourme  de  complaincte  que  le  roy  luy  avoyt  faict  faire  en 
Allemagne  tous  les  plus  maulvais  offices  dont  il  s'estoyt  peu  adviser, 

1.  Sottes,  niaises. 


J32  AMIiASSADE    DE  foCTOBRE    1 540] 

ot  foroyl  encore  de  présenl  s'il  liiy  esfoyl  possible;  mais  qu'il  y 
donncroyl  telle  |>rovisi()n  que  a  ladvcnvr  les  desaings  de  S.  M. 
ue  sorlirovent  à  eircel.  Doiil  il  se  déuionstrovl  tant  l'àclK'  cl,  comme 
il  dicl,  instinu'if/fito  '  (ju'il  n'csloyl  jiossihle  de  plus,  demandant  au- 
diet  ambassadeur  en  (|uel/.  larmes  se  relrouvoyl  la  paix  de  cez  Sei- 
gneurs avecques  le  Tiircq.  A  (iu<iy  ftisl  responce  que  dcpuys  qu'il 
hiy  avoyl  présenté  lettres  de  sa  Seigneurie,  n'en  avoyt  rien  entendu. 
Sur  qnoy  icelluy  empereur  luy  dist  froidenu'ut  :  <<  J'ay  congneu  et 
«  congnoys  la  Seigneurie  avoir  trop  creu  aux  parolles  et  persuasions 
«  franroises,  et  nommément  pour  donner  cez  deux  terres;  altentlu 
<i  mesmemenl  que  ce  sont  lieux  de  telle  importance  qui  se  debvroyenl 
«  tenyr  et  deiTendre  avecques  le  propre  sang.  Car,  moyennant  icellcs, 
((  d'heure  en  heure  le  Turcqse  pourra  faire  seigneur  de  toute  la  Candye 
«  et  plusieurs  aultres  pays,  et  venyr  jusques  en  llallye,  sans  aultre 
('  contraste,  eu  façon  que  ta  Seigneurie  en  pourroyt  porter  grant 
.'  dommaige  et  pcyne,  ensemble  les  autres  seigneurs  de  la  chrestienté.  » 

<(  Escript  aussi  icelluy  ambassadeur  que  dedans  peu  de  jours  l'empe- 
reur mettra  tel  ordre  en  Allemaigne  qu'elle  luy  portera  obéyssance, 
non  seulement  en  sa  présence,  ains  en  son  absence.  Et  davanlaige 
escript  aussi  icelluy  ambassadeur  que  icelluy  empereur  debvoyt  man- 
der le  seigneur  de  Granvelle  ^  à  la  diette  de  Wormes;  et  depuys  avoyt 
dict  en  voulloir  faire  faire  une  aultre  en  Ratisbonne,  où  se  retrouve- 
royt  pour  donner  commencement  à  moult  de  choses.  Et  entre  aultres 
choses  là  verroyt-il  si  l^sçavoir  du  duc  de  Clèves  seroyt  pour  Tempes- 
cher,  disant  ledict  seigneur  empereur  que  icelluy  duc  de  Clèves  le 
povoyt  bien  prolonger,  mais  fuyr  non  :  menassant  que  la  monstre  n'en 
seroyt  moingdre  que  celle  de  Gand,  sçavoir  est  la  pugnicion  et  ensemble 
tous  ses  secquaces,  Dict  aussi  qu'il  a  laissé  le  gouvernement  de 
Flandres,  comme  d'avant.,  à  la  royne  Marie  ^;  disant  aussi  en  aprez 
icelluy  empereur  que  si  les  affaires  de  la  Ilongryc  ne  le  détenoyent 
par  grant  nécessité,  il  prendroyt  son  adresse  pour  venyr  en  cestc 
Ilallie  pour  la  festc  des  Roys,  où  il  demeurera  pour  donner  fin  à  plu- 
sieurs choses  qui  sont  nécessaires.  Et  sur  ce  propoz  icelluy  ambassa- 
deur escript  que  le  roy,  ayant  entendu  ce  que  dessus,  dist  :  «  Si  Tem- 
«  pereur  ira  en  llallye,  et  moy  à  Lyon  pour  Thurin.  » 

«  Monseigneur,  j'ay  puis  naguères  receu  lettres  de  M.  Tévesque  de 

1.  Estomaqué. 

■2.  Nicolas  Perronot  de  Granvelle.  liianrelier  de  l'empire,  né  à  Ornans  en  liSti, 
mort  à  Aiigsbonrg  le  l.-i  août  I.'IDO.  il  avait  eu  de  son  mariafre  avec  Nicole,  sœur  de 
François  Bonvalol,  ambassadeur  de  Charles-Ouint  en  France,  onze  enfants,  dont  le 
plus  célèbre  fut  Antoine,  cardinal  de  Granvelle. 

Le  chancelier  présida  en  efTi'l,  en  i5i0.  les  dictes  de  Worms  et  rie  Ratisbonne. 

3.  Marie  d'Autriche,  fille  de  l'archiduc  Phili|>pe  le  Beau,  et  sœur  de  Charles-Quint, 
née  en  I;j03,  morte  en  1558.  L'empereur  lui  avait  confié,  depuis  l.";3I,  le  gouverne- 
ment des  Pays-Bas,  dont  elle  s'acquittait  avec  une  fermeté  rare. 


[octobre    ioiO]  GUILLAUME    PELLICIER  133 

Loddes  ',  qui  est  allé  à  Romme,  pour  aulcuns  siens  affaires  qu'il  a 
avecques  dame  Constance  -,  me  faisant  entendre  que  le  pape  luy  voul- 
loyt  parler,  désirant  comme  il  estoyt  adverty  sçavoir  si  cez  Seigneurs 
Véniciens  se  accordcroyent  avecques  le  roy,  et  si  leur  accord  ou  paix 
avecques  le  ïurcq  alloyt  avant,  pour  aultant  qu'il  avoyt  eu  ung  adviz 
de  Constautinople  que  ledict  accord  s'en  alloyt  troublant.  Et  que  Sa 
Saincleté  certainement  en  son  secret  se  relrouvoyt  non  seuUement  en 
quelque  mal  contentement  de  l'empereur,  mais  encores  en  craignoyt 
beaulcoup,  me  disant  avoir  entendu  de  bon  lieu  que  Sadicte  Saincteté 
désireroyt  fort  parachever  le  maryage  en  France.  Il  m'escript  aussi  que 
incontinent  qu'il  aura  entendu  plus  amplement  de  tout  ce  que  dessus, 
qu'il  ne  fauldra  de  me  le  faire  entendre.  Et  sur  ce  propoz  de  ladicte 
paix  et  accord  de  cez  Seigneurs  avecques  le  Grant  Seigneur,  il  y  a 
quelques  ungs  icy  qui  se  doutent  qu'il  ne  vienne  avant.  Ce  néant- 
moings  je  ne  sçày  entendre,  ne  veoys  pourquoy,  ne  sur  quoy  ils  se 
puissent  fonder,  car  les  affaires  survenuz  audict  Grant  Seigneur,  tant 
du  cousté  de  Levant  que  de  la  Hongrye,  le  doibveront  plus  esmou- 
voir  et  haster  à  le  parfaire  que  auparavant. 

«  Monseigneur,  je  croy  que  aurez  bien  entendu  par  M.  de  Rliodez  la 
jallosye  et  supeçon  en  quoy  sont  entrez  les  villes  de  Plaisence  et 
Crémonne,  se  tenant  sur  leurs  gardes  les  ungs  des  aullres,  et  pour  cest 
effect  estoyent  entrez  deux  cens  souldars  espaignolz  audict  Crémonne  ; 
mais  je  n'ay  sceu  sçavoir  les  raisons  qui  sont  cause  de  ce.  Pareillement 
le  duc  de  Florence  fortiffye  sa  ville  et  a  faict  porter  dedans  toutes  les 
victuailles  de  delà  les  Alpes,  et  aulcuns  ont  voullu  dire  icy  qu'il  avoyt 
faict  pendre  troys  courriers  du  pape;  toutesfoiz  la  nouvelle  n'en  est 
encores  bien  certaine.  Vous  aurez  aussi  peu  entendre  la  mort  de  quel- 
ques cardinaulx  espaignolz;  dont  ne  m'estanderay  à  vous  en  faire  plus 
long  propoz  ^.  » 

Vol.  2,  f-^  69  v°,  copie  du  xvi'=  siècle;  2  pp.  in-f°. 

PELLICIER   AU   MÊME. 

72.  —  [Venise],  26  octobre  i 540.  —  «  Monseigneur,  ne  voullant  rien 
obmettre  à  vous  faire  entendre  de  ce  que  congnoys  appartenir  au  faict 
de  ma  charge,  me  confyant  que  Vostre  Excellence  prendra,  selon  son 
accouslumée  bonté,  tousjours  le  tout  en  bonne  part,  m'a  semblé  vous 
debvoir  averlyr  séparément  de  ma  lettre  comme  cez  Seigneurs  ont  eu 

1.  Lodovico  Simonetta. 

2.  CûsLinza  Farnese. 

3.  Celaient  Enrique  de  Borgia,  évêque  de  Sqiiillace,  cardinal  (15.39),  morl  le 
10  septembre  1540,  et  Pedro  Manrique  de  Aguilar,  évèque  de  Cordoue.  cardinal 
(1538),  mort  le  1  octobre  1540. 


13+  AMBASSADE    DE  [OCTOIUIE    1540j 

nouvelles,  —  mais  ne  m'a  esté  possible  avoir  peu  entendre  par  qui,  — 
que  le  roy,  si  Dieu  pur  sa  grâce  n'y  pourveoyl  bien  losl,  estoyt  en  dispo- 
sition de  tomber  en  quelque  grosse  malladye  incurable;  et  veuUent 
dire  de  ydropisye.   Dont,  Monseigneur,  vous  ay  bien  voulu  donner 
advi/,  affin  que  par  les  moyens  (jue  sraurez  trop  mieulx  advisor  l'on 
face  congnoislre  le  contraire  il  cez  Seigneurs;  car,  à  vous  dire  la  vérité, 
il  semble  que  cela  les  pourroyt  faire  dianeurer  plus  retenuz  beaulcoup 
«lu'ilz  ne  feroyent  envers  nous.  El  me  semble,  soubz  correction  de  voslre 
meilleur  adviz.  que  ce  ne  seroyt  que  bien  à  propoz  de  faire  telles  démon- 
strations du  contraire  à  leur  ambassadeur  qui  est  prez  de  S.  M.  qu'il 
eust  bonne  matière  de  les  cerliffyer  de  la  bonne  santé  et  prospérité  en 
quoy.  Dieu  mercy,  il  se  retreuve  de  présent  et  en  laquelle  je  le  supplye 
le  voulloir  mainctenyr.  Et  encores  à  son  retour  par  deçà,  qui  sera 
de  brief  comme  je  puys  comprendre,  car  celluy  qui  doibt  aller  en  sa 
place  m'a  dict  se  debvoir  partyr  la  sepmaine  qui  vient,  ne  seroyt  que 
bon  luy  en  tenyr  quelques  propoz,  pour  les  oster  du  tout  de  telle  cré- 
dulité, me   remettant   toutesfoiz  du  tout  à  vostre  singuUier   et   bon 
jugement. 

«  Monseigneur,  j'ay  parlé  au  seigneur  Francesco  Bellrame,  qui  est 
celluy  serviteur  du  roy  duquel  vous  avoys  escript  pour  sçavoir  la 
séquelle  des  conseilz  ainsi  que  m'avez  mandé  touchant  le  cardinal  de 
Ravenne  avecques  ses  secquaces,  qui  m'a  promys  y  tenir  l'œil  et  m'en 
advertyr  au  jour  la  journée.  Il  est  vray  que  il  est  résidant  icy,  et  sans 
se  transporter  sur  les  lieux  ne  pourroyt  bonnement  trouver  bien  le 
secrets  de  telz  affaires.  Par  quoy  luy  est  nécessaire  y  employer  temps 
et  argent,  chose  qu'il  ne  reffusera,  pour  la  dévotion  qu'il  porte  à  S.  M. 
Ce  néantmoings,  Monseigneur,  il  vous  plaira  d'estre  adverly  que  M.  de 
Rhoddez  estant  icy,  pour  avoir  faict  entendre  au  roy  les  bons  services 
dudict  seigneur  Beltrame,  luy  avoyt  faict  donner  provision  de  quelque 
pension  et  charge;  de  quoy  en  avoyt  eu  les  lettres,  toutcsfoyz  il  n'en  a 
jamais  joy.  Dont  s'est  trouvé  quelque  temps  plus  retiré  de  nous  que 
n'estoyt  sa  coustume;  mais,  le  trouvant  grandement  nécessaire  pour 
le  service  de  S.  M.,  par  bons  entretiens  Tay  remys  en  son  premier 
estât,  luy  donnant  quelque  espoir  que  'Vostre  Excellence  ne  l'oblyera 
point  envers  S.  M.  Monseigneur,  le  cardinal  de  Ferrare  vous  pourra 
mieux  advertyr  de  ses  bonnes  quallitez  et  services  qu'il  faict  et  est 
pour  faire  journellement  à  S.  M.  » 

Vol.  2,  f"  70  v°,  copie  du  xvi''  siècle;  1  p.  in-f°. 


!  OCTOBRE    lo40]  GUILLAUME    PELLICIER  135 

l'ELLICIER    A    DU  PEVn  AT  *. 

73.  —  [Venise],  26  octobre  io40.  —  PcUicier  le  remercie  de  «  la 
bonne  souvenance  »  qu'il  lui  plaît  avoir  de  lui,  par  les  trois  lettres  qu'il 
en  a  reçues,  «  dont  la  dernière  est  du  xxviiio  du  passé  ».  Les  nombreuses 
occupations  de  sa  charge  l'ont  empêché  jusqu'ici  d'y  faire  réponse. 

On  s'attend  à  Venise  à  la  conclusion  prochaine  de  la  paix  avec  le 
Grand  Seigneur;  «  car  jà,  pour  la  grant  confyance  que  l'on  en  a  en 
caste  ville,  se  sont  parlycs  deux  naves  pour  reprendre  la  traflique  du 
Levant,  dont  l'une  est  allée  en  Allexandrye  d'Egypte  et  laultre  à 
Constantinoplc  :  chose  à  mon  adviz  qu'ilz  n'eussent  mys  au  hazard, 
s'ilz  n'eussent  très  bien  congneu  avoir  quelque  bonne  issue  de  ladicte 
paix  ».  Rincon  s'y  emploie  également  de  tout  son  pouvoir,  et  Pellicier 
avertira  Du  Peyrat,  dès  que  la  nouvelle  certaine  en  sera  parvenue. 

Il  termine  en  informant  Du  Peyrat  des  affaires  de  Hongrie,  dans  les 
termes  de  la  lettre  à  Rincon,  du  12  courant. 

Vol.  2,  ^>  7!,  copie  du  xvi"^"  siècle;  3/i-  p.  in  f°. 


PELLICIER  A   RINCON  -. 

74.  —  [Venise],  3  J  octobre  1540.  —  Pellicier  a  reçu,  outre  sa  lettre 
du  IG  septembre,  des  nouvelles  de  la  cour  et  un  paquet  du  roi  à 
l'adresse  de  Rincon,  qu'il  lui  envoie  présentement. 

Le  roi  est  d'avis  «  de  ne  laisser  entièrement  obtenyr  le  béneffice  de 
la  paix  à  ces  Seigneurs  sans  en  recepvoir  quelque  commodité  »  et 
pense  que  dès  maintenant  l'on  en  peut  toucher  à  Rincon  quelque 
parole.  Quant  à  Pellicier,  on  a  remis  à  la  prochaine  dépêche  à  lui  en 
écrire  plus  au  long,  «  pour  l'ennuy  et  facherye  oîi  se  retrouvoyt  S,  M. 
pour  la  malladye  de  Mgr  le  daulphin,  lequel  a  esté  griefvement  mallade 
d'un  flux  de  ventre,  etc.  —  Comme  aux  lettres  receues  du  roy  du  xv° 
octobre  '. 

1.  •<  .\  monsieur  Du  Perat,  dudicl  XXVI"  jour  d'octobre.  » 

Jean  Ou  Peyrat.  conseiller  du  roi,  lieutenant  général  de  la  sénécliaussée  de  Lyon, 
mort  le  15  Janvier  \Y>V.).  C'est  à  lui  que  le  médecin  lyonnais  Pierre  Tolcf  dédia. 
en  lo42.  sa  traduction  française  de  la  Relation  de  l'expédition  de  Charles-Quint 
contre  Alirer,  rédigée  en  latin  par  Yillegagnon  (V.  la  publication  de  H.-J).  de  firam- 
inont,  citée  plus  haut).  Du  Peyrat  était  en  relations  suivies  avec  les  princii>aux 
humanistes  de  son  temps;  Etienne  Dolet,  Nicolas  Bourbon  l'Ancien  lui  ont  adressé 
lies  poésies  latines. 

2.  .<  Sota.  qu'il  fut  esciipt  ccdict  jour  à  M.  de  Raguse,  auquel  fut  portée  ceste 
dépesche  asec  un  pacquet  du  roy  par  La  Bove,  expressément  ]»<)ur  le  faire  tenyr 
audict  seigneur  Rincon.  » 

La  Bove,  courrier. 

3.  Ces  lettres  manquent,  comme  on  l'a  pu  voir  précéilemmcnl. 

Les  Ib  et  16  octobre,  le  roi  et  Montmorency  écrivaient  également,  de  Saint-Prix 


136  AMBASSADE    DE  [OCTOIIUE    lîiiO] 

»  Monseigneur,  aukuns  de  cez  Seigneurs  se  doublent  fort  que  le 
Granl  Seigneur  ne  lace  diriicullé  de  s'accorder,  et  ne  sçay  dont  ilz  ont 
tel  suspeçon;  mais  si  est-il  (jue  le  pape  a  esté  adverty  de  Conslanti- 
noplt'  (jue  lodicl  accord  s'en  alloyl  Irouhlanl,  chose  que  l'on  Irouveroyt 
bien  l'slraiige,  ayant  W.  (Irant  Seigneur  tel/,  allaircs  à  luy  survenuz 
nouvrllenienl,  tant  du  couslê  de  la  Persia  «lue  de  Hongrye,  et  estant 
advenue  la  delFaicte  de  ceste  armée  de  Barberye  par  le  seigneur  domp 
Bernardin  de  Mendoça,  et  s'il  est  vray  ce  que  l'on  a  de  divers  lieux  icy, 
que  André  Doria,  avecques  une  très  grande  armée,  ayt  prins  Monas- 
terio  en  At'rica,  et  poursuyve  tousjours  plus  avant,  comme  vous  enten- 
drez cy  aprez  —  l'on  Irouveroyt,  dis-je  derechef,  bien  estrange  que 
le  Grand  Seigneur  feisl  relfus  et  délay  pour  peu  de  chose  de  parachever 
ladicle  paix  et  accord,  vous  asseurant  qu'il  y  auroyl  grand  danger  que 
avecques  les  menées  des  Impériaulx  et  ministres  de  l'empereur  qui 
sont  en  Itallye,  cez  Seigneurs  ne  se  retirassent  pour  toutes  cez  choses. 
Et  à  ce/,  lins  l'on  entend  icy  que  l'empereur  est  pour  mander  gens  tout 
exprez,  les  meilleurs  ouvriers  et  le  plus  secrettement  qu'il  pourra,  pour 
essayer  de  remettre  sus  ses  alliances  avecques  cez  Seigneurs.  Par  quoy 
est  bien  besoing  que  vostre  prudence  veille  en  ce,  et  s'y  porte  si 
dexlrement  que,  s'il  est  possible,  ilz  ne  recullenl  point  de  ce  qui  a  esté 
accordé  entre  eulx,  et  s'il  est  possible  que  avecques  ce  le  roy  y  ail  telle 
commodité  que  vous  ay  escript.  Et  pour  induyre  miculx  ces  seigneurs 
bassalz,  leur  pourrez  mettre  en  avant  les  nouvelles  de  la  deffaicte  des 
lustes  de  Barberye...  » 

Pellicier  reprend  alors  le  récit  qu'il  en  a  fait  dans  sa  lettre  au  roi,  du 
26  octobre. 

«  L'empereur  doibt  estre  icy  pour  l'Epiphanie,  mais  non  pas  sans 
premièrement  avoir  tenu  une  diette  à  Ratisbonne,  où  il  est  bien  des- 
libéré de  se  trouver  et  par  toutes  voyes  faire  qu'il  puysse  avoir  accord 
quel  qu'il  soyt  avecques  les  luthériens....  Le  pape  le  doibt  aller  trouver 
à  Boulongne  *,  lequel,  comme  cez  Seigneurs  ont  nouvelles,  s'en  vient 
tout  chargé  d'or  de  la  Flandre  qu'il  a  eu   pour   son  Péroux  *  à  ce 

où  se  tenait  alors  la  four,  à  Charles  de  Marillac.  ambassadeur  de  France  en  Angle- 
terre, que  le  daiiiiliiu  avait  été  atteint,  depuis  onze  jours,  «  d'un  flux  de  ventre, 
avec  excoriation  et  une  frrosse  fièvre  dont  il  est  quasi  du  tout  délivré  »  (J.  Kaulek, 
Corresp.  de  MM.  de  Ca.itillon  et  de  Marillac,  pp.  231  et  232). 

L'ami )assadeur  anglais  Wallop  transmettait,  dès  le  H,  les  mêmes  nouvelles  à 
son  maître  :  «  In  wriliii^'  Ihis  my  leller,  I  was  advertised  tiiat,  the  same  niglit  tlie 
Frenehe  King  came  to  Ihe  Dolpliyn,  lie  was  merveylus  soor  syck  et  feable,  in  .so 
muche  that  he  sowndyd  Ihe  sayd  nyght  thrce  lymes;  and  dyvers  be  of  th'  opynion, 
yf  he  es(af)e,  liyt  sh.ilhf  very  liardly,  Hc  halhe  had  a  gret  flux  de  ventre,  and 
hath  avoided  grêle  abundaunce  of  blode  at  his  nose,  havyng  a  fevre  with  ull; 
whiche  now  hath  left  hym,  whercupon  Ihey  hâve  some  hope  •  (State  papers  of 
Henry  Vlll,  vol.  VIII.  p.  "449j. 

1.  Bologne. 

2.  Le  Pérou  venait  d'être  exploré  et  conquis  i)ar  Almagro  el  Pizarre,  de  1526  à 
1533,  et  sa  richesse  était  aussitôt  devenue  proverbiale. 


[nOVEMBUE    1o40]  GUILLAUME    PELLICIER  liJl 

vovaige.  Toutes  lesquelles  choses  donnent  grandement  à  penser  à  cez 
Seigneurs  et  les  rendent  grandement  estonnez  et  retenuz...  » 

Pellicier  conclut  avec  les  nouvelles  de  Hongrie  et  du  Milanais  dont 
il  a  été  question  dans  sa  lettre  au  connétable,  en  date  du  20. 

Vol.  -,  f"  ~1  V,  copie  du  xvi"  siècle;  1  p.  1/4  in-f'^. 

PELLICIER    AU    ROL 

75.  —  [Venise],  7  novembre  1340.  —  "  Sire,  depuys  les  dernières 
que  ay  escriptes  à  V.  M.  du  xxvi"=  du  passé,  ay  receu  celles  qu'il  vous 
a  pieu  m'escripro  du  xv^  dudict,  et  par  icelles  entendre  la  grâce  que 
Dieu  par  sa  pitié  nous  a  faicte  de  la  convallescence  et  presque  assurance 
de  guérison  de  monseigneur  le  daulphin,  chose  que  n"ay  failly  incon- 
tinant  faire  entendre  à  cez  Seigneurs  et  aultres  voz  bons  serviteurs  et 
affectionnez  de  deçà,  qui  en  ont  eu  merveilleusement  grant  plaisyr  et 
consolacion,  estimant  bien  quel  béneffice  est,  non  seuUement  pour  le 
royaulme  de  France,  mais  pour  toute  la  chrestienté,  sa  longue  vye  et 
prospérité;  remcrcyant  très  humblement  V.  M.  de  ce  qu'il  luy-apleu 
m'en  adverlyr  de  bonne  heure,  car  peu  de  jours  aprez  en  sont  venues 
très  maulvaises  nouvelles  icy,  qui  eussent  peu  mettre  beaulcoup  de 
gens  en  grant  trouble  et  fâcherye,  pour  ne  sçavoir  la  vérité,  et  mesme- 
•ment  moy  davantaige,  pour  ne  sçavoir  que  respondre,  si  par  vostre 
bonté  n'eusse  eu  pour  leur  satisfaire  et  les  rendre  consolez. 

«  Sire,  quant  aux  occurrances  et  nouvelles  de  deçà,  je  vous  diray 
comme  cez  Seigneurs  ont  receu  lettres  de  leur  ambassadeur  prez  de 
V.  M.,  les  advertissant  d'aulcuns  propoz  que  icelle  luy  avoyt  tenuz,  et 
de  la  requeste  et  supplicacion  qu'il  vous  avoyt  faicte  à  ce  qu'il  pleust 
à  V.  M.  voulloir  bien  escripre  au  seigneur  Rincon  en  faveur  de  cez 
Seigneurs,  affin  qu'il  sollicilast  plus  vivement  que  jamais  en  vostre 
nom  leur  paix  et  accord  envers  le  Grant  Seigneur.  A  quoy  V.  M.  avoyt 
faict  si  très  bonne  et  amyable  responce,  que  cez  Seigneurs  en  ont  esté 
merveilleusement  aises  et  coûtons;  mais  encores  plus  pour  avoir 
entendu  comme  passent  voz  affaires  avecques  l'empereur,  et  aussi  pour 
avoir  faict  entendre  audict  ambassadeur,  comme  il  escript,  vostre 
meilleur  advys  et  jugement  touchant  les  affaires  de  l'empereur 
avecques  les  Allemans  qu'il  prétend  et  faict  courir  le  bruyct  qu'il  est 
pour  toutallement  faire  selon  son  desaing  à  ceste  prochaine  dyette; 
et  semblablement  pour  avoir  entendu  de  V.  M.  l'exploict  et  issue  qui 
est  pour  avoir  le  roy  des  Romains  en  son  entreprise  de  Hongrye. 
Desquelles  choses  cez  Seigneurs  ont  esté  plus  confirmez  et  asseurez 
bien  tost  aprez  avoir  receu  lettres  de  leur  ambassadeur  prez  de  l'em- 
pereur, du  xvii"  du  passé,  disant  touchant  les  affaires  dudict  Seigneur 
avecques  les  Allemans  qu'il  se  promettoyt  assez  et  voulloyt  bien  faire 


i:\H  AMBASSADE    DE  NOVEMURE    in'tO 

à  croire  (ju'il  accordoroyt  cl  foroyl  tout  ('c  (|uil  voiildroyl  es  AlU'mai- 
};iu's;  mais  que,  à  ce  qu'il  povoyl  cognoislrc,  il  sen  fauldroyt  l)eaul- 
c'oup  :  chose  ([iii  a  esté  escripte  encoros  d'aultre  pari  ii  cez  Seif^neurs. 
Kt  paroillement ,  (juand  csl  de  rentiopriuso  du  roy  dos  Roinmains, 
<»nl  entendu  par  le  nia^Miiriicciue  Marin  Jiislinian,  —  qui  puis  naj^uères 
i'stanl  do  relour  de  sou  ambassade  devers  iodicl  roy,  faisant  le  rapport 
de  sa  cliar}j;e'  — ,  que  en  somme  il  n'eslimoyt  ne  veoyt  le  moyen  qu'il 
fust  pour  rien  advancer  audicl  aflaire,  pour  ce  qu'il  n'a  point  d'obé- 
diance,  arj^ent  ne  cappilaines,  ou  aultres  facuUoz  pour  venyr  à  chef  de 
ladicto  ontroprinso.  Parqu(jy  no  veoyt  qu'il  fust  en  cecy,  sinon  pour 
esmouvoir  les  honneurs  du  corps  de  Hongrye,  sans  rien  vuyder  ne 
proflilor  d'icelluy  à  soy  ne  audict  royaulme,  sauf  de  inciter  le  Turcq 
aproz  (jue  luy  et  lodiet  royaulnio  se  soroyent  assez  cassez  et  ruinez  à 
venyr  subjuf;uer  entièrement  ledict  pays  et  y  mettre  bassatz  pour  le 
gouverner  :  chose  qui  tourneroyt  à  grant  perte  et  meschef  de  toute  la 
chrostienté.  et  mesmement  à  ceste  Soigneurye,  pour  la  grant  vicinité 
d'icelluy  pays  avecques  les  leurs.  Et  ad  ce  que  povoyt  cognoistre 
icelluy  ambassadeur,  ladicte  Seigneurie  ne  se  pourroyt  pas  beaulcoup 
collauder  ne  valloyr  dudict  roy,  advenant  que  ledict  royaulme  lui 
demeuras!,  pour  l'affection  qu'il  veoyt  avoir  à  icelle,  et  mesmement 
s"il  vcnoyt  à  ses  desaings  d'avoir  le  duché  de  Milan,  ce  qu'il  sou- 
haitoyt  et  pourchassoyt  tant  qu'il  n'est  possible  de  plus. 

«  Sire,  sur  le  propoz  de  ladicte  entreprinse,  les  Impériaulx,  cong- 
noissans  que  on  entendoyt  bien  icy  que  ledict  roy  n'estoyt  pour  faire 
grant  chose,  ont  semé  ung  bruict  que  nonobstant  «lue  les  Hongres 
désirassent  et  voulsissent  plus  tost  avoir  pour  seigneur  icelluy  roy  que 
nul  aultre  qui  y  prétende  droict,  ce  néanlmoings  qu'ilz  n'estoyent 
pour  l'accepter,  pour  aullant  qu'il  n'estoyt  assez  puissant  pour  résister 
aux  forces  du  Grant  Seigneur;  mais  qu'ils  cherchoyent  de  se  donner 
il  l'empereur,  pour  par  luy  estre  maintenuz  et  gardez  comme  celluy 
qui  est  assez  puissant  pour  ce  faire.  Toutesfoys  l'on  met  icy  telle 
nouvelles  au  nombre  des  aultres  à  l'acoustumée  par  eux  controuvées. 

«  Sire,  j'ay  esté  adverty  par  ung  bien  bon  et  loyal  serviteur  de  V.  M. 
comme  ces  prochains  jours  passez,  aprez  que  cez  Seigneurs  eurent  tenu 
leur  grant  conseil,  au  sortir  de  là,  quelque  nombre  d'entre  eulx  se 
réduyrent  ensemble  en  ung  lieu  foi-t  secret,  d'où  ilz  feirent  retirer  tous 
les  secrétaires  et  aultres  qui  n'estoyent  de  leur  conseil  eslroict,  où 
furent  jusques  à  troys  heures  de  nuict.  Je  n'ay  peu  sçavoir  au  vray 
quelz  affaires  ilz  traictèrent  là;  mais  si  est-il  que  au  départyr  ilz  fai- 
-soyent  démonstracion  d'estre  fort  joyeulx  et  allègres.  Seullement  ay-je 


I.  OIte  relation  manque.  On  ne  possède  de  cet  ambassadeur  que  celle  quil  pré- 
senta en  1">.'53,  à  son  retour  de  France  (V.  Tonimasco,  t.  1,  jt.  41,  et  Alberi,  série  i. 
t.  1.  p.  I  loi.  Marino  Giusiiniani  eut  iioiir  successeur  Francesco  Sanulo. 


[novembre    i;i40j  GUILLAUME   PELLICIER  139 

entendu  par  ung  homme  digne  de  foy  qu'il  avoyt  oy  quant  ung  des 
plus  grans  d'entre  eulx  dist  à  ung  des  procureurs*  de  Sainl-Marcq  le 
plus  secrettement  qu'il  peull,  «  que  les  affaires  de  ceste  républicque  ne 
povoyent  mieulx  aller  qu'ils  faisoyent,  car  ils  estoyent  adverliz  que  le 
Grant  Seigneur  leur  remetloyt  les  troys  cens  mil  escuz  qu'ils  ont 
accordé  lui  bailler,  et  se  contenteroyt  des  deux  places  de  Romanye  et 
Malvaisye,  pourvu  qu'ils  se  desliassent  de  la  ligue  qu'il/,  ont  avecques 
l'empereur  et  ne  lui  baillassent  aulcune  ayde  ne  secours,  ou  bien  que 
ledict  Grant  Seigneur  se  contenteroyt  des  trois  cens  mil  escuz  sans  les- 
dictes  deux  places,  s'ilz  voulloyent  faire  ligue  avecques  V.  M.  et  vous 
donner  ayde  et  secours  contre  tous,  chose  que  ledict  gentilhomme 
monstroyt  croire  que  ladicte  Seigneurie  accepteroyt  voullentiers.  Je  ne 
sçay,  Sire,  dont  pourroyent  estre  venus  telz  advertissemens;  car  il  y 
a  longtemps  qu'il  n'est  venu  icy  nouvelles  quelconques  de  Constanti- 
nople,  de  Raguse  ne  aultre  lieu  du  cousté  du  Levant.  Et  ne  puyspencer 
que  ce  soyt  d'aultre  part  que  par  la  voye  de  Rome,  pour  aultant  que, 
comme  vous  ay  escript,  l'on  entendoyt  à  Rome  que  le  pape  avoyt  esté 
adverty  de  Constantinople  que  les  affaires  d'entre  cez  Seigneurs  et  le 
Grant  Seigneur  s'alloyent  prolonguant  et  engarbouillant-.  Et  depuys 
peu,  auparavant  ledict  conseil,  est  venue  icy  aultre  nouvelle  de  Rome 
par  laquelle  j'ay  esté  adverty  particulièrement  de  M.  de  Loddes,  qui 
m'escript  de  là,  qu'il  avoyt  entendu  d'ung  ambassadeur  qui  y  est 
comme  les  choses  de  ceste  Seigneurie  estoyent  conclues,  de  sorte  qu'ilz 
ne  bailleroyent  point  au  Grant  Seigneur  Napoli  de  Romanye  et  Mal- 
vaisye. Je  m'efforceray  d'entendre  mieulx,  s'il  est  possible,  de  ce  qui 
en  est,  pour  puys  après  le  faire  sçavoir  à  V.  M.,  combien  que  je  m'at- 
tendz  bien  qu'il  ne  peult  plus  guères  tarder  que  l'on  n'en  ayt  les  plus 
bonnes  nouvelles  de  Constantinople,  car  pour  le  long  sesjour  desjà 
chascun  demeure  icy  estonné  qu'ilz  ayent  tant  arresté...  » 

Vol.  2,  f''  72,  copie  du  xvi«  siècle;  2  pp.  i/2  iii-f». 

PELLICIER  AU  CONNETABLE. 

76.  —  [Venise],  7  novembre  1540.  —  «  Monseigneur,  encores  que 
lorsque  receuz  les  vostres  du  xvi«  du  passé,  qui  fut  le  dernier  d'icelluy, 
n'y  eust  icy  aulcun  bruyct  de  la  maladye  de  monseigneur  le  daulphin, 

1.  Les  procurateurs  de  Saint-Marc,  dignité  considérable,  la  première  dans  l'État 
après  celle  de  doge.  Les  procwatori  di  soprà  avaient  l'administration  de  l'église  de 
Saint-Marc  et  de  la  place  de  ce  nom;  les  procwatori  di  ullrà  e  citrà  géraient  les 
tutelles  ordonnées  par  les  testateurs  en  deçà  et  au  delà  du  Grand  Canal  (Baschet, 
Archives  de  Venise,  p.  670).  La  vénalité  des  charges  modifia  souvent  le  nombre  des 
titulaires  de  celle-ci,  qui  régulièrement  était  de  neuf  (V.  Amelot  de  la  Houssaye, 
Histoire  du  gouvernement  de  Venise). 

2.  Embarbouillant. 


1  iO  AMHASSADE    L»E  [nOVEMIIUE    1o40] 

ce  Déanlnioings  puys  tiu'il  avoyl  pieu  à  Dieu  qui-  nous  eussions  eu 
aussilost  nouvelles  de  sa  convallescenee  el  presque  asseurance  de 
entière  ^uérison  (juc  de  son  mal,  ne  faillys  inconlinanl  l'aller  dénoncer 
el  faire  entendre  à  ce/.  Seigneurs,  qui  feirent  dénionslracion  d'en 
avoir  graiil  plaisyr  el  consollacion  ;  et  suyvant  ce  qu'il  vous  a  pieu 
m'escriijre,  de  faire  tenir  le  pacquel  qui  s'adressoyt  au  seigneur 
Rineon  le  plus  seurenient  el  le  plus  losl  qu'il  nie  seroyt  possible, 
ledict  jour  inesmes  (pie  le  receuz,qui  l'ut  le  dernier  du  passé,  dc'pesché 
expressément  ung  hriganlin  avec(jues  ung  de  mes  gens  dessus  pour 
cest  effect  jusques  à  llaguse.  Dont  ay  receu  lettres  depuys  les  dernières 
que  vous  ay  escriptes,  du  x.vvr  oLlobre,  de  M.  l'arcevesque  et  de  celluy 
que  avoys  dépesché  expressément  jusques  à  Conslantinoplc,  pour 
porter  l'aultre  précédent  pac<iuet  au  seigneur  Kincon,  suyvant  ce  ([u'il 
avoyl  jtleu  au  roy  et  à  vous  me  commander,  ainsi  que  vous  ay  escript 
cy  davanl.  Lequel,  pour  le  maulvais  temps  ([u'il  eut  à  aller  juscjues 
audict  Haguse,  nonobstant  que  ledict  briganlin  fust  très  bien  équippé 
mist  liuict  joursà  y  arriver,  qui  fut  le  vu'  dudict  moys  passé,  d'où  se 
partist  le  viir,  ainsi  que  m'escript  ledict  seigneur  arcevesque,  et  luy 
estant  bien  délibéré  de  faire  si  bonne  dilligence  qu'il  mettroyt  peyne 
de  recouvrer  par  terre  une  partye  du  temps  qu'il  avoyt  demeuré  sur 
mer;  et  l'avoyt  accompaigné  ledict  seigneur  arcevesque  d'une  bien 
bonne  guyde  et  seure. 

«  Monseigneur,  l'ambassadeur  de  cez  Seigneurs  prez  de  l'empereur 
escript  que  icelluy  empereur  estoyt  pour  entrer  de  brief  eu  Allemaigne, 
et  que  à  ceste  cause  le  duc  Loys  de  Bavières  '  s'en  estoyt  party  de  la 
court  pour  aller  donner  ordre  en  quelques  lieux  de  son  pays  par  les- 
quelz  icelluy  empereur  debvoyt  passer,  et  que  M.  de  Grantvelle  se 
debvoyt  partir  de  brief  de  la  court  dudict  empereur  pour  aller  faire 
ung  voyaigc  à  la  maison  elle  revenyr  trouver  à  la  dietle  de  Ratisbonne 
où,  s'il  ne  lient  (jue  aux  choses  de  la  foy  que  l'empereur  ne  s'accorde 
avec(|ues  les  luthériens,  icelluy  ambassadeur  dict  qu'il  n'y  aura  pas 
granl  différend  ne  difficulté.  Disant  aussi  que  le  duc  Philippes  de 
Bavières  *  luy  a  faict  sçavoir  que  quant  il  seroyt  bien  ainsi  que  l'empe- 
reur et  le  roy  s'accordassent,  et  que  cela  deust  tourner  au  dommaige  de 
ceste  républicque,  qu'il  ne  fauldroyt  jamais  à  la  secouryr  avecques  tous 
ses  aniys  et  alliez,  de  sorte  qu'ilz  ne  seroycnt  pas  trop  pressez  de  leurs 
Majeslez.  El  là  dessus  allègue  icelluy  duc  de  Bavières  eslre  peu  contant 
de  l'empereur,  et  occullement  le  haylt  grandement,  el  que  lesdictz 
ducz  sont  mieulx  aymez  et  ont  plus  granl  crédict  es  AUemaignes  que 

1.  Louis  V  le  Pacifique,  duc  de  Bavière,  comte  palatin  et  électeur,  né  le  2  juil- 
let 1 118,  niurl  sans  postùrilé  le  IG  luars  15H. 

2.  PliilijipL'  11  le  Belliqueux,  duc  do  Bavière,  comte  palatin,  chevalier  de  la  Toison 
d'or,  né  le  12  novembre  1503,  mort  sans  alliance  le  i  juillet  1548.  C'est  lui  qui  défen- 
dit Vienne  contre  les  Turcs  el  for(;a  Suleyman  à  lever  le  siège  en  octobre  1529. 


[novembre    1540]  GUILLAUME    PELLICIER  141 

nul  aiiltre  prince,  et  qu'il  estime  pour  tout  certain  que  si  l'empereur 
venoyt  à  faillyr,  que  l'ung  d'eulx  auroyt  meilleure  part  à  l'empire  que 
nul  aultre.  Et  certes,  Monseigneur,  ad  ce  que  je  puys  veoyr  et  con- 
gnoistre,  cez  Seigneurs  ont  grant  amytié  et  confiance  à  iceulx  ducz. 
Je  ne  veulx  aussi  oblyer  à  vous  dire  que  icclliiy  ambassadeur  escript  à 
cez  Seigneurs  que  l'empereur  debvoyt  mander  vers  le  roy  le  Pellou, 
pour  débattre  et  faire  apparoir  que  les  querelles  et  plainctes  que  M.  de 
Langey  avoyt  faict  entendre  touchant  les  contreventions  et  enfrainctes 
de  la  tresve  que  faisoyent  le  marquiz  du  Guast  et  aultres  ses  ministres 
n'estoyent  telles  qu'il  avoyt  faict  sçavoir. 

«  Monseigneiir,  journellement  viennent  à  moy  plusieurs  cappitaines 
et  ingéniers  pour  entrer  au  service  du  roy,  lesquelz,  suyvant  ce  qu'il 
pleut  au  roy  et  à  vous  m'en  commander  longtemps  a,  ay  tousjours 
entretins  jusques  icy  de  parolles  le  mieulx  que  j'ay  peu,  leur  donnant 
espoir  en  somme  que,  advenant  l'occasion,  S.  M.  s'en  vauldroyt  et  les 
appoincteroyt  de  sorte  qu'il/,    auroyent  cause  de  s'en  contenter  :  ce 
que  les  a  jusques  à  présent  mainctins  en  la  bonne  dévotion  quïlzontà 
S.  M.  ;  mais  voyans  qu'il  est  temps  de  se  pourveoir  et  d'estre  asse'urez 
de  ce  que  en  a  à  estre,  m'en  sollicitent  plus  que  jamais.  Entre  lesquelz 
y  a  ung  ingénier  nommé  misser  Jhéronimo  de  Treviso  qui,  par  l'adviz 
et  conseil  de  M.  de  Lavaour,  du  temps  qu'il  estoyt  icy  ambassadeur, 
fut  en  délibération   d'aller  trouver  le  roy  lorsque  l'empereur  fut  en 
Prouvence;  mais,  ne  trovant  les  passages  ouvers,  et  pour  estre  desjà 
tard  pour  y  povoir  servyr,  demeura  pour  ce  coup  là,  persistant  tous- 
jours  depuys  en  icelle  voullenté  d'estre  au  service  de  S.  M.  plustost, 
pour  beaulcoup  moings  qu'il   ne  feroyt  avecques  quelconque  aultre 
prince.  L'ambassadeur  de  l'empereur,  qui  est  icy,  le  faict  rechaircher 
journellement  pour  l'appointer  au  service  de  son  maistre;  mais  jamais 
n'y  a  voullu  entendre,  sans  premièrement  avoir  sceu  l'intencion   de 
S.  M.  et  de  vous.  Et  pour  vous  déceler  de  ses  quallitez,  vous  diray 
comme  entre  aultres  choses  m'a  monstre  ung  modelle  d'ungpont,  pour 
entrer  en  une  ville  par  force  ou  à  l'emblée,  fort  subtil;  et  entendz 
qu'il  a  encores  plusieurs  aultres  secretz  servans  à  cest  affaire.  Mais 
quant  il  n'en  auroyt  point  d'aultres  que  celluy  dudict  pont,  et  qu'il  le 
puysse  aussi  bien  adopérer  par  effect   en  sa  grandeur  comme  il  dé- 
monstre en  sondict  modelle,  chose  qu'il  promet  faire  sur  sa  vye,  il  me 
sembleroyt  qu'il  vault  bien  d'estre   escoutté  parler   et  examiné   son 
affaire   comme  seuUement  il  désire  estre  faict  d'arrivée.  Si   vouliez 
qu'il  se  retire  vers  vous,  il  vous  plaira  m'en  faire  advertyr,  affîn  de  lui 
en  rendre  responce.  Pareillement  y  en  a  icy  ung  aultre  qui  sçayt  faire 
le  bronze  avecques  cuyvre  seul,  sans  y  mettre  mixture  d'estaing,  léton, 
ne  aultres  métaulx,  ne  chose  qui  ne  soyl  commune  à  recouvrer  partout 
et  à  petit  priz;  lequel,  mis  en  artillerye,  sera  aussi  bon  et  résistera 
mieulx  contre  le  feu,  pour  tirer  plus  de  foys  beaulcoup  que  celle  qui 


142  AMiiAssAiii;  Di;  [novemiiue  1540 

est  faictc  du  bron/.e  commun.  Lcijuol  scmblaMomcnt  ne  désire  que  de 
ufl'ryr  son  secnl  au  roy  el  csirc  employé,  s'il  plaist  à  S.  M.  Kl  pour  ce, 
Monsci^'iu'ur,  ijue  comme  mieulx  sçave/.  cslre  le  debvoir  graliilieràung 
cliascun  eu  leurs  requesles  civilles,  «(ui  est  de  vous  adverlyr  seulle- 
menl  du  voiilloir  (ju'il/.  ont  d'cslre  au  service  du  roy,  vous  ay  bien 
voullu  mt'Urc  avant  cuire  aullres  unf;  cappitaine  nommé  Bello  di 
Belli,  (jui  Cul  lieuleuaul  du  feu  seigneur  couLe  (juydo  Uengon',  pour 
aullaut  (juil  m'a  esté  témoigné,  par  le  seigneur  Cé/ar  Krégoze  et  aullres, 
homme  lidèle  el  pour  faire  de  bons  el  grans  services  au  roy,  el  comme 
tel  le  peull  asseurer  pour  l'avoir  congneu  en  bons  aflaires  oii  il  a  faicl 
très  bien  son  debvoir.  Kl,  comme  il  m'a  dict,  Voslre  Excellence  pourra 
encores  entendre  plus  amplement  de  ses  bonnes  (luallilez  par  le  sei- 
gneur Camillo  Ursin*  el  aullres  cappilaines  ilalliens  qui  sont  à  la  court. 
Semblablement  il  y  a  icy  uug  genlillinmme  qui  m'a  parlé,  s'il  plaist  au 
roy  et  à  vous  y  entendre,  de  bailler  entre  les  mains  de  S.  M.  ung  des 
plus  lors  passaiges  qui  soyl  aux  environs  de  Tliurin,  lequel  est  au 
povoir  dudict  personnaige  pour  en  estre  le  seigneur;  mais,  comme 
Voslre  Excellence  entend  très  bien,  il  ne  met  avant  telz  propoz  sans  en 
espérer  quelque  bonne  récompence.  Et  si  m'a  dict  qu'il  a  ung  sien  frère 
qui  a  sa  part  en  ladicte  place,  qui  pareillement  pour  éviter  que  la 
chose  ne  fust  descouverle  et  aussi  pour  puys  aprez  que  l'on  en  seroyl 
en  possession  la  tcnyr  à  plus  grande  raison,  el  seurement,  seroyt 
besoing  luy  user  de  quelque  party  honneste.  El  davantaige,  ainsi  que 
j'ay  entendu,  ledict  personnaige  est  l'ung  des  plus  grans  et  mieulx 
apparentez  de  son  pays;  par  le  moyen  duquel  l'on  pourra  avoir  beaul- 
coup  d'intelligence  et  aullres  commodilez.  Par  quoy  si  veoyez  qu'il 


1.  Guidu  11,  cuiiile  i{;m^;une.  des  Uangoni  du  Mudéiie,  cinquième  lils  de  Niccolo 
Ranjîone  el  de  Biaiica  Henlivoglio,  de  Bologne,  fameux  condollière  qui  servit  suc- 
cessivement le  roi  de  France  el  la  réi)ubli(jue  de  Venise.  Sa  sœur  Coslanza  avait 
épousé  en  secondes  noces  Cesare  Fregoso. 

Des  lettres  de  naluralité  avaient  été  données  à  Saint-Quentin,  le  o  octobre  1538, 
en  faveur  du  comle  Giuj  de  Ranr/one,  en  récompense  de  ses  services  {Cal.  des  actes 
de  François  I".  t.  111,  p.  017,  n"  10  :î38  ,  qui  lui  avaient  valu  pensions  et  seigneuries. 

Il  mourut  au  commencement  de  lo3'.i.  Sa  terre  de  Belleville-en-Bcaujo!ais,  qu'il 
tenait  entre  autres  du  roi,  fui  donnée,  le  23  février  1539,  au  duc  Andréa  d'Alri 
(ihid.,  p.  728,  n"  10  841),  de  qui  elle  passa  bientôt  à  Pierre  Slrozzi.  Enfin,  le  26, 
des  lellres  de  retenue  au  service  du  roi  étaient  accordées  à  son  fils,  Balthasar 
Rangone,  avec  mille  livres  de  pension  annuelle  à  dater  de  la  mort  de  son  père 
(ibid.,  p.  733,  n°  10  863).  Le  même  avait  obtenu  déjà  des  lettres  de  naturalilé  le 
18  sepli'ml)re  153S.  (luelciues  semaines  avant  son  propre  père  (ibid..  p.  606,  n"  10290). 

Le  même  recueil  mciiliiume  il.  V,  Siiiipl..  p.  734,  n"  18494)  des  lettres  de  nalu- 
ralité accordées  par  la  régente,  Louise  de  Savoie,  à  Mathieu  Bello,  chevauclicur 
d'écurie  du  dauphin,  natif  de  Sicile,  marié  à  Valence  en  Dauphiné  (Tournon, 
septembre  1525).  l'eul-ètre  serait-ce  le  même  personnage. 

3.  Camillo  Pardo  (trsiiii.  comle  de  .Monopollo,  marquis  de  Tripalda,  seigneur  de 
la  Menlana,  capitaine  général  de  l'Église,  né  en  1491.  mort  le  4  avril  1559. 

11  reçut  en  don  du  roi,  le  3  février  1541,  la  chàtellenie,  terre  et  seigneurie  de 
Marmande  en  Agenais  (Cal.  des  actes  de  François  l'\  l.  IV.  p.  178,  n°  M 81 9). 


iNOVEMBRi:    i:iiOj  GUILLAUME    PELLICIER  145 

soyt  bon  de  y  entendre,  il  vous  plaira  m'en  faire  adverlyr  le  plus  lost; 
et  pareillement  de  tout  ce  que  dessus  me  faire  sçavoir  vostre  voulloir 
et  intencion,  al'lin  que  je  sçache  comme  je  auray  à  me  gouverner  à 
Tadvenyr  en  telz  affaires,  et  que  ce/,  gens,  s'ilz  estoyent  agréables, 
pour  trop  tarder  ne  prennent  ailleurs  party. 

((  Monseigneur,  le  gentilhomme  duquel  vous  ay  escript  est  le 
magister  Augustin  Spinola,  genevoys',  et  le  lieu  de  passage  est  Sarra- 
valle,  entre  iMillan  (;t  Gennes -,  lequel  ensemble  ledicl  passage  M.  de 
Saint-PoP  et  aussi  M.  d'Hanncbault  congnoissent  et  sçavent  très  bien, 
ainsi  que  j'ay  esté  adverty '*.  » 

Vol.  2,  f'^  73  V",  copie  i\u  xm«  siècle;  3  pp.  in-f". 

PEI.LICIER  AI'  ï\o\'\ 

77.  — [Venise],  12  novembre  1540.  —  «  Sire,  depuys  vous  avoir 
escript  le  vif  de  ce  moys,  ce  jourd'huy  Janezin  est  arrivé  icy  de  retour 
de  Constantinople,  avecques  la  conclusion  de  la  paix  et  accord  d'entre 
cez  Seigneurs  et  le  Grant  Seigneur",  lesquelz  ont  esté  si  ayses  d'en 
avoir  eu  la  nouvelle  qu'il  n'est  possible  de  le  croyre,  et  m'en  ont 
mandé  congraluUer  et  remercyer  V.  M.  très  affectueusement  par  ung 
de  leurs  secrétaires.  Ledict  Janezin  ne  m'avoyt  apporté  aulcunes 
lettres  du  seigneur  Rincon,  me  disant  qu'il  avoyt  dépesché  par  aultre 
voye;  mais  à  ce  soir  est  arrivé  ung  brigantin  avecques  son  pacquet, 
ouquel  y  en  a  ung  pour  V.  M.  que  luy  envoyé  présentement  dépesché 
expressément  en  toute  dilligence  jusques  à  Thurin.  Et  pour  ce,  Sire, 
que  j'estime  bien  que  ledict  seigneur  Rincon  ne  fault  advertyr  entière- 

1.  Agostino  Spinola.  çrc  ni  il  homme  génois. 

2.  Serravallc.  On  comptait  alors  en  Italie  sept  places  fortes  appelées  de  ce  nom, 
synonyme  de  •<  défilé  ■>.  (^elle  dont  il  s'agit  ici  est  un  bourg  du  Piémont  situé  sur  la 
^îJrivia,  à  "  kilomètres  de  Novi,  et  (|ui  ferme  une  gorge  resserrée  entre  deux  mon- 
tagnes et  donnant  accès  dans  la  plaine. 

3.  François  H  de  Bourbon,  comte  de  Saint-Pol,  né  le  (3  octobre  1491,  mort  le 
1'^  septembre  ViVi:  frère  du  duc  de  Vendôme,  depuis  roi  de  Navarre. 

4.  «  Nota,  ce  que  dessus  a  esté  escript  dans  un  petit  billet  de  papier  et  mys  dans 
la  précédente  lettre  duilict  seigneur  le  conneslable.  Et  le  semblable  fut  aussi  faict 
à  M.  d"Annebault  dans  sa  lettre  du  xu'  novemijre.  >- 

a.  «  Nota,  que  la  précédente  dépesché  du  vu"  de  ce  moys  fut  envoyée  avecques 
ceste-cy  par  le  genlilhonune  qui  avoyt  conduyt  M.  l'arcevesque  de  Transylvania  icy 
depuys  Thurin,  cjui  fut  dépesché  expressément  en  dilligence.  Et  ce  jourd'luii  xri« 
fut  escript  au  sire  Laurent  Charli.  dont  n'en  fut  faict  mynute.  » 

6.  Le  ms.  8.980  du  fonds  Bélhune,  à  la  Bibl.  nat.,  contient  une  copie  de  la  tra- 
duction italienne  de  ce  traité.  Les  documents  turcs,  à  savoir  le  texte  du  traité 
remontant  au  mois  de  juillet  l.'jio,  et  celui  de  la  ratification,  qui  n'eut  lieu  qu'en 
avril  lui!,  sont  conservés  dans  les  archives  de  Venise.  La  Sérénissime  République 
y  perdait  Malvoisie  et  Napoli  de  Romanie,  les  forteresses  de  Nadin  et  Laurana  sur 
les  côtes  de  Dalmatie,  les  îles  de  l'Archipel  conquises  précédemment  par  Khcïr-ed- 
Din  :  Scyros.  Pathmos,  Paros,  Antiparos,  Egine,  etc.,  et  trois  cent  mille  ducats 
«l'indemnité  de  frais  de  guerre  (V.  Hammer,  loc.  cit.,  t.  V.  pp.  r.17  et  a3C). 


444  AMBASSADE  DE  [novemiiur   i:i40^ 

menl  V.  .M.  ilc  Imit  ce  qu'il  m'est  ripl.  lu'  m'cstenderay  à  vous  en 
faire  aultre  répélicion.  Sciillcinenl  vous  (iiray  ce  que  ay  entendu  davan- 
laige  de  cez  Seigneurs  oullre  ce  qu'il  me  laicl  sçavoir.  C'est  que  le 
(îrant  Seigneur  doiM  mander  icy  Janus  Bey  ambassadeur;  et  avecques 
luy  uuf:^  aullr(>  jusques  à  Sél)t'nico,  pour  diClinir  le  difTérend  qui  est 
demeuré  indéci/.  de  Nadin  et  Laurana  au  conté  de  Zarra,  et  de  quatre 
petit/,  cliaslcaulx  de  peu  d'importanre  qui  sont  au  terrouerde  Sébèniro 
en  la  Dalmalia.  Le  seigneur  ambassadeur  liadouare  juge  que  la  venue 
iey  dudict  .lauus  liey  ne  boyt  pour  aultre  efrcct  que  [)uur,  de  la  part 
du  (^irant  Seigneur,  faire  avecques  cez  Seigneurs  qu'ils  veuillent  faire 
eslroicle  amylié  et  ligue  avecques  V.  M,,  allin  que  quant  se  mouveroyt 
guerre  contre  Espaigne,  il/  voulsissent  prester  faveur  et  ayde  à  icelle, 
et  quant  il/,  ne  le  vouldroycnt  passer  si  avant  que  du  moings  ne  voul- 
sissent donner  ayde,  ne  secours  de  deniers  ne  de  gens  publicquemenl 
ne  en  secret  à  l'empereur.  Et  la  chose  qui  le  meut  à  juger  ainsi,  c'est 
que  tous  les  seigneurs  bassaz  luy  dirent  après  avoir  déterminée  et 
conclue  ladicte  paix  que,  ayant  V.  M.  et  voz  ministres  faict  tant  de 
continuel/,  et  bons  offices  pour  ceste  Seigneurie,  et  étant  icelle  frère 
de  leur  Seigneur,  ils  désiroyent  grandement  que  ladicte  Seigneurie 
fusl  conjoincte  et  tout  d'ung  vouUoir  avecques  vous.  Et  Lotphi  Bey, 
conduysant  ledict  seigneur  ambassadeur  Badouare  devant  le  Grant 
Seigneur,  avant  que  Tintroduyre,  se  tourna  à  luy,  et  avecques 
semblables  et  longues  paroUes  que  dessus  luy  dist  en  somme  que  le 
(Irant  Seigneur  estoyt  allié  avec  V.  M.,  et  que  s'il  advenoyt  que 
Charles  d'Espaigne  fust  pour  avoir  guerre  avecques  vous,  il  estoyt 
besoing  du  moings  que  cez  Seigneurs  fussent  neutres  et  ne  s'empes- 
chassent  d'entre  vous  dculx,  mais  seullement  fussent  à  veoir;  et  ce, 
luy  dist-il,  avecques  grant  efficace.  Dont  ledict  seigneur  ambassadeur 
luy  respondit  assez  largement,  et  à  l'aventure  plus  que,  comme  j'en- 
tends, cez  Seigneurs  ne  vouldroycnt  qu'il  eusl  faict  alors.  Cez  Seigneurs 
ont  eu  une  lettre  sur  ce  dudict  Lotphi  Bey,  bassa;  mais  pour  ne  l'avoir 
encores  traduyte  ne  leue,  je  n'en  ay  rien  peu  entendre.  Toulesfoiz 
chascun  d'culx  estime  qu'elle  continue  encores  beaulcoup  plus  tou- 
chant ceste  matière  de  guerre  entre  voz  deulx  Majestez,  que  ce  qu'il 
dist  en  parolles  audict  ambassadeur. 

«  Escript  aussi  que  les  ambassadeurs  de  Hongrye  esloyent  arrivez  à 
la  Porte  du  Grant  Seigneur  en  bien  grant  triomphe  le  ix",  et  ont  faict 
présens  pour  plus  de  huict  mil  cscu/. '.  Et  le  xi*"  eurent  audience,  en 
laquelle  demandèrent  deux  choses   :  la  première,  que  le  filz  du  roy 


1.  Le  chancelier  Klienne  Verbôczy  et  le  conseiller  Cerczeky,  envoyés  d'Isaljellc  de 
Pologne,  reine  <!c  Hongrie.  Admis  à  l'audience  de  Siileyman,  ils  déposèrent  au 
pied  (lu  trône,  avec  de  riches  présents,  le  tribut  «le  la  Hongrie,  qui  s'élevait  au 
chilTrc  de  trente  mille  ducats  (V.  de  Hammcr.  loc.  cil.,  f.  V,  p.  32'*). 


[novembre    1540]  GUILLAUME   PELLICIER  143 

Jehan,  nommé  Estienne ',  soyt  conlirmé  roy  en  la  forme  et  manière 
que  estoyt  le  père;  la  seconde,  que,  mourant  ledicl  lilz  sans  héritiers, 
les  barons  du  pays  eussent  liberté  de  pouvoir  eslire  ung  aultre  roy. 
Quant  au  premier  poinct,  a  esté  concédé,  donnant  cent  mil  ducatz  pré- 
sentement pour  satisfaire  ce  à  quoy  estoyt  tenu  le  père,  et  depuys 
qu'il  eust  à  payer  tous  les  ans  cent  mil  ducatz  pour  tribut.  Et  au  second 
a  esté  respondu  que  le  temps  conseilleroyt  ce  que  Ton  auroyt  à  faire  : 
lequel  est  cncores  assez  long  à  venyr.  Disent  aussi  lesdictes  lettres 
que  le  Sophi  presse  assez  le  (irant  Seigneur;  mais  pour  le  peu  d'ap- 
pareil que  Ton  veoit  faire  du  cousté  dudict  Grant  Seigneur,  ne  s'en 
faict  pas  grant  compte  :  ains  l'on  a  entendu  du  médecin  du  Grant 
Seigneur  qu'il  debvoyt  aller  à  la  fin  de  ce  moys  à  Andrinopoli,  et  puys 
devers  la  Hongrye,  mais  Janus  Bey  dict  du  contraire.  » 


Vol.  2,  i°  73,  copie  du  xvi«  siècle;  1  p.  1;2  in-f". 


PELLICIER   Al'   CONNETABLE. 

78.  —  [Venise'],  12  novembre  1540.  —  «  Monseigneur,  pour  n'avoir 
que  cinq  jours  que  vous  ay  escript  ne  m'est  rien  survenu  depuys  guères 
de  chose  digne  de  vous  faire  sçavoir,  sinon  la  nouvelle  de  la  paix 
d'entre  cez  Seigneurs  et  le  Grant  Seigneur  qu'il  m'a  semblé  debvoir 
faire  sçavoir  en  toute  dilligcnce  au  roy,  et  y  avoir  lieu  de  dépescher 
un  poste  jusquesà  Thurin,  trop  mieulx  que  à  l'ambassadeur  de  l'em- 
pereur troys,  comme  pour  ce  il  a  faict  en  ung  jour  en  divers  lieux.  Et 
pour  ce.  Monseigneur,  que  suys  bien  asseuré  que  verrez  le  tout,  et 
aussi  que  n'ay  voullu  retarder  le  pacquet  du  seigneur  Rincon  qui 
s'adresse  à  S.  M.,  ne  me  suys  voullu  estandre  à  vous  en  faire  aulcune 
réplicque.  Tant  seuUement  vous  diray  que  Janezin  dict  avoir  trouvé 
en  Sophia-,  environ  douze  journées  de  Constantinople,  le  seigneur 
Laski,  envoyé  par  le  roy  Ferdinando  devers  le  Grant  Seigneur,  menant 
en  sa  compagnye  plus  de  cinquante  chevaulx.  Et  auparavant,  à  quatre 
journées  près  de  Constantinople,  avoyt  trouvé  ung  homme  sien  à 
quatre  chevaulx  ;  et  disoyt  l'on  que  il  conduisoit  quelques  grans 
présens,  pour  mieulx  pouvoir  exploicter  sa  commission.  Ledict  Janezin 
ma  dict  aussi  que  l'ambassadeur  du  roy  de  PouUongne  debvoyt  entrer 
en  Constantinople,  le  jour  ensuyvant  aprez  que  celluy  de  Hongrye  y 
fût  arrivé,  lequel  y  estoyt  allé  pour  poursuivre  et  solliciter  l'affaire  du 
lilz  du  feu  roy  Jehan.  Et  que  ledict  roy  de  PouUongne  avoyt  mandé  au 

1.  On  verra  plus  loin  que,  bien  que  ce  nom  d'Etienne  lui  eût  été  imposé  par  le 
pape,  l'enfanl  rerut  en  fait  ceux  de  son  père  cl  de  son  aïeul  maternel,  et  fut  appelé 
Jean-Sigismond. 

2.  Sofia,  capitale  actuelle  de  la  principauté  de  Bulgarie,  située  sur  la  Bo;,'ana,  a 
570  kilom.  de  Constantinople. 

Venise.  —  Io40-lo42.  10 


,.^,5  AMBASSADE    DE  [^ovemDUE    1  IHO] 

secours  d.'  Biuld.-  Irovs  mil  hommes,  et  que  l.icn  tosl  aprez  y  eu 
debvoyt  mander  dix  mil.  J'ay  veii  lellivs  par  lesquelles  l'on  entend 
que  le  (Irant  Seigneur  avoyt  mandé  ung  nommé  Signan'  devers  ceulx 
de  Transvlvania,  av.'cques  lettres  par  lesquelles  il  leur  faisoyt  sçavoir 
qu'ils  estoyenl  tous  ses  esclaves  pour  avoir  gaipné  ledicl  pays,  et  que 
à  ceste  cause  il  voullovl  qu'ilz  obéyssenl  à  Stephano  Maylal-,  jadi/. 
vayvoda  d'irelluv  pavs  soub/.  le  roy  Jehan,  duquel  vous  ay  escript 
seslre  rebellé  contre  ledicl  roy  Jehan,  chose  que  tout  le  pays  tenoyl 
grandement  grief  et  en  esloyl  merveilleusement  estonné.  Hz  avoyenl 
demandé  cinq  mois  pour  adviser  là  dessus  et  mander  leurs  ambassa- 
deurs devers  luv,  ce  qui  leur  a  esté  accordé.  Je  pence  que  aurez  entendu 
le  bruvcl  qui  a  esté  icy  touchant  quelque  buflon  espaignol  qui  a  vouUu 
tuer  le  duc  Cosme  de  Florence;  mais,  estant  secouru  de  ses  serviteurs. 
ledict  buffon  a  esté  blessé  à  mort,  et  luy  a  Ton  trouvé  Iroys  cens 
escuz,  qui  ayde  beaulcoup  à  soupçonner,  oultre  la  cause  de  sa  nation, 
que  ledict  argent  luy  eust  esté  donné  pour  ce  faire.  Semblablemenl 
l'on  a  faict  icy  groz  bruyct  que  les  forussiz^  de  Péruse  estoyenl 
rentrez  dedans' la  ville  et  l'avoyent  révoltée  contre  le  pape;  mais  l'on 
ne  trouve  point  fondement  en  ceste  nouvelle. 

«  Monseigneur,  suyvant  ce  que  dernièrement  il  vous  plut  m'escripro 
que  j'eusse  lœil  avecques  ce  bon  serviteur  du  roy  de  apprendre  tout 
ce  qu'il  se  feroyt  et  diroyt  du  cousté  de  deçà  pour  vous  en  advertyr, 
ay  entendu  de  luy  que  les  Impériaulx  ne  chairchant  ou  pençant,  sinon 
aux  choses  que  peuvent  revenyr  au  bien  et  grandeur  de  Tempereur. 
luy  ont  faict  discours  et  conseil  que  son  sesjour  en  Allemaigne  leur 
sembleroyt  beaulcoup  plus  commode  et  utille  pour  le  présent  que  de 
s'en  veny'r  en  Itallye.  Et  ce  pour  plusieurs  raisons,  entre  lesquelles  les 
principailes  sont^que,  s'y  arrestant,  il  tiendra  les  seigneurs  de  là 
mieulx  à  sa  dévotion  et  en  contraincte;  à  tout  le  moings  gardera  il 
qu'ilz  n'oseront  si  tosl  rien  entreprendre  contre  luy.  Et  pourra  par 
ce  moyen  mieulx  pourveoir  à  son  aise  aux  choses  de  Hongrye;  main- 
tiendra aussi  en  suspens  les  choses  de  France,  car  en  cas  que  on  luy 
voulust  faire  la  guerre  en  Itallye,  il  s'en  pourroyt  revancher  en  France 
du  cousté  de  la  Picardye  ;  gardera  en  oultre  que  la  Flandre  ne 
s'émeuve  ne  ose  dire  mot;  et  si  fera  ses  affaires  plus  à  son  plaisyr  en 
Itallye  que  s'il  y  estoyt  présent,  pour  aultant  qu'il  les  tiendra  en  telle 
suspension  et  craincte  que  s'il  y  estoyt,  en  monstrant  y  debvoir  venyr 
de  jour  en  jour;  et  si  en  tirera  plus  d'argent  et  de  secours  que  honnes- 
tement  il  ne  pourroyt  en  sa  présence;  et  plusieurs  aullres  raisons  que 

1.  Sinan-Apa,  frère  «lu  i)ii,itniMiio  vizir,  Riistem  Pacha,  gendre  de  Suleyman.  Il  se 
(Ustingua  plus  tard  comme  liomme  de  guerre  dans  la  campagne  de  Hongrie  (juillet- 
anût  i;343).  —(V.  de  Hammcr,  loc.  cit..  l.  V.  p.  :ni.) 

■2.  Klienne  Mailalh. 

3.  Les  bannis  de  Pérouse  (V.  la  noie  1.  p.  8"). 


[nOVEMURE    1540]  GUILLAUMt;   PKLLICIER  147 

semblablemeiit  sont  assez  apparentes  et  péremploires.  Ce  néantmoings 
l'on  estime  que  tout  ce  n'y  vauldra  rien  ne  souffira  à  garder  qu'il  n'y 
soyt  à  ce  moys  de  febvryer,  ainsi  que  par  plusieurs  lettres  de  divers 
endroictz  l'on  est  adverty  icy.  Ledict  serviteur  du  roy  est  aprez  jour- 
nellement à  entendre  quelque  chose  dp  nouveau  de  semblable  impor- 
tance; et  pour  ce  faire  s'est  party  ce  soir  pour  aller  au  lieu  que  vous 
ay  escript,  pour  à  ceste  nouvelle  de  la  paix  veoir  s'il  pourra  entendre 
quelque  leur  desaing.  J'estime  bien,  Monseigneur,  que  serez  recordz 
et  entendrez  que  c'est  le  seigneur  Francesco  Beltramo,  lequel  vous 
asseure,  à  ce  que  puys  cognoistre,  est  homme  de  grant  service  en 
tous  endroictz,  et  est  merveilleusement  fort  afTeclionné  à  S.  M,  de  long 
temps,  comme  de  ce  et  aultres  siennes  bonnes  quallitez  et  mérittes 
monseigneur  le  révérendissime  cardinal  de  Ferrare  vous  pourra  mieulx 
testiflier  que  tout  aullre. 

«  Monseigneur,  vous  entendrez  par  ce  que  j'escriptz  au  roy  comme 
Janus  Bey  doibt  venyr  icy  en  ambassade,  et,  comme  s'entend,  il  y  vient 
aultant  pour  l'advantage  et  commodité  du  roy  que  pour  aultre  chose; 
vous  congnoissez  et  entendez  mieulx  la  nature  et  coustume  de  cez 
gens  là,  et  comment  ne  leur  fault  point  resserrer  ne  espargner  rien  de 
ce  que  honnestement  on  leur  peult  offrir  et  valloir,  comme  l'on  feist  du 
temps  de  MM.  de  Lavaour  et  de  Rhoddez  qu'il  fut  pour  pareille  chose 
en  ceste  ville'.  De  quoy  vous  ay  bien  voullu  advertyr,  affin  de  m'y  faire 
pourveoir,  s'il  vous  plaist  ;  car  vous  promectz,  Monseigneur,  que  en  ay 
très  bon  besoing,  et  ce,  pour  avoir  tousjours  fourny  à  l'extraordinaire, 
tant  des  brigantins,  postes  et  aultres  telles  choses,  que  aussi  aux  servi- 
teurs du  roy  qui  nous  donnent  icy  les  adviz,  et  avoir  assemblé  livres 
grecz  sans  en  avoir  rien  recouvert.  Lesquelles  choses  vous  puys  bien 
asseurer  sur  mon  honneur  se  montent  plus  de  mil  escuz,  lesquelz  me 
viendroyent  grandement  à  propoz  s'il  vous  plaisoyt  les  me  faire  rem- 
bourser, afin  que  j'eusse  de  quoy  fournyr  à  l'advenyr  pour  continuer 
le  service  du  roy  ^..  » 

Vol.  -'.  f°  73  yo,  copie  du  xvF  siècle;  2  pp.  1/4  in-f". 


1.  V.  la  noie  3,  p.  o. 

2.  M.  de  Vaux  pai-aît  avoir  fait  les  frais  de  la  subvention  réclamée  par  le  prélat. 
On  lit  dans  les  Extrulls  des  comptes  de  l'éparffne,  année  1541  (B.  N..  ms.  Clairam- 
liault  1215,  P  79  v")  : 

«  A  Jehan-Joachim  de  Passan,  conseiller  et  maislre  d'hostel  du  roy,  900  livres 
par  lettres  à  Fontainebleau  le  8  février  lotO  [ISil],  pour  pareille  somme  qu'il  a 
lait  fournir  comptant  au  mois  de  novembre  dernier  en  la  ville  de  Venise,  ez  mains 
de  M.  Guillaume  Pélissier,  évesqne  de  Montpellier,  ambassadeur  du  roy,  pour 
employer  au  payement  de  certains  livres  et  choses  antiques  par  liiy  retenues  pour 
le  roy.  —Item,  675  livres  par  lettres  à  Blois  du  5  mars  suivant,  "pour  semblable 
cause,  et  pour  le  salaire  et  payement  de  six  personnages  employez  par  ledit 
ambassadeur  à  escrire  certains  livres  que  le  roy  désire  avoir  »  (Cité  par  M.  L.  Delisle, 
Cab.  des  itiss.,  t.  I,  p.  155). 


148  AMBASSADE    DE  [NOVEMBRE    lliiO] 

I>EI.LICIER   A   M.  D'aNNEHAILT. 

79.  —  [rcJHSf',  /?  novemhrc  l.ïlO.  —  PellicuM*  profile  de  la  pro- 
cliïiine  venue  de  M.  d'Annel)aull  à  Turin  pour  lui  recommander  divers 
pcisouiiagcs  désireux  de  servir  le  roi  de  Ki-anee,  riugénieur  Girolamo 
de  Trévise,  les  capitaines  Hello  di  Belli  et  Agostino  Spinola,  dont  il  a 
été  parlé  dans  la  lettre  au  connétable  du  7  courant. 

11  conclut  eu  lui  envoyant  les  nouvelles  de  Constautinople,  touchant 
la  paix  avec  les  Vénitiens,  ^ue  Rincon  vient  de  lui  transmettre. 

Vol.  2.  f'  TCi  v°.  copie  du  \vi'=  siècle:  i  ji.  t,2  in-f"^. 

l'Ki.i.icirn  \r  cAnnisM,  de  feiuiaue  '. 

80.  —  [Venise]^  12  novembre  1540. —  Pellicier  remercie  le  cardinal 
de  la  l)onne  nouvelle  qu'il  lui  a  transmise  de  la  convalescence  du  dau- 
phin. La  Seigneurie  s'en  réjouit  fort,  ainsi  que  de  la  conclusion  de  la 
paix  avec  le  Grand  Seigneur.  Le  cardinal  a  dil  d'ailleurs  en  être  informé 
par  Francesco-Beltrauio  Sacliia,  que  Pellicier  lui  recommande  vive- 
ment comme  tout  dévoué  aux  intérêts  du  roi  de  France. 

Vol.  2,  f'  77  v»,  copie  du  xvi'^  siècle;  3/4  p.  in-f'^ 

PELLICIER   A    M.    DE   LANGEV. 

81.  —  \  Venise],  12  novembre  1540.  —  «Monseigneur,  depuys  les 
miennes  dernières  que  vous  ay  escriptes  du  xxviii"  du  passé,  ay  receu 
le  pacquet  que  «l'avez  envoyé  le  xxix%  et  suys  fort  esbahy  de  ce  que 
m'a  esté  dict  que  à  Padoue  a  esté  veu  ung  Alternant  dépesché  par  vous 
pour  m'apporter  ung  pacquet  il  y  a  deux  jours.  Je  ne  sçay  s'il  est  vray 
ou  non;  car,  l'ayant  faict  chaircher  par  toute  cette  ville,  n'en  ay  sceu 
trouver  nouvelles.  Je  suys  encore  contraint  retenyr  l'homme  de  pied 
que  m'avez  envoyé  dernièrement,  pour  ce  que  la  présente  dépesché  est 
de  telle  importance  qu'elle  a  bien  mérité  d'estre  mandée  en  toute  dili- 
gence; ce  que  ay  faict  par  celluyqui  avoyt  conduict  ici  M.  l'arcevesque 
de  Transilvania,  car  aussi  n'avoyt-il  bon   moyen  de  s'en  retourner 

i.  Ippolito  d'Esté,  fils  d'Alfonso  V,  duc  de  Ferrare,  et  de  Lucrczia  Borgi.i,  et 
frère  du  duc  régnant  Krcole  H.  Né  le  2i  août  1500,  il  mourut  à  Rome  le  2  décem- 
hrt  1372.  Accueilli  de  bonne  heure  à  la  cour  de  France  par  François  I"  qui  le  fit 
entrer  dans  son  conseil  et  obtint  pour  lui  le  chapeau  de  cardinal,  le  ;i  mars  lo39. 
Hippolyte  d'Esté  occupa  successivement  les  évècliés  de  Ferrare  (1503-1520)  et  d'Au- 
Iun(loi6-do50),  les  archevêchés  de  Milan  (1520-1350),  de  Lyon  (1339-1330),  de  Narbonne 
(1350-1551),  d'Auch  (1551-1551)  et  d'Arles  (!56i-1567).  Ce  prélat,  ami  des  lettres  et  des 
arts  autant  qu'habile  diplomate,  fut  constamment  mêlé,  de  François  1"  à  Charles  IX.. 
aux  affaires  de  l'État  dans  lesquelles  il  eut  une  action  prépondérante. 


NOVEMBRE    lb40^  GUILLAUME    PELLICIER  149 

aultrement.  Il  porte  la  paix  de  cez  Seigneurs  avecques  le  Grant  Sei- 
gneur, de  quoy  je  vous  mande  amplement  tout  ce  que  le  seigneur 
Rincon  me  laict  sçavoir  par  sa  lettre  du  x»  du  passé  :  c'est  que  le 
Grant  Seigneur  linallemenl  a  accepté  la  paix,  etc.  —  Comme  aux  lettres 
veceues  dudict  seigneur  Blucon,  dudkt  x°  d'octobre  '... 

«  Monseigneur,  par  lettres  de  l'ambassadeur  de  cez  Seigneurs  l'on 
est  adverty  que  les  bassatz  se  sont  très  bien  faictz  entendre  à  luy  que 
le  Grant  Seigneur  s'attendoyt  bien  que,  pour  les  bienfaictz  du  roy 
envers  ceste  Seigneurie,  icelle  du  moings  avoyt  à  se  tcnyr  neutralle 
entre  le  roy  et  l'empereur;  et  de  ce  estime  l'on  que  Lotphi  Bey,  pre- 
mier bassa,  leur  en  a  escript  une  très  bonne  lettre.  Et,  ainsi  que 
escripi  ledict  ambassadeur,  le  Grant  Seigneur  doibt  mander  en  ambas- 
sade JanusBey,  son  grant  Iruchemant,  qu'il  n'estime  estre  pour  aultre 
eflFect  que  pour  ce  faire.  Si  je  en  auray  aultre  chose,  je  ne  fauldray 
vous  en  advertyr...  » 

Pellicier  termine  par  les  nouvelles  de  l'ambassade  de  Hongrie  à 
Constantinople,  dont  il  a  été  question  dans  la  lettre  au  roi. 

Vol.  2,  f°  78,  copie  du  xvi''  siècle;  1  p.  iu-f\ 

PELLICIER  A    M.    DE   RODEZ. 

82.  —  [Venise]^  12  novembre  1 540.  —  «  Monsieur,  j'ay receu  toutes 
les  lettres  que  m'avez  escriptes  jusques  à  celle  du  iir  de  ce  moys, 
ausquelles  povez  estre  très  bien  asseuré  que  eussiez  eu  plus  tost  res- 
ponce  de  moy,  se  eusse  trouvé  la  commodité.  Car  non  seuUement  je 
cherche  de  ne  perdre  pas  une  occasion  de  vous  escripre  par  les  cour- 
riers dépeschez  de  ceste  Seigneurie,  mais  encores  par  aultres  dépes- 
chez  secrètement  quelquefoiz  par  aulcuns  marchans.  Et  ne  sçay  par 
quelles  voyes  ont  esté  portées  lettres  de  cette  ville  à  Romme,  du 
xxvF  du  passé,  ainsi  que  m'escripvez;  car  si  je  en  eusse  esté  adverty, 
ce  n'eust  esté  sans  que  en  eussiez  eu  des  miennes.  Au  fort  pour  le  peu 
de  nouvelles  et  occurences  que  vous  eusse  sceu  mander  lors,  n'y  a  pas 
eu  grant  intérest.  Et  encores  pour  le  présent  ne  vous  sçauroys  quasi 
dire  chose,  sinon  que  ce  que  vous  mesmes  m'avez  escript  touchant 
André  Doria  et  domp  Bernardin  2,  saulf  qu'il  y  a  grant  danger  que 
pour  faulte  de  victuailles  et  pour  estre  la  saison  bien  avancée,  que 
icelluy  Doria  soyt  contrainct  s'en  retourner,  et  laisser  l'entreprinse 
de  la  Mahommetta  ^  et  d'Algerbe  '\  qu'il  eust  peu  faire,  comme  l'on 

L  Ces  lelires  manquent  dans  noire  manuscrit. 
1.  Bernanlino  de  Mendoza. 

3.  HauiMianiel,  ville  et  port  situés  sur  la  côte  de  Tunisie,  à  72  kilom.  au  sud  de 
Tunis,  dans  le  golfe  du  même  nom.  !^a  fondation  datait  des  premières  années  du 
ivi*  siècle. 

4.  Djerba,  grande  ile  située  sur  la  cote  de  Tunisie,  au  sud  du  golfe  de  Gabès,  et 


j;;0  AMBASSADE    DE  [NOVEMIiUt:    1540j 

oscript.  Quunl  aux  choses  de  Hongrye,  Je  vous  diray  comme  dejniis 
lieux  Jours  est  arrivé  icy  unjç  serviteur  de  M.  l'arcevesque  de  Tiansil- 
vania,  veuaut  tout  droicl  de  Ikule,  lequel  m'a  dicl  que  lorsqu'il  se 
partyl  de  là,  qui  fut  le  xx'  du  passé,  le  roy  des  Romains  estoyt  à  Neuslat 
avecques  bien  peu  de  gens.  El  pour  le  plus  ne  povoyent  eslre  que  de 
six  à  sept  mil  hommes,  m'asseurant  pour  loul  certain  que  la  ville  de 
Ilude  estoyt  tant  bien  garnye  de  vivres  et  aultres  municions,  et  mes- 
memenl  de  bons  cappitaines  et  gens  de  guerre,  qu'il  ne  failloyt 
doubler-  que  Icdict  roy  leust  pour  y  faire  aulcune  chose.  Nous  s(jmmes 
tous  les  jours  atlendans  nouvelles  de  Constanliuople,  car  par  la  der- 
nière que  en  ay  receue  du  seigneur  Rincon,  du  xvi''  septembre,  me 
promet  de  là  à  deux  ou  troys  Jours  me  faire  une  bonne  dépesche;  et 
ne  m'escripl  aullre  sinon  quilz  attendoyent  à  grant  dévotion  Janezin, 
mandé  par  cez  Seigneurs  pour  parachever  la  paix  el  accord  d'entre 
eulx  et  le  Grant  Seigneur  :  laquelle  ung  chascun  espère  avoir  bonne 
issue.  De  quoy  vous  advertiray  incontinent  que  l'aurons  sceu  icy,  trou- 
vant la  commodité  de  ce  faire.  Et  cependant  vous  diray  ([ue  ledict 
seigneur  Rincon  m'escript  comme  ung  des  plus  groz  el  principaulx  sei- 
gneurs des  Géorgians,  qui  est  une  nation  grecque  confinant  d'un  cousté 
avecques  la  Persia,  a  mandé  à  la  Porte  du  Grant  Seigneur  ung  ambas- 
sadeur du  Sophi,  homme  d'assez  belle  prestance;  lequel  ledict  Sophi 
avoyt  envoyé  devers  luy  pour  le  faire  voulter  de  son  cousté  comme 
puis  naguères  avoyt  faict  plusieurs  aultres  subgectz  dudict  Grant  Sei- 
gneur. El  présumoyt  l'on  qu'il  auroyt  la  genne  pour  sçavoir  plus  oullre 
de  sa  charge  et  commission,  et  estoyt  à  craindre  qu'il  ne  fust  payé  de 
mesme  monnoye  que  a  esté  Petro  Siculi,  qui  fut  prins  par  aulcuns  cor- 
saires dedans  une  frégatte  allant  de  Missine  *  à  Napoli  de  Romanye, 
mandé  par  domp  Ferrando  de  Gonzagues,  vice-roy  de  Sicille,  veoir 
s'il  estoyt  vray  que  le  peuple  fust  mutiné  et  en  dissencion,  comme 
l'on  disoyt,  de  non  voulloir  rendre  la  terre  audict  Grant  Seigneur;  et 
pour  animer  le  peuple  de  là,  et  conforter  par  toutes  asseurances  pos- 
sibles voulloir  persévérer  en  une  tant  saincle  oppinion  de  non  haban- 
donner  jamais  une  telle  fortresse,  (jui  est  le  bastion  et  le  rempart  de 
toute  la  chrestienté  aux  ennemys  de  notre  foy,  ains  la  voulloir  retenyr 

i|ii'un  ponl  romain  ou  plutôt  une  dipuc  iili.iit  jailis  h  la  terre  ferme.  Célèbre  dans 
ranli(iuitc  honiériiine  ^^l)us  le  nom  d'ile  des  Lolujdiafres,  inenlionnée  dans  les  docu- 
menls  du  xiu'  siècle  sous  celui  de  Girba,  elle  est  encore  aujourd'hui  couverte  de 
ruines  nombreuses  qui  attestent  sa  prospérité  à  cette  époque.  Les  marchands  espa- 
frnuls,  ilaii''ns  et  pnivcnraux  ([ui  la  fréquentaient  la  nommaient  Los  Gelves.  Vers 
l.'ilO,  Kheïr-od-l)in  s'y  établit  el  DJorba  joua  un  rôle  important  dans  les  luttes  entre 
les  Turcs  et  les  Espat;nols.  Kn  1560  notamment,  ces  derniers  y  essuyèrent  une  défaite 
sanglante  que  pcriiélua  jusqu'en  ISoO  une  pyramide  de  crânes  édifiée  par  les  vain- 
queurs. 

L'île,  d'une  fertilité  extraonlinairo.  est  encore  aujourd'hui  l'un  des  centres  com- 
merciaux les  plus  importants  de  la  Tunisie. 

1.  Messine. 


i  NOVEMBRE    1540^  GUILLAUME    PELLICIER  loi 

et  verluèiiseineiit  deffendre  au  nom  de  rompcreur,  —  lequel  pronipte- 
ment  leur  manderoyt  tel  secours  de  gens  et  municions  de  vivres,  qu'ils 
ne  se  devroyent  doubler  de  personne,  et  que  André  Doria  viendroit  en 
personne  avecquès  toute  l'armée  àlesdeffendre  et  asseurer  contre  tous 
que  besoing  seroit.  Et  oultre  déposa  ledict  Petro  Siculi  que  aprez  avoir 
faict  bon  office  audict  Napoli  avoir  commission  de  se  retirer  en 
Candye.  le  Zante,  et  auUres  isles  de  cez  Seigneurs  pour  leur  proposer 
le  semblable  et  essayer  par  tous  moyens  de  l'attirer  à  la  dévotion 
dudit  empereur,  comme  il  a  apparu  par  lettres  dudicl  vice-roy  escriptes 
aux  habitants  de  Naples,  et  aussi  par  ses  instructions  que  on  luy  a 
trouvées  à  doz.  Dont  ledict  Grant  Seigneur,  ayant  entendu  tout  ce  que 
dessus,  luy  a  faict  trancher  la  teste.  Voyelà  tout  ce  que  vous  puys  dire 
pour  le  présent  quant  aux  nouvelles;  car  de  France,  à  ce  que  m'es- 
cripvez,  vous  en  avez  lettres  plus  fraisches  que  moy.  Et  ne  me  reste 
sinon  à  vous  remercyer  de  l'advertissement  que  m'avez  donné  du  rap- 
port que  l'on  a  faict  à  M.  le  général'  duquel  m'avez  escript,  touchant  ce 
que  avoys  faict  entendre  au  roy  de  luy;  mais  si  est-il  que  je  n'ay  escript 
à  S.  M.  ne  à  aultre  ce  qui  est  comprins  au  double  de  la  lettre  que 
m'avez  envoyé,  et  ne  sera  trouvé  que  tels  escriptz  soyent  jamais  sortiz 
de  ma  main,  ainsi  qu'il  se  peult  veoir  par  mes  lettres...  » 

Pellicier  termine  en  donnant  les  nouvelles  ,tant  attendues  de  la  con- 
clusion de  la  paix,  qu'il  vient  de  recevoir  à  l'instant  de  Gonstantinople. 

Vol.  2,  f'^  78  v^,  copie  du  xvi''  siècle;  2  pp.  1/4  in-f". 


PELLICIER  A   LA  DUCHESSE  DE  FERRARE. 

83.  —  [Venise],  12  novembre  1540.  —  Pellicier  lui  annonce  la 
conclusion  de  la  paix  entre  les  Vénitiens  et  le  Grand  Seigneur,  ainsi 
que  la  convalescence  du  dauphin. 

«  ...  Quant  est  du  livre  dont  Madame  de  Pontz-  m'a  escript,  je  suys 
après  pour  le  recouvrer  le  plus  dextrement  qu'il  m'est  possible;  car 
cez  gens  se  rendent  difficilles  pour  la  singuUari-té  de  telles  choses  tant 
singuUières.  Si  est-ce  que  je  en  feray  tout  ce  qu'il  me  sera  possible.  » 

Vol.  2,  f»  79  v°,  copie  du  xvF  siècle;  1 '2  p.  in-f". 


1.  Le  général  des  Observanlins,  Vicente  Lunello. 

•2.  Anne  de  Parlhenay,  fille  de  Jean  V  de  Parthenay,  seigneur  de  Soubise,  et  de 
Michelle  Saubonne.  Elle  avait  épousé  en  lo34  Antoine  de  Pons,  comte  de  Marennes. 
baron  de  Mirabeau,  premier  valet  de  chambre  du  roi.  qui  fut  dès  lors  attaché,  ainsi 
que  sa  femme,  à  la  maison  de  la  duchesse  de  Ferrare.  Madame  de  Soubise,  ancienne 
fille  d'honneur  de  la  reine  Anne  de  Bretagne,  et  gouvernante  de  Renée,  était  rentrée 
en  France  au  commencement  de  1536;  M.  de  Pons  ne  fut  rappelé  qu'en  1539,  et 
retourna  à  Ferrare  dans  les  derniers  mois  de  l'année  suivante  (V.  E.  Rodocanachi, 
Renée  de  France). 


152  AMnASSADH    DE  [NOVEMimE    1540] 

l'EI.r.ICIER    A   CESARE   KREOOSO. 

84.  —  [Vrniso],  16  novembre  lôiO.  —  «  Monsoignoiir,  la  lonj^iie 
oxpiTionce  qiio  avez  lousjnurs  donné  â  congnoislrc  à  ung  cliascun  de 
l'ardiMil  (*l  jtarfaicl  désir  que  j)orlc'7.  à  S.  M.  m'a  tant  asscuré  de  voslre 
fidélilé  qu'il  me  senihleroyt,  usant  de  belles  et  longues  paroUes,  entrer 
en  sérimonyes  aullres  que  nostres.  Dont  tant  seullenient  vous  en 
remercyeray  très  affectueusement,  et  vous  diray  que  si  mon  souhaict 
avoyt  lieu,  je  désireroys  que  toutes  les  récompences  et  bienfaietz  que 
le  roy  a  faict  à  ses  serviteurs  feussent  aussi  bien  colloquez  et  employez 
que  en  vous.  Car  je  pence  que  ce  seroyt  l'une  des  plus  grandes  fellicitez 
(jne  on  sçauroyt  désirer  à  S.  M.,  congnoissanl  de  combien  telz  instru- 
mcnlz  luy  peulvent  servyr  en  ccst  endroict,  ayant  telle  affection  à  icelle 
que  tousjours  j'ay  trouvé,  mais  encore  dernièrement  plus  que  jamais, 
])ar  la  lettre  qui  s'adressoyt  es  partyes  de  Levant.  Laquelle  eust  peu 
grandement  valloir  et  proffitter  si  plus  tost  eust  esté  mandée;  mais, 
comme  pourrez  veoir  et  congnoistre  présentement,  pourroyt  estre 
mandée  ung  peu  bien  tard,  estant  les  choses  au  poinct  qu'elles  sont. 
Bien  vous  diray  que,  ainsi  que  ay  esté  adverly,  l'aultre  lettre  qui  fust 
envoyée  par  cy  d'avant  fut  présentée  où  elle  s'adressoyt;  mais  jamais 
on  n'en  ieist  aulcun  semblant,  ne  n'en  fut  oncquos  parlé  ne  commu- 
nicqué,  ains  a  l'on  faict  les  choses  le  plus  secrettemenl  que  l'on  a  peu 
sans  appeller  aulcunement  ses  amys  en  ceste  conclusion.  Toutesfoiz  l'on 
me  donne  bonne  espérance  des  affaires,  lesquelles  ne  sont  à  l'aventure 
comme  ung  chascun  les  pence,  et  a  esté  remis  la  recongnoissence  des 
bons  offices  et  bienfaietz  à  l'honnesteté  de  ceulx  qui  les  ont  receuz.  Au 
demeurant,  je  vous  envoyé  ung  double  des  articles  du  traicté  de  la  paix 
ainsi  que  l'ai  peu  recouvrer,  où  est  contenu  tout  ce  que  s'en  peult 
sçavoir.  Pareillement  vous  envoie  ung  double  d'une  lettre  escripte  à 
M.  le  marquis  de  Languillare'  par  ung  nommé  Philippo,  qui  est  sur 
l'armée  de  Barberosse,  par  laquelle  pourrez  veoir  le  progrez  et  succez 
de  leur  entreprinse,  en  conformité  de  ce  que  m'en  avez  escript.  Et 
pour  ce,  Monseigneur,  que  suys  bien  asseuré  que  serez  amplement 
adverty  d'aultre  que  de  moy  de  toutes  les  aullres  nouvelles  et  occur- 
rences de  dei;a,  ne  m'estenderay  à  vous  en  faire  plus  long  propoz; 
mais  viendray  à  vous  parler  de  mes  affaires  particulliers,  comme 
celluy  qui  les  a  aussi  à  cher  comme  chascun  a  accoustumé  d'avoir  les 
siens  propres,  et  vous  remercyer  très  humblement  de  la  cure  et  solli- 
citude que  je  congnoys  que  en  avez,  vous  sujiplyant  tant  qu'il  m'est 

1.  Don  Juan  Fornandcz  Manriqiie,  (lualrième  comte  de  Castanerla  et  second  mar- 
quis d'Agnilar,  avait  remplace  à  Rome,  comme  ambassadeur  de  Charles-Quint,  le 
comte  de  Cifuentes,  en  novembre  153C.  Il  y  demeura  Jusqu'en  1541  {State  papers, 
Spanish,  lo38-lo42,  pp.  xxiii  à  xxvii). 


[novembre    1540j  GUILLAUME   PELLICIER  133 

possible  me  faire  ce  bien  de  me  voulloir  hardiment  et  sans  aulcune 
rétencion  advertyr  de  ce  que  en  entendrez.  Car  il  y  a  si  longtemps  que 
ne  receuz  aulcunes  lettres  de  la  court,  fors  du  roy  et  de  monseigneur 
le  connestable,  sans  en  avoir  eu  de  mon  solliciteur  ne  amys  de  là,  que 
je  m'en  Ireuve  grandement  esmerveillé  et  pence  que  la  faulle  peult 
estre  procédée  pour  Tabsence  de  mon  agent  de  Lyon  à  qui  ils  les  soul- 
loyent  addresser  pour  me  faire  tenyr.  Par  quoy,  Monseigneur,  de 
rechef  je  vous  supplye  si  en  avez  rien  m'en  voulloir  faire  part;  car, 
comme  l'on  dict,  ung  homme  adverty  en  vault  deulx,  et  cela  me  pourra 
servyr  contre  cculx  qui  me  pencent  nuyre  et  desplaire,  sans  que 
jamais  je  aye  eu  tant  de  loysyr  de  pencer  bien  ne  mal  d'eulx.  Je  ne 
sçay  quelz  ilz  sont,  sinon  que  je  me  doubte  de  quelques  ungs.  Des- 
quels, Dieu  mercy,  je  ne  me  soulcye  pas  beaulcoup  de  tout  ce  qu'ils 
sçauroyent  faire;  car  me  suys  de  longtemps  deslibéré  et  confirmé  de 
ne  despendre  point  de  l'appétit  de  telles  gens.  Aullrement,  je  seroys 
par  trop  esclave  de  servyr  à  leurs  plaisyrs,  et  me  souffira  bien  d'avoir, 
soubz  Dieu,  la  bonne  grâce  du  roy  et  de  ses  meilleurs  serviteurs.  Si 
Voslre  Excellence  trouvoyt  bon  m'advertyr  qui  sont  ceulx  là,  je  l'en 
supplyerois  de  tout  mon  cœur  affin  de  me  donner  de  garde  d'eulx.  La 
grande  hardiesse  que  je  prends  vous  en  escrire  si  instemment  est  la 
bonne  et  vraye  amytié  que  j'ay  tousjours  congneue  que  de  vostre  grâce 
me  portez,  et  la  cure  qu'il  vous  plaist  avoir  de  mon  honneur...  » 

Vol.  2,  f"  80  v°,  copie  du  wi"  siècle;  i  pp.  in-f". 

PELLICIER   A   RINCON  '. 

85.  —  [Venise],  i 9 novembre  1 540.  —  «  Monsieur,  le  xii^  de  ce  moys 
arriva  icy  Janezin,  avec  une  petite  lettre  de  vous  seuUement  en  recom- 
mandation des  facteurs  de  Azamo  *  qui  sont  icy,  me  disant  que  aviez 
dépesché  ung  courrier  expressément  auparavant  qu'il  se  partyt  de 
Conslantinoplc  pour  nous  apporter  les  nouvelles  de  la  paix  d'entre 
cez  Seigneurs  et  le  Grant  Seigneur;  dont  feuz  en  quelque  doubte,  pour 
ce  qu'il  n'estoyt  arrivé  aussi  tost  que  ledict  Janezin.  Mais  comme  Dieu 
vouUut  ledict  jour  sur  le  soir,  comme  j'estoys  aprez  pour  faire  une 
dépesclffe  au  roy  pour  l'importance  de  la  nouvelle,  arriva  ung  brigantin 
avecques  vostre  pacquet,  ouquel  en  trouvé  ung  pour  S.  M.,  que  ne 
faillys  incontinent  en  toute  dilligence  mander  jusques  à  Turin  pour  luy 
faire  tenyr,  ayant  bien  vu  et  noté  tout  ce  que  m'avez  escript,  tant  sur 
les  poinctz  et  articles  de  ladicle  paix  que  aussi  sur  la  diversité  des 

1.  «  Escript  ce  dict  jour  à  M.  l'arcevesque  de  Raguse  et  messer  Petréio,  et  aussy 
à  M.  de  Villegagnon  en  Constantinople.  » 

2.  Demctrios  Azanio  ou  Azani,  comme  il  est  appelé  plus  loin  (dépêche  98),  était 
probablement  un  négociant  grec  établi  à  Constantinople. 


iTii.  AMBASSADE    DE  rnoYKMBnF.    1540 

lettres  <jue  vous  en  uy  par  cy  devant  escriptes.  Et  quant  ad  ce  que 
M.  do  Vaulx  vous  avoyl  escripl  avoir  perdu  et  oblyé  par  cheniin  le 
pac<[uet  que  le  seigneur  lîadouare  luy  avoyt  baillé  pour  apporter  à 
cesle  Seigneurie,  il  est  vray  qu'il  le  pensoyl  ainsi,  et  m'en  misl  en  nou 
petit  pensier';  loutesfois  je  ne  m'en  liaslé  que  bien  à  poinct.  Dont 
depuys  en  attendant  à  voir  silz  en  feroyent  aulcune  plaincte,  je  luz 
advcrty  ([u'ils  lavoyent  receu,  et  que  luy  niesmes  l'avoyt  baillé,  non 
si;aicliant  ([ue  ledict  paifjuet  s'adressoit  à  la  Seigneurie,  pour  ce  qu'il 
estoyt  subseripl  seiiUemeiit  au  duc  de  cesle  ville  -.  Et  le  bailla  ainsi 
souldain  qu'il  fust  arrivé  icy,  sans  m'en  advertyr;  parquoy  n'y  eust  eu 
lieu  que  je  fusse  allé  excuser  ladicte  chose,  comme  aulcuns  esloyent 
d'advi/..  Quant  est  du  plaisyr  et  contentement  que  cez  Seigneurs  ont 
eu  de  ladicte  nouvelle,  je  vous  diray  que  il/  ont  faict  démonstration 
d'en  eslre  merveilleusement  salisfaictz  et  consoliez.  Lesquelz  m'en- 
voyèrent le  jour  mesmes  ung  de  leurs  secrétaires  pour  m'en  con- 
gratuller,  et  remercyer  bien  afl'ectueusemenl  S.  M.,sçacliant  très  bien 
que  sans  la  faveur  d'icelle,  et  les  bons  offices  que  ses  ministres  y 
ont  faictz,  mesmement  vous  plus  que  tous  ensemble,  encores  qu'elle 
leur  soit  chère,  ne  l'eussent  obtenue  à  si  bon  marché  :  ce  que  je  ne 
faulx  à  faire  très  bien  entendre  partout  où  il  est  besoing.  Toutesfoiz 
je  ne  dictz  pas  que  pour  cela,  continuant  tousjours  en  mes  derniers 
propoz,  ilz  soyent  pour  se  déclarer  de  nostre  cousté,  ne  aultrement 
faire  que  ainsi  que  m'escripvez.  Je  verray  avecques  le  temps  de 
quelle  voullenté  ilz  seront.  De  quoy  ne  fauldray  à  vous  advertyr  au 
jour  lajournée,  et  sur  ce  propoz  vous  diray  que  à  mon  adviz  ne  fault 
point  trouver  par  trop  estrange  si  en  ay  escript  selon  la  diversité  des 
temps  et  propoz  diverses  lettres;  car,  comme  vous  sçavez  trop  mieulx, 
ce  monde  icy  n'est  pas  tousjours  en  une  mesme  oppinion,  et  ce  que 
vous  en  ay  mandé  journellement  a  esté  selon  la  saison  dudict  temps 
et  que  entendoys  passer  les  affaires,  tout  ainsi  que  je  vous  ay  escript 
d'aultres  choses  :  mesmement  comme  cez  Seigneurs  du  commencement 
se  faisoyent  entendre  qu'ilz  se  fussent  plus  lost  habandonnez  en  proye 
et  buttin  quelconque  fust,  que  de  bailler  Napoli  de  Romanye  et 
Malvasye.  Toutesfoiz,  pour  en  avoir  veu  depuys  le  contraire,  n'ay 
trouvé  absurde  de  vous  l'escripre  et  changer  d'adviz.  Pareillement 
a  esté  ung  temps  que  l'on  espéroyt  les  affaires  d'entre  Leurs  Majestez 
passer  aultrement  qu'ilz  ne  sont  en  termes  maintenant.  Par  quoy  sem- 
blablement  suys  esté  contrainct  de  vous  en  escripre  choses  différentes, 
desquelles  si  les  affectionnez  serviteurs  de  S.  M.  qui  sont  icy  estoyent 
en  telle  délibération  que  vous  avoys  escript  auparavant  que  eussiez 
receu  mes  lettres  par  Janezin,  et  depuys  pour  bonnes  causes  ilz  ayent 


1.  Inquicliide. 

2.  Pietro  Lando. 


■  NOVEMBRE    lb40  GUILLAUME    l'ELLICIER  lai> 

cliaiigé  d'adviz  et  conseil,  et  que  desprincipaulx  d'eulx-iufsnics eussent 
esté  de  ceste  oppinion  d'escripre  la  lettre  à  celluy  que  vous  ay  faicl 
entendre,  m'eust  semblé  faire  une  très  grande  erreur  et  faulte  de  ne 
vous  en  advertyr,  comme  n'ay  failly  pareillement  faire  S.  M.,  remettant 
toulesfoiz  tousjours  le  tout  à  vostre  meilleure  prudence  et  jugement  à 
pourveoir  es  choses  selon  et  ainsi  que  le  temps  et  les  affaires  le  requé- 
royent.  Eu  quoy  vous  vous  estez  tousjours  conduict  et  porté  tant 
saigement  et  dextrement  que  certes,  à  mon  adviz,  n'est  possible  de 
plus...  » 

Pellicier  donne  alors  à  Rincon  les  nouvelles  qu'il  tient  de  la  conver- 
sation qu'eut,  à  Constantinople,  l'ambassadeur  vénitien  Badoaro  avec 
Lutfy-Bey,  avant  l'audience  du  sultan;  de  la  convalescence  du  dau- 
phin, des  agissements  du  roi  Ferdinand  en  Hongrie  et  de  l'empereur 
en  Allemagne,  dont  il  a  été  question  dans  les  lettres  au  roi  et  au  con- 
nétable, à  la  date  du  7  novembre. 

«  Monsieur,  j'ay  veu  ce  que  m'avez  escript,  touchant  les  livres  que 
l'on  m'avoit  donné  icy  espérance  de  pouvoir  recouvrer  là  où  vous 
estes.  Et  certes,  n'eust  esté  que  l'on  m'en  avoyt  presque  asseuré,  ne 
fusse  entré  en  ceste  délibération  de  vous  en  requéryr  ne  fascher.  Et 
ce  que  m'y  a  aussi  incité  davantaige  est  qu'il  y  a  plusieurs  personnaiges, 
lesquelz  aprez  avoir  entendu  et  cogneu  la  voullenté  de  S.  M.  estre  d'en 
recouvrer  et  faire  amas  quoy  qu'ils  coustent,  qui  ont  deslibéré  s'en 
aller  fournyr  par  delà,  vous  remercyant  de  très  bon  cueur  de  la  dilli- 
gence  que  en  avez  faict.  El  vous  supplye,  suyvant  ce  qu'il  vous  en  a 
pieu  m'escripre,  me  faire  envoyer  ung  inventaire  de  ceulx  qui  sont 
entre  les  mains  de  messire  Jacomo  Marmorotti',  et  aussi  faire  bonne 
information  s'il  s'en  pourra  recoupvrer  d'aultres  à  Constantinople  ou 
ailleurs  là  auprez  ;  car  je  vous  puys  bien  asseurer  que  c'est  l'ung  des- 
plus agréables  services  que  l'on  sçauroyt  faire  à  S.  M.,  après  les  choses 
d'estat.  Et  de  ma  part  je  vous  en  resteray  grandement  obligé,  comme 
aussi  suys-je  des  bons  plaisirs  etbienfaictz  qu'il  vous  a  pieu  faire  pour 
Tamour  de  moy  à  mon  pauvre  voysin  Jehan  de  Farges,  duquel  ayreceu 
puis  naguères  lettres  escriptes  à  Chio  le  xxvii=  de  septembre,  me  faisant 
entendre  la  grande  obligation  que  luy  et  tous  ses  parens  vous  auront 
à  jamais,  comme  estant  celluy  seul  qui  serez  cause  de  sa  libération 
bien  tost  s'il  plaira  à  Dieu;  et  qu'il  vous  avoit  escript  pour  avoyrsauf 
conduyt  du  Grant  Seigneur,  ce  que  je  vous  supplye  faire,  si  jà  ne 
l'avez  faict,  pour  achever  de  mettre  fin  à  ung  tant  sainct  œuvre  que 
cestuy  là,  vous  asseurant,  Monsieur,  que  si  Dieu  me  donne  jamais  la 
grâce  de  me  trouver  au  droict  où  je  puisse  vous  faire  quelque  plaisyr 

I.  r.e  Giacomo  Marmoretti,  qui  tiabitait  Constantinople,  avait  un  frère  à  Venise, 
Demt'triu  Marmoretti,  qui  s'était  mis  en  n.'lalions  avec  Pellicier  et  lui  avait  signah; 
la  collection  de  manuscrits  précieux  réunie  par  Giacomo  (V.  la  lettre  à  Rincon  du 
1"  septembre  1540). 


136  AMHASSADE    DE  [nOVEMBUE    i:i40l 

e\  service,  je  n'ittiendray  don  eslrc  re(iui/.,  mais  de  moy-mesmes  m'y 
4'midoieray  d'aussi  bon  cucur,  etc. 

«  Monsieur,  il  y  a  a  Rome  deux  relif^icux  de  Sainl-François,  avec 
lesquelz  j'ay  eslroicle  et  ancienne  amylié,  qui  m'ont  mandé  une  lettre 
pour  faire  lenyr  es  partyes  de  Surye,  soit  en  Jherusalem,  Damasclio', 
ou  aultre  pari  de  ce/  couste/.  lii.  Je  vous  prye  luy  faire  donner  telle 
Adresse  qu'elle  puisse  venyr  entre  les  mains  de  cculx  où  elle  s'adresse, 
et  nie  faire  entendre  de  ce  qui  aura  esté  fait  du  sauf-conduict  du  sire 
Krancesco  Cliarli,  lequel  je  vous  recommande  de  tout  mon  cueur...  » 

Vol.  2,  r*  80  v",  copie  du  .\vi«  siècle;  4  pp.  ij't  in-f". 

l'EU.ICIEn   AI'   nrc  de   KEHriARE. 

86.  — [Venise],  21  novembre  1540.  —  «  Monseigneur,  vous  pourrez 
congnoistre  par  les  lettres  que  vous  escript  présentement  monseigneur 
le  daulphin  de  quelle  affection  il  vous  prye  en  faveur  du  seigneur  Paulo 
Andréa  de  Orti,  afiin  que  voslre  plaisyr  soyt  luy  voulloir  pardonner, 
et  conséquemment  faire  abbattre  et  osier  les  tableaux  qui  ont  esté 
penduz  contre  luy,  tant  en  vostre  ville  de  Ferrare  que  ailleurs.  Et 
encores  m'en  ayant  aussi  escript  Son  Excellence,  me  donnant  charge 
vous  envoyer  sa  lettre  par  homme  exprez,  cela  me  fait  croire  davan- 
taige  qu'ila  ceste  matière  en  singullière  recommandation,  et  qu'il  auroyl 
merveilleusement  agréable  d'estre  en  ce  gratifié.  Dont,  pour  accomplyr 
son  commandement,  vous  envoyé  ce  porteur  expressément  pour  cesl 
effecl,  vous  suppliant.  Monseigneur,  qu'il  vous  plaise  le  relenyr  le 
moings  qu'il  sera  possible,  et  m'envoyerpar  luy  la  responce  qu'il  vous 
plaira  faire  à  mondict  seigneur  le  daulpliin,  affin  que  je  luy  puisse 
tesmoigner  de  ma  dilligence  et  du  voulloir  que  avez  de  luy  faire  plaisyr, 
me  tenant  bien  asseuré  que  désirez  luy  complaire  et  gratiffier  en  plus 
granl  chose  que  ceste-cy.  » 

Vol.  2.  fo  82  yo.  copie  du  xvi^  siècle;  1/2  p.  in-f°. 

l'EI.LlCIER   A   M.    DE   LANGEV. 

87.  —  [VcHîsc],  25  novembre  1 540.  —  «  Monsieur,  estant  grande- 
ment occuppé  aprez  une  dépesche  que  j'espère  faire  au  roy  dedans 
quatre  ou  cinq  jours,  laquelle,  n'eust  été  quelque  résolucion  que 
j'atlendz  touchant  (juelque  affaire  de  M.  l'arcevesque  de  Transilvania, 
et  aussi  le  temps  prospère  pour  mander  le  pacquet  au  seigneur  Rincon 
que  m'avez  dernièrement  envoyé  par  les  voslres  du  xvii®  de  ce  moys, 
aftin  d'en  advertyr  Sa  Majesté  je  n'eusse  failly  par  ce  porteur  à  faire  et 

1.  Syrie,  Jérusalem,  Damaï^. 


[nOYEMDUE    1540]  GUILLAUME    PELLICIER  157 

parachever  madicte  dépesche  pour  la  court;  mais  altendu  aussi  que  je 
n'ay  matière  de  présent  de  grant  importance  qui  requière  aulcune 
scellérité,  ay  bien  voullu  diflerer  pour  quelque  peu  de  jours.  Néant- 
moings  cependant,  considérant  que  pourriez  avoir  affaire  de  ccdict 
porteur  pour  envoyer  en  aultres  parts,  lequel  avoys  tousjours  retenu, 
pensant  luy  donner  quelque  dépesche,  ce  que  eusse  faict  n'eust  esté 
que  ccUuy  qui  avoyt  conduyt  M.  l'arcevesque  de  Transilvania  luy  osta 
son  tour,  pour  estre  la  nouvelle  qu'il  porta  de  telle  importance  qu'elle 
méritoit  bien  d'être  faict  courir  jusques  à  vous,  à  présent  je  vous  le 
renvoyé  et  détiens  celluy  qui  est  venu  le  dernier,  pour  bien  tost  vous 
porter  madicte  dépesche.  Et  pour  ce,  Monsieur,  que  je  sçay  très  bien 
l'amytié  que  portez  au  seigneur  Pietro  Stroci,  et  le  désir  et  affec- 
tion que  avez  de  luy  faire  plaisyr,  pour  estre  tel  serviteur  du  roy 
que  sçavez,  ayant  esté  pryé  par  i\l.  le  prieur  Stroci  '  son  frère,  et  aussi 
par  le  seigneur  Francesco  Corboli,  leur  facteur  et  agent,  qui  est 
homme  qui  s'est  toujours  employé  totallemcnt  à  faire  plaisyr  et  ser- 
vice aux  ministres  du  roy  par  deçà,  comme  moy-mesmes  en  puis  très 
bien  testiliîer,  —  de  vous  adresser  ce  gros  pacquet  pour  faire  tenyr  à 
Lyon,  et  qu'ils  me  l'ont  si  affectueusement  recommandé  comme  chose 
que  leur  importe  grandement,  ainsi  qu'ilz  m'ont  dict,  estant  certain  que 
par  vostre  bonne  dilligence,  tant  pour  envoyer  à  la  court  les  lettres 
que  recepvez  de  toutes  pars,  et  aussi  pour  y  mander  des  vostres,  vous 
avez  accoutumé  d'y  dépescher  souvent,  je  me  suys  bien  osé  aventurer 
de  vous  l'adresser,  estimant  bien  que  trop  plus  grant  plaisyr  désirez 
audict  seigneur  Stroci  que  d'espargner  la  peine  d'un  poste  pour  le 
porter  jusques  à  Lyon  avecques  la  commodité,  si  elle  s'y  adonnoit  bien 
tost,  comme  dedans  ung  jour  ou  deux;  ou  bien,  s'il  falloit  tarder 
davantage,  ils  aimeroyent  beaulcoup  mieulx  payer  ce  qu'il  cousteroyt  à 
le  faire  couryrdepuys  Thurin  jusques  à  Lyon.  Et  de  la  despence  qui  s'y 
feroit,  si  aultrement  ne  se  povoit  faire,  je  vous  en  respondz,  vous  asseu- 
rant  bien  que  si  je  pençoys  que  mes  prières  et  supplications  vous 
poussent  augmenter  le  voulloir  d'y  donner  bon  ordre,  je  le  feroys  de 
tout  mon  cueur;  mais,  estant  asseuré  que  pour  l'amour  dudict  Stroci 
vous  en  ferez  tout  ce  qu'il  s'en  pourra  faire,  je  ne  m'estendray  à  vous 
en  dire  aultre  chose...  » 


Vol.  2,  f°  83,  copie  du  wi^  siècle;  1  p.  1/4  in-fo. 


1.  Leone  Strozzi,  chevalier  de  Malte, prieur  de  Capoiie.  Nommé  lieutenant  général 
des  galères  du  roi,  sous  le  baron  de  la  Garde,  le  31  mai  lo4:i,  il  lui  succéda  en 
juin  1j47,  et  fut  tué  au  service  de  la  France,  au  siège  du  château  de  Scarlino,  près 
de  Piombino,  en  1354  (V.  la  notice  de  Brantôme,  édit.  Lalannc,  t.  IV,  p.  120). 


i:;S  AMiîASSADi:  i»E  Novr.Muui:   [:\'t{\\ 

l'EI.I.lCIEn   A    niNCdN  •. 

88.  —  ^^Vvllise^,  JiJ  iKjitmbrr  i .')40.  —  «  Monsieur,  par  les  dernièros 
letlres  que  vous  ay  escriples  du  wx"  de  ce  moys,  vous  ay  laid 
enlendre  la  ii'ci'pliou  des  vosires  du  X"'  octobre,  faisant  mencion  de  la 
paix  de  cez  Seigneurs  avecques  le  Cirant  Seigneur,  auxquelles  nie 
semble  vous  avoir  faict  ample  réponce,  et  davantaige  adverty  de  tout 
ce  que  avuys  lors.  Dont,  pour  aullant  (jue  j'espère  que  les  recepvrez 
avant  la  présente,  ne  vous  en  ieray  aullre  répéticion;  mais  vous  diray 
comme  depuysay  receu  ung  pacquet  du  roy  pour  vous  laire  tenyrseu- 
rcmenl.  Dont,  suiyvant  ce  que  m'avez  escript  par  cy  davant,  que  s'il 
se  présenloit  quelque  dépesche  pour  vous  envoyer,  que  je  la  voulsisse 
donner  à  maître  «iuillaume  l'orloger,  s'il  voulloyt  aller  par  dellà,  à 
présent  s'cstant  offerte  la  commodité,  la  luy  ay  bien  voullu  bailler.  Et 
n'eusteslé  qu'il  craignoyt  tousjours  d'aller  sans  sauf  eonduict,  je  n'eusse 
tant  demeuré  à  ce  faire;  mais  l'ayant  cerlillyé  et  asseuré  qu'il  n'y 
avoyt  point  de  danger  s'est  mys  à  l'aventure;  vous  priant,  oultre  l'as- 
seurance  que  j'ay  qu'il  nesçauroyt  avoir  que  bon  traiclement  en  vostre 
maison,  l'avoir  pour  recommandé,  comme  homme  certainement  qui 
le  mérite,  ainsi  que  j'espère  bien  qu'il  vous  pourra  donner  à  congnoislre 
par  sa  conversacion.  Et  pour  ce  que  l'on  ne  m'escript  rien  de  la  court, 
sinon  à  mon  advis  chose  que  l'on  vous  faict  aussi  entendre,  c'est  la 
santé  et  entière  guérison  de  monseigneur  le  daulphin,  ne  vous  en 
sçauroys  rien  dire  davantaige,  fors  que  j'ai  esté  adverty  d'aullre  part 
que  M.  de  Sainct-Pol  a  esté  villainement  blessé  par  ung  serf  estant  on 
ruth,  qui  luy  a  perse  les  deux  joues  et  couppé  la  moytié  de  la  lengue  : 
dont  il  a  esté  en  trèsgrant  danger  de  sa  personne.  M.  de  Lavaour  arriva 
à  la  court  environ  le  xii^'  de  ce  moys,  assez  mal  de  sa  personne,  à  cause 
d'une  fiebvre  quarte  qui  le  tient  dès  le  moys  d'aoust  -  ;  et  M.  de  Vueilly, 
qui  doibt  aller  en  sa  place,  avoit  demandé  congé  au  roy  pour  se  retirer 
en  son  al)baye  de  Sainct-Recquier  pendant  le  temps  que  l'empereur 


1.  «  Escript  cedici  jour  à  M.  de  Villegaignon;  ilem,  à  M.  l"arceves(|ue  de  Ragiiso  et  h. 
messt'i-  Pélréo.  Et  séjourna  la  préseiile  dépesche  à  cause  du  maulvais  temps  jusque» 
au  premier  décembre,  laniielle  M"  Guillaume  Reverdy  porla  en  Constanlinople.  » 

GiiiliaMiiu!  Reverdy,  horloger,  sans  doute  lyonnais  et  d'origine  italienne,  étant 
données  les  attaches  nombreuses  ([ue  Pellicier  avait  avec  Lyon,  et  l'existence  dans 
cette  ville,  à  la  même  époque,  de  divers  personnages  de  ce  nom,  et  notamment 
d'un  cerUiin  Jean  Reverdy,  notaire  et  fermier  des  gabelles  (V.  Invent,  sommaire 
des  archives  de  Lijon,  t.  III,  p.  130,  col.  1). 

2.  "  A  Georges  de  Selve,  évesque  de  Lavaur,  conseiller  du  roy  et  naguc'res  son 
ambassadeur  devers  l'empereur,  920  livres  par  lettres  à  Fontainebleau  le  22  novem- 
bre l'IiO,  iM)ur  le  parfait  payement  de  son  estât,  vacation  et  dépense  en  ladite  charge 
d'ambassadeur  durant  i(i  jours  commencez  le  II  octobre  lliiO  cl  finis  le  18  novembre 
suivant,  qu'il  a  esté  de  retour  devers  le  roy  à  Fontainebliau.  à  raison  de  20  livres 
par  jour  •  {Comptes  de  l'épargne:  R.  N.,  ms.  Clairaml)nun  l2lo.  f"  70). 


[novembre    d340j  GUILLAUME    PELLICIER  159 

seroyt  au  pays  d'Arlhoys  où  il  estoyt  encores  le  vr"  de  ce  moys  '. 
Lequel,  après  s'estre  trouvé  à  ceste  diette  que  l'on  doibt  faire  à 
Worines,  —  où  néantmoings  le  un"  n'estoyent  encores  compareuz  ung 
seul  des  protestants  ne  catholicques,  fors  M.  l'évesque  de  Feltre,  l'ung 
des  principaulx  deppulez  et  envoyez  là  par  le  pape  *,  —  s'en  doibl 
venyr  en  Itallye,  que  Ton  estime  estre  à  ce  moys  de  febvrier,  ayant  tiré 
de  lout  ce  pays  là  et  de  la  Flandre,  ainsi  que  disent  les  Impériaulx, 
bien  deux  millions  d'or  ;  mais  il  le  croyra  qui  vouldra.  Noslre  Sainct  Père 
s'en  ira  au  devant  l'attendre  à  Boullongne,  lequel  faict  acquisition  des 
principaultez  de  Altemura  "  et  Tarenta  en  Calabre,  pour  l'infeuder  au 
seigneur  Ottavio  et  à  madame  Marguerilte,  fille  de  l'empereur  et  à 
leurs  enfans  masles  et  femelles  ',  d'aultant  que  n'avoyt  infeudé  Camarin 
que  pour  les  enfans  masles,  et  que  l'empereur  a  voullu  (jue  Ton  pour- 
veust  aussi  de  quehiue  honnestc  estât  pour  lesdictes  filles.  L'acquisi- 
tion sera  de  cent  cinquante  mil  escuz  qui  viendront  entre  les  mains  de 
l'empereur.  Et  desjà  en  a  envoyé  cent  vingt  mil  à  Naples.  Par  ainsi  la 
maison  Farnèze  se  essayera  de  faire  grande  ^  ;  car  desjà  n'aura  pas 
moings  de  soixante  mil  escuz  de  rente.  M.  de  Langey  a  esté  à  Poyrin  * 
avecques  le  chancellier  de  Millau  et  aultres  officiers  de  l'empereur 
pour  y  décidder  quelque  différend  qu'ilz  ont  par  ensemble;  mais, 
comme  j'entendz,  il  n'a  guères  bonne  oppinion  des  Impériaulx. 

«  Monsieur,  pour  vous  faire  part  des  nouvelles  de  Hongrye  telles  que 
les  avons  icy,  encores  que  en  povez  à  l'aventure  estre  adverty  plus 
souvent  et  mieulx  que  nous,  vous  diray  comme  puis  naguères  est 
arrivé  icy  ung  des  serviteurs  de  M.  l'arcevesque  de  Transilvania  venant 
de  Budde,  lequel,  pour  plusieurs  raisons  qu'il  a  alléguées  à  son 
maistre,  a  donné  très  bonne  espérance  que  le  roy  Ferdinando  n'estoyt 
pour  prendre  Budde  ainsi  que  les  Impériaulx  avoyent   mys   avant, 

1.  !1  semble  que  le  roi  ne  l'y  ait  guère  laisrié  (lavaiila|j:e  si  l'uu  en  juge  par  le 
mandement  donné  au  trésorier  de  l'épargne,  à  Fontainebleau,  le  15  novembre  1540, 
de  payer  31  livres  10  sous  tournois  à  Guillaume  I?asille,  ehevaucheur  d'écurie,  chargé 
de  porter  à  Saint-ISiquier,  h  Claude  Dodiou,  ambassadeur  auprès  de  l'empereur,  des 
lettres  du  roi  (B.  N'.,  original,  ms.  fr.  25722,  n"  606). 

•2.  Tommaso  Campcggi,  évèquc  de  Feltri,  de  1520  à  1559,  mort  à  Rome  le  21  Jan- 
vier 1561,  à  l'âge  de  soixante-quatre  ans. 

Paul  III  l'envoya,  en  novembre  loi0,en  qualité  de  nonce  à  la  conférence  de  Worms, 
qui  fut  presque  aussitôt  rompue  que  commencée.  11  assista  plus  tard  à  l'ouverture 
du  concile  de  Trente  (1545). 

3.  Bologne.  —  .Vltamura,  ville  de  la  iirovince  de  Xa|iles,  à  45  kilom.  de  Bari. 

4.  Ottavio  Farnese,  second  (ils  de  Pietru-Aloysio  Farnese,  duc  de  Cameriuo,  puis 
de  Parme  et  de  Plaisance,  né  le  8  octobre  1524,  mort  le  21  septembre  1580.  Il  avait 
épousé  en  1538  Marguerite  d'Autriche,  veuve  d'Alessandro  dei  Medicis,  et  fille  natu- 
relle de  Charles-Quint. 

5.  Les  Farnese,  originaires  du  château  de  Farneto,  près  d'Orvieto,  connus  dès  le 
xiu"  siècle,  fournirent  plusieurs  généraux  aux  petits  États  de  l'Italie,  un  pape, 
Paul  m,  et  de  nombreux  cardinaux  <à  l'Église,  et  régnèrent  sur  Parme  et  Plaisance, 
pendant  près  de  deux  siècles,  de  15i5  à  1731. 

6.  Poirino,  bourg  du  Piémont,  à  9  kilom.  de  Chieri,  sur  la  Bonna. 


IGU  AMBASSADE    DE  [NOVEMBRE    1  lUOj 

pour  tuillanl  qnc  la  ville  esloyt  bien  fournye  de  gens  et  toutes  muni- 
cions  nécessaires;  bien  que  ledict  roy  des  Homains  ayt  prins  la  pailye 
de  maison  (jui  est  au  bas  du  cliasteau  de  Vicegrado  ',  laquelle  néant- 
moings  il  a  aclRq)té  bien  chère  pour  luy  avoir  couslé  mioulx  de  troys 
cens  honiuu'savanl  (juc  leniporlcr,  et  aultrc  chose  n"a  dudicl  cliasteau. 
Toutesfoys  j'ay  entendu  d'aultre  cousté,  par  la  voye  de  Homme,  d'ung 
personnaigi'  qui  ni'escripvoil  telles  choses  trop  voullenliers  pour  eslre 
bien  proche  pjirciit  de  la  royne  de  Poullongne,  c'est  (jue  lévesque 
d'Agria  s'cstoyt  retiré  vers  le  roy  des  Romains  avecques  mil  cinq  cens 
chevaulx  et  deux  cens  gentil/.hommcs,  et  avoyl  escripl  à  Sa  Saincleté, 
protestant  voulloir  vivre  et  mouryr  avec  les  chrestiens,  donnant  très 
bien  compte  de  soy,  remonstrant  que  en  toutes  ces  choses  n'avoyt 
jamais  l'ailly  audict  roy  Jehan  jusques  à  sa  mort,  tant  en  son  adversité 
que  en  sa  prospérité;  et  que  ledict  roy  Jehan,  aux  conventions  qu'il 
feist  avecques  le  roy  des  Romains  et  l'empereur,  vouUut  et  consentit 
que  le  royaulme  de  Hongrye  après  sa  mort  relournast  audict  roy  des 
Romains,  et  ses  enfans  se  contentassent  du  patrimoine  et  du  conté  de 
Slcscia  -;  et  que  luy  ayant  comme  conseiller  soubscripl  Icsdictes  capi- 
lullacions  et  promys  de  non  conlrevenyr,  voyant  que  son  roy  avait 
plustost  preniis  l'amour  du  fils  que  le  béneffice  du  royaulme,  que 
comme  prélat  et  chrcstien  ne  povoit  mancquer  à  sa  foy,  mesmenient 
pour  ce  que  aulcuns  contre  tout  debvoir  de  raison,  soubz  colleur  de 
voulloir  pour  roy  ledict  enfant,  s'efïbrçoyent  de  faire  que  ledict 
royaulme  pour  leurs  intérests  particuliers  pervint  es  mains  du  Turcq, 
et  que  faire  aultrement  estoyt  ung  voulloir  ruyner  du  tout  ledict 
royaulme.  Et  adjoustoit  là-dessus  celluy  qui  escripvoit  ladicte  lettre 
que  pour  estre  noble  et  de  grande  auctorité,  sa  venue  pourroit  estre 
de  non  peu  d'importance  aux  choses  du  roy  des  Romains,  lequel  ja 
avoit  esté  demandé  en  Budde,  et  frère  Georges,  trésorier,  debvoit 
pareillement  estre  à  parlemanter  avecques  le  roy  des  Romains;  et  que 
non  venant  à  temps  les  secours  du  Turcq  demandez  par  ceulx  qui  favo- 
risent le  tils  dudict  feu  roy  Jehan,  seroit  facile  chose  que  la  plus  grant 
part  de  ceulx  dudict  royaulme  pervint  es  mains  du  roy  des  Rommains, 
et  au  temps  nouveau  l'on  verroit  qu'il  se  allumeroit  une  grosse  guerre. 
Vous  povez  trop  plus  certainement  juger  ce  qui  en  aura  à  estre  du 
cousté  là  où  vous  estes  que  ne  sçaurions  pencer  par  deçà.  Dont  ne 
vous  en  diray  aultre. 

«  Monsieur,  quant  à  l'armée  de  Doria,  vous  diray  comme  j'ay  veu 


1.  Visefîrad,  bourg  de  Hongrie  situé  au  sommet  d  une  montagne  escarpée,  sur  la 
rive  droite  du  Danube,  entre  Gran  et  Wailzcn  (Vacz),  au  nord  de  Bude.  On  y  voit 
encore  aujourd'hui  les  ruines  de  l'ancienne  résidence  royale,  où  fut  conservée 
pendant  longtemps  la  fameuse  couronne  de  saint  Ktienne. 

2.  La  Silésie  autrichienne,  en  hongrois  Slezia,  dont  les  centres  principaux  sont 
Troppau  et  Teschen. 


NOVEMBRE    loiOj  GUILLAUME    PELLICIER  101 

ung  cliappilre  duuo  lellre  venue  de  ludicte  armée,  contenant  comme 
le  vice-roy  de  Napples  avecques  vingt-sept  gallèi-es  estoyt  allé  à  la 
Mahommelte  où  estoit  le  roy  de  Thuniz  avecques  son  exercite;  et  soub- 
dain  que  ceulx  de  la  Mahommette  veirent  le  matin  se  présenter  les 
gallères  avecques  la  voillo,  se  rendirent  audict  roy,  et  ainsi  en  print  la 
possession.  Et  dedans  estoycnt  seullement  cinqTurcqs,  qui  se  meirent 
en  la  gallère  dudict  vice-roy;  et  furent  libérez  douze  ou  treize  chres- 
liens  qui  estoyent  dedans.  L'on  fut  là  deux  jours  jusques  ad  ce  que 
ledicl  roy  eust  donné  son  filz  et  trois  aultres  enfans  de  ses  principaulx 
en  ostaige,  jusque  ad  ce  qu'il  eust  payé  les  soixante  mil  escuz  lesquelz 
estoyt  obligé  payer.  Et  que  s'estoyent  recouvers  cinq  lieux  sur  la 
marine,  et  en  niancquoyent  encores  deux,  sçavoir  est  la  Calibia  '  et 
Sfax  ',  qui  sont  de  peu  d'importance,  lesquelz  toutesfoiz  ilz  espéroyent 
les  recouvrer,  et  puys  l'on  verroit  ce  qu'il  se  pourroit  plus  faire;  l'on 
n'avoyt  encores  résolu  de  aller  al  Cnrouan  *,  y  ayans  en  eflect  assez  de 
diflicultez.  De  la  Maliommette  manda  ledict  vice-roy  les  quatre  gal- 
lères delà  religion  à  la  Calibia,  et  le  roy  y  manda  sept  cens  chevaulx 
pour  veoir  s'ilz  se  voudroyent  rendre;  lesquelles  gallères  retournè- 
rent bientost,  et  ont  relîéré  qu'ilz  ne  s'estoyent  voullu  rendre  :  par 
quoy  Ton  avoil  deslibéré  y  aller  avecques  toutes  les  gallères  pour  la 
battre.  Et  depuys  j'ay  entendu  comme  André  Doria  avecques  ladicte 
armée  arriva  environ  le  xii'~  de  ce  moys  à  Palerme  en  Sicille  où  il  désem- 
barcqua  les  Espaignolz  qu'il  avoit  menez  avecques  luy;  puys  s'en  vint 
accompaigné  seullement  de  vingt-une  gallères,  et  arriva  à  Napples 
le  xim"  ou  xv°.  Et  le  lendemain  sur  la  nuict  feist  voille  pour  Gennes, 
ayant  dix  gallères  des  siennes,  et  debvoit  passer  dès  le  xix*  du  présent 
à  Civita  Vechia.  Tout  ce  qu'il  a  faict  a  esté  la  prinse  des  deux  places 
de  Suza*  et  Monasterio.  11  a  perdu  au  voyage  ung  sien  parent  nommé 
Jehan  Baptiste  Doria,  conducteur  des  gallères  de  Anthoine  Doria  '%  qui 
V  est  déceddé  de  mort  naturelle. 

«  Monsieur,  puis  naguères  cez  Seigneurs  ont  eu  nouvelles  comme 
deux  de  leurs  gallères,  ayant  rencontré  deux  fusles  de  Mores  venans 
de  AUexandrie  d'Egypte,  non  sçaichans  quelles  gens  c'estoyent,  les 
salluèrcnt  de  quelque  pièce  d'artillerie  sans  boullet;  mais  lesdictes 
fustes  leur  rendirent  ung  aultre  salut  trop  plus  mal  gracieulx,  car 
tirèrent  à  l)on  essiant  force  artillerie  contre  lesdictes  gallères.  Quoy 

1.  Kelil>ia  ou  Klil)ia,  aujourd'hui  simple  bourgade  située  sur  la  côte  de  Tunisie, 
sur  reiiiplaremcnt  de  l'antique  Clypca.  Andréa  Doria  avait  déjà  soumis  ces  villes  du 
littoral  en  IK:?'.)  cl  y  avait  placé  des  gouverneurs  de  la  dynastie  hafside. 

2.  Sfax,  ville  ot  iiort  de  la  Tunisie,  située  à  225  kilom.'au  sud  de  Tunis,  sur  le 
golfe  de  Ciabès,  importante  par  son  industrie  et  son  commerce. 

:5.  A  Kairouan,  importante  place  de  Tunisie,  à  58  Kilom.  de  Sousse  et  107  kilom. 
de  Tunis,  ancien  chef-lieu  des  possessions  des  Khalifes  en  Afrique. 

l.  Sousse,  ville  et  port  de  Tunisie,  située  dans  le  golfe  de  Jlanimaniet,  à  liO  kilom. 
de  Tunis,  importante  par  son  commerce. 

o.  Gian-Ballisla  Doria,  fils  d'Antonio  Doria,  cousin  d'Andréa. 

VtMSE.  —  1540-1542.  11 


i02  ambassadp:  de  [novkmbfie  ib40] 

voyant  se  meirenl  en  dcircnco,  cl  fcirenl  de  sorte  quilz  prindrenl 
Icsdictcs  fustes  et  sans  rémission  aulcune  nieirent  à  mort  tous  ceulx 
qui  estoyent  dedans  sans  ((uil  en  récliapasl  pas  ung.  Et  se  montoyent 
bien  en  nonil)re  de,  ainsi  (jne  l'on  estime,  deux  cens  cinquante.  Dont 
ce/.  Seigneurs,  ayans  entendu  ce,  en  ont  eu  très  granl  dcsplaisyr  et 
maUontenlemeiit  contre  reulx  qui  ont  faict  ce  désordre,  attendu  mes- 
menuMitque  ce  a  esté  l'aict  sur  le  i)i)incl  que  se  hrassoit  la  conclusion 
de  la  paix  d'entre  eulx  et  le  Granl  Seigneur;  et  de  faict,  pour  donner 
à  congnoislre  qu'ils  en  ont  estez  très  mal  contens,  ont  ordonné  que 
ceulx  ({ui  rmil  l'aict  soyent  très  bien  cliastiez  :  pour  quoy  faire  les  ont 
mandez  venyr  icy. 

«  Monsieur,  ([uaut  ad  ce  que  vous  ay  escript  touchant  l'ambassadeur 
que  doibt  mander  ici  le  Grant  Seigneur,  j'ai  depuys  entendu  que  cez 
Seigneurs,  après  avoir  bien  pencé  et  considéré  qui  ce  pourroyt  estre, 
ont  commencé  à  doubler  et  changer  d'advis  que  pourra  estre  que  ce 
ne  sera  Janus  Bey,  pour  ce  quilz  ont  entendu  depuys  qu'il  est  creu  et 
monté  en  crédict  du  Grant  Seigneur.  Et  que  ilz  luy  avoyenl  mandé 
dix  mil  rliequins,  sçavoir  est  trois  mille  de  présens  et  les  six  mil  pour 
ses  intérestz,  qui  pourroit  estre  chose  qui  luy  suffiroil  pour  ceste 
fois  la  pratique  et  propine  de  cez  Seigneurs.  Or,  soit  qui  se  vueille,  je 
ne  double  point  que  n'y  faciez  tout  ce  que  s^auroz  très  bien  adviser  par 
voslre  bonne  prudence  et  saige  jugement.  Si  est-il  que  estant  si  fort 
persuadé,  etsi  jeosois  dire  pressé  d'aulcuns  bons  et  parfaictz  serviteurs 
du  roy,  vous  en  escripre  leurs  adviz  me  sembleroyt  leur  faire  tort,  et 
aussi  ne  faire  mon  debvoir  si  ne  vous  en  adverlissois  :  c'est  que  vous 
plaise  de  ne  laisser  parfyr,  s'il  est  possible,  celluy  qui  viendra  icy, 
sans  lascher  qu'il  ayt  commission  de  remonstrer  et  insister  envers  cez 
Seigneurs  de  faire  ligue  avecques  le  roy,  ou  pour  le  moings  s'ilz  ne  voul- 
loyent  passer  ce  poinct  là,  qu'ilz  se  déclarassent  neutres,  se  tenant 
bien  asseurez  que  l'empereur,  se  voyant  délaissé  et  habandonné  d'eulx, 
ne  se  pourroyt  tenyr  de  leur  faire  très  bien  entendre  combien  il  s'en 
ressenliroyt.  Par  quoy,  bon  gré  qu'ilz  eussent,  seroyent  contrainclz 
de  prendre  nostre  party  :  à  quoy  faire  gist  toute  l'enlreprinse,  après 
vous,  audict  ambassadeur  qui  doibt  venyr  icy. 

<(■  Monsieur,  j'ay  esté  instemment  pryé  par  M.  de  Langey  vous 
escripre  et  supplyer  que  voslre  bon  plaisyr  soit  luy  faire  avoir  ung 
saufconduicl  du  Grant  Seigneur  en  la  forme  que  je  vous  en  envoyé  le 
mémoire.  Par  quoy,  si  mes  pryères  et  supi)lications  peulvent  rien 
adjousler  au  voulloir  el  all'ection  que  je  suys  bien  asseuré  que  avez 
de  luy  faire  plaisyr,  je  vous  en  supplye  de  tout  mon  cueur.  El  m'a 
escript  qu'il  désireroyt  avoir  Icdicl  saufconduicl  en  son  nom,  mesmes 
si  d'adventure  ne  le  sçaviez,  c'est  Guillaume  du  Bellay  '.  Et  ce  qu'il 

I.  11  lirait  son  nom  de  la  terre  el  seigneurie  de  Langey-en-Dunois,  commune  du 
département  d'Eure-et-Loir,  arrondissement  de  Châleaudun,  canton  de  Cloycs. 


[novembre    1o4U]  r.UILLAUME    PELLICIER  163 

conviendra  desbourser  pour  cest  effect,  en  m'en  advcrlissant,  le  fera 
rembourser  à  qui  il  vous  plaira,  ainsi  qu'il  m'a  escripl.  Et  de  rechef  je 
vous  suppiye,  s'il  est  possible,  qu'il  vous  plaise  nous  le  faire  avoir. 

«  Monsieur,  n'ayant  à  présent  chose  qui  me  semble  plus  digne  de  vous 
présenter  que  ung  orloge  faict  par  le  présent  porteur,  pour  vous  faire 
apparoir  de  son  ouvraige,  vous  l'ay  bien  voullu  envoyer  par  luy,  vous 
pryant  l'accepter  d'aussi  bon  cueur  que  si  c'estoyt  chose  de  plus  grant 
valleur  et  estime.  » 

Vol.  2,  f"  83  v°,  copie  du  .\vi°  siècle;  o  pp.  in-f".  ^ 

PELLICIER  AU  MÊME. 

89.  —  [Venise],  29  novembre  / 540.  —  «  Monsieur,  quant  M.  l'évesque 
de  Transilvania  vint  en  France  par  commandement  du  feu  roy  Jehan, 
au  moys  de  may  dernier,  comme  vous  ay  escript,  oultre  le  saufcon- 
duict  qu'il  avoit  obtenu  auparavant  du  roy  des  Romains,  en  impétra 
encores  ung  aultre  de  la  royne  sa  consorte  '  en  son  absence,  pour  ce 
qu'il  estoit  allé  devers  l'empereur  en  Flandres.  Mainctenant,  ne  se 
voulant  asseurer  d'iceulx  quant  il  fut  arrivé  icy  de  retour  de  France, 
dépescha  ung  de  ses  gens  vers  ledict  roy  veoir  s'il  pourroyt  obtenyr 
de  luy  conlirmation  desdictz  saufconduictz,  ce  qu'il  n'a  peu  faire;  ains, 
nonobstant  iceulx,  icelluy  roy  n'a  failly  de  faire  retenyr  ung  sien 
secrétaire  et  son  maistre  de  court  et  aultres  ses  serviteurs  qu'il  avoyt 
mandez  de  là.  Dont,  voyant  tel  empeschement,  et  qu'il  n'y  avoit  ordre 
de  passer  par  ce  cousté  là,  congnoissant  que  sa  présence  est  grande- 
ment requise  et  nécessaire  tant  pour  le  bien  et  proflict  dudict  royaulme 
que  encores  pour  complaire  et  obéyr  à  S.  M.  qui  de  ce  l'a  pryé,  et  le 
tout  estant  pour  revenir  au  bien  et  commodité  du  Grant  Seigneur  qu'il 
arrive  là  avant  le  retour  des  ambassadeurs  de  Hongrye  qui  sont  allez 
vers  ledict  Grant  Seigneur,  —  aprez  avoir  ensemblement  consulté  et 
chairché  tous  les  moyens  que  avons  peu  pencer  les  meilleurs,  enlin 
n'avons  trouvé  plus  expédiant  que  dépescher  ung  homme  expressé- 
ment jusques  à  vous  en  toute  dilligence.  Et  voullant  satisfaire  ad  ce 
que  m'avez  escript  de  donner  une  dépesche  à  maître  Guillaume 
l'orloger,  le  trouvant  disposé  et  deslibéré  de  faire  ce  voyage,  vous  ay 
envoyé  par  luy  le  pacquet  du  roy  avecques  la  présente,  vous  pryant  par 
icelle  voulloir  impétrer  du  Grant  Seigneur  un  saufconduict  pour  le- 
dict seigneur  évesque,    adressant    aux   sanzacques    de    Bellegrade  -, 

\.  Anne,  fille  de  Ladislas  Vi,  roi  de  Hongrie  et  de  Bohême,  et  sœur  de  Louis  le 
.leune,  également  roi  de  Hongrie  et  de  liohème,  tué  en  lo26  à  la  bataille  de  Mohacz. 
.  Mariée  en  15:21  à  Ferdinand,  elle  lui  donna  quinze  enfants  et  mourut  le  27  jan- 
vier Io'm. 

■2.  Belgrade,  capitale  de  la  province  de  Serbie,  conquise  par  Suleyinan  sur  les 
impériaux  en  1521. 


lO't 


AMBASSADE    DE  [dÉCEMURE    io40^ 

Bo.,Ki  ',  Sa.ula  Saba  ou  Cod.a  \  et  à  Moralli  vayvoda  ^   et  à  tous 
aullrcs  olliciers  duclicl  (iraut  SciKn.'ii.-  par  où  il  aura  à  passer,  allant 
;t  retournant;  .t  s'il  sera  possible  i.npélror  lettres  dudict  Seigneur, 
par  lesquelles  il  lace  entendre  aux  princes  et  barons  de    a  1  ongrye 
qui!/  \u^    r.-roul   bi.-n   sMant  plaisyr  et  service  s  d/.  se  attendront  et 
gouverneront   par  le  conseil  et  instructions  dudict  évesque,  lequel  a 
charg..    et   entend  très  bien   ce    que    est  pour   le  bien,   l^anqmhle  et 
adv^udaige  de  tout  le  royaulme.  Je  vous  envoyé  le  double  desdictz 
.anfconduiU  du  roy  Ferdinando  et  de  la  lettre  que  le  roy  a  escnpte 
ansdicl/.   princes    et    barons  dudict   royaulme  en   faveur   et  honneur 
a.dict  seigneur  évesque,  pour  vous  en  ayd.r  si  est  ou  besomg  sera. 
Et  vous  plaira,  incontinent  que  aurez  recouvers  leschctz  saufconduœt/., 
les  mander  en  toute  ddligence  par  homme  exprez  jusques  a  Raguse  a 
M    rarcevesque,  où  le  seigneur  Cola  liunello  les  attendra,  et  de  la 
déspence  «lui  sera  faite,  ledict  seigneur  arcevesque  en  sera  remborse, 
vous  prvanl  au  surplus  avoir  le  personnaige   qui  s  en   va  par  delà 
avecque;  ledict  maître  Guillaume  Torloger,  duquel  led.ct  seigneur  Cola 
vous  escripra  plus  à  plain,  en  singullière  recommandation.  » 

Vol.  2,  f  86,  copie  du  xvi"   siècle;  1  p.  1/4  in-f". 

l'EI.I.ICIER   AI'   MÊME  ^. 

90  -  f  Venise],  1"  A'cemhre  1540.  -  «  Monsieur,  sur  le  poinct  que 
messire  Cola  el  .nallre  Guillaume  l'orloger  voulloycnl  partyr  s  esleva 
une  lourmenle  si  très  grande  .,uil  n'y  eut  ordre,  e,  a  f^l  u  a  1  "d 
iusques  ad  ce  jourd'liui.  Dont,  ayant  entendu  quelques  nouvelles 
depuys,  n-av  vouUu  oh.nettre  à  vous  les  faire  entendre  :  et  mesmement 
comm  l'on-  a  iev  advis  de  bien  bon  lieu  que  rempereur  n  est  pour 
toe  chose  du  n.onde  aveeques  les  prolestants  touehant  ce  qu  d  pen- 

rraire  à  ses  diettes;  quoy  voyant,  a  faiet  les  plus  estro.eles  ordon- 
nances et  édict.  contre  eut.  en  ses  pays  de  Flandres  qu  .1  navet 
jamais  fa.ct,  ainsi  que  pourrez  venir  par  ung  double  que  je  vous  e 
envoyeré  par  la  première  dépesche  que  je  vous  feray.  bt  n  eust  esU 
aueTe  n'ay  eu  le  lovsir  de  la  faire  coppier,  pour  l'avoir  encore  reeeue 
'eut ^cestl  heure,  j-e  vous  l'eusse  envoyé  présentement.  Dont  lesd.ctz 

I    Bosna.^icraï,  ca„ilalc  .le  la  Bosnie,  proviacc  hongroise  conquise  par  les  Turcs 

S^réï^^'è^'^"!?^'^"  ir^a'TNÔ'In^n.a,  ,.„nt  ,n  s.pnUure  es.  v.n.-ec  dans  ■•.«,.» 

'X'^::\^'^VtS>^:::^^  --^.a.  pas,,  au  service  aes  T„.c. 

''■;  "ceu"  lôurê  éia'n.le'soKeTtsl-riptum  des  précédentes,  nous  avons  cm 
dévoir  la  laisser  à  leur  suite,  maigre  sa  ilale. 


[novembre    loiO"  GUILLAUME    PELLICIER  163 

protestants,  se  doubtans  de  quelque  chose,  sont  aprez  pour  faire  amas 
de  gens  plus  qu'il/,  ne  feirent  \ona;  temps  a.  Qui  ne  donne  pas  peu  à 
pencer  audict  empereur,  lequel  l'on  dict  debvoir  estre  à  ccz  Pasques 
en  ceste  Itallye;  et  jà  faict-on  mettre  ordreàMantoue  pour  le  recepvoir, 
et  aux  lieux  circonvoisins  la  genilarmerye,  et  sur  le  Ferraroys  pour 
les  gens  de  pied.  Quant  est  de  Hongrye,  Ton  avoit  tous  cez  jours  icy 
nouvelles  de  Rome  que  la  première  nouvelle  qui  viendroit  de  là  ne 
seroit  pas  moindre  que  la  prinse  de  Bude;  mais  ce  jourd'huy  l'on  a 
bien  entendu  icy  le  contraire,  car  l'on  a  eu  adviz  comme  l'armée  du 
roy  Ferdinando,  tant  pour  la  peste  qui  s'estoit  mise  dedans  que  pour 
les  grans  froictz  qui  sont  là,  s'estoit  levée  et  dispersée  d'ung  cousté  et 
d'aultre,  et  que  une  partie  de  ceulx  de  dedans  sortirent  dessus  à  ce 
mouvement  qui  leur  donnèrent  très  grande  estroicte.  Je  ne  sçay  qu'il 
en  sera,  mais  si  est-ce  que  l'on  ne  a  plus  icy  telle  réputacion  de  ladicte 
entreprinse  que  l'on  avoit  auparavant. 

«  Monsieur,  comme  je  vous  ay  escript  par  mes  aultres  lettres,  ayant 
trouvé  la  commodité  de  vous  envoyer  maître  Guillaume  l'orloger  ainsi 
que  vous  mesme  m'avez  mandé  plusieurs  foiz,  luy  ay  baillé  ceste  com- 
mission, laquelle,  bien  qu'il  y  ait  pacquet  du  roy,  si  la  faict-il,  a  aultres 
despens,  comme  vous  entendrez.  Par  quoy.  Monsieur,  si  veoyez  que 
bien  fust,  il  me  sembleroyt  advis  que  l'on  ne  feroit  point  de  tort  à 
S.  M.  s'il  vous  plaisoit  luy  faire  donner  aultant  que  l'on  eust  peu  faire 
à  ung  aultre,  si  ceste  commodité  ne  se  fust  adonnée  présentement. 
Dont  pour  le  désyr  et  plaisyr  que  j'ay  de  son  advancement,  vous  en 
vouldroys  bien  supplyer,  si  comme  dict  est  voyez  que  bien  soit;  sinon, 
vous  en  ferez  ainsi  que  verrez  estre  le  meilleur.  >> 

Vol.  -2,  f'^86  Y",  copie  du  xvi^  siècle;  1  p.  1/4  in-f". 

PELLICIER  AU  ROI  ' 

91.  —  "Venise],  29  novembre  1 540.  —  «  Sire,  j'ay  receu  la  lettre 
qu'd  vous  a  pieu  m'escripre  du  x''  de  ce  moys,  ensemble  ung  pacquet 
pour  faire  tenyr  au  seigneur  Rincon;  lequel,  pour  le  maulvais  temps 
qu'il  a  faict,  ay  esté  contrainct  de  garder  jusques  à  hier.  Et  encore,  pour 
ce  qu'il  n'y  avoit  point  icy  de  brigantin,  à  cause  qu  ilz  n'estoyent 
sceu  venyr  pour  ledict  temps,  a  faillu  prendre  une  barque  à  poste  pour 
le  porter  jusques  à  Raguse;  le  patron  de  laquelle  m'a  promis  y  estre 
dedans  cinq  ou  six  jours,  s'il  n'a  bien  fort  le  temps  contraire.  D'où 
ordinairement  l'on  va  à  Constantinople  en  xxi  ou  xxii  jours  quant  l'on 
veut  user  de  telle  dilligence  que  l'on  a  acoustumé  faire  à  porter  les 
aultres  paquetz,  qui  ont  esté  envoyez  par  cy  d'avant,  ce  que  je  pryeray 


{.  •  Escript  cedicl  jour  à  M.  le  prieur  de  Garrigues. 


160  AMBASSAIIE    I)E  [NOVEMimt    l.iiO] 

M.  raiicve.s(iue  do  Ragiiso  faire  fairi',  el  encore  meilleure  s'il  esl  pos- 
sible. Kl  pour  ce,  Sire,  (lue  |»ar  la  diMiiière  (léi<esclie  que  vous  ay  l'aide 
du  xii"  dr  ce  uioys,  ave/,  peu  entendre,  tant  par  les  lellres  du  seigneur 
Rincon  (pn'  par  les  miennes,  le  succès  de  la  paix  de  ce/.  Seigneurs 
aveciiues  le  (îranl  Seigneur,  el  que  depuys  n'en  est  venu  aullre  chose, 
vous  diray  tant  seullement  (jne  comme  suyvant  ce  que  avoys  escript  à 
V.  M.  cez  Seigneurs  avoir  receu  lettres  de  Lotplii  Bassa,  lOn  m'a  dict 
davanlaige  qu'ilz  en  ont  aussi  eu  du  Granl  Seigneur  en  semblable  sub- 
stance :  (jui  est  en  somme  pour  se  allégrer  et  congraluUer  avecques 
eulx  de  la  paix  et  accord  faicl  entre  eulx.  Dont  ledict  (îrant  Seigneur 
avoit  merveilleusement  granl  plaisyr,  estant  bien  deslibéré  de  la 
mainctenyret  garder  de  son  cousté,  les  confortant  et  exhortant  aussi 
que  de  leur  part  il/.  i)rinssent  bonne  garde  et  enchargeassent  bien  à 
leurs  ministres  de  ne  donner  occasion  de  rompture,  ains  vouUoir  faire 
de  bons  voisins  et  porter  bonne  amytié,  non  seullement  à  luy,  mais  à 
ses  amys.  Et  en  oullre  m'a  l'on  dict  (jue  en  ladicle  lettre  ledict  Granl 
Seigneur  parle  de  V.  M.  tant  honnoriflîcquemcnl,  el  tient  propoz  qui 
expirent  tant  laflection  et  amour  qu'il  démonstre  porter  à  icelle  que 
cez  Seigneurs,  aprèz  l'avoir  leue,  en  sont  tous  demeurez  grandement 
esmerveillez  et  presque  eslonnez.  Qui  les  faict  croire  que  l'ambassadeur 
que  doibt  envoyer  icy  le  Granl  Seigneur,  qu'ils  estiment  debvoir  estre 
Janus  Bey,  comme  vous  ay  escript,  soit  pour  les  exhorter  et  conforter 
de  faire  estroite  amytié  et  ligue  avecques  V.  M.,  ou  pour  le  moings  de 
ne  donner  aulcun  ayde  à  personne  contre  vous.  Et  ne  peulvent  par 
quelques  discours  qu'ilz  sçaichent  faire  se  adviser  que  ce  soyt  pour 
aullre  chose;  el  pour  ce.  Sire,  que  ledict  seigneur  Rincon  ne  me  faisoit 
rien  entendre  par  les  siennes  dernières  de  la  venue  dudicl  ambassa- 
deur, je  luy  en  ay  escript  par  le  brigantin  mesmes  qui  les  m'avoil 
apportées,  el  que  s'il  advenoil  ainsi  que  le  Granl  Seigneur  y  en  man- 
dasl  ung,  pour  ne  obmetlre  rien  à  le  recorder  de  tout  ce  que  nous 
povons  adviser  par  deçà  estre  pour  servyr  à  sa  charge,  nous  a  semblé 
debvoir  advertyr  qu'il  regardasl  selon  son  meilleur  adviz  el  jugement 
s'il  seroyt  bon  que  ledict  ambassadeur  eust  très  expresse  charge  et 
commission  d'exposer  el  faire  instance  à  cez  Seigneurs  de  ce  que 
dessus,  et  semblablement  de  leur  dire  et  déclairer  ce  que  par  les 
ministres  de  V.  M.  luy  seroyt  proposé. 

«  Sire,  puis  naguères  esl  arrivé  icy  M.  le  duc  d'Urbin,  pour  obtenyr 
de  cez  Seigneurs,  ainsi  que  j'ay  entendu,  une  déclaracion  sur  certaines 
préhéminences,  qui  esl  d'avoir  la  congnoissence  des  gens  de  guerre 
qu'il  a  soubz  leur  estât,  affin  de  les  choisyr,  mettre  et  lever  ainsy  que 
bon  luy  semblera;  ce  qu'ilz  luy  ont  octroyé.  L'ambassadeur  duquel  de 
par  luy  m'est  venu  vooir,  qui  m'a  tenu  plusieurs  propoz,  et  entre  aultres 
comme  son  maistre,  congnoissant  la  bonté  et  verluz  de  V.  M.,  désireroit 
trop  plus  tost  lenyr  son  party  que  de  nul  aullre  prince,  estant  aussi 


[NOVEMnRE    1340]  GUILLAUME    PELLICIER  167 

bien  certain  qu'il  en  pourroit  recepvoir  trop  plus  grand  bien.  Et  mes- 
mement  ayant  très  bien  apperceu  en  la  duché  de  Canierin  quel  espoir 
il  pcult  attendre  de  ceulx  (jue  il  se  fyoit  et  suyvoit,  et  voyant,  Sire, 
qu'il  avoit  mandé  vers  moy  sondict  ambassadeur  et  que  pour  sem- 
blable chose  ceulx  du  pape  et  de  l'empereur  l'estoyent  allé  vooir  en  son 
logeis  suyvantl'ancienne  coustume,  me  sembla  debvoir  faire  la  pareille, 
et  ce  par  le  conseil  et  adviz  d'aulcuns  voz  bons  serviteurs  qui  sont  icy. 
Lequel,  oultre  ce  que  sondict  ambassadeur  m'avoit  dict,  s'efTorça  me 
faire  encore  bien  entendre  davantage  pour  combien  de  raisons  il  dési- 
roit  grandement  vous  faire  service;  à  quoy  luy  foiz  response  en  termes 
généraulx  la  plus  pertinente  qu'il  mo,  fut  possible,  de  laquelle  feist 
démonstration  de  demeurer  bien  salisfuicl,  monslrant  s'en  asseurer 
encorcs  davantage  pour  les  propoz  qu'il  en  avoit  entendu  de  la  part 
de  M.  le  cardinal  de  Ferrare...  » 

Pellicier  raconte  au  roi  l'embarras  dans  lequel  se  trouve  l'évéque  de 
Transylvanie,  en  l'absence  de  ses  sauf-conduits,  et  comment  il  on  a  fait 
demander  à  Constantinople.  «  ïoutesfoiz  à  grant  peyne  y  sçauroyt  l'on 
user  de  si  bonne  dilligence  qu'il  ne  soit  l'Epiphanie  avant  que  le  mes- 
sagiersoit  icy  de  retour,  nonobstant  qu'il  seroit  bien  nécessaire  que  le- 
dicl  seigneur  évesque  fut  à  Budde  avant  que  les  ambassadeurs  de 
llongrye,  qui  estoyent  allez  vers  le  Grant  Seigneur,  y  soyent  arrivez 
pour  beaulcoup  de  raisons  que  V.  M.  entend  trop  mieulx. 

«  Sire,  l'on  a  eu  icy  nouvelles  comme  l'empereur  esloit  bien  hors  de 
sesdesaings  de  faire  en  Allemaigne  à  ses  diettes  tout  ce  qu'il  pençoit, 
et  mesmement  avecques  les  protestants  :  dont  avoit  faict  les  plus 
eslroites  ordonnances  et  édicts  contre  eulx  en  ces  pays  de  Flandres 
qu'il  n'avoit  jamais  faict.  Lesquelz,  se  doublant  de  quelque  chose, 
sont  plus  aprez  pour  faire  amas  de  gens  qu'ils  ne  feirent  longtemps. 
Et  dict  l'on  aussi  que  ledict  empereur  ne  s'en  vient  tant  chargé  de 
millions  d'or  de  ce  cousté  là  que  les  Impériaulx  avoyent  semé  icy 
le  bruict;  car,  si  ainsi  estoit,  ne  chaircheroit  en  tout  le  pays  de 
Flandres  de  remettre  les  deniers  qui  luy  ont  esté  accordez  par  les  gens 
du  pays  à  quarante-cinq  pour  cent,  si  on  les  voulloit  advancer,  ne 
aussi  à  Millan  de  bailler  vingt-quatre  pour  cent  à  ceulx  qui  luy  voul- 
droyent  avancer  argent.  Et  les  assuroit  sur  les  meilleures  entrées  du- 
dict  duché,  comme  le  sel  et  telz  aultres  prinses,  mais  n'en  a  sceu  trouver 
pas  ung  qui  ait  voullu  ce  faire.  Il  a  déjà  faict  remettre  deux  cent  mille 
écus  d'Espaigne.  Et  pareillement  ont  esté  portez  à  Naples  cent  vingt  mil 
escuz  que  le  pape  luy  a  baillez  en  desduction  de  l'achapt  que  a  faict 
Sa  Saincteté  des  contez  de  Altamura  et  Tarento  en  Calabria  '  qu'il  a 
achetez  cent  mil  escuz  pour  inféoder  au  seigneur  Ottavio  et  à  madame 
Margueritte,  et  à  leurs  enfans  masles  et  femelles,  d'aultant  qu'il  n'avoyt 

1.  Le  texte  porte  par  erreur  :  Calibia. 


108  AMUA.sSAi»E  m:  [novemuki:  i:i4oJ 

infrodé  Camciiu  <iuc'  pour  les  cufans  masles.  L'on  s'allencl  m  ccsle 
llalk'  (juc  It'mpori'ur  y  sera  environ  Pastjucs,  et  jà  à  Manlouc  a  l'on 
faicl  préparer  pour  sa  personne,  et  sur  les  lieux  circonvoisyiis  pour  la 
gcndarnierye;  et  en  aulcuns  lieux  du  Ferraroys  ou  enlendoil  que  l'on 
voulloil  faire  les  logeis  pour  les  gens  de  pied..  ». 

Pellicierraconle  comment  deux  galères  vénitiennes  ont  pris,  près  de 
Chypre,  <»  deux  fustes  mores  »  et  en  ont  massacré  l'équipage,  sans 
excepter  les  chrétiens  ni  les  femmes  qui  s'y  trouvaient.  Les  Vénitiens 
s'en  excusent  près  du  Grand  Seigneur  «  en  luy  mandant  par  ung  de  leurs 
secrétaires  cent  quarante  mil  ducal/,  chequiiis,  qui  peulvent  valloir 
cent  quatre  vingt  mille  escuz,  en  desduclion  des  trois  cens  mil  escu/, 
qu'ilz  sont  tenuz  luy  bailler. 

«  Sire,  depuys  avoir  faict  la  j)résente,  M.  l'évesque  de  Transylvania 
m'a  envoyé  dire  qu'il  attendoit  de  jour  en  jour  ung  de  ses  gens  venant 
de  Hongrye,  par  lequel  Ton  pourroit  estre  certainement  adverty  des 
nouvelles  de  ce  quartier  là;  dont  m'a  semblé  debvoir  diflërer  jusques 
ad  ce  qu'il  fust  arrivé.  Et  ainsi  latlendanl  de  jour  en  jour,  la  présente 
dépesche  a  esté  retardée  jusques  à  ce  jourd'huy  W  décembre  qu'il  est 
arrivé.  Lequel  est  passé  par  Pest  ',  au  devant  de  Bude,  et  dict  que 
jamais  l'exercite  du  roy  Ferdinando  n'a  aproché  de  Bude  nove  de 
quatre  grans  lieues,  ne  passé  Bude  vieille  -;  et  que  tant  s'en  fault  qu'ilz 
soyent  jamais  venuz  assaillyr  ceulx  de  ladicte  ville  de  Bude;  qu'ilz 
ont  eu  assez  afl'aire  à  se  defTendre  contre  les  issues  et  venues  que 
Valentino  Turec,  quelquefois  à  cheval  et  aultres  fois  à  pied,  leur  a 
souvent  données,  de  sorte  qu'ils  ont  bien  entendu  qu'il  ne  failloyt  qu'ilz 
s'adressassent  à  vouUoir  assiéger  Bude.  Et  ainsi  sont  tournez  en  arrière, 
et  entend  l'on  qu'ilz  ont  reprins  à  assiéger  Vicegrade,  chasteau  ou  plus 
lost  maison  de  plaisance  des  roys  de  Hongrye,  auquel  en  allant  à  Bude 
avoient  faict  quelques  assaulx,  et  avoient  prins  certaine  tour  laquelle 
est  au  bas  en  la  closture  dudiet  chasteau,  qui  leur  fut  vendue  bien  cher, 
pour  y  estre  demeurez  plus  de  cinq  cens  hommes.  L'exercite  du  roy 
des  Ilommains  n'arrive  pas  à  neuf  mille  personnes,  combien  qu'ilz  font 
couryr  le  bruict  d'eslre  xvi  mil.  Le  conducteur  duquel  est  Léo- 
nard Felx  ".  Et  entend  l'on  que  ledict  roy  est  mal  content  contre 
Périmpeter  *  et  l'évesque  d'Agria,  qui  s'en  estoyent  fuiz  vers  luy,  pour 
l'avoir  conseillé  et  conforté  de  mander  à  ceste  entreprinse,  n'ayant 
trouvé  ce  qu'ilz  luyavoyent  donné  à  entendre  :  dont  ledict  Périmpeter 

1.  Pcslh,  sur  la  rive  gauche  du  Danube,  en  face  de  Bude.  C'est  aujourd'hui  la 
jilus  belle,  la  plus  riche  el  la  plus  industrieuse  cilé  de  la  Hongrie. 

2.  Bude  (en  allemand  Ofen),  capitale  de  la  Hongrie,  située  sur  la  rive  droite  du 
Danube,  au  penchant  d'une  colline  en  amphithéâtre. 

Le  Vicux-Bude  (alleni.  All-Ofen,  hongr.  0-Buda),  forme  une  sorte  de  faubourg 
au  nord  de  Bude,  sur  la  même  rive  du  Danube. 
.'{.  Léonard  Fcls,  généralissime  de  l'armée  de  Ferdinand  devant  Bude. 
4.  Pierre  ou  Peter  Pérénvi. 


[novembre    liiiOj  GUILLAUME    PELLICIKfl       '  169 

s'estoit  retiré  à  sa  maison.  Dedans  Bude  estoyent  quatre  mille  arque- 
busiers, desquels  y  en  avoil  mil  cinq  cens  Ratziens,  bons  gens  de 
guerre,  que  le  seigneur  Pelro  Vie  '  avoit  amenez;  et  outre  lesdictz 
quatre  mil  y  avoit  deux  mille  vassaulx  ou  souldars  que  les  aultres 
barons  y  avoyent  conduictz.  Dict  aussi  que  le  jeune  roy  a  esté  baptisé, 
et  l'ont  tenu  sur  les  fonls  Vallentino  Thurec  et  M""  frère  George,  évesque 
de  Varadin;  et  luy  a  esté  mys  le  nom  de  feu  son  père,  combien  que  on 
eust  escript  de  Rome  qu'il  avoit  nom  Estienne.  Ledict  messaiger  a 
rencontré  ung  Sirec  Vayvoda  -,  homme  de  grant  répulacion  en  la  cour 
dn  Grant  Seigneur,  lequel  disoit  que  les  ambassadeurs  de  Hongrye 
s'estoyent  partys  de  Constantinople,  mais  que  sur  la  venue  de  Laski  le 
Grant  Seigneur  les  avoit  faict  rappeller.  Et  disoit  en  oultre  ledict  Sirec 
que  estant  arrivé  à  la  Porte  ilespéroitde  remonstrerau  Grant  Seigneur 
les  bons  portemens  dudict  Laski,  lequel,  cependant  que  son  maistre  et 
les  siens  font  toutes  hostillitez  contre  les  alliez  du  Grant  Seigneur,  va 
faire  semblant  de  chaircher  paix  etamytié,  de  sorte  qu'il  espéroit  bien 
qu'il  ne  s'en  retournera  jamais.  Ledict  messaiger  dit  oultre  avoir  entendu 
que  autour  de  Bellegrade  estoyent  ordonnez,  et  en  plus  grant  partye 
assemblez,  environ  le  nombre  de  cinquante  mil  ïurcqs,  lesquelz  n'at- 
tendoyent  sinon  que  l'exercite  du  roy  Ferdinando  arrivast  autour  de 
Bude  pour  les  venyr  veoir.  »  ■ 

Vol.  -\  f''  87  \°,  copie  du  xvi<=  siècle;  5  pp.  inf'^. 

PELLICIER    AU  CONNÉTABLE. 

92.  —  [Venise],  29  novembre  1 540.  —  Monseigneur,  vous  verrez  par 
les  lettres  que  j'escriptz  présentement  au  roy  l'ordre  qui  a  esté  donné 
pour  envoyer  le  pacquet  au  seigneur  Rincon,  que  je  rcceuz  avec  celles 
de  S.  M.  et  les  vostres  du  \°  de  ce  moys,  et  le  tardement  d'icelluy  à 
cause  du  maulyais  tem.ps;  qui  me  gardera  vous  en  faire  aultre  répéti- 
cion;  ne  pareillement  de  ce  que  luy  escriptz  touchant  l'ambassadeur 
que  l'on  dict  debvoir  mander  icy  le  Grant  Seigneur.  A  quoy  cez  Sei- 
gneurs se  attendent  tousjours  bien;  mais,  pour  ne  m'en  avoir  rien 
esté  mandé  par  le  seigneur  Rincon,  je  ne  sçay  que  en  pencer,  cong- 
noissant  mesmement  la  coustume  de  leurs  ambassadeurs  estre  de  les 
advertyr  de  tout  ce  qu'ilz  peulvent  entendre  et  conjecturer  d'eulx- 
mesmes.  Or,  Monseigneur,  en  advienne  comme  se  vouldra;  si  n'ay-je 
voullu  obmettre  de  vous  en  advertir  de  bonne  heure,  affin  que  s'il  en 
vient  ung,  voslre  bon  plaisyr  soit  me  faire  advertyr  de  ce  que  je  auray 
à  faire.  Je  suys  tant  asseuré  que  Vostre  Excellence,  congnoissanl  mieulx 

1.  Petrovics. 

2.  Sirak  Vayvoda. 


170  AMUASSADK    DE  [noVEMUKE    1,",40, 

11!  iialuiL'l  de  Icllos  pous  i\n'\  ne  fonl  Icoi»  voiillentiers  les  choses  s'ilz 
ne  se  voyenl  adiaiesse/.  par  présens,  fera  j)ourvcoir  tant  bien  à  tout  ce 
qu'il  sera  requis,  qu'il  ino  sembleroil  vous  estre  importun  de  vous  en 
rien  dire;  seullenicnt  m'en  recommande  humblement  à  vostre  bonne 
gnïce. 

«  Monseifrncur,  quanl  aux  nouvelles  de  Honprye,  l'on  en  est  icy  si 
très  mal  ailverty,  et  encores  ce  peu  que  l'on  en  entend  est  lant  incertain, 
que  l'on  ne  S(;ait  bonnement  que  en  croire.  Toulesfoi/  je  ne  ^array  de 
adverlyr  Voslre  Excellence  comme  l'on  en  a  eu  icy  semblable  adviz 
que  à  Homme;  c'est  que  deux  bandes  d'AUemans  estans  entre/  en  Bude 
avoyent  estez  deffaictz.  Et  semble  qu'il  en  soit  quelque  chose;  car 
certains  AUemans,  desquels  y  a  icy  grant  nombre,  dont  les  aulcuns 
sont  miculx  advertiz  parlicullièrement  de  ce  cousté  là  que  aultres  de 
deçà,  voullans  excuser  cecy,  le  desguisent,  disans  qu'il  en  avoit  esté 
dellaiclz  quelques  ungs  par  traînées  de  feu  que  ceulx  de  la  ville 
avoyenl  faicles,  et  non  aultrement  par  faictz  d'armes  de  ceulx  dedans. 
El  si  a  l'on  davanlaige  que  pour  les  grants  froictz  qui  sont  là,  et  aussi 
pour  quelque  peste  qui  s'est  mise  au  camp  du  roy  Ferdinando,  et 
faultes  de  municions,  l'exercite  s'est  levé  d'autour  de  ladicte  ville  et 
s'est  dispersé  et  allé  d'un  cousté  et  d'aultre.  Quoy  voyant,  ceulx  de  la 
ville  sortirent  en  assez  bon  nombre,  et  à  ce  mouvement  leur  donnèrent 
une  bonne  estraincte.  Qui  est  bien  pour  faire  perdre  l'espérance  de 
l'enlreprinse  que  les  Impériaulx  avoyent  mise  icy  avant,  que  la  première 
nouvelle  qui  viendroit  de  ce  cousté  là  ne  seroit  pas  moindre  que  de  la 
prinse  de  Bude. 

«  Monseigneur,  il  y  a  cinq  ou  six  jours  que  ung  des  faulconniers  du 
roy,  nommé  Theodoro  Brassa,  de  Mayne  ',  arriva  en  ceste  ville  avecques 
une  assez  bonne  quantité  de  faulcons.  Dont  le  lendemain  fuz  vers  la 
Seigneurie  pour  avoir  ung  saufconduict  ainsi  que  l'on  a  accoustumé 
faire  ordinairement;  et  le  jour  d'aprez  se  partyt  d'icy  pour  s'en  aller 
vers  S.  M. 

'<  Monseigneur,  j'ay  veu  l'article  qu'il  vous  a  pieu  m'envoyer  touchant 
ce  que  M.  de  Rhodez  vous  a  escript  de  la  plaincle  que  M.  le  général  de 
l'ordre  Sainct-François  luy  avoit  faicte  de  moi;  dont  je  vous  mercye 
très  humblement  de  la  bonne  affection  et  protection  que  en  ce  et  en 
toutes  aultres  choses  il  vous  plaist  me  démonstrer.  Je  n'eusse  pas 
estimé  que  moy  à  qui  la  chose  touche,  je  ne  diray  pas  à  aultre,  eust 
deu  vous  donner  cest  ennuy  de  vous  faire  entendre  telles  choses, 
sçaichant  très  bien  les  importantes  et  infinycs  occuppacions  que  avez 

1.  Maina  ou  Magne,  région  de  la  Moréc  comprenant  nne  partie  <lc  l'ancienne 
Laconie,  entre  les  golfes  de  (]oron  cl  de  KoloUylliia.  Les  Maïnotes,  fort  braves,  mais 
indiseiplinaldcs,  ont  été  de  tout  temps  adonnés  au  i)nganilagc  et  à  la  piraterie. 

La  fauconnerie  royale  se  recrutait  alors  en  grande  partie  parmi  les  Grecs  et  les 
All)anais  (V.  Cat.  des  actes  de  François  I"). 


[novembre    1540]  GUILLAUME    PELLICIER  171 

à  meilleurs  affaires;  à  tout  le  moiugs  j'eusse  trouvé  raisonnable  que 
on  vous  eust  faict  entendre  le  tout  comme  la  chose  est  passde,  et 
mesmement  comme  la  nouvelle  est  venue  à  la  notice  dudict  seigneur 
général  :  car  là  on  eust  peu  voir  qui  est  cestuy  là  des  deux,  c'est  de 
moy  ou  de  celluy  qui  Ta  descouverte,  qui  a  faict  le  mal  office.  Or, 
Monseigneur,  puys  que  de  vostrc  grâce  il  vous  a  pieu  m'en  advertyr,  et 
que  la  chose  en  est  si  avant,  me  semble  que  ne  sera  inconvéniant  que 
je  vous  donne  compte  dudict  affaire  comme  il  est  passé.  Si  en  premier 
lieu  je  premottray  que  je  prieray  toujours  à  Dieu  ne  me  laisser  vivre 
jusque  là  que  je  soys  ainsi  délaissé  de  sa  grâce,  que  je  vinsse  à  calom- 
pnier  ne  dénigrer  contre  le  debvoir  homme  du  monde,  tant  moings 
ung  chef  de  tel  ordre;  mais  si  est-il.  Monseigneur,  que  pour  le  ser- 
ment que  j'ay  à  Dieu  et  au  roy,  et  pour  le  debvoir  de  la  charge  qu'il  a 
pieu  audict  seigneur  me  enjoindre,  je  ne  doibz  ne  puys  espargner  en 
ce  que  touche  le  bien,  honneur  et  repoz  de  S.  M.,  selon  que  j'en  puys 
estre  deuement  adverty,  que  je  ne  luy  face  sçavoir.  Aultrement,  Mon- 
seigneur, vous  sçavez  mioulx  combien  je  mcsprendroys  contre  icelle. 
Dont,  Monseigneur,  ayant  esté  adverty  d'ung  personnaige  lequel,  non 
seullement  de  mon  temps,  mais  de  mes  prédécesseurs,  a  acoustumé  de 
donner  telz  advertissementz  que  quant  à  mon  endroict  il  m'a  semblé 
tousjours  les  trouver  aussi  seurs  que  de  nulz  aultres  que  soyent  par 
deçà,  ay  escript  en  telle  sincérité,  et  m'ont  estez  baillez  sans  y  changer 
rien,  ce  que  je  n'eusse  laissé  à  faire  ne  feray  quant  seroit  bien  contre 
mon  propre  frère.  Ce  néantmoins.  Monseigneur,  vous  entendez  trop 
mieul.v  sil  affiert  à  ung  domesticque  de  court  et  homme  de  tel  degré 
comme  est  frère  Jehan  Fabri,  évesque  de  Auren.  *,  de  non  seullement 
réveller  les  secretz  du  roy,  mais  les  donner  à  entendre  aultrement  et 
plus  agravez  que  en  vérité  ilz  n'ont  esté  escriptz;  car  ne  se  trouvera 
jamais  que  j'aye  escript  qu'il  ayt  mesdict  du  roy  ne  moings  qu'il  ayt 
esté  en  colliège  ne  aultre  lieu  publicq,  queledict  Fabri  l'a  rapporté  par 
sa  lettre  dont  je  vous  envoie  le  double.  Quant  à  moi,  il  m'a  faict  bien 
peu  fralernel  office  de  mavoir  indicqué  à  son  général,  que  pleust  à 
Dieu  qu'il  eust  eu  de  meilleurs  occupations;  car  j'en  avoys  et  ay  encores 
assez  sans  m'aller  attacher  au  principal  d'entre  eulx,  que  je  reffuseroys 
aultant  d'avoir  affaire  au  moindre  que  à  quelconque  aultre  bien  grant  et 
puyssant  seigneur.  Je  suys  adverty  que  ledict  seigneur  général  me 
menace  du  cousté  du  pape,  de  l'empereur  et  du  roy,  comme  povezveoir 
par  ce  que  .M.  de  Rhodez  vous  en  escript.  Ce  néantmoings,  ayant  la 
vérité  et  la  sincérité  pour  mes  deffenses,  je  ne  m'en  travailleray  aul- 
cunement  qui  ne  m'y  attirera  davantaige;  mais  tant  seullement  vous 


1.  Frère  Jean  Fabri,  franciscain,  évèqvie  in  pnrfibus-  d'Aiiria  ou  Aureipolis,  dans 
la  province  d'Eplièse,  devenu  coadjutcur  de  Nicolas  de  Gaddi,  cardinal  évoque  de 
Sarlal  (V.  Annales  Minorum,  t.  XVI,  p.  471). 


17>  AMBASSADE   Di:  [nOVEMBIIE    i540] 

siipplyt',  Monscif^noiir,  nie  inainclcnyr  loujiMirs  en  voslro  bonne  pro- 
t('cti<»n  cl  saulvt'gardi'... 

«  Monscij^nonr,  dcpuys  avttir  laid  la  présiMilo,  M.  ICvcsque  de 
Transylvania  m'a  dicl  ([uo  ayant  entendu  que  l'évesque  d'A{;ria  s'estoit 
retiré  vers  le  roydes  Uouiains  avecques  mil  cinq  cens  chevaulx  et  deux 
cens  j^entilzhommes,  et  (}u'il  avoyl  escripl  au  pape,  prolestant  voulloir 
vivre  et  mourir  avccciues  lesclirestiens,  et  remonslrant  que  en  toutes  ses 
choses  n'avoit  jamais  faiily  au  feu  roy  Jehan  de  Ilongrye  jusques  à  sa 
mort,  tant  en  son  adversil»';  quen  saprospéi'ité;  mais,  voyant  que  ledict 
roy  Jehan  avoil  plus  lost  premys  l'amour  du  filz  que  le  bêueilice  du 
royaulme,  que  comme  chrestien  et  prélat  ne  povoit  manquer  à  sa  foy, 
ayant  soubscript  les  cappilulacions  de  l'accord  que  feist  ledict  feu  roy 
Jehan  avecques  celluy  des  Romains,  consentant  que  aprez  sa  mort  ledict 
royaulme  tournastàicelluy  roy  des  Romains,  et  que  ses  enfants  se  con- 
tentassent du  patrimoine  et  du  conté  de  Slezia  :  dont,  pour  toutes  ces 
causes,  ledit  seigneur  évesque  avoit  escriptà  M.  le  cardinal  Verulanus ', 
ainsi  que  Vostrc  Excellence  pourra  veoir,  s'il  luy  plaisl,  par  ung  double 
de  sa  lettre  qu'il  m'a  baillé  pour  vous  l'aire  lenyr.  » 

Vol.  -2.  fo  90,  copie  (lu  wi^  siècle;  2  pp.  3/4  in-f'^. 


PELLICIER  A   M.    DE    VILLANDRV. 

93.  —  []'enise],  29  novembre  '/ô40.  —  «  Monsieur,  je  ne  vous  feray 
aulcunc  répéticion  de  tout  ce  que  j'escriplz  présentement  au  roy,  estant 
bien  certain  que  ce  ne  vous  seroit  que  redicte;  mais  tant  seuUement 
vous  diray  comme  puis  naguères  est  party  d'icy  le  magnillicque  messire 
Malheo  Dandolo,  patron  de  la  maison  oii  de  longtemps  ont  acoustumé 
loger  les  ambassadeurs  dudict  seigneur,  et  où  suys  encore  de  présent, 
ayant  esté  mandé  par  ceste  Seigneurie  ambassadeur  vers  S.  M.,  comme 
ay  escript  par  cy  davant.  Et  pour  ce  qu'il  est  homme  qui  s'est  de  tout 
son  temps  trop  plus  adonné  aux  lettres  philosophiques  que  en  aultre 
chose,  et  aussi  qu'il  est  de  sa  nature  assez  solitaire,  aulcuns  bons  ser- 
viteurs du  roy,  le  congnoissant  tel,  m'ont  faict  entendre  qu'il  seroit  bon 
de  le  faire  entretenyr  et  acharesser  mesmement  par  gens  de  lettres  et  de 
sçavoir,  luy  démonstrant  plus  de  bennevollence  que  faire  se  pourra; 
car  cela  certainement  luy  augmentera  grandement  le  voulloir  qu'il 
pourroit  avoir  à  S.  M.,  et  par  ce  moyen  faire  tel  office  en  sa  charge 
que,  comme  sçavez  très  bien,  les  affaires  du  cousté  de  deçà  ne  s'en 
pourront  que  mieulx  porter.  J'ay  puis  naguères  esté  adverty  que  S.  M. 
vouUoit  qu'on  luy  escripvist  entièrement  toutes  nouvelles;  dont  m'a 

1.  Ennio    Filonardi,   évoque    de   Véroli   (1503-1546),    de    Monlefellro   (1538-1549), 
d'Albano  (15i6-15i9),  cardinal  (1538),  iiiori  à  Rome  le  19  décembre  1549. 
11  avait  été  l'ami  cl  le  correspondant  d'Erasme. 


DKCEMniu:  i;)40J  Guillaume  pellicier  17;{ 

convenu  faire  ma  lettre  ungpeu  plus  grande  que  de  coustumc.  Je  vous- 
supplyc  me  faire  tant  de  bien  do  m'advertyrsl  je  auray  à  continuer,  ou 
de  ce  que  je  en  aurai  à  faire  doresnavant...  » 

Vol.  2,  1"''  91,  cupif  du  wi"  -siècle;   1  [).  iul". 


l'ELI.UaEU   A    M.    UE   LANCEV. 

94.  —  [Ve7iisc],  .2  décembre  1540.  —  Pellicier  lui  fait  part  des  nou- 
velles énoncées  dans  la  lettre  au  roi  du  29  novembre.  Il  lui  envoie  en 
outre  une  lettre  «  pour  le  magnifficque  messire  Matheo  Dandolo,  qui 
sen  va  ambassadeur  en  France  «. 

«  Je  vous  supplye,  poursuit-il,  si  d'adventure,  lorsque  la  recepvrez, 
voyez  le  moyen  de  la  luy  faire  lenyr  avant  qu'il  fust  arrivé  à  la  court, 
([uil  vous  plaise  de  ce  faire  ;  sinon  la  luy  envoyer  seurement  la  part  où 
il  sera... 

w  Monsieur,  il  y  a  icy  ung  gentilhomme  lequel,  ayant  preste  ung 
cheval  au  dernier  messaiger  qui  s'en  est  retourné  vers  vous,  nommé 
Raymond  Ilaslaris  ',  à  l'aultre  voyaige  en  s'en  retournant  de  cestc 
ville,  tant  pour  eslre  affectionné  au  service  du  roy  que  aussi  pour 
avoir  cogneu  ledict  Raymond  en  ma  maison,  —  je  désirerois  grande- 
ment que  la  raison  luy  en  fust  faicte,  attendu  mesmement  qu'il  y  a 
tesmoing  comme  il  a  mené  ledict  cheval  jusques  à  ïliurin,  bien  qu'il 
nous  eust  dict  qu'il  estoit  mort  par  chemin.  A  cesle  cause,  je  vous 
supplye  en  faire  telle  justice  que  congnoistrez  trop  mieulx  estre  le 
debvoir;  car,  à  dire  la  vérité,  ce  n'est  pas  la  raison  que  ledict  gen- 
tilhomme perde  sondict  cheval,  et  plus  tost  vouldroys  l'en  satisfaire  et 
contenter.  » 

Vol.  2,  f'^  01  V",  copie  du  wi"  siècle:  1  p.  iii-i". 

PELLICIER  A  M.   DE   TULLE. 

95.  —  [Venise],  2  décembre  1 540-.  —  «  Monsieur,  depuys  la  vostre 
du  m"  septembre,  à  Rouen,  je  n'en  ai  receu  aulcunes  de  vous,  sinon 
une  escripte  à  Saint-Pry^  et  l'aultre  à  Paris,  du  pénultième  octobre, 
lesquelles  j'ay  receuz  tout  en  un  pacquet;  qui  me  faict  pencer  que 
celle,  où  m'escripvez  estre  l'ordre  et  provision  que  de  vostre  grâce 
m'avez  faict  donner  pour  les  escripvains  en  grec,  ait  esté  égarée,  vous 

1.  Raimiintlo  Uastaris,  courrier.  Il  est  appelé  plus  loin  Hostaris  (dépêche  du 
20  mai  loi),  à  M.  de  Larij,'cy). 

2.  Le  copiste  a  écrit  par  erreur  «  II'  novembre  ». 

:L  La  cour  séjourna  à  Saint-Prix,  alijjayc  bém-dicline  située  au  diocèse  de  Noyon 
(.\isne).  du  10  au  il  octobre.  Le  roi  s'y  trouvait  encore  le  2'k  et  ne  rentra  à  i'àris 
que  dans  les  derniers  jours  du  mois  (V.  Catalofjue  des  actes  de  François  l",  t.  IV,. 
p.  146  et  suiv.). 


17+  AMHASSAItE    DK  OÉCKMIîUE    1540] 

asseuranl,  Monsieur,  (fue  j'ay  eslé  j^raiidemtMit  en  soucv  pour  n'avcjir, 
loni;lcnipsavoil,  ou  de  vo/.  nouvelles,  me  ilouhlanl,  (jue  Dieu  ne  vueille, 
ne  fussiez,  demeuré  nuillade  comme  enlendious  icy  eslre  heaulcoup 
daullres  seij<ueurs  au  voyage  de  Normandye'.  Pareillement  je  n'ay 
point  receu  la  commission  que  le  roy  a  donné  à  ce  gentilhomme  grec*, 
comme  semble  m'escripve/.  par  ladicle  vostre  du  pénultième  octobre. 
Lequel  csl  rrvciiu  de  Rouune,  et  luy  ay  tenu  le  propoz  tel  que  me 
semble  que  trovez  meilleur  touchant  ladicle  commission;  qui  m'a  faict 
entendre  (ju'il  ne  vouldroit<iu'il  fust  estimé  voulloir  faire  marchandise, 
pour  eslre  homme  ([ui  a  vesru  jusques  icy  honorablement  comme  sa 
lignée  a  faict  jusques  à  présent,  et  tant  moings  vouldroit-il  advancer 
ung  tournois,  faisant  service  à  S.  M.,  de  laquelle  il  se  tient  esclave  et 
les  siens  éternellement,  ains  luy  servyr  de  sa  propre  vye,  non  seulle- 
ment  de  ses  faculté/..  Ce  néantmoins,  s'il  vous  semble  que  par  ce  moyen 
que  m'escrivez  ou  aultre  il  doibve  faire  service  plus  agréable  au  roy, 
il  ne  relTusera  rien  qui  lui  soit  commandé  à  son  possible.  Par  quoy, 
Monsieur,  il  vous  plaira  en  disposer  et,  me  mandant  la  commission  et 
lettres  au  seigneur  Riucon  pour  avoir  son  saufconduict,  m'envoyer 
vostre  dernière  résolution  ^. 

«  Nous  continuons  tousjours  l'œuvre  à  faire  escripre,  et  avons  entre 
aultres  escripvains  dedans  Sainct-Anthoine  mesmes  ung  religieulx*, 
lequel  je  congnois  depuys  que  estoys  à  Romme  pour  m'avoyr  escript 
quelques  pièces  de  livres.  Lequel  painct  *  aussi  bien  et  aussi  correct 
que  nul  aultre  que  soit  icy,  qui,  pour  gouverner  la  librairie  dudict 
Sainct-Antlioine,  plus  aisément  nous  pouU  servyr  de  ce  ([ue  vouldrons 
faire  transcripre  d'icelle  que  tout  aultre;  car  aultrement  n'y  a  ordre 
de  deschesner  *•  et  tirer  les  livres  d'icelle  de  là  dedans,  si  n'est  par  la 

1.  Les  «léplacements  de  Franrois  1",  durant  son  long  rèijrne.  furent  conlinnels. 
onlrainant  forcément  ceux  de  la  conr  et  des  ambassadeurs  qui  étaient  tenus  alors 
d'accompagner  le  roi  dans  ses  voyages.  Matteo  Danilolo  nous  montre,  dans  sa  rela- 
tion de  l."jl2.  Franrois  I"  «  vagando  sempre  per  tu  lia  la  Francia  «  (V.  Baschct, 
Diplumnlie  vénitienne,  p.  403). 

2.  Antoine  Eparchos. 

3.  La  lettre  par  laquelle  François  V  accrédilait  Eparchos  auprès  de  Rincon  est 
datée  de  Fontainebleau,  le  13  novembre  loiO;  elle  a  été  publiée,  d'après  une  copie 
de  la  Hibliothéque  Vaticane,  par  M.  Léon  Dorez,  dans  les  Mélanf/es  d'archéologie 
et  d'histoire  de  l'École  française  de  Rome,  t.  XIII  (.l«/0!ne  Eparque,  recherches  sur 
le  commerce  des  }>iss.  i/reca  en  Italie;  Home,  l><'.t3.  in-cS",  p.  ").  Déjà  précédemment 
Eparchos  avait  re<;u  du  cardinal  Hcmbo,  cnnservaleur  de  la  bildii)lliè(|ue  de  t^aint- 
-Marc  à  Venise,  —  lors  de  son  départ  jiour  Uume,  —  une  lettre  de  recommamlation 
pour  le  cardinal  .Messandro  Farnese,  en  date  du  7  octobre  loiO  (V.  Emile  Legraml. 
Bibliof/raph/p  hellénique.  XV'-XVI"  ss..  Paris,  i  vol.  in-S",  t.   I.  pi>.  CC.X-CCXXVII). 

4.  Sans  doute  s'agil-il  ici  de  Valeriano  Albini,  de  Forli,  chanoine  régulier  du 
Saint-Sauveur,  au  monastère  de  San  Antonio  de  Venise,  qui  copia  dans  celte  ville, 
de  lolO  à  1.Ï13,  un  certain  nombre  de  manuscrits  grecs  (V.  H.  Ouiont,  Cal.  des  mss. 
f/recs  de  G.  Pellicier). 

5.  C'cst-h-dire  calligraphie. 

6.  On  sait  que,  durant  tout  le  moyen  âge,  les  manuscrits  précieu.v  étaient  enchaî- 
nés dans  les  bibliothèques,  par  mesure  de  précaution. 


[décembre    1d40]  GUILLAUME    PELLICIER  |7;; 

licence  et  commandement  de  monseigneur  le  révérendissime  cardinal 
Grimani,  lequel  est  à  Uomme'.  Par  quoy,  s'il  vous  sembloit  bon  et 
vous  plaisoit  luy  en  faire  escripre  par  le  roy  une  bonne  lettre  et  la 
m'envoyer  icy,  je  suys  asscuré  que,  pour  la  dévotion  qu'il  porte  à  S.  M., 
nous  serions  patrons  de  toute  ladicte  librairie,  laquelle,  comme  bien 
sçavez,  est  douée  non  seullement  de  bons  livres  grecz,  mais  aussi  de 
très  rares  en  hébrieu,  et  cncores  en  latin  de  telz  que  pour  leur  anticquité 
Ton  peult  amender  beaulcoup  de  bons  lieulx  es  meilleurs  et  plus 
anciens  aucteurs  en  icelle  lengue;  et  en  oultre  par  ce  moyen  l'on  pour- 
roit  à  Tavenlure  recouvrer  de  trop  plus  excellans  et  rares  livres  grecz 
que,  comme  j'entendz,  ledict  seigneur  cardinal  a  arrière  soy. 

«  J'ay  recouvert  ce  beau  monument  danticquité  de  Juslinus  philo- 
sophus  et  marlir^;  cez  commentateurs  grecz  que  j'attendoys  de  Millan 
sur  les  Proverbes,  Ecclésiasticques  et  Job  ^  ne  sont  point  encores  arrivez 
icy,  mais  cependant  en  son  lieu  j'ay  recouvert  L'ustatius  sur  la  Odissée, 
escript  de  la  main  de  M.  l'arcevesque  de  Malvoisie*,  lequel  j'estime 
que  avez  congneu  et  pour  sa  souffisence  povcz  juger  la  bonté  et  cor- 
rection dudict  livre.  J'ay  aussi  acheté  quatre  livres  de  l'Iliade^  et  en 
fays  escripre  jusques  à  neuf;  c'est  aultant  que  jusques  à  présent  s'en 
treuve  en  ceste  ville,  mais  j'espère  les  faire  parachever  d'une  mesme 
main  en  Boullongne^  oii  elle  est,  comme  j'entendz,  tout  entière,  s'il 
plaira  au  roy  que  je  continue  quelque  temps  l'ouvrage.  Par  le  premier, 
j'espère  vous  envoyer  le  cathologue  de  tous  ceulx  qui  ont  esté  escriptz 
tant  de  Sainct-Anthoine  que  d'ailleurs;  à  présent  ne  vous  envoyé  que 

1.  Marino  Grimani,  évêque  de  Cénéda  (Io08-loi7,  Io32-1o40,  1545-1546)  et  patriarche 
d'Aquilée  (15n-lo29,  1533-1545),  cardinal  (1528),  mort  le  28  septembre  1546.  Neveu 
<lu  cardinal  Domenico  Grimani.  qui  avait  fondé  la  bibliothèque  de  San  Antonio, 
et  théologien  distingué,  il  publia,  pendant  le  séjour  de  Pellicier  <à  Venise,  des  com- 
mentaires latins  sur  les  épitres  de  saint  Paul  aux  llomains  et  aux  Galates  (Venise, 
Aide,  mars  1542,  in-4").  Le  pape  Paul  111  lui  avait  confié  le  commandement  des 
galères  de  TEglise  dans  la  dernière  guerre  contre  les  Turcs,  cl  le  chargea  de  missions 
importantes  auprès  de  François  \"  et  de  Gharlcs-Quint. 

2.  Sans  doute  le  ins.  grec  450  de  la  Bibl.  Nat.  (V.  H.  Omont,  Cat.  des  }nss.  r/recs 
de  G.  Pellicier). 

3.  Peut-être  le  nis.  grec  151  de  la  Ribl.  Nat.  (V.  H.  Omont,  loc.  cit.). 

4.  Peut-être  l'un  des  volumes  <lu  n"  3tJS  de  la  Ijiidiothèque  de  Clermont  (V.  II. 
Omont,  loc.  cit.),  ou  le  ms.  grec  2703  de  la  liibl.  Nat..  selon  M.  Zeiler  (loc.  cit.. 
p.  123). 

.\rsène  Aposlolios,  lils  du  célèbre  érudit  grec  Michel  Apostolios,  réfugié  en  Occi- 
dent après  la  prise  de  Constantinople.  .Vrchevêque  de  Malvoisie,  aujourd'hui  Mo- 
nembasie.  il  a  transcrit  lui-même  plusieurs  manuscrits  grecs  fort  précieux;  on  a  de 
lui  quelques  lettres  adressées  à  Antoine  Eparchos,  aux  papes  Léon  X,  Clément  VII 
et  Paul  m.  11  mourut  à  Venise  en  1535  (V.  Zeiler.  loc.  cit.). 

5.  C'est  le  ms.  grec  269S  de  la  Bibl.  Nat.,  également  copié  par  Arsène  Aposlolios, 
comme  l'indique  une  note  en  écriture  italienne,  du  xvi°  siècle,  ajoutée  sur  l'un 
des  feuillets  de  garde  de  ce  manuscrit,  qui  contient  le  commentaire  d'Euslalhe  sur 
les  chants  X  à  XIll  de  l'Iliadt;  (V.  H.  Omont,  loc.  cit.). 

L'édition  princeps  des  Commentaires  d'Eustathe  sur  l'Iliade  et  l'Odyssée  parut 
à  Rome  chez  Antonio  Bladi,  en  1542  (V.  Zeiler,  loc.  cit.). 

6.  Bologne. 


|7t;  AMDASSADE    DE  DKCK.MnilK    lillOj 

le  calholoj^iio  de  la  liljrairie  de  l'iorence  ',  lequel  à  mon  advi/  ne  trou- 
verez desj;arny  de  assez,  bons  livres,  et  ne  vous  envoyé  point  eelUiy  de 
Sainct-Marctj  -,  pour  ne  lavoir  aullrenienl  recouvert  que  ainsi  qu'ilz 
ont  esté  porU'/.  ployez,  dedans  leurs  collres,  lequel  jay  depuys  qu'es- 
toys  à  Uonie.  Si  Je  ne  le  puys  av(»ir  en  aullre  ordre,  le  vous  inan- 
deray  ainsi  (pie  l'ay.  J'ai  bien  aussi  celui  de  Itonie  et  dUrbin'; 
mais  je  attend/,  de  jour  tu  Jour  celluy  de  Rome*,  lequel  M.  le  hiMio- 
Ihécaire  du  pape  ^,  mon  sin^ullier  frère  et  amy,  me  doibt  envoyer 
mieulx  en  ordre  au  premier  jour.  Si  Je  ne  les  vous  pourray  mander 
tous  'i  un};  coup,  ce  sera  pour  eslre  occupé,  comme  sçavez,,  à  aultres 
alViiires.  Ce  uéantmoins  ne  larray  Jamais  aller  messaiger  de  là  sans 
vous  en  envoyer  au  moings  ung  à  la  loi/.,  jus([ues  ad  ce  que  ayez  le 

tout. 

«  Quant  au  calliologue,  des  deux  cens  vingt-deux  pièces  de  livres, 
que  je  vous  ay  mandé  par  la  mienne  du  viii«  octobre,  Je  verray  de 
entretenvr  lairaire  et  le  personnaige,  que,  s'il  est  vray  et  y  a  moyen 
de  les  recouvrer,  aultre,  s'il  plaist  à  Dieu,  n'en  aura  l'advantaige  que 
le  rov.  Je  suvs  adverty  que  lesdiclz  livres  sont  bien  avant  en  la  Natolye  ", 
et  comme  par  bonne  advenlure  sontjusques  dedans  la  Gallatia'',  qu'est 
bon  ome»,  s'il  plaisoit  à  Dieu  de  espérer  qu'ilz  deubsent  venyr  en  la 
meilleure  Galaiia^,  de  tout  ce  que  j'en  pourray  trouver  davantaige  ne 
fauldray  à  vous  en  tenyr  bien  adverty. 

((  Monsieur,  je  ne  vous  sçauroys  assez  remercyer  de  la  bonne  provi- 
sion, qu'il  vous  a  pieu  me  faire  donner  tant  pour  le  seigneur  Démélrio 
Zéno  que  pour  les  deux  pièces  de  livres  que  vous  ay  mandé  et  aussi 
pour  les  escripvains  grecz,  vous  asseurant  que  l'argent  ne  sçauroit 
venvr  si  tost  qu'il  ne  soit  mieulx  à  propos  pour  le  contenter.  J'ay 
cependant  retiré  ledict  Démétrlo  en  ma  maison  avecques  ung  sien 

1.  La  liililiollièque  do  Florence,  l'une  des  ])lus  célèbres  de  toute  lltalio,  avait  eu 
pour  fondateurs  Cusinio  et  Lorenw  dei  Medicis. 

2.  La  bililioliiéque  de  Saint-Marc  de  Venise,  fondce  par  le  cardinal  IJcssarion,  cl 
riche  en  ouvraj:es  précieux. 

3.  La  l)iMinllH"'f|uc  d'Urliin.  constituée  au  siècle  précédent  par  Federif.'o  de  Mon- 
tefeltro.  premier  duc  dUrbin,  qui  i-égna  de  IV3i  à  1182  (V.  Zellcr,  /oc.  cit.,  p.  12!). 

4.  La  bibliothèque  du  Vatican,  que  les  papes  Sixte  IV.  Jules  II.  Léon  X  et  Paul  l\\ 
contribuèrent  le  plus  à  former. 

•■;.  ,\Rostino  Steuco,  «lit  Ewiubinus.  né  à  Guldtio  au  duché  d'Urbin,  chanoine 
rétrulier  de  la  confiréf-'ation  <lu  Saint-Sauveur,  ancien  bibliothécaire  du  couvent  de 
San  Antonio,  à  Venise,  avait,  depuis  153X,  la  ^arde  de  la  bibliothèque  Vaticane 
(V.  Tiraboschi,  Sloria  délia  Ulteratitra  ilaliana,  t.  Vil,  pp.  221  et  225).  Évêque  in 
pitrlibus  de  Cissamo  en  Candie,  il  a  composé  divers  commentaires  sur  l'Écriture 

sainte. 

6.  L'Analolie,  province  de  l'Asie  Mineure. 

7.  La  fialalic.  ancienne  contrée  de  l'.Vsie  .Mineure  correspondant  aux  sandjakats 
<r.\.ngourieh  'Aniiora)  et  de  Kian^ïari  en  .\nalolie. 

8.  Pellicicr,  équivoqiiant  sur  les  mois,  voit  un  bon  présaire  dans  ces  livres  qui, 
d'une  Galalie,  ont  chance  de  parvenir  bientôt  dans  l'autre,  meilleure  encore,  qui 
est  la  Gaule  ou  France. 


[décembre    loiOj  GUILLAUME    PELLICIER  177 

neveu,  lesquelz,  ensemble  ung  aultrc  grec  doclissime  '  et  M.  Martin-, 
tous  siiHisans  à  meilleures  cntreprinses,  sont  journellement  à  rescrutier 
et  corriger  bons  aucteurs  grecz  avecquesle  plus  d'exemplaires  que  l'on 
peult  trouver.  Et  d'aultre  part  y  a  céans  quatre  qui  rescrutient  Pline 
avecqucs  trois  bien  anciens  exemplaires  dudict  Pline ^,  labeur  qui  je 
pense  pourroit  estre  non  moings  fruclueulx,  si  l'on  a  le  temps  d'y  con- 
tinuer, que  de  quelconque  aultre  œuvre  que  l'on  sçauroit  entreprendre 
en  semblable  chose. 

«  Monsieur,  il  me  desplaist,  aultanl  que  de  chose  qui  m'advint  en 
ma  vye,  qu'il  ne  m'a  esté  possible  de  trouver  le  moyen  l'aire  porter 
seuremont  les  livres  du  seigneur  Eparcho  avecques  les  coflres  du 
magnillicque  seigneur  Matheo  Dandolo  à  S.  M.,  lequel  ne  se  altendoit 
de  partyr  si  tost;  mais  lui  fui  commandé,  sur  certaines  grans  peynes, 
qu'il  eust  à  se  partyr  soubdainement,  de  sorte  que  luy-mesme  ne 
povoit  pencer  comme  faire  conduyre  les  siens,  si  n'est  par  sufTraiges 
mendiez,  et  ne  sçay  encores  comme  il  en  aura  faict.  Je  vous  supplye 
m'en  tenyr  excusé,  si  besoing  sera,  envers  S.  M.,  et  j'espère  que  pour 
avoir  esté  délayé  quelque  temps  il  ne  se  perdra  rien,  ains  se  gaignera 
tousjours  quelque  chose  ;  car  depuys,  rechairchant  lesdicts  livres,  avons 
trouvé  certains  commentaires  sur  Aristote,  De  parlibus  animalium  et  De 
generalione,  sur  Parva  iiaturalia,  —  innominalo  auctore,  qu'ilz  estoyent 
i\c  Philoponus,  aultrement  Joannes  grammaticus\  lesquelz,  sauf /?e 
ijenevatione,  l'on  tenoit  pour  totallement  perduz  et  désirez  de  tous 
ceulx  qui  congnoissent  l'excellence  dudict  aucteur.  Nous  verrons  tant 
de  ceulx  icy'  que  aultres  les  baptiser  et  restituer  en  leur  entier,  afiin 
qu'ilz  puissent  comparoir  estre  dignes  d'un  si  grand  prince...  » 


Vol.  2,  f*^  92,  copie  du  xvi"  siècle;  3  pp.  1/4  in-f*^ 


1.  Probablement  Nicolas  Sophianos,  de  Corfou,  copiste  fort  habile,  employé  au 
service  de  l'ambassadeur  impérial  à  Venise,  Diego  Hurtado  de  Mendoza,  et  qui 
travailla  également  pour  le  compte  du  roi  de  France  (V.  Delisle,  Cab.  des  Mss.,  t.  1, 
p.  153). 

■2.  Martin  Akakia,  sans  doute. 

3.  L'érudit  évèque  de  Montpellier  s'occupa  toute  sa  vie  à  étudier  l'Histoire  uni- 
verselle de  Pline,  sur  laquelle  il  rédigea  de  précieux  commentaires,  conservés 
autrefois  dans  la  bibliothèque  des  Jésuites  de  Paris,  et  dont  la  Bibliothèque  Natio- 
nale possède  encore  aujourd'hui  une  copie  partielle  dans  le  ms.  latin  680S  (V.  ZcUer, 
loc.  cit.,  pp.  3o  à  38). 

4.  Les  Commentaires  de  Jean  Philoponos,  grammairien  d'Alexandrie,  mort  vers 
6G0,  sur  le  De  qeneralione  d'Aristote,  avaient  été  imprimés  à  Venise,  dès  1526,  par 
les  frères  de  Sabio.  Ceux  sur  le  De  parlibus  animalium  et  les  Parva  naturalia  son\, 
contrairement  à  l'opinion  de  Pellicier,  de  Michel  d'Ephèse  et  ont  été  publiés,  le 
premier  à  Florence  en  1548,  chez  Giunta,  le  second  à  Venise,  en  1527,  chez  Aide 
(V.  Zeller,  loc.  cit.,  p.  124). 

Vemse.  —  1540-1542.  *2 


178  AMBASSADE    DK  [nOVEMURE    1540, 

PELLICIEIl   A   M.  DE  HODE/  '. 

96.  —  ^Vrnisc],  2 S  nov»-mbrc  1040.  —  «  Monsieur,  par  les  miennes 
dernières  du  xir  de  ce  moys,  vous  ay  adverly  amplement  de  tout  ce 
que  avois  louchant  la  paix  de  ce/  Seigneurs  avesques  le  Grant  Sei- 
gneur, et  pareillement  de  toutes  aultres  occurrencos  que  avois  lors; 
dont,  pour  nr  m'eslre  presque  rien  survenu  dcjKiys,  ma  revanche  sera 
bien  maigi'O  pour  cesle  heure  aux  nouvelles  que  m'avez  escriples  par 
la  voslredu  xx-'  du  présent.  El  vous  diray  tant  seuUement  comme  j'ay 
entendu  ce?.  Seigneurs  avoir  receu  lettres  du  Grant  Seigneur,  de  Lolphi 
Bey  et  aullrcs  bassalz,  se  congratulans  et  allégrans  avecques  eulx  de 
ladicte  paix  et  accord.  De  quoy  ledict  Grant  Seigneur  avoit  merveilleu- 
sement grant  plaisyr,  estant  bien  deslibéré  de  la  mainctenyr  et  garder 
de  son  couslé,  les  confortant  et  exhortant  aussi  que  du  leur  voulsissent 
faire  le  semblable,  et  prinsent  bonne  garde  et  enchargeassent  bien  à 
leurs  ministres  de  ne  donner  occasion  de  rompture,  ains  vouUoir  faire 
de  bons  voysins  et  porter  bonne  amytié,  non  seuUement  à  luy,  mais 
encore  à  ses  amys.  Et  estime  Ton  que  lambassadeur  que  doibt  envoyer 
icy  ledict  Grant  Seigneur  sera  Janus  Bey,  lequel  y  avez  veu  de  vostre 
temps,  et  peu  congnoislre  de  quel  voulloir  il  estoil  envers  les  amys 
de  son  maistre.  Cez  Seigneurs  sont  aprez  pour  dépescher  ung  de  leurs 
secrétaires  pour  porter  les  cent  cinquante  mil  ducatz  avecques  plu- 
sieurs aultres  gros   présens.  Touchant   ce  que  m'escripvez  que   les 
Impériaulx  ont  semé  ung  bruict  là  où  vous  estes  que  Bude  ne  peult 
eschapper  au  roy  des  Romains,  je  vous  diray  comme  puis  naguères 
est  venu  de  là  encores  ungaultre  des  serviteurs  de  M.  l'arcevesque  de 
Transilvania,  qui  est  en  ceste  ville;  qui  dict  bien  le  contraire,  et  que 
quant  l'exercite  dudicl  roy  des  Romains  seroit  deux  fois  plus   groz 
qu  il  n'est,  il  ne  sçauroil  que  y  faire,  pour  estre  la  ville  tant  bien 
garnye  de  toutes  municions  qu'il  n'y  fault  rien  :  et  de  ce  mondict  sei- 
gneur l'arcevesque  de  Transilvania   m'en  veult  asseurer  par  bonnes 
causes  et  raisons.  Et  de  faict  les  Impériaux,  congnoissans  que  l'on 
entendoit  bien  icy  que  ledict  roy  n'estoit  pour  faire  grant  chose,  long- 
temps a  qu'ilz  ont   mys  en  avant  que,  non  obstant  que  les  Hongres 
désirassent  et  voulsissent  plus  tost  avoir  pour  seigneur  icelluy  roy  que 
nul  aultre  que  y  prétende  droict,  ce  néantmoings  qu'ilz  n'estoyent  pour 
l'accepter,  d'aultant  quil  n'estoyt  assez  puissant  pour  résister  aux 
forces  du  Grant  Seigneur,  mais  qu'ilz  chairchoyent  de  se  donner  à 
l'empereur,  pour  par  luy  estre  mainctenus  et  gardez  comme  celluy  qui 
est  puissant  pour  ce  faire...  » 

Pellicier  rapporte  ensuite  les  nouvelles  de  l'expédition  de  Doria  sur 

1. .  Nota,  que  la  présente  fut  envoyée  le  IIII'  décembre,  avecques  l'aultre  suyvante.  • 


'DÉCEMBRE    1  o40i  GUILLAUME    PELLICIEK  ^-q 

la  côte  de  Tunis,  comme  dans  sa  lettre  à  Rincon  du  29  novembre;  et  la 
prise  de  deux  fustes  maures  par  les  Vénitiens  non  loin  de  Chypre,  comme 
dans  sa  lettre  au  roi  du  même  jour. 

«  ...  Monsieur,  quant  est  de  M.  Gillius ',  il  y  a  environ  ung  moys  ou 
six  sepmaines  qu'il  se  partit  d'icy,  sans  se  déclairer  à  homme  que 
Je  sçaiche  la  part  où  il  alloit;  et  depuys  de  luy  n'ay  eu  aulcunes  nou- 
velles. Si  je  le  veois  premier  que  vous,  ou  sçay  où  il  est  résident,  je 
ne  fauldray  luy  faire  entendre  le  contenu  de  ce  que  m'en  escripvez. 
J'ay  envoyé  la  lettre  qui  s'adressoyt  h  messire  Quintian  -  à  Bresse  \..  » 

Vol.  2.  f°  93  yo,  copie  du  .wi^  siècle;  2  pp.  in-f^. 

PELLICIER  AU  MÊME. 

97.  —  Venise,  4  décembre  J  540.  —  Pellicier  rapporte  les  aflaires  de 
Hongrie  comme  dans  sa  lettre  au  roi,  du  29  novembre. 

«  ...  Monsieur,  le  roy  m'ayant  commandé  faire  tous  les  plaisyrs  qu'il 
me  seroit  possible  audict  seigneur  arcevcsque  de  Transylvania,  je  ne 
faulx  m'y  efforcer  en  toutes  choses,  tant  pour  accomplyr  le  comman- 
dement de  S.  M.  que  aussi  pour  laffection  que  je  congnois  ledict 
seigneur  évesque  porter  à  icelle,  et  qu'il  est  voirement  digne  que  l'on 
s'employe  pour  luy.  A  ceste  cause,  vous  ay  bien  voullu  envoyer  une 
lettre  qu'il  m'a  baillée  pour  adresser  à  M.  le  cardinal  Vérulanus, 
laquelle  je  vous  supplye  luy  faire  tenyr  seurement... 

«  De  Venize,  ce  III''  jour  de  décembre  M  V^XL.  » 
Vol.  2,  fo  9i-  V",  copie  du  xvi^  siècle;  1/2  p.  in-f». 

PELLICIER  A  RINCON. 

98.—  Venise,  4 décembre  / 540.  —Pellicier  envoie  à  Rincon  le  double 
des  ordonnances  faites  par  l'empereur  contre  les  protestants,  l'informe 
des  nouvelles  apportées  de  Bude  par  un  serviteur  de  l'archevêque  de 

•I.  Pierre  Gilles,  naturaliste,  érudit,  voyageur,  né  à  Albi  en  liOO,  mort  à  Rome  en 
1535.  Il  se  rencontra,  au  cours  de  ses  pérégrinations,  en  1549,  à  Jérusalem,  avec  un 
autre  célèbre  érudit  de  ce  temps,  Guillaume  Postel,  tous  deux  en  quête  de  manus- 
crits grecs  et  hébraïques.  Le  principal  ouvrage  de  Pierre  Gilles  est  une  description 
en  quatre  livres  îles  antiquités  de  Constanlinople,  publiée  après  sa  mort  {De  iopo- 
fjraijhid  Constanliaopoleos  et  de  illiiis  antiquilalihus  libri  IV,  1561,  in-8°). 

Gilles  laissa  la  plupart  de  ses  manuscrits  à  l'évêque  de  Rodez,  Georges  d'Àrmagnac, 
son  protecteur  (V.  Zeller,  loc.  cit.,  pp.  131  et  132). 

2.  Gian-Francesco  Conti,  dit  Quinzano  {Quinlianus  Sloa),  du  nom  de  Quin/ano, 
bourg  voisin  de  Brescia,  dont  il  était  originaire,  humaniste  et  poète  latin,  né  en 
1484,  mort  à  Quinzano  le  7  octobre  1557.  Il  avait  été  précepteur  de  François  I", 
professeur  de  belles-lettres  à  Padoue  et  à  Pavie,  et  Louis  XI 1  l'avait  couronné 
comme  poète  à  Milan.  11  a  publié  à  Venise,  en  1537,  des  Suppléments  à  Quinte-Curce. 

3.  Brescia. 


180  amiussam;  1)E  décemuhe  i:;40J 

Transylvanie,  ollni  promet  sos  services  on  faveur  <!<"  Donn^lrids  A/any  ' 
pour  liMpiel  |{iii(<»n  lui  avait  n-ceninieut  écrit. 

<    /A    \  fiiizc^  etc.  » 
Vol.  2,  1"  y"),  copie  liii  wi"  siècle;  3/4  p.  in-f". 

PELI.ICIEIl    vr   .MLME. 

99.  —  :  IV»Js«'j,  .)  décembre  J-'tfO.  —  «  Monsieur,  pour  aultanl  que 
les  enfans  du  feu  seij^neur  Philipo  Strocy  *  sont  f^randenient  inté- 
ressez en  certaine  inarcliamiise  qui  est  entre  les  mains  de  Nicolas  di 
Castrati  en  Surye\  à  quoy  les  povez  beaulcoup  ayder,  ainsi  qu'ilz  m'ont 
faict  entendre,  désirant  grandement  leur  graliflier  en  tout  ce  qu'il 
m'est  possible,  pour  estre  tant  alTectionnez  serviteurs  du  roy,  et  mes- 
menienl  le  seigneur  Petro  Strocy  ainsi  que  sçavez  très  bien;  vous  ay 
bien  voullu  faire  la  présente  pour  vous  pryer,  mais  c'est  de  tout  mon 
cueur,  voulloir  donner  toute  faveur,  ayde  et  support  à  messire  Paulo 
de  Gradi  en  ce  qu'il  vous  requerra  touchant  cest  affaire;  de  sorte  que 
oultre  le  voulloir  que  avez  de  faire  plaisyr  ausdiclz  seigneurs  Strocy 
pour  eslre  telz  qu'ilz  sont,  encores  que  l'on  puisse  congnoistre  que 
l'amytic  d'entre  nous  deux  a  tel  efîect  que,  estant  requiz  l'ung  l'aultre 
de  faire  plaisyr  à  nozamys,  désirons  de  nous  y  employer...  » 

Nul.  2.  fo  Oi)  V»,  copie  du Wl*^  siècle;  i/i  p.  in-f\ 


PELLICIER  AU   MEME. 

100.  —  [Venise],  6  di'cembre  1540.  —  «  Monsieur,  congnoissant 
vostre  naturelle  bonté  estre  tant  encline  à  faire  plaisyr  à  ung  cliascun, 
et  encores  ayant  esté  pryé  par  ung  vostre  et  mien  amy,  qui  est  messire 
Fédérigo  Grimaldo*,  vous  faire  la  présente  en  faveur  et  recomman- 
dation (l'ung  messer  Petro  Pompeo^  duquel  à  mon  adviz  avez  bien  oy 
parler,  qui  fut  prinsde  Barberosse  dernièrement  à  Gastelnovo  et  mené 

1.  Demetrios  Àzani. 

2.  Ciinn-Rallisla,  dit  Filippo  Slrozzi,  issu  d'une  oiiulenle  famille  de  banquiers 
florentins  ruinés  en  1534  par  rarrèl  de  confiscation  rendu  contre  eux  i>ar  les  Medicis. 
Emprisonné  en  153",  .à  la  suite  d'une  tentative  pour  surprendre  Florence  et  secouer 
le  joug  des  oppresseurs,  il  se  poignarda  dans  son  cachot,  le  18  septembre  1538. 
Filippo  Slrozzi  laissait,  de  sa  femme  Glarissa  dei  Medicis,  nièce  de  Léon  X,  quatre 
lils  :  Pictro,  ne  en  l.'iOO,  qui  devint  général  des  galères  du  roi,  puis  maréchal  de 
France,  et  fut  tué  en  1558  au  siège  de  Tliionville;  Leone,  né  en  1514,  chevalier  de 
Malte,  prieur  de  Gapoue,  qui  commanda  les  galères  de  France  et  périt  en  1554  au 
siège  de  Scarlinn:  Roberto,  qui  dirigeait  la  banque  établie  à  Venise  par  sa  famille, 
et  Lorenzo,  cardinal,  archevè(iue  d'Aix.  mort  à  .\vignon  en  15"  1. 

3.  Niccolo  dei  Castrati,  banquier  italien  établi  en  Syrie. 

4.  Fcderigo  Grimaldo,  des  Grimaldi  de  Gênes. 

5.  Pietro  Pompeo. 


[décembre    1340]  GUILLAUME    PELLICIER  181 

en  la  loui'  de  mer  Maiour;  à  ceste  cause,  el  aussi  désirant  suhvenyr  à 
tous  pauvres  chresliens  sans  avoir  aultres  affections  particulières  de 
ce  monde,  mais  seuUement  à  celle  de  nostre  foy  et  religion,  vous  ay 
bien  vouUu  supplyer  qu'il  vous  plaise  luy  faire  tous  les  plaisyrs,  et 
donner  toute  laveur  et  ayde  que  estes  accoustumé  faire  à  cculx  qui 
de  par  moy  vous  ont  esté  recommande/....  » 

Vol.  2,  f"'  9o  v°.  copie  du  xvi"  siècle;  1/2  p.  in-f". 

PEI.LICIEK   ai:   même   '. 

101.  —  l^Venise'^,  9  décembre  1540.  —  «  Monsieur,  depuys  les 
miennes  dernières  que  vous  ay  escriptes  du  iiii"  de  ce  moys  ay  receu 
les  voslres  du  dernier  octobre  le  \\°  de  ce  présent,  et  le  duplicata  de 
celles  du  x^  dudict  moys  d'octobre,  ensemble  le  pacquet  qui  s'adres- 
soit  au  roy;  lequel  incontinent  nay  failly  luy  envoyer  en  bonne 
diligence,  suyvant  ce  que  m'en  aviez  escript,  et  aussi  pour  ce  que,  à 
mon  adviz,  S.  M.  aura  très  grant  plaisyr  d'entendre  les  nouvelles  que 
luy  escripvez,  comme  j'ay  eu  pareillement,  et  aussi  tous  les  bons  ser- 
viteurs du  roy  qui  sont  icy.  Ausquelz  m'a  semblé  ne  debvoir  obmettre 
faire  soavoir  telles  advantaigeuses  et  si  bonnes  nouvelles,  et  mesme- 
ment  de  ce  que  le  Grant  Seigneur  s'esloyt  montré  tant  affectionné 
envers  S.  M.  que  d'avoir  tenuz  si  haultz  propoz  en  sa  faveur  au  claris- 
sime  ambassadeur  Badouare.  Lequel  toutesfoiz  en  avoit  bien  escript 
quelques  propoz  par  cy  davant  à  cez  Seigneurs,  comme  vous  ay  faict 
entendre  par  les  miennes  du  dernier  du  passé,  mais  non  si  amplement 
ne  apertement  que  me  faicles  entendre;  et  n'espéroys  pas  moings  de 
vous  que  bientost  n'en  eussions  advertissement,  sçaichant  très  bien 
que  telle  chose  de  si  grande  importance  et  apertenant  trop  plus  à 
vous  ne  vous  povoit  estre  cachée  longuement. 

«  Et  pareillement  ce  nous  a  esté  une  grande  consolation  d'avoir 
entendu  que  par  vostre  bonne  dextérité  les  ambassadeurs  de  Hongrye 
d'eulx-mesmes  ayent  demandé  au  Grant  Seigneur  que,  advenant  le 
décedz  du  jeune  enfant  roy,  les  princes  du  royaulme  eussent  puissance 
de  povoir  eslire  pour  leur  roy  monseigneur  d'Orléans.  Sur  quoy  vous 
diray  que  peu  auparavant  que  aye  receu  vosdictes  lettres,  aulcuns 
d'entre  eulx  avoyent  faict  porter  parolles  au  roy  que,  s'il  luy  plaisoit 
donner  en  mariage  mondict  seigneur  d'Orléans  à  la  royne  vefve  de 
Hongrye,  qui  est  d'eaige  compétant,  qu'ilz  l'esliroyent  et  mettroyent 
en  possession  dudict  royaulme;  mais  le  roy,  pour  sa  charité  et  équité, 
n'y  a  voullu  entendre,  ne  voullant  pour  quelque  bon  droict  qu'il  y  ayt, 
comme  mieulx  sçavez,  que  le  droict  de  nature  n'ayt  tousjoursjlieu  en 

1.  «  Pacquet  du  roy.  » 


182  AMUASSADE    DE  rDÉCEMBUE    la40l 

son  cndroicl,  cl  aussi  pour  donner  à  congnoistre  à  Dieu  clan  monde 
clairenuMit  i[ur  iii  f.içon  quelconque  S.  M,  ne  veuif  faire  chose  qui 
puisse  eslre  cause  (jue  l'empereur  et  son  frère  se  puissent  à  bon 
droict  plaindre  di'  luy,  ne  j^rélendre  aulcunemenl  matière  de  rompture. 

«(...  M.  de  Langev  m'escript  ([iw  l'eniix-reur  ne  se  trouvera  pointa 
Wormes,  et  (^ue  les  dippulaleurs  sont  desjii  sur  les  prolestes,  qui  l'ont 
pencer  que  le  tout  se  résouldra  en  fumée.  El  aussi  que  Christophle  de 
Landeherg,  avecques  Iniil  mil  hommes  de  pied  et  mil  chcvaulx,  s'est 
mys  aux  champs  pour  courir  sus  à  M.  de  Rolville '.  Les  cantons, 
exceplé  Basic,  ont  envoyé  quarante  Intmmes  pour  canton  dedans  la 
ville,  et,  si  ledict  Christophle  marche,  envoyeront  vingt-deux  mil 
hommes  de  secours  et  (juaranle  pièces  d'arlillerye.  On  susi)e(;onne  que 
secrètement  le  duc  l'Irich  de  Werlemherg  '^  et  le  landgrave  de 
Hesse  ^  lavorisent  ledict  Christophle,  elles  ducz  de  Bavières  ceulx  de 
Rolville. 

«  Monsieur,  l'on  acuicy  adviz  du  xxiiir  du  passé,  de  pcrsonnaige  à 
qui  Ton  peult  donner  foy,  estant  à  la  court  du  roy  des  Romains,  en 
conlirmalion  de  ce  que  vous  ay  escripl  comme,  à  cause  de  quelque 
peste  et  aultres  deflaulx  qui  esloyent  survenu/  au  camp  dudict  roy, 
avoit  eslè  contrainct  se  lever  d'auprès  Bude  et  tourner  en  arrière.  El 
davanlaige  que,  voyant  ledict  roy  ses  aU'aires  n'aller  selon  ses  desaings 
et  entreprinses,  rechairchoit  la  royne  de  Hongrye,  par  belles  et  gra- 
cieuses paroUes,  de  faire  accord;  laquelle  luy  fisl  response  que  s'il  luy 
plaisoit  rendre  et  restituer  à  elle  et  à  son  lilz  tout  ce  qu'il  lenoit  du  l'eu 
roy  Jehan  son  mary,  qu'elle  verroit  de  se  soubmeltre  à  la  reste  de  faire 
chose  qui  luy  seroit  agréable.  Sur  quoy  a  respondu  que  quant  à  cela 
il  lavoit  desjà  allienné  à  aullres  et  qu'il  luy  esloit  impossible  de  ce 
faire,  mais  que  si  elle  voulloit  prendre  aultre  chose  en  récompense, 
qu'il  esloit  contant  de  le  luy  bailler,  voyre  presque  la  valleur  de  deux 
foiz  aullatit  :  chose  à  quoy  elle  n'a  voullu  entendre,  disant  qu'elle  n'en 
feroit  jamais  aullrement  si  on  ne  luy  resliluoit  ce  que  est  de  son  feu 
mary;  qui  sont  les  termes  sur  lesquelz  sont  demeurez  ensemblemeut. 


1.  11  y  a  .sans  doute  ici  une  erreur  du  copislc,  et  il  faut  lire  ■■  .M.M.  de  Rolville  ». 
Ildlliweil.  place  du  Brisfrau,  située  sur  la  rive  gauche  du  Neckar,  el  (jui  a  conservé 
Jusqu'à  nos  jours  son  enceinte  du  moyen  âge,  était  l'une  des  villes  les  plus  consi- 
doiables  de  la  ligue  de  Souabe.  Pendant  près  de  deux  siècles,  jusqu'à  la  guerre  de 
Trente  .Vns,  elle  fut  la  constante  alliée  des  cantons  suisses  confédérés,  el  devint 
ensuite  ville  imi»ériale  jusqu'à  la  date  de  1S02. 

Menacés  en  lb40  par  un  seigneur  des  environs,  Christophe  de  Holien-Landenberg, 
les  membres  du  conseil  de  vilk-  appelèrent  les  Suisses  à  leur  secours. 

2.  Ulrich  V,  3»  duc  de  Wurtcuilterg,  né  en  lis",  mort  le  0  novembre  loiiO.  Élu 
en  149S  après  la  déposition  de  son  oncle,  Eberhardt  VI,  il  avait  épousé  Sabine,  fille 
du  duc  Albert  IV  de  lîavière,  et  nièce  de  l'empereur  Ma.ximilien. 

3.  l'liilii>pi'  1  '  II'  Magnanime,  né  le  11  novembre  i;iOl,  mort  le  31  mars  1567,  avait 
succédé  à  son  père  (iuillauuie  II  en  l."iO;i.  11  partagea  en  mourant  la  Hesse  entre  ses 
quatre  lils,  d'où  les  divers  landgraviats  de  Cassel,  Darmstadt,  liombourg,  etc. 


[décembre    liviO]  GUILLAUME   PELLICIER  183 

Je  VOUS  envoyé  ung  double  d'une  lettre  escripte  par  M.  l'évesque 
d'Agria  à  M.  Tévesque  de  Transilvania,  qui  est  en  ceste  ville  poui*  les 
causes  que  vous  ay  escriptes  par  cy  davant.  Et  par  icelles  lettres 
pourrez  congnoistrele  progrez  de  la  mort  dudict  feu  roy  et  succès  des 
alïaires  jusques  audict  jour,  à  laquelle  donnerez  telle  Iby  en  ce  que 
congnoistrez  estre  escript  sans  aulcune  passion  ou  perturbacion.  Je  vous 
ay  aussi  escript  comme  André  Doriaestoit  arrivé  de  retour  de  Barberye  ' 
à  Messine.  A  présent  l'on  entend  qu'il  est  à  Gennes,  ayant  laissé  en 
ladicle  Barberye  deux  mil  Espaignolz  pour  la  garde  des  places. 

«  Monsieur,  je  ne  veulx  aussi  oblyer  à  vous  advertyr  comme  Ton 
entend  icy  que  le  Grant  Seigneur  arme,  et  ce,  ainsi  que  ont  esté 
advertiz  secrcltoment  cez  Seigneurs,  est  pour  mander  à  Messine  en 
laveur  et  advantaige  du  roy.  S'il  est  vray,  je  suis  tout  asseuré  que  le 
sçaurez... 

«  Monsieur,  je  vous  envoyé  une  lettre  adressant  au  fils  de  messire 
Marco  Anthonio  Cornaro-,  laquelle  je  vous  supplye  luy  faire  lenyr;  et 
n'estoit  la  crainte  que  jay  de  vous  estre  par  trop  importun,  je  vous 
supplyeroys  d'aussi  bon  cueur  pour  luy  que  pour  homme  que  je  vous 
aye  encores  escript,  vous  asseurant  que  le  père  est  de  telle  quallité 
qu'il  pcult  beaucoup  en  ceste  ville  où  il  veult...  » 

Vol.  2,  f-^  96,  copie  du  wi^  siècle;  2  pp.  3/4  in-f'. 

PELLICIER  A   I.A    DUCHESSE  DE   FERRARE  K 

102.  —  [Venise],  1  I  décembre  1 540.  —  «  Madame,  je  envoyé  pré- 
sentement le  porteur  de  cestes  expressément  vers  monseigneur  le  duc 
de  Ferrare  pour  luy  présenter  une  lettre  de  monseigneur  le  daulphin 
en  faveur  et  recommandation  d'ung  gentilhomme  ;  et  pour  ce.  Madame, 
que  je  congnoys  mondict  seigneur  le  daulphin  estre  fort  affectitmné 
en  cest  affaire,  ainsi  que  entendrez  s'il  vous  plaist  par  cedict  porteur, 
j'ay  bien  osé  prendre  la  hardiesse  vous  supplyer  l'avoir  pour  recom- 
mandé, vous  advertissant  au  surplus  que  pour  n'avoir  aultres  nouvelles 
de  la  court  dignes  de  vous  faire  sçavoir,  sinon  la  bonne  santé  du  roy 
et  de  monseigneur  le  daulphin,  vous  diray  de  celles  de  Levant.  Et 
mesmement  comme  le  Grant  Seigneur  faict  très  bien  entendre  et 
congnoistre  apertement  à  ung  chascun  la  très  grande  affection  et 
bonne  amour  qu'il  porte  à  S.  M.  Et,  de  faict,  les  ambassadeurs  de 
Hongrye,  pour  impétrer  plus  facillement  dudict  Grant  Seigneur  ce  par 

1.  Barl>arie. 

2.  Marco-Antonio  Cornaro. 

3.  "  Par  M.  de  la  Rocque.  ■■  Le  Cat.  des  actes  de  François  I"  (t.  H,  p.  50,  n"  i(l03) 
mentionne  un  don  fait  an  sieur  de  la  Rocque,  ccuyer  ordinaire  de  l'écurie  du  roi, 
à  la  date  du  15  juin  1331. 


i84  AMBASSADE    l>i:  DÉCEMBRE    liJiO 

qiioy  il/,  esloionl  allez  vers  luy,  n'ont  sceu  trouver  ineillour  moyen  que 
de  s'aydcr  du  nom  et  faveur  du  rny,  qui  leur  a  tant  vallu  qu'il/  ont 
obtenu  tout  ce  (juil/.  demanduyenl,  sravoir  est  (jue  le  jeune  entant  lil/ 
du  feu  roy  Jeliaii  de  llonj^rye  fust  maintenu  en  la  possession  du 
royaulmc,  en  luy  payant  tel  tribut  que  faisoyt  le  père,  qui  est  de  cin- 
quante mil  eseuz;  et  encores  ont  eu  eon^é  de  les  payer  à  meilleur»' 
condieion  (jue  ledict  dellimct  roy,  car  il  cstoit  obligé  de  les  bailler 
monnoyez,  et  à  présent  se  payeront  «{uinze  mil  en  dra[)s  d'or  et  de 
soye,  dix  mil  en  lingots  d'or,  et  le  reste  eu  ducatz,  à  la  cliarge  que 
ledict  (iraiit  Seigneur  le  doibt  mainlenyr  et  garder  contre  tous  qui  luy 
vouldroyenl  donner  enipescliemenl.  Dont  voyant  lesdicl/.  ambassadeurs 
la  faveur  du  roy  leur  avoir  en  ce  si  grandement  aydé,  ont  fait  une 
requeste  audict  Grant  Seigneur  que  si  le  cas  advenoil  que  Dieu  list 
son  plaisyr  duilict  jeune  roy,  qu'il  luy  pleust  permettre  que  les  princes 
de  Hongrye  peulsent  eslire  pour  leur  roy  monseigneur  d'Orléans,  ce 
que  ledict  (îrant  Seigneur  leur  a  très  libérallement  et  allègrement 
accordé.  Quant  est  de  cez  Seigneurs,  j'estime  bien  que  avant  qu'il  soit 
peu  de  temps  l'on  congnoistra  par  etfect  en  quelle  vouUeulé  ilz  sont 
vers  S.  M. 

«  Au  demeurant,  Madame,  je  vous  asseure  que  je  cbairche  tous  les 
moyens  qu'il  m'est  possible  de  povoir  recouvrer  le  livre  dont  ma 
escript  madame  de  Ponlz;  mais  comme  vous  ay  faict  entendre,  c'est 
une  chose  brigue',  car  celluy  à  qui  l'on  m'avoit  adressé,  nommé 
Augustin*,  demeurant  chez  les  Jonta\  a  esté  tousjours  mallade.  Et 

1.  Uciicalc,  diflicile. 

2.  Nous  avions  pensé  d'abord  (|ue  ce  personnage  pouvait  être  Agoslino  Nifo. 
pliilosojihe  cl  commentateur  italien,  né  à  Japoli  en  Calahre,  en  I  i"3,  mort  à  Sessa 
vers  le  milieu  du  xvi"  sièeie  (V.  Tirabosclii,  loc.  cit.,  t.  Vil,  '2'  partie,  |).  029).  Il 
ensei;.'na  la  philosophie  successivement  à  Naples,  à  Rome,  à  I*ise,  à  Bologne  et  à 
Salerne,  et  lut  l'un  des  itrincipaux  collaborateurs  des  Junta  (V.  Handini,  De  Flo- 
renti)ià  Juiitriru»i  lypor/rapliiù  :  Lucques,  l"yl,  in-8");  mais  Pellicier,  qui  devait 
lavoir  connu  h  Rome,  en  eût  certainement  parlé  en  termes  plus  explicites. 

Un  trouve  encore  à  Venise,  à  cette  épocjue.  un  érudit  nommé  Ag(jslino  Agostini. 
inscrit  sur  les  registres  de  prêt  de  la  Marcienne  en  lui!  (V.  Omont,  Les  registres 
de  prêt  (le  la  Bibliolli^qiie  de  Saint-Marc,  à  Venise,  dans  la  UibUollièqiie  de  VÉcole 
des  Charti'i,  année  is.sT,  t.  XLVUl,  p.  GGi).  Peut-être  est-ce  de  lui  qu'il  s'agit  ici? 

3.  Les  Junta,  (iiuula,  (liunti  ou,  selon  le  dialecte  vénitien,  Zonta  ouZonti,  célèbre 
famille  d'im|)rimeurs  originaires  de  Florence,  où  l'on  rencontre  dès  le  xiv  siècle 
lie  ricliL's  négociants  eu  laine  de  ce  nom.  Us  avaient  jjour  marque  et  pour  enseigne 
un  lys  rouge.  Le  fondateur  de  la  maison  de  Florence,  Fili|)po,  né  en  14o0,  était 
mort  le  10  septembre  1317,  aj)rès  avoir  exercé  l'imprimerie  depuis  1497,  laissant  la 
maison  à  ses  Dis,  dont  Bernanlo,  l'aine,  mort  en  1551,  dirigea  seul  la  maison 
depuis   l.")3l. 

Le  frère  de  l'ilippo,  Luc-Anlonio,  ajirès  avoir  exercé  (pielcjucs  années  à  Florence, 
vint  à  Venise,  vers  1480,  y  fonder  une  librairie  et  commença  d'imprimer  en  1503. 
Après  sa  mort,  en  l"(:J,S,  Tommaso,  l'un  île  ses  trois  lils,  continua  la  maison  sous  la 
même  raison  commerciale  :  les  liérilii'rs  de  Luc-.Vntonio  Junta,  ou  simplement  :  les 
Junta.  Tommaso  mourut  en  156".»,  et  l'imprimerie  passa  aux  enfants  de  ses  deux 
frères  .Mariotto  et  (iian-.Maria. 

Un  troisième  frère  de  Filippo  et  de  Luc-Antonio,  Francesco,  né  en  1448,  était  le 


roÉCEMBUK    lo4U]  GUILLAUME    PELLICIER  185 

encores  je  ne  veoy  pas  bien  que  par  son  moyen  nous  en  puissions  avoir 
tïicille  issue,  et  fault  y  aller  par  auUre  voyeet  de  longue  main.  Car  c'est 
une  joie  tant  précieuse  que  ledict  livre,  que  si  ceulx  qui  l'ont  entre 
mains  veoyent  que  l'on  ait  si  grant  envye  de  l'avoir,  ilz  le  vouldront 
survendre  si  très  cher  qu'il  n'y  aura  point  d'ordre,  et  mesmcment  s'ilz 
entendent  que  je  m'en  mesle;  dont  ay  advisé  estre  le  meilleur  mener 
ces  te  affaire  par  tierce  personne  et  avecques  le  temps,  sans  faire 
démonstracion  d'en  avoir  si  grant  envie.  Quant  est  du  seigneur  de 
(Iradis,  dont  Vostre  Excellence  m'a  escript  plusieurs  fois,  je  en  ay  faict 
ce  que  j'ay  peu  envers  messieurs  les  advocateurs,  lesquels  semblent 
n'avoir  trop  grant  envie  de  s'en  empescher,  me  respondant  que  quant 
à  eulx,  il/,  ne  luy  font  point  de  partye,  mais  qu'ilz  ne  voullcnt  reffaire 
ne  entreprendre  sur  ce  que  leurs  prédécesseurs  ont  faict.  Et  de  faict, 
Madame,  il  y  a  bien  affaire  à  faire  rotraicter  une  sentence  de  cez  Sei- 
gneurs quant  elle  est  donnée.  Toutesfois  je  en  feray  tout  ce  qu'il  me 
sera  possible;  et  pour  ce,  Madame,  que  j'ay  donné  charge  audict  por- 
teur vous  dire  encores  quelques  aultres  propoz  de  ma  part,  de  paour 
devons  atédier  feray  fin,  aprezm'estre  humblement  recommandé, etc.  » 

Vol.  2,  f"  'J7,  copie  du  xvi*^  siècle;  1  p.   i/2  iu-f'\ 

PELLICIER  AU  ROl'. 

103.  —  [Venise],  12  décembre  1540.  — Pellicier  a  reçu  la  veille  au 
soir  un  paquet  de  Rincon  à  l'adresse  du  roi,  avec  prière  de  le  faire 
tenir  de  suite,  ce  qu'il  a  fait.  On  a  reçu  de  l'ambassadeur  vénitien  à 
Constantinople  des  lettres  témoignant  des  bonnes  dispositions  du 
Grand  Seigneur  à  l'égard  du  roi;  or,  poursuit  Pellicier,  «  ad  ce  que 
j'ay  entendu  par  quelque  ung  qui  a  donné  bon  ordre  de  le  sçavoir  de 
quelques  ungs  des  plus  grans  de  cez  Seigneurs,  ilz  eurent  ceste  nou- 
velle si  agréable  que  d'affection  en  eslevèrent  les  mains  au  ciel,  pryant 
Dieu  que  jà  fust  arrivé  icy  ledict  messaiger,  pour  si  bonne  et  désirée 
chose;  et  qu'ils  s'attendoyent  bien,  quelque  contradiction  qu'il  y 
peult  avoir  pour  la  variété  des  oppinions,  que  l'affaire  ne  fauldroit  à 
avoir  bonne  issue. 

M  Sire,  l'on  entend  que  cez  Seigneurs  ont  eu  advertissement  de  leur 

père  de  Jacopo,  dit  Francesco  Junta,  qui  fut  imprimeur-libraire  à  Lyon  et  y  mourut 
en  iooG. 

D'autres  membres  de  la  famille  exercèrent  la  même  profession  en  Espagne,  ii 
Burgos,  puis  à  Salam.inque  et  à  Madrid,  pendant  les  xvi'  et  xvu"  siècles. 

Enfin,  le  fameux  auteur  comique  Pierre  de  l'.Arrivey  était  un  Pietro  Junta,  venu 
de  Florence  à  Troyes,  où  il  enseigna  l'astrologie  et  fit  imprimer  divers  almanachs 
(V.  Ant.-.\ug.  Renouard,  Notice  sur  la  famille  des  Junte,  à  la  suite  des  Annales  de 
V imprimerie  des  Aide  (Paris,  J.  Renouard,  1834,  in-8°  de  xvi  pp.). 

1.  «  Escript  cedict  jour  à  M.  le  prieur  de  Sainct-Pol,  Garrigues,  et  au  sire  Laurens 
Charles,  du  xv.  » 


186  AMBASSADE    Dli  [dÉCEMDRE    lolOj 

ambassadeur  qui  est  îi  Conslaiitinople  comme  le  Grant  Seigneur  faisoil 
armer  à  grant  dilligence  el  secrellement  cent  voilles  pour  voslre 
service,  et,  eomme  escripl  ledicl  ami)assadcur,  l'on  estimoil  que  ce 
seroit  pntir  mander  à  la  voit*;  de  (îennes.  L'on  faisoil  l>ien  auparavant 
liruit  iey  (juc  kdicl  (iranl  Seigneur  arrivoyl;  et  ce  ([ue  le  l'aisoit  plus 
croire  estoyenl  quelques  lettres  escriptcs  de  ce  cousté  là,  el  ung.luyf 
qui  en  est  venu,  qui  Tasse u ro i t  ;  cl  si  en  donnoil  qucljues  bonnes 
enseignes,  mais  ou  eslimoyl  que  ce  fusl  pour  l'adresser  à  Messine. 

«  Sire,  j'ay  entendu  d'uiig  personnaige  à  qui  l'on  peull  donner  foy 
qu'il  a  scou  de  bien  bon  lieu  comme  le  pape  et  l'empereur  menoyent 
une  pralicque  ensemble  fort  sccrette,  et  ce  à  l'instance  du  seigneur 
Pierre  Aloysy  ',  tendant  ad  ce  de  faire  un  eschange  de  F^arme  et  Plai- 
sence  avecques  Florence  el  la  Tuscane,  pour  en  faire  seigneur  le  sei- 
gneur Oclavio*.  El  pour  ce  que  lesdictes  terres  de  Parme  el  Plaisance 
avecques  leurs  contés  rendent  de  profficl  mieulx  de  cent  mil  escuz, 
l'on  Iractoil  que  l'empereur  retourneroil  vingt  mil  escuz  de  rente  sur 
le  royaulme  de  Naples  pour  la  plus  vallue.  Et  estiment  quelques  ungs 
que  pour  cesle  cause  se  soit  faincte  la  vérité  du  conté  de  Altamura 
audict  royaulme,  de  laquelle  vous  ay  escripl...  » 

Pellicier  entretient  ensuite  le  roi  des  revers  essuyés  par  le  roi  des 
Romains  devant  Bude  et  de  ses  vaines  tentatives  auprès  de  la  reine 
de  Hongrie,  dans  les  termes  de  la  lettre  à  Rincon  du  9  décembre. 

«  Sire,  cez  jours  passez  le  magniflico  Paulo  Justinian  ^  m'est  venu 
veoir,  lequel  m'a  lenuz  plusieurs  propoz  par  lesquel/  se  monstre  fort 
afTeclionné  à  V.  M.  Et  entre  aultres,  devisans  des  grans  moyens  et 
commoditez  que  peulvent  avoir  ceulx  qui  sont  puissans  sur  mer,  et 
concluant  que  qui  en  est  le  maistre  est  tousjours  supérieur  et  va  pros- 
pérant en  toutes  ses  entreprinses,  enfin  m'a  bien  osé  dire  qu'il  se  faicl 
fort  d'avoir  le  moyen  de  vous  faire  avoir  douze  gallères  de  celles  qui 
suyvent  le  party  de  l'empereur,  ainsi  qu'il  donneroit  très  bien  à 
entendre,  après  avoir  sceu  la  voullenlé  de  V.  M.  De  quoy  l'ay  très  fort 
remercyé  du  bon  voulloir  et  alï'ection  que  je  veoys  qu'il  avoit  à  voslre 
service,  et  que  très  voullentiers  je  vous  en  advertiroys,  ce  que  foys 
présentement.  Et  m'a  dict  davantaige  que  mainctenant  à  Gennes  en  y 
a  plus  de  ceulx  qui  sont  affectionnez  à  V.  M.  que  à  nul  aultre  seigneur. 
Et  oultre  ce  m'a  aussi  dict  que  non  obstant  que  le  pape  se  soit  faicl 
apparoir  afl'ectionné  à  l'empereur,  il  sçavoit  très  bien,  pour  eslre  à 
son  service,  que  ce  qu'il  en  faisoil  estoit  plus  pour  quelques  respectz 
que  de  frariche  voullenlé;  car  il  estoit  bien  asseuré  que  Sa  Saincteté 
dedans  son  cueur  vous  estoit  affectionné.  Et  sur  ce  propoz  j'ai  receu 


1.  l*iclro-Aloysio  Farnese. 

2.  (Ulavio  Farnese,  fils  do  Pietro-Aloysio. 

3.  Paolo  Giusliniani. 


[décembre    1540]  GUILLAUME    PELLICIER  187 

lettres  de  M.  Tévesque  de  Lodes',  lequel  j'ay  tousjours  trouvé  grande- 
ment adonné  à  vostre  service  et  ayant  bon  accedz  envers  Nostre  Sainct 
Père,  et  aultres  des  plus  grans  de  sa  court,  m'a  faict  entendre  que 
lorsque  Sa  Saincteté  eust  les  nouvelles  de  la  paix  de  ce/.  Seigneurs 
avecques  le  Grant  Seigneur,  en  demeura  merveilleusement  eslonné, 
craignant  que  cela  ne  advanceast  une  grande  guerre  entre  les  chrcstiens 
par  laquelle  en  fin  TYtallye  n'en  fust  ruynée,  de  sorte  qu'il  demeura 
en  telle  perplexité  que,  ainsi  qu'il  escript,  si  Sa  Saincteté  eust  esté  sur 
ce  poinct  sollicitée  et  conduicte,  l'on  l'eust  trouvée  trop  plus  facille  à 
l'attirer  de  vostre  part. 

«  Sire,  j'ay  escript  à  V.  M.  comme  après  le  décedz  du  feu  duc  de 
Mantoue,  M.  le  cardinal  son  frère  envoya  ung  gentilhomme  vers  l'em- 
pereur pour  luy  faire  entendre  la  grant  dévotion  que  ledict  deffunct 
avoit  tousjours  eue  à  son  service,  et  que  semblablement  suyvant  lin- 
clinacion  du  père  le  filz  seroit  tousjours  de  telle  voullenté.  Dont  le  sup- 
plyoit  le  vouUoir  mainctenyr  et  garder  en  son  estât;  mais  depuys  j'ay 
entendu  que  oultre  ce  il  le  pryoit  très  instemment  prendre  son  hom- 
maige  et  luy  enféoder  ladicte  duché  ainsi  que  son  feu  père  la  tenoit. 
Sur  quoy  l'empereur  ne  leur  a  jamais  voullu  faire  meilleure  responce, 
sinon  qu'il  y  manderoit  ung  homme  pour  adviser  et  se  prendre  garde 
des  aflaires  dudict  duché.  Et  ad  ce  que  l'on  a  peu  entendre  Ion  estime 
qu'il  en  veult  faire  comme  de  Florence  et  y  mettre  le  seigneur  domp 
Ferrand  de  Gonzagues  affin  de  la  tenyr  tousjours  plus  à  son  comman- 
dement; de  quoy  Ton  estime  que  ledict  cardinal  n'a  esté  contant.  » 

Vol.  2,  f"  98,  copie  du  .wi"  siècle;  3  pp.  in-I". 


PELLICIER  AU  CONNETABLE. 

104.  —  [Venise]^  12  décembre  1 540.  —  «  Monseigneur,  ayant  receu 
un  pacquet  du  seigneur  Rincon  et  sçaichant  combien  le  roy  et  vous 
avez  agréable  d'entendre  des  nouvelles  du  cousté  de  Levant,  ne  lay 
voullu  retenyf  et  ne  différer  à  le  vous  mander;  ains  m'a  semblé  vous 
le  debvoir  envoyer  incontinent  avecques  ce  que  ay  peu  apprendre 
depuys  les  miennes  dernières  du  xxlx*"  du  passé,  retenues  jusques 
au  ir-  de  ce  moys,  sans  attendre  aultrement  si  pourroys  rien  entendre 
davantaige  que  ce  que  j'escriptz  présentement  au  roy.  De  quoy  ne 
m'estendray  à  vous  faire  aultre  répéticion,  estant  asseuré  que  ce  ne 
vous  seroit  que  reditte.  Tant  seullement  vous  diray  que  cez  Seigneurs 
estant  rechairchez  par  aulcuns  de  faire  chose  au  désavantaige  de 
M.  le  duc  d'Urbin,  quelques  ungs  fort  affectionnez  à  S.  M.  seroyent 
bien  d'aviz  que  cela  seroyt  cause  de  luy  faire  quitter  et  habandonner 

1.  Lodovico  Simonetla. 


188  AMBASSADE    I>E  [dÉCEMBUE    1540^ 

du  tout  lo  parly  «ju'il  a  aveciiues  eulx;  el  quo  par  ce  moyen  l'on  le 
pouiToit  facillemonl  alliror  à  la  dévotion  de  S.  M.,  à  ia(iuc'lle,  ainsi  que 
ay  cscri|)l  à  ce  ([lu-  ay  peu  conj^noislre'  par  les  ])ropo/.  que  son 
amliassadt'ur  nie  tint  el  luy  |)areillernenl  par  deux  lois,  je  le  trouve 
l)ii'ii  alleclioniié.  I"]l  leur  senihle  que  le  inesines  pourroit  l'on  espérer 
du  duc  Cosuie  de  Florence,  pour  les  praticciues  et  menées  qui  se  font 
par  .NDslrt"  Sainct  Père  averques  l'empereur  pour  essayer  de  faire 
seigneur  de  Florence  el  de  la  Tuscane  le  seij^neur  Otlavio  ainsi  que 
j'ay  escript  au  roy.  Semhlablemenl  sont-il/.  d  advis  (jue  l'on  pourroit 
gaij^'iu'r  le  seigneur  Ascanio  Colonne',  principal  d'entre  les  Coulon- 
noys-  pour  certain  desdaing  que  il  a  conceu,  ii  cause  d'une  sentence 
qui  a  esté  donnée  contre  luy  par  le  pape  en  faveur  du  lil/.  du  feu 
vice-roy  de  Naples,  Charles  de  la  Noya  ^,  à  l'instance  de  l'empereur, 
qui  lui  est  dintérest  plus  de  cent  mil  escu/.  De  quoy  m'a  semblé  vous 
dehvoir  advcrtyr,  allin  dadviser  seullement  là  dessus  ce  qu'il  vous  en 
semblera  bon. 

«  Monseigneur,  l'on  a  eu  icy  nouvelles,  lesquelles  l'on  ne  lient  pour 
trop  certaines;  ce  néanlmoings,  pour  ne  rien  obmettre  à  vous  faire 
entendre,  n'ay  vouliu  faillyr  à  les  vous  faire  sçavoir.  C'est  que  le  roy 
de  Thunis  vouUaiil  rclournor  de  Monastcrio*  audict  Thunis,  estant  en 
chemyn  accompaigné  de  quatre  mil  Arrabes  el  de  troys  mil  Espaignolz. 
que  luy  avoil  laissez  André  Doria,  fut  assailly  près  d'une  ville  appelée 
Carouan\  par  ses  cnnemys,  estans  au  nombre  de  sept  ou  huict  mil 
chevaulx  arrabes  qui  feurenl  très  bien  recueilliz  par  ledict  roy,  avecques 
l'ayde  d'iceulx  Espaignolz,  tellement  que  lesdiclz  ennemis  feurenl 
contrainctz  tourner  le  dos  et  se  mettre  en  fuille.  Ce  que  voyans  lesdiclz 
Arrabes  de  la  part  dudict  roy  se  révoltèrent  subitement  el  s'allèrent 


1.  Ascanio  Colonna,  duc  de  Paliano  et  de  Tapliaco/zo.  çrrand  connétable  du 
royaiinie  de  Naples,  né  vers  li9;J,  mort  le  24  mars  loo".  H  avait  [épousé  Jeanne 
d'Aragon,  lille  de  Ferdinando,  duc  de  Montalto  etfils  naturel  de  Ferdinando  l",  roi 
de  Naples. 

2.  Les  Colonna,  illustre  maison  italienne  originaire  de  Colonna,  bourg  de  la 
campagne  romaine,  <iui  a  donné  un  pape,  Martin  V  (Otto  Colonna),  et  de  nombreux 
cardinaux  à  l'Eglise.  Leur  énergie  était  proverbiale.  Selon  Paul  Jove,  quand 
Alixandrc  Yl  les  bannit  de  Rome  en  1  i'J'.t,  les  Colonna  iirirent  pour  devise  :  «  Flec- 
timur,  non  frangimur.  • 

3.  Ciiarles  de  Lannoy,  seigneur  de  Sanzelles,  prince  de  Solmona,  comte  d'Asli 
el  de  la  Roche-en-Ardennc,  né  vers  1170,  mort  à  Gaéte  en  io27.  Issu  d'une  des  plus 
illustres  familles  di;  Flandre,  il  était  fils  de  Jean  111  de  Lannoy  et  de  Philippe  de 
Lalaing.  Vice-roi  de  Naples  pour  Charles-Quint  (1522-1524)  et  généralissime  des 
troupes  impériales  en  Italie  (1523)  après  la  mort  de  Prospero  Colonna,  il  se  signala 
notamment  à  la  bataille  de  Pavie  (1525)  où  François  1"  ne  voulut  rendre  qu'à  lui 
son  épée. 

Ferdinanrl  de  Lannoy,  son  fils,  né  en  1510,  mort  en  1.579,  se  distingua  également 
comme  homme  de  guerre  et  comme  savant.  On  lui  doit  de  bonnes  cartes  de  Bour- 
gogne et  de  Franche-Comlé,  el  l'invention  de  l'artillerie  de  montagne. 

4.  Monasterio. 

5.  Kai rouan. 


■DÉCEMBRE    1  •i40  '  GUILLAUME    l'ELLICIER  1H<_) 

joindre  avecques  les  ennemys  qui  vindrcnt  recliaircher  hidid  roy  et  le 
myrent  en  l'uyle,  ayant  esté  blessé  en  deux  endroictz;  et  les  Espaignolz 
se  resserrèrent  ensemble  en  ung  bataillon,  et,  recullant  petit  à  petit,  se 
saulvèrent  avec  peu  de  perte  des  leurs.  Toutesfoiz,  l'on  a  icy  d'auUre 
cousté  que  ledict  Doria  n'en  avoit  laissé  en  ce  pays  là  au  plus  que 
deux  mille,  pour  la  garde  des  places  y  conquises  nouvellement,  et  mil 
cinq  cens  qu'il  a  admene/  à  la  volte  de  Gennes  pour  la  Lombardye, 
ainsi  que  Ion  estime,  et  le  reste  de  ladicle  armée  estoycnl  Itallyens  ou 
Sicilliens. 

«  Monseigneur,  je  suys  attendant  à  grant  dévotion  nouvelles  de  ce 
qu'il  vous  a  pieu  de  m'cscripre  que,  à  la  première  occasion  qui  se 
trouveroit  au  conseil,  Voslre  Excellence  feroit  pourvcoir  aux  serviteurs 
du  roy  qui  sont  icy,  desquelz  vous  ay  escript  si  souvent  que  j'ay  belle 
paour  d'estre  estimé  fàcheulx  et  importun.  Ce  néantmoings  ne  sçai- 
cliant  plus  de  quoy  les  entretcnyr,  pour  leur  avoyr  fourny  tant  que  ay 
eu  ung  seul  denier,  et  ne  se  voullans  contenter  de  parolle  comme  ilz 
ont  faict  en  partye  jusques  icy,  avecques  ce  peu  que  leur  ay  baillé,  qui 
est  beaulcoup  pour  moy,  suys  contrainct  vous  requéryr  de  reclief  y 
faire  mettre  ordre;  car  je  vous  asseure.  Monseigneur,  que  aultrement 
je  ne  veoy  pas  que  je  sceusse  faire  icy  le  service  requiz  au  roy  ne  y  estre 
à  son  honneur.  Et  entre  aultres  il  y  en  a  ung  duquel  vous  ay  escript, 
nommé  le  seigneur  Francesco  Bellrame,  qui  ne  cesse  ordinairement  de 
faire  telz  meilleurs  offices  qu'il  est  possible  pour  S.  M.,  me  donnant 
tous  les  advertissementz  qu'il  peult  apprendre,  comme  a  faict  présen- 
tement ceulx  que  j'escriptz  au  roy  des  menées  secrettes  du  pape  et  de 
l'empereur  touchant  Parme  et  Plaisence,  en  contreschange  de  Florence 
et  la  Tuscane;  et  aussi  de  la  responce  de  l'empereur  sur  le  faict  de 
l'inféodation  de  Mantoue.  Et  pour  ce  faire  ledict  seigneur  Beltrame  ne 
fault  d'employer,  oultre  sa  peyne  et  le  temps  de  luy  et  de  ses  amys, 
beaulcoup  du  sien,  affin  de  entretenyr  ceulx  de  qui  il  les  peult  tirer; 
car  il  a  bien  la  puissance  de  ce  faire,  n'ayant  besoing  de  cent  ne  deux 
cens  escuz,  et  la  récompense  qu'il  en  chairche  avoir  de  S.  M.  tend  plus 
à  l'honneur  qiie  au  proffict.  Et  luy  suffiroyt  qu'il  peult  faire  apparoir  à 
ses  amys  et  ennemys  que  on  l'a  en  mémoire  et  estime  l'on  ses  services, 
vous  asseurant,  Monseigneur,  que  s'il  plaisoit  au  roy  et  à  vous  l'on 
auroit  le  moyen  d'entendre  des  nouvelles  de  toutes  pars,  voire  des  plus 
grandes  importances,  et  à  l'adventure  plustost  et  mieulx  que  de  ceulx 
qui  seroyent  sur  les  lieux  mesmes;  mais  l'on  ne  peult  avoir  telles  intel- 
ligences sans  fournyr  la  main,  ce  que  de  moy-mesmes  ne  puys  faire. 
Je  en  advertys  Vostre  Excellence,  affin  de  y  donner  tel  ordre  que  bon 
luy  semblera...  » 

Vol.  2,  fo  99  v",  copie  du  xvi®  siècle;  2  pp.  1/2  in-f». 


190  AMUASSADi:  i>i:  DÉCEMnnE  1540] 

l'EI.UCIEIl  A    LA    HEINE   DE  NAVARUE. 

105.  —  [  IV/K.st'j,  I  J  di'ccmhit'  l.')U).  —  «  iMiidanip,  ayant  messer 
Sébasliano'  cnlendii  le  conleiiii  delà  voslre,  fiuil  vous  a  pieu  m"es- 
cripre  ilu  dernier  oclobre,  a  esté  gramlemenl  consolé  pour  l'asseu- 
rance  qu'il  a  eu  de  Voslre  Excellence  de  povoir  achever  de  mettre 
ordre  h  quelques  siens  alFaires  sans  (jue  icelle  en  soit  aulcunement 
desplaisanle,  craignant  aussi  que  en  se  mettant  en  cliemyn  cest  yver 
ne  luy  advint  quelque  malladyc  ou  à  sa  famille,  mesmement  à  son 
petit  enfant,  (jui  n'est  encores  pour  endurer  en  ce  temps  icy  tel 
voyaige  *.  Toutefoiz  en  ce  pendant  il  ne  part  point  le  temps  qu'il  ne 
s'eniploye  à  laire  chose  pour  vous  povoir  faire  apparoir  de  ses  labeurs 
à  son  arrivée  vers  vous,  qu'il  espère  estre  aprez  ce/.  Pasques,  ainsi 
que  j'estime  qu'il  vous  escript.  Et  quant  h  la  responcc  qu'il  vous  plaist 
me  faire  touchant  ce  que  vcjus  avoys  escript,  elle  est  tant  pleyne  d'af- 
fection par  sa  bonté  et  courtoisye  qu'il  n'est  possible  de  plus  :  dont 
très  humblement  l'en  remercye.  Si  est-ce.  Madame,  que  je  vous  voul- 
droys  bien  supplyer  que  si  congnoissez  que  cela  deust  importuner 
personne  du  monde,  de  n'en  mettre  jamais  propoz  en  avant,  car  de 
moy  je  n'en  feray  aulcune  instance;  mais  vous  en  larray  faire  ce  que 
congnoistrez  estre  le  meilleur,  estant  bien  asseuré  que  s'il  a  de  s'en 
ensuivre  bien  tost  quelque  bonne  lin,  ce  ne  sera  par  aultre  moyen  que 
le  vostre...  » 

Pellicier  conclut  par  les  nouvelles  relatives  aux  bonnes  dispositions 
du  Grand  Seigneur  à  l'égard  du  roi  de  France,  et  aux  négociations 
entre  le  pape  et  l'empereur  dont  il  a  été  question  dans  la  lettre  au 
roi. 

Vol.  2,  r°  100  V,  copie  du  xvF  siècle;  1  p.  in-f\ 

PELLICIER  A   M.   D'aNNEBAULT. 

106.  —  [Venise],  12  décembre  1540.  —  «  Monseigneur,  la  cerlai- 
neté  que  ay  toujours  eue  que  ne  faillez  de  sçavoir  amplement  toutes 
les  nouvelles  que  j'escriplz  ordinairement  au  roy  m'a  gardé  de  vous 
en  escripre  plus  souvent  })arlicullièrement,  estimant  que  ce  n'eust  esté 
que  redicte;  et  d'aultant  plus  à  présent  (|ue  j'ay  esté  adverty  comme 
le  roy  vous  a  retenu  de  ses  affaires  privez,  chose  que  m'attendoys  bien 
que  ne  povoyt  tarder  longuement  dadvenyr,  ne  m'estendray  à  vous 

1.  Sébasliano  Serlio. 

i.  Serlio  amena  avec  lui  sa  femme,  Francesca  Palladia  ou  Pallaiide,  et  ses  enfants, 
qui  étaient  nombreu.\.  Ils  furent  logés  à  Paris,  au  palais  des  Tournelles  (V.  Charvet, 
Sébastien  Serlio,  p.  18). 


[décembre    1540]  GUILLAUME    Pl-LLICIER  191 

faire  longue  letlre.  Tant  seullement  vous  diray  que  pour  le  grant 
plaisyr  et  désyr  que  j'ay  d'enlendre  l'exaltation  de  vostre  honneur  et 
crédict,  ce  m'a  esté  aussi  grande  consoUacion  que  de  chose  qui  m'eust 
sceu  advenyr,  sçaichant  très  bien  quel  support  et  appuy  ce  sera  en 
cest  endroict  là  pour  vos  afl'cctionnez  serviteurs,  desquelz  avez  tou- 
jours esté  et  estes  vray  protecteur,  comme  de  ma  part  j'en  sçauray 
très  bien  testiffior.  Dont  je  me  sens  tant  tenu  et  obligé  que  à  tout 
jamais  à  vous  et  aux  vostros  resteray  et  les  miens  voz  très  humbles  et 
obéyssans  serviteurs.  Et  pour  ce.  Monseigneur,  que  bonnes  nouvelles 
ne  semblent  jamais  superflues,  si  bien  quelque  foiz  on  les  veult  répéter 
à  ceulx  qui  y  prennent  plaisyr,  comme  suys  asseuré  que  feray  à  celles 
que  verrez  par  les  lettres  du  roy,  m"a  semblé  ne  debvoir  obmettre  à 
vous  en  faire  ung  sommaire  par  la  présente.  Et  mesmement  de  la 
bonne  disposition  en  quoy  se  retrouvent  à  présent  les  affaires  de 
Levant,  et  principallement  de  la  déclaration  que  a  faicte  le  Grant  Sei- 
gneur de  l'affection  et  bonne  amylié  qu'il  porte  à  S.  M.,  ayant  faict 
entendre  à  M.  l'ambassadeur  de  cez  Seigneurs  la  grande  obligation 
qu'ilz  ont  à  icelle  sur  le  faict  de  leur  paix.  Laquelle  n'eut  jamais 
accordée  sans  qu'ilz  se  fussent  premièrement  déclarez  amys  de  Tamy; 
mais  que  à  la  dissuasion  de  S.  M.  il  avoit  laissé  ce  poinct  là  arrière, 
entendant  toutesfoyz  que  à  tout  le  moings  s'ilz  ne  se  voulloyent  déclairer 
totallement  pour  icelle,  qu'ilz  ne  peussenl  donner  aulcun  ayde  ne  secours 
à  l'empereur  ne  aultres.  Mesmement  à  la  récupéracion  de  la  duché  de 
Millau  et  royauime  de  Napples,  ce  qu'il  n'avoit  voullu  coucher  par 
escript  es  articles  de  ladicte  paix,  vouUant  pour  plus  grant  efficace  en 
bailler  le  commandement  à  part  à  celluy  qu'il  doibt  envoyer  icy,  pour 
la  ratifficacion  de  ladicte  paix  :  à  quoy  faire,  ainsi  que  l'on  peult  con- 
gnoistre,  cez  Seigneurs  sont  en  assez  bonne  disposition.  Dont  voyans 
les  ambassadeurs  de  Hongrye  la  faveur  et  crédict  du  roy  estre  si  grans 
envers  ledict  Grant  Seigneur,  n'ont  failly  de  leur  en  servyr  et  ayder, 
ne  congnoissant  meilleur  moyen  de  povoir  parvenyr  à  leurs  fins  que 
cestuy-là;  luy  requérans  d'eulx-mesmes  que  son  plaisyr  fust  voulloir 
permettre  aux  princes  de  Hongrye  de  povoir  eslire  monseigneur  d'Or- 
léans pour  leur  roy,  advenant  le  décedz  du  jeune  enfant,  filz  du  feu 
roy  Jehan  :  ce  que  très  libérallement  et  allègrement  leur  a  accordé, 
sans  qu'ilz  en  peulsent  eslire  aultre  estranger,  mesmement  de  la  maison 
d'Aultriche,  ainsi  que  plus  au  long  pourrez  veoir  par  lesdictes  lettres 
du  roy.  Par  lesquelles  pourrez  aussi  congnoistre  comme  à  cause  de 
quelque  peste  qui  est  prinse  au  camp  du  roy  des  Romains,  et  aultres 
nécessitez,  a  esté  contrainct  se  lever  d'auprès  de  Budde  et  tourner  en 
arrière,  chairchant  à  présent  de  faire  quelque  bon  accord  avecques  la 
royne  d'Hongrye,  laquelle  n'y  veult  entendre,  sinon  à  bonnes  en- 
seignes... » 

Pellicier  termine  sa  lettre  en  réclamant  l'intervention  du  maréchal 


192  AMBASSADE    DE  'oÉCEMnili:    lri40j 

crAnnobauIt  en  faveur  des  gens  «luil  emploie  au  service  du  roi,  car  il 
est  lui-même  à  bout  de  ressources. 

Vol.  2.  ['■'  loi.  copie  ilii  wi"  siècle:  I  p.  .{  4  iii-f'. 


l'KI.MCIi:»    AC    CAllDINAL   OL   KKUIIAIŒ. 

107.  —  \'enise],  12  décembre  1540.  —  Pellicier  a  reçu  la  lettre  du 
cardinal  en  date  du  lil  oclobre,  avec  celle  qui  était  adressée  U  Francesco- 
Beltramo  Sacliia.  11  a  lait  pari  à  ce  dernier  des  bons  sentiments  du 
cardinal  à  son  égard  et  Ta  recommandé  de  nouveau  au  ccmnétable. 

Pellicier  donne  ensuile  au  cardinal  les  iliverses  nouvelles  du  Levant 
(jui  Taisaient  l'objet  de  la  lettre  à  M.  d'Annebault. 

«<  ...  Monseigneur,  Anllnjnio  Brucioli',  tlorentin,  homme,  ad  ce  que 
ay  peu  congnoistre,  docte  et  plain  de  bon  zelle  à  nostre  religion,  pour 
la  dévotion  qu'il  porte  à  Vostre  Révérendissime  Seigneurie,  a  composé 
quelque  chose  sur  la  Saincte  Escripture,  de  laquelle  il  m'a  pryé  vous 
envoyer  le  livre  *;  ce  que  je  foys.  Ce  sera  vostre  bon  plaisyr  de  le 
recepvoir  d'aussi  bonne  alFection  qu'il  vous  le  présente.  » 

Vol.  2,  f"  102,  copie  du  xvi*^  siècle;  1  p.  in-f°. 

1.  Antonio  lîriicioli.  Le  Saint-Siège  adressa,  en  <o48,  de  vifs  reproches  au  duc  de 
Ferrarc,  y:\r  rinlerniédiaire  <lo  l'ambassadeur  ferrarais  à  Rome,  au  sujet  de  l'asile 
et  proleclion  accordés  par  Renée  à  cet  écrivain  llurenlin,  nuluirement  hérétique, 
un  de  ces  f'uoriscili  comme  l'Italie  en  comptait  alors  en  grand  nombre,  coupable 
d'avoir  exprimé  trop  librement  ses  opinions  en  matière  religieuse. 

Par  une  singulière  |)rédeslination,  ce  nom  de  Brucioli  signifiant  •  copeau  »,  le 
peuple  ne  manquait  pas  d'y  faire  des  allusions  inquiétantes,  dis-'nt  que  les  Brucioli 
n'étaient  bons  qu'à  brûler. 

Sa  traduction  de  la  Bible  en  langue  vulgaire,  dont  il  est  sans  doute  question  ici, 
avait  eu  un  grand  retentissement;  certaines  parties  étaient  dédiées  à  Fran<jois  1", 
au  cardinal  de  Ferrare,  à  Renée  et  à  sa  lillc  Anne.  L'ouvrage  linit  pourtant  par  être 
brûlé  à  Venise,  en  place  publique,  de  la  main  du  bourreau;  l'auteur  fut  jeté  en 
prison,  jugé  et  condamné  à  une  amende  de  cinquante  écus.  La  devise  favorite  île 
Brucioli  était  celle-ci  :  «  Chi  dice  il  vero,  non  dice  maie.  »  On  le  lui  lit  bien  voir 
(V.  E.  Rodocanachi,  Renée  de  France,  p.  207,  et  Bartolommeo  Fontana,  Renata  di 
Francia.  p.  45). 

Brucioli,  quoique  jeune  encore,  avait  composé  <le  nombreux  ouvrages.  En  1542, 
l'Arétin  lui  écrivait  plaisamment  :  «  E  non  vi  basla  egli,  mio  compar  Brucioli.  haver 
compost!  piii  volumi  che  non  haveteanni?  ■  On  trouve  de  lui  des  poésies  religieuses. 
Rime  sacre,  dans  le  ms.  897  de  la  Bibliothèque  de  l'.Vrsenal,  à  Paris. 

Il  parait  avoir  eu  des  parents  établis  à  Venise  comme  imprimeurs,  à  cette  époque, 
car  il  y  publia  en  1543  un  Traité  de  la  sphère,  imprimé  chez  F'rancesco  Brucioli  et 
ses  frères  (in-4'',  avec  fig.). 

2.  Peut-être  l'édition  aldine  de  1."'39,  qui  est  des  plus  rares  :  La  Biblia,  quale 
contiene  i  sacri  lihri  del  Vecchio  Teslamenlo  tradoUi  de  la  Hehraïca  verila  in  linrjua 
loscana,  per  .\nlonio  Brucioli,  agf/inntivi  duoi  libri  di  Esdra  et  piu  capiloli  in  Daniel 
et  in  Ester  nuovamente  trovati,  et  il  libro  terzo  de'  Mac/tabei;  Co  divini  Libri  del 
yuovo  Tcstamento  di  Christo  Giesu  sir/noi-e  et  saliadore  nostro,  trad.  del  greco,  del 
med°.  In  Venetia,  per  Barlolomeo  de  Zanetli  da  Bressa,  nel  MDX.X.XIX,  del  mese 
di  agoslo  (Renouard,  Annales  de  l'imprimerie  des  Aide,  p.  480). 


[décembre    ]b40]  GUILLAUME    l'ELLIClER  193 

PELLICIER   A   M.    D"IIUMIÈRES '. 

108.  —  [Vetiise],  12  décembre  1 540.  —  «  Monseigneur,  j'ay  receu  la 
voslre  du  xxV  du  passé,  et  par  icelle  cogneu  comme  de  vostre  grâce 
et  l)énignitê  avez  eu  agréable  le  petit  service  que  ay  présenté  à  M.  de 
Saint-Quentin  vostre  tilz  à  son  arrivée  en  ce  pays-.  En  quoy  le  voulloir 
a  esté  plus  grant  que   l'efïect,  comme  en   toutes  choses  par  bonne 
expérience  pourrez  congnoistre,  advenant  l'occasion  qu'il  vous  plaira 
ou  à  luy  de  l'essayer.  Et  quant  au  poinct  que   m'escripvez  que  je 
veuille  prendre  esgard  à  son  gouvernement,  je  vous  asseure,  Monsei- 
gneur, que  je  l'ay  trouvé  et  treuve  par  le  rapport  d'ung  cliascun  tant 
bien  moriginé  et  si  bien  accompaigné  que  l'on  peult  bien  espérer  de 
luy  ce  que  désirez.  Ce  néantmoings  je  ne  larray,  pour  aultant  que  je 
congnois  assez  la  praticque  des  gens  et  du  pays,  de  l'adviser  là  où  il  y 
aura  lieu,  et  donner  tel  conseil  que  je  vouldroys  prendre  pour  moy. 
J'espère  de  le  veoir  à  ce  Noël  pour  ce  que  les  estudes  auront  vac- 
^ations,    et   ne    fauldray  luy  faire   la   meilleure   compagnye  que    me 
pourray  adviser,  et  présenter  tous  les  plaisyrs  et  services  qui  seront 
en  ma  puyssance  de  luy  povoir  faire,  désirant  lui  gratifiier  et  servir 
d'aussi  bon  cueur  que  je  vouldroys  faire  à  mon  frère  aisné.  Et  atten- 
dant sa  venue,  je  l'ay  envoyé  visiter  et  porter  votre  lettre  par  ung  de 
mes    gens   expressément,  lequel   n'est  encores  de  retour;  mais  j'ay 
donné  charge    expresse   au   courrier   que    ay   dépesché   pour   Thurin 
de  ne  pas  faillyr  en  passant  par  Padoue  de  l'advertyr  s'il  luy  voulloyt 
rien  commander,  bien  que  l'eusse  jà  advisé  de  ladicte  dépesché  deux 
jours  a  :  vous  asseurant,  Monseigneur,  que  le  voulloir  que  j'ay  de  vous 
faire  plaisyr  et  service  ne  me  laissera  attendre  que  me  advertissez 
de  ce   faire,  ains   de   moi-mesme  où  verray  que   y  seray  bon  m'y 
employeray  d'aussi  bon  cueur  que  je  vousremercye  très  humblement 
de  l'offre  qu'il  vous  plaist  me  faire,  que  je  accepte  pour  m'en  ayder  et 
valloir  advenant  l'occasion,  laquelle  pour  vostre  grant  faveur  et  crédict 
se  peult  présenter  de  jour  en  jour  à  ceste  court  où  j'ay  besoing  de  tous 
mes  bons  seigneurs  et  amys,   au  nombre  desquelz  je  vous  tiens  et 
réputte,  s'il  vous  plaist,  en  me  recommandant  humblement  à  vostre 
bonne  grâce.  » 

Vol.  2,  f°  102  v°,  copie  du  xvi°  siècle;  \  p.  in-f". 

1.  Jean  II  d'Humieres,  gouverneur  de  Péronne,  Montdidier  et  Roye  (lol9),  ambas- 
sadeur de  France  en  Angleterre  (lo27),  gouverneur  du  dauphin  (1535),  lieutenant 
général  en  Italie  (1537),  né  vers  1485,  mort  à  Saint-Germain  en  juillet  1550. 

2.  Charles  d'Humieres,  second  fils  de  Jean  II  d'Humieres  et  de  Françoise  de  Contay, 
né  vers  1510,  mort  à  Baveux  le  5  décembre  lo"I.  Destiné  à  la  prêtrise,  il  était  alors 
abbé  commendataire  de  Saint-Quentin  de  Beauvais,  et  étudiait  à  l'université  de 
Padoue.  Il  devint  plus  tard  aumônier  du  dauphin  (2  février  15  t3),  évèquede  Bayeux 
(1548)  et  grand  aumônier  de  France  (1559-1560). 

Venise.  —  1540-1542.  13 


19*  AMn.VSSADK    DE  [ùÉCEMItllK    l.iiO] 

l'El.l.lClEH    \    M.    DK    l.ANOEY. 

109. —  [  Vcnisf],  I .')  (li'rrmbri'  i  .')40.  —  Fcllicier  a  reçu,  depuis  les  der- 
nières lettres  du  t  octohrtî,  un  iinporlanl  paquet  de  Hincon.  à  l'adresse 
du  roi,  (ju'il  prie  M.  de  I^angey  de  faire  suivre  le  plus  diligemment 
possible,  attendu  «  que  S.  M.  aura  plaisyr  d'i'ntendre  les  nouvelles 
qui  sont  dedans  »,  ta  savoir  les  bonnes  dispositions  manifestées  par 
lu  Grand  Seigneur  à  l't'gard  du  roi  de  France,  lors  du  baisemain 
accordé  à  Taml^assadeur  vénitien  Badoaro.  Ces  nouvelles  el  celles  de 
Hongrie  sont  fournies,  comme  celles  des  dépèches  précédentes,  par  les 
lettres  de  Uineon  du  .'M  octobre'. 

PKI.MCIER    A    M.    DK    RODEZ. 

110.  —  Venise,  i  S  drcernbre  l.')40.  —  «  Monsieur,  par  les  miennes 
dernières  du  xxviir  du  passé,  retenues  jusques  au  iii'=  du  présent,  aurez 
entendu  la  réception  des  voslres  et  par  là  peu  congnoistre  qu'il  ne  se 
fault  point  esmerveiller  si,  à  cause  qu'il  n'y  a  point  de  portes  en  celle 
ville,  les  courriers  ^c  partent  pour  Rome  sans  que  l'on  en  soyt  adverty 
quelques  foys,  ce  qu'ilz  ne  feroyent,  comme  j'estime,  si  j'estoys  logé 
avecques  l'ambassadeur  du  pape  pour  le  seavoir.  Et  depuys  j'ay  receu 
les  vostres  du  x",  et  veu  les  nouvelles  de  l'assault  laict  par  les  Arrabes 
au  roy  de  Thunys.  En  coulrescliange  desquelles  vous  diray  comme  le 
seigneur  lîadouare,  au)bassadeur  pour  cez  Seigneurs  en   Constanti- 
nople,  allant  selon  l'acoustumée  baiser  la  main  du  Grant  Seigneur, 
et  le  remercyer  de  la  paix  et  amytié  qu'il  s'estoyt  daigné  octroyer  à 
sa  Seigneurie,  luy  avoyt  faict  dire  et  déclarer  en  audience  publicque 
que  icelle  n'avoit  à  en  remercyer  aultre  que  S.  M.,  el  que  sans  l'inter- 
vention et  pryère  dudict  seigneur  roy  ne  l'eust  jamais  faict,  si  bien 
luy  eust  voullu  cedder  la  moytié  de  tout  son  estât,  tant  griefvement 
esloit  indigné  contre  elle.  Dont  se  persuadoit  bien  que  en  recongnois- 
sance  du  bien  et  proflict  qu'elle  avoil  receu  en  faveur  de  luy,  que 
avecques    le    temps    voullontairement  viendroit    à   condescendre  el 
adhérer  au  party  du  roy,  et  laisser  toutes  aultres  lygues.  Ce  qu'il  avoil 
bien  déterminé  mettre  avant,  premier  que  la  recepvoir  à  appoincte- 
menl;   mais  que  à  la   dissuasion   et   instance  de  S.    M.    s'en  esloil 
déporté.  Par  quoy  entendoit  et  voulloil  expressément  que  si  elle  ne  se 
voulloyt  du  tout  déclarer  pour  le  roy,  au  moings  qu'elle  ne  peust  donner 
aulcun  secours  ne  faveur  à  prince  du  monde  contre  ne  au  préjudice 
d'icelle,  el  espéciallement  à  l'empereur  à  la  defl'cnsion  de  Napples  et 
Millau;  aultrement  qu'ilz  luy  feroienl  desplaisyr,  et  s'en  vouldroyt  res- 

1.  Ces  lettres  ne  se  trouvent  malheureusement  pas  dans  notre  manuscrit. 


ToÉCEMBRE    1540]  GUILLAUME    PELLICIER  195 

sentyr...  »  Les  ambassadeurs  de  Hongrie  ont  profité  de  ces  bonnes 
dispositions,  avec  l'aide  de  Rincon,  pour  obtenir  des  conditions  plus 
douces,  qui  sont  celles  dont  il  a  été  question  dans  les  lettres  précé- 
dentes :  reconnaissance  du  jeune  roi,  et  acceptation  de  l'éventualité 
de  succession  au  trône  en  faveur  du  duc  d'Orléans;  enfin  moditication 
de  la  forme  de  paiement  du  tribut  imposé. 

La  nouvelle  vient  d'arriver  à  Venise  «  comme  sept  fustes  de  Mores 
estoyent  abordées  en  l'isle  de  Gourfou,  et  non  sçaichant  la  paix  ou 
aultrement  pour  leur  publicque  inimytié  à  tout  le  monde,  n'ont  laissé 
de  prendre  et  emporter  tout  ce  qu'il/,  ont  peu,  et  entre  aultres  choses 
ont  bien  emmené  quatre  ou  cinq  cens  personnes... 

«  De  Venize.  » 
Vol.  2,  f*^  103  v°,  copie  du  xvi"  siècle  ;  1  [).  1/2  in-f'^. 

PELLICIER    AU   RiH  *. 

111.  — [Venise],  .24  décembre  1340.  —  «  Sire,  depuys  les  dernières 
lettres  que  ay  escriptes  à  V.  M.  du  xif  de  ce  moys,  ay  receu  les 
siennes  du  xxvir  novembre,  ausquelles  me  suys  réservé  faire  responce 
jusques  ad  ce  que  eusse  exposé  et  faict  entendre  le  contenu  d'icelîes 
à  ceste  Seigneurie  suyvant  vostre  commandement.  Ce  que  ay  délayé 
quelques  jours,  pour  aultant  que  le  prince  de  ceste  ville  et  quelques 
aultres  affectionnez  de  V.  M.  estoyent  mal  disposez,  de  sorte  qu'ilz 
n'entroyent  point  en  colliége;  dont,  par  l'adviz  et  conseil  d'aulcuns 
voz  bons  serviteurs  qui  sont  icy,  superceddé  de  ce  faire  jusques  ad  ce 
qu'ilz  feussent  en  meilleure  disposition.  Et  incontinent  que  jeuz  entendu 
le  duc  y  estre  en  assez  bonne  pour  s'y  poulvoir  transporter,  envoyé 
vers  luy  pour  luy  faire  entendre  que  avoys  aulcunes  lettres  de  V.  M. 
de  grant  importance  pour  communicquer  à  la  Seigneurie;  mais  que, 
sçaichant  très  bien  le  bon  zelle  qu'il  a  vers  vous,  et  aussi  que  quant  je 
alloys  en  colliége,  et  qu'il  n'y  estoyt  point,  me  sembloit  proprement 
veoir  ung  corps  sans  chef,  pour  ne  sçavoir  quasi  à  qui  debvoir  adresser 
ma  parolle,  m'avoit  semblé  estre  à  propoz  attendre  qu'il  peust  avoir 
la  commodité  de  s'y  povoir  trouver.  De  quoy  le  supplyoys  très  hum- 
blement de  me  faire  avoir  le  conseil  le  plus  secret  qu'il  seroit  possible, 
ce  que  très  libérallement  et  de  bon  cueur  a  faict.  Et  n'y  avoit  que  des 
plus  principaulx  d'entre  eulx,  ausquelz  déclairé  le  plus  efficacement  et 
dextrement  qu'il  me  fut  possible  le  contenu  de  vosdictes  lettres,  qui 
me  feirent  à  l'accoustumée  une  responce  en  termes  généraulx  la  meil- 

1.  uNota,  que  ceste  dépesche  fut  envoyée  avecques  celle  du  m"  janvier,  en  dilligence 
par  La  Bove  jusques  à  Thurin.  » 


l'H)  AMUASSADE    I>i:  DÉCEMUKK    i:i40] 

k'iire,  plus  aireclioiinée  et  rt'congiioissanli'  tlus  Ijons  plaisyrs  cl  dflices 
qui  par  V.  M.  leur  ont  esté  laid/.,  (luil  n'est  possible  de  j)lus,  sans  ce 
néanlnioings  rien  descendre  à  la  i>articullarité  de  ce  (|Uf  Imir  avoys 
exposé.  Et  voullanl  entendre  en  (luelle  part  ils  auroyenl  prias  les 
propnz  à  eux  tenu/,  et  ce  ([ue  il/,  auroyenl  raisonné  ensemble,  ay 
trouvé  ipie  pour  en  avoir  aussi  eslé  adverli/  par  leur  ambassadeur 
bien  amplement,  se  collaudanl  beaulcctup  des  bons  et  amyables  oflres 
que  V.  M.  luy  avoyt  faict/.,  ce  néantmoiuf^s  concluant  que  ieelle  ne  fai- 
soyl  demonslracion  queleitn<iue  de  s'esmouvoir  ne  faire  aultre  aprest 
(jue  par  cy  davanl,  et  (jne  lousjours  la  pralieque  de  l'empereur  envers 
vous  par  ses  partys  et  offres  continuoyt  de  jour  en  jour,  ainsi  ([ue  suys 
adverly  à  pcyne  seront-ilz  de  leur  franche  voullenté  pour  faire  aultre 
jusques  ad  ce  qu'il/  voyent  esmouvoir  anllremenl  V.  M.  et  le  Grant 
Seigneur,  se  doublans  que  vous,  Sire,  el  l'empereur  ne  ayez  enfin  à 
vous  accorder  ensemble  el  que  le  tout  ne  ayl  à  tourner  à  leur  dora- 
mai  £,'P. 

«  Sire,  je  vous  ay  escripl  l'ordre  que  avoys  donné  pour  luire  lenyr 
le  pactiuel  au  seigneur  Rincon  que  m'avez  mandé  avecques  votre 
lettre  du  x'^  novembre,  qui  parlyt  d'icy  le  xxviii»  dudict  moys.  Et  pour 
ce  qu'il  plaisl  à  V.  M.  sçavoir  en  combien  de  temps  il  peull  eslre 
arrivé  à  Raguse,  vous  diray  que  ay  receu  lettres  de  M.  Tarcevesque  de 
là,  et  de  celluy  que  y  ay  envoyé  expressément  pour  cest  efTect,  comme 
il  arriva  là  le  xi"  du  présent,  n'ayant  eslé  possible,  pour  le  maulvais 
temps,  y  arriver  plus  tost;  et  soubdainement  à  une  heure  ou  deux 
de  là,  mondicl  seigneur  l'arcevesque  le  feist  continuer  son  chemyn 
en  la  meilleure  dilligence  qu'il  fut  possible,  ayant  promys  le  courrier 
estre  à  Constantinople  en  vingl-ung  ou  vingt-deux  jours.  Je  allendz 
pareillement  nouvelles  de  l'arrivée  de  l'aullre  pacquet  que  ay  receu 
dernièrement  avecques  celles  de  V.  M.  du  xxvii'^  du  passé,  lequel  ne 
faillyz  mander  par  briganlin  exprez  selon  vostre  commandement. 
J'espère  qu'il  n'y  aura  pas  moings  de  dilligence  à  le  faire  lenyr  au  sei- 
gneur Rincon  que  les  aullres  précédans;  duquel  ay  receu  une  petite 
lettre,  me  confirmant  seuUement  ce  que  m'avoyt  escript  auparavant 
touchant  le  bon  et  brief  exploict  queavoyent  faict  les  ambassadeurs  de 
Hongrye  avecques  le  Grant  Seigneur,  et  les  propoz  qui  avoyent  esté 
tenuz  à  M.  l'ambassadeur  de  ces  Seigneurs,  en  faveur  et  exallacion  de 
V.  M.,  m'adverlissant  aussi  de  la  réception  de  vostre  pacquet  que  luy 
envoyé  par  homme  exprès  jusques  en  Constantinople.  Auquel  me 
remeltoit  à  vous  faire  responce  à  quand  le  seigneur  Lasky  auroyl  eu 
résolucion  de  sa  commission,  qui  debvoil  eslre  dedans  sept  ou  huict 
jours,  pour  ce  que  l'on  n'esloil  point  deslibéré  de  lui  accorder  rien  de 
ce  qu'il  estoyt  allé  demander;  et,  comme  cez  Seigneurs  ont  esté 
advertiz,  on  luy  a  donné  si  bonnes  gardes  à  son  logeis  qu'il  n'en  peult 
pas  sortyr  quant  il  veult,  et  aulcuns  estiment  qu'il  est  en  grant  danger 


[dÉCE.MBUE    1540]  GUILLAUME    PELLICIER  I97 

de  sa  personne  ';  voulans  venyr  sur  le  propoz  que  ay  escripl  à  V.  M. 
par  la  mienne  du  xxix'^  novembre,  que  ung  Sirec  Vayvoda  avoit  tenu 
à  ung  des  serviteurs  de  M.  l'évesque  de  Transilvania  que  ledict  Lasky, 
cependant  que  son  maistre  elles  siens  faisoyent  toutes  hostilitez  contre 
les  alliez  du  Grant  Seigneur,  faisoyt  semblant  de  chaircher  paix  et 
amytié.  J'ai  aussi  escript  à  V.  M.  comme  le  Grant  Seigneur  faisoyt 
armer  à  grant  dilligence  et  secrètement  cent  voylles  pour  respect 
de  voz  allaires,  chose  qui  se  continue.  J'eslime  bien  que  par  les 
premières  lettres  du  seigneur  Rincon  qui,  à  mon  adviz,  ne  tarderont 
guères  à  venyr,  l'on  en  sçaura  la  vérité  plus  au  long;  et  pareillement 
ce  que  cez  Seigneurs  ont  entendu,  et  qu'ilz  tiennent  pour  tout  certain, 
c'est  que  celuy  qui  doibt  venyr  icy  de  la  part  du  Grant  Seigneur,  qu'ilz 
attendent  bientost,  leur  doibvo  offryr  Nadin  et  Laurana,  et  une  traictc 
de  cent  mil  septiers  de  bledz,  à  la  charge  qu'ilz  renonceront  de  donner 
secours  à  l'empereur,  au  recouvrement  de  la  duché  de  Millau  et 
royaulme  de  Naples. 

«  Sire,  l'on  a  eu  icy  nouvelles  de  la  court  de  l'empereur  comme  aprez 
avoir  entendu  le  maulvais  exploict  faict  par  l'exercite  du  roy  des 
Romains  en  Hongrye,  et  que,  en  se  retirant  ou  auparavant,  y  en  sont 
demeurez  de  cinq  à  six  mil,  en  a  eu  si  grant  desplaisyr  qu'il  en  est 
devenu  presque  mallade.  Et  par  lettres  du  secrétaire  Fidel  s'entend 
que  icelluy  empereur  avoyt  mandé  au  marquiz  du  Guast  qu'il  escrip- 
vist  au  pape,  comme  de  soy-mesmes,  qu'il  estoyt  adverty  que  Sa  Sainc- 
teté  faisoyt  quelque  trouble  au  duc  Cosme  sur  ses  confins,  luy  faisant 
entendre  qu'il  ne  le  vouUoyt  souffryr,  pour  ne  mettre  en  mouvement 
l'Itallye,  et  qu'il  le  pryoit  de  s'en  déporter;  aultrement  qu'il  luy  don- 
neroit  à  congnoistre  qu'il  n'estoyt  pour  l'endurer.  Ce  néantmoings  l'on 
tient  pour  tout  certain  à  ceste  heure  plus  que  jamais  ce  que  ay  escript 
à  V.  M.  par  mes  dernières  lettres  touchant  l'eschange  de  Parme  et 
Plaisence  avecques  la  Tuscane,  et  que  la  chose  est  entre  eulx  arrestée. 

«  Sire,  puis  naguères  M.  le  conte  de  Sainct-Seconde  *  m'a  escript 
lettres  de  créance  que  m'a  présentée  ung  de  ses  gentilzhommes  qui 

1.  Laski  fut  retenu,  pendant  l'hiver  et  le  printemps  de  lo40-loii,  prisonnier 
dans  le  palais  du  grand  vizir,  Lutfy-Pacha,  où  le  premier  drogman,  Yuniz-Bey,  vint 
le  visiter,  l'assurant  qu'il  n'avait  rien  à  craindre,  puisque  le  sultan  trouvait  fort 
beaux  les  faucons  dont  il  lui  avait  fait  présent.  Le  vieil  eunuque  Sulcyman-Pacha, 
second  vizir,  avait  bien  conseillé  de  lui  couper  le  nez  et  les  oreilles,  mais  le  sultan 
s'y  était  refusé.  Laski  avait  d'ailleurs  la  faculté  de  sortir  le  dimanche  pour  aller 
entendre  la  messe  dans  l'église  du  patriarchat  grec,  et  une  somme  était  alTectée  à 
son  entretien  et  à  celui  de  ses  gens  (Y.  de  Hammer,  t.  Y,  p.  324  et  suiv.). 

2.  Pietro-Maria  Rosso,  des  Rossi  de  Parme,  comte  de  San-Secondo,  l'un  des  capi- 
taines les  plus  renommés  de  l'Italie,  qui  avait  successivement  servi  et  ai)andonné 
la  France,  l'Empire  et  le  Saint-Siège.  Sa  petite  place  de  San-Secondo,  située  sur  le 
Taro,  non  loin  de  Parme,  était  bien  fortifiée  et  le  concours  de  ses  armes  pouvait 
être  précieux  au  roi.  Rosso  obtint  en  lci43  la  chù"ge  de  colonel  général  de  toutes 
les  bandes  italiennes  au  service  de  la  France,  et  servit  en  Piémont  jusqu'en  1547. 
11  avait  épousé  Camilla,  fille  de  Giovanni  di  Gonzaga. 


198  AMBASSADE    DE  [DÉCEMBRE    lo40] 

m*a  l'xposé  de  sa  part  que,  pour  riuclinalion  que  a  toujours  eue  sa 
maison  à  la  dévotion  de  V.  M.,  avoyt  grant  désyr  et  voullenlê  d'entrer 
à  son  serviee.  Kl  incsinenient,  ayant  entendu  des  propoz  que  luy  a  tins 
monseigneur  le  cardinal  de  Ferrarc  et  lasseurance  (ju'il  luy  a  donnée 
de  vostre  honne  vouUenté  et  du  bon  Iraictement  quil  pounoyl  avoyr 
avecques  icelle,  me  pryant  le  vous  faire  entendru;  et  que  si  cesl 
votre  bon  plaisyr  de  l'aecepler,  que  luy  et  tous  les  siens  n'espargneronl 
jamais  ne  corps  ne  biens  à  vous  faire  service.  Et  pour  ce,  Sire,  que 
s'estant  tousjours  employé  aux  armes,  et  que  le  temps  aproche  de 
s'asseurer  de  ce  que  l'on  aura  ti  faire  en  telles  choses,  ma  faict  dire 
que  désireroyt  grandement  entendre  de  bonne  lieure  la  vouUenté  de 
V.  M.,  allin  que  suyvant  icelle  il  veist  ce  qu'il  auroyt  à  faire  pour  y 
pourveoir,  me  faisant  bien  entendre  qu'il  aymeroit  mieulx  eslre  à 
vostre  service  pour  beaulcoup  moindre  avantaigc  qui!  ne  feroit 
avecques  nul  aultre  prince.  S'il  semble  bon  à  V.  M.,  il  luy  plaira  m'en 
faire  faire  responce  de  ce  que  je  auray  à  lui  dire.  Le  semblable,  me 
venant  veoir,  m'a  faict  le  seigneur  Sigismonde  Malatcste  ',  lequel  pour 
avoir  honneste  appoinctement  avecques  cez  Seigneurs  est  en  bonne 
réputacion  par  deçà;  et  de  moy  je  treuve  que  pour  leage  en  quoy  il  est, 
qui  ne  arrive  à  vingt-cinq  ans,  fort  accord,  et  si  a  ainsi  que  j'ay  entendu 
bien  bon  crédict  en  la  plus  grant  partye  de  la  Romanye,  et  mesme- 
ment  es  principalles  villes  comme  sont  Ilavena,  Rimyny,  Fayance, 
Ymola  et  Cézena  *,  de  sorte  qu'en  peu  de  temps  est  pour  faire  deux 
mil  hommes  de  pied  et,  à  ung  besoing,  cent  chevaulx  ligiers  :  m'ayant 
pryé  fort  affeclionnément  escripre  à  V.  M.  que,  nonobstant  quelque 
appoinctement  qu'il  ayt  avecques  cez  Seigneurs,  il  désire  grandement 
eslre  au  service  d'icelle;  à  quoy  il  vous  plaira.  Sire,  me  faire  faire 
pareillement  responce.  » 

Vol.  2,  f"  104,  copie  du  xvi"  siècle;  3  pp.  1/4  in-f\ 

PELLICIER   AU   CONNÉTABLE: 

112.  —  [Veiiisc],  24  décembre  1510.  —  «  Monseigneur...,  l'on  a 
lettres  icy  que  le  pape  estoit  en  bonne  vouUenté  de  faire  le  mariaige 
de  la  signora  Vittoria  avecques  M.  d'Aumalle,  combien  que  comme 

1.  Sigismondo  et  Rol)erlo  Malatcsta,  après  avoir  vainement  défendu  contre  les 
papes  leur  seigneurie  de  Uimini,  avaient  dû  se  retirer  avec  leur  père  Pandolfo  IV 
Malatesta,  depuis  1528,  dans  la  ville  de  Ferrare.  Le  premier  avait  une  immense 
notoriété  dans  toute  la  Romagne:  le  second  obtint,  en  lo4i,  la  charge  de  colonel 
dans  l'armée  de  Pietro  Strozzi.  -  Un  traité  avait  été  conclu  dès  le  16  avril  1529,  à 
Florence,  entre  François  1",  représenté  par  Claude  Dodieu,  et  Pandolfo  Malatesta, 
ses  fils  et  son  neveu,  qui  s'attachaient  au  service  de  la  France  (Original  conservé 
aux  Archives  nationales,  Suppl.  du  Trésor  des  Charles,  J.  090,  n"  4). 

2.  Ravenne,  Rimini,  Faënza,  Imola  et  Cesena,  places  de  la  Romagne  sur  laquelle 
s'étendait,  depuis  plus  de  trois  cents  ans,  la  puissante  influence  des  Malatesta. 


^DÉCEMBRK    liUO]  GUILLAUME    PELLICIER  199 

l'on   présumoit  on  ne  luy  donnast  point  occasion  de  se  lournci-  du 
party  de   S.  M.   pour  luy  avoir  relardé,  comme  ilz  disent,  trois   ou 
quatre  pacquetz  de  son  ambassadeur,  lequel  pour  aulcuns  respectz  a 
révocqué,  et  y  doibt  mander  ung  secrétaire  jusques  ad  ce  qu'il  y  ayt 
pourveu  de  quelque  prélat.  Et  entend  Ton  qu'il  ne  lient  pour  para- 
chever ledict  mariaige  que  à  ving  mil  escuz  et  à  faire  quelques  cardi- 
naux; mais  quant  aux  escu/.,  Sa  Saincteté,  ainsi  que  Ton  estimoyt, 
n'estoyt  pour  en  faire  difficulté,  et  des  cardinaux  encore  moings.  Car 
il  en  fer<)yt  plus  tost  dix,  si  tant  en  plaisoit  à  S.  M.;  et  espéroyt  bien 
recouvrer  lesdictz  vingt  mil  escuz  pour  la  vaccation  des  offices  du 
patriarche  d'Alexandrye,  déceddé  puis  naguère  à  Padoue,  qui  estoit 
aussi  évesque  de  Malège  en  Espaigne,  qui  vault  sept  ou  huit  mil  escuz  *. 
Dont  Ton  estime  que  M.  l'ambassadeur  de  Tempereur  estant  icy  n'aura 
pas  perdu  sa  peyne  d'en  avertyr  icelluy  empereur  en  toute  dilligence, 
pour  ce  qu'il  sera  pour  lavoir;  et  dict  l'on  davanlaige  que  l'empereur 
faisoyt  tout  son  pouvoir  pour  essayer  de  gagner  le  roy  d'Angleterre,  et 
accorder  son  affaire  avecques  le  duc  de  Clèves  affm  de  nous  donner 
jalousye,  et  à  tous  noz  amys  et  alliez. 

«  Monseigneur,  j'escriptz  présentement  au  roy  touchant  M.  le  conte 
de  Sainct-Seconde  et  le  seigneur  Sigismonde  Malateste,  qui  désirent 
grandement  estre  au  service  de  S.  M.,  ainsi  que  verrez  plus  au  long 
par  lesdictes  lettres.  Dont  ne  m'estenderay  à  vous  faire  aultre  descrip- 
tion de  la  quallité  desdictz  personnaiges;  tant  seullement  vous  sup- 
plyeray.  Monseigneur,  qu'il  vous  plaise  me  faire  faire  responce  de 
ce  que  je  auray  à  leur  dire,  affin  que  pour  le  moins  ils  congnoissent 
que  on  ne  met  en  obly  ceulx  qui  se  viennent  offryr  au  service  de 
S.  M.  » 

Vol.  2,  f°  106,  copie  du  xvi°  siècle;  1  p.  i/'t  in-f°. 


PELLICIER    A   l'élu   D'aVRANCIIES  2. 


113.  —  Venise^  24  décembre  1 540.  —  «  Monsieur,  il  ne  fault  que 
vous  attribuez  la  faulte  que  n'ay  faicte  responce  aux  deux  vostres, 
sinon  à  la  confiance  que  ay  eue  que  le  seigneur  lieutenant  du  seigneur 
Cézar  Frégose  vous  aura  respondu  à  celles  que  m'avez  adressées  pour 
luy  mander;  lesquelles  ay  baillées  entre  les  mains  du  seigneur  Augustin 

1.  Cesare  Riario,  patriarche  d'Alexandrie,  évêque  de  Malaga,  de  1519  à  loiO,  date 
de  sa  mort;  Gaiiiï;  {Séries  episcopoi-um^  p.  40)  le  fait  mourir  à  Rome. 

2.  Christophe  de  Siresmes,  maître  d'hôtel  et  secrétaire  du  connétalde  de  Mont- 
morency, élu  d'Avranches,  fut  mêlé  à  diverses  négociations  avec  Henri  VIII  et 
Charles-Quint,  de  1338  à  15i0  (V.  Ribier,  t.  I,  pp.  4b2  et  467-468).  II  avait  reçu,  le 
16  octobre  15 iO,  des  lettres  de  provision  pour  l'office  de  vicomte  et  receveur  ordi- 
naire de  Baveux  (C«<.  des  actes  de  François  r%  t.  IV,  p.  148,  n"  11678). 


200  AMBASSADE    DE  [JANVIEU    |o4l] 

Altomly  ',  (jui  m'a  dict  Ips  luy  avoir  envoyées  seuremonl.  Car,  quant 
j'eusse  pencé  que  mes  lettres  vous  eussent  peu  servyr  ou  que  eussiez 
désiré  d'en  avoir,  je  n'eusse  demeuré  si  lonj^uement  à  ce  faire;  mais 
n'ayant  eu  malièie  (jui  le  mérilast,  m'eust  semblé  vous  estre  plus  tost 
importune  (pie  aiillreiinMil... 

((    />«•    \riiizi'.   » 
Vol.  2,  f"  lue»  V,  copie  du  \vi"  siècle;  1/2  p.  in-K 

l'EM.ICIEIl    \    l.\    DICIIESSE   DE   rEHRARE*. 

114.  — [Venist']^  i'^' janvier  1541.  —  <f  Madame,  mandant  présen- 
tement le  porteur  de  cestes  vers  M.  le  conte  de  la  Mirandola  pour 
(juelques  miens  alTaires,  m'a  semblé  ne  dcbvoir  obmeltre  à  vous 
adverlyr  des  occurences  et  nouvelles  du  cousté  de  deçà;  et  mesmement 
comme  cez  Seigneurs  ont  eu  lettres  de  Conslantinople;  par  lesquelles 
ont  entendu  que  le  seigneur  Rincon  en  esloit  party  le  xxviir'  novembre 
pour  venyr  vers  le  roy,  et  que  le  Grant  Seigneur  l'avoyt  vestu  fort 
richement  et  faict  signe  de  bien  grande  bénévolence,  lui  ayant  faict 
promettre  de  retourner  vers  luy  dedans  quatre  moys;  dont  ledict  sei- 
gneur Rincon  a  laissé  là  la  plus  part  de  son  train.  » 

Pellicier  termine  sa  lettre  en  citant  à  l'appui  de  cette  nouvelle  une 
lettre  de  l'archevêque  de  Raguse,  du  19  décembre,  dont  on  trouvera 
la  mention  dans  la  dépêche  qui  suit,  adressée  à  l'évêque  de  Rodez. 

Vol.  •-',  f»  106  V",  copie  du  xvF  siècle;  1/2  p.  in-f». 

PELLICIER   A   M.   DE  RODEZ. 

115.  —  [Fe»îse],  1'^''  janvier  Jo4i.  —  «  Monsieur,  les  dernières 
lettres  que  ay  receues  de  vous  sont  du  xix'^  du  passé,  ausquelles  ne  gist 
aultre  responce  fors  vous  remercyer  des  occurences  que  me  départez 
de  votre  cousté,  et  aussi  de  la  bonne  et  seure  adresse  que  avez  donnée 
aux  lettres  que  vous  avoys  envoyées  de  M.  l'évesque  de  Transilvania, 
qui  a  esté  bien  aise  d'en  avoir  eu  responce.  Et  le  semblable  vous  sup- 
plyeray  faire  faire  par  ung  de  voz  gens  bien  seurement  des  lettres 

1.  Afîostino  Abondio.  Ce  personnage,  aj^rès  avoir  fait  partie  de  la  maison  de 
Cesare  Fregoso,  était  devenu  le  j)rincipal  a^'ent,  le  facteur,  comme  on  disait  alors, 
de  l'ambassade  de  F'rancc,  et  recevait  dans  sa  maison,  à  Venise,  les  gentilshommes 
italiens  de  la  clientèle  de  François  \".  L'Arétin  mentionne  à  ce  titre  Abondio  dans 
ses  lettres  (Il  secondo  libvo  délie  lelt';re.  Paris,  160'.),  p.  30.o),  et  Pellicier  se  loue 
en  divers  endroits  du  zèle  qu'il  apportait  dans  son  service.  Ce  zèle  lui  coûta  cher, 
comme  on  le  verra  par  la  suite. 

2.  -  Par  messer  Jlieronimo  Guer/o.  » 


[janvier    1o411  GUILLAUME    PELLICIER  201 

qui  s'adressent  ù  M.  le  conte  de  Languillare  *,  beau-père  du  seigneur 
Jehan  Paulo  de  Gère',  car  elles  sont  de  bien  grant  importance  pour 
le  service  du  roy,  que  luy  mande  un  boa  et  très  grant  serviteur  de 
S.  M.  qui  est  icy.  Dont,  pour  lasseurance  que  j'ay  que  avez  telles 
choses  en  aussi  grande  recommandation  que  moy-mesmes,  ne  vous 
prieray  d'aultre  sinon  m'advertyr  s'il  vous  plaist  de  ce  qui  en  aura  esté 
faict  pour  ma  descharge.  Et  au  demeurant  vous  diray  que  j'ay  receu 
lettres  de  M.  Tarcevesque  de  Raguse,  du  xîX'-  du  passé,  qui  me  faict 
entendre  comme  Icdict  jour  estoyent  arrivez  à  Raguse  deux  courriers 
de  Constantinople,  partiz  de  là  le  xxviii"  novembre,  qui  luy  avoyent  dict 
de  bouche  que  le  seigneur  Rincon  seroit  dedans  deux  jours  audict 
Raguse  pour  s'en  venyr  vers  le  roy...  >> 

Les  nouvelles  qui  suivent,  concernant  les  affaires  de  Levant,  se 
retrouveront  plus  au  long  dans  la  dépêche  au  roi  du  3  janvier. 

«  L'on  a  icy  lettres  que  l'empereur,  ayant  entendu  le  maulvais  exploict 
faict  par  l'exercite  du  roi  des  Rommains,  et  que  en  se  retirant  ceulx 
de  Bude  en  ont  deffaict  environ  de  cinq  à  six  mille,  en  a  eu  si  grant 
desplaisyr  qu'il  en  est  devenu  presque  mallade.  Qui  est  tout  ce  que 
vous  puys  dire  pour  ceste  heure,  fors  que  le  xx^  du  passé  Napoli  de 
Romanye  fut  consignée  ez  mains  du  Grand  Seigneur;  et  le  xxiV^  le 
semblable  fut-il  faict  de  Malvaisye,  et  des  personnes  dedans  environ 
mille  des  principaulx  sont  allez  habiter  en  Candye,  en  Zante  et  aultres 
lieux  de  ceste  Seigneurie...  » 

Vol.  2,  f»  107,  copie  du  wi^  siècle;  1  p.  1/2  in-fo.  , 

PELLICIER  AU  ROI  '. 

116.  —  [Venise],  3  Janvier  1 541 .  —  «  Sire,  dcpuys  avoir  escript  à 
V.  M.  le  xxiiiF  du  passé,  j'ay  entendu  comme  cez  Seigneurs  avoyent 
receu  lettres  de  leur  ambassadeur  prez  du  Grant  Seigneur;  et  pour 
n'en  y  avoir  aulcunes  du  seigneur  Rincon  pour  V.  M.  ni  pour  moy,  les 

■I.  Virginie  Orsini,  rdmte  dell'  Anguillara,  général  des  galères  de  l'Église,  mort 
dans  l'expédition  de  Djerba  en  1360.  Il  était  fils  de  Carlo  Orsini,  comte  deli'  Anguil- 
lara, tué  au  service  de  François  1",  et  avail  épousé  Maddalena  Strozzi,  sœur  des 
quatre  frèros  Strozzi. 

2.  Giovanni-Paolo  Orsini  da  Cerri,  gentilhomme  employé  au  service^e  la  France. 
C'était  le  plus  influent  des  Orsini.  Dès  1533,  il  avait  été  chargé  de  négociations  à 
Rome,  avec  François  de  Dinfeville,  évèque  d'Auxerre.  François  I"  le  nomma 
gentilhomme  de  la  chambre,  à  la  fin  de  l:J3.y,  et,  peu  de  temps  après,  colonel 
général  des  bandes  italiennes.  —  Son  père,  Lorcnzo  ou  Renzo  Orsini,  seigneur  de 
Cerri,  avait  déjà  servi  longuement  et  fidèlement  le  roi  de  France  en  Italie,  et 
rempli  les  fonctions  de  lieutenant  général  au  royaume  de  Naples. 

3.  «  Nota,  que  la  présente  dépescheavecques  celle  du  xxnu  décembre  furent  man- 
dées expressément  en  poste  par  La  Bove  jusques.i  Thurin;  et  fut  escript  cedict  jour 
à  M.  de  Villandry,  Garrigues  et  au  sire  Laurens  Charles  :  dont  n'en  furent  faictes 
mvnutes.  » 


202  AMDASSAnn    DE  [jANVIKIl    lo4l] 

envoyé  pryer,  s'il/,  avoyenl  (luelques  nouvelles  qu'ilz  me  peulsenl  com- 
nninic(iuor,  iii'cu  faire  pari,  afiin  (.le  les  faire  sçavoir  ii  V.  M.  Qui 
feirent  responee  ne  les  avoir  encores  veues,  pour  n'avoir  eu  le  temps 
de  les  déchillrer,  mais  ce  jourd'luiy  m'ont  envoyé  quéryr  j)ar  unj^  de 
leurs  secrétaires,  oii  suys  allé.  \i[  m'ont  dict  que  par  lettics  des  xv, 
xvi  et  xxvr'  novend>re  et  premier  décendire,  avoyenl  entendu  comme 
le  xvi«  novembre  ledict  seigneur  ambassadeur  rencontra  le  seigneur 
Hincon  allant  vers  le  Grant  Seigneur  par  son  mandement,  pour  estre 
veslu  à  l'acouslumée  des  and)assadeurs  (juant  se  partent  de  la  Porte, 
et  que  le  xxviir  dudiel  nioys  s'en  partyt  de  là  pour  s'en  vcnyr  vers 
V.  M.  El  le  xxx«  dicelluy  moys  ledict  Grant  Seigneur,  ayant  entendu 
les  cfl'ort/.  du  roy  Kerdinaudo  en  Hongrye,  s'en  partyt  aussi  de  Cons- 
tantinople  pour  aller  en  Andrinopoli  où  avoit  mandé  la  souldane  sa 
femme,  auparavant,  en  merveilleuse  pompe  et  attirail.  Et  que  ledict 
Grant  Seigneur,  longtemps  auparavant  son  parlement,  avoit  com- 
mandé estre  mys  en  ordre  de  cent  cinquante  à  deux  cens  gallères; 
pour  quoy  plus  lost  et  mieux  faire  avoit  mandé  en  INégroponte  ',  Cio  et 
aullres  lieux  cliaircher  de  maistres  de  cest  art  là. 

«  Pour  lequel  ouvraige  avancer  et  haster  s'estoyt  transporté  plusieurs 
foys  à  l'Arcenal,  chose  que  n'avoyt  jamais  acouslumé  faire.  Et  avoit 
aussi  ordonné  estre  mys  sur  le  Danubio  cinq  cens  vaisseaulx  qu'ilz 
appellent  7iassadcs  *  pour  Tentreprinse  de  Hongrye.  Et  par  aultrcs 
lettres  de  quclques-ungs  particulliers  de  ceste  ville,  escriptes  par  ledict 
seigneur  ambassadeur  de  cez  Seigneurs,  j'ay  veu  comme  ledict  Sei- 
gneur Rincon  en  estoyt  party  ledict  xxviif  et  que  ledict  Grant  Sei- 
gneur l'avoit  veslu  fort  richement  et  faict  signe  de  bien  grant  bénivol- 
lence,  s'en  venant  avecques  une  partye  de  son  train  seuUement,  ayant 
laissé  son  secrétaire  ^  avecques  le  reste  à  Constantinople.  Et  que  ledict 
ambassadeur  l'avoit  accompaigné  Iroys  mil  hors  Péra;  mais  avant  son 
parlement  il  a  si  bien  faict  qu'il  a  impélré  que  les  marchandises  de 
messire  Mapheo  Bernardo  *  luy  ont  esté  restituées  :  qui  fait  beaul- 
coup  espérer  que  cez  Seigneurs  pourront  avoir  le  semblable  de  la  leur. 
Et  en  confirmation  de  ce  que  ay  escript  à  V.  M.  par  le  second  article 
de  mesdicles  dernières  lettres  touchant  le  seigneur  Laski,  M.  l'arce- 
vesque    de  Raguse  m'a  escript  que  aprez  qu'il  eut  eu  audience   du 

1.  Négrepont,  l'ancienne  Eubéc,  ile  de  l'Archipel  très  proche  tic  la  cùlc,  dont 
elle  est  séparée  par  le  détroit  de  l'Euripe.  Elle  avait  été  reprise  par  les  Turcs  sur 
les  Vénitiens  en  1470. 

2.  Sorte  de  navires  ou  haleaux  de  Iraiisport  (jiic  nous  n'avons  pu  parvenir  à 
déterminer.  De  llammer  parle,  dans  son  Histoire  de  l'empire  olloman  (t.  V,  p.  27 1), 
<les  matelots  nassadistcs  employés  pour  la  navip-'ation  du  Danube. 

3.  Vincenzo  Mafrgio. 

4.  Mairco  Bernardo,  riche  armateur  vénitien  trafiquant  avec  le  Levant.  Membre  du 
conseil  des  Dix,  il  fut  mis  ]ilus  laril  en  accusation  sous  le  chef  d'avoir  révélé  les 
secrets  de  la  République,  prit  la  fuite  et  fut  assassiné  sur  le  territoire  de  Ravenne 
en  novembre  loiO  [(Ca/eH(/ar  of  State  papers,  Venetian,  lb34-15iJ4,  p.  17C  et  suiv.). 


[janvier    l.'iil^  GUILLAUME    PELLICIEII  203 

Grant  Seigneui-,  soubdainement  lut  mené  en  ung  logeis  avecques 
tous  ses  serviteurs,  où  Ton  luy  avoit  donné  si  bonnes  gardes  que  per- 
sonne ne  povoit  parler  a  luy,  ne  moings  nul  des  siens  ne  peult  sortyr 
hors  de  ladicte  maison.  Dont,  se  voyant  ainsi  resserré,  envoya  s'excuser 
aux  bassatz,  disant  qu'ilz  ne  se  debvoyent  esmerveiller  s'il  avoit  parlé 
si  hardiment  au  Grant  Seigneur,  car  ne  l'avoit  faict  de  soy,  mais  par 
le  commandement  son  maistre,  et  que  s'il  esloit  encores  à  dire  ce 
qu'il  a  dict,  n'en  vouldroit  retirer  une  seule  parolle;  toutesl'oys  que 
s'il  plaisoyt  audict  Grant  Seigneur  le  laisser  retourner  devers  sondict 
maistre,  qu'il  feroit  de  sorte  avecques  luy  que  dedans  peu  de  temps 
ledict  Grant  Seigneur  et  luy  seroyent  bons  amys,  et  si  seroyt  satisfaict 
et  content  de  luy.  Néantmoings,  pour  tout  ce  qu'il  a  pou  dire  ne 
alléguer,  l'on  ne  l'a  aulcunement  eslargy,  ne  mys  en  liberté. 

<(  Sire,  sur  le  poinct  que  faisoys  la  présente  dépcsche  m'est  survenu 
ung  pacquet  du  seigneur  Rincon,  qui  m'escript  le  vous  faire  tenyr  en 
la  plus  grande  dilligonce  que  faire  se  pourroyt.  Dont,  à  une  heure  de 
là,  ay  dépesché  ung  homme  expre/  en  poste  jusques  à  Turin.  Et  m'es- 
cript seuUement  ledict  seigneur  Rincon  que,  incontinanl  âpre/  qu'il 
fut  arrivé  à  Sophia  ',  survint  commission  du  Grant  Seigneur  au 
chaoux  *  qui  le  conduysoit  qu'il  ne  le  laissast  passer  plus  oultre 
jusques  ad  ce  qu'il  lui  eust  mandé  et  ordonné  aultre  chose.  De  quoy 
ledict  seigneur  Rincon  restoit  non  peu  estonné,  et  ne  povoit  pencer 
la  cause  de  telle  rctardacion,  présumant  qu'il  luy  fauldroyt  plus  tost 
retourner  à  Andrinopoli  retrouver  ledict  Grant  Seigneur  que  de  pour- 
suyvre  son  encommencé  voyaige  •'.  J'estime  bien  qu'il  adverlist  ample- 
ment V.  M.  des  occurrences  de  delà.  Dont  feray  fin  à  la  présente.  » 

Vol.  2,  f''  107  v°,  copie  du  xvi''  siècle;  2  pp.  in-f". 

1.  Sofia. 

2.  Chaouch,  ou  messager  d'étal.  Ces  fonriionnaires  du  divan  s'élevèrent  parfois 
aux  rôles  plus  importants  dlntroducleurs  des  ambassadeurs  ou  mêaïc  d'ambassa- 
deurs officiels. 

3.  Les  mêmes  renseignements  sont  confirmés  dans  une  curieuse  dépêche  de  sir 
John  Wallop,  alors  aml)assadeur  de  Henri  YUl  à  la  cour  de  France,  adressée  de 
Melun  à  son  maître,  le  26  janvier  :  "  ...  The  TurUe  dothe  make  for  this  yere  grcle 
préparations,  aswel  by  see  as  land,  intending  to  cumme  in  person  with  a  gret 
puissance  into  Hungarye,  and  is  alrcdy  cumme  Ihetherward  as  farrc  as  Andreano- 
pole,  bringing  with  liym  liis  wife  and  wifTes,  not  accustomed  heretofore  so  to  doo, 
but  ever  left  them  at  Gonstantynopoll.  Furthermore  he  dayly  makith  a  grete 
nomber  of  vesselles  for  Ihe  ryver  of  Danubyne,  putting  meii  into  liiem  for  to 
learne  to  rowe  for  that  navigation.  The  said  ryver  ys  swifte.  and  h.itlie  Ihe  grctist 
currant  of  ail  other  of  Cristendome,  specially  towards  Hungarye  and  Almaigne. 
The  said  Turke  sent  hetherwarde  Capitayne  Rynckorne,  the  Frenche  Kinges  amlias- 
sadour,  leaving  his  secretary  ^vith  hym  uniil  his  returne,  who,  after  that  he 
was  wel  forwarde  in  his  journey,  rcvoked  hym  with  ail  spede.  And  assone  as 
he  had  sufliciently  communed  with  hym,  he  was  dispached  with  ail  dilligence, 
and  is  loked  for  hère,  being  thought  that  he  bringeth  suche  grêle  and  secret 
maliers  of  importance,  that  the  said  Turke  wol  nol  trust  to  send  by  wriling...  » 
{Stale  impers,  vol.  VHI,  p.  514). 


204  AMBASSADE    DH  [JANVIER    I  ii  H  ] 

l'El.LICIEH   AI'   CnNNÉTAlU.E. 

117.  —  l^jijs»'].  3  janvirr  i  f) 4 1 .  —  Pellicicr  annonce  au  conné- 
table lo  paquel  do  Rincun  cl  If  dépail  de  celui-ci  de  Conslanlinople. 
«  ...  Pour  n'entendre  du  seijçneur  Hincon  aultrement  la  cause  de  sa 
venue,  pour  ne  inrn  avoir  rien  escripl,  je  ne  puys  adjouster  aultre  du 
mien,  et  aussi  j'estime  bien  (ju'il  n'aura  failly  le  faire  sçavoir  au  roy; 
mais  quelque  chose  que  ce  soit,  si  ne  furent  jamais  si  estonnez  et 
niarrys  les  Impériaulx  qu'il?,  sont  de  ceste  nouvelle.  Et  se  tiennent 
pour  dicl  que  à  ce  coup  on  yra  à  bon  essiant  et  du  tout,  faisant  là 
dessus  mille  tliscours  que  le  Grant  Seigneur,  se  voullant  asseurer  du 
couslé  du  roy,  a  voullu  envoyer  en  personne  ledict  seigneur  Ilincon.  Et 
principallement  pour  ceste  entreprinse  qu'il  faict,  ([u'ilz  entendent  très 
bien  estre  faicte  tant  par  mer,  terre  que  sur  le  Danubio,  la  plus 
grande  et  terrible  que  de  nostrc  temps  fut  jamais  oye;  mesmement  du 
grant  nombre  des  vaisseaulx,  qu'il/,  appellent  nassades,  qu'il  appreste 
sur  le  Danubio,  qui  sont  suffisans  pour  pouvoir  charger  quinze  mil 
hommes.  Depuys  les  miennes  dernières  que  vous  ay  escriptes  le  xxiiii' 
du  passé,  est  arrivé  icy  de  retour  le  seigneur  Contarin,  providadeur  ' 
de  l'armée  de  cez  Seigneurs,  lequel,  voullant  à  l'acoustumée  aller 
au  sénat  refférer  et  rendre  compte  de  sa  charge,  aulcuns  d'entre  eulx 
s'y  sont  opposez  et,  comme  ils  disent,  l'ont  entremys;  et  ce,  pour 
aultant  que  luy,  estant  en  l'absence  du  général  faict  providadeur 
général  de  l'armée,  donne  plus  d'occasion  de  la  rompture  contre  le 
Turcq  que  tout  aultre.  Demain  l'on  doibt  veoir  ce  qu'il  en  sera.  » 

Vol.  2,  f"  108  vo,  copie  du  xvi=  siècle;  1  p.  in-f". 

PELLICIER   AU   CARDINAL   DE   TOURNON  '. 

118.  —  [T'enise],  3  janvier  1 541 .  —  «  Monseigneur,  l'assurance  que 
ay  tousjours  eue  -que  ne  faillez  à  veoir  ordinairement  les  nouvelles 
d'estat  qui  s'escripvent  au  roy  de  tous  coustez  m'a  gardé  de  vous  en 
escripre  par  cy  davant;  dont  je  vous  supplye,  si  en  ce  n'ay  faict  mon 
debvoir,  m'en  avoir  pour  excusé,  car  je  m'en  suys  plus  tost  retenu  de 

\.  Provédileur.  —  Les  Conlarini,  venus  de  Concordia,  «  bienfaisants  et  de  bon 
conseil  »,  dit  une  très  ancionnc  chroni(]uo.  blasonnant  ainsi  d'un  trait  les  plus 
vieilles  familles  étaldies  sur  le  sol  vénitien  (.Mohncnti,  loc.  cit.,  p.  16). 

2.  François  de  Tournon,  second  lils  de  Jacques  H  de  Tournon  et  de  Jeanne  de 
Polignac,  né  à  Tournon  en  li8',t,  mort  à  Paris  le  -22  avril  1362.  Successivement 
archevêque  d'Embrun  (loi"),  de  Bourges  (lo2o),  d'Auch  (1537)  et  de  Lyon  (1351); 
évèque  de  Sabine  (1330),  d'Oslie  et  Vellctri  (I5ij0):  cardinal  (1530),  ministre  d'Étal, 
il  prit  une  part  active  au.\  négociations  des  traités  de  Madrid  (1526),  de  Cambrai 
(1329)  et  de  Nice  (1538).  Henri  II  l'eloigna  des  affaires  et  l'envoya  comme  ambassa- 
deur à  Rome. 


[janvier    1d41]  GUILLAUMI::    PELLICIER  205 

paour  de  vous  importuner,  sçaichant  les  occupations  que  vous  avez 
chascun  jour,  que  pour  faulte  de  bon  voulloir  et  affection  que  j'ay  à 
vous  faire  service.  Toutesibis  à  présent  s'estant  offerte  l'occasion,  m'a 
semblé  ne  debvoir  obmcttre  à  vous  faire  le  présent  pour  vous  advertyr 
comme  j'ay  receu  la  vostre  par  M.  le  prothenotaire  de  la  Rochefou- 
cauld '  vostre  nepveu,  et  vous  remcrcyer  bien  humblement  de  l'hon- 
neur qu'il  vous  a  pieu  me  faire  de  la  charge  que  luy  avez  donnée  de 
me  venyr  veoir,  vous  asseurant,  Monseigneur,  que  en  tout  ce  qu'il  me 
sera  possible  ne  fauldray  à  luy  porter  toute  faveur,  et  faire  tous  les 
plaisyrs  et  services  qu'il  me  sera  possible.  Et  pour  ce  qu'il  arriva  icy 
trois  ou  quatre  jours  devant  Noël,^le  pryé  de  demeurer  avecques  moy 
pour  passer  ces  festes,  ce  qu'il  feist,  où  a  assisté  à  toutes  les  sérimonies 
et  bancquet  qu'y  ont  acoustumé  faire  cez  Seigneurs  cez  jours  là;  lesquelz 
pour  l'amour  de  Vostre  Révérendissime  Seigneurie,  luy  ont  faict  toute 
l'honneur  et  entrelien  que  se  peult  faire.  Et  pareillement  luy  ay  faict 
veoir  toutes  les  choses  plus  singulières  dignes  de  veoir  de  ceste  ville, 
en  attendant  que  ung  de  ses  gens  qui  estoit  allé  davant  à  Padoue  pour 
prendre  ung  logeis  fust  de  retour;  et  s'en  partyt  d'icy  le  jeudy  d'aprez 
Noël.  J'estime  bien,  ainsi  qu'il  m'a  dict,  qu'il  me  viendra  veoir  à  ce 
caresme  prenant,  que  ne  fauldray  lui  faire  la  meilleure  compagnye  dont 
me  pourray  adviser.  Et  cependant  envoyeré  veoir  à  son  logeis  de 
Padoue  comme  il  se  porte,  et  si  moy-mesmes  avoys  loisyr  de  y  povoir 
aller,  je  le  feroys  d'aussi  bon  cueur  que  je  désire  vous  faire  service...  » 

Vol.  2,  fo  109.  copie  du  xvi'^  siècle;  1  p.  in-f°. 

PELLICIER   A   M.    DE   LANGEV. 

119.  —  [Fenise],  3  janvier  1 54 1 .  —  Pellicier  remercie  M.  de  Langey 
de  sa  lettre  du  12  novembre,  et  de  l'envoi  des  doubles  de  ce  qui  a  été 
fait  entre  lui  et  le  marquis  del  Vasto.  En  revanche,  il  lui  donne  les 

1.  Jean  de  la  Rochefoucauld,  seigneur  de  Blanzac,  troisième  fils  de  François  II. 
comte  de  la  Rochefoucauld,  prince  de  Marsillac,  baron  de  Verteuil,  et  d'Anne  de 
Polignac,  dame  de  Randan.  Il  devint  maître  de  la  chapelle  du  roi,  abbé  de  Mar- 
mouliers,  de  Villeloin  et  de  Cormery,  et  mourut  à  Verteuil  en  1583. 

En  France,  l'office  de  protonotaire  apostolique  s'obtenait  assez  aisément  par 
un  rescrit  en  cour  de  Rome,  à  fort  bon  marché,  et  n'emportait  aucune  obligation. 
Brantôme  nous  dit  que  «  c'estoit  la  coustume  en  ce  temps  là  des  prothenotaires, 
et  mesmes  de  ceux  de  bonne  maison,  de  n'estre  guères  savans,  mais  de  se  donner 
du  bon  temps,  d'aller  à  la  chasse,  de  jouer,  de  se  pourmener,  faire  l'amour,  et  la 
pluspart  du  temps  faire  cocus  les  pauvres  gentilshommes  qui  cstoient  à  la  guerre  ». 
Et  il  cite  ce  début  d'une  chanson  à  la  mode  : 

Passcrez-vous  toujours  par  cy, 
Protenotaire  sans  soucy  ? 

{Œuvres,  édit.  Lalanne,  t.  III,  p.  47.) 

II  semble  par  la  lettre  de  Pellicier  que  le  jeune  La  Rochefoucauld,  allant  étudier 
à  l'université  de  Padoue.  s'accommodait  fort  bien  de  ces  faciles  traditions. 


200  AMBASSADE    Di:  [jANVIEU    1541] 

nouvelles  (ju'il  a  de  Uiiicun  et  de  la  cour  impériale,  nouvelles  dont  il 
a  été  question  dans  les  lettres  au  roi  du  3  janvier  et  du  24  décembre. 

« \'i\\  aussi  entendu  comme  l'empereur  avoil  faict  ung  inipost  sur 

le  royaulme  de  Naples  de  troys  millions  d'or,  payables  en  Iroys  ans  ; 
desqnc»!/.  les  barons  du  pays  ntil  ;i  priyer  la  moictié  et  le  peiijde  le  reste; 
mais  l'on  estime  (ju'il  pourra  avoir  ledicl  payi-ment  en  six  moys,  pour 
aullanl  (juil  en  fera  vendicion  et  eschangement  avecques  quelcjnes 
marchans  comme  il  est  acoustumé  faire  '.  Et  ce  a  esté  accepté  et  con- 
lirmé  par  tous  ceulx  du  pays  le  xi'  octobre,  soubz  coulleur  de  faire  la 
guerre  contre  les  Inlick-lles...  » 

Vol.  •_',  1"  lo'.i  V".  copio  <lu  \vr  sicclo:  1  p.  in-f'^ 

i'Ei-i.ii;ii:n  A  M.  d'annehailï. 

120.  —  [Venise],  3  janvier  lo4l .  —  Mêmes  nouvelles  que  dans  la 
lettre  précédente. 

Vol.  -,  f'  llu,  copie  du  .Wi-^  siècle;  1/3  page  in-f^ 

PEI.LICIEU   AI"   CONNÉTABLE,    .\    .M.    D'aNNEBAULT   ET   AU   CAHUINAL   OE   TOURNON  ^. 

121.  —  [Venise],  3  janvier  1541.  —  «  Monseigneur,  pour  avoir 
fourny  tout  le  temps  que  ay  esté  icy  jusques  à  présent  tout  l'extraor- 
dinaire, tant  pour  les  brigantins  mandez  ou  venuz  d'icy  et  Raguse,  et 
les  postes  et  aultres  messaigcrs  de  toutes  pars,  et  aussi  entretenu  du 
mien  propre  les  serviteurs  du  roy  qui  sont  icy,  pour  continuer  mieulx 
le  service  dudict  seigneur,  me  trouve  si  despourveu  d'argent  que  ne 
sçay  bonnement  que  faire,  si  de  vostre  grâce  ne  m'y  est  pourveu  en 
me  faisant  deslivrer  l'ordinaire  comme  me  a  esté  ordonné  pour  la 
demye  année  qui  est  desjà  escheue  au  premier  de  janvier.  Et  ce  pen- 
dant que  les  comptes  dudict  extraordinaire  seront  veuz  et  allouez,  je 
me  pourray  ayder  dudict  ordinaire  comme  la  raison  veult.  Par  quoy  je 
vous  supplye  très  humblement  me  voulloir  faire  ce  bien  de  me  faire 
ordonner  et  deslivrer  ledict  ordinaire  de  la  demye  année,  affin  que  je 
me  puisse  l'aire  changer  aux  payemens  de  la  prochaine  foyre  des  Trois- 
Roys  •';  qui  me  sera  double  commodité.  » 

Vol.  •-'.  1"  1 10,  copie  du  xvi"  siùcle;  1/2  p.  in-f\ 


\.  Témoin  les  fameu.x  marchés  passés  avec  les  Fiigger. 

2.  <■  Cest  article  a  esté  mys  en  billet  dedans  les  lettres  de  MM.  le  conneslable, 
d'Annebault  et  cardinal  de  Tournon,  en  la  dépesche  précédente  diidicl  lu"  janvier  ». 

3.  Une  des  foires  de  Venise  les  plus  importantes  par  les  transactions  commer- 
ciales auxquelles  elle  donnait  lieu. 


[janvier    i54i]  GUILLAUME    PELLICIER  207 

l'El.MCIER  A    RINCdN  '. 

122.  —  [  T'en/se],  .9  janvier  1 541 .  —  «  Monsieur,  j'ay  voii  tout  ce  que 
m'avez,  escript  par  la  vostre  du  ix'=  novembre,  et  mesmement  touchant 
celluy  que  vous  avoys  envoyé  expressément  porter  ung  pacquet.  A  quoy 
n'eusse  demeuré  si  lonj^uement  à  vous  faire  responce,  n'eust  esté 
l'espérance  que  j'ay  de  vous  donner  à  entendre  de  bouche  les  raisons 
qui  me  meuvent  de  ce  taire.  Lesquelles  à  mon  adviz  ne  trouverez  si 
estranges  que  l'on  vous  a  vouUu  à  l'aventure  faire  entendre.  Or,  Dieu 
soit  loué  que  pour  le  moings  il  n'en  est  arrivé  aulcun  inconvénient, 
sinon  que  ung  peu  de  retardement  en  son  voyaige,  qui  peult  cstre, 
comme  pourrez  avoir  entendu,  n'ont  esté  par  son  defï'ault,  car  telz 
empesehemens  sont  bien  arrivez  à  aultres.  Et  par  adventure  si  je  y 
eusse  envoyé  ung  des  miens,  en  feust  peu  advenyr  pys,  pour  n'en 
avoir  aulcung  qui  entende  la  lengue  ne  mode  de  faire  du  pays  de  delà, 
comme  luy.  Et  pour  ce  que  me  remectz  à  vous  en  dire  davantaige  à 
nostre  entreveue,  je  m'en  déporte  pour  ceste  heure,  et  me  tourneray 
au  propoz  que  je  congnoyz  plus  vous  appartenyr  que  à  tout  aultre.  Et 
vous  diray  comment  quelque  temps  auparavant  que  eusse  receu  voz 
lettres  escriptes  à  Sophia,  le  seigneur  ambassadeur  Badouare  avoyt 
escript  à  cez  Seigneurs  le  xxviii'=  novembre,  les  advertissant  du  jour 
de  vostre  parlement  de  Constantinople,  et  de  toutes  aultres  choses 
plus  au  long  que  ne  m'avez  escript.  Et  principallemenl  des  grandes 
carresses  et  démonstrations  de  bénivollence  que  le  Grant  Seigneur  et 
tous  les  bassatz  vous  avoyent  faictes,  et  entre  aultres  choses  comme 
icelluy  Grant  Seigneur  vous  avoit  tenu  à  parlementer  avecques  luy 
environ  de  deux  à  troys  grosses  heures,  chose  qu'il  n'avoit  jamais 
faicte  à  homme  du  monde,  fust  chrestien  ou  de  sa  loy.  Mais  des 
propoz  que  eustes  ensemble  n'en  a  rien  peu  sçavoir;  dont  cela  avecques 
vostre  venue  en  personne  faict  estimer  que  c'est  pour  chose  de  bien 
grant  importance.  Et  mesmement  les  Impériaulx  en  sont  demeurez 
merveilleusement  estonnez  et  marrys.  Et  quant  est  de  la  commission 
mandée  par  le  Grant  Seigneur  au  chaoux  qui  avoyt  charge  vous  con- 
duyre,  je  vous  advise  que  plus  de  vingt-quatre  heures  auparavant  que 
eusse  receu  vosdictes  lettres  de  Sophia  du  xi"'  décembre,  avecques  le 
pacquet  du  roy  que  luy  dépesché  incontinant  en  dilligence  jusques  à 
Thurin,  par  ung  de  mes  gens,  aulcuns  Ragusoys  qui  sont  icy  en 
avoyent  esté  advertys;  et  ne  faillyrent  à  en  semer  bien  tost  la  nouvelle, 
car  le  soir,  avant  que  arrivast  icy  vostredict  pacquet,  M.  Févesque  de 
Transilvania  me  l'avoit  mandé  à  dire  par  son  secrétaire.  Je  ne  vous 

1.  «  Nota,  qu'il  fut  escript  à  M.  de  Rodez,  le  vin'  de  ce  moys.  dont  n'en  fut 
faicle  minute.  » 


208  AMBASSADE    DE  [JANVIER    1541] 

diray  «Je  quelle  voullenlé  sont  lesdiclz  Inipériaulx  envers  eesl  affaire,  et 
ordinaireiin'iil  i-ii  l«tiiles  v<r/.  enlrepiiiises,  car  voslre  prudence  lentend 
el  cougnoisl  Irop  iniculx.  Mais  si  ne  larray-je  à  vous  dire  comme  j  ay 
esté  adverly  par  un^?  qui  se  lient  ^randrmenl  tenu  à  vous,  et  que  bien 
co^noisse/.  pour  vous  avoir  conduict  aullrefoi/.  jusques  à  Raji:use,  (jue 
des  |)rincipaulx  d'entre  eulx  estant  icy  iu\  ont  tenu  tel  propo/,  de  voslre 
passai^e  (jue,  quant  il  n'y  auroit  aullre.  il  sulliroil  bien  à  vous  donner 
que  pencer  et  à  vous  pourveoir  de  sorte  que  en  vostredict  passaige  de 
Kaguse  icy  vous  soyez  le  plus  seur  que  faire  se  pourra,  et  pour  très 
bonnes  causes  que  j'espôre  vous  dire  à  vostre  arrivée  icy.  Quant  à  moy, 
pour  ne  avoir  eu  advertissemenl  de  vous,  ne  sçavoir  quel  chemin 
voulle/.  tenyr,  et  aussi  pour  le  r(;tardenieiit  de  vostre  voyaige,  ne  sçavoir 
([uant  serez  pour  venyr,  je  me  suys  retenu  y  faire  rien.  Par  quoy,  si 
la  prcst'ule  arrive  entre  les  mains  de  M.  larcevesque  de  Kaguse  avant 
que  y  soyez  arrivé,  je  luy  escriplz  la  faire  tenyr  en  toute  dilligence  la 
part  où  que  serez,  aflin  que  s"il  vous  semble  bon,  en  ce  pendant  que 
vous  repouserez  quelques  jours  audict  Raguse,  m'advertyr  de  ce  que 
je  aurav  à  faire,  je  ne  fauldray  le  plus  tosl  à  m'employer  de  le  mettre 
à  exécution  envers  cez  Seigneurs  que  suys  asseuré  ne  nous  desnyeront 
chose  qui  soit  pour  vostre   scureté  et  service  du  roy. 

«  Monsieur,  je  ne  vous  sçauroys  dire  à  présent  aultres  nouvelles  de  la 
court,  sinon  que  tout  le  monde  s'y  porte  bien.  Il  est  bien  vray  que  la 
reyne  de  Navarre  a  esté  malade  d'ung  tlux  qui  a  grandement  régné 
ceste  année  en  France,  mesmement  à  la  court,  sur  plusieurs  groz 
personnaiges;  mais  grâces  à  Noslre  Seigneur,  elle  est  de  présent  en 
très  bonne  santé.  Et  que  le  roy  s'en  debvoit  aller  aprez  cez  Roys  à 
Bloys;  néantmoings,  que  si  l'empereur  passoit  en  Itallye,  S.  M.  s'en 
viendroit  droict  à  Lyon  :  lequel  empereur,  comme  l'on  a  entendu, 
estoil  fort  malade.  Et  disoit  Ton  que  les  festes  de  Noël  M.  l'admirai' 
arriveroit  à  la  court  à  ung  festin  que  debvoit  faire  M.  d'Orléans  ',  où 
il  seroit  le  bien  venu  ^  Qui  est  tout  ce  que  vous  puys  dire  pour  ceste 
heure  '...  » 

Vol.  2,  fo  110  v°,  copie  du  xvi^  siècle;  1  p.  3/4  in-fo. 


1.  Philippe  Chabot. 

2.  Charles,  duc  d'Orléans. 

3.  Allusion  aux  bruits  avant-coureurs  de  la  disfrràce  momentanée  encourue  par 
lamiral,  grâce  aux  intrigues  du  connétable  de  Montmorency  et  du  chancelier 
Poyet.  Les  lettres  contenant  l'arrêt  des  commissaires  chargés  d'instruire  le  procès 
de  Chabot  sont  datées  de  Fontainebleau,  le  8  février  loil  (n.  st.).  —  (V.  Catalo'jue 
des  actes  de  François  I",  t.  IV,  p.  180,  n"  11,827). 

4.  "  A  esté  escript  à  M.  de  Vaulx  à  Padoue  le  xu'  janvier,  dont  ne  fut  faict 
mynute. 

Item,  le  xnn'  janvier  fut  rscriid  à  Madame  la  duchesse  de  Ferrare,  et  n'en  fut 
faict  mvnule.  « 


[jANVIKR    1541]  GUILLAUME    PELLICIER  209 


PELLICIER  AU  RUi'. 

123.  —  [Venise],  Il  janvier  1541 .  —  «  Sire,  par  les  miennes  der- 
nières du  111°  de  ce  moys  vous  ay  envoyé  ung  pacquet  du  seigneur 
Rincon,  faisant  mencion  de  la  retardacion  de  son  voyaige  vers  V.  M. 
par  commandement  du  Grant  Seigneur.  Et  néantmoings  que  depuys 
n'aye  eu  aulcunes  lettres  de  luy,  bien  qu'il  m'escripvist  que  dedans 
deux  ou  troys  jours  de  là  me  feroit  sçavoir  la  raison  pour  quoy  il  avoit 
esté  retardé;  toutesfoys,  ayant  entendu  d'un  personnaige  venant  de 
Raguse,  que  il  estoit  venu  jusques  à  deux  journées  prez  de  là  avecques 
ledict  seigneur  Rincon,  m'a  semblé  ne  debvoir  attendre  davanlaige  à 
vous  en  advertyr,  en  l'attendant  ou  pour  le  moings  lettres  de  luy,  et  ce 
pendant  vous  faire  entendre  ce  peu  de  nouvelles  que  ay  peu  apprendre. 
Et  mesmement  comme  l'on  a  entendu  icy  par  lettres  venues  à  Francesco 
Belzer,  qui  faict  icy  pour  les  Foucres  d'Auguste-,  que  le  camp  du  roy 
Ferdinando  s'estant  arresté  à  Papa%  ville  de  Hongrye,  luy  estoyent 
couruz  sus  ung  bon  nombre  de  chevaulx  turcqs  venans  de  la  Vallac- 
quie%  lesquelz  le  tenoyent  de  si  prez  et  contraignoyent  que  l'on  ne 
veoit  moyen  qu'ilz  peussent  pour  le  moings  saulver  l'artillerye. 

«  Sire,  par  lettres  du  secrétaire  Fidel,  du  viii*  de  ce  moys.  Ton 
entend  que  l'empereur,  ayant  entendu  le  grand  appareil  du  Grant  Sei- 
gneur pour  la  Hongrye,  estoit  devenu  fort  pensif  et  soUitaire  en  soy 
promenant  dedans  sa  chambre,  disant  telz  ou  semblables  propoz,  si 
aprez  que  les  Véniciens  ont  faict  la  paix,  laquelle  leur  a  cousté  si 
cher  que  d'avoir  baillé  deux  telles  terres,  comme  Napoly  de  Romanye 
et  Malvaisye,  et  si  grosse  somme  d'argent,  et  que,  nonobstant  ce,  sont 
encores  en  grant  suspeçon  et  double  pour  ledict  aprest,  que  doibvent 
faire  ceux-là  contre  qui  tout  le  grant  appareil  se  faict?  Lesquelz  Sei- 
gneurs, ayans  aussi  entendu  la  grosse  armée  que  faisoit  icelluy  Grant 
Seigneur,  ont  révocqué  leur  commandement  qu'ilz  avoyent  faict  de 
désarmer,  et  sont  plus  aprez  que  jamais  pour  chaircher  tous  moyens 
à  faire  argent  pour  entretenyr  leur  armée  qu'ilz  ont  jà  dehors  et  y  en 
mettre  plus  grant  nombre,  ainsi  qu'ilz  ont  acoustumé  faire  toutes  et 
quantes  foiz  que  ledict  Grant  Seigneur  arme. 

«  Sire,  suyvant  le  commandement  qu'il  vous  a  pieu  me  faire  de 

1.  ■<  Nota,  que  cesle  dépesche  fut  enserablemenl  envoyée  avecques  celle  du  xviii" 
de  cedict  moys  par  messire  Jehan,  expressément  en  dilligence  jusques  à  Thurin. 
Et  a  esté  escript  à  M.  de  Yillandry  sans  en  faire  mynute.  » 

2.  Francesco  Belzer,  facteur  ou  représentant  des  célèbres  banquiers  d'Angsbourg, 
les  Fugger,  qui  avaient  de  grandes  propriétés  à  Venise  (V.  la  correspondance  de 
l'Arétin,  et  Pierre  Gauthiez,  l'Arétin  (l492-loo6);  Paris,  Hachette  et  G'%  1895,  in-8% 
p.  -216). 

3.  Papa,  bourg  de  Hongrie  situé  à  o3  kilom.  de  Veszprim. 

4.  Yalachie. 

Venise.  —  lu40-1542.  1* 


210  AMBASSADE   DE  [JANVIER    lail] 

advertyr  V.  .Nf.  de  tout  ce  que  je  pourroys  apprendre  de  tous  cousiez 
toucluiut  voz  affaires,  m'a  semblé  ne  debvuir  ubmellre  à  vous  advertyr 
comme  j'ay  veu  par  lettres  du  vi'  di*  ce  moys  d'ung  bien  Ixjn  serviteur 
de  V.  M.  qui  est  en  Alleinaigne,  qui'  l'on  prinl  bien  garde  aux  terres  de 
l'yém<inl  et  de  la  Myranduhi,  en  laquelle  l'on  voulloil  faire  enlreprinse 
daultre  sorte  que  celle  (}ue  Ion  avoil  machinée  par  cy  davaiil,  d(jnt  il 
dict  avoir  escript,  et  que  donij)  Ferrando  de  Gonzagues  et  aullres  y 
avoyent  la  main  :  de  quoy  n'ay  failly  advertyr  le  conte  de  là,  afiin  de 
se  lenyr  lousjours  sur  ses  gardes,  l'areillement  escript  que  l'on  a  faict 
fort  grandes  promesses  au  duc  de  Savoye  de  le  remettre  en  ladicte 
duché,  et  que  tant  que  V.  M.  se  monslrera  amve  de  l'empereur,  voz 
amys  de  ce  couslé  là  ne  se  déclareroyenl  ennemys  d'icelluy  empereur. 
El  (jue  l'on  faisoil  laire  provision  de  toutes  sortes  de  niunicions  en  tous 
cez  pays  la,  escripvanl  davantaige  que  l'empereur  esloyt  adverly  que  en 
vostre  conseil  et  entre  les  princes  il  y  a  grand  discord,  et  que  voz  servi- 
teurs s'en  alloyent  tous  mal  contens,  —  et  que  tous  ces  adverlissemens 
donnoit  ung  llallyen  qui  est  auprès  de  vous  à  l'ambassadeur  de  l'em- 
pereur prez  de  V.  M.  sans  aultrement  donner  à  congnoistre  le  person- 
naige'.  El  oultre  escript  que  le  pape  cherche  fort  de  faire  aller  l'empe- 
reur en  Ilallye,  et  qu'il  ne  lui  fauldra  point  d'argent,  mais  toutesfoys 
qu'il  n'estoyt  pour  se  partyr  encores  de  là,  pour  aultanl  qu'il  n'avoit 
encores  appaisée  toute  l'AUemaigne,  à  cause  que  nul  des  principaulx 
de  là  ne  vouUoyent  croire  en  sa  foy  comme  l'on  a  faict,  et  que  la  diette 
se  feroil  comme  il  avoyt  esté  conclud. 

«  Sire,  j'ay  escript  à  V.  M.  comme  M.  le  conte  de  Sanseconde  m'avoit 
mandé  ung  de  ses  principaulx  pour  se  offrir  au  service  d'icelle.  Et 
depuys  m'en  a  escript  et  faict  parler  encores  plus  vivement,  offrant, 
oultre  que  luy  et  ses  amys  etadhérans  vous  seront  bons  et  affectionnez 
serviteurs  toutesfoiz  et  quantes  qu'il  plaira  à  Y.  M.,  douze  bonnes 
pièces  d'artillerye  avecques  leurs  municions  nécessaires,  et  de  cinq  à 
six  mil  septiers  de  bledz,  quelque  faulte  et  nécessité  qu'il  y  en  ail  ceste 
année  en  Ilallye.  De  quoy,  Sire,  vous  ay  bien  voullu  advertyr,  vous 
supplyant  me  faire  sçavoir  vostre  bon  plaisyr,  affîn  que  je  luy  puisse 
faire  responce...  » 


Vol.  2,  r  112  v»,  copie  du  xvF  siècle;  1  p.  3/4  in-f". 


1.  Pellicier  s'expli(]>iera  plus  clairement  dans  sa  lettre  au  roi  du  12  juillet  1541, 
et  désignera  nettement  le  cardinal  de  Ferrare.  11  ne  parait  pas  du  reste  que  ces 
accusations  aient  diminué  en  rien  la  faveur  dont  jouissait  le  prélat  à  la  cour  de 
France.  Il  fut,  suivant  la  relation  pronDUcée  le  20  août  1342  par  Malteo  Dandolo, 
au  retour  de  son  ambassade,  le  seul  Italien  admis  au  Conseil  secret  depuis  Gia- 
como  Trivuizio,  et  son  crédit  se  maintint,  après  François  1",  sous  les  règnes  de 
Henri  II  et  de  Charles  IX  (V.  .\lberi,  1"  série,  t.  IV,  p.  33). 


[janvier    l-iUj  GUILLAUME    PLLLICIER  211 

l'ELLICIER   AU   CONNÉTABLE. 

124.  —  [Venise],  I  I  janvier  io4l.  —  «  Monseigneur,  encores  que 

à  présent  n'ave  chose  de  grant  importance  pour  faire  sçavoir  au  roy 

et  à  vous,  ce  néantmoings,  ayant  entendu  comme  le  seigneur  Rincon 

estoit  arrivé  à  deux  journées  prez  de  Raguse,  ainsi  que  verrez  par 

celles  que  j'escriptz  présentement  à  S.  M.,  n'ay  vouUu  tarder  davan- 

taige  à  en  advertyr  ledict  seigneur  et  vous,  en  attendant  plus  certaines 

nouvelles  de  luy,  et  cependant  vous  advertyr  de  ce  peu  de  nouvelles 

que  ay  peu  apprendre  depuys  les  miennes  dernières  du  iii*=  jour  de  ce 

moys;  mesmemcnt  comme  par  lettres  d'ung  serviteur  du  roy  qui  est  en 

Allemaigne,  duquel  povez  avoir  eu  très  bonne  informacion  par  Tassin 

de  Luna',  ainsi  qu'il  ma  escript.  Et  par  icelles  ion  entend  que,  incon- 

tinant  que  Tempereur  fut  adverty  que  cez  Seigneurs  estoyent  accordez 

avecques  le  Grant  Seigneur,  luy  manda  ung  gentilhomme  secrettement 

en  toute  dilligence  avecques  ung  grant  povoir  et  liberté  de  négocier; 

mais  que,  environ  six  jours  auparavant  ses  lettres  du  vi"'  de  ce  moys, 

estoit   arrivé   vers   l'empereur   ung   courrier   de   Constantinoplc   qui 

n'avoit  apporté  trop  bonnes  nouvelles,  disant  que  l'ambassadeur  du 

roy,  qui  estoit  vers  le  Grant  Seigneur,  se  debvoit  partyr  de  jour  en  jour 

avec  bonne  expédition  pour  aller  vers  S.  M.  :  dont  ledict  empereur  se 

retrouvoit  très  mal  contant. 

i<  Monseigneur,  je  ne  veux  oblyer  à  vous  dire,  sur  le  propoz  du  pas- 
saige  dudict  seigneur  Rincon,  comme  les  Impériaulx  usent  icy  de  fort 
grandes  menaces,  et  entre  aultres  choses  j'ay  esté  adverty  que  l'am- 
bassadeur de  l'empereur  se  laissoit  entendre  avoir  dépesché  quelques 
barcques  armées  pour  le  cuyder  surprendre,  s'il  estoit  possible;  mais 
je  me  confye  tant,  soubz  Dieu,  en  la  prudence  dudict  seigneur  Rincon, 
que  avant  de  s'embarquer  il  donnera  si  bon  ordre  avecques  les  seigneurs 
Ragusiens,  ou  îivecques  les  officiers  de  cez  Seigneurs,  que  moyennant 
l'aide  de  Dieu  ilz  ne  luy  feront  rien,  et  de  mon  cousté,  en  cet  endroict 
là,  je  doubteray  plus  par  terre  que  par  mer.  Je  n'ay  failly,  entendant 
telles  entreprinses  desdictz  Impériaulx,  jaçoit  qu'il  sçayt  très  bien  de 
quelle  amour  ilz  l'ayment,  d'en  escripre  de  bonne  heure  audict  seigneur 
Rincon,  affin  que  estant  adverty  de  telles  choses,  il  préveust  encores 
de  bien  en  mieulx  en  son  affaire. 

«  Monseigneur,  je  pence  que  soyez  bien  records  de  ce  que  ay  escript  du 
magniflicque  Paulo  Justinian  *  touchant  faire  avoir  au  roy  tel  nombre 

1.  Tassin  de  Luna  ou  Lonato,  alins  Tassin  des  Eaux  (dalle  Acque?),  agent  par- 
ticulier de  la  France,  dans  la  Haute-Italie,  pour  les  alTaires  de  l'Empire.  Il  résidait 
à  Lonato,  place  forte  de  Lombardie  située  à  22  kilom.  de  Brescia,  non  loin  du  lac 
de  Garde,  sur  le  chemin  de  Trente,  et  de  là  entretenait  des  relations  suivies  avec 
l'ambassadeur  de  France  à  Venise  et  le  gouvernement  du  Piémont. 

2.  Paolo  Giustiniani. 


2il  AMDASSADE    DE  [JANVIER    lb4l] 

de  gallèrrs  que  aurez  entendu,  el  aussi  de  l'offre  du  seij;neur  conte 
de  Sanseeonde,  les<[uel/.  n'ont  failly  depuys  à  nous  en  solliciter  et  voul- 
loir  entendre  quelle  responce  nous  en  avons  eue;  par  quoy,  s'il  vous 
semble,  Monseigneur,  qu'il  y  ayt  lieu,  nous  ferez  entendre  ce  que  avons 
à  leur  dire. 

.<  M(»nseij;neur,  l'on  a  icy  lettres  de  Naples  par  lesquelles  l'on  entend 
que  l'empereur  a  mandé  à  domp  Ferrand  de  Gon/agues  qu'il  ait  à  faire 
faire  force  provision  de  biscuyt  pour  l'armée  qu'il  prétend  faire  ceste 
année,  laquelle  l'on  entend  pourra  esire  grosse  de  (jualre  vingt/,  gal- 
1ères,  el  de  nef/,  davanlaige  :  dont  l'on  enlendoit  à  Homme,  comme 
j'av  veu  par  une  lettre  du  conte  de  Languillare,  que  le  pape  y  cootri- 
bueroil  pour  sa  part  douze  gallères...  » 

V.)l.  -J.  t    113  v°,  copie  du  xvr  siècle;  \  p.  1/2  in-f». 

l'EM.IClER     W    MÊME. 

125.  —  [l'enise],  13  janvier  1o4i.  — «  Monseigneur,  le  seigneur 
Cézar  Frégose,  présent  porteur,  cherchant  tous  les  moyens  à  luy  pos- 
sibles de  faire  service  au  roy,  ainsi  qu'il  a  tousjours  faict,  comme 
sçavez  trop  mieulx,  avant  son  parlement  pour  aller  à  la  court  est  venu 
en  ceste  ville  pour  se  informer  et  enquéryr,  tant  de  moy  que  des  bons 
et  anciens  serviteurs  de  S.  M.  qui  sont  icy,  comme  passoyent  les  affaires 
dudict  seigneur;  desquelz  vous  pourra  donner  aussi  bon  compte,  el 
pareillement  des  aultres  pars  de  TYlalIye  que  nul  aultre,  de  sorte  que 
pour  le  passé  ce  me  sera  ung  grant  soullaigement,  estant  asseuré  que 
par  luy  en  serez  si  bien  satisfaict  qu'il  ne  sera  besoing  vous  en  faire 
aultre  récit.  Et  pour  ce.  Monseigneur,  que  congnoissez  trop  mieulx  de 
quelle  affection  et  bonne  voullenté  il  est  serviteur  de  S.  M.,  me  sem- 
bleroit  chose  inepte  et  superflue  vous  en  dire  davanlaige.  Si  ne  me 
pourray-jo  tenyr  de  dire  que  je  l'ay  congneu  tant  dévot  et  affectionné  au 
service  d'icelle  que.j'eslime,  si  le  roy  avoyt  une  demye  douzaine  de  telz 
serviteurs  en  l'itallye,  l'on  pourroit  espérer  que  ses  affaires  n'en 
yroyent  que  de  mieulx  en  mieulx.  Il  luy  a  pieu  aussi  sçavoir  de  mes 
affaires  particulliers,  desquelz  amplement  et  longuement  luy  ay 
communiqué.  Dont  je  vous  supplyc,  Monseigneur,  non  seulement  l'en 
escouter  parler,  mais  luy  donner  foy  en  ce  qu'il  vous  en  dira.  Et 
mesmement  touchant  la  despence  extraordinaire  qu'il  me  convient 
faire  icy,  tant  pour  fournyr  aux  serviteurs  du  roy  qui  me  donnent  les 
adviz  que  j'escriptz  ordinairement  à  S.  M.,  que  pour  faire  couryr  les 
dépesches  selon  le  commandement  du  roy,  et  advertissement  du 
seigneur  Rincon  ou  de  M.  de  Raguse.  Pour  quoy  faire  ay  jà  baillé 
plus  de  mil  ou  douze  cens  escuz,  ainsi  que  l'on  pourra  veoir  par  mon 
compte.  Et  pour  ce,  Monseigneur,  que  je  doibz  presque  tout  cela,  et  que 


j^JANVIER    lo4l]  GUILLAUME    PELLICIER  213 

les  affaires  soat  pour  eslre  plus  pressez  et  dillicillos  qu'il/,  n'ont  esté, 
et  conséquommont  en  danger  d'estre  subgectz  à  plus  grant  despence, 
s'il  plaisoyt  à  Vostre  Excellence  m'en  faire  rembourser  bien  tost,  et 
oullre  cella  me  faire  advancer  quatre  ou  cinq  cens  escuz  pour  ayder  à 
fournyr  à  telle  despence,  comme  l'on  avoit  acoustumé  faire  à  mes 
prédécesseurs,  ce  me  seroit  une  très  grande  commodité  et  obligation, 
vous  asseurant,  Monseigneur,  que  si  n'cstoit  la  grande  nécessité  où 
J'en  suys  ne  m'en  trouveriez  si  solliciteux.  Dont  je  vous  supplye. 
Monseigneur,  m'en  avoir  pour  excusé  et  me  mainctenyr  tousjours  en 
vostre  protection  et  bonne  grâce...  » 

Vol.  2.  f"  m  V",  copie  du  xvf  siècle:  i  \).  ia-f^ 

l'Ei.LiciEU  ai:  même. 

126.  — •  [Venise],  I  o  janvier  io4l .  —  «  Monseigneur,  oultre  ce  que 
le  seigneur  conte  Ludovico  de  Rangon  '  m'a  déclairé  de  bouche  tou- 
chant le  grant  désyr  et  affection  qu'il  a  de  faire  service  auroy,  encores 
puys  naguères  me  l'a  confirmé  par  lettres  qu'il  m'a  escriptes.  Dont 
n'ay  voullu  obmettre  à  vous  advertyr  et  vous  dire  mon  adviz  suyvant  ce 
que  en  ay  entendu  de  plusieurs  bons  serviteurs  de  S.  M.,  c'est  qu'il 
semble  que  advenant  le  cas  que  on  eust  besoing  de  l'employer,  il 
seroit  apte  et  suffisant  pour  faire  en  assez  d'endroictz  beaulcoup  de 
bons  services  au  roy,  ainsi  que  pourrez  entendre  plus  au  long  par  le 
seigneur  Cézar-;  qui  me  gardera  vous  en  faire  plus  grant  discours. 
Tant  seullement  vous  pryeray,  si  veoyez  qu'il  y  ait  lieu  luy  faire  res- 
ponce,  me  faire  advertyr  de  ce  que  je  auray  à  luy  dire.  » 

Vol.  2,  r°  112,  copie  du  xvi"^  siècle:  1/3  p.  in-f". 

PELLICIER   A   CESARE   KREGOSO. 

127.  —  Vetiise,  15  janvier  1 54't .  —  «  Monseigneur,  pour  aultant 
que  depuys  vostre  parlement  de  ceste  ville  avoys  esté  adverty  par  ung 
personnaige  qui  venoit  de  Raguse,  et  estoit  passé  par  Anconne,  comme 
il  estoit  venu  avecques  le  seigneur  Rincon  deux  journées  prez  Raguse, 
ay  tousjours  supperceddé  de  vous  mander  vostre  homme,  attendant 
ledict  seigneur  Rincon  de  jour  en  jour,  affm  de  vous  faire  sçavoir  sa 
venue,  laquelle,  grâce  à  Nostre-Seigneur,  a  esté  ce  matin  avecques  une 
fuste  de  cez  Seigneurs  et  ung  brigantin  de  conserve  fort  bien  en  ordre, 
voullant  avant  son  parlement  d'icy  pour  la  court  aller  vers  cez  Sei- 

1.  Lodovico  !"■,  comte  Ilangone,  frère  aîné  de  (Juido  RaiiKone.  Il  avait  une  maison 
à  Venise  (V.  Pietro  Aretino,  H  seconda  libro  délie  letlere,  Paris,  1009,  p.  305). 

2.  Cesare  Fregoso.  beau-frère  des  deux  Rangoni. 


214  AMBASSADE   DK  ''jANVIEIl    lo4l] 

gnouis,  ansquelz  apporte  lettres  de  créance  du  (jrant  Seigneur  qui 
entre  aullrcs  choses  leur  pryc  qu'il/,  ayent  à  faire  si  bien  accompaigner 
Icdict  seigneur  Rincon  sur  leurs  terres  qu'il  ne  luy  arrive  quelque 
inconvénient,  et  qu'il?,  l'ayent  à  conserver  sur  leurs  testes.  Dont  l^dicl 
seigneur  Hincon,  se  confyant  en  la  bonne  garde  qu'il  espère  avoir 
d'eulx,  a  deslibéré  s'en  aller  gaigner  par  sur  leurs  terres  le  pays  des 
Tirisons.  non  voullanl  en  façon  du  monde  passer  par  sur  le  pays  des 
Iiupériaulx.  Et  de  moy,  si  j'estoys  suflisant  pour  vous  présenter  si  bon 
que  tidel  conseil,  et  vostre  commodité  s'y  adonnoyt,  je  désireroys  gran- 
dement que  Vostre  Excellence  prinl  tel  party,  et,  s'il  estoit  possible  et 
commode  à  tous  deux,  que  feissiez  ensemble  ledict  voyaige.  Si  l'on  aura 
loysir,  il  vous  plaira  m'advertyr  de  ce  que  vouldrez  que  je  y  face;  car 
me  trouverez  lousjours  aullant  prest  à  vous  obéyr  en  toutes  choses 
que  serviteur  et  amy  que  ayez.  Et  comme  à  la  vérité  suys  grandement 
tenu  et  obligé  faire,  au  demeurant,  Monseigneur,  je  vous  envoyé  la 
lettre  adressant  à  monseigneur  le  connestable,  laquelle  pourrez  veoir; 
mais,  quant  aux  instructions  pour  mes  affaires  particuliers,  m'a  semblé 
n'estre  licite  ne  convenable  vous  donner  telle  charge,  ains  scullement 
les  mander  à  mon  homme  à  la  court  qui  est  le  pryeur  de  Sainct-Pol  ',  ou 
bien  à  ung  aultre  qui  n'est  moings  affectionné  à  mes  affaires  que  luy, 
aftin  de  vous  aller  trouver  et  vous  en  solliciter.  Je  suys  si  asseuré  que 
vostre  prudence  advisera  si  bien  la  commodité  et  temps  opportun  de 
mettre  avant  mon  aff'aire,  que  il  me  sembleroyt  grandement  faillyr  de 
vous  en  advertyr  ne  supplyer,  ne  moings  de  avoir  en  recommandation, 
estant  certain  de  la  bonne  et  vraye  amytié  qu'il  vous  plaisl  de  vostre 
grâce  me  porter.  Tant  seullement  vous  supplyeray  advertyr  mes  gens 
de  la  responce  que  l'on  vous  aura  faicte  là  dessus,  afiin  qu'ilz  sçaichent 
ce  qu'ilz  en  auront  à  faire.  Et  ce  me  sera  tousjours  de  plus  en  plus 
augmentacion  de  l'obligacion  que  je  vous  ay. 

<«  Monseigneur,  il  m'a  semblé  mieulx  à  propoz  de  faire  une  lettre  à 
part  à  monseigneur  le  connestable  pour  le  seigneur  conte  Ludovico 
Rangon.  laquelle  verrez,  et  si  ne  la  trouvez  bonne  ainsi,  adjoustez-y  ou 
diminuez  ce  que  bon  vous  semblera  et  me  la  renvoyez.  Je  ne  fauldray 
vous  la  mander  par  la  voye  de  Thurin,  et  à  l'adventure  pourra  estre  à 
la  court  avant  que  vous.  Je  ladresseray  à  mes  gens,  qui  sont  là,  pour 
la  vous  bailler,  aftin  de  la  présenter  quant  bon  vous  seml)lera... 

«  De   Venize.  ■>•> 
Vol.  2.  r^  112.  copie  du  .wi^  siècle;  1  p.  i/4  in-f\ 


1.  Li-  prionr  rie  ?ainl-Pol  jouissait  ;i  la  roiir  il'iine  oertainc  influence,  car  il  esl 
qiialilif  plus  loin  d'aumônier  orilinairc  du  roi  et  d'auii  particulier  du  cardinal  de 
Lorraine. 


[janvier    Jiiil]  GUILLAUME    PELLICIER  215 

PELLICIEU   A    M.    d'aNNEHAULT '. 

128.  —  [Venise],   I S  janvier  i o4i .  —  Pellicier  donne  au  maréchal 
les  nouvelles  contenues  dans  la  lellre  au  roi,  du  11  janvier. 

Vol.  '2..  f"  114,  copie  du  \vi'=  siècle;  1  p.  in-f^. 


PELLICIER    AT'  ROI  '. 

129.  —  [Venise],  18  janvier  I54i .  —  «  Sire,  tout  ainsi  que  ay 
escript  à  V.  M.,  le  xi"  de  ce  moys,  comme  ung  personnaige  avoit  dict 
astre  venu  de  Constantinople  jusques  à  deux  journées  prez  de  Raguse 
avecques  le  seigneur  Rincon,  et  que  pour  ceste  cause  espéroit  qu'il 
seroit  do  brief  icy  ou  pour  le  nioings  auroys  lettres  de  luy,  le  xiiii"  de 
ce  moys  est  arrivé  en  ceste  ville  en  une  fuste  de  cez  Seigneurs 
avecques  deux  brigantins  de  conserve  fort  bien  équipez.  Et  pour  avoir 
esté  grandement  vexé  et  travaillé  du  maulvais  temps  qu'il  avoit  eu  en 
son  voyaige,  tant  pour  se  repouser  ung  peu  que  aussi  pour  se  trouver 
indispousé  à  se  povoir  transporter  devers  la  Seigneurie,  et  pareille- 
ment pour  avoir  quelque  temps  de  adviser  et  communicquer  luy  et 
moy  ce  que  cognoistrions  estre  besoing  faire  entendre  à  cez  Sei- 
gneurs, nous  sembla  estre  bon  qu'il  superceddast  quelque  jour,  et 
cependant  debvoir  envoyer  vers  eulx  pour  faire  entendre  sa  venue,  et 
sçavoir  la  commodité  de  ladicte  Seigneurie  pour  aller  vers  icelle.  Ce 
que  nous  feismes  le  xvi°  où  il  proposa  le  plus  succinctement  qu'il  peult 
les  principaulx  poinclz  et  tout  le  progrez  de  la  négotiacion  qu'il  avoit 
faicte  envers  le  Grant  Seigneur,  touchant  leur  paix,  ainsi  qu'il  avoit 
pieu  à  V.  M.  luy  commander,  leur  faisant  très  bien  entendre  comme 
il  avoit  leurs  affaires  en  aussi  grande  recommandation  et  charge  que 
celles  mesmes  de  V.  M.  Et  le  landemain  xvif,  pource  qu'il  ne  leur 
avoit  faicl  aulcune  mencion  de  la  cause  de  son  voyaige  vers  V.  M., 
nous  sembla,  pour  ne  les  laisser  en  quelque  suspeçon  ou  doubte,  leur 
[debvoir]  aller  déclairer  les  raisons  que  luy  et  moy  advisames  faire  plus  à 

1.  «  Escript  cedict  jour  à  M.  le  chancelier  tout  ainsi  que  audict  seigneur  d'Hanne- 
bault.  » 

Le  chancelier  est  Guillaume  Poyet,  né  vers  1474  aux  Granges  (Maine-et-Loire); 
mort  en  avril  L548.  Avocat  au  Parlement  de  Paris,  il  plaida  pour  Louise  de  Savoie 
contre  le  connétable  de  Bourbon,  ce  qui  lui  valut  d'être  nommé  successivement 
avocat  général  (1531),  président  à  mortier  (1534)  et  enfin  chancelier  de  France 
(1538).  L'animosité  qu'il  déploya,  de  concert  avec  le  connétable  de  Montmorency, 
contre  l'amiral  Chabot,  en  février  1.541,  se  retourna  bientôt  contre  lui  et  entraîna 
sa  chute  et  sa  propre  condamnation  l'année  suivante  (août  1342). 

2.  «  Escript  cedict  jour  au  sire  Laurens  Charles  et  à  M.  de  Garrigues.  Et  fut 
dépesché  expressément  messire  Jehan  en  dilligence  jusqu'à  Thurin,  qui  y  porta 
ceste  dépesché  et  celle  du  xi"  de  ce  moys  ensemble.  » 


216  AMFJASSADE    DE  ^JANVIKR    |;i4l] 

juojHi/..  Kl,  oulli-o  ce,  110  faillyl  leur  lairi'  Iri-s  l)ii'n  entendre  de  combien 
vostre  amvlié  et  allianro  leur  soroil  trop  plus  utille  et  nécessaire  que 
celle  de  nul  aullrt",  leur  inrltanl  davant  les  yeulx  les  grand/,  préparalif/ 
que  f'aisoit  le  tirant  Seigneur  contre  cculx  (jui  vouklroyent  estre  voz 
ennemys  ol  limrs  adhérans.  De  quoy,  Sire,  certainement,  ainsi  que 
avons  esté  adverli/.,  cez  Seigneurs  demeurent  grandement  eslonnez 
et  pensif/.,  et  croy  que  relia  leur  aura  donné  fort  à  pencer,  et  adviser 
à  ce  que  fera  pour  leur  meilleur.  Le  seigneur  Hineon  est  icy  en 
attendant  de  mettre  ordre  et  avoir  asseurancc  de  son  passaige,  suyvanl 
ce  que  le  Grant  Seigneur  a  mandé  h  cez  Seigneurs  qu'ilz  ayent  à  luy 
faire  avoir  le  plus  seur  passaige  qu'il  leur  sera  possible  sur  leurs 
terres.  El  encores  pour  plus  grande  seureté  de  sa  personne,  cognois- 
sanl  le  seigneur  Cé/.ar  tant  grand  serviteur  et  dévot  à  V.  M.,  lavons 
adverty  el  pryé  se  vouUoir  trouver  à  son  chasteau  de  (îarde  sur  le  lac, 
aftin  que  là,  oultre  l'ordre  que  la  Seigneurie  y  aura  donné,  puissent 
adviser  de  plus  grant  seureté,  mesnicmenl  sur  les  contins  de  cez 
Seigneurs,  où  Ion  veoit  y  avoir  plus  grand  danger.  » 

Vol.  2,  f*^  lit  v",  copie  du  .wi''  siècle;  l  p.  1/i  in-f'^. 

PELLICIER   A    M.    I>E    L.VNGEV. 

130.  —  [Venise],  J 9  janvier  1541.  —  Pellicier  annonce  à  M.  de 
Langey  l'arrivée  de  llincon  à  Venise,  et  l'entretient  des  agissements 
de  l'empereur,  dans  les  termes  de  sa  lettre  au  roi  du  11  janvier. 

Vol.  2,  f"  11  j,  copie  du  xvi«  siècle;  i  p.  in-f*'. 

PELLICIER   A   M.    DE   RODEZ. 

131.  —  [Ke»jse],  20  janvier  1541.  —  «  Monsieur,  depuys  les 
miennes  dernières  du  viir  de  ce  moys  ay  receu  les  vostres  des  vii'^  et 
xiiiF  jours  du  présent,  ausquelles  ne  gist  grant  responce.  Et  vous  diray 
seullement  ce  petit  mot  quant  aux  premières  touchant  la  venue  icy  du 
seigneur  Rincon  en  ce  que  m'escripvez,  qu'il  eust  esté  besoing  n'avoir 
esté  tant  divulguée  :  ce  qui  est  véritable,  s'il  eust  esté  en  votre  povoir  et 
le  mien  garder  que  l'ambassadeur  de  cez  Seigneurs  et  aultres  qui  sont 
en  Constantinople  ne  l'eussent  escript  icy,  et  semblablement  les  Ragu- 
siens,  tant  de  Constantinople  que  de  leur  ville,  de  sorte  que  on  en  a 
eu  icy  la  nouvelle  plus  de  dix  jours  avant  moy;  car  n'en  ay  riens  eu 
de  luy  qu'il  ne  fusl  arrivé  à  Sophia,  et  ne  le  povoys  croire  si  n'eusse 
veu  lettres  du  seigneur  ambassadeur  Badouare  escriptes  au  magnif- 
ficque  Mapheo  Bernardo,  et  que  depuys  la  Seigneurie  ne  me  l'eust  con- 
firmé. Pour  quoy  faire   m'envoya  quéryr  pour  me  le  dire,  et  voylà 


[JANVIKR    la41j  GUILLAUME    FELLICIKR  217 

comment  je  ne  eusse  sceu  que  y  avoir  f'aict  pour  garder  de  le  divul- 
guer; car  la  famé  en  esloit  si  grande  en  ceste  ville  qu'il  n'estoit  ignoré 
de  personne.  Et  pour  ce  que  ledict  seigneur  Rincon  vous  escript  pré- 
sentement, ne  m'estenderay  à  vous  en  dire  aultre,  sinon  que  nous 
sommes  aprez  pour  adviser  la  plus  grande  seurelé  de  son  passaige 
que  nous  pourrons.  A  quoy  faire  cez  Seigneurs  sont  bien  deslibérez 
nous  donner  bon  ordre  sur  leurs  terres.  Quant  aux  nouvelles  de  deçà, 
je  en  suys  à  présent  fort  mal  garny  et  mesmement  du  cousté  de 
Naples  pour  vous  en  départyr,  comme  m'escripvez;  car  nous  n'en 
avons  aultre,  sinon  que  l'on  entend  l'empereur  avoir  mandé  à  domp 
Ferrando  de  Gonzagues  qu'il  eust  à  faire  faire  force  provision  de  bis- 
cuyt  pour  l'armée  qu'il  prétend  faire  ceste  année  ^..  Touchant  ce  que 
m'escripvez  Sa  Saincteié  estre  entrée  en  suspeçon  pour  le  rapport  que 
on  luy  avoit  faict  que  en  la  Myrandola  se  faisoyent  quelques  secrettes 
entreprinses  et  menées  au  désadvantaige  des  terres  de  l'Esglise,  vous 
m'en  dictes  les  premières  nouvelles,  car  je  vous  asseure  qu'on  n'en 
entend  rien  icy;  et  me  oseroys  bien  promettre  qu'il  n'en  est  rien,  et 
Dieu  veuille  que  l'on  ne  chairche  plus  de  fâcher  ladicte  Myrandola 
qu'elle  ne  faict  aux  terres  de  Sa  Saincteté  ne  d'aultres.  L'on  a  entendu 
icy  par  lettres  venues  d'Allemaigne  que  le  camp  du  roy  Ferdinando 
s'estant  arresté  environ  Papa,  ville  de  Hongrye,  estoyent  couruz  sus 
ung  bon  nombre  de  chevaulx  turcqs  venans  de  la  Vallacquye,  lesquelz 
le  tenoyent  et  contraignoyent  de  si  prez  que  l'on  ne  veoit  moyen  qu'ilz 
peulsent  pour  le  moings  saulver  l'artillerye.  Dont  aulcuns  veullent 
dire  que  l'empereur,  ayant  entendu  le  peu  d'exploict  que  ledict  exer- 
cite  dudict  roy  des  Romains  avoit  faict  en  Hongrye,  avoit  esté  en 
partie  cause  qu'il  estoytde  facherye  presque  devenu  mallade,  avecques 
ce  que  ses  affaires  en  Allemaigne  ne  vont  pas  si  bien  qu'il  vouldroyt. 
Et  mesmement  ne  s'est  rien  faict  en  ce  concilie  de  Wormes;  car,  au 
premier  article  qui  fut  mys  avant,  demeura  jus  sans  passer  plus 
oultre.  J'ay  receu  ce  jourd'huy  lettres  de  France  du  xiiii«  de  ce  moys 
par  courrier  mandé  expressément,  mais  l'on  ne  me  mande  aultre 
chose  sinon  que  le  roy  et  toute  la  cour  est  en  très  bonne  santé.  Dieu 
mercy,  et  que  les  affaires  vont  de  tous  coustez  de  bien  en  mieulx,  et 
monseigneur  le  connestable  estoit  retourné  de  Chantilly.  Qui  est  tout 
ce  que  vous  puys  dire  pour  ceste  heure,  sinon  que  je  vous  remercye 
bien  fort  de  la  lettre  que  m'avez  envoyée  pour  le  magnifique  Paulo 
Justinian,  faisant  responce  à  la  sienne  que  vous  avoys  adressée  par 
cy  d avant.  » 

Vol.  2,  foUo  yo,  copie  du  xvi°  siècle;  i  p.  1/2  in-f. 


1.  V.  la  lettre  au  rui,  du   18  janvier. 


2I.S  AMBASSADE    DE  [jANVIKR    ll»41j 

PELLICIEH   \V   CMMTK    HE   LA    MlllANDOLE '. 

132.  —  IV/j/.s-e,  'J4  jriiirler  I .')  / 1 .  —  Pellicior  annonce  au  comte 
l'arrivée  de  Uincon  h  Venise,  «4  lui  parle  de  la  nouvelle  entreprise 
projetée  i)ar  les  linpériaulx  contre  la  Mirandole,  dont  il  a  été  ques- 
tion dans  les  précédentes  lettres. 

«  ...  Sono  ussiti  fuora  di  Milano  dodt'ci  liuomini  mollo  bene  armati 
con  una  massa  et  cortelle  coltelli'  alla  sella  del  cavallo,  et  la  magior 
parte  dt-gli  cavalli  sono  Turchi;  iiiuali  huomini  sono  passati  sopra  il 
Mantoano,  et  non  stiano  mai  insieme,  an/.i  separati  l'uno  da  l'altro, 
et  vanno  cosi  d'una  banda  et  de  l'altra,  senza  allermarse,  et  sono  Spa- 
gnioli  et  Haliani...  » 

Pellicier,  se  souvenant  que  le  comte  de  la  Mirandole  avait  manifesté 
l'intention  de  se  rendre  en  France,  lui  propose,  pour  faire  avec  plus 
de  sécurité  le  voyage,  de  se  joindre  à  Rincon,  qui  doit  partir  avec  une 
suite  de  serviteurs  du  roi  et  une  escorte  nombreuse  fournie  par  le 
gouvernement  de  Venise. 
«  Du  Veiii'fia.  » 

Vol.  2,  f^  1 IG  v°,  copie  du  XYi*^  siècle  ;  1  p.  t/4  in-f". 

PELLICIER   A    M.    DE   HODEZ. 

133.  —  []'enise],  27  janvier  1541.  —  «  Monsieur,  vous  ne  vous 
esmerveillerez  point  si  par  le  dernier  courrier  de  ceste  ville  n'avez  eu 
lettres  de  nous;  car,  ainsi  que  pourrez  veoir  présentement,  ne  tint  au 
seigneur  Rincon  ne  à  moy  que  n'eustes  de  noz  nouvelles,  pour  ce  que 
y  feismes  nostre  debvoir.  Mais  la  faulte  est  procédée  du  maistre  des 
courriers  de  ceste  ville,  lequel  refusa  nostre  pacquet,  allégant  certaine 
telle  quelle  nouvelle  ordonnance  faicte  par  les  signori  savii  sopra  la 
merchanl'ia  -,  qui  estoit  de  payer  douze  soldes  pour  once,  pour  le  port. 
Dont,  n'ayant  celluy  qui  luy  porta  nostredict  pacquet  commission  ne 
charge  de  payer  aulcunc  chose,  pour  ne  l'avoir  jamais  faict,  nous  rap- 
porta nostredict  pacquet.  Et  ainsi,  allant  et  venant  de  l'un  à  l'autre,  le 
courrier  se  partist  sans  nosdictes  lettres;  par  quoy  vous  nous  en  aurez 
pour  excusez.  Et  le  lendemain  ne  faillys  à  mander  mon  secrétaire 
devers  cez  Seigneurs  pour  en  avoir  raison;  lesquels  trouvèrent  ladicte 

1.  En  italien. 

2.  Les  Cinque  Savii  alla  Mercanzia  ou  les  Cinq  Sages  préposés  à  ladminislralion 
(lu  Commerce  constiluaicnt  une  maj-'istrature  fort  importante  dont  les  archives 
olTrent  le  plus  grand  intérêt  au  point  de  vue  de  l'histoire  du  commerce  et  de 
l'industrie  de  Venise.  Ces  magistrats  étaient  en  correspondance  directe  avec  les 
ambassadeurs  et  résidents  étrangers;  ils  traitaient  avec  eux  de  toutes  les  afTaires 
commerciales  et  industrielles  et  délivraient  les  permis  de  navigation  (V.  Baschet, 
Archives  de  Venise,  p.  668). 


l'.IANVUill    lo41_  GUILLAUMi;    PELLICIER  219 

ordonnance  bien  estrange,  et  envoyèrent  qnéryi'  le  rnaistre  des  cour- 
riers auquel  feirent  ung  grant  rebuire  d'avoir  ainsi  délaissé  nostredict 
pacquet,  luy  enchargeant  doresnavant  de  ne  faillyr  à  le  conduyre 
comme  ceulx  de  la  Seigneurie.  Et  pour  ce  que  verrez  par  nosdicles  der- 
nières lettres  tout  le  discours  du  voyaige  dudict  seigneur  Uincon,  ne 
m'estenderay  à  vous  en  faire  aultrement  aulcune  répéticion,  mais  tant 
seuUement  vous  diray  comme  il  est  encore  en  ceste  ville,  d'où, 
j'espère,  se  partira  de  brief  pour  aller  vers  S.  M.,  ce  qu'il  eusl  faict 
plus  tost,  n'eust  esté  la  responce  qu  il  attendoit  de  cez  Seigneurs  pour 
avoir  l'asseurance  de  son  passaige.  Lesquelz  luy  ont  ordonné  en  pregay 
pour  Taccompaigner  sur  leurs  terres  cinquante  hommes  d'armes  def- 
frayez  aux  despens  de  la  Seigneurie,  lesquels  seront  prins  sur  le 
Padouan,  sçavoir  est  :  trante  de  la  compagnye  du  seigneur  conte  Mer- 
curio  Bua',  et  vingt  du  seigneur  Rodolphe  Campegio*,  qui  seront  tous 
soubz  la  conduicte  du  lieutenant  dudict  seigneur  Mercurio,  pour  avoir 
plus  grande  asseurance  en  luy,  à  cause  qu'il  est  gentilhomme  véni- 
cien.  Et  vous  diray  que  le  consentement  et  faveur  dudict  pregay  a 
esté  de  sorte  que  de  cent  trente-huict  ballottes  n'y  en  a  eu  que  cinq 
qui  n'ayent  assenty  à  ladicte  provision;  et  encores  des  cinq  n'y  en  a  eu 
que  deux  qui  soyent  formellement  contre;  car  les  troys  aultres  ont 
esté  non  syncères.  De  quoy  les  Impériaulx  sont  entrez  en  une  grande 
fâcherye,  et  demeurez  fort  estonnez  et  presque  confuz,  sçaichans  très 
bien  que  cestedicte  provision  se  faisoit  directement  contre  eulx,  pour 
aultant  que  l'on  n'avoit  à  se  garder  en  cest  affaire  que  d'iceulx.  Et 
oultre  ladicte  provision  et  secours  que  nous  donnent  cez  Seigneurs, 
encores  le  seigneur  Cézar  Fregoso  ne  fault  à  s'y  employer  comme  ung 
bon  et  loyal  serviteur  du  roy,  ainsi  que  S.  M.  luy  en  a  escript.  Je  ne 
sçay  si  aurez  entendu  des  nouvelles  que  les  Impériaulx  ont  faict 
couryr  icy  que  les  gens  du  roy  des  Rommains  ont  prins  Albe  Régal;  ce 
néantmoings,  pour  non  estrc  lieu  muny  ne  gardé,  qui  n'a  jamais  ref- 
fusé  les  portes  à  qui  y  est  vouUu  entrer,  ce  ne  seroit  pas  grant  cas, 
car  ce  n'est  aultre  paralelle  en  Hongrye  que  Sainct-Denys  en  France,  et 

1.  Le  comte  Mercurio  Bua,  aventurier  albanais  au  service  de  Venise.  On  comptait 
alors  un  certain  nombre  (l'Albanais  attachés  à  la  cour  par  diverses  fonctions  : 
capitaines  des  gardes,  fauconniers,  etc.  (V.  Cat.  des  actes  de  François  l",  passim). 
Le  capitaine  Bua,  arrêté  à  Turin,  en  loiG,  pour  fait  de  malversations  (V.  State 
papers,  vol.  xi,  p.  3o8,  et  Germain  Lefèvre-Pontalis,  Correspond.  d'Odel  de  Selve, 
ainl)assadcur  de  France  en  Anç^leterre  (1546-1.^49);  Paris,  Alcan,  1888,  in-S",  p.  50), 
était  un  autre  condottiere,  également  albanais  d'origine,  et  qui  pourrait  être  iden- 
tifié avec  •■  le  seigneur  chevalier  Giovanni  Bua»,  sans  doute  parent  du  comte,  et 
qu'on  trouvera  mentionné  plus  loin.  Le  comte  Mercurio  Bua,  en  elTet,  périt  assas- 
siné à  Trévise,  en  1.j4.5  (V.  Calendars  of  State  papers  Venetian,  i;j34-lo.Si,  pp.  141 
et  143). 

2.  Rodolfo  Campeggi,  fils  aîné  de  Lorenzo  Campeggi,  de  Bologne,  et  de  Francesca 
Guasla-Yillani.  Son  père,  jurisconsulte  distingué  et  professeur  à  l'université  de 
Padoue,  devenu  veuf,  entra  dans  les  ordres,  et  devint  cardinal,  puis  nonce  en 
Allemagne  et  à  Milan.  Rodolfo  était  colonel  dans  les  troupes  vénitiennes. 


220  AMUASSADK    DE  [jANVIKR    1541^ 

quant  tout  est  dicl,  csl  plus  losl  pour  sépulture  des  roys  et  chose  de 
religion  que  lieu  de  guerre.  Mais  je  vous  puys  bien  plus  eerlainemenl 
dire  que  l'on  a  icy  [nouvelles]  ({ue  sept  sanzacques  turcqs  se  assem- 
hloyent  avec(|ues  toutes  leurs  bandes  pour  aller  veoir  les  gens  dudicl 
roy  Terdinando,  et  faisoyent  l'amasse  en  Bellegrade.  Oui  est  tout 
ce  que  je  vous  puys  dire  pour  ccslc  heure.  >> 

Viil.  2.  f"  117.  C'opie  (lu  wi"  sièclf  :  I  \>.  1/2  in-f'. 

PELLICIER   A   VINCENZO   MAOCIO". 

134.  —  ]'i-nisc,  2i)  janvier  l  Jll .  —  Mêmes  nouvelles  que  dans  la 
lettre  précédente,  concernant  l'arrivée  à  Venise  de  M.  de  GernioUes 
[Rincon']  *,  l'escorte  que  la  Seigneurie  lui  a  accordée  pour  son  voyage, 
et  les  agissements  des  Impériaux  et  du  roi  des  Romains. 

«  Di  Vrnelia.  » 
Vol.  2.  f"  117  yo.  copie  du  xvi"  siècle;  1  p.  in-f". 

PELLICIEU   AU   ROI  ^, 

135.  —  [Venise],  3i  janvier-2  février  1541.  —  Pellicier  a  reçu  les 
lettres  du  roi  des  6  et  14  janvier,  presque  en  même  temps.  Rincon 
et  lui  se  sont  chargés  de  confirmer  à  la  Seigneurie  la  bonne  amitié 
du  roi. 

«  ...  Et  quant  ad  ce  que  m'escripvez  de  la  provision  qu'il  vous  a 
pieu  ordonner  mil  escuz  pour  faire  présent  à  celluy  qui  de  la  part  du 
Grant  Seigneur  pourroit  venir  icy,  luy  arrivé,  je  ne  fauldray  à  en  faire 
tout  ainsi  qu'il  vous  a  pieu  me  commander.  Et  quant  au  magniflicque 
Paulo  Justinian ,  ledict  seigneur  Rincon  et  moy  luy  avons  faicl 
entendre  voslre  voulloir  et  intencion,  et  sommes  informez  de  luy  des 
moyens  qu'il  a  de  parfaire  ce  qu'il  a  mys  avant  et  de  quelz  person- 
naiges;  mais  pour  ce,  Sire,  qu'il  désire  grandement  n'estre  découvert 
de  certains  personnaiges  et  que  V.  M.  pourra  mieulx  entendre  le  tout 
du  seigneur  Rincon,  nous  a  semblé  estrc  le  meilleur  remettre  le  tout  à 
luy.  » 

Rincon  a  retardé  de  quelques  jours  son  départ  de  Venise,  pour 
attendre  Cesare  Fregoso  et  assurer  la  sécurité  de  son  passage  par  le 
pays  des  Grisons,  où  il  a  le  plus  à  redouter.  Le  sénat  de  Venise  a  voté 

1.  Eli  italien. 

1.  Rincon  avait  rci;u  du  roi,  en  don,  la  cliàlellenie  royale  de  Germolles-lès- 
Chalon  (Saône-eL-Loirej,  par  Icltrcs  datées  de  Fontainebleau,  le  8  novembre  1528 
{Cal.  des  actes  de  François  I",  t.  VI,  Supple'm.,  p.  loi,  n"  19  G83). 

3.  «  Nota,  que  caste  dépesche  fut  envoyée  expressément  en  dilligencc  jusques  à 
Thiirin  par  La  Bove,  et  fut  escript  à  M.  de  Villandry,  à  Saint-Pol  et  Garrigues.  » 


[janvier    1541]  GUILLAUME    PELLICIER  221 

une  escorte  de  cinquante  hommes  d'armes  destinée  à  protéger  les 
voyageurs.  Pellicier  annonce  cette  nouvelle  au  roi,  dans  les  termes 
de  la  lettre  à  l'évêque  de  Rodez. 

«...  Sire,  cez  Seigneurs  ont  escript  cez  jours  passez  au  Grant  Sei- 
gneur et  aux  bassatz  que,  ayant  consigné  les  terres  et  les  deniers 
qu'ilz  avoyent  à  bailler,  qu'ilz  voulsissent  aussi  de  leur  costé,  tout 
ainsi  qu'ilz  ont  restitué  les  robbes  et  marchandises  à  messire  Mapheo 
Bernardo  par  votre  respect  et  faveur,  rendre  celles  des  autres  gentils- 
hommes de  cestc  ville  et  mettre  fin  à  toutes  les  aultres  choses,  comme 
de  Nadin  et  Laurana,  et  remettre  leur  baille  *  et  aultres  prisonniers  de 
leurs  subgectz  en  liberté  ;  et  de  ce  ont  aussi  escript  à  leur  ambassa- 
deur Badouaro,  aflln  de  solliciter  d'en  avoir  briefve  expédicion. 

<(  Sire,  les  Impériaulx  ont  faict  couryr  icy  [le  bruyct]  que  les  gens  du 
roy  des  Rommains  ont  prins  Alberegal  -... 

«  Du  W  febvrier. 

«  Sire,  depuys  avoir  faict  la  présente,  nous  avons  advisé,  le  seigneur 
Rincon  etmoy,  ne  debvoir  attendre  à  vous  advertyr  de  son  partement 
jusques  ad  ce  qu'il  fust  en  seureté  et  hors  des  dangiers;  ains,  pour  ne 
laisser  V.  M.  trop  longuement  en  doubte  ne  souspeçon,  vous  advertyr 
en  dilligence  comme  tout  à  ceste  heure  est  monté  en  barque  avec  le 
seigneur  Cézar  Fregoso  très  bien  accompaignez,  prenans  leur  chemin 
par  les  Grisons,  pour  se  retirer  vers  vous,  où  j'espère  que  à  bon  saul- 
vement  seront  bien  tost,  moyennant  la  grâce  de  Dieu...  » 

Vol.  2,  f^  118, copie  du  xyi^  siècle;  2  pp.  3/4  in-f". 

PELLICIER  AU   CONNÉTABLE. 

136.  —  [  Venise],  3  I  janvier-2  février  1 541 .  —  Pellicier  attend  encore 
les  dépêches  confiées  par  le  roi  à  M.  de  Pons. 

«  ...  Et  pour  aultant,  Monseigneur,  que  le  courrier  envoyé  devers  nous 
pour  le  passaige  du  seigneur  Rincon  fut  adverty  par  M.  le  lieutenant  du 
seigneur  Cézar  Frégozo,  qu'il  trouva  à  Thurin,  de  ne  passer  par  Castel- 
Geoffroy  ^,  estimant  qu'il  le  deust  trouver  en  ceste  ville,  — le  lendemain 
qu'il  feust  arrivé  icy,  nous  le  dépeschàmes  en  toute  dilligence  vers  luy 
audictCastel-Geofroy,pourluy  porter  les  lettres  de  S.  M.  Lequel  ne  faillyt 

1.  Le  ■<  baile  »  ou  bailo,  du  latin  bajulus,  tuteur  ou  défenseur  des  nationaux  en 
pays  étranger,  était  le  titre  officiel  que  portaient  les  représentants  de  Venise 
auprès  de  la  Porte,  depuis  le  xm"  siècle,  et  que  les  diplomates  ou  écrivains  français 
avaient  couramment  adopté  pour  les  désigner  (V.  Baschet,  Archives  de  Venise, 
p.  282).  Jacopo  Canale,  élu  baile  le  8  octobre  133G,  fut  remplacé  le  19  novembre 
1342  par  Girolamo  Zane  (Albéri,  3"  série,  t.  III,  p.  xxu). 

2.  V.  la  lettre  à  l'évêque  de  Rodez  du  27  janvier. 

3.  Castel-GoITredo. 


222  AMUASSAhE    I>E  JANVIER    loil] 

incontinent  de  venyr  en  tel  ordre  et  si  bien  aceoinpaigné  que  tel  allaire 
requiert;  et  n'esto\  t  que  suys  asseuré  que  congnoissez  trop  mieulx  com- 
hiun  ledict  seigneur  r,('/.ar  est  grandcinenlafleclionnéet  bon  serviteur  du 
roy,  nie  si'uil)i('r(iyl  ne  faire  mon  del)voir  taire  son  mérite  et  louange  de 
s'estre  employé  en  cest  endroict  tant  bien  «juil  n'est  possible  de  plus. 
Toutesloi/.  pour  ne  vous  user  de  superlluilé,  me  déporteray  de  vous  en 
dire  davantaige;  car  aussi  plus  amplement  en  pourrez,  estre  informé 
parle  seigneur  llincon,  durjuel,  à  son  arrivée,  pourrez  entendre  toutes 
nouvelles,  fc'l  pour  ce  que  avons  advisé  que  aprez  qu'ilz  seront  réduictz 
en  seureté  et  hors  des  dangiers,  alliu  d'en  adverlyr  S.  M.  et  vous  en 
toute  dilligence,  estre  bon  dépesclier  ledict  courrier,  à  cause  qu'il 
pourra  estre  plus  test  k  la  court  que  eulx,  en  attendant  leur  venue 
vous  ay  bien  voullu  advertyr  comme  depuys  qu'il  est  icy  avons  receu 
ung  pacquet  de  messire  Vincenzo  Magio  <iu'il  a  laissé  en  sa  place  vers 
le  Grant  Seigneur,  du  xxi''  el  xxiiir  décembre,  m'cscripvanl  comme  le 
premier  de  janvier  il  se  debvoit  partyr  de  Constantinople,  pour  aller 
trouver  le  Grant  Seigneur  en  Andrinopoli.  qui  y  arriva  le  x^'  dudict 
moys  de  décembre.  Et  ne  se  fut  si  tost  party  ledict  Grant  Seigneur  de 
Constantinople,  n'eust  esté  qu'il  luy  estoil  survenu  quelque  malladye 
accoustumée.  Et  estoyent  allez  en  sa  compaignye  ses  enfans,  et  le 
premier  et  quart  bassa  qui  est  son  gendre'.  Et  m'escript  aussi  que  le 
iiir'  de  décembre  estoit  arrivé  là  ung  courrier  de  Bude  mandé  par  la 
royne  de  Hongrye  au  Grant  Seigneur,  pour  avoir  secours.  Lequel 
courrier  avoit  rencontré,  le  xvii"  novembre,  les  ambassadeurs  du  jeune 
enfant  roy,  à  douze  journées  prez  de  Bude,  delà  de  Samcndria  *,  en 
ung  lieu  appelle  Chiazi.  Et  disoit  icelluy  courrier  avoir  laissé  Bude 
environnée  des  gens  du  roy  des  Romains,  mais  que  dedans  Bude 
estoyent  liuict  mille  hommes  de  guerre  et  victuailles  pour  plus  de 
deux  ans;  et  qu'ilz  avoyent  espérance  que,  à  l'arrivée  d'ung  peu  de 
secours  qu'ilz  attendoyent  du  Grant  Seigneur,  le  camp  se  lèveroyt  de 
ladicte  emprinse.  Pour  laquelle  chose  le  Grant  Seigneur  avoit  ordonné 
au  vayvoda  Moldavo  et  Vallacho^  et  aux  sanzacques  de  Samendria, 
Bossnia,  Belgrado-,  Serayo,  Svornich,  SilistraetNicopoli*  qu'ils  allassent 
au  secours  de  Bude;  lesquelz,  si  l'iver  ne  les  empeschoit,  qui  estoit 

1.  Ruslcm-P.icha,  qualrièine  vi/ir.  11  avait  épousé  Mihrmah.  lillc  de  Suleyman,  en 
novembre  1530  (V.  Charrière,  t.  1,  p.  41",  et  de  Ilanimer,  t.  V). 

2.  Semendria  (en  allemami  Sanct-Andreas),  ville  de  Serbie,  située  à  43  kilom.  de 
Belgrade,  au  conflueut  du  Danube  et  de  la  Je^sawa,  ancienne  résidence  des  rois  de 
Serbie. 

3.  Le  voïévode  de  Moldavie  ici  désigné  est  Pierre  Raresch.  dépossédé  naguère 
par  les  Turcs  et  rentré  en  grâce  auprès  de  Suleyman,  qui  venait  de  l'opposer  à 
l'intrus  Alexandre  Cornea. 

Le  voïévode  de  Valachie  était  alors  Radu  IV,  qui  régna  de  153o  à  lo+ii. 

4.  Semendria,  Bosna-Seraï,  Belgrade,  Serajewo,  Zwornik,  Silistria  et  Nicopolis. 
Yahya-l'acha-Ogidi  était  gouverneur  de  Semendria,  Oulama-l'acha  gouverneur  de 
Bosnie,  Bali-Bey  gouverneur  de  Belgrade,  et  Ahmed-Pacha  gouverneur  de  Nicopolis. 


[janvier    1541]  GUILLAUME    PELLICIER  223 

fort  grant  en  ce  pays  là,  comme  disoit  ledict  courrier,  feroyent  lever 
les  ennemys.  Toutesfoiz,  Monseigneur,  attendu  que  cez  nouvelles  sont 
si  vieilles  comme  d'avoir  mis  tant  de  temps  que  de  Hongrye  à  Cons- 
tantinople,  et  de  là  icy,  Ton  estime  que  ce  n'est  aultre  chose  que  ce 
que  en  ay  escript  par  cy  devant,  touchant  l'approche  de  Foxercite  du 
roy  Ferdinand  jusques  à  Buda-Vechia ',  d'où  depuys  s'esloit  retiré  à 
Vicegrad.  Et  m'escript  davantaige  que  ledict  courrier  disoytque  quand 
le  pays  sçauroit  que  le  Grant  Seigneur  auroit  consenty  que  le  jeune 
enfant  fust  roy  de  Hongrye,  les  seigneurs  du  pays  se  unyroyent.  Et 
que  la  cause  de  la  mutinacion  a  esté  pour  avoir  esté  divulgué  que  le- 
dict Grant  Seigneur  ne  voulloit  qu'il  y  eust  roy,  ains  y  mettre  ung 
begliarbey,  sçavoir  est  un  cappitaine  en  son  nom\  Périmpeter^ 
avecques  aultres  affectionnez  audict  roy  Ferdinando  estoyent  de  ce 
temps  là  en  une  cité  appellée  Pest  ',  delà  la  rivière  du  Danubio,  au 
davant  Bude,  et  Thomas  Nadasdin,  cappitaine  dudict  roy  Ferdinando  ^, 
lequel  estoit  allé  en  Transylvania,  avecques  sept  mil  hommes  de  pied 
et  quatre  mil  chevaulx,  pour  l'occupper,  comme  dist  ledict  courrier, 
y  a  faict  peu  de  profTict,  pour  aultant  que  les  terres  et  chasteaulx 
estoyent  gardez  de  gens  iidelles.  Le  iilz  dudict  Périmpeter,  qui  estoyt 
à  Bellegrade  en  hostaige,  ayant  esté  conduict  devant  le  Grant  Seigneur, 
l'interrogea  s'il  se  voulloit  faire  Turcq,  qui  feist  responce  qu'il  voulloit 
tout  ce  qu'il  plairoit  audict  Grant  Seigneur;  et  ainsi  a  esté  mys  au 
serrait,  et  estime  Ton  que  s'il  eust  faict  aullrement,  qu'il  luy  eust 
cousté  la  leste. 

«  Monseigneur,  j'ay  veu  par  vosdicles  lettres  la  bonne  souvenance 
qu'il  vous  plaist  avoir  de  moy.  Dont  très  humblement  je  vous  remercye, 
vous  supplyant.  Monseigneur,  qu'il  vous  plaise  me  mainclenyr  tous- 
jours  soubz  vostre  bonne  protection;  car,  soubz  Dieu,  mon  espoir  gist 
en  vous  plus  qu'en  nul  aultre,  et  n'estoyt  depaour  de  vous  importuner 
ou  fascher,  vous  supplyeroys  me  faire  secourir,  en  mon  grant  besoing 
et  nécessité  où  suys  plus  extrêmement  que  ne  fuz  jamais,  pour  n'avoir 
plus  de  quoy  fournyr  à  faire  ma  despence  ordinaire  ne  l'extraordi- 
naire. Et  encores  moings  pour  ne  savoir  plus  quelz  propoz  tenyr  aux 
serviteurs  du  roy  qui  sont  icy,  pour  les  avoir  tousjours  entretenuz  de 
parolles  jusques  à  présent,  lesquelles  ne  peulvent  plus  prendre  en 
payement;  et,  pour  aultant  que  en  pourrez  plus  amplement  estre 
informé  par  les  seigneurs  Cézar  Frégose  et  Rincon,  ne  vous  en  atté- 
dieray  davantaige...  » 


1.  Le  Vieux-Bude. 

2.  Beglierbey,  c'est-à-dire  «  prince  des  princes  »,  dignité  assimilable  ici  à  celle 
d'un  gouverneur  de  province. 

3.  Peter  Pérény. 

4.  Pesth. 

o.  Thomas,  comte  de  Nadasty,  gentilhomme  hongrois  du  parti  de  Ferdinand. 


224  AMHASSADi:    DE  'FÉVRIER    i  li 4 1  ] 

Par  une  noie  datée  du  2  février,  Pellicicr  informe  le  connétable  du 
départ  do  Kincon  et  de  Krcgoso. 

Vol.  -J.  l"  I  II»  v**,  copie  du  wi*^"  siècle;  J  pp.  I  '2  in-f". 

l'ELI.ICIEK   A    I.A    HKINE   DE   NAVAHHE  '. 

137.  —  [W'niso],  2  ft'vricr  I ,')4 / .  —  «  Madame,  j'ai  receu  la  bonne 
lettre  (ju'il  vous  a  pieu  m'escripre  le  premier  jour  de  l'an,  qui  m'a  esté 
aultanl  consollative  que  cliose  de  ce  monde  qui  m'cust  sceu  arriver, 
pour  avoir  entendu  les  atlaires  de  S.  M.  aller  de  tous  costés  tant  bien 
prospérant  (jne  jjroprement  semble  qu'ilz  soyent  guidez  et  conduictz 
de  la  main  île  Dieu,  comme  certainement  je  pence  (}ue  aussi  sont-ilz. 
Et  de  ce  cousté  vous  puys  bien  asseurer  que  depuys  que  vous  ay 
escript,  encores  que  auparavant  ilz  y  feussent  en  bon  estât,  à  présent 
y  sont  plus  que  jamais;  et  à  ce  la  venue  du  seigneur  Uincon  pourra 
encores  avoir  augmenté  l'afTection  de  cez  Seigneurs  envers  S.  M., 
pour  par  luy  avoir  entendu  la  bonne  voullenté  que  icelle  leur  a  tous- 
jours  jiortée  et  porte.  Bien  que  les  en  eusse  assez  bien  informez  et 
quilz  en  l'eussent  asseurez,  ce  néanlmoings  pour  avoir  esté  aux  lieux 
de  povoir  mettre  à  exécution  le  commandement  de  S.  M.,  ce  qu'il  leur 
a  très  bien  déclairé,  y  ont  d'aultant  plus  adjousté  foy,  pour  en  avoir 
cerlifficacion  de  celluy  qui  l'a  mandé.  Et  s'en  sont  tenuz  tant  contans 
et  satisfaictz  que  par  bonnes  et  efficaces  causes  l'ont  bien  donné  à 
cognoistre;  car,  pour  ce  que  ledict  seigneur  Rincon  avoit  à  bon  droict 
quelque  double  pour  se  retirer  seurement  vers  le  roy,  luy  ont  donné 
pour  la  seureté  de  son  passaige  cinquante  hommes  d'armes  à  leur 
despens,  pour  le  conduyre  sur  leurs  terres  -... 

«  Madame,  je  croy  que  aurez  bien  entendu  comme  le  Grant  Seigneur 
estoit  party  de  Constantinople  pour  aller  en  Andrinopoli  ^...  » 
Pellicier  termine  en  recommandant  ses  intérêts  à  la  reine. 

Vol.  2,  fo  120  \°,  copie  du  Wl^  siècle;  1  p.  3/4  in-f". 

PELLICIER  A  M.    d'aXNEBAULT. 

138.  —  []'enise],  2  février  1 541 .  —  Pellicier  remercie  le  maréchal 
de  sa  bienveillante  intervention  auprès  du  roi,  lui  communique  les 
nouvelles  reçues  de  Constantinople,  et  se  recommande  à  lui  de  nou- 
veau. 

Vol.  2,  f°  121  yo,  copie  du  xvi^  siècle;  3/4  p.  in-f°. 

1.  •  Kscripl  cedicl  jour  à  MM.  de  Tliullcs  et  Villaiidry,  dont  n'en  fui  faict  minute, 
et  au  sire  Laurens  Cliarle^.  //e//!,àM.M.  de  Sainct-Pol  olde  Garrigues,  ainsi  que  est  le 
contenu  à  ung  sommaire  qui  est  entre  les  minutes.  » 

2.  V.  la  letlrt^  au  roi,  du  31  janvier. 

3.  V.  la  lettre  au  connétable,  du  31  janvier. 


[février    ]o41J  GUILLAUME    PELLICIER  225 

PELLICIER   AU   CARDINAL   DU    BELL  \Y'. 

139.  —  [Venise],  2  février  i 541 .  —  <(  Monseigneur,  il  y  a  quelques 
moys  que  vous  avoys  escript  par  un  chevallier  Udoardo,  lequel  avez 
peu  veoir  à  Rome,  où  il  fut  blécé  par  aulcuns  facteurs  entremetteurs 
du  roy  de  Portugal  -,  pour  quelques  sollicitations  et  menées  qu'il  fai- 
soit  là  contre  leur  gré;  mais  depuys  naguères  j'ay  entendu  que 
n'aviez  receu  mes  lettres;  dont  m'a  semblé  ne  debvoirplus  demeurer  à 
vous  escripre,  ce  que  n'eusse  délayé  si  longuement,  n'eust  esté  que  je 
pençoys  bien  que  mesdictes  lettres  vous  eussent  esté  données,  et 
aussy  que  avoys  esté  adverty  que  Vostre  Révérendissime  Seigneurie 
n'estoit  à  la  court  pour  quelque  temps.  Toutcfoiz  à  présent  qu'ay 
entendu  que  y  estes  de  retour,  quant  ne  vous  auroys  jamais  eu  aultre 
obligacion  que  celle  dont  mes  gens  qui  sont  à  la  court  m'ont  adverty, 
mesmement  du  bon  office  qu'il  vous  a  pieu  faire  pour  moy,  ayant  mes 
affaires  en  telle  recommandation  et  protection  que  d'avoir  voullu 
prendre  ceste  peine  de  rapporter  ma  requeste  au  conseil  privé,  pour 
avoir  le  payement  de  demye  année  de  ma  pension  ordinaire  et  de  tant 
d'aultres  amyables  offres  que  de  vostre  grâce  leur  avez  tousjours  faictes 
pour  mes  affaires,  si  ay-je  à  présent  bonne  matière  de  vous  escripre 
pour  vous  en  remercier  très  humblement,  et  vous  supplyer  qu'il  vous 
plaise  de  continuer,  comme  pour  l'ung  de  voz  bien  humbles  serviteurs, 
du  nombre  desquelz  je  me  tiens  etréputeray  toute  ma  vye,  ainsi  que 
par  effect  congnoistrez,  si  en  aulcune  chose  de  ce  monde  je  puys  rien 
pour  vous.  Et  pour  ce  que  je  me  suys  tousjours  confyé  et  asseuré  que 
voyez  et  entendez  toutes  nouvelles,  tant  de  ce  cousté  que  d'ailleurs, 
que  on  escript  ordinairement  au  roy,  m'a  semblé  que  ce  ne  vous  eust 
esté  que  reditte  de  vous  en  faire  aulcune  répéticion;  et  encores  pour 
ceste  heure  ne  m'estenderay  à  vous  en  mander,  pour  aultant  que, 
oultre  ce  que  en  pourrez  veoir  par  les  lettres  de  S.  M.,  en  pourrez 
aussi  astre  adverty  bien  amplement  par  le  seigneur  Rincon,  à  la  suffi- 
sance duquel  m'en  remectz  pour  le  présent.  Tant  seullement  vous  diray 

1.  Jean  du  Bellay,  second  fils  de  Louis  du  Bellay,  seigneur  de  Langey,  et  de  Mar- 
guerite de  La  Tour-Landry;  frère  puiné  du  gouverneur  de  Piémont,  Guillaume  du 
Bellay.  Né  en  1492,  il  mourut  k  Rome  le  16  février  1560.  Successivement  évoque  de 
Bayonne  (lo26-lo32),  de  Paris  (1532-1531),  de  Limoges  (1541-luii).  de  Bordeaux 
(1544-1533),  d'Albano  (1330-1533),  de  Tusculum  (1553),  de  Porto  (1333-1535)  et  d'Ostie 
(1555-1560),  cardinal  le  21  mai  1333,  lieutenant  général  en  Champagne  et  en  Picardie 
(1536),  il  fut  chargé  de  plusieurs  missions  diplomatiques  en  Angleterre  (1527  et 
1533),  et  prit  part  encore,  en  1533,  à  Marseille,  aux  négociations  avec  Clément  VU 
pour  le  mariage  de  Henri  II,  alors  dauphin  de  France,  avec  Catherine  de  Médicis, 
nièce  du  pape.  Envoyé  plus  tard  comme  ambassadeur  auprès  de  Paul  III,  il  aban- 
donna les  affaires  après  la  mort  de  François  I",  el  se  retira  à  Rome  (1347). 

2.  Jean  III,  roi  de  Portugal,  né  le  6  juin  1302,  succéda  à  son  père  Emmanuel 
le  Grand  en  1521,  et  mourut  le  2  août  1537.  Il  avait  épousé,  en  1525,  Catherine 
d'Autriche,  sœur  puînée  de  Charles-Quint. 

Venise.  —  1540-1342.  1^ 


226  A  M  MASSA  DE    DE  [FÉVRIER    154lJ 

que  les  aflfaires  de  S.  M.  sont  en  aussi  bonne  disposition  envers  ceste 
république  qu'ilz  lurent  longtemps  y  a,  et  croy  bien  qu'il/,  ne  sont 
en  aultre  qualité  du  costé  de  Levant;  de  sorte  que  je  veoy  à  présent 
le  christs  et  temps  décrétoire  des  affaires,  non  seuUement  de  S.  M., 
mais  de  tout  l'Estat  de  la  chrestienté,  lesquelz  je  prye  à  Dieu  qu'il 
vueille  adresser  ainsi  qu'il  srait  faire  mieulx  pour  la  prospérité 
d'icelle.  S'il  vous  plaist  par  cy  âpre/  que  je  vous  donne  avertissement 
des  occurrences  de  derii,  en  me  le  commandant,  je  mettray  peine  de 
vous  y  obéyr...  » 

Vol.  2,  1"  t-'2.  copie  du  xvi''  siècle;  1  p.  in-f". 

l'ELLlClEU   Ai:   CARDINAL   DE  1-ERHARE  *. 

140.  —  [Venise],  2  février  i54i.  —  Pellicier  annonce  au  cardinal 
le  départ  de  Rincon  pour  la  France  et  lui  recommande  Francesco- 
Beltramo  Sacliia,  en  faveur  duquel  Rincon,  instruit  des  services 
qu'il  a  rendus  à  la  cause  du  roi,  doit  aussi  porter  la  parole,  en  cas  de 
besoin. 

Vol.  2,  f"  122  \^,  copie  du  xvi®  siècle;  1/2  p.  in-f''. 

PELLICIER   A   M.    DE  RODEZ. 

141.  —  [Kenîse],  5  février  1 541 .  —  Pellicier  a  reçu  les  deux  lettres 
de  l'évêque,  en  date  des  22  et  29  janvier.  Rincon  a  quitté  Venise  le 
2  février,  fort  bien  accompagné,  tant  des  cinquante  hommes  d'armes 
que  la  Seigneurie  lui  a  donnés  pour  la  sécurité  de  sa  route,  <<  que 
aussi  du  seigneur  Cézar  Frégose  et  sa  compaignye,  qui  estoit  de  plus 
de  deux  cens  hommes,  de  sorte  que  en  tout  à  Padoue  se  trouvèrent 
bien  troys  cens  personnes,  tellement  que  moyennant  la  grâce  de  Dieu 
pourront  aller  trouver  le  roy  à  bon  saulvement  ». 

Suivent  les  nouvelles  venues  du  Levant,  par  Vincenzo  Maggio,  rap- 
portées dans  la  lettre  au  connétable,  du  'M  janvier. 

Vol.  2,  f"  122  v°,  copie  du  xvF  siècle;  1  p.  1/4  in-f'. 

l'ELLlGIER   AU   MÊME"-. 

142.  —  [Venise],  10  février  1 54 1 .  —  «  Monsieur,  par  les  miennes 
du  v®  de  ce  moys  aurez  peu  veoir  le  parlement  de  ceste  ville  du  sei- 
gneur Rincon,  pour  s'en  aller  vers  le  roy,  et  en  quelle  compagnye; 

1.  •'  Escript  cedict  jour  à  M.  de  Langey,  dont  n'en  fut  faict  minute.  • 

2.  «  Escript  cedict  jour  à  M.  l'arcevesque  de  Raguse  et  à  messer  Vincenzo  Mazio, 
en  Constantinople.  dont  "n'en  fut  faicte  minute.  » 


[fÉVIUER    lo41J  GUILLAUME    PELLICIER  227 

dont  à  présent  vous  diray  comme  depuys  cez  Seigneurs  ont  escript 
une  lettre  à  S.  M.  la  plus  gracieuse  et  recongnoissante  qu"ilz  n'ont  i'aict 
longtemps  a,  remercyant  icelle  des  bons  offices  que  par  son  comman- 
dement ledict  seigneur  Rincon  avoitfaictz  pour  eulx,  dont  en  estoyent 
succédez  les  efîectz  tant  proffitables  à  ceste  républicquc  que  à  tout 
jamais  elle  luy  en  auroit  obligacion,  l'en  remercyant  fort  afï'ec- 
tueusement.  Et  comme  vous  sçavez  qu'il  est  fort  difficile  que  en  une 
répuhlicque  de  tant  de  i)ièces  ilz  puissent  estre  tous  conformes  en 
oppiuions,  quant  se  vint  à  lire  ladicte  lettre  en  pregay  pour  la  ballotter, 
comme  à  Taccouslumée,  y  en  eut  quelques  ungs  qui  furent  d'adviz  de 
ne  la  debvoir  mander  si  afTeclionnée;  ce  néantmoings,  quelque  con- 
tradiction qu'il  y  ait  eu,  a  esté  conclud  la  debvoir  envoyer,  et  n'y  eut 
que  trente -cinq  ballottes  contraires  et  six  non  sincères,  et  cent 
quarante-une  furent  d'adviz  de  la  debvoir  mander.  Je  vous  escriptz 
cecy  affin  que  congnoissez  quelle  vouUenté  cez  Seigneurs  ont  envers 
S.  M.,  lesquelz  et  leurs  subgoclz  peulvent  mainctenant  trafficquer  et 
praticquer  eu  Levant  comme  ilz  faisoyent  auparavant  la  guerre  rompue 
contre  le  Grant  Seigneur  ;  car,  par  tous  ces  pays-là,  la  paix  a  esté  publiée, 
comme  je  pense  que  pourrez  avoir  entendu.  Qui  est  tout  ce  que  vous 
puys  dire  pour  le  présent.  » 

Vol.  2.  fo  123,  copie  du  xvi'^  siècle;  3/4  p.  in-f». 

l'ELLlCIER   ai;    roi  ^  . 

143.  —  [Venise],  15  février  1ô41.  —  «  Sire,  pour  aultant  que 
depuys  le  partement  de  ceste  ville  du  seigneur  Rincon,  qui  fut  le  if  de 
ce  moys,  comme  nous  vous  feismes  sçavoir,  ne  avoys  entendu  de  ses 
nouvelles,  et  me  attendant  de  jour  en  jour  estre  adverty  de  son  pas- 
saige  et  en  quelle  seureté,  affin  de  vous  le  mander,  avoys  tousjours 
différé  de  vous  escripre  depuys  les  miennes  dernières  dudict  ii'^  de  ce 
moys.  Et  bien  que  l'aye  sccu  ung  peu  bien  tard,  et  que  V.  M.  en 
pourra  par  luy  estre  mieulx  informée,  ce  néantmoings  n'ay  vouUu 
laisser  à  vous  faire  entendre  comme  par  lettres  que  receuz  encores 
hier  de  luy,  escriptes  à  Thiran-  le  x"  de  ce  moys,  me  faict  entendre 
comme  ilz  y  arrivèrent  ledict  jour,  luy  et  le  seigneur  Cézar  Frégose,  à 
l'heure  de  disner,  en  très  bonne  santé  et  saulveté,  Dieu  mercy,  ayant 
renvoyé  de  là  tous  les  arcquebusiers  que  ledict  seigneur  Cézar  y  avoit 
conduictz,  leur  semblant  bien  n'avoir  plus  besoing  de  grant  scorte^. 

1.  <•  Ao/fl,  que  ceste  dépesche  fut  mandée  avecques  celle  du  xx'  de  ce  moys 
ensemblenient,  par  ung  des  gens  du  seigneur  Sipion  Constance  jusques  à  Tluirin 
en  poste.  » 

2.  Tirano,  bourg  de  Lombardie  situé  à  31  kilom.  de  Sondrio,  sur  l'Adda. 

3.  Escorte. 


228  AMBASSADE   DE  'FÉVRIER    1d41] 

Et  si  avovLMil  pareilk'inenl  dès  Yzée  \  deçà  le  lac,  licencié  la  com- 
pagnye  que  cesle  Seigneurie  luy  avoit  donnée,  laquelle,  comme  il 
m'escripl,  avoil  faict  1res  bien  son  dehvoir  envers  luy.  Dont  n'ay  lailly 
en  aller  remercyer  très  alleclueusemenl  cesledicle  Seigneurie,  qui 
m'a  faict  rosponce  ({ue,  ayans  cogneu  toujours  la  sincère  et  parlailte 
amour  de  V.  M.  envers  leur  répuhlicque,  et  mesmement  par  les  bons 
efTectz  que  le  seigneur  Rincon  et  voz  aultres  ministres  ont  tousjours 
faiel/.  pour  icelle,  il/,  estoyent  attenu/  et  désiroyent  le  recognoislre  et 
agréer  à  icelle;  par  quoy  avoyent  mys  le  meilleur  ordre  pour  le  sauf- 
conduyt  et  seureté  dudict  seigneur  Uincou  qu'ils  s'estoyent  peu 
adviser.  Mesmement,  attendu  qu'il  en  estoit  besoing,  se  resjouyssoyent 
merveilleusement  qu'il  eust  occasion  de  se  contenter  et  se  coUoder  de 
la  bonne  compagnye  que  leurs  gens  luy  avoyent  faicte. 

«  Sire,  j'ay  entendu  que  depuys  le  parlement  dudict  seigneur  Rincon 
cez  Seigneurs  vous   ont   escript  une  lettre  la  plus  ample  quilz   ne 
feirent  longtemps  a,  remercyant  V.  M.  des  bons  et  fruclueulx.  offices 
qu'il/,  avoyent  entendu  avoir  esté  faicts  par  icelluy  Rincon  par  vostre 
commandement,  et  des  bonnes  et  gracieuses  offres  que  nouvellement 
leur  faisiez  faire  :  dont  à  tout  jamais  ceste  républicque  vous  en  auroit 
obligacion.  Laquelle  lettre  voullant  ballotter,  comme  est  leur  cous- 
tume,  avant  que  la  mander,  y  en  eut  aulcuns  tenans  encores  de  leur 
vieille  humeur.  El  entre  aultres  leur  ambassadeur,  qui  est  revenu  der- 
nièrement devers  l'empereur-,  qui,  comme  ilz  disent,  arenga  au  con- 
traire, aliégant  pour  ses  raisons  que  icelle  lettre  ne  se  debvoit  mander 
si  alTeclionnée,  pour  ce  que  cela  seroit  pour  irriter  l'empereur,  dont 
pourroyt  arriver  grant  ruyne  à  ceste  républicque  de  voulloir  ainsi  peu 
estimer  l'empereur;  adjouslant  estre  bien  vray  que  V.  M.  estoit  ung 
grant  prince  et  puissant,  mais  que  la  saigesse   de  l'empereur  estoit 
telle   qu'elle   faisoit    plus    à    estimer   que   sa  puissance,  laquelle  ce 
néanlmoings  estoit  telle  qu'ilz  veoyent  par  bons  effectz  qui  avoit  par 
ce  moyen  en  sa  main  le  povoir  de  vous  faire  faire  une  bonne  partye 
de  ce  qu'il   vouldroit,  moyennant  le  duché  de  Millau,  et   toutesfoiz 
qu'il  lui  plairoit  demeureriez  bons  amys  et  d'accord  ensemble.  A  ceste 
cause,  exortoit  cez  Seigneurs  ne  voulloir  escripre  ladicte  lettre,  mais 
bien   une   générale  de  non   si  grant  affection.  Enfin   fut  ballotté  si 
ladicte  lettre  se  debvoit  mander  ou  non.  Et  premièrement  fut  mys 
avant   l'oppinion    dudict   personnaige,    qui   n'eut  en   sa  faveur  que 
trente-cinq  ballottes,  et  six  non  sincères.  Au  contraire  y  en  eut  cent 
quarentc-et-une  d'oppinion  de  la  debvoir  mander,  ce  que  a  esté  faict, 
ainsi  que  on  m'a  asseuré.  Et  sur  ce  propoz  m'a  l'on  dict  davautaige 


\.  làco,  bourg  de  Lombardie,  situé  à  10  kilom.  de  Brescia,  sur  le  lac  du  même 
nom. 
2.  Pietro  Mocenigo. 


[février    1o41j  GUILLAUME    PELLICIER  229 

que  cez  Seigneurs,  en  Iraictant  de  leurs  affaires  au  conseil  de  Diexe,  et 
parlant  de  plusieurs  propoz,  mesmcment  des  grans  bénel'lices  qu  ilz 
ont  receuz  de  V.  M.,  et  congnoissans  la  vraye  amytié  qu'elle  porte  à 
ceste  républicquc,  ayans  aussi  en  considéracion  le  grant  aprest  que 
faisoit  le  Granl  Seigneur  pour  venyr  sur  la  chrestienté,  qui  ne  seroit, 
comme  ilz  cstimoyent,  sans  que  Tltallye  s'en  ressenlist  en  quelque 
endroicl,  et  voyans  clairement  le  grant  crédict  et  povoir  que  V.  M.  a 
avecques  ledict  Grant  Seigneur,  avoyent  mys  avant  d'escripre  au  pape 
d'estre  médiateur  envers  l'empereur  de  vous  faire  faire  le  dcbvoir  de 
la  duché  de  Millau.  Et  pareillement  en  debvoyent  aussi  escripre  à  leur 
ambassadeur  auprez  dudict  empereur.  Toutesfoiz,  Sire,  je  ne  vous 
baille  pas  cecy  pour  certain,  car  l'ay  seullement  entendu  de  quelques 
ungs  particuUiers  voz  serviteurs,  qui  ce  néantmoings  ont  accoustumé 
me  donner  quelques  foiz  de  bons  et  certains  adviz. 

«  Sire,  cez  Seigneurs  ont  eu  lettres  de  leur  ambassadeur  prez  du  roy 
des  Rommains  ^  des  xvio  et  xx'=  du  passé,  faisant  entendre  par  celles 
du  xvr  que  le  roy  Ferdinando  se  retrouvoyt  en  grant  extrême  néces- 
sité de  bledz,  dout  supplyoyt  ceste  Seigneurie  ne  luy  vouUoir  faillyr 
de  l'en  secouryr  de  la  plus  grande  quantité  qu'il  seroit  possible, 
comme  il  feist  cestedicte  Seigneurie  l'année  passée,  à  son  grant 
besoing;  et,  oultre  ce,  qu'ilz  vueillent  donner  franc  passaigc,  si  de 
quelques  aultres  princes  luy  estoit  concédé  traicte  de  bledz,  et  adve- 
noit  qu'il  fust  besoing  passer  sur  leurs  terres  :  pour  aultant  qu'il  a 
pryez  lesdiclz  aultres  princes  clirestiens  de  luy  donner  semblable 
secours  qu'il  a  requiz  cez  Seigneurs.  Laquelle  lettre  n'a  esté  leue  en 
pregay,  pour  y  avoir  aultres  chefs  de  plus  grant  importance,  lesquelz 
n'ay  encores  peu  sçavoir.  Et  par  celle  du  xx^  s'entend  ledict  roy  Fer- 
dinando avoir  eu  Albe  Régal,  à  condicion  que  tous  les  biens  et  les 
personnes  qui  estoyent  dedtius  seroyent  saulves  et  que  en  la  court 
dudict  roy  Ferdinando  y  avoit  plusieurs  mallades,  et  entre  aultres  ung 
sien  iih  et  troys  des  damoyselles  de  la  royne,  et  ne  sçavoit  l'on 
encores  si  c'estoit  de  peste,  laquelle  est  grande  en  ce  pays-là,  et 
jusques  en  ladicte  court.  Et  a  l'on  encores  entendu  icy  du  fondique 
des  Thudesques  *  que  l'ambassadeur  de  cez  Seigneurs  prez  dudict  roy 

ï.  Francesco  Sanuto. 

2.  Il  y  avait  à  Venise,  outre  les  constructions  privées,  quelques  édifices  appelés 
albergarie  {d^albergo,  albergheria,  auberge,  hôtellerie),  que  la  République  aban- 
donnait aux  étrangers,  à  qui  elle  laissait  la  faculté  de  se  gouverner  d'après  les 
lois  de  leur  pays.  Tels  étaient  les  Maisons  neuves,  dans  le  Rialto  neuf,  assignées  aux 
Toscans,  et  les  magasins  des  Turcs  et  des  Allemands,  fondaco  dei  Tiirchi,  fondaco 
dei  Tedescki.  Le  nom  même  comme  la  chose  étaient  d'importation  toute  orientale 
(cf.  l'arabe  fondouk).  Venise,  du  reste,  possédait  ces  établissements  dès  le  haut 
moyen  âge:  les  Vénitiens,  en  revanche,  occupaient  à  Byzance  tout  un  quartier. 

Le  fondaco  des  Allemands,  construit  entre  1450  et  1530,  ainsi  que  les  l'rocuraties 
vet  l'escalier  des  Géants  au  palais  ducal,  était  un  grand  bâtiment  situé  sur  la  droite 
du  Grand  Canal,  au  levant  du  pont  du  Riallo.  Le  Giorgione  et  le  Titien  travaillèrent 


230  AMUASSADE   DE  KÉVIllER    lo4l] 

Fcrdinando,  nomnu'  messiro  Francesco  Saniili,  estoil  mort  de  ladicte 
pesle;  loulesfoiz  oesdicl/.  Seigneurs  n'en  ont  rien  eu  de  certain  '. 

«  Sire,  par  lettres  du  xxi"  du  passé,  escriplcs  à  Spira»  par  l'ambas- 
sadeur de  cez  Seigneurs  près  de  l'enipereur,  l'on  entend  que  M.  de 
Grantvelle  csloil  retourné  du  collocque  de  Wormes  à  la  court  dudict 
emper(>ur,  qui  disoit  n'y  avoir  esté  rien  faict,  s'estant  reniys  à  la  dielte 
de  Uatisbonne,  laciuelle  ne  se  feroit  si  tost  que  l'on  pençoit  ù.  cause 
de  la  peste,  et  se  remi'ltroit  à  ung  aultre  temps;  escripvant  aussi  que 
ledict  empereur  s'en  venoit  de  hrief  en  cesle  llallye  :  lequel  luy  faisoit 
grande  clière,  disant  qu'il  aymoit  fort  la  Seigneurie  de  Veni/.e  et  qu'il 
ne  désiroit  sinon  sa  grandesse,  comme  il  le  leur  démonstreroit  par 
efl'ect  avecques  le  temps.  Et  sur  ce  propo/,,  cez  Seigneurs  ont  aussi 
receu  lettres  de  li^ur  secrétaire  Fidel  des  x  et  xf*  jours  de  ce  moys,  les 
advertissant  que  M.  le  marquiz  de  Guast  luy  avoit  dict  que  le  retar- 
dement de  l'empereur  pour  venyr  en  Itallye  cstoit  seullement  pour 
aullanl  qu'il  s'en  alloit  journellement  gaignant  et  parfaisant  amytié 
avec(iues  les  princes  d'Allemaigne;  et  que  jà  avoit  tiré  à  sa  dévotion 
le  duc  de  Saxonia  '  et  quelque  aultre,  et  que  le  duc  de  Clèves*  s'accor- 
deroit  aussy  avecques  luy.  Et  pareillement  que  le  duc  de  Lorraine  ^ 
avoit  aussi  recherché  ledict  empereur  de  luy  donner  la  duchesse  de 
Millan''  pour  son  lils"^  :  de  quoy  estoit  contant,  mais  que  premièrement 
en  voulloit  faire  porter  parolle  à  V,  M.  Et  que  le  roy  d'Angleterre  luy 
offroit  sa  fiUc  avecques  deux  millions  d'or,  luy  disant  oultre  ledict 
marquiz  du  Guast,  quant  l'empereur  et  son  frère  vouldroyent  avoir 
tresve  avecques  le  Turcq,  que  ilz  estoyent  bien  asseurez  de  l'avoir  par 
le  moyen  de  V.  M.;  mais  qu'ilz  ne  s'en  soucioyent  point.  Et  que  si 


à  en  décorer  la  façade.  Avanl  de  recevoir  celle  destinalion.  il  avait  servi,  dit-on, 
d'habilalion  aux  Iribuns.  Les  Allemands  y  cxerçaienl  leur  commerce  sous  la  sur- 
veillance de  trois  magistrats  ou  visdomini,  percepteurs  des  droits  de  cet  entrepôt 
général,  et  le  contrôle  ilcs  emballeurs,  poseurs  et  courtiers  choisis  par  l'Etal 
(V.  Molmenli,  la  Vie  privée  à  Venise,  passiyn).  La  douane  est  aujourd'hui  installée 
dans  cette  consiruclion,  dont  les  fresi|ues  sont  maiheureiisemonl  détruites. 

1.  La  nouvelle  était  peu  fondée;  nous  possédons  la  relation  de  Sanuto,  qui  eut 
pour  successeur,  le  4  octobre  15ii,  Marino  Cavallo  (V.  Alberi,  1'*  série,  t.  III,  p.  90). 

2.  Spire. 

3.  .lean-Frédéric  le  Magnanime,  duc  de  Saxe  de  lo32  à  13i7.  Né  le  30  juin  1303,  il 
mourut  le  3  mars  ioot.  Soutien  ardent  du  prolestaiilisme  en  Allemagne,  il  fut 
dépouillé  de  ses  Étals  par  Charles-Quint,  après  la  bataille  de  Mûhlberg,  où  il  fut 
fait  prisonnier,  le  2i  avril  loi". 

4.  Guillaume  Ir  Riche,  duc  de  Cléves  de  133'.)  à  1392. 

5.  Antoine  le  lion,  fils  de  René  II,  duc  de  Lorraine  et  de  lîar.  et  comte  de  Vaude- 
mont,  de  1508  à  1341.  Né  le  24  juin  1490,  il  mourut  le  14  juin  1344.  Il  avait  épousé 
Renée  de  Bourbon,  daine  de  Mercœur. 

6.  Christine  de  Danemark,  veuve  de  Franccsco-Maria  Sforza,  dernier  duc  de  Milan. 
Le  contrat  fut  signé  à  Ratisbonne,  le  20  mars  13  41  (V.  B.  N.,  anc.  fds  fr.,  ms.  2146, 

r  191). 

7.  François,  marquis  de  Ponl-à-Mousson,  imis  duc  de  Lorraine,  lîls  aine  d'Antoine 
le  Don,  né  le  15  février  1317,  mort  à  Remiremont  le  12  juin  1343. 


[février    154 il  GUILLAUME   PELLICIER  231 

bien  cez  Seigneurs  ont  faict  la  paix  avecques  luy,  laquelle  louoit  gran- 
dement, néantmoings  pour  cela  jamais  ledict  empereur  ne  se  sépare- 
roit  de  Tamytié  et  affection  qu'il  porte  à  ceste  républicque,  et  que 
quant  ledict  empereur  se  vouldroit  accorder  avecques  V.  M.  pour 
venyr  contre  cez  Seigneurs,  che  l'esta  in  suo  peUo\  mais  qu'il  ne  le  fera 
jamais,  et  qu'il  congnoissoit  ceste  républicque  tant  saige  qu'elle  ne 
escoutteroit  ne  aj,tcnderoit  point  aux  partys  qui  luy  sont  proposez,  car 
il  cognoist  cez  Seigneurs  estre  tant  plains  de  foi  et  fermeté  qu'ilz  ne 
sont  pour  leur  moulvoir  aulcunemenl,  sçaichant  très  bien  que  si 
V.  M.  a  vouUu  prendre  cest  apport  en  faveur  du  Turcq,  que  enfm 
cela  seroit  à  vostre  ruyne.  Et  plusieurs  aultres  semblables  propoz  luy 
disoit,  estant  bien  asseuré  qu'il  ne  fauldroit  les  faire  entendre  à  cez 
Seigneurs,  lesquelz  toutesfoiz  estans  rebatuz  de  tels  propoz,  ainsi 
que  j'ay  entendu,  n'y  attendent  pas  beaulcoup. 

«  Sire,  j'ay  entendu  d'un  personnaige  qui  disoit  sçavoir  pour  tout 
vray  monseigneur  le  duc  de  Ferrare  avoir  lenuz  propoz  que  l'empe- 
reur voulloit  mettre  deux  mil  hommes  dedans  Mantoue,  pour  s'empa- 
troniser  d'icelle,  et  tenyr  cez  Seigneurs  Vénéciens  en  crainte,  et  par  là 
garder  de  ne  se  remouvoir  et  aussi  pour  ne  se  asseurer  trop  du  car- 
dinal de  Mantoue.  » 

Vol.  2,  i"  123  v",  copie  du  xvr  siècle;  3  pp.  in-f^ 

PELLICIER   ATT   CONNETABLE. 

144,  — [Fenwe],  15  février  i54i .  —  «  ...  Monseigneur  le  cardinal 
de  Ravenne*  est  persévérant  en  son  oppinion,  dont  vous  ay  escript 
par  cy  davant,  c'est  que,  advenant  le  Saincl-Siége  vacquer,  la  partye 
françoise  estoit  pour  avoir  meilleur  droict  et  part  à  disposer  de  l'élec- 
tion que  nulle  aultre.  Et,  à  ce  que  j'ay  entendu  de  bonne  part,  ledict 
cardinal  se  tient  peu  satisfaict  de  l'empereur,  pour  ne  luy  avoir  attendu 
beaulcoup  de  promesses  qu'il  luy  avoit  faictes,  et  entre  aultres  de  ne 
l'avoir  pourveu  de  l'évesché  de  Messine,  laquelle  il  cherchoit  plus  pour 
avoir  esté  jadiz  de  sa  maison  que  pour  la  valleur  d'icelle;  de  sorte  que, 
s'offrant  l'occasion,  il  ne  fauldroit  d'en  faire  démonstracion.  Et,  comme 
l'on  a  entendu  par  lettres  du  iiii^  de  ce  moys  de  M.  l'ambassadeur  de 
cez  Seigneurs  prez  dudict  empereur,  icelluy  empereur  avoit  conféré 
aulcuns  beneffices,  qui  puis  naguères  estoyent  vacquez  jusques  à  la 
somme  de  quarante  à  cinquante  mil  escuz,  à  plusieurs  de  ses  servi- 
teurs et  entre  aultres,  comme  l'on  entend  par  lettres  de  Millan  du  x"  de 
cedict  présent  moys,  en  estoit  venu  par  pension  sur  aulcuns  desdictz 
beneffices  à  leur  part  à  domp  Loppes,  trésorier  de  Millan,  mil  quatre 

1.  Benedetto  Accolti. 


232  AMBASSADE   DE  [FÉVRIER    15il] 

cens  L'scu/.,  d  ilninp  Diego,  son  ambassadeur  en  cesle  ville,  la  somme 
de  cinq  cens  escu/-. 

«  Monseigneur,  l'on  est  adverly  de  la  maison  de  lanihassadeur  de 
l'empereur  que  le  roy  d'An^delerre  a  mandé  en  ceste  Ilallye  douze  gen- 
lilzliommes  \H\ur,  soub/.  lilli»'  et  colleur  d'apprendre  et  veoir,  estre 
adverly  de  toutes  les  choses  qui  se  font  et  s'entendent  en  cesledicte 
Ilallye.  Desquel/,  gentil/.hommes  en  a  mandez  Iroys  en  ceste  ville, 
deux  à  Rome,  à  Millan  aultanl,  à  BouUoigne,  Florence,  et  pareillement 
aux  aultres  bonnes  villes;  desquelz  ceulx  qui  sont  icy  l'agent  dudict 
roy  d'Angleterre',  pour  estre  grant  impérial,  les  attire  à  sa  fantaisie, 
et  les  a  laict  si  domesticques  de  l'ambassadeur  de  l'empereur  qui  est 
ici,  que  journellement  sont  avecques  luy,  ([ui  leur  baille  telles  nouvelles 
qu'il  veult  et  luy  sont  plus  advantageuses,  estant  certain  que  iceulx  ne 
fauldront  à  les  escripre  à  leur  maistre. 

«  Monseigneur,  cez  Seigneurs  ont  eu  lettres  de  leur  secrétaire  Fidel 
près   le   marquiz  du   Guasl,    du  xii*  de  ce  moys,  par  lesquelles  les 
adverlyst  ledict  marquiz  luy  avoir  tenuz  telz  propoz  qui  s'ensuyt  : 
«  Monsieur  le  secrétaire,  je  entendz  que  plusieurs  vont  disant  et  dis- 
courant que  l'empereur  vient  en  Ilallye  pour  vouUoir  suppéditer  tous 
les  princes  d'icelle  et  s'en  impatronniser;  maisaffin  que  vous  congnois- 
siez  le  tout  estre  au  contraire,  je  vous  monslreray  une  lettre  dudict 
empereur.   »  Ce  qu'il  feist,  par  laquelle  il  lui  escripvoit  qu'il  venoyt 
en  Ilallye,  non  pour  supéditer  les  princes  ne  pour  s'en  impatronniser 
d'icelle,  mais  qu'il  y  venoit  en  la  mode  qu'il  avoit  tousjours  faict,  c'est 
pour  la  paciftier,  et  non  pour  y  mettre  guerre.  Dont  cez  Seigneurs  ont 
escript  à  leurdict  secrétaire  qu'il  doibve   bien  garder  ladicte  lettre 
affin  que  si  jamais  il  entrevenoit  au  contraire,  qu'ilz  la  peussent  tous- 
jours  monslrer  audict  empereur,  escripvanl  aussi  que  certainement 
ledicl  empereur  seroit  sur  le  commencement  d'apvril  en  Ilallye.  Et  par 
lettres  de  Rome  s'entend  que  le  pape,  ayant  entendu  la  si   proche 
venue  dudict  empereur  en  Ilallye,  avoit  changé  d'oppinion  de  venir  à 
Boullongne  à  la  my-caresme,  et  qu'il  avoit  déterminé  s'en  parlyr  la 
seconde  sepmaine,  pour  venir  à  la  volte  de  Camerin,  pour  attendre  à 
certaines  choses,  et  delà  s'en  venyr  audicl  Boullongne,  pour  parle- 
menter avecques  l'empereur*.  » 

Vol.  2,  f"  125,  copie  du  xvi«'  siècle;  1  p.  1/2  in-f". 


1.  Ilarwell. 

•2.  «  Nota,  que  le  xvi'    febvricr    ut  escript  à  M.  de  Rodez;  dont  n'en  fut  faict 
mvnutc.  » 


[février    154  Ij  GUILLAUME    l'ELLICIER  '  -233 

PELLICIER  AU   ROI  ' . 

145.  —  [Venise]^  20  février  1541. —  «  Sire,  ayant  entendu  que 
M.  l'arcevesque  de  Raguse  me  avoit  dépesché  expressément  un  bri- 
gantin  avecques  lettres  de  messire  Vincenzo  Mazio,  touchant  le  sauf- 
conduicl  de  M.  l'évesque  de  Transilvania,  et  aultres  nouvelles  de  ce 
cousté  là,  ay  retenu  mon  pacquet  du  xv^  de  ce  moys  de  jour  en  jour 
jusques  à  ce  jourd'huy  que  est  arrivé  ledict  brigantin;  ce  que  n'a  esté 
cependant  sans  estre  en  quelque  peine,  pour  estre  advertys  que,  à 
cause  de  la  grant  tormentc  qu'il  a  faict  cez  jours  passez,  s'esloit  péry 
ung  brigantin  venant  de  Raguse,  doubtant  que  ce  ne  fust  celluy 
dépesché  par  ledict  seigneur  arcevesque.  Toutesfoys,  par  la  grâce  de 
Dieu,  est  arrivé  à  bon  port,  l'ayant  eschappé  aussi  belle  qu'il  feist 
jamais,  car  de  l'auUre  brigantin  péry  ne  se  peult  saulver  une  personne. 
Par  lesquelles  lettres  dudict  messire  Vincenzo,  de  Andrinopoli  du  xiiiF 
du  passé,  me  faict  sçavoir  seuUement  comme  ledict  jour  estoit  arrivé  là 
et  qu'il  avoit  faict  la  révérence  au  bassa,  le  supplyant  pour  ledict  saulf- 
conduict  dudict  seigneur  évesque  de  Transilvania;  qui  lui  avoit  faict 
responce  que  ledict  jour  le  demanderoit  au  Grant  Seigneur  qui  à  son 
advis  n'en  feroit  aulcune  difiiculté.  Lequel  soubdain  aprez  l'avoir 
obtenu  manderoit  audict  seigneur  arcevesque  de  Raguse,  pour  l'envoyer 
icy  en  toute  dilligence  audict  évesque  de  Transilvania  qui  l'attend  à 
grant  dévotion,  pour  s'en  aller  en  Hongrye  où,  ainsi  que  m'escript 
ledict  messire  Vincenzo,  le  Grant  Seigneur  a  mandé  fort  grant  compa-' 
gnye  turquesque.  Et  que  le  Bogdan,  —  c'est  le  vayvoda  de  Moldavia — , 
estoit  mort-,  au  lieu  duquel  le  Grant  Seigneur  avoit  remys  Petro 
Bogdan,  qu'il  en  avoit  déchassé'';  et  comme  m'a  dict  ceste  Seigneurie, 
c'est  moyennant  qu'il  en  payeroit  tribut  de  douze  mil  escuz  par  an;  et 
avoit  ordonné  ledict  Grant  Seigneur  estre  acompaigné  de  cinq  cens 
chevaulx  qui  debvoyent  demeurer  là  à  la  garde  du  pays  avecques  luy, 
lequel  debvoit  mander  son  iilz  à  la  Porte  en  hostaige.  Il  baisa  la  main 
au  Grant  Seigneur  le  xiiii"  du  passé  et  s'en  debvoit  partyr  le  xvi". 
M'escripvant  aussi  avoir  entendu  que  le  roy  de  Portugal  avoit  priiis 
la  Balserade*,  qui  est,  ainsi  que  cez  Seigneurs  m'ont  dict,  une  islc  au 

1.  «  Geste  dépesché  fut  mandée  avecques  la  précédente,  qui  est  du  xv°  de  ce 
moys,  par  ung  des  gens  du  seigneur  Sipion  Constance,  jusques  à  Thurin  en  dilli- 
gence. Et  fut  escript  cedict  xx"  febvrier  au  seigneur  Cézar  Fregoso  et  à  M.  de 
Villandry;  dont  n'en  fut  faict  mynute.  » 

2.  Alexandre  III  Cornea.  Simple  portier  de  la  ville  de  Suceava  en  Moldavie,  il 
avait  pris  part  à  la  conspiration  qui  coûta  le  trône  et  la  vie  à  Etienne  VI,  à  la  fin  de 
loiO,  et  lui  avait  succédé.  Mais  Pierre  Raresch,  rentré  en  grâce  auprès  des' Turcs, 
ne  tarda  pas  à  le  vaincre  et  lui  Ot  trancher  la  tête  dans  les  premiers  jours  de 
février  1541. 

3.  Pierre  Raresch. 

4.  Pellicier  semble  avoir  été  mal  informé;  car  l'expression  de  Baisera  désignait 


234  AMBASSADE    DE  [fÉVUIKII    loti] 

devant  de  la  bouche  du  goulfe  de  la  mer  Rouge,  qui  lient  le  passaige 
en  telle  subgeclion  que  l'isle  de  Orinus'  faict  la  bouche  et  entrée 
du  goulfe  de  la  mer  Persicque;  car,  à  rentrée  ou  issue  de  chascun 
desdict/  goulfes  faull  faire  l'estape  ausdictes  isles  respectivement.  El 
que  h*  <îrant  Seigneur  sesjourncroit  audict  Andrinopoli  encores  jusques 
à  la  mv-mars,  ainsi  (lu'il  disoil.  Toulesfoi/.  par  aultres  lettres  du 
xvm"  janvier  j'ay  entendu  que,  dedans  ung  mois  de  là,  s'en  debvoit 
parlyr  pour  retourner  à  Conslanlinople  veoir  comme  Barberosse  avoit 
faict  mettre  en  ordre  son  armée  de  mer,  qu'il  avoit  là  laissé  expres- 
sément pour  cest  efTect,  afiîn  de  y  faire  la  plus  grant  dilligence  qu'il 
seroit  possible,  comme  ay  escript  à  V.  M.;  laquelle  seroit  de  deux  cens 
gallôres,  sans  les  fustes  et  aultres  vaisseaulx.  Qui  est  tout  ce  que  vous 
puys  dire  de  ce  costé  là,  sinon  que  par  les  lettres  que  cez  Seigneurs 
ont  eues  de  leur  ambassadeur  prez  dudict  Grant  Seigneur,  du  xvi"  du- 
dicl  moys  de  janvier,  sont  adveitiz  comme  icelluy  Grant  Seigneur  leur 
a  promys  et  octroyé  une  Iraicte  de  bledz  de  soixante  mil  septiers,  sans 
quelque  aultre  petite  quantité  qu'il  a  accordé  au  nom  de  leur  ambas- 
sadeur et  son  secrétaire;  leur  donnant  bonne  espérance  de  la  restitu- 
tion de  Nadin  et  Laurana.  De  quoy  cez  Seigneurs  ont  eu  merveilleuse- 
ment grant  pluisyr  et  consollacion,  espérans  bien  que  à  la  deslivrance 
des  deniers  qu'ilz  ont  mandez  audict  Grant  Seigneur  par  ung  de  leurs 
secrétaires  et  Janezin,  qui  n'estoyent  encores  arrivez  là,  icelluy  Grant 
Seigneur  leur  en  fera  quelque  bonne  démonstracion.  Hz  ont  aussi 
envoyé  une  nef  à  Napoli  de  Romanye  et  Malvaisye,  pour  lever  les 
souldars  et  aultres  habitans  de  là  qui  n'y  vouldront  demeurer. 

«  Sire,  l'on  a  entendu  icy  comme  ung  gentilhomme  arménian  avoit 
esté  envoyé  à  Cippre  par  le  Soplii,  pour  sçavoir  comme  les  affaires  de 
la  chrestienté  passoyent  avecqucs  le  Grant  Seigneur;  lequel  gentil- 
homme, ayant  entendu  que  cez  Seigneurs  avoyent  faict  la  paix  avccques 
le  Turcq,  et  la  grande  alliance  qu'il  avoit  avecques  V.  M.,  s'en  est 
retourné  grandement  desplaisant,  et,  par  ce  que  l'on  a  peu  comprendre, 
ledict  Soplii  n'est  pour  faire  aulcun  empeschement  ne  encombrier 
ceste  année  audict  Grant  Seigneur. 

«  Sire,  pour  aultant  que  les  personnaiges  qui  s'estoyent  olTertz  à 
vostre  service  comme  vous  avoys  escript,  —  desquelz  il  a  pieu  à  V.  M. 
me  faire  responce,  par  la  vostre  du  xxiir"  du  passé,  de  ce  que  je  auray 


le  port  fort  important  de  Bassora,  sur  !a  rive  droite  du  Chal-el-Arab,  au  Tond  du 
golfe  Persiquc,  tandis  que  la  désignation  Iros  nette  du  site  géographique  de  cette 
île,  défendant  l'accès  de  la  mer  Rouge,  correspond  évidemment  à  Périm,  au  milieu 
•lu  détroit  de  Dab-el-Mandeb,  <iui  fut  en  effet  occupée  à  cette  époque  par  les  Portu- 
gais. 

l.  L'ile  d'Ormus,  ou  mieux  Hormouz,  pour  sa  position,  qui  en  fait  la  clef  du  golfe 
Persique,  et  pour  l'importance  des  riches  pêcheries  de  perles  dont  elle  était  alors 
le  centre,  avait  été  occupée  en  lol't  par  Albuquerque,  qui  en  lit  une  des  premières 
stations  des  Portugais  en  Orient. 


[février    l;i4l'  GUILLAUME    PELLICIER  233 

à  lour  dire,  —  ne  sont  dernourans  en  ceste  ville,  ne  que  n'ay  veu  pas 
unj^de  leurs  agens,  ne  leur  ay  peu  encores  dire  vostre  voulloir  et  inten- 
cion;  mais  je  me  attendz  bien  que  de  brief  ne  fauldront  ù,  m'en  rechair- 
cher,  et  lors  leur  feray  très  bien  entendre  ce  que  m'en  avez  escript,  et 
les  entretiendray  en  ceste  bonne  voullenté  le  mieulx.  que  je  pourray, 
comme  le  semblable  feray  aux  aultres  qui  se  viendront  olTryr  au  ser- 
vice de  V.  M.  » 

Vol.  2,  f'^  120,  copie  du  xvi''  siècle;  -'  pp.  iu-C". 

PELLICIER  AU  CONNÉTABLE. 

146.  —  [Venise],  20  féorkr  1 54 1 .  —  «  Monseigneur,  vous  verrez 
parla  lettre  que  j'escriptz  présentement  au  roy  le  retardement  jusques  à 
ce  jourd'huy  de  ma  dépesche  du  xv'^  de  ce  moys;  dont  ne  m'estenderay 
aultrement  à  vous  supplyer,  si  ay  demeuré  trop  longuement  à  escripre 
à  S.  M.  et  à  vous,  m'en  avoir  pour  excusé.  Tant  seuUement  vous  diray 
que  depuys  lediclxv",  ainsi  que  jay  receu  lettres  de  messire  Vincenzo 
Maggio,  cez  Seigneurs  en  ont  pareillement  eu  de  leur  ambassadeur 
prez  du  Grant  Seigneur.  Lesquelz  suys  allé  veoir  ce  matin  pour 
sçavoir  s'ilz  avoycnt  rien  de  nouveau  davantaige  que  ce  que  j'escriptz 
au  roy,  pour  luy  faire  sçavoir  et  à  vous.  Mais  ilz  ne  m'ont  rien  dict  de 
plus,  sinon  que  le  Grant  Seigneur  relourneroit  bientôt  ca  Constanti- 
nople  où  esloit  Barberosse,  qui  ne  fréquentoit  pas  trop  l'Arcenal; 
et  que  pour  cesle  année  ne  armeroit  que  quatre- vingtz  gallères  et 
soixante  fustes  qui  estoyent  comme  gallères,  bien  que  j'aye  escript  au 
roy,  comme  verrez,  deux  cens  gallères  sans  les  fustes,  ainsi  que  m'a 
escript  ledict  messire  Vincenzo.  Me  disant  oultrc  que  le  Grant  Sei- 
gneur ne  faisoit  aulcune  préparation  de  l'exercite  par  terre  davantaige 
que  ce  qui  estoit  desjà  mys  en  ordre,  et  qu'il  avoit  ordonné  aux 
bassatz  aller  vers  la  Hongrye;  et  en  somme  comme  j'ay  de  bien  bonne 
part  qu'il  n'estoit  pour  rien  faire  davantaige  jusques  ad  ce  qu'il  eust 
advis  et  responce  de  S.  M.,  suyvant  laquelle  il  en  feroiL  tout  et  ainsi 
que  le  roy  vouldroit.  Et,  comme  j'ay  entendu  par  aultres,  ont  aussi  eu 
adviz  que  le  roy  de  Polonia  '  se  monstroit  incliné  à  la  dévotion  du  roy 
des  Romains,  pour  la  conservation  de  sa  fille  -,  eslans  cesdictz  Sei- 
gneurs en  bonne  espérance  de  ravoir  ÎN'adin  et  Laurana  au  desbour- 
sement  des  deniers  qu'ilz  avoyent  envoyez  audict  Grant  Seigneur  par 
ung  de  leurs  secrétaires  et  Janezin;  et  que  toutes  leurs  aultres  choses 
prendroyent  bon  chemyn. 

«  Monseigneur,  vous  verrez  aussi  par  les  lettres  que  j'ay  escriptes 
au  roy  le  xve  en  quel  estât  sont  les  affaires  de  S.  M.  envers  cez  Sei- 

1.  Sigismond  I". 

2.  Isabelle,  reine  de  Hongrie. 


236  AMBASSADE   DE  [pÉvniEU    lo4l] 

gncurs,  et  ronipeschemont  que  voulloyenl  faire  aulcuns  d'entre  eulx, 
pour  ne  luy  debvoir  escripre  si  anVctueusemenl  qu'il/,  ont  faict,  ainsi 
que  l'on  m'a  asseuré;  dont  aulcuns  veullent  dire  que  ce  porsonnaige 
qui  proposa  ses  raisons  pour  ne  debvoir  mander  ladicle  lettre,  se  trou- 
vant tant  de  ballottes  contre  son  oppinion,  en  print  si  grand  dcsdaing 
et  des|iicl  t\n"i\  en  tomba  mallade  si  grielvemenl  que  jamais  n'en  est 
relevé,  dont  est  mort  ce  jourd'liiiy.  » 

Vol.  2,  f'J  l'-'T,  copie  <lu  .\vi«  siècle;  I  p.  in-f». 

PELLICIER   A   M.    n'ANNEHAl'LT. 

147.  —  [Tew/s^l,  20  février  1 54 1 .  —  Pellicier  entretient  le  maré- 
chal du  voyage  de  Rincon  et  de  Fregoso,  et  lui  annonce  les  nouvelles 
reçues  d'Andrinople,  dont  il  a  esté  question  dans  les  lettres  au  roi 
des  15  et  20  février. 

Vol.  2,  f»  127  v",  copie  du  xvi«  siècle;  1/3  p.  in-f°. 

PELLICIER   A   RINCON. 

148.  —  [Vetiise],  20  février  1 54 1 .  —  «  Monsieur,  j'ay  receu  voslre 
lettre  escripte  à  Thiran  *  le  x^  de  ce  moys,  laquelle  non  seullement 
à  moy  fut  grandement  agréable  et  consolative,  mais  encores  à  plu- 
sieurs aultres  bons  serviteurs  du  roy  et  voz  amys  qui  sont  icy,  aus- 
quelz  ne  faillys  incontinent  le  faire  entendre,  comme  le  semblable 
feiz-je  le  lendemain  que  la  receuz  à  ceste  Seigneurie,  la  remerciant 
très  affectueusement,  de  la  part  de  S  .  M.  et  de  la  vostre,  de  la  si 
bonne  compaignye  qu'ilz  vous  avoient  donnée,  laquelle  avoit  faict  si 
bien  son  debvoir  que  vous  en  estiez  merveilleusement  contant  et 
satisfaict  et  leur  en  restiez  obligé.  Et  pour  ce  que  je  suys  adverty  que 
le  seigneur  domp  Diégos,  aprez  que  vous  en  fustes  party,  ayant 
donné  à  congnoistre  à  cez  Seigneurs  qui  vous  estez,  et  dont  estiez  issu, 
avoit  tenu  propoz  en  plein  colliége  que  vous  n'aviez  point  cherché  le 
saufconduyt  et  seureté  pour  danger  ne  paour  que  vous  eussiez  de 
luy  ne  aultres  ministres  de  l'empereur,  mais  seullement  pour  vous 
donner  réputacion;  et  que  vous  saviez  bien  que  de  tout  ce  n'y  avoit 
lieu,  car  eussiez  esté  aussi  seur  en  sa  maison  que  en  la  mienne  propre, 
■et  plusieurs  aultres  propoz  ausquelz  je  ne  faillys  de  respondre  sur 
chascun  poinct,  de  sorte  que  je  pence  que  la  responce  povoit  satis- 
faire à  sa  proposition,  où  je  ne  oblyay  de  mettre  avant  et  m'ayder  du 
tesmoignage  d'une  lettre  envoyée  de  Millan,  de  laquelle  vous  envoyé 
le  double,  pour  monstrer  le  contraire  de  ce  qu'il  disoit  n'y  avoir  lieu, 

1.  Tirano. 


[fÉVIUER    1u41'  GUILLAUME   PELLICIER  237 

et  faire  entendre  à  cez  Seigneurs  combien  leurs  gens  avoyent  esté  bien 
à  propoz  et  nécessaires.  Lesquclz  me  feirent  faire  responce  par  la 
bouche  du  magniftique  Thomas  Contarin  '  que,  ayans  congueu  tous- 
jours  la  sincère  et  parfaicte  amour  du  roy  envers  eulx,  et  mesmement 
par  les  bons  effectz  que  incessamment  avez  faictz  pour  ceste  répu- 
blicque  et  singullièrement  pour  la  bonne  offre  que  luy  avez  faicte  et 
qu'elle  s'attend  que  vous  ferez  mesmes  oftices  envers  S.  M.,  comme 
ils  estoyent  altenuz,  désiroyent  en  toutes  choses  le  recognoistre  et 
agréer  à  S.  M.  et  à  vous,  et  estoyent  très  aises  que  leurs  gens  vous 
ayent donné  occasion  de  vous  contenter  et  colloder  delà  bonne  com- 
paignye  qu'ilz  vous  ont  faicte,  mesmement  sçaichans  pour  vray  que 
sans  ce  vous  eussiez  peu  passer  grand  danger;  lesquelz  n'eussent 
voullu  pour  rien  au  monde,  principallement  là  où  ilz  vous  eussent  peu 
garentyr,  et  qu'ilz  en  remercyoyent  et  regratioyent  Dieu...  » 

Le  reste  de  la  dépêche  est  consacré  aux  nouvelles  du  Levant,  déjà 
mentionnées  dans  les  précédentes  lettres. 

Vol.  2,  f^  127  Y°,  copie  du  xvi^  siècle;  1  p.  3/4  in-f-^. 

PELLICIER  A  M.   DE  LANGEY  2. 

149.  —  [Venisel  20  février  1541.  —  Même  sujet  que  dans  les  dépê- 
ches précédentes. 

Vol.  2,  fo  128  r",  copie  du  .\vi«  siècle;  1  p.  1/2  in-f». 


PELLICIER  A  VINCENZO  MAGGIO  3. 

150.  —  Venise,  28  février  1541 .  —  Pellicier  a  reçu  ses  lettres  des 
14  et  16  janvier.  Mêmes  nouvelles  que  dans  les  lettres  précédentes. 

«  In  Venetia.  » 
Vol.  2,  f°  129,  copie  du  xvP  siècle;  1  p.  in-f°. 


1.  Tommaso  Contarini.  Il  avait  été  chargé,  à  l'automne  de  1539,  malgré  son  grand 
âge  —  il  avait  alors  quatre-vingt-quatre  ans,  —  d'une  négociation  avec  la  Porte. 

2.  «  Le  XXP  de  ce  moysfut  escript  audict  seigneur  de  Langey,  par  ung  homme  de 
pyed  qu'il  avoit  mandé  icy,  et  fut  mandé  audict  seigneur  un  pot  de  gingembre 
vert  et  un  autre  de...  [le  mot  est  resté  en  blanc]. 

«  Item,  le  XXIIlPfebvrier  fut  escript  à  M.  de  Rhtjdez,  dont  n'en  fut  faict  mynute.  • 

3.  En  italien.  —  «  Escript  cedict  jour  à  M.  l'arcevesque  de  Raguse,  à  la  Seigneurie 
dudict  Raguse,  et  à  maître  Guillaume  l'orlogier.  Et  sesjourna  ceste  dépesche  à  cause 
du  maulvais  temps  jusques  au  VIP  mars;  auquel  jour  fut  escript  à  messer  Petreo 
en  Raguse,  et  lui  furent  envoyez  deux  livres  grecz. 

«  Nota,  qu'il  a  été  escript  à  M.  de  Rodez  le  III"  jour  de  mars,  dont  n'en  fut  faicte 
mynute.  » 


238  AMUASSADE   DE  ^MARS    lo4l] 

PEI.LICIER  W  n<il*. 

151.  —  [  W'tusr],  7  nuirs  1  !)4i .  —  «  Sire,  depiiys  les  dernières  lettres 
quf  ay  escriplos  ii  V.  M.  du  wdu  passt!',  rez  Seigneurs  ont  eu  lettres 
de  leur  anibassad«'tir  pre?  de  l'empereur,  et  peu  auparavant  d'aultre 
bon  lieu,  en  semblable  substance,  contenans  quant  à  la  dielle  faicte  en 
Wormes,  [comme]  l'on  povoit  avoir  entendu  la  niaulvaise  résolucion 
qui  en  a  esté  entre  les  princes  d'Allemaigne;  lesquelz  ont  use/,  d'es- 
tranf^es  parolles,  niesmeuH'iit  les  agcns  des  duc/,  de  Saxonie,  de  Vir- 
tember^*,  de  Clèves  et  du  landgrave  •',  renionslrans  avecques  évidantes 
raisons  le  inaulvais  vouUoir  de  l'empereur  contre  iceulx,  en  luy  mettant 
avant  plusieurs  bienlaict/  par  luy  à  eulx  promys.  Desquel/,  n'en  a 
poinct  attendu/,  aulcun,  ains  au  contraire  cherché  tous  les  moyens 
qu'il  a  peu  de  oster  l'auctorité  qu'il/,  ont,  luy  recordant  aussi  le  récent 
exemple  de  Gand,  qui  soubz  sa  foy  a  réduicl  au  terme  que  on  le  veoit 
mainctenant*,  allégans  aussi  l'observation  qu'il  a  faicte  et  tenue  de 
tout  ce  que  a  promys  à  V.  M.;  non  qu'il  ait  ce  faict  pour  le  droict  et 
bien  de  l'empire,  mais  pour  quelque  desaing  qu'il  a  en  fantaisye, 
lequel  il/,  jugent  (juc  ne  soyt  aullre  que  pour  saparticullière  grandesse, 
et  beaulcoup  d'aultres  paroUes  que  comme  escript  ledict  ambassadeur 
seroyent  superflues  à  réciter,  jusques  à  dire  qu'il  a  cherché  de  mettre 
à  mal  leur  vye  et  àme;  et  enfin  la  conclusion  a  esté  que  s'il  voulloit 
ainsi  se  faire  grand  et  monarcque,  qu'il  le  cherchast  par  aultre  voye 
que  par  la  leur,  car  ilz  se  doulloyont  que  par  leurs  œuvres  et  moyens 
il  soit  si  grant,  et  qu'il/,  ne  le  veullent  faire  davanlaige.  Et  quant  ad  ce 
qu'il  demandoit  secours  et  subside  pour  le  roy  Ferdinando  aux  choses 
de  Hongrye,  ont  respondu  non  estre  leur  inlérest,  mais  que  quant  ilz 
verront  eslre  besoin  deffendre  leurs  choses  et  de  l'empire,  ilz  y  pour- 
voyeront.  Enfin  escript  ledict  ambassadeur  que  la  diette  n'estoit  pour 
se  faire  aultrement  et  que  les  choses  alloyent  tant  mal  qu'ilz  ne 
povoyent  estre  pys  pour  tous  respectz.  Et  cstimoit-on  là  que  icelluy 
empereur  passeroit  en  Itallye  le  plus  tost  qu'il  pourroit  avecques 
quelque  nombre  d'Allemans  vouUenlaires  pour  se  asseurer  de  ladicte 
Itallye,  en  les  mettant  à  lencontre  de  voz  gens  qui  sont  en  Pyedmont; 
et  que  sa  personne  marcheroit  avant  vers  IN'aples,  faisant  le  chemin 
vers  la  Tuscane,  et  du  tout  se  asseureroit,  en  y  laissant  puyssantes 
gardes,  et  en  menant  avecques  luy  les  suspectz;  et  qu'il  chercheroyt 

1.  «  Escripl  ccdicl  jour  à  MM.  les  cardinaulx  de  Tuiirnon,  du  Bellay,  et  de 
Ferrarc,  et  au  soigneur  Cézar  Fregoso,  et  aussi  à  Sainct-Pol  et  Garrigues,  au  sire 
Laurens  Charles.  Et  fut  mandi':  l'c-xtraordinaire  en  court  avecques  certaines  ins- 
tructions. Dont  n'en  fut  faicte  niynutc.  » 

2.  Ulrich  V,  duc  de  Wurtemberg. 

3.  Philippe  le  Maqnanime,  landgrave  de  Hcsse. 

t.  Allusion  à  la  répression  cruelle  exercée  par  Charles-Quint  sur  les  Gantois 
révoltés,  en  avril  1.^40. 


[mars    lb4l]  GUILLAUME    l'ELLICIER  2:J'J 

de  faire  faire  tous  eflect/.  de  se  asscurer  avecques  le  pape  en  toutes  les 
façons  qu'il  pourra,  et  pareillement  des  seigneurs  et  barons  qui  sont 
au  royaulme  de  Naples  qui  ont  de  luy  suspeçon,  comme  du  seigneur 
Ascanio  Goulonne  et  aultres  iniiniz,  et  les  sollicitera  avant  que  le 
Grant  Seigneur  luy  donne  facherye  ou  empeschement  par  mer  ou  par 
terre.  El  quant  à  cez  Seigneurs,  fera  que  Ferdinando  y  pourvoyera, 
pour  aiiltaiit  qu'il  a  des  lieux  en  Friol,  et  que  par  la  voye  du  conté  de 
Thirol  les  tiendra  en  suspeçon  de  garre,  et  cependant  attenderont  à 
leurs  affaires.  Par  aultres  lettres  que  ledict  ambassadeur  a  depuys 
escriptes  à  cez  Seigneurs,  leur  faict  entendre  que  ledict  empereur  a 
mandé  à  domp  Bernardin  de  Mendoce,  admirail  d'Espaigne,  qu'il  ayt 
avecques  toutes  ses  gallères  à  se  trouver  pour  le  plus  long  à  la  lin 
d'apvril  à  Gennes,  là  où  l'empereur  faict  son  compte  estre  arrivé, 
s'embarcquer  incontinant  pour  passer  en  Espaigne.  Ce  néantmoings. 
Sire,  il  y  a  ici  tant  de  variables  oppinions  de  sondict  passaige  que  l'on 
ne  sçait  bonnement  à  quoy  s'en  tenyr;  car  les  ungs  disent  qu'il  sera 
de  brief  en  Ittalye,  et  les  aultres  du  contraire.  Et  entre  aultres  l'ambas- 
sadeur du  duc  d'Urbin,  qui  a  réputacion  d'avojr  grant  discours  et  de 
sçavoir  telz  affaires,  a  dict  en  quelque  bon  lieu  que  pour  beaulcoup  de 
raisons  ledict  empereur  ne  viendroit  point  en  Ilallye,  ou  à  tout  le 
moings  n'y  seroit  devant  septembre. 

«  Sire,  j'ay  dernièrement  escript  à  V.  M.  ce  que  avoys  entendu  par 
messire  Vincenzo  Maggio  touchant  les  préparations  que  faisoit  le 
Grant  Seigneur,  tant  par  mer  que  par  terre,  et  aussi  comme  cez  Sei- 
gneurs avoyent  eu  adviz  par  leur  ambassadeur  prez  dudict  Grant  Sei- 
gneur n'estre  si  grandes,  mesmement  par  mer  comme  escripvoit  ledict 
messire  Vincenzo;  mais  depuys  ont  esté  advertiz  que  ledict  Grant  Sei- 
gneur faict  trop  plus  grant  aprest  d'armée  de  mer  que  leurdict  ambas- 
sadeur ne  leur  avoit  escript.  Et  que  en  Negroponte  et  es  environs  se 
faict  très  grant  appareil  de  biscuitz,  et  encores  assez  bonne  quantité  à 
la  Vallonné  ',  quelque  grant  nécessité  qu'il  y  ait  de  grains,  ayans  aussi 
entendu  par  lettres  de  Gennes,  que  trente-quatre  fustes  ou  brigantins 
parmy  quelques  gallères  avoyent  esté  veues  tenant  la  voye  d'Algier, 
mais  que  l'on  ne  sçavoit  encores  où  ils  s'adressoyent,  ne  quelle 
emprinse  vouUoyent  faire. 

«  Sire,  cez  Seigneurs  ont  aussi  eu  lettres  de  leur  ambassadeur  prez 
du  roy  Ferdinando,  par  lesquelles  ont  entendu  comme  quinze  mil  che- 
vaulx  turcqs  avoyent  prins  d'assault  une  ville  appelée  VacciaS  cité 
épiscopalle  prez  de  Bude,  quatre  mil  de  ce  pays  là,  de  laquelle  l'évesché 
avoit  esté  donnée  dernièrement  au  filz  de  Périmpéter,  révolté  à  la 

1.  Avlone,  r.^u/oîi  des  Grecs,  antique  ville  tle  l'Albanie,  à  Mi  kilom.  d'Otranlo, 
avec  un  excellent  port  sur  l'Adriatique. 

2.  Waitzen  (en  hongrois  Vacz),  ville  <le  Hongrie,  sur  la  rive  gauche  du  Danube, 
à  37  kilom.  de  Bude. 


2iO  AMBASSADE    DE  [mAUS    lo4i] 

partNo  du  roy  Ferdinaiulo  ';  et  avoycnt  prins  pour  emmener  esclaves 
toutes  les  personnes  utilles  à  servyr,  et  mys  en  pièces  tous  ceulx  qui 
estovenl  dedans  dudicl  rov.  Et  le  semblahle  avovent  faict  des  hahitans 
d'icelle  pnur  leur  cage  ou  indisposition  inulilles;  dont  les  Impériaulx, 
cuydans  remédier  à  telle  nouvelle  et  voullans  donner  à  entendre 
tousjours  (juc  leurs  affaires  ne  vont  que  bien,  ont  mys  avant  qu'ilz 
estovenl  uni/,  luy  et  le  roy  de  l'oullonj^ne,  et  que  laroyne  de  Poullongne 
avoit  mandé  à  la  douliairiére  roync  de  Ilonj^rye  sa  iillc  qu'il  f'ailloit 
qu'elle  s'arcordast  avecqucs  ledict  roy  Ferdinando,  sur  tant  qu'elle 
oraignoit  son  indignation  jusques  à  la  menasser  de  sa  mallédicion. 

«  Sire,  depuys  mes  dernières  lettres  est  venu  vers  moy  l'homme  du 
seigneur  conte  de  Sanseconde,  auquel  n'ay  failly  le  plus  persuasible- 
menl  et  ellicacement  que  me  suys  peu  adviser  à  luy  faire  entendre 
vostre  voulloir  et  intencion,  et  les  raisons  pourquoy  V.  M.  bonnement 
ne  povoit  pour  le  présent  accepter  son  offre,  l'en  remercyant  loutesfoiz 
de  v(»slre  part  fort  affectueusement.  Lequel  a  faict  démonstracion  d'en 
estre  grandement  contant,  me  disant  là  dessus  que  son  maistre,  nonobs- 
tant, n'esloit  deslibéré  de  plus  estre  au  service  de  l'empereur,  et  que 
au  premier  jour  ne  fauldra  à  prendre  congé  de  luy;  et  alors,  toutesfoys 
et  quantes  qu'il  vous  plaira  l'employer,  il  sera  tousjours  presl  à  vous 
faire  service,  en  ayant  très  grande  voullenté,  et,  comme  m'a  dict, 
aussi  bon  moyen  que  nul  aultre  qui  suyve  vostre  party  en  Itallye.  Car, 
oultre  ce  qu'il  le  peult  faire  de  luy-mesmes  pour  ses  eslatz,  encores  a 
il  beaulcoup  de  parens  et  amys  qui  n'ont  pas  peu  de  povoir  :  et  mes- 
mement  les  Malespine,  marquiz  de  Lunesane*,  entre  Sagasane^  et 
Lucques,  pour  estre  ses  bien  proches  parens  et  affectionnez,  et  pareil- 
lement le  conte  Marsilius  Russe*,  qui  tient  en  ses  terres  mil  hommes 
de  guerre  bien  exercitez  aux  armes,  desquelz  y  en  a  cinq  cens  arque- 
busiers bien  adroiclz.  J'ay  tiré  de  luy  que  le  malcontentement  qu'il  a 
de  l'empereur,  c'est  pour  aultant  que  de  toutes  les  promesses  qu'il  luy 
a  faictes,  ne  luy  en  a  jamais  tenu  pas  une;  et  si  davantaige  luy  détient 
une  bien  bonne  grosse  somme  d'argent  qu'il  a  déboursée  et  avancée 
du  sien  propre,  pour  son  service  et  commandement,  sans  qu'il  en  ait 
peu  jamais  recouvrer  ung  seul  denyer  ne  moings  des  pensions  à  luy 
assignées  par  ledict  empereur  :  dont  ne  se  failloit  esmerveiller  s'il  le 
(juitloit  et  ne  voulloit  plus  estre  à  son  service. 

1.  Nicolas  Pérény,  évCque  désigné  de  Yacz  en  1540.  Le  siège  demeura  vacant  jus- 
qu'en 1549. 

2.  Lorenzo  Cibo,  comte  de  Ferentilla,  etc.,  marié  en  1520  à  Ricarda  Malaspina, 
veuve  de  Scipiono  Fieschi,  fille  et  héritière  d'Alberico  Malaspina,  marquis  de  Massa 
et  Carrara.  11  mourut  en  ir.iG,  à  l'âge  de  cinijuante-huit  ans. 

La  Lunegiana  comprenait  une  partie  du  marquisat  de  Massa. 

3.  Sarzana,  ville  de  Toscane,  située  à  13  kilom.  de  la  Spezzia,  près  de  la  rivière 
de  la  Magra.  C'était  la  capitale  de  la  Lunegiana. 

4.  Le  comte  Marsilio  Rosso. —  Les  Slale  papers  {Venetian,  1534-1554,  p.  173)  men- 
tionnent, à  la  date  de  1546,  «  le  •  signur  Marsilio  »,  cavalarizzo  de  l'empereur  ». 


[mars    1o41]  GUILLAUME   PELLICIER  241 

«  Sire,  il  m'a  esté  envoyé  une  le  lire  d'Allemaigne  par  celluy  voslre 
■serviteur  qui  a  acoustumé  de  donner  advertissemens  de  ce  cousté-là; 
laquelle  m'a  semblé,  pour  plus  grant  foy,  vous  la  debvoir  envoyer  en 
son  vray  original.  Hier,  M.  Févesque  de  Transilvania  se  partyt  de  ceste 
ville  pour  s'en  aller  à  Raguse  et  de  là  continuer  son  chemyn  en  Hon- 
grye,  aprez  avoir  receu  son  saufconduict  duquel  ay  escript  à  V.  M., 
me  pryant  vous  supplyer  le  lenyr  tousjours  au  nombre  de  Tung  de  voz 
très  humbles  et  très  afTectionnez  serviteurs,  et  avoir  en  vostre  bonne 
protection  le  pouvre  royaulmc  de  Hongrye,  comme  de  vostre  bénigne 
grâce  et  pyété  avez  tousjours  eu  par  cy  devant,  ce  qu'il  ne  l'auldra 
faire  très  bien  entendre  à  tous  les  seigneurs  de  ce  pays-là,  et  combien 
V.  M.  a  eu  en  recommandation  les  affaires  dudict  pays. 

«  Sire,  le  secrétaire  Fidel  a  escript  à  cez  Seigneurs  comme  le  mar- 
quiz  du  Guast  avoit  deslibéré  aller  avecques  sa  femme  faire  caresme 
prenant  à  Gennes  avecques  André  Doria,  et  que  plusieurs  jugeoyent 
que  c'estoit  pour  traicter  et  adviser  quelque  bon  accord  entre  vous  et 
l'empereur.  Et  s'entendoit  que  ce  pourroit  estre  en  vous  offrant  le  mar- 
quisat de  Montferrat,  et  par  ce  V.  M.  cedderoit  la  duché  de  Savoye 
audict  empereur,  en  donnant  la  duchesse  de  Millau  en  mariaige  au 
fils  du  duc  de  Lorraine  avecques  la  duché,  du  consentement  de  V.  M.; 
et  que  l'empereur  seroit  content  de  ce  faire.  Sur  quoy  le  pape  se  voul- 
loit  entremettre,  prétendant  que  l'empereur  donnast  ladicte  duché  de 
Millau  en  dotte  à  sa  fdle,  femme  du  seigneur  Octavio;  et  ce  faisant 
Sa  Saincteté  promettoit  audict  empereur,  en  récompense,  tant  d'or  et 
d'argent  qu'il  luy  sçauroit  jamais  demander.  Et  d'aultre  cousté  le  roy 
Ferdinando  ne  se  oblye  point,  disant  estre  plus  tenu  faire  bien  aux 
siens  que  à  nulz  aultres,  pryoit  ledict  empereur  donner  ledict  estât  de 
Millau  à  son  grant  filz  -  avecques  sa  fille  :  à  quoy  ledict  empereur  a  res- 
pondu  que  c'estoit  le  meilleur  de  le  tenyr  pour  luy  tant  qu'il  vivroyt, 
•congnoissant  ledict  estât  luy  estre  tant  utille  que  de  en  tirer  tant  d'ar- 
gent qu'il  laict.  Et  sur  ces  propoz.  Sire,  ung  des  plus  grans  de  ceste 
Seigneurie,  et  fort  affectionné  à  V.  M.,  m'a  faict  dire  touchant  telz 
traictez  et  offres  qu'il  vous  plaise  bien  adviser  de  n'en  recepvoir  plus 
de  semblables,  estans  de  nulz  succez  et  efficaces;  car  vous  ne  pourriez 
croire  combien  cela  scandalise  et  rend  incertains  et  suspeçonneulx  tous 
voz  affectionnez  amis  et  serviteurs  de  deçà.  » 

Vol.  2,  f»  130,  copie  du  xvi''  siècle;  ?,  pp.  1/2  in-f". 

PELLICIER  AU  MÊME. 

152.  —  [Venise],  7  maj's  1541 .  —  «  Sire,  tout  à  ceste  heure,  sur  le 
•poinct  que  le  messaiger  estoit  prest  à  partyr,  est  venu  vers  moy  ung 

1.  L'infant  don  Felipe. 

Venise.  —  1540-1342.  16 


242  AMBASSADE   DE  [maiis    l-i4l] 

religieulx,  qui  m'a  apporté  Ictlros  de  créance  de  la  part  des  seigneurs 
conte  Julio  Cezare  de  Gon/.aj;ues'  et  du  cappilaine  Alexandre  Gathanio*; 
lequel  m'a  exposé  de  par  eulx  (jue  (juant  il  vous  plaira  attendre  aulx 
choses  li'Ilallye,  (ju'ilz  ont  Ir  moyen  et  povoir  de  mettre  en  voz  mains 
deux  des  plus  fortes  et  importantes  villes  de  la  duché  de  Millau,  et 
que  de  ce  vous  en  assoureront  par  toutes  les  meilleures  façons  qu'il 
vous  plaira  adviser,  jus(jues  à  vous  en  bailler  hostaiges  leurs  propres 
enfans  ou  aullres  personnes  plus  prochains  parens.  VA  que  quant  il 
vous  plaira  d'y  entendre,  ilz  m'en  viendront  déclairer  le  tout  et  nom 
des  lieux,  et  les  moyens  par  lesquelz  il/,  pourront  certainement  ce 
faire.  El  si  diront  chose  de  plus  grant  importance,  de  sorte  qu'il  aperra 
leur  dire  estre  vray  et  faisible,  tellement  qu'ilz  nous  feroyent  grande- 
ment contans  et  resjouys  de  si  bonnes  nouvelles.  Et  pour  faire  tout  ce 
que  dessus  ne  veullent  que  V.  M.  face  souUement  semblant  de  faire 
aullrcment  gens  de  guerre,  car  d'eulx  mesmes  ilz  pourvoyeront  à  tout 
ce  qu'il  fera  besoing;  et  combien  qu'il  n'eust  charge  de  me  déclairer 
aullrement  quelz  lieux  c'estoyent,  si  l'ay-je  tant  recherché  que  enfin 
je  luy  ay  tiré  de  la  bouche  que  c'est  Crémonne  et  Lodes^.  A  quoyje 
luy  ay  réplicqué  s'il  entendoyt  les  chasteaulx  et  fortresses,  qui  m'a  dict 
que  oy,  et  que  sans  cela  ilz  n'entendoyent  estre  rien  faict.  De  quoy  m'a 
semblé  vous  debvoir  advertyr.  » 

Vul.  2,  fo  131  v^.  copie  du  xvi^  siècle;  3/4  p.  in-f°. 

PELLICIER   AU   CONNÉTABLE. 

153.  —  [Venise],  7  mars  1 541 .  —  «  Monseigneur,  encores  que 
j'estime  bien  le  roy  avoir  peu  estre  adverty  de  la  résoiucion  de  la 
diette  faicte  en  Wormes  entre  les  princes  d'.\llemaigne,  ce  néant- 
moings  accomplissant  ses  commandemens  et  les  vostres  qui  sont  ne 
faillyr  d'escripre  tout  ce  que  puys  aprendre  de  tous  cousiez,  et  aussi 
que  à  l'aventure  S.  M.  la  pourra  avoir  entendue  en  aullre  sorte  que 
celle  que  M.  l'ambassadeur  de  cez  Seigneurs  prez  de  l'empereur  leur  a 
escript,  m'a  semblé  ne  debvoir  obmettre  à  la  faire  sçavoir  ainsi  qu'il 
la  leur  a  escripte,  et  que  l'ay  peu  aprendre.  Et  pour  ce.  Monseigneur, 
que  suys  bien  asseuré  que  la  verrez,  me  sembleroyt  chose  superflue 

1.  Le  comle  Giiilio-Cosare  di  Gonzniïa. 

2.  Alessandro  Caltaneo,  capilainc  italien.  Il  devail  appartenir  à  la  famille  de  Leo- 
nardo  Caltaneo,  doge  de  Gènes  à  celle  même  époque.  Un  cerlain  Marco  Calhaneo 
fui  confirmé  par  Louis  XII  dans  l'office  de  secrétaire  ou  magistral  extraordinaire 
i\c  Milan,  qui  lui  avait  été  donné  par  acte  du  3  décembre  1"J10  (B.  N..  ms.  fr.  ooOO, 
r  21  v").  —  C'est  d'ailleurs  l'époque  où  florissail  à  Venise  même  Danese  Caltaneo, 
sculpteur,  arcliilecte  cl  poète,  élève  de  Jacoi)o  Sansovino,  et  ami  du  Tasse.  Né  à 
Colonnata,  près  de  Carrare,  en  1509,  il  mourut  à  Padoue  en  janvier  l,j"3. 

3.  Lodi. 


[mars    1o41j  GUILLAUME    PELLICIER  243 

VOUS  en  faire  aullre  répéticion,  mais  bien  vous  diray  que  pour  pencer 
remédier  à  telle  nouvelle,  l'ambassadeur  dudict  empereur  qui  est  icy, 
incontinent  en  avoir  esté  adverty,  n"a  failly  d'aller  vers  ceste  Sei- 
gneurie pour  luy  cuyder  faire  croire  que  les  ducs  de  Saxonne,  de 
Virtemberg,  de  Clèves,  et  le  landgrave  ne  faisoyent  diflicullé  de  se 
trouver  à  la  diette  de  Ratisbonne,  sinon  pour  quelque  doubte  qu'ilz 
avoyent  de  l'empereur;  mais  qu'il  y  avoit  pourveu  si  très  bien,  leur 
donnant  telle  asseuranc»^  qu'ilz  ne  faisoyent  plus  difficulté  ne  doubte 
de  s'y  trouver;  et  que  quant  aux  affaires  de  Hongrye,  il  y  avoit  si 
bonne  intelligence  entre  les  roys  Ferdinando  et  de  Poulongne  que  la 
royne  de  Poulongne  '  avoit  mandé  à  la  douairière  royne  de  Hongrye  sa 
fille  qu'il  failloit  qu'elle  s'accordast  avecques  ledict  Ferdinando  et 
penceast  de  délaisser  l'entreprinse  de  retenir  ledict  royaulme  de  Hon- 
grye par  beaulcoup  de  raisons  pour  lesquelles  elle  seroit  par  trop 
désobéyssante  et  desraisonnable  de  y  contrevenyr.  Je  pence  que 
pourrez  avoir  entendu  d'ailleurs  les  raisons  pour  quoy  ladicte  royne 
de  Poulongne  avoit  esté  esmeue  de  chaircher  appoinctement  avecques 
Ferdinando  desdictes  affaires,  qui  est  pour  s'estre  le  vice-roy  de 
Naples,  soubz  coulleur  de  visiter  les  places  de  la  Pouille,  asseuré  et 
empatrony  de  la  forteresse  de  Bar^,  duché  appertenant  à  ladicte 
royne;  par  quoy  estimant  que  ce  eust  esté  pour  ladicte  question  de 
Hongrye,  avoit  pourchassé  ledict  appoinctement,  penceant  par  là 
recouvrer  sadicte  fortresse. 

«  Monseigneur,  par  lettres  de  l'ambassadeur  de  cez  Seigneurs  prez 
du  roy  des  Romains,  l'on  entend  que  la  peste  avoit  esté  fort  grande 
en  son  exercite,  voire  encores  jusques  en  sa  court,  comme  j'ay  escript, 
mais  qu'elle  estoit  cessée,  et  que  Périmpeter,  ung  de  ses  cappitaines, 
avoit  licentié  toute  sa  gendarmerie,  pour  ne  tenyr  si  grant  despence 
inutillement  à  cause  des  froictz  qui  estoyent  si  grans  en  ce  pays-là 
qu'il  n'estoil  possible  d'y  povoir  faire  aulcune  chose.  Ce  néanlmoings 
que  le  Grant  Seigneur  n'avoit  laissé  de  commander  à  tous  ses  gens  des 
confins  de  ce  pays-là  qu'ilz  marchassent  avant  vers  Bude  pour  donner 
secours  au  jeune  enfant  roy;  ce  qu'ilz  ont  faict  de  sorte  qu'ilz  ont 
prins  une  terre  nommée  Vaccia,  ainsi  qne  j'escriptz  au  roy,  escripvant 
aussi  que  le  roy  Ferdinando,  pour  ne  se  trouver  à  la  diette  de  Ratis- 
bonne, s'en  voulloit  aller  à  Vienne;  et  avoit  donné  ung  raynes  ^  à 
chacun  homme  de  guerre  qui  avoyent  esté  à  son  service;  lesquelz  s'en 
estoyent  partis  désespérez  et  guettoyent  les  chemyns,  destroussant  et 
tuant  tous  ceulx  qui  leur  povoyent  venir  par  les  mains.  Et  que  ledict 

1.  Bona  Sforza,  fille  de  Gian-Galeazzo-Maria  Sforza,  duc  de  Milan,  et  d'Isabella, 
princesse  de  Naples;  seconde  femme  de  Sigismond  l",  qui  l'avait  épousée  en  lolS. 
Née  en  1491,  elle  mourut  à  Bari,  le  17  septembre  1558. 

2.  Bari,  ville  et  province  de  la  Pouille,  au  bord  de  l'Adriatique. 

3.  Rheinisches  goldgulden,  écu  d'or  du  Rhin    monnaie  d'Empire. 


244  AMBASSADE   HE  >JARS    i54l] 

roy  vouUoil  allendre  à  sa  conservacion  el  non  à  celle  de  l'empereur; 
dont,  pour  cosle  cause,  ne  se  vuulluil  trouver  à  ladicle  diclle. 

«  Monseigneur,  eslaiil  bien  certain  que  aurex  entendu  par  la  voye  de 
Home  le  débat  qui  est  meu  puis  nagucres  entre  le  pape  et  le  seigneur 
Ascanio  Colona,  ne  v<jus  en  feray  aullre  répéticion,  ne  pareillement, 
sinon  en  bricT,  de  l'assemblée  que  Sa  Saincteté  a  faict  faire  de  tous  les 
ambassadeurs  ([ui  sont  auprez  de  luy  en  la  maison  de  M.  le  cardinal 
de  Trani',  par  la  bouche  duquel  il  avoit  faict  entendre  comme  certains 
princes  et  seigneuries  d'ilallye  en  entreprennoyent  sur  la  jurisdiclion 
et  auclorilé  de  l'Esglise,  prenant  congnoissauce  des  choses  des  gens 
ecclésiastic([ues,  et  s'entremetlant  des  provisions,  des  collations,  des 
béneflices,  énervation  et  mespris  de  l'auctorilé  de  rEsglise,  ce  qu'il 
n'estoit  deslibéré  d'endurer;  dont  estoit  résolu  en  dépescher  bulle 
pour  envoyer  à  chacun  d'iceulx,  et  mesmement  à  cez  Seigneurs,  pour 
aymer  leur  bien  plus  que  de  tous  aultres.  De  quoy  leur  secrétaire  qui 
est  prez  Sa  Saincteté  ^  les  adverlit  inconlinanl  en  loulte  dilligence. 

«  Monseigneur,  Tassin  de  Luna  m'a  escripl  vous  avoir  parlé  d'ung 
bien  bon  et  alfectionné  serviteur  du  roy,  qui  est  en  Allemaigne,  dont 
ne  m'estenderay  à  vous  le  déchiffrer  aullrement;  mais  bien  vous  diray 
que  ledict  Tassin  m'a  envoyé  une  lettre  qu'ilareceue  de  luy,  laquelle 
je  mande  présentement  au  roy  en  son  propre  original,  pour  y 
adjousler  plus  de  foy.  Si  d'aventure  n'entendiez  qui  est  le  prophète 
nommé  dedans,  c'est  le  pape.  Vous  verrez  par  icelle  comme  il  a  con- 
venu payer  dix  escuz  d'or  pour  le  port  depuis  Ratisbonne  jusqu'à  Luna 
seullement,  sans  deux  escuz  qu'il  a  cousté  depuys  ledict  Luna  jusques 
icy  :  dont,  Monseigneur,  je  vous  vouldroys  bien  supplyer  me  faire 
entendre  si  je  doibz  continuer  à  faire  telle  despence,  car,  comme  l'on 
pourra  veoir  par  mes  comptes  extraordinaires,  se  peut  monter  en 
moings  d'une  année  environ  cent  escuz.  Lesquelz  comptes  j'envoye 
présentement  à  mon  homme  qui  est  à  la  court;  dont,  ayant  soubz 
Dieu  ma  paifaicte  confiance  du  tout  en  vous,  vous  ay  bien  vouUu  sup- 
plyer qu'il  vous  plaise  faire  ordonner  le  plus  tost  qu'il  sera  possible 
estre  deslivré  argent  pour  mon  remboursement;  car,  je  vous  asseure, 
Monseigneur,  que  je  m'en  trouve  en  plus  grande  nécessité  que  je  ne 
feiz  jamais,  et  quant  je  l'auray  receu,  ne  demeurera  guères  entre  mes 
mains,  pour  aullant  que  je  le  doibz  et  davantaige.  Et  si  enuye  beaul- 
coup  à  mes  créditeurs  que  je  demeure  si  longuement  à  les  satisfaire; 
et,  de  faict,  je  ne  sçay  plus  à  qui  me  retirer,  pour  l'avoir  très  bien 


1.  Giovanni-Domenico  Ciipi.  cardinal  (1317),  administrateur  de  rarchcvêché  de 
Trani,  de  151"  à  lool,  mort  le  19  décembre  1553,  après  avoir  occupé  successivement 
les  sièges  de  Macerata  (1528-153";),  d'Adria  (1528-1553),  de  Monlepeloso  (1532-153';), 
de  Camerino  (1535-1537),  de  Porto  (1535-1537),  d'Ostie  (1537-1553)  et  de  Recanati 
(1552-1553). 

2.  Lorenzo  Bragadino,  qui  avait  remplacé  à  Rome  Antonio  Soriano,  en  octobre  1535. 


[mars    1541]  GUILLAUME    PELLICIER  2't'6 

expérimenté  depuys  peu  de  jours  que,  me  retrouvant  eu  grande  néces- 
sité, me  Youlluz  adresser  à  ceulx  desquelz  j'en  avoys  jà  empruncté, 
estimant  qu'ilz  me  dcubsent  secouryr  au  besoing,  pour  estre  tant 
affectionnez  au  service  du  roy;  mais  comme  vous  sçavez  très  bien 
qu'il  n'y  a  point  de  fyance  en  telles  matières,  mesmement  aux  gens  de 
ce  pays  icy,  ilz  me  sceurent  très  bien  respondrc  que  si  je  eusse  faict 
mon  debvoir  de  leur  rendre  et  satisfaire  les  vieilles  dcbtes,  que  je  les 
eusse  tousjours  trouvé  à  mon  commandement,  et  qu'ilz  n'en  voul- 
loyent  plus  bailler,  qu'ilz  n'eussent  estez  remboursez  premièrement. 
Ce  que,  Monseigneur,  n'ay  peu  faire  encores  jusques  icy;  dont  suys 
contrainct  à  très  grant  intérest  trouver  aultres  amys  pour  me  secouryr 
d'argent  à  faire  ma  despence  ordinaire  et  extraordinaire,  en  attendant 
que  aye  receu  ce  que  j'ay  advancé.  Par  quoy  je  vous  supplye  derechef 
m'y  faire  povoir  le  plus  tost  qu'il  sera  possible,  et  qu'il  vous  plaise 
avoir  souvenance  des  bons  serviteurs  du  roy  qui  sont  icy.  Lesquelz  ne 
sçavent  que  veult  dire  récompence,  sinon  celle  que  de  ma  petite  puis- 
sance leur  ay  tousjours  faicte  le  mieulx  qu'il  m'a  esté  possible,  les 
tenans  en  espérance  de  jour  en  jour  de  leur  faire  avoir  mieulx 
avecques  le  temps;  mais  ilz  commencent  fort  à  en  désespérer,  et  ay 
bien  affaire  à  les  mainctenyr  :  dont,  Monseigneur,  pour  ne  vous 
attédier,  ne  vous  en  diray  davantaige,  sinon  que  eulx  et  moy  nous 
recommandons  très  humblement  à  vostre  bonne  grâce. 

«  ...  Monseigneur,  encores  que  ma  lettre  soit  assez  grande,  toutesfoiz 
il  m'a  semblé  ne  debvoir  obmettre  à  vous  escripre  ce  que  tout  à  ceste 
heure  je  viens  d'entendre,  c'est  qu'ung  nommé  Bernardo  Tasso*, 
secrétaire  du  prince  de  Salerne  *,  est  arrivé  icy  depuys  cinq  ou  six 
heures,  venant  en  toute  dilligence  de  Ratisbonne,  où  il  dict  l'empereur 
estre  arrivé  le  xxiii''  du  passé,  et  que  les  princes  d'Allemaigne,  mesme- 
ment les  ducz  de  Saxonne,  de  Virtemberg,  et  le  landgrave,  moyennant 
telle  asseurance  qu'ilz  sçauront  adviser,  ne  doubleront  de  se  trouver  à 
la  diette  dudict  Ratisbonne.  Ce  néantmoings  ilz  ne  se  reposeront  tant 
sur  la  seureté  et  foy  d'aultruy  qu'ilz  ne  se  asseurent  par  tous  les 
moyens  qu'ilz  pourront  d'eulx-mesmes  faire.  Et  pour  ce  viendront  tous 


1.  Bernardo  Tasso,  issu  de  l'illustre  maison  des  Torregiani  de  Bergame,  poète 
italien,  père  du  célèbre  Torquato  Tasso.  Né  en  1493,  à  Bergame,  mort  en  1309,  il  fut 
attaché  successivement  comme  secrétaire  au  prince  de  Salerne  (lo31),  au  duc 
d'Urbin  et  enfin  au  duc  de  Mantoue,  qui  lui  confia  le  gouvernement  d'Ostiglia.  On 
a  de  lui  un  poème  en  cent  chants,  Amadis  de  Gaule,  imité  du  fameux  roman  de 
chevalerie,  qu'il  termina  en  loiO,  et  diverses  autres  compositions,  poèmes,  odes, 
églogues,  élégies,  etc. 

2.  Ferrante  di  San  Severino,  quatrième  prince  de  Salerne,  né  à  Naples  en  1307, 
mort  à  Avignon  en  1568.  Longtemps  employé  au  service  de  Charles-Quint,  il  se 
distingua  en  Allemagne,  en  Flandre,  en  Afrique  et  en  Italie. 

La  principauté  de  Salerne,  située  sur  le  golfe  de  ce  nom,  à  55  kilom.  de  Naples, 
avait  été  donnée  en  1463  par  Ferdinand  1",  roi  de  Naples,  à  la  maison  de  San  Séve- 
rine. 


246  AMBASSADE    DE  [marS    1d41] 

ensf  mblo,  ayans  mil  cimj  cens  lioiunies  de  guerre  à  cheval,  sans  leur 
Iraiii  ordinaire,  ([ui  se  montera  bien  aultres  cinq  cens;  et  auront  à 
ladicle  ville  tout  ung  tiuarlier  pour  eulx  d'où  seront  maistres,  se  con- 
l'vans  que  pour  le  i)etil  nombre  de  gens  que  ledict  empereur  aavecques 
luy,  qui  n'est  de  plus  que  quatre  cens  chevaulx,  bourguignons,  qui 
furent  jadis  à  la  garde  du  prince  d'Orenge  *,  l'empereur  n'est  pour  leur 
faire  rien.  Dict  en  oultre  que  ledict  empereur  l'envoyé  pour  faii-e  que 
le  tout  soit  prest  pour  son  passaige  en  Gennes  à  la  Sainct-Jeban  pour 
le  plus  tard,  voullanl  cslre  embarcqué  en  ce  temps  là  pour  passer  en 
Espaigne.  Ce  néantmoings,  s'il  est  vray  ce  que  l'empereur  a  tenu 
propoz  en  secret  audict  prince  son  maistre,  de  venyr  faire  un  passage 
à  Naples  pour  se  prendre  garde  de  ce  que  le  Grant  Seigneur  aura  à 
faire  k  ce  printemps  en  ce  pays  là,  ne  se  pourra  faire  qu'il  soyt  si  lost 
à  Gennes  comme  il  a  faict  son  desaing,  » 

Vol.  2,  f"  132,  copie  du  xvi'^  siècle;  4  pp.  1/2  in-f". 

PELLICIER   A   LA   REINE   DE   NAVARRE. 

154.  —  [Venise],  7  mars  /o41.  —  Mêmes  nouvelles  que  dans  les 
lettres  précédentes. 

Vol.  2,  f>  133  v°,  copie  du  xvi»  siècle;  1/3  p.  in-  f°. 

PELLICIER  AU  CONNÉTABLE  2, 

155.  —  [Venise],  7  mars  1541.  —  Mêmes  nouvelles  que  dans  les 
lettres  précédentes. 

Vol.  2,  fo  133  v°,  copie  du  .\vi«  siècle;  3/4  p.  in-f". 

PELLICIER   A   M.    D'aNNEUAULT. 

156.  —  [Venise],  7  mars  1541 .  —  Pcllicier,  ayant  été  averti  que 
M.  d'Annebault  était  allé  faire  un  voyage  à  sa  maison  de  Bretagne'',  et 
présumant  qu'il  ne  sera  peut-être  pas  encore  rentré  à  la  cour  lorsque 
les  dépèches  y   arriveront,  lui  envoie   à  tout  hasard  les   nouvelles 

1.  La  principauté  d'Orange,  qui  appartenait  à  la  maison  de  Chalon,  passa,  en 
1530,  par  suite  de  l'extinction  de  cette  famille,  à  la  branche  ottonienne  de  la  maison 
de  Nassau,  par  la  fille  et  unique  héritière  de  Philibert  de  Chalon,  prince  d'Orange, 
mort  en  1530. 

2.  «  Le  contenu  de  la  présente  fut  escript  à  MM.  les  cardinaux  de  Tournon,  Ferrare 
et  du  Belay,  dudict  VII"  mars.  » 

3.  Claude  d'Annebault  possédait,  en  Brelfigne,  on  l'a  vu  plus  haut,  les  baronnies 
de  la  hunaudaye  et  de  Retz,  qu'il  tenait  de  sa  femme,  Françoise  de  Tournemine, 
baronne  de  la  Hunaudaye  et  de  Relz,  du  fait  de  son  premier  mari,  Pierre  de  Laval, 
seigneur  de  Montafdanl 


[mars    1541]  GUILLAUME   PELLICIER  247 

relatives  à  la  diète  dont  il  a  été  parlé  dans  la  lettre  au  roi.  Il  prie 
en  outre  M.  d'Annebault  de  défendre  ses  intérêts  auprès  du  roi. 

Vol.  2,  f"  13i,  copie  du  .\vi°  siècle;  1  p.  in-f". 

PELLICIER   A   lUiNCON. 

157.  —  [Fenise],  7  maj's  1 54 1 .  —  «  Monsieur,  ne  vouUant  jamais 
faillyr  à  vous  tenyr  adverty  des  choses  que  je  congnoys  vous  toucher 
de  plus  prez  que  à  nul  aultre,  encores  que  soys  bien  asseuré  que 
n'estes  en  aulcun  double  de  la  bonne  voullenté  que  aulcuns  vous 
portent,  et  que  comme  prudent  ne  faillez  à  vous  tenyr  tousjours  bien  sur 
voz  gardes,  néantmoings  n'ay  vouUu  obmettre  à  vous  envoyer  ung 
double  d'une  lettre  que  ay  receu  de  l'amy  d'Allemaigne  par  la  voye  de 
Tassin  de  Luna,  tout  ainsi  que  l'ay  receu,  sans  y  augmenter  ne  dimi- 
nuer aulcune  chose;  de  laquelle  j 'envoyé  l'original  au  roy.  » 

Pellicier  informe  ensuite  Rincon  des  nouvelles  venues  de  la  diète, 
dans  les  termes  de  sa  lettre  au  roi. 

«  ...  Monsieur,  je  ne  veux  oblyer  à  vous  dire  comme  hier  se  partyt 
d'icy  M.  l'évesque  de  Transilvania,  pour  aller  à  Raguse,  et  de  là 
continuer  son  chemin  en  Hongrye,  bien  que  nous  n'ayons  eu  encores 
nouvelles  que  son  saulfconduyt  soit  arrivé  audict  Raguse;  toutesfoiz 
il  espère  le  luy  trouver,  ou  que  bientost  aprez  y  arrivera,  me  pryant 
faire  ses  très  affectueuses  recommandations  à  vostre  bonne  grâce. 
Pareillement  cez  deux  gentilzhommes  angloiz  que  avez  laissez  icy  sont 
partiz  pour  Constantinople  ;  pour  lesquelz  estant  très  instemment 
requiz  par  messire  Richardo  \  me  allégant  l'octroy  que  leur  en  aviez 
faict,  j"ay  escript  une  lettre  de  faveur  à  messer  Vincenzo  Maggio,  les 
leur  recommandant  de  vostre  part  et  mienne.  Il  y  a  deux  jours  que 
vostre  maistre  d'hostel  est  arrivé  icy  avecques  voz  chevaulx  tous  sains 
et  gaillardz,  ce  néantmoings  bien  las  et  travaillez  de  la  marine,  ainsi 
que  je  espère  que  vostredict  maistre  d'hostel  vous  escript  plus  au 
long.  Dont  ne  vous  en  diray  davantaige;  mais  viendray  à  vous  dire 
comme  je  envoyé  présentement  mes  comptes  extraordinaires  d'une 
année  entière  à  mes  gens  qui  sont  à  la  cour  :  dont  je  vous  supplye  me 
estre  aydant  à  les  recouvrer  le  plus  tost  qu'il  sera  possible,  comme  je 
m'attendz  et  asseure  que  ferez  comme  pour  l'ung  de  voz  bons  servi- 
teurs et  amys.  Je  vous  envoyé  aussi  quelques  instructions  pour  faire 
avoir  récompence  aux  serviteurs  du  roy  qui  sont  icy,  selon  que  nous 
advisames  ensemble  à  vostre  partement.  M.  l'abbé  vostre  frère*  est  icy 

1.  Richard,  Anglais  attaché  à  l'ambassade  de  Harwell  à  Venise  (V.  State  papers, 
Venelian,  '1.534-15.j4,  p.  113). 

2.  Francisco  Rincon,  abbé  de  Bénévent  en  Limousin,  abbaye  d'Auguslins  fondée 
en  1028,  sur  le  territoire  de  Salagnat  (Creuse).  Elle  prit  le  nom  de  Bénévent  après 
la  consécration  de  sa  belle  église  (xi'-xii'  siècles),  enrichie  de  reliques  de  saint 


248  AMBASSADE   Di:  [maus    1541] 

faisant  bonne  chère  ol  s'employaiil  lousjours  en  choses  vertueuses  ea 
ce  bon  temps  de  presches,  qui  m'a  baillé  ung  pacquel  pour  vous  faire 
tenyr,  que  vous  t-nvoyc  présentement.  » 

Vol.  -,  f'  i;Ji  V.  copie  du  XV!"  siècle;  1  p.  in-f". 

l'ELLIClEll    A    M.    DE    VII.I.ANDRV. 

158.  —  '  \'rnixe],  7  mars  1511.  —  «  ....  Ce/.  Seigneurs  ont  esté 
adverliz  par  leur  secrétaire  qui  est  en  .\nglelerre'  que  le  roy  delà^ 
avecques  la  royne  Catherine,  sa  dernière  femme*,  avoyl  mandé  quéryr 
la  royne  Anne,  sœur  du  duc  de  Clèves,  et  que  incontinent  qu'elle  fut 
au  palais,  alla  à  rencontre  avecques  ladicte  royne  Catherine,  lesquelz 
luy  feirenl  fort  bon  recueil,  et  s'entr'embrassèrent,  et  beurent  les  deux, 
roynes  ensemble  en  une  mesme  couppe  d'or;  et  la  nuict  ledict  roy 
dormyt  avecques  toutes  deulx,  et  luy  feist  le  malin  ensuyvant  fort 
grosse  chère,  en  luy  donnant  troys  mil  escuz,  et  depuis  la  remanda  à 
son  logeis.  Escripvant  aussi  que  l'on  tenoit  propoz  à  la  court  dudict 
roy  de  donner  sa  lille  à  l'empereur^  avecques  ung  million  d'or;  néant- 
moings  qu'il  n'y  avoit  encores  rien  d'asseuré,  et  que  ledict  roy  atlen- 
dovt  fort  au.K  fortifficacions  de  ses  terres  conlines  à  la  France*,  avant 
jallousie  s'il  veoit  aller  la  moindre  personne  sur  icelles.  Et  qu'il  avoit 
confisqué  tous  les  biens  de  son  ambassadeur  qu'il  tenoit  prez  dudict 
empereur^  qui  avoyt  de  cinq  à  six  mil  escuz  de  revenu,  et  faict  mettre 

Barlhélcmy,  apportées  de  la  ville  de  Bénévent,  en  Italie,  par  des  pèlerins  du  dio- 
cèse de  Limoges.  Fr.  Rincon  avait  succédé  dans  ce  bénéfice  à  Foucauld  de  Bon- 
neval,  limousin,  qui  fut  tour  à  tour  évoque  de  Soissons,  Bazas,  Périgueu.x,  et 
mourut  en  IblO.  D'après  la  Gallia  Chrisliana  (t.  11,  col.  620),  Rincon  aurait  résigné 
ou  serait  mort  en  li;46. 

1.  Girolamo  Zuccalo,  que  l'ambassadeur  Carlo  Capello  avait  laissé  derrière  lui  à 
Londres,  en  quittant  son  poste  le  li  janvier  1335  (V.  State  papers,  Venetian,  1534- 
laoi,  p.  11). 

Ce  secrétaire  résida  constamment  en  Angleterre  de  lo30  à  lo42.  En  juin  1542,  il 
obtint  do  revenir  à  Venise,  en  raison  des  frais  énormes  qu'entraînait  pour  lui  ce 
séjour  prolongé  à  l'étranger  {Id.,  ibid.,  p.  113). 

2.  Catherine  Howard,  lille  de  lord  Kdnuind  Howard,  duc  de  Norfolk,  cinquième 
femme  do  Henri  VIII,  née  vers  l.")2i,  exécutée  à  la  Tour  île  Londres  le  13  février 
1542.  Henri  VlU  l'avait  épousée  le  28  juillet  loiO  à  Oallands,  peu  de  jours  après  son 
divorce  avec  Anne  de  Clèves,  et  la  proclama  publiquement  reine  le  8  août  suivant, 
à  Hampton-Court. 

Lentrevue  de  l'e.x-reine  avec  son  heureuse  rivale  est  racontée  également  par 
Charles  de  Marillac,  alors  ambassadeur  de  France  en  Angleterre  {Corresp.,  p.  258, 
déprche  du  12  janvier  1.j41).  La  «  farce  »,  suivant  l'expression  de  Marillac,  eut  lieu 
au  palais  d'Ilamplon-Courl,  dans  les  premiers  jours  de  janvier. 

3.  Marie  Tudor,  née  en  1516,  morte  en  1558,  fdle  de  Henri  VllI  et  de  Catherine 
d'Aragon.  Elle  épousa,  en  1554,  l'infant  don  Felipe,  depuis  Philippe  II. 

4.  Calais  et  Guines. 

5.  Richard  Pale,  archidiacre  de  Lincoln  (1528-1542),  puis  évêque  de  Worcester 
(1555-1558),  ambassadeur  de  Henri  VllI  près  de  Charlcs-Quinl  de  1329  à  1537,  puis 
d'avril  1540  à  janvier  1541.  Révoqué,  il  quitta  secrètement  la  cour  de  l'empereur» 
et  prit  la  fuite  (V.  Corresp.  de  Ch.  de  Marillac,  p.  258). 


[mars    1541]  GUILLAUME   PELLICIER  249 

ung  sien  parent  en  prison  ',  pour  que  ledict  ambassadeur  avoit  hanté 
et  conversé  avecques  l'agent  du  cardinal  Polo-.  » 

Pellicier  termine  sa  lettre  en  priant  M.  de  Villandry  d'exposer  au 
conseil  du  roi  l'embarras  de  sa  situation  pécuniaire. 

Vol.  2,  f°  135,  copie  du  xvi''  siècle;  1  p.  in-f". 

PELLICIER   A   M.   DE  LANGEY3. 

159.  —  [Venise],  7  mars  1 541 .  —  Pellicier  donne  à  Guillaume  du 
Bellay  les  nouvelles  de  la  diète  rapportées  dans  sa  lettre  au  roi. 

Vol.  2,  f**  135  yo,  copie  du  xvi°  siècle;  1/2  p.  in-f». 

PELLICIER  AU  ROI  *. 

160.  —  [Venise]^  21  mars  1541 .  —  «  Sire,  pour  n'avoir  eu  chose 
d'aulcune  importance  digne  de  vous  faire  sçavoir,  depuys  les  miennes 
dernières  du  vu''  de  ce  moys  que  ay  escriptes  à  V.  M.,  ay  tousjours 
suppercédé  de  faire  la  présente  dépesche,  m'attendant  de  jour  en  jour 
avoir  nouvelles  du  Levant,  mesmement  par  celluy  qui  apporteroyt 
le  saufconduyt  de  M.  l'évesque  de  Transilvania ,  suyvant  ce  que 
m'avoyt  escript  par  cy  davant  messer  Vincenzo  Maggio.  Duquel  receuz 
encores  hier  lettres  escriptes  à  .\ndrinopoli  le  xiii"  du  passé,  m'adver- 
tissant  en  somme  voz  affaires  estre  en  aussi  bon  estât  par  delà  que 
l'on  ne  les  sçauroit  mieulx  souhaicter,  et  que  ceulx  à  qui  il  a  affaire, 
en  tout  ce  qu'il  les  rechairche,  luy  font  grande  faveur  et  démonstra- 
cion  d'amytié.  Il  ne  m'escript  aulcunement  de  l'armée  du  Grant  Sei- 
gneur; bien  m'advertist  qu'il  seroit  encores  pour  tout  ce  moys  en 
Andrinopoli,  et  puys  selon  que  les  choses  de  Hongrye  se  porteront 
il  se  gouverneroit.  Et  que  aulcuns  sangiacques  avecques  quinze  mil 
chevaulx    estoyent  passez  le  Danubio,  et  s'en  alloyent  vers  Pest.  Il 

1.  John  Longlahd,  né  en  14~3,  mort  le  7  mai  lo47,  oncle  de  Pâte.  Il  fut  siiccessi- 
vemenL  chanoine  de  Windsor  (Iol9-lo21),  évèque  de  Lincoln  (1521-lo47),  chancelier 
de  l'université  d'Oxford  (1532).  L'arrestation  de  l'oncle  avait  été  la  conséquence  de 
la  fuite  du  neveu. 

2.  Reginald  Pôle,  né  en  1300  à  Stowerton-Castle  (Stafford),  mort  en  1358,  était 
parent  de  Henri  VII  et  d'Edouard  IV.  Cardinal  et  légat  apostolique  en  Angleterre, 
il  encourut  la  disgrâce  de  Henri  VIII  en  désapprouvant  son  changement  de  religion; 
sa  tète  fut  mise  à  prix,  et  il  n'échappa  qu'à  grand'peine  à  la  mort. 

Il  remplit  depuis  diverses  missions  pour  le  Saint-Siège,  fut  l'un  des  trois  prési- 
dents du  concile  de  Trente,  et  devint  sous  Marie  Tudor  archevêque  de  Cantorbéry 
(loo6-lo5S)  et  président  du  conseil  royal. 

3.  «  Nota,  qu'il  fut  escript  à  M.  de  Rhodez,  le  XVII^  mars,  dont  n'en  fut  faict 
mynute.  » 

«  Item,  fut  aussi  escript  le  XIXe  dudict  moys  de  mars  à  madame  la  duchesse  de 
Ferrare  et  à  M.  le  cardinal  de  Ravena.  » 

4.  •  Escript  cedict  jour  au  seigneur  Gézar  Frégoso  et  à  Sainct-Pol.  » 


2;i0  AMBASSADE    DE  [mAUS    15il^ 

m'escripl  aussi  que  le  Sophi  vouUoil  assaillyr  les  (jéorgians,  pour 
se  venger  d'ung  seigneur  d'i'iilre  eulx  qui,  comme  vous  ay  escripi, 
avoil  mandé  ung  sien  ambassadeur  au  GranL  Seigneur,  mais  esloyent 
demeurez  d'accord,  moyennant  que  Ireze  cliasleaulx  qu'il  avoit  seroyenl 
lenuz  el  gardez  des  aullres  Géorgians,  et  quilz  ne  le  soufTryroyent 
plus  en  leur  pays.  J'ay  escripi  à  V.  M.  la  prinse  de  la  Balserade  par  les 
Pitrluguelz.  A  présent  ledicl  messer  Vincenzo  me  confirme  ladicte 
nouvelle  eslre  vrayc,  et  qu'ilz  la  faisoyenl  forlifTyer  cl  munyr  grande- 
ment :  qui  pourroil  eslre  grant  deslourhier  et  intéresl  pour  la  traT- 
ficque  du  Levant  U  toute  cesle  mer  Méditerranne.  Le  Grant  Seigneur 
uvoil  eu  nouvelles  que  le  Bogdan  de  la  Moldavia,  esleu  du  peuple  du 
pays  par  la  morl  du  dernier  déceddé,  n'avoyt  esté  tué  ainsi  que  on 
luy  avoil  donné  à  entendre,  ains  au  contraire  s'esloyt  faict  fort,  et  se 
voulloyl  mainctcnyr  en  son  estât  contre  Pelro  Bogdan,  remys  derniè- 
rement oudict  estai  par  ledicl  Grant  Seigneur.  Lequel  Pelro  avoit 
passé  le  Danuhio,  luy  estant  venuz  à  lenconlre  x.v™  chevaulx  qui 
Pavoyeiil  receu  pour  seigneur  ainsi  qu'il  estoit  auparavant.  Ledict 
Grant  Seigneur  avoit  mandé  menasser  grandement  ledict  Bogdan 
esleu,  mais  l'on  estime  que  la  confyance  qu'il  a  que  les  roys  Ferdi- 
nando  et  de  Poulongne  ne  luy  fauldront  luy  faict  avoir  l'audace  de  ne 
voulloir  point  obéyr.  M'escripvant  davanlaige  que  l'ambassadeur  de 
cez  Seigneurs  n'avoyt  encores  en  ce  temps  là  trop  d'espérance  de 
ravoir  les  robbcs  des  marchans,  et  que  le  dragman  '  dudict  messire 
Vincenzo  luy  avoit  dict  qu'il  ne  se  reslitueroyt  aulcune  chose.  Le 
secrétaire  de  cesdictz  Seigneurs,  qui  a  ccnduict  l'argent  qu'ilz  ont 
envoyé  au  Grant  Seigneur  comme  vous  ay  escript,  s'en  debvoyt  partyr 
de  Andrinopoli  pour  s'en  revenyr  par  deçà  le  xiiii*^  de  ce  moys.  Le 
seigneur  Laski  avoit  escript  audict  Grant  Seigneur,  le  pryant  de  le 
laisser  aller,  et  ce  faisant  luy  pramettoyt  faire  grant  chose  en  satisfa- 
cion  d'icelluy  Grant  Seigneur,  qui  ne  luy  avoyt  encores  rien  respondu... 
«  Sire,  le  marquiz  Bernardo  Faraon  a  escripi  de  Messine  que 
combien  que  l'empereur  fust  seul,  néantmoings,  au  xv  ou  xx«  de  ce 
moys,  Doria  se  debvoit  trouver  à  Messine  avecques  huictante  gallères 
et  plus  grant  nombre  de  navcs  et  aultres  vaisscaulx;  et  qu'il  auroyt 
tel  nombre  de  souldars  qu'il  seroyt,  non  seullement  suffisant  pour  se 
deffendre  de  tous  et  quelzconques  ses  ennemys,  mais  encores  à  ung 
besoing  pour  les  offendre.  Ce  néantmoings  s'il  est  vray  la  nouvelle  qui 
se  continue,  comme  vous  ay  escript  que  Barberosse  ait  mandé  dix-sept 
galléottes,  accompaignées  de  quatre  gallères  et  aultres  vaisseaux  de 
Barberye,  qu'ilz  se  doibvenl  mettre  ensemble  pour  rendre  la  pareille 
à  lEspaigne   de  ce  que  domp  Bernardin  -  feist  à  ses  fustes  l'année 

1.  Drogman. 

•2.  Bernardino  de  Mendoza. 


[mars    1541]  GUILLAUME   PELLICIER  251 

passée,  ne  sera  possible  que  l'empereur  puisse  faire  la  masse  des- 
dictes huictante  gallères.  Lequel,  craignant  le  succez  n'advenyr  sem- 
blable aux  souldars  qu'il  a  laissez  en  ses  terres  de  Barberye  que  celluy 
de  Castelnove,  les  a  mandez  chaircher;  et  entend  Ton  que  c'est  pour 
les  mettre  en  la  Lombardye.  Les  Impériaulx  disent  estre  advertys  que 
quelque  bruyct  que  l'on  face  de  la  grande  armée  que  veult  faire  le 
Grant  Seigneur,  ce  néantmoings  qu'il  n'estoyt  pour  armer  et  mettre 
hors  pour  ceste  année  plus  de  cent  trente  gallères. 

«  Sire,  cez  Seigneurs  ont  eu  nouvelles  que  l'empereur  avoit  abaissé 
beaulcoup  les  aesles  ',  et  n'estoit  plus  sur  ses  haultesses  comme  il 
souUoit,  et  qu'il  abbrassoit  et  faisoit  caresse  à  ung  chascun;  sollicitant 
le  plus  qu'il  povoit  la  diette  de  Ratisbonne,  oti  se  feroit  peu  de  chose, 
et  encores  ce  qu'il  s'y  feroit  fauldroit  que  ce  fust  avecques  le  consen- 
tement des  protestans,  et  que  le  roy  Ferdinando,  pour  ne  s'y  trouver, 
chercheroit  tous  les  moyens  dont  il  se  pourroit  adviser,  disant  vouUoir 
aller  à  Vienne  mettre  ordre  et  pourveoir  aux  choses  de  ce  cousté  là, 
ayant  entendu  qu'il  estoit  entré  secours  dedans  Bude. 

«  Sire,  par  lettres  du  secrétaire  Fidel  cez  Seigneurs  sont  advertiz 
que  les  recteurs  des  villes  de  Bresse  -  et  Crème  ^  luy  avoyent  faict 
entendre  que  autour  desdictes  villes  estoyent  mil  cinq  cens  Espai- 
gnolz;  lequel  leur  a  respondu  comme  il  a  adverty  cez  Seigneurs  qu'ilz 
n'estoyent  pas  si  grant  nombre,  car  ne  passoyent  point  huict  cens  : 
bien  esloyt  vray  que  c'estoyent  la  Ueur  des  souldars  de  l'empereur  et 
que  le  marquis  du  Guast  les  estimoyt  beaulcoup.  Laquelle  nouvelle. 
Sire,  me  fut  hier  confirmée  par  madame  la  contesse  de  la  Myrandola, 
m'escripvant  que  iceulx  Espaignolz  s'estoyent  partys  de  la  Lunezane  *, 
ayant  le  marquiz  du  Guast  commission  de  l'empereur  les  envoyer  aux 
frontières  de  Pyémont.  Et  avoyt  eu  adviz  qu'ilz  venoyent  se  loger  prez 
des  confins  de  la  Myrandola,  et  que  en  signe  de  ce  le  duc  de  Ferrare 
pourveoyeoyt  à  ses  terres,  et  le  duc  de  Mantoue  faisoyt  le  semblable; 
parquoy  elle  n'estoyt  sans  trouble  et  quelque  double,  se  trouvans  ses 
voysins  bien  pourveuz,  et  cez  Espaignolz  qui  marchent  avant  :  de 
quoy  m'advisoyt  affin  que  on  y  donnast  provision.  Et  pour  ce,  Sire, 
que  estant  icy  les  seigneurs  Cézar  Fregoso  et  Rincon,  elle  estoyt 
entrée  en  semblable  double,  pour  s'estre  geliez  les  foussez  de  la 
Myrandola,  craignant  que  ne  luy  advint  ainsi  que  du  temps  de  la 
guerre  du  pape  Julie  °,  avoyt  esté  advisé  entre  nous  ensemble  que 
pour  la  soulde  de  cent  ou  deux  cens  hommes,  pour  la  seureté  et  garde 
de  ladicte  ville,  on  ne  deubst  mettre  en  danger  et   hazard   ladicte 

1.  Ailes. 

2.  Brescia. 

3.  Crenia,  ville  de  Lombardie,  à  lo  kilom.  de  Lodi,  sur  la  rive  droite  du  Sério. 

4.  La  Lunegiana,  pays  de  Toscane.  —  V.  plus  haut,  p.  240. 

5.  Jules  II  (Giuliano  délia  Rovere),  né  en  1441,  pape  de  1503  à  1513. 


252  AMBASSADE   DE  [maus    |b4l| 

place,  m'a  semblé  n'y  avoyr  inoings  lieu  ù  présent  de  y  pourveoir. 
A  cesle  cause  ay  mandé  deux  de  mes  gens  avecques  souffisanle  pro- 
vision d'argent,  pour,  se  besoing  sera,  faire  gens  davantaige  qu'il  n'y 
en  a  pour  la  garde  d'icelle.  Toulesfoiz  icy  plusieurs  estiment  que  les- 
diclz  Kspaignolz  ne  viennent  sinon  pour  Mantoue,  pour  aullant  que 
ainsy  que  ce/  Seigneurs  ont  eu  nouvelles  en  plein  pregay  pour,  comme 
vous  ay  escript,  se  vouUoir  par  ce  moyen  impatronnyr  d'icelle,  et  à 
cez  lins  ledict  empereur  desjà  avoytCaict  entendre  aux  duc  et  duchesse 
de  Mantoue  que  estant  ladicte  terre  sans  aulcun  gouverneur  et  que 
en  ayant  la  protection  il  luy  sembloyt  chose  convenable  d'y  en  mettre 
ung,  jus(|ues  ad  ce  que  ledict  jeune  duc  fust  en  eage  de  la  gouverner; 
et  qu'il  ne  luy  sembloyl  pour  rien  du  monde  qu'elle  deust  estre  gou- 
vernée par  le  cardinal,  pour  estre  homme  d'esglise.  Laquelle  chose 
ayant  entendue  ladicte  duchesse  feist  sçavoir  incontinant  audict  car- 
dinal, qui  feist  faire  ung  conseil,  auquel  tous  d'ung  commun  accord 
l'eurent  d'adviz  que  ledict  cardinal  n'eust  à  se  mouvoir  dudict  gou- 
vernement; et  feirent  responce  audict  empereur  qu'ilz  se  trouveroyent 
bien  gouvernez  soubz  la  charge  dudict  cardinal,  jusques  ad  ce  que 
ledict  prince  fust  en  eage  d'en  avoir  l'administracion.  Le  marquiz  du 
Guast  avoit  faict  entendre  audict  cardinal  qu'il  voulloit  aller  à  Mantoue 
pour  luy  parler  de  la  part  de  l'empereur,  auquel  a  faict  responce  qu'il 
seroit  le  bienvenu,  mais  qu'il  ne  menast  avecques  luy  plus  de  vingt 
cinq  ou  trente  personnes.  Et  oullre  ont  entendu  cez  Seigneurs  ledict 
cardinal  avoir  faict  six  cens  hommes  de  guerre  pour  la  garde  de 
ladicte  ville.  » 

Vol.  2,  f*^  13G,  copie  du  .wr-  siècle;  3  pp.  in-f". 

PELLICIER   AU   CONNÉT.MJLE. 

161.  —  [Venise],  2i  mars  i o4i .  —  «  Monseigneur,  vous  verrez  par 
les  lettres  que  j'escriptz  présentement  au  roy  les  nouvelles  que  m'a 
faict  sçavoir  messire  Vincenzo  Maggio  depuys  les  miennes  dernières 
que  ay  escriptes  à  S.  M.  et  à  vous  du  vu''  de  ce  moys  :  de  quoy  ne 
vous  feray  aultre  répélicion,  mais  vous  diray  ce  que  m'a  escript  davan- 
taige. C'est  que  le  xxvif  du  moys  de  janvier  le  Serrail  Vieil,  où  estoyejit 
les  dames  du  Grant  Seigneur,  s'esloyt  bruslé,  avecques  la  valleur 
dedans  de  plus  d'un  million  d'or  et  demy,  en  joyes  *  et  aultres  choses; 
et  mesmement  à  la  Soultane  estoit  bruslé  tout  le  plus  beau  et  le  meil- 
leur qu'elle  eust,  et  à  une  juyfve  nommée  Straichilla,  favorie  du  Grant 
Seigneur,  s'estoit  bruslé  pour  plus  de  vingt-cinq  mil  ducatz.  Et  le 
xix"-'  auparavant  le  feu  s'esloyt  aussi  mys  en  Constantinople,  qui  avoit 
bruslé  quelques  maisons.  Et  encores  auparavant  s'esloyt  pareillement 

1. Joyaux. 


[mars    lb4l]  GUILLAUME   PELLICIER  2b3 

mys  en  la  municion  des  pouldres  de  Péra,  qui  les  avoit  bruslées 
avecques  quarante  hommes.  M'escripvant  aussi  que  ung  personnaige 
que  le  seigneur  Rincon  avoit  mandé  en  Jhérusallem,  affin  que  par  le 
moyen  et  faveur  de  S.  M.  fussent  rendues  aux  chrestiens  les  robes  et 
relicques  qui  leur  avoyent  esté  prinses  en  Jhcrusalcm  et  aultres  lieux, 
luy  avoit  escript  avoir  mys  en  exécution  tout  ce  que  au  nom  de  S.  M. 
avoyt  esté  demandé  au  Grant  Seigneur;  et  que  tout  leur  avoit  esté 
rendu,  qui  se  povoit  monter  en  or  et  argent  beauleoup  de  milliers  de 
ducatz  :  desquelles  choses  la  pluspart  avoyent  les  enseignes  de  fleurs 
de  lys. 

«  Monseigneur,  par  lettres  du  marquis  Bernardo  Faraon  cscriptes 
à  Messine  s'entend  que  en  ce  pays  là,  aprez  avoir  sceu  les  nouvelles 
de  la  paix  de  cez  Seigneurs  avecques  le  Grant  Seigneur,  le  prys  des 
grains  y  estoyt  ravallé  jusques  au  plus  bas;  mais  que  depuys,  ayant 
enlendu  icelluy  Grant  Seigneur  avoir  fermé  les  traictes,  s'estoyt  liaulsé 
plus  que  jamais,  et  que  l'empereur  avoit  aussi  fermé  les  traictes  en 
cez  pays-là,  avecques  telles  et  si  grandes  prohibitions  qu'il  n'y  a 
moyen  d'en  tirer.  Par  quoy  cez  Seigneurs  sont  en  grant  pensement  de 
grains,  et  mesmement  pour  faire  biscuiclz  de  durée,  pour  n'en  avoir 
en  tous  leurs  eslatz  de  deçà  groz  et  propres  pour  ce  faire. 

«  Monseigneur,  cez  Seigneurs  ont  esté  advertiz  comme  le  raarquiz 
du  Guast,  estant  à  Gennes,  divisant  '  avecques  Doria,  venant  à  propoz 
de  luy  dire  que  cesle  Seigneurie  avoit  son  estât  grandement  fort, 
ledict  marquiz  luy  demanda  quelles  terres  il  pensoyt  et  estimoyt  estre 
les  plus  fortes,  dont  luy  nomma  Crème,  Bresse,  Vérone,  et  Lugnago  ^ 
plus  que  toutes  les  aultres,  sur  quoy  ledict  marquis  dist  que  ce  seroyt 
la  première  qu'il  entreprendroyt  de  leur  ouster.  Escripvant  aussi  que 
ledict  empereur  ne  viendroyt  en  Itallye  jusques  au  moys  de  juing,  et 
que  le  roy  avoyt  escript  à  icelluy  empereur  voulloir  observer  la  trefve 
de  dix  ans,  vouUant  estre  son  bon  frère  et  amy,  en  l'asseurant  que  le 
Turcq  ne  le  mollesteroyt  poinct.  Et  plusieurs  aultres  discours  leur  a 
«script  ledict  Fidel,  et  en  fin  que  Leurs  Majestez  s'entreentendoyent 
bien  et  qu'ilz  avoyent  départy  le  monde  ensemble,  au  grand  préjudice 
d'ung  tiers  qui  estoyt  leur  républicque.  Et  sur  cez  propoz  cez  Seigneurs 
ont  aussi  eu  adviz  de  Romme  que  le  pape  avoyt  dict  voulloir  assem- 
bler et  aboucher  encore  Leursdictcs  Majestez  une  aultre  foiz,  faisant 
son  desaing  que  ce  seroyt  Casai  de  Montferra^,  avecques  espérance  de 

d.  Devisant. 

2.  Lcgnago  ou  Porto-Legnago,  place  forte  de  Lombardie  sur  l'Adige,  à  35  kilom. 
■de  Vérone. 

3.  Casale,  place  forte  du  Piémont,  sur  la  rive  droite  du  Pô,  à  60  kilom.  de  Turin, 
capitale  du  marquisat  de  Montferrat,  possédé  depuis  1536  par  les  ducs  de  Mantoue. 

Wallop,  ambassadeur  de  Henri  VIII  à  Paris,  écrivait  <a  son  maitre,  dès  le 
11  février  :  «  ...  The  Bushop  of  Rome  sendith  to  Ihe  said  Diett  [à  Ralisbonne]  a 
Legatc  called  Cardynal  Cunterryne  [Contarini]...  who,  as  I  hère  saye,  travaylelh 


2:»4  AMBASSADE   DE  [siARS    lb4l] 

les  accorder  si  très  bien  que  tout  ensemblemonl  feroyent  la  guerre  au 
Turcq.  Toutes  lesquelles  choses,  Monseigneur,  font  aller  cez  Seigneurs 
granilcnienl  retenu/.,  et,  comme  ay  escript  licrnièrement  au  roy, 
rendent  ineerlains  et  suspeçonneulx  beaulcoup  du  ses  afîectionnez 
servilt'urs  ri  aniys  de  deçà. 

w  Monsi'igucur,  si  M.  le  comte  de  la  Myrandola  ne  sesjournoyt  à 
la  court  pour  (juelque  respect  ou  importance,  je  vous  vouldroys  bien 
supplvcr  estre  vostre  bon  plaisyr  le  faire  advertyr  que  sa  présence 
par  deçà  seroit  bien  re(iuise,  pour  aullaiit  que  madame  la  conlesse 
sa  femme  est  en  non  peu  de  suspicion  des  Espagnol/,  qui  viennent 
auprez  de  ses  confins,  craignant  ({u'ilz  ne  luy  facent  quelque  maulvais 
tour,  et  aussi.  Monseigneur,  que  ce  me  seroyt  ung  granl  soullaige- 
ment  de  ma  charge;  car  en  tous  telz  aflaires,  et  mesmement  quant  il 
fault  desbourser  argent,  elle  s'en  adresse  à  moy,  penseant  que  je  en 
aye  pour  employer  à  cest  ell'ect,  comme  avoyent  mes  prédécesseurs. 
Mais  vous  sçavez,  Monseigneur,  que  ne  m'en  a  esté  donnée  aulcune 
commission  du  roy  ne  de  vous,  parquoy  ne  sçay  comme  je  m'y  doibz 
gouverner.  Et  n'eust  esté  que,  estant  icy  les  seigneurs  Cézar  Frégose 
et  Rincon,  elle  me  rechaircha  de  luy  fournyr  argent  pour  souldoyer 
plus  grant  nombre  de  gens  que  ceulx  qu'elle  avoyt,  à  cause  que  les 
fossez  de  la  Myrandola  estoyent  geliez,  et  que  ilz  furent  d'adviz  que 
pour  la  soulde  de  cent  ou  deux  cens  hommes  quelque  peu  de  temps, 
ne  falloyl  mettre  en  danger  et  hazar  ladicte  place,  j'eusse  esté  incer- 
tain de  ce  que  je  y  eusse  à  faire  à  présent.  Toutesfoiz,  suyvant  leur 
conseil  et  confort,  et  aussi  voyant  à  ceste  heure  n'y  avoir  moings  lieu 
de  y  pourveoir  qu'il  y  avoit  lors,  comme  j'escriptz  au  roy,  y  ay  mandé 
deux  de  mes  gens  avecques  provision  d'argent,  pour  si  besoing  sera 
faire  gens  davantaige  qu'il  n'y  en  a,  pour  la  garde  d'icelle.  Pour  quoy 
fournyr  ay  esté  contrainct  d'en  empruncler;  dont  vous  supplye,  Mon- 
seigneur, s'il  plaist  au  roy  et  à  vous  que  je  face  despence  de  ce  cousté 
là,  m'y  faire  donner  provision,  et  me  faire  avoir  le  payement  de  mes 
comptes  extraordinaires  d'une  année  que  j'ay  envoyez  à  mes  gens  qui 
sont  à  la  court,  car  je  ne  me  trouvé  jamais  en  plus  grant  nécessité 
d'argent  et  de  crédict  que  je  foiz  à  présent,  pour  avoir  si  longuement 
attendu  à  satisfaire  mes  créditeurs...  » 

Vol.  -,  f"  137,  copii;  du  XN^'  siècle;  3  pp.  in-f'^. 


fur  an  onterviewc  bolwixt,  llic  Hmperour  and  Ihc  Frenche  King,  lo  be  al  a  lowne 
called  Cassayle  in  Monfcrrate,  but  a  smawle  dyslance  from  Tnrren  [Ttirin]  in  Pie- 
mounle.  I,  scUing  lo  bave  Iho  more  porfil  i<no\vbîdge  Ihoreof  in  a  good  place,  was 
answered  thaï  Ibere  was  nu  suche  Ihing,  and  Ihal  Ihc  said  Hushop  al  Ihis  tyme  ys 
nol  so  in  crédit  wilh  Ihe  French  King  to  bring  that  lo  passe...  »  {State  papers 
of  Henry  VIIl,  o"  partie,  lo37-15i2,  p.  520). 


[ftlARS    d54l]  GUILLAUME    PELLICIER  255 


PELLICIEH    A    M.    0  ANNEHAULT. 


162.  —  [Venise],  .21  mars  1541 .  —  Pellicier  donne  au  maréchal 
les  nouvelles  du  Levant  envoyées  par  Vincenzo  Maggio,  et  celles  d'Italie 
adressées  à  la  Seigneurie  par  Fedeli  qui  ont  fait  l'objet  de  la  lettre  pré- 
cédente au  roi. 

Vol.  2,  f"  138  V^,  copie  du  xyi^  siècle  ;  3/4  p.  in-f". 


l'ELLICIEU    A   M.    DE   LANGEY. 

163.  —  [Venise],  21  mars  1  ô41 .  —  Pellicier  informe  M.  de  Langey 
des  nouvelles  reçues  d'Andrinople,  dont  il  a  été  fait  mention  dans  les 
lettres  précédentes. 

«  ...  Je  ne  veux  ohlyer  à  vous  dire  que  messer  Vincenzo  Maggio 
m'escript  aussi  avoyr  impétré  vostre  saufconduyt  en  la  plus  granl 
peyne  du  monde,  car  les  bassatz  ne  luy  voulloyent  concéder;  ce 
néantmoings,  à  force  de  sollicitations,  suyvant  ce  que  plusieurs  foiz 
luy  en  ay  escript  s'y  estoyt  employé,  de  sorte  qu'il  l'avoyt  obtenu, 
selon  le  mémoyre  qui  luy  en  a  esté  mandé,  ayant  cousté  seullemenl 
six  escuz.  Duquel  m'escript  me  mander  la  teneur  en  vulguaire  itallien, 
et  que  le  tout  a  adressé  à  M.  Farce vesque  de  Raguse  pour  me  faire 
tenyr,  mais  je  n'eu  ay  encores  rien  receu.  Et  vous  diray  la  raison 
pourquoy,  ainsi  que  la  puys  présumer,  c'est  que,  mandant  ledict 
messer  Vincenzo  ung  aultre  saufconduyt  plyé  avecques  le  vostre  pour 
M.  l'évesque  de  Transilvania,  addressant  le  tout  audict  arcevesque 
de  Raguse,  lequel  non  sçaichaut  qu'il  y  eust  aultre  chose  auldict  pac- 
quet  que  ledict  saufconduyt  dudict  arcevesque  de  Transilvania,  a 
retenu  le  tout,  ayant  entendu  que  ledict  évesque  de  Transilvania 
estoyt  party  d'icy  pour  oller  à  Raguse;  mais  j'espère  que  bien  tost  me 
l'envoyera,  lequel  incontinant  vous  feray  tenyr.  Et  ce  pendant  pourra 
estre  que  ledict  messer  Vincenzo  me  envoyera  la  lettre  particullièro 
que  demandez  de  Barberousse,  laquelle  n'avoyt  encores  sceu  avoir 
pour  aultant  qu'il  estoyt  à  Constantinople,  et  ledict  messer  Vincenzo  à 
Andrinopoli,  bien  qu'il  m'escript  que,  pour  dire  la  vérité,  nonobstant 
ledict  saufconduyt  et  lettres  de  Barberousse,  l'on  se  mettra  en  grant 
danger  pour  les  coursaires,  auxquelz  on  ne  peult  commander  par 
escript  ne  commandemens,  sinon  avecques  bonnes  canonnades.  Jay 
envoyé  lesdictz  six  escuz  à  M.  l'arcevesque  de  Raguse,  suyvant  ce  que 
m'avoyt  mandé  ledict  messer  Vincenzo,  qui  se  recommande  humble- 
ment à  vostre  bonne  grâce,  se  remettant  à  vous  escripre  avecques 
ladicte  lettre  missive  de  Barberousse.  » 

Vol.  2,  f'J  139,  copie  du  xyi*^  siècle;  1  p.  in-f'^. 


256  AMBASSADE   DE  [MARS   1541] 

PELLICIER   A   lUNCON. 

164.  —  [Venise],  2t  mars  154 1 .  —  Pcllicier  transmet  à  Ilincon  les 
nouvelles  reçues  de  Vincenzo  Maggio  et  lui  confie  l'embarras  pécuniaire 
dans  lequel  il  se  trouve. 

Vol.  2,  n>  139  v«,  copie  du  .\vi«  siècle;  3/i  p.  in-f". 

PELLICIER  At:   COMTE   DE  LA  MIHANDOLE  *. 

165.  —  ■  Venise],  .21  mars  I .'>4i .  —  «  Corne  la  consorto  sua  havendo 
giii  piii  voile  domandato  soccorso,  per  la  parlita  del  marito,  et  per  il 
sopraslanle  pericolo  di  certi  Spagnuoli,  clie  si  giudicava  che  vcnissero 
nelli  conlini  délia  Mirandula,  il  signor  imbassatore  le  haveva  mandato 
due  huomini  con  denarii,  et  provegioni  da  far  gente,  et  ciô  che  biso- 
gnasse.  Et  poi  si  esorlava  il  detlo  signor  Galleotto  a  venir  tosto  di  qua, 
et  che  nienlre  era  di  là,  volesse  vedcr  di  métier  ordine  à  le  prove- 
gioni, che  per  lo  avenire  si  havevano  a  fare  cerca  simil  cosa.  » 

Vol.  2,  f"  139  v",  copie  du  xvie  siècle;  1/4  p.  in-f". 

l'ELLICIER  A   M.   DE   VILLANDRY  2. 

166.  —  \Ve77ise],  2i  mars  i541 . —  «  Monsieur,  encores  que  je  ne 
double  point  que  ne  soyez  très  bien  adverly  du  cousté  de  Romme  des 
occurrances  de  delà,  ce  néantmoings  pour  ne  obmeltre  à  vous  faire 
entendre  ce  que  l'ambassadeur  de  cez  Seigneurs  leur  en  a  escript,  et 
mesmcment  comme  il  y  estoyt  arrivé  le  xi'^  de  ce  moys,  vous  diray 
que  le  pape  avoyl  dict  en  plain  consistoire,  que  en  efTcct  voulloyt 
chastier  ung  si  grant  téméraire  et  désobéyssant  à  l'Église  comme 
estoyt  le  seigneur  Ascanio  Colonne,  et  que  Sa  Saincteté  avoyt  cinq 
mil  hommes  de  pyed,  quatre  cens  chevaulx  et  six  cens  lansquenetz, 
voullant  faire  jusques  au  nombre  de  x""  hommes  de  guerre;  desquelz  le 
seigneur  Alcxandro  Vitello  estoyt  guyde^,  et  le  seigneur  Pelro  Aloysi\ 
principal.  El,  comme  escript  ledict  ambassadeur.  Sa  Saincteté  avoyt 
levé  quatre-vingt  mil  ducalz  du  Mont  de  la  Pyété  ^,  pour  faire  ladicte 

1.  Rcsumé  en  italien.  —  «  Escript  ledict  xxi*  jour  de  mars  à  M.  le  comte  de  la 
Myrandola  en  la  substance  que  s'cnsuytcy  dessoubz.  » 

2.  «  Sota,  que  le  xxiiic  mars  fusl  escript  à  Madame  de  Ferrarc  et  à  M.  de  Ponlz. 
«  llem,  le  xxiiii'!  fusl  escript  à  MM.  de  Rliodez  et  de  Lodes  à  Rome,  dont  n'en  fut 

faict  mynute.  » 

3.  Alessandro  Vitello,  des  Vitclli  de  Citta  di  Caslello,  seigneur  d'Amatrice,  mort 
en  155G. 

4.  Pietro-AloysioFarnese. 

5.  Le  plus  ancien  établissement  de  ce  genre  en  Italie  avait  été  fondé  à  Padoue  en 
1491.  Les  papes,  puis,  â  leur  exemple,  les  cardinaux  et  les  grandes  familles  encou- 
ragèrent à  Rome  la  fondation  de  ces  maisons  de  charité,  destinées  à  combattre  les 
criants  abus  du  prêt  à  usure. 


'[mars    i:-}4r  GUILLAUME    PELLICIER  257 

guerre,  et  que  elle  ne  voulloyt  entendre  à  aulcun  appoinctement, 
nonobstant  que  ledict  seigneur  Ascanio  offre  de  luy  déposer  deux  de 
ses  chasteaulx,  ou  bien  ses  enfans  en  oslaige,  promettant  luy  faire 
payer  la  imposition  du  sel,  et  faire  tout  ce  qu'il  plaira  à  Sa  Saincteté 
luy  commander,  moyennant  qu'elle  le  vueille  recevoir  en  sa  bonne 
grâce  comme  il  estoyt  auparavant.  A  quoy  Sa  Saincteté  n'a  vouUu 
entendre...  *  « 

Vol.  2.  r*^  140,  copie  du  wi"  siècle;  1/2  p.  in-f". 

PELLICIER   A   L.V    COMTESSE   DE    LA    MUîANDoLE  *. 

167.  —  Venise,  22  mars  i  541 .  —  «  lUustrissima  Signora,  ho 
riceputo  la  vostra  del  xix"  del  instante  et  visto  quanlo  ella  mi 
scrive,  massime  di  quelli  Spagnoli,  pur  che  qua  di  ciô  non  havemo 
nulla,  solum  intendimo  che  il  signor  marchese  del  Guasto  volevai 
andar  in  Mantoa,  parlar  al  Reverendissimo  Cardinale  da  parte  del' 
imperator.  Il  quale  Cardinal  gli  ha  risposto  che  fosse  ben  venuto, 
ma  che  non  menasse  con  seco  piû  da  xxv  o  xxx  cavalli.  Tamen  subito 
visto  la  vostra,  non  ho  manchato  proveder  a  tutto,  il  meglio  m'è  stato 
possibile  et  esserepiù  conveniente  mandar  il  signor  Daramonte,  bonis- 
simo  capitanio  et  intelligente  in  simile  cose,  per  cognoscere  da  lei  più 
minutamente  le  cose,  et  anchora  per  farvi  intendere  più  al  longo  il 
mio  parer',  et  dare  ordine  al  tutto,  pregando  Vostra  lUustrissima 
Signoria  darli  plena  fede  di  quello  che  in  ciô  vi  dira  da  parte  mia  come 
faresti  a  mi  medesimo.  Questi  giorni  passali  ho  ricepute  lettere  de  la 
corte,  per  le  quale  ho  inteso  che  l'IUustrissimo  Signor  vostro  consorte 
era  arrivato  in  quella  sano  et  gagliardo,  et  molto  ben  visto  di  Sua 
Magestà  et  de  tutta  la  corte.  Son  apresso  a  far  una  spedicione  in 
Franza;  non  mancharô  scriver'  al  prefatto  signor  conte  quanto  m'havete 
scritlo,  et  la  provisione  che  si  è  data,  sollicitandolo  voler  tornar  il  più 
presto  sarà  possibile.  Mentre  questo  non  son  per  manchar  mai  ni  far 
ogni  officio  che  sia  in  benefficio  et  essaltacioni  di  casa  vostra...» 
«  In  Venetia.  » 

Vol.  2,  fo  135  v°,  copie  du  xvi«  siècle;  1/2  p.  in-f°. 

1.  Voir  à  ce  sujet  le  curieux  document  italien  annexé  à  la  dépèche  de  lord  William 
Howard,  datée  d'Amboise,  le  b  mai,  à  Henri  VIII  (State  papers  of  Henry  VIII,  ib.,\t.  o62). 

2.  Ippolita  di  Gonzaga,  fille  de  Lodovico  di  Gonzaga,  prince  de  Bozzolo,  femme 
de  Galeotto  Pico  II,  comte  de  la  Mirandole.  —  «La  présente  fut  portée  par 
MM.  d'Aramont  et  Formiguet,  envoyez  vers  ladicte  dame  expressément.  » 

Gabriel  de  Luetz,  baron  d'Aramon,  né  en  Languedoc  dans  les  dernières  années  du 
xv'^  s-iècle,  mort  vers  1554.  En  1526,  il  vint  à  la  cour  de  François  V,  puis  fut  attaché 
quelque  temps  à  la  cour  de  la  Mirandole  (1542).  Au  printemps  de  1543,  il  était  à 
Constantinople,  où  le  baron  de  la  Garde  le  laissa  derrière  lui  en  qualité  de  résident. 
II  y  demeura  ensuite  avec  le  même  titre  sous  Jean  de  Montluc,  et  y  revint  plus  tard 
comme  ambassadeur,  à  diverses  reprises,  de  1546  jusqu'à  sa  mort,  arrivée  au  cours 
d'un  voyage  en  France. 

Venise.  —  1540-1542.  17 


258  AMBASSADE   DE  MAKS    154l] 

rElJ.lClEH    A    VINCENZti   MAOGHJ'. 

168.  —  Venise,  28  mars  I .')  1 1 .  —  «  Dopo  la  n)ia  ilie  vi  ho  scritta 
alli  xxviii"  del  passalo,  ritenula  sino  alli  vu  del  instante,  per  il  cat- 
tivo  tempo,  lio  rirevulo  doi  vostre  pliclii  de  Andrinopoli  alli  13  et 
22  del  passato,  nelli  qnali  erano  doi  altri  per  il  sign«»re  Rincone,  quali 
non  ho  nianehato  l'argli  siihilo  et  sicuramente  tcnire.  D'il  quai  ho  rice- 
piito  lettere  de  Lione  -  alli  xxv  de  lehrarf),  avisando  nie  corne  alli 
xxiiii  era  gionto  li,  non  sen/a  grande  afFanno  per  il  caltivo  tempo  et 
slradc  che  Sua  Signoria  haveva  havuto,  et  ben  che  lei  fusse  un  pocho 
indisposto,  lamen  alli  xxv  se  parti  per  la  corte,  havendo  più  rispetlo 
al  servilio  di  Sua  Magcslà  che  alla  sua  sanità,  et  ancliora  a  lassata  sua 
nioglie  '  in  Li<me,  non  essendo  con  lei  i)iù  d'un  giorno,  cosi  che  io  credo 
vi  scrive  piii  al  longo  per  un  plico  mha  mandato  per  farvi  tenir,  quale 
vi  mando  al  présente.  Io  spetlo  di  giorno  in  giorno  lettere  de  la  sua 
arrivata  a  lacorle,  la  quale,  corne  ho  inleso,  si  retrova  in  Bloys;  subito 
che  l'haverô,  non  mancharô  a  farvilo  intendere,  sapendo  bene  che 
quelli  dove  sel(t;e  non  hanno  mancho  desiderio  de  saperlo  che  voi 
medesimo  si  corne  me  havete  scritlo,  pregando  Vostra  Signoria  de- 
gnarsi  continuar  darmi  avisi  délie  cose  de  coteste  bande  il  più  minuta- 
menle  che  vi  sarà  possibile,  et  da  parte  mia  non  mancharô  far  il 
simile...  » 

Pellicier  remercie  ensuite  Maggio  de  la  peine  qu'il  a  prise  pour 
l'expédition  des  sauf-conduits. 

«  Di  nuovo  di  la  corte  tanto  tempo  fa  che  non  ne  ho  havuto  lettere, 
di  modo  che  al  présente  non  vi  ne  posso  dire  cosa  alcuna,  sino  che 
per  lettere  de  M.  di  Langie  *  et  di  Lione  intendo  Sua  Magestà  essere  in 
buona  sanità  gratia  di  Dio,  et  mi  scrive  M.  de  Langie  che  gli  Impe- 
riali  fanno  fortificar  le  terre  loro  et  che  hanno  avertiti  i  loro  capitani 
che  sapiano  dove  Irovar  fanti,  quando  gli  saranno  comandali.  Il  simile 
ha  falto  il  prefatto  signor  di  Langie,  et  mi  scrive  che  sempre  in  xv 
di  trovarà  bonissimo  numéro  disoldati,  ollra  quelli  ordinari  cheluy  tene, 
perche  è  fornito  di  danari  per  pagarle  et  satisfar  a  tutlo.  Il  marchese 
del  Guaslo  ha  mandato  a  la  cavalarie  [sic)  che  è  nel  realmo  di  Napoli 
che  habbia  à  venire  verso  Milano,  et  d'altra  parte  Sua  Magestà  ha  fatto 
apropinchar  se  cinche  cento  huomini  d'arme  in  Delphinat,  Savoya, 
Brexa  et  Lyonnoys',  acio  chè  siano  più  vicini  da  venire  quando  il 
delto  signor  di  Langie  le  mandarà,  si  pur  è  fatto  far  in  Franza  pur  assai 

1.  "  Fu  scrillo  il  dello  di  al  signor  arcevescovo  di  Rapiisa.  • 
i.  Lyon. 

3.  Anne  Joiivanl  (V.  Cal.  des  actes  clc  François  I''',  t.  IV,  p.  .^30,  n"  IS'iQI). 

4.  Guillaume  du  Bellay,  seigneur  de  Langey,  gouverneur  du  Piémont.      ' 

5.  Daupliiné,  Savoie,  Bresse  et  Lyonnais. 


[mars    l-iil]  GUILLAUME    PELLICIER  2:")9 

artillaria  nuova,  et  el  fi-adello  di  M.  di  Langie  '  è  in  Lione  con  trenta 
pezze  grosse,  per  conducere  in  Piamonte,  cioè  Monlcalier^  et  altre 
terre.  In  summa,  Sua  Mageslà  è  molto  disposta  da  non  palire  essere 
punto,  senza  che  ella  non  se  rescente  molto  bene. 

«  Si  è  nova  qui  che  l'iaiperatore  ha  scritto  al  duca  et  duchessa  di 
Mantoa,  corne  essendo  quella  terra  senza  alcun  governo,  et  havcndola 
luy  in  protectione  che  gli  par  giusta  cosa  de  metlergli  un  governalor, 
sino  ch'il  duca  sia  da  eta  matura,  et  che  non  li  par  per  niente  habbi 
essere  govcrnata  per  il  Cardinal,  per  essere  huomo  di  ghiesa,  subito 
la  duchessa  lo  fecce  intendere  il  prefalto  Cardinal  il  quale  volse  se  fece 
consiglio,  et  tutti  d'un  parer  volscro  ch'  il  detto  Cardinal  non  liavcsse 
à  moverse  dal  governo,  et  ferono  risposta  à  Sua  Magestà  Gezarea 
che  loro  si  trovavano  ben  governati  sotto  il  detto  governo,  fino  ch'il 
principe  fosse  de  età.  El  marchese  del  Guasto  ha  mandato  à  farli 
intendere  che  voleva  esser  li  à  parlar  da  parte  di  Sua  Magestà  Ceza- 
rea.  Li  fu  risposto  che  saria  il  ben  venuto,  ma  che  non  portasse  piu 
de  25  à  30  persone  con  luy.  Hanno  fatto  in  Mantoa  000  fanti  per  la 
guardia  délia  terra. 

«  Per  Icttere  di  Ralisbona,  del  24  et  28  febrario,  si  acusa  dal  partir 
délia  corte  de  limperatore  il  Reverendissimo  vescovo  Campeggio, 
nuncio  del  papa,  che  se  aspettarà  il  Reverendissimo  cardinale  Conta- 
rini  »,  che  Sua  Magestà  Cezarea  faceva  a  tutti  abrazamenti  cl  grossa 
ciera,  solicitando  più  che  poteva  la  dietta,  si  credeva  per  no  far  pocho, 
el  quello  che  farà  convegnerà  tutto  essere  à  satisfattioni  dei  luthe- 
rani.  Il  re  di  Romani  voleva  star  a  Viena  et  proveder  a  moite  cose,  et 
che  faria  ogni  cose  {sic)  per  non  trovarse  alla  dietta,  havendo  inteso  che 
in  Buda  era  intrato  socorso...  » 

Pellicier  termine  en  informant  son  correspondant  du  méconten- 
tement du  pape  à  Tégard  d'Ascanio  Colonna  et  des  armements  pré- 
parés par  Sa  Sainteté,  en  mêmes  termes  que  dans  la  lettre  du  21  mars 
à  M.  de  Villandry. 

«  In   Venetia.  » 
Vol.  2,  f°  140,  copie  du  xvi«  siècle;  2  pp.  1/4  in-f'. 

PELLICIER  AU  ROI. 

169.  —  [Venise],  31  mars  i54'l .  —  «  Sire,  je  vous  ay  escript  le 
XXI'  de  ce  moys  amplement  tout  ce  que  avois  peu  apprendre  lors  de 

1.  Martin  du  Bellay,  l'auteur  des  Mémoires,  troisième  fils  de  Louis  du  Bellay, 
seigneur  de  Langey,  mort  à  Glatigny,  dans  le  Perche,  le  9  mars  1559.  11  devint  prince 
d'Yvetot,  par  son  mariage  avec  Isabelle  Chenu,  et  remplit  la  charge  de  lieutenant 
général  du  roi  en  Normandie. 

2.  Moncalieri,  ville  de  Piémont,  sur  le  Pô,  à  8  kilom.  de  Turin. 

3.  Gasparo  Contarini,  cardinal  évèque  de  Bellune,  légat  apostolique  en  Allemagne. 


260  AMIIASSADE    DE  [mARS    1541J 

luus  cuiisle/.;  ce  néanlinoin^s,  ii  présent,  ayant  receu  ung  pacquet  de 
messirc  Vincenxo  Maggio  pour  le  seigneur  llincon,  ni'adverlissant  le 
luy  faire  tenyr  Ui  plus  tosl  qu'il  me  seroyt  possible  pour  ce  qu'il  y 
avoyl  dedans  chose  de  non  pou  d'iinporlance,  m'a  semblé  ne  debvoir 
scsjourner  ne  attendre  s'il  surviendroyt  aultre  chose  davanlaige  digne 
de  faire  sçavoir  à  V.  M.,  ains,  vous  faisant  sçavoir  ce  que  ay  peu 
apprendre  depuys,  envoyer  le  plus  tost  audict  seigneur  Rincon  ledict 
pac(iuel.  Par  leijuel,  combien  que  je  soys  tout  asseuré  pourrex  entendre 
toutes  nouvelles  du  Levant,  loutefoys  si  n'ay-je  voullu  laisser  de  vous 
faire  S(;avoir  ce  qu'il  m'escript  par  ses  lettres  de  Andrinopoli  le  xx'  du 
passé,  et  ce  que  cez  Seigneurs,  m'ayant  mandé  charcher,  m'ont  com- 
municqué.  Mesmement  comme  Barberousse,  pour  tenter  de  sçavoir  s'il 
seroit  pour  estre  cappitaine  de  l'armée,  avoyt  mandé  ung  sien  cappi- 
pilaine  au  Grant  Seigneur,  pour  luy  demander  s'il  luy  plaisoyt  que  l'on 
mist  hors  cinquante  gallères,  sur  quoy  luy  fut  demandé  si  toute 
l'armée  estoyt  en  ordre;  qui  feisl  responce  de  non,  mais  que  on  estoyt 
aproz  avecques  la  meilleure  dilligence  qu'il  estoyt  possible  de  faire.  Et 
lors  ledict  Grant  Seigneur  dist  :  «  Qu'elle  soyl  mise  toute  en  ordre,  et 
puys  je  diray  ce  que  l'on  aura  à  faire  ».  M'escripvant  aussi  comme 
l'arcevesque  de  Moldavia'  estoyt  venu  à  Petro  Bogdan,  remys  par  le 
Grant  Seigneur,  pour  prendre  son  serment  qu'il  pardonneroyt  à  tous 
ceulx  qui  l'avoyent  offensé,  et  que  lors  ilz  le  recepvroyenl.  L'on  estimoyt 
qu'il  ne  reffuseroyt  à  jurer,  et  faire  tel  serment  que  l'on  vouldroyt  allin 
d'estre  receu,  mais  puis  aprez  luy-mesmes  se  absouldroyl.  Il  m'escript 
davantaige  qu'il  avoyt  esté  prins  deux  espyes'^  de  Hongrye,  qui  avoyent 
dict  que  le  camp  croissoyt  à  Bude,  et  que  le  roy  Ferdinando  y  voulloyt 
aller  en  personne,  et  l'empereur  à  Vienne.  Dont,  pour  ceste  cause, 
le  Grant  Seigneur  feist  assembler  son  conseil,  et  furent  les  bassatz 
avecques  luy  plus  de  quatre  grosses  heures.  Enfin  en  sortirent  avecques 
conclusion  de  mander  mille  cinq  cens  gennissaires^  et  mille  huict  cens 
spachi\  qui  sont  gens  à  cheval  ;  desquelz  le  begliarbey  de  la  Grèce  est 
chef  et  les  yroyt  lever  en  Sophia.  Il  m'escript  bien  que  cela  est  peu  de 
gens,  mais  qu'il  croyt  que  cela  se  fait  seuUement  pour  mettre  la  famé* 

1.  Gams  n'indique  aucun  prélat  pour  le  siège  de  Bakau  en  Moldavie,  au  xvi'  siècle, 
et  les  documents  jirécis  seml)lenl  faire  totalement  défaut  pour  toute  celle  période 
(V.  Gams,  Sej'ies  episcoporum,  Halisbonnc,  1873,  in-4,  p.  365).  Les  cvèques  de  Mol- 
davie résidaient  alors  à  Lemberg  (Leopolis)  ;  l'archevêque  de  Lemberg,  à  celte  époque, 
était  Pierre  Slarzechowski,  qui  régna  de  1540  à  1554. 

2.  Espions. 

3.  Janissaires,  de  yeni  tscheri,  •>  nouvelle  troupe  »  :  milice  instituée  au  xiv"  siècle 
par  Alaeddin,  frère  et  vizir  d'Ourkhan,  et  composée  exclusivement,  jusqu'à  Moham- 
med IV,  au  milieu  du  xvn"  siècle,  de  jeunes  chrétiens  convertis  de  force  à  l'isla- 
misme (V.  de  Hammer,  t.  I,  p.  121). 

4.  Spahis,  ou  sipaliis,  cavaliers  proprement  dils,  janissaires  à  cheval.  Les  que- 
relles et  les  rivalités  furent  fréquentes  entre  ce  corps  et  celui  des  janissaires. 

5.  Du  lat.  fama,  renommée. 


[mars    1541]  GUILLAUME    PELLICIER  201 

que  le  Grant  Seigneur  se  mouve;  lequel  se  partyt  le  xix°  de  febvrier 
pour  aller  à  la  chasse  avecques  troys  de  ses  bassatz. 

<v  Sire,  cez  Seigneurs,  ayant  aussi  receu  lettres  de  Constanlinople 
des  II,  XIII,  XV.  et  xx!!!"  jours  de  febvrier,  m'envoyèrent  quéryr  pour 
me  communicquer  de  leurs  nouvelles,  mais  en  substance  ne  me  dirent 
guières  davantaige;  me  réplicquant  seullement  du  feu  prins  au  scrrail 
comme  vous  ay  escript,  et  du  grant  domaige  et  perte  qu'il  s'y  feist,  et 
en  oultre  que  ledict  feu  y  fut  si  très  grant  que  ung  chascun  perdyt 
espoir  de  rien  saulver  ne  retirer,  de  sorte  que  les  dames  dudict  sérail 
n'eurent  aultre  meilleur  moyen  de  se  saulver  sinon  de  se  getter  en  la 
place  publicque  où  furent  quelque  temps,  et  que  pour  quatre  cens  mil 
escuz  l'on  ne  sçauroyt  remettre  ledict  serrail  en  Testât  qu'il  estoyt.  Me 
dirent  aussi  que  ledict  Grant  Seigneur  estoyt  allé  à  la  chasse  aux  grues, 
en  ung  lieu  appelé  Jamboli';  je  ne  sçay  s'il  seroyt  auprès  du  fleuve 
Strimon^  en  Tracia,  où  Aristote  dict  se  assembler  des  grues  de  toute 
l'Europe  en  très  grans  troupeaulx^  Et  aussi  comme  ledict  Grant  Sei- 
gneur avoyt  receu  du  Caire  huict  cens  mille  ducatz  et  conduyct  aux 
fers  Imbrahim  Castro,  juyf,  qui  estoyt  imputé  d'avoir  faictz  plusieurs 
larrecins.  Et  pareillement  que  le  Sophi  se  renforsoyt  et  qu'il  s'estoyt 
pacifTyé  avecques  les  Géorgians,  ayant  intelligence  avecques  l'empereur 
que  incontinant  que  ledict  Grant  Seigneur  se  seroyt  voullé  vers  la 
Hongrye,  qu'il  viendroyt  sur  ses  pays  pour  l'endommaiger  et  troubler; 
et  bien.  Sire,  qu'ilz  ne  m'ayent  aulcunement  communicqué  de  leurs 
affaires  particuUiers,  si  ay-je  entendu  que  leurdict  ambassadeur  leur 
a  escript  comme  il  avoyt  deslivré  les  cent  mil  escuz  au  Grant  Seigneur, 
et  pareillement  les  présens  faictz  aux  bassutz  :  sçavoyr  est  à  Lotphy, 
dix  mil  ducatz  chequins;  à  Rostin  '*,  gendre  du  Grant  Seigneur,  à  Sultan 
et  Mehmet%  à  chascun  cinq  mil;  et  puys  en  fut  baillé  six  mil  à  Janus 
Bey  pour  son  remboursement  d'aultre  tant  qu'il  en  avoyt  prestez,  et 
quatre  mil  qui  luy  en  furent  donnez.  De  quoy  ne  fut  contant,  et  entra 
en  grande  coUère,  disant  :  «  Sont-ce  icy  les  promesses  qui  me  furent 
faictes?  »  Pareillement  fut  donné  au  juyf  médecyn  dudict  Grant  Sei- 
gneur mil  ducatz  chequins,  et  à  un  sien  nepveu  cinq  cens.  Dont  ledict 
Grant  Seigneur  ayant  entendu  avoir  esté  desboursé  seullement  à  son 
profTict  cent  mil  chequins,  dist  :  «  Pourquoy  ne  me  a  l'on  fourny  le 

1.  Jamboli,  ville  de  Roumélie,  à  243  kiiom.  de  Sofia,  sur  la  rive  gauche  de  la 
Touja. 

2.  Le  Strymon,  aujourd'hui  Strouma,  fleuve  célèbre  dans  l'antiquité  et  qui,  sorti 
de  l'Hémus,  coulait  en  Thrace  et  en  Macédoine  pour  se  jeter  ensuite  dans  un  golfe 
de  la  mer  Egée. 

3.  Hisl.  natur.,  liv.  VIII,  chap.  xn.  Le  passage  précis  d'Aristote  auquel  Pcllicier 
fait  allusion  est  relatif  aux  pélicans  :  "  Kal  oi  ircXExâve;  S'èxTOTtti^oyfK  y.al  TrÉToviat  à-iCo 
Tou  STpujjLÔvo;  7roTa(j.o'j  ÈttI  tov  "latpov,  xâ/sï  TsxvoTioio-jvcat.  »  (Aristote,  Œuvres  com- 
plètes, édit.  Didot,  o  vol.  gr.  in-8,  Paris,  1862-1874,  t.  III,  p.  lo6.) 

4.  Rustem-Pacha. 

5.  Suleyman-Pacha  et  Mohammed-Pacha. 


262  AMBASSADE    DE  SlAHS    154i] 

tout?  »  El  lors  Janus  Boy  respotidist  que  cez  Seigneurs  n'esloycnt 
obligez  il  en  bailler  pour  le  présent  davanUiige,  cl  cinquante  mil  à  la 
lin  de  l'an.  Sur  ({uoy  ledicl  (îrant  Seigneur  feist  responce  :  «  J'ay 
entendu  qu'il/,  les  ont  tous  nuindez,  mais  qu'il/,  ont  esté  baille/,  aux 
ungs  et  aux  aullres.  »  VA  de  reobef  ledict  Janus  Bey  respondist  :  «  Il 
est  bien  vray  qu'il/,  ont  mandé  aulcune  petite  somme  d'aspres  à  tes 
féaulx  serviteurs  pour  observance  de  Ta  Majesté,  comme  à  Lotphi 
X'"  clie([iiins  »,  et  ainsi  lui  nomme  les  aullres  jKirlicuUièremenl,  disant 
que  nul  d'entre  eulx  ne  les  avoyent  vouUu/.  acce[)ter  —  pour  ne  faire 
desplaisyr  à  Sa  Majesté  — et  qu'il  les  avoyt  à  son  logeis,  luy  adjouslant 
encores  :  «  Ta  .Majesté  doibt  entendre  que  quand  se  feist  l'aultre 
paix  avecques  les  Véniciens,  il/,  mandèrent  donner  à  chascun  de  tes 
basclial/.  W"  ducal/,  chequins.  »  —  Et  lors  ledict  Grant  Seigneur  se 
soub/risl,  et  ainsi  les  choses  pour  lors  passèrent.  Ledict  seigneur 
ambassadeur  a  aussi  escript  que  ayant  entendu  icelluy  (îrant  Seigneur, 
au  retour  de  ladiete  chasse,  s'en  aller  à  Constantinople,  luy  feist 
demander  s'il  le  debvoit  aller  attendre  là;  lequel  luy  feist  dire  de  si; 
mais  puys  aprez  luy  feist  redire  qu'il  ne  se  parlyt  de  Andrinopoli,  et 
qu'il  y  demeurast  avec  le  bassat  Mehmet.  Et  du  recouvrement  de  Nadin, 
Laurana  et  des  marchandises  ledict  Grant  Seigneur  luy  avoyt  faict 
entendre  que  ceste  Seigneurie  s'estoyt  faicte  pryer  de  luy  bailler  la 
Parga,  et  que  jamais  ne  les  avoyt  requis  de  luy  rendre  ses  prisonniers 
et  marchandises  de  ses  subgectz  qu'il/  avoyent  retenuz  à  Courfou, 
Cippre,  Venize  et  aullres  pars  de  leur  domine'.  Ce  néantmoings  qu'il 
leur  avoyt  relâchez  et  mys  en  liberté  plus  de  cinq  cens  de  leurs  prison- 
niers. En  somme,  escript  par  conclusion  que  ledict  Grant  Seigneur 
ne  voulsisl  ([uil  s'en  parlast  aulcunement;  dont  cez  Seigneurs  sont 
demeurez  grandement  troublez  et  fâchez,  escripvant  davantaige  que 
oultre  quinze  mil  chevaulz  qui  ont  esté  mandez  à  Bude  soubz  la  charge 
du  sanzacque  de  Samendria ,  ledict  Grant  Seigneur  avoyt  encore 
expédié  deux  mil  genissaires  et  huict  cens  aagilai'i^,  et  que  en  toutes 
façons  il  préparoyt  grant  exercite,  tant  par  mer  que  par  terre,  et  que 
Barberousse  avoyt  en  ordre  promptement  soixante  gallères.  Ledict 
seigneur  ambassadeur  a  demandé  congé  de  s'en  revenyr  par  deçà, 
pour  estre  chargé  de  plusieurs  malladdies  qui  luy  sont  survenues  en 
ce  pays  là,  qui  est  tout  ce  que  puys  en  dire  pour  ceste  heure  à  V.  M. 

«  Sire,  par  lettres  de  l'ambassadeur  de  cez  Seigneurs  prez  l'empereur, 
du  xin*  de  ce  movs,  sont  adverliz  comme  le  xii'^le  Ilévérendissime  car- 
dinal  Contarin  y  esloyt  arrivé,  lequel  fut  receu  moult  honorablement; 
et  que  tous  les  catholliques  esloyent  arrivez  à  la  diclte,  mais  non 
encores  les  proteslans,  de  sorte  qu'elle  s'en  alloyt  tardant  et  prolon- 


1.  Domaine,  domination. 

2.  Archers. 


MARS    lli41j  GUILLAUME   PELLICIER  263 

géant.  Et  par  aiillres  lettres  d'icelluy  ambassadeur,  du  xviii-',  faict 
«•ntendre  à  ce/.  Seigneurs  que  le  conte  Palatin  luy  avoyt  dict  en  grant 
secrect  que  pour  vray  le  maryaige  du  tilz  de  monseigneur  le  duc  de 
Lorraine  avecc^ues  la  duchesse  jadiz  de  Millau  estoyt  faict  et  conclud 
avecques  très  grandz  parLys  qu'il  ne  luy  déclaira  aultremenl.  Et  que 
Anlhoine  Doria»  estoyt  à  la  court  dudict  empereur,  cliarchant  et  solli- 
citant que  on  luy  voulsist  faire  aultres  partiz  que  par  cy  devant;  et 
mesmement  qu'il  ne  i'ust  subgect  de  André  Doria  comme  il  estoyt, 
advisaut  ledict  empereur  qu'il  estoyt  rechairché  grandement  de  V.  M. 
pour  venyr  à  son  service,  et  qu'il  estoyt  homme  et  libéré  pour  attendre 
à  celluy  qui  luy  feroyt  meilleur  traictement. 

«  Sire,  par  lettres  de  l'ambassadeur  de  cez  Seigneurs  prez  le  roy  des 
Romains,  escriptes  à  Vienne  le  ii°  de  ce  moys,  l'on  entend  que  icelluy 
roy  avoyt  faict  faire  une  diette  où  avoyt  demandé  que  pour  ung  an  ung 
chascun  l'eust  à  servyr  de  son  revenu,  et  que  ceulx  qui  ont  d'entrée 
au  dessoubz  de  cent  escuz  luy  fournissent  ung  homme;  auquel  fut  res- 
pondu  qu'ilz  se  réduyroyent  ensemble,  et  s'elforceroyent  faire  tout  ce 
qu'il  leur  seroyt  possible  :  qui  est  ce  qui  fut  faict  jusques  audict  ir  de 
ce  moys.  Escripvant  davantaige  que,  résolue  ceste  diette,  s'en  feroyt 
une  aultre  à  Praga*.  Et  que  l'ambassadeur  du  roy  de  Poullongne  s'es- 
toyt  party  de  la  court  du  roy  Ferdinando,  pour  aller  vers  la  royne  de 
Hongrye  veoir  s'il  pourroyt  faire  quelque  appoinctement.  El  par  aultres 
lettres  dudict  ambassadeur,  du  .w",  s'entend  que  ceulx  à  qui  fut  demandé 
tout  le  revenu  dune  année  ont  respondu  estre  contans  luy  en  donner 
la  moytié  en  terme  de  deux  moys,  et  l'aultre  moytié  en  terme  de  six, 
mettant  les  deniers  en  la  maison  royale  pour  s'en  servyr  à  son  besoing. 
Ceulx  qui  ont  d'entrée  au  dessoubz  de  cent  escuz  ont  respondu  estre 
contans  payer  ung  homme  à  cheval  pour  six  moys;  sçavoir  est  donner 
audict  roy  l'argent  pour  la  soulde  d'icelluy.  De  ceste  dernière  responce 
il  se  contenta,  mais  de  la  première  non,  disant  qu'il  luy  estoyt  néces- 
saire pourveoir  à  ses  grans  affaires,  lesquelz  avoyt  présentement.  Sur 
quoy  ceulx  de  ladicte  diette  se  debvoyent  retirer  une  aultre  foiz 
ensemble,  et  dé  ce  qu'il  s'y  fera  ledict  ambassadeur  promect  advertyr 
cez  Seigneurs.  Et  cependant  escript  que  le  xxi''  ledict  roy  se  partyroyt 
de  là  pour  aller  faire  l'aultre  diette  de  Praga,  et  que  la  Moldavia  le 
recharchoyt  qu'il  voullust  bailler  dix  mille  hommes  de  guerre,  qui  luy 

1.  Antonio  Doria,  illustre  capitaine  génois  au  service  de  Cliaiics-Quinl.  parent 
«l'Andréa  Doria.  Il  composa  une  relation  des  événements  de  son  temps  qui  fut 
publiée  en  lo"I.  —  llarwell  écrivait  de  Venise,  dès  le  4  janvier  1538,  à  Thomas 
Cromwell  :  «  llere  hath  ben  Antonio  Doria,  genevois,  a  man  of  aboul  forty  yeris 
of  ape,  nolhing  inferiour  oIT  vertu  to  Andréa  Doria,  whose  name  is  higlily  cele- 
brate  in  al  places  of  Italye  to  no  vulgar  glorye.  This  citée  liatli  sliewid  Ihe  said 
Doria  greal  benivolence  and  honour,  for  his  e.vcellent  famé  ami  vertus  »  {Stute 
papers  of  Henry  VIII,  vol.  VIII,  p.  13). 

2.  Prague  en  Bohème. 


264  AMIIASSADE  DE  [maus  1541, 

IduriKToyent  il  graiil  coiniiKnlilf  cl  i)rnriicl,  t-l  dominai^e  du  Turcq. 
Esiripl  aussi  «jue  ledicl  r<)y  esloyt  demeuré  fort  sus|)ens,  pour  avoir 
entendu  que  uiif;  capitaine  de  frère  George,  nommé  Périm  ',  lequel  a 
esté  cause  de  conduyre  les  Turcqs  à  saccaiger  Wacia  et  les  faire  riches» 
ayt  esté  faict  prisonnier;  (juoy  voyant,  ledict  frère  George  en  a  prins 
maulvaise  augure,  et  en  a  adverty  ledict  roy  des  Romains. 

<i  Sire,  par  lettres  du  secrétaire  Fidel  ce/.  Seigneurs  sont  advertix 
que  le  seigneur  marquis  du  (iuast  luy  avoyt  dict  avoii-  lettres  de  Tem- 
pcreur.  luy  faisant  st;avoir  (ju'il  pensoyt  avoir  plus  de  difliculté  en  ses 
all'aires  qu'il  ne  se  retrouvoyl,  avecques  toutes  les  praticques  que  ayl 
sceu  faire  quelque  ung  contre  luy;  et  qu'il  ne  pourroyt  eslre  si  tost  en- 
Itallye,  ayant  escriptù  André  Doria  lever  les  gens  de  guerre  (ju'il  avoyt 
laisse/,  en  Allricciue,  afiin  qu'il/,  se  trouvassent  au  temps  de  son  arrivée 
à  Gennes,  pour  passer  en  Espaigne;  et  que  ledict  empereur  ne  feroyt 
le  chemin  de  Millau,  pour  n'avoir  le  temps.  Ledict  Fidel  escript  davan- 
taige  (jue  icelluy  marquis  faict  plusieurs  saiges  discours  de  ce  que  a  à 
succéder,  desquelz  luy  doibt  mander  le  double,  et  que  il  e.Korte  tant 
qu'il  peult  ledict  empereur  de  ne  se  partyr  si  tost  de  l'Itallye.  J'ai  esté 
adverty  pour  tout  vray  que  domp  Lope  de  So^ia^  par  mandement  de 
Fempereur,  avoyt  demandé  au  duc  de  Ferrare»  pour  la  seurté  dudicti 
empereur,  Modène,  Rège  ',  Carpy  et  Robrola  *,  ou  bien  Fasseurer  de 
garder  que  de  la  Myrandola  ne  luy  viendroyt  auleun  empeschement. 
A  quoy  ledict  seigneur  duc  n'avoyt  faict  encores  aulcune  rcsponce,  mais 
avoyt  mandé  devers  le  pape,  comme  son  souverain  seigneur,  pour  s'en 
consulter. 

«  Sire,  l'on  a  par  lettres  de  Traour,  isle  auprez  de  la  terre  ferme  de- 
Sébénico%  que  il  a  esté  descouvert  ung  traicté  et  entreprinse  de  des- 
robber  la  fortresse  de  Glissa',  la  voysine,  par  la  femme  d'ung  de  ceulv 
qui  de  ce  avoyent  charge;  parquoy  en  avoyent  esté  prins  par  les  Turcqs 
quatre  d'iceulx,  et  exécutez  fort  cruellement.  Et  que  pour  ce  lesdicts- 
Turc(is  avoyent  faictes  quelques  courses,  et  emmené  plusieurs  gens  de 
cez  lieux-là  et  environs.  Et  entend  l'on  que  l'évesque  dudicL  Traour'^ 


1.  l'ierre  Pérény. 

2.  Don  Lopez  de  Soria,  amltassadiMir  de  rempereiir  à  Gênes,  de  lo23  à  1529,  ])uis 
à  Venise,  «le  I.i3;î  à  1539.  Il  y  fut  remi>lacé,  le  i\)  avril  1539,  par  Don  Diego  de  .Mi'n- 
doza  (V.  les  inslruclions  de  ce  dernier  dans  les  State  papers,  Spanish,  lj3S-loi2, 
p.  146).  Entre  temps,  Lopez  de  Soria  fut  cliargé  de  diverses  missions  dans  les  villes 
d'Italie,  notamment  à  Sienne  et  à  Fenare. 

3.  Uef.'gi(},  lancienne  li/trrfiinn,  à  2."i  Uilom.  de  Modène. 
i.  lUibiera,  bourg  à  il  kilom.  de  Modène. 

o.  Trau.  le  Traguvium  ties  Romains,  ville  de  Dalmatie.  sur  l'Adriatiiine,  à  17  kilom. 
de  Spalalro,  possédée  par  les  Vénitiens  depuis  '.l'.M. 

6.  Lissa,  ile  et  hourg  de  Dalmatie,  sur  un  golfe  qui  forme  l'un  des  plus  vastes  et 
des  meilleurs  ports  de  l'Adriatique,  position  très  forte  qu'on  a  surnommée  le- 
Gi/jiriltar  de  l'Adriatir^ue. 

7.  Christophe  de  Negris,  évèque  de  Trau  de  Io25  à  I5b9,  date  de  sa  mort. 


[mars    loti]  GUILLAUME    l'KLLICIER  265 

avovt  la  charge  de  condiiyre  ladicte  entreprinse,  comme  l'on  veult  dire, 
de  par  le  pape. 

«  Sire,  j  ay  eu  lettres  de  Romme  par  lesquelles  l'on  me  faict  entendre 
que  Nostre  Sainct  Père  avoyt  esté  adverty  par  lettres  de  Courfou, 
Raguse  et  Lépantho  que  Barberousse  avoyt  en  ordre  cent  cinquante 
gallères  et  cent  aultres  vaisseaulx,  et  auroyt  des  coursaires,  et  que  à 
la  Vallonné  faisoyent  cent  cinquante  pallandres  '. 

«  Sire,  j"ay  escript  à  V.  M.  dernièrement  comme  madame  la  contesse 
de  la  Myrandola,  estant  en  double  des  Espagnolz  qui  debvoyenl  venyr 
loger  prez  des  coniins  de  là,  m'avoyt  requis  instemment  y  vouUoir 
donner  provision,  ce  que  ay  faict,  y  mandant  la  soulde  d'arrivée  pour 
cent  hommes  :  dont  je  supplye  V.  M.  me  faire  advertyr  de  ce  que  je  en 
auray  à  faire  par  cy  aprez,  car  de  ce,  Sire,  Ion  ne  m'a  donné  nulles 
instructions  à  mon  partement,  ne  depuys  faict  aulcun  commandement 
ne  provision  ;  dont  ne  sçay  bonnement  qu'il  vous  plaist  que  je  en  face.  » 

Vol.  2,  f"'  Ul  v,  copie  du  xvi"^  siècle;  5  pp.  in-f°. 

PELLICIER  A   M.    D'aXNEBAULT. 

170.  —  Venise,  31  mars  1 54 1 .  —  Mêmes  nouvelles  que  dans  la 
précédente  lettre  au  roi. 

Vol.  2,  f"  lïL  copie  du  xvi<^  siècle;  1/3  p.  in-f». 

PELLICIER  A  RINCON. 

171.  —  Venise,  31  mars  1541.  —  Mêmes  nouvelles  que  dans  la 
lettre  au  roi. 

«  De  Venize.  » 

«  Monsieur,  je  ne  veulx  obmettre  à  vous  advertyr  comme  le  xxix"  de 
ce  moys  je  feuz  au  Dolo  -  veoir  voz  chevaulx,  lesquelz  trouvay  en  très 
bon  poinct,  et  ne  hannyssoyent  que  de  entrer  en  chemin;  et  le  len- 
demain M.  le  Maître  ^  ne  faillyt  de  prendre  son  chemin  vers  les  montz 
des  Grisons  pour  suyvre  vostre  train,  quelques  lettres  patentes  et 
missives  que  luy  eust  donné  M.  l'ambassadeur  domp  Diego.  Je  prye 
Dieu  leur  donner  bon  voyaige.  » 

Vol.  2,  f°  144,  copie  du  xvi^  siècle;  1  p.  in-f". 


1.  Palandres,  de  l'italien  palandra.  ■<  Au  xvie  siècle,  c'était  un  navire  de  charge, 
médiocrement  grand,  dont  les  Turcs  se  servaient  comme  de  i)âtiment-écurie  pour 
le  transport  des  chevaux.  »  (Jal,  Glossaire  nautique.) 

2.  Dolo,  bourg  de  Lombardie,  sur  la  Brenla,  à  19  kilom.  de  Venise. 

3.  Le  maître  d  hôtel  de  Rincon. 


206  AMItASSADE   DE  [avuii,    liiilj 

l'EI.LIClER   A  CE'iARE   KREr.OSO, 

172.  — [rt'»ise],  .1/  mars  1 .')  H .  —  IVilicier  félicite  Fregoso  de  sa 
guérison  t't  t]i'  s<>ii  arrivée  à  la  cour.  Il  lui  recommande  le  soin  de  ses 
inléréls  narliculiers. 

Vol.  J,  r»  i't't  v",  copie  du  \\i'  siècle;  1/2  p.  in-f". 


l'EI.I.ICIEK    A    .M.    liK   VILLANDHY. 

173.  —  l'i'iiUr^  Jl  mars  lôil.  — «  Monsieur,  encores  que  je  ne 
double  iJoiiiL  (jue  ne  soyez  adverly  des  nouvelles  et  occurranccs  de 
Rome,  ce  néanlmoings  pour  ne  (jbmeltre  de  faire  entendre  ce  que  puys 
apprendre  de  tous  coustez,  vous  ay  bien  voullu  escripre  ce  que  ont  eu 
cez  Seigneurs  de  leur  ambassadeur  ([ui  est  là;  c'est  que  le  pape 
persévère  toujours  contre  le  seigneur  Ascanio  Coullonne,  et  que  Sa 
Sainteté  avoyt  mandé  lever  x"  Suysses,  et  que  l'ambassadeur  de 
l'empereur  prez  Sadicte  Sainteté  faisoyt  tout  ce  qu'il  povoyt  pour 
appaiser  la  chose.  Et  de  faict  j'ay  entendu  que  M.  l'ambassadeur  de 
l'empereur  qui  est  icy,  aujourd'huy,  en  montant  les  degrez  du  pallais 
de  ceste  ville,  a  dict  à  homme  de  l'oy  que  l'empereur  avoyt  mandé  au 
pape  voulloir  surceoir  à  lentreprinse  contre  le  seigneur  Ascanio 
Coulonne  jusques  à  sa  venue,  qu'il  acouslreroit  tous  les  différendz 
d'entre  eulx.  Et  pour  ce  que  suys  bien  asseuré  que  verrez  toutes  les 
aultres  nouvelles  que  j'escriptz  au  roy,  ne  m'estenderay  à  vous  en  faire 
aultre  répéticion;  seullement  vous  pryeray  faire  tenyr  le  pacquet  qui 
s'adresse  à  mon  homme,  et  pareillement  les  aultres  enclodz  avecques 
la  présente  à  qui  ilz  s'adressent...  » 

Vol.  2.  1°  li;>.  copie  du  xvi«  siècle;  1/2  p.  in-f". 


l'EI.I.lCIEK    A    M.    DE   RODEZ '. 

174.  —  [\'e}nsé],  2  anr\l  io4l.  —  «  Monsieur,  depuys  les  miennes 
dernières  que  vous  ay  escriples  du  xxiiii"  du  passé,  ay  receu  les 
vostres  du  xxvii'  par  lesquelles  me  faictes  bonne  part  de  voz  occu- 
rances,  dont  je  vous  mercye;  et  par  revanche  vous  diray  comme  le 
seigneur  Alloysi  Allemani  '  est  arrivé  icy  mandé  par  le  roy  vers  cez 

1.  «  Escripl  cedicl  jour  à  M.  l'évesquc  de  Lodes.  • 

•_'.  Aloysio  Alam.inni.  nu  Alemani,  poète  ilalien,  né  à  Florence  en  lillii,  mort  à 
Aiuboise  en  l.")5(i.  Hanni  de  Florence  par  le  cardinal  Giulio  dci  Mciiicis,  depuis  pape 
sdiis  le  nom  de  Clément  VII,  pour  avoir  été  mêlé  â  une  conspiration  contre  sa  vie, 
et  retiré  d'abord  à  Venise,  jiuis  en  Franco,  il  prit  part  à  diverses  tentatives  pour 
alTranchir  sa  patrie.  François  1"  l'avait  attaché  à  son  service  et  lui  avait  conlié  la 
charge  de  maître  d'hôtel  de  la  dauphine.  Après  s'être  acquitté  heureusement  île 
plusieurs  missions  diplomatiques,  il  fut  nommé,  après  la  paix  <le  Crépy,  en  l.ï44 


[aviui,    15 h]  GUILLAUME   PELLICIER  267 

Seigneurs,  pour  les  remercyer  de  la  gcande  démonstraeion  d'amylié 
qu'ilz  ont  faicle  à  S.  M.,  tant  pour  la  bonne  seureté  et  provision  qu'ilz 
ont  donnée  au  passaige  du  seigneur  Rincon  comme  vous  ay  escript,  que 
aussi  de  la  grande  afiection  et  amytié  qu'ilz  ont  faict  entendre  audict 
seigneur  luy  porter  par  leur  ambassadeur  prez  de  luy.  De  quoy  vous 
puys  bien  asseurer  cez  Seigneurs  estre  demeurez  grandement  satis- 
faictz. 

De  la  court  je  n'ay  aultres  nouvelles,  sinon  que  monseigneur  le  Con- 
nestable  en  estoyt  party  pour  aller  en  Bretaigne  prendre  possession  du 
don  que  luy  a  faict  M.  de  Chasteaubryant*,  et  que  M.  l'Admirail  avoyt 
esté  remys  en  tous  ses  biens,  honneurs  et  offices  ainsi  qu'il  estoyt  aupa- 
ravant, et  que  de  brief  s'en  alloyt  à  la  court  pour  remercyer  S,  M.  * 
qui  a  eu  très  grand  plaisyr  et  contentement  de  l'arrivée  du  seigneur 
Rincon^,  pour  lequel  j'ay  receu  ung  aultre  pacquet  depuys  que  vous 
ay  escript.  » 

ambassadeur  auprès  de  Charles-Quint.  Un  de  ses  fils,  Gian-Battisla,  devint  évêquc 
de  Bazas  et  de  M.icon. 

Alanianni  avait  reeu  du  roi,  entre  autres  présents  destinés  à  récompenser  ses  ser- 
vices, la  chàtellerie  de  Tullins  en  Dauphiné  (Isère),  dont  la  donation  (I.j31)  lui  fut 
confirmée  à  diverses  reprises,  notamment  en  l.'i32  et  1544  (V.  Cat.  des  actes  de  Fran- 
çois /",  t.  îl,  III  et  IV.  passim). 

La  Bibliothèque  nationale  et  celle  de  l'Arsenal,  à  Paris,  possèdent  plusieurs  mss. 
de  ses  œuvres. 

Sa  femme,  Maddalena  Bonajuti,  dame  d'honneur  de  Catherine  de  Médicis,  devenue 
veuve,  épousa  en  secondes  noces  Jean-Baptiste  Gondy.  llorentin,  maître  d'hôtel  de 
la  reine  mère. 

i.  Jean  de  Laval,  seigneur  de  Chàteaubriant  et  comte  de  Plorhan,  gouverneur  de 
Bretagne,  parent  et  ami  du  connétable,  né  en  IlSG,  mort  veuf  et  sans  postérité  en 
loii'.  11  avait  épousé  Françoise  de  Foix,  sœur  il'Odet  de  Foix.  seigneur  de  Lautrec. 
Par  acte  dressé  à  Paris  le  5  janvier  1540,  M.  de  Chàteaubriant  avait  fait  don  à 
Montmorency  du  tiers  de  ses  biens  immeubles,  soit  quatorze  terres  sises  en  Bretagne 
et  en  Anjou,  dont  le  connétable  avait  déjà  fait  prendre  en  son  nom,  le  ^  mai  sui- 
vant, possession  et  investiture  (V.  de  Crue,  Anne  de  Montvwrenc;/  ;  Paris,  Pion.  1883, 
in-S",  p.  423). 

Ce  voyage,  entrepris  sous  le  prétexte  de  remercier  son  bienfaiteur,  coïncidait  au 
fond  avec  la  disgrâce  de  Montmorency  et  la  réhabilitation  de  Chabot. 

2.  La  défaveur  de  l'amiral  n'avait  pas  été.  d'ailleurs,  de  longue  durée.  Les  lettres 
contenant  l'arrêt  des  commissaires  chargés  il'instruire  le  procès  étaient  datées  du 
8  février  1541;  celles  portant  remise  de  toutes  les  sommes  auxquelles  il  avait  été 
condamné,  comme  restitution  ou  comme  amende,  sont  du  12  mars  de  la  même 
année  (Cal.  des  actes  de  François  r%  t.  IV.  pp.  180  et  187,  n»'  11.827  et  11.862).  —  11 
faut  lire  encore  à  ce  sujet  la  piquante  dépèche  de  lord  William  Howard  d'Effingham, 
ambassadeur  d'Angleterre  à  Paris,  adressée  à  Henri  VIII,  de  Blois,  le  3  février,  et 
qui  montre,  avant  même  l'issue  du  procès,  dans  quelles  dispositions  favorables  se 
trouvait  François  I"  à  l'égard  de  Chabot  {State  papers  of  Uenn/  VIII.  vol.  VIII, 
o"  partie,  p.  333).  —  V.  aussi  la  dépèche  écrite  d'Amboisc,  le  l'J  avril,  après  la 
réliabilitation  de  Chabot  (/(/.,  ibid.,  p.  532). 

3.  D'après  les  cunqjtes  de  l'Epargne  (B.  N.,  ms.  Clairambault  1215,  f  79  v"),  Rincon 
avait  rejoint  la  cour  à  Blois  le  5  mars.  Une  dépèche  de  l'ambassadeur  anglais 
Howard,  écrite  de  Blois  à  Henri  VIII,  le  18  mars,  nous  donne  d'intéressants  détails  : 
••  And  the  next  day  foUowing  {l'arrivée  de  Rincon)  I  wheynt  and  dyned  vvith  Ihe 
Conestable,  and  so.  afler  th'accoustomed  manner,  I  wheynt  to  the  Kingcs  chambre; 
which,  after  He  had  dyned,  He  took  aparté  the  said  Rançon,  being  none  other  par- 


268  AMHASSADE   DE  [avril   1541J 

Suivent  los  nouvelles  concernunl  les  agissements  de  liaiberousse, 
dont  il  a  été  question  dans  la  lettre  au  roi  du  31  mars. 

«  ...  Hier  se  parlyt  d'iey  M.  l'abbé  de  Bonevente  *,  pour  s'en  aller  en 
France,  ayant  rt'tcu  lelln-s  du  seigneur  Uinc<jn.  l'ai-  (luoy  ne  luy 
ay  pru  bailler  ct'llc  (jue  luy  escripviez  pour  l'avoir  receue  encores  ce 
jourd'liuy,  mais  je  la  luy  manderay  par  la  première  dépesche  qui  se 
fera  à  la  court.  J'ay  aussi  faict  lenyr  les  aultrcs  encloses  en  vostre 
pacquet;  le  semblable  je  vous  prye  faire  faire  de  celles  que  trouverez 
au  mien...  » 

Vol.  2,  f"  lf;>,  cupic  du  \\r  siùclc;  :i,  t  p.  iii-r'\ 

l'EI.I.iCIEIt    A    M.    DE   J.ANOEV. 

175.  —  [Venise],  3  avril  io41 .  —  Pellicier  a  reçu  les  lettres  de 
Langey  des  IS,  t\  et  :20  mars. 

«<  ...  En  contreschange  desquelles  ne  m'estendray  par  la  présente  à 
vous  en  escripre,  me  remettant  à  celle  que  j'escriptz  à  M.  le  mares- 
chal  d'Hannebault,  laquelle  verrez.  Et  vous  l'ay  adressée,  pour  aultant 
que  j'ay  entendu  que  de  brief  debvoit  arriver  à  Thurin,  et  que  jà 
son  train  y  estoyt,  et  que  aussi  l'ambassadeur  de  l'empereur  a  dict 
à  quelques  ungs  avoir  eu  lettres  de  Millau,  comme  ledict  seigneur 
d'Annebault  estoyt  arrivé  audict  Thurin.  Dont,  pour  la  presse  que 
j'ay,  m'a  semblé  que  la  mesme  lettre  pourra  servyr  à  tous  deux,  et 
si  d'adventure  il  n'y  estoyt  arrivé,  il  vous  plaira,  après  l'avoir  veue, 
la  faire  fermer  et  la  luy  mander  la  part  où  il  sera.  Au  demeurant,  Mon- 
sieur, je  pense  que  aurez  entendu  par  M.  Rabellays  comme  M.  Paulo 
Manulio,  lilz  de  messire  Aide,  homme  de  immortelle  mémoire,  dési- 
rant, pour  les  rares  quallitez  et  vertus  qui  sont  en  vous,  obtenyr 
vostre  grâce,  patrocine  et  amytié,  faisant  imprimer  toutes  les  œuvres 
de  Cicéron,  vous  en  vouUoit  desdyer  partye  des  oraisons,  et  à  cez  fins 
chairchoit  de  recouvrer  l'escusson  de  voz  armes'.  Ce  qu'il  a  faict  et 

sone  nigh  to  hère  Iheyin  luil  Ihe  Cardynall  of  Lorayne,  and  siill  did  lalk  wilh  liym 
nigh  an  owre.  And  as  1  hère  say,  the  King  halh  charged  hym  to  open  no  malier  to 
no  man,  but  to  the  Cardynall  of  Lorayne  and  the  Cardynall  of  Tornon  ;  so  that  yet 
I  cannol  lorne  the  cause  of  his  conunyng  iiome.  It  is  to  be  thought  that  lie  hath 
played  a  good  j)arte.  for  Ihe  King  halh  made  hym  one  of  his  Maislres  de  Hostel  • 
{State  papers,  ibid.,  p.  513). 

1.  Francisco  Rincon,  frère  de  l'ambassadeur. 

2.  Les  armes  do  la  maison  du  Bellay  sont  :  d'arrjent  h  la  bande  fuselée  de  rjtieules, 
accompagné  de  six  fleurs  d'azur;  trois  en  chef  posées  deux  et  un,  et  trois  en  pointe 
mises  en  bande. 

Il  s'agit  du  tome  II  de  l'édition  des  Discours  de  Cicéron,  qui  contient  en  effet  une 
dédicace  latine  de  Paolo  .Manuzio  à  Guillaume  du  Bellay,  à  la  personne  duquel 
Rabelais,  comme  on  l'a  vu  plus  haut,  était  attaché  comme  médecin.  —  M.  Tullii 
Ciceronis  orationes,  apud  Aldi  lllios,  Venetiis,  3  vol.  in-8°.  —  Le  premier  volume 
parut  en  octobre  ï'.jU),  le  second  en  février  lo41,  le  troisième  en  mars  de  la  même 
année. 


[avril    1541]  GUILLAUME   PELLICIER  2i)9 

parachevé,  et  m'a  baillé  le  tome  desdictes  oraisons  à  vous  desdiées  pour 
les  vous  faire  tenyr,  me  pryant  vouUoir  plus  recommander  la  bonne 
vouUenté  qu'il  a  en  meilleures  choses  de  vous  faire  service  et  hon- 
neur, que  le  petit  présent.  Sur  quoy,  Monsieur,  je  vous  prye  croire 
qu'il  est  homme  digne  d'ung  tel  père  et  d'ung  tel  protecteur  et  patron 
que  vous;  dont  vous  supplye  le  voulloir  mettre  au  nombre  de  voz 
meilleurs  familliers  et  serviteurs,  comme  il  est  de  tous  les  gens  de 
bien  et  de  sçavoir  qui  sont  en  ceste  Ilallye  et  ailleurs  qui  le  congnois- 
sent.  Vous  asseurant  pour  beaucoulp  de  choses,  voire  pour  le  service 
du  rov,  que  ce  ne  sera  petit  instrument  que  luy,  pour  les  congnois- 
sances,  amytiez  et  dexléritez  qu'il  a.  Et  combien  qu'il  soyt  desjà 
grandement  affectionné  au  party  du  roy  et  à  toute  la  nation,  ce 
néanmoings  je  n'ay  laissé  ne  laisse  occasion  quelconque  de  l'incliner 
davantaige  à  ceste  dévotion.  Dont  ccz  jours  passez,  estant  banny  d'icy 
pour  quelque  cas  ung  frère  sien  qui  faict  toute  leur  manufacture  et 
œuvre  d'imprimerye  \  ay  obtenu  de  cez  Seigneurs  saufconduyt  pour 
cinq  ans,  qui  est  le  plus  que  Ton  puysse  en  telz  cas  impétrer  de  ceste 
Seigneurie.  Et  derechef  je  vous  supplye,  Monsieur,  le  voulloir  avoir 
en  vostre  bonne  recommandation  et  grâce,  et  prendre  ladicte  dédica- 
tion  à  gré  et  plaisyr. 

«  Monsieur,  j'ay  envoyé  aujourd'huy  appeler  le  seigneur  Asulanus  *, 
pour  disner  avecques  moy;  auquel  n'ay  failly  faire  entendre  ce  qu'il 
vous  a  pieu  m'escripre  des  jumans  que  luy  envoyerez  comme  il  avoyt 
demandé,  et  la  charette  aussi  avecques  force  plantes,  là  où  me  faictes 
sçavoir  qu'il  y  en  aura  pour  moy  dont  je  vous  en  remercye  de  très  bon 
cueur...  » 


Vol.  2,  ï°  145  v°,  copie  du  xvi»  siècle;  i  p.  in-f<>. 


PELLICIER   A   VINCENZÙ   MAGGIO  3. 

176.   —   [Venise],   9   avril   1541.  —  Pellicier   a   écrit   à  Maggio 

1.  Antonio  Manuzio,  le  second  des  trois  fils  d'Aldo,  fut  lianni  de  Venise  pour  une 
affaire  dont  les  détails  sont  restés  ignorés,  et  que  Paolo  Manuzio  qualifie  dans  une 
lettre  d'égarement  de  jeunesse,  ./Mi'ew^i^h's  erratum  (V.  Renouard,  Annales  de  Vim- 
pi'imerie  des  Aide,  pp.  433  et  454).  Renouard  place  le  fait  en  1532,  et  dit  qu'en  1555 
une  nouvelle  sentence  de  bannissement  fut  rendue  contre  Antonio  revenu  à  Venise, 
annulant  les  amnisties  précédentes.  C'est  à  cette  date  qu'il  alla  s'établir  comme 
libraire  à  Bologne,  où  il  mourut  entre  1558  et  1359.  Peut-être  doit-on  reporter  à 
1341  l'origine  de  la  mystérieuse  affaire  qui  l'exila  de  sa  patrie. 

2.  Francesco  d'Asola,  second  fils  d'Andréa  Torresano  d'Asola,  et  beau-frère  d'Aldo 
Manuzio.  A  la  mort  d'Aldo,  Andréa  d'Asola,  qui  avait  été  son  associé,  continua  à 
diriger  la  célèbre  imprimerie,  aidé  de  ses  deux  fils,  Francesco  et  Federigo,  jusqu'à 
sa  mort,  arrivée  en  1529.  L'imprimerie  demeura  fermée  jusqu'en  1333,  où  Paolo 
Manuzio,  âgé  de  vingt  et  un  ans,  la  rouvrit.  En  1540,  l'association  formée  entre  les 
fils  d'Aldo  et  les  fils  d'Andréa  fut  rompue,  pour  reprendre  au  nom  des  seuls  fils 
d'Aldo  (V.  Renouard,  id..  ihid.). 

3.  En  italien.  —  «  Per  il  dragamano.  »  —  «  Escript  cedict  jour  à  maître  Guillaume 


270  AMBASSADE   DE  [avriL    154ij 

lu  28  mars,  et  a  reçu  depuis  ses  lettres  du  24  février,  avec  un  paquet 
h  l'adresse  de  Uincon,  auquel  il  l'.i  iinmédialeinent  envoyé. 

"...  Ho  liavulo  leltere  de  qufUo  amico  d'.MlainaKna,  dal  quai  vi  ho 
parlalo  altre  voile,  couic  l'imperalore  è  adverlilu  uiinutauienle  per  il 
Giudeo'  do  ogni  cose  et  provisione  che  fa  il  Gran  Signor,  si  per  mare, 
come  per  terra,  et  massime  verso  la  Ongaria.  Et  dice  che  Timperatore 
non  lo  slima  nienle  di  quella  handa,  et  che  ha  fatlo  sei  milia  huomini 
de  piede  per  mandarli  et  sei  colonelli  per  far  gente  de  pede,  et  se 
mette  in  ordine  per  far  gente  da  cavallo  et  forse  monicione  de  ogni 
sorte;  et  se  dice  de  piii  che  farà  x'"  huomini  da  pede,  et  qualche 
numéro  de  cavalli  ligieri,  lulli  Ilaliani,  per  mandar  in  Viena.  S'intende 
che  el  marchese  del  Guasto  ha  detto  che  l'imperatorc  gli  ha  scritlo, 
che  pensava  havere  più  dillicullà  in  le  cose  sue  d'Allamaigna,  di  quel' 
che  trovava,  con  quanta  praticha  habia  fatta  qualcheduno,  et  che 
non  polrà  essere  si  presto  in  Italia.  Nondimeno  per  altra  via  s'intende 
(lie  limperatore  comenciava  molto  a  fastidiarse  per  la  tardanza  che 
ha  fatta  iu  Alamagnia  senza  havere  incomenciato  nulla.  Et  scrive  a 
Doria  a  levare  questi  fanti  che  sono  in  AfTrica,  per  poterse  Irovare  a 
tempo  nel  giongere  suo  in  Genoa  per  passar  in  Spania,  il  quai  non 
farà  la  via  de  Milan',  per  non  ponerli  (sic)  tempo. 

«  Per  lettere  di  Yiena  s'intende  il  re  Ferdiuando  havere  fatta  una 
dietla  nella  quai  haveva  demandato  che  per  un  anno  ogniuno  gli 
servisse  délia  sua  intrata  et  che  quelli  da  100  ducati  in  giù  gli  pagasse 
un  huoino  per  uno.  A  la  prima  demanda  si  è  fatta  risposta  che  tutti 
quanti  insieme  gli  daranno  solamente  xx"  raynes,  et  a  la  seconda 
quelli  di  100  scudi  in  giù  gli  daranno  800  huomini  et  non  più.  Nonobs- 
tante  qualche  remonstracion  che  habbia  saputo  fare,  con  dire  che 
potrobljc  andar  a  rompere  xxiiii"  cavalli  turchi  che  erano  gionti  à  Pest 
malissime  in  ordine,  per  lo  longo  camino  et  cativo  tempo  che  hanno 
havuto...  » 

Pellicier  a  reçu  le  sauf-conduit  de  M.  de  Langey  -. 

Vol.  2,  f°  146,  copie  du  .\vi°  siècle;  i  p.  1/2  in-f". 


Reverdy,  à  .M.  rarcovos(iue  do  Uagusc  cl  à  niesser  Pelro.  —  Ilem,  à  M.  de  Rhodez 
el  à  M.  de  Lodes.  »  —  Le  Cat.  dex  actes  de  François  I"  (l.  IV,  p.  28,  n"  H,  133) 
menliorinc  le  don  de  biens  menblps  cl  ininienhles  fait  .i  Paris,  en  juillet  l."J39,  à 
Guillauine  Revenly,  à  Verdun  iJunneau  et  à  Hnberl  Pellerin,  officiers  domestiques 
de  la  reine. 

1.  Le  Juif,  apenl  socrcl  de  la  cour  impériale. 

•2.  «  Escripl  le  Xir  apvril  une  lettre  comiiHine  à  .MM.  Daramont,  La  Molle,  et  For- 
miguel  à  laMirandola.  —  Item,  ledicl  XIT  apvril  escripl  au  seigneur conlc  de  .Monte 
di  Risc  à  Ferrare.  » 

M.  d'Apigny  de  la  Molhe,  gentilhomme  breton,  agenl  français  établi  à  la  Miran- 
dole.  On  le  retrouvera  plus  loin  dans  les  affaires  de  Marano  (V.  la  dépêche  du 
9  mai  lbi2). 


TaVRIL    lyilj  GUILLAUME    PELLICIER  271 

l'ELLlCIER    A    M.    D'aNNEBAULT. 

177.  — [Venise],   13  avril  154i.  —  «  Monseigneur,  entre   auUres 
serviteurs  du  roi  qui  vous  feurent  faire  la  révérancc  quant  fustcs  icy, 
y  eut  M.  Tévesque  de  Lodes,  lequel  pour  estre  tant  bon  et  afl'ectionné 
serviteur  de  S.  M.,  ne  me  puys  tenyr  que  je  ne  vous  supplye  vous 
recorder  de  luy,  affin  qu'il   ne  soyt  mys  en  obly,  quant  il  plaira  à 
Sadicte  Majesté  faire  mettre  à  exécution  l'espérance  que  l'on  a  donnée 
de  faire  quelque  récompence  à  sesdictz  aultres  serviteurs.  Desquclz 
j'ay  baillé  une  liste  aux   seigneurs  Gézar   Frégoso   et   Rincon;  car, 
comme  vous  sçavez  trop  mieulx  que  estant  la  nature  des  seigneurs 
italliens  subgecte  à  quelque  jallosye,  comme  communément  advient 
aux   généreux   cueurs   quant  ilz   sont   oblyez  ou   postposez  à  leurs 
pareilz,  pourroit  estre  peu  contant  s'il  se  veoyeoit  laissé  arrière  des 
aultres,  attendu  sa  servitude  estre  si  affectionnée,  ancienne,  et  de  non 
peu  d'importance  à  S.  M.  Car  je  vous  puys  bien  asseurer  que  tout  le 
temps  qu'il  a  esté  icy,  il  m'a  donné  d'aussi  bonnes  adresses  et  certains 
advis   que  nul  aultre,  et  mesmement  en   certains  traictez  et  entre- 
prinses   que   l'on   vouUoit   faire   à  Hesdin  et  Marseille,  lesquelz  feiz 
sçavoir  de  bonne  heure  au  roy,  dont  depuys  y  fut  très  bien  pourveu 
comme  ay  entendu.  Et  de  présent  luy  estant  à  Rome,  il  ne  fault  de 
me  faire  entendre  tant  amplement  et  par  le  menu  des  nouvelles   et 
occurrances  de  delà,  et  faire,  comme  je  suys  très  bien  adverty,  si  bons 
offices  pour  S.  M.  vers  Sa  Saincteté  que,   s'il  estoyt  là  pour  Sadicte 
Majesté,  n'en  pourroit  estre  plus  songneulx,  ne  faire  mieulx  qu'il  faict. 
Et  y  vault-il  d'aultant  plus  qu'il  a  aussi  bon  accez  et  crédict  envers 
Nostre  Sainct  Père  que  guères  aultres  de  sa  quallilé  qui  soyent  auprez 
de  luy;  comme  par  effect  en   a  faict  bonne   démonstracion,  l'ayant 
mieulx  pourveu  des  vaccacions  qui  sont  escheues  en  la  collacion  de 
Sa  Saincteté  durant  le  temps  de  troys  ou  quatre  moys  qu'il  est  à  Rome, 
que  à  nul  aultre  qui  ait  esté  là  de  sadicte  qualité.  Je  suys  pour  certain 
adverty  qu'il  est  de  brief  pour  avoir  meilleure  charge  et  moyen  de  cest 
endroict  là,  pour  tousjours  povoir  faire  meilleur  service  au  roy;  dont 
ne  seroyt  que  bien  à  propoz  de  l'entretenyr  à  ceste  heure  plus  que 
jamais,  et  luy  donner  seuUement  à  cognoistre  que  l'on  a  souvenance 
de   ses  bons  services,  en  mettant  quelque  exécution  aux  promesses 
que  de  mon  temps  et  par  moy  on  luy  a  faict  faire.  Par  quoy  je  vous 
supplye.  Monseigneur,  en   porter   quant  viendra    à   propoz   quelque 
paroUe  au  roy  et  ailleurs  où  verrez  estre  bon  ;  car  toutes  cez  choses, 
avecquesle  bon  moyen,  sçavoir  et  crédict  qu'il  a  pourayder  aux  choses 
de  Millau,  et  la  grande  constance  en  quoy  je  l'ay  tousjours  trouvé  tant 
affectionné  et  bon  serviteur  du  roy,  que,  pour  tenyr  son  party  et  la  toy 
audict   seigneur,   n'a  reffusé   d'estre   déchassé   de   son   évesché,   me 


272  AMBASSADE   DE  [avril   1541] 

incitent  grandomonl  el  font  prendre  la  hardiesse  vous  escripre  si  affec- 
tionnément,  et  supplyer  l'avoir  pour  recommandé  soubz  vostre  meil- 
leure protection  et  grâce...  » 

Vol.  2,  fo  147,  copie  du  xvr  siècle;  1  p.  1/4  in-K 

PELLICIER  Al'  CONNÉTABLE. 

178.  —  [Venise],  i 3  avril  i 54 1 .  —  Pellicier  recommande  au  conné- 
table la  lettre  et  les  intérêts  de  l'évêque  de  Lodi. 

Vol.  2,  r^  147  v".  copie  du  xvi*  siècle;  1/2  p.  in-l"^. 

PELLICIER   AU   ROI». 

179.  —  [Venise],  14  avril  i 541 .  —  «  Sire,  depuys  les  miennes  der- 
nières que  vous  ay  escriptes  du  dernier  du  passé,  est  arrivé  icy  le  sei- 
gneur Aloisy  AUemani  qui  m'a  donné  les  vostres  du  xxiii'  febvrier  et 
dédairé  bien  amplement  sa  commission  selon  vostre  vouUoir  et  inten- 
cion;  sur  quoy,  aprez  avoir  ad  visé,  luy  et  moy,  les  propoz  qu'il  seroyt 
bon  de  tenyr  à  cez  Seigneurs,  feusmes  vers  eulx;  et  par  luy  leur  fut 
exposé  tant  dextrement  et  efficacement  sa  charge  et  commission,  que 
dès  lors  feirent  démonstration  d'en  estre  merveilleusement  aises  el 
satisfaictz.  Ce  néant moings,  pour  ceste  heure  là,  ne  feirent  aultre 
responce,  sinon  générale,  à  leur  acoustumée,  remercyans  très  affec- 
tueusement V.  M.,  et  qu'ilz  n'estoyent  à  présent  à  cognoistre  la  singul- 
lière  et  parfaicte  amytié  que  leur  portez  ;  car  Tavoyent  tousjours 
congneu  par  bons  effectz,  nous  disans  qu'ilz  adviseroyent  de  faire  res- 
ponce plus  amplement  :  laquelle  depuys  avons  sollicitée.  Toutesfoiz, 
pour  avoir  esté  mallades  quelques  principaulx  d'entre  eulx,  sans 
lesquelz  ne  povoyent  deuement  conclure  et  expédier  ledict  affaire,  ne 
se  sont  résoluz  jusques  à  hier  qu'ilz  feirent  conseil  de  Diexe,  après 
lequel  nous  envoyèrent  quéryr,  et  nous  feirent  responce  la  meilleure 
et  plus  affectionnée  qu'il  estoit  possible,  par  laquelle  en  somme  ilz  se 
recongnoissoyent  et  se  tenoyent  —  pour  les  grans  bienfaictz  qu'ilz 
avoyent  receuz  de  V.  M.,  tant  au  traictement  de  leur  paix  que  à  la  per- 
fection d'icelïe,  et  pour  les  bonnes  offres,  espoirs  et  asseurances  que 
journellement  leur  donnez,  et  mesmement  par  ce  que  leur  avez  faicl 
exposer  par  ledict  seigneur  Allemani  —  obligez  à  perpétuité,  et  non 
seullement  eulx,  mais  toute  leur  postérité,  et  qu'ilz  acceptoyent  vos- 
dictes  offres  en  telle  asseurance  que,  advenant  l'occasion,  ilz  ne  doub- 

i.  •  Escripl  cediet  jour  à  Sainct-Pol,  ainsi  que  est  contenu  en  ung  sommaire  qui 
est  avecques  les  mynules. 
•  Item,  escript  au  sire  Laurens  Charles,  comme  est  contenu  aux  mynutes. 
«  Jlem,  à  M.  de  Boys-Rigaull.  » 


[avril    1541]  GUILLAUME    PELLICIER  273 

teroyent  ne  craindroyenl  de  s'en  valloir,  et  plusieurs  aullros  tel/, 
propoz  tendans  à  semblables  fins ,  lesquelz  V.  M.  pourra  mieulx 
entendre,  tant  par  l'exposition  de  la  leur  qu'ilz  en  escripvont  à  leur 
ambassadeur  prez  de  V.  M.  par  ledict  seigneur  AUemani,  que  aussi 
par  son  rapport,  lequel  se  partyt  d'icy  hier  au  soir  pour  aller  vers 
icelle. 

«  Sire,  j'ay  pareillement  receu  les  aultres  vostrcs  des  xv  et  xix"  jours 
du  passé  avecqucs  le  pacquet  qui  s'adressoit  à  messire  Vincenzo 
Maggio;  dont,  suyvant  le  commandement  qu'il  vous  a  pieu  me  faire  par 
celle  du  xv^,  de  faire  entendre  à  cez  Seigneurs  l'ouverte  déclaration  que 
leur  ambassadeur  résidant  prez  de  V.  M.  vous  avoit  faicte  de  la  bonne 
vouUenté  qu'ilz  ont  envers  vous  et  le  bien  de  voz  affaires,  suys  allé 
vers  eulx,  lesquelz  ay  remercyez  de  vostre  part  le  plus  cordiallement 
qu'il  m'a  esté  possible,  et  faict  entendre  fort  efficacement  qu'ilz  ne 
trouveront  jamais  meilleur  ni  plus  constant  amy  et  allié  que  V.  M.,  ne 
qui  plus  voullentiers  ayde  et  favorise  leurs  affaires  en  tout  ce  qui  vous 
sera  possible,  comme  ilz  pourront  conguoistre  par  les  effecLz  quant  il 
en  seroyt  mestier.  Sur  quoy  ont  de  rechef  faict  responce  généralle, 
remercyant  très  affectueusement  V.  M.;  et  me  semble  que  ledict  acte 
et  remercyement,  joinct  ce  que  leur  en  a  escript  M.  leur  ambassadeur 
prez  de  V.  M.,  aura  servy  à  confirmer  et  ayder  à  fonder  davantage 
l'oppinion  qu'ilz  avoyent  jà  conceu  pour  le  dire  dudict  seigneur  AUe- 
many.  Et  depuys  est  arrivé  icy  l'homme  du  seigneur  Rincon,  fort 
secrettement,  qui  à  cause  du  maulvais  temps  a  esté  contrainct  ses- 
journer  quatre  ou  cinq  jours,  n'estant  possible  de  se  pouvoir  partyr 
d'icy  aulcun  brigantin,  barque  ne  aultre  vaisseau,  combien  que  dès  le 
jour  qu'il  arriva  y  fut  donné  tout  l'ordre  et  provision  nécessaires  que 
depuys  l'on  a  suyvy  et  usé.  Ce  néantmoings  s'est  tousjours  tenu  cepen- 
dant le  plus  secrect  qu'il  a  esté  possible,  de  sorte  que  je  pence  que  son 
passaige  n'aura  point  esté  divulgué.  Toutesfoiz,  Sire,  encores  ne  me 
YOuUant  du  tout  asseurer  en  cela,  l'ay  faict  acompaigner  d'ung  de  mes 
gens  jusques  à  Raguse,  auquel  ay  donné  le  pacquet,  affin  que  s'il 
advenoit  quelque  empeschemement,  et  que  on  voulsist  visiter  et 
chaircher  ledict  personnaige,  on  ne  le  trouvast  saisy  d'aulcune  chose, 
et  cependant  mondict  homme  advisast  ce  [que]  verroit  estre  bon  de  faire 
pour  la  saulveté  dudict  pacquet.  Hz  se  partirent  d'icy  sabmedy  ix^  de 
ce  moys,  avecques  beau  et  bon  temps,  en  une  bonne  barcque  fort  bien 
équippée  et  garnye  de  bons  mariniers,  et  à  ung  besoing  assez  en 
ordre  pour  se  deffendre,  qui  leur  vouldroit  donner  empeschement, 
et  le  patron  d'icelle  me  promist  les  rendre  audict  Raguse  dedans 
cinq  jours. 

«  Sire,  j'ay  escript  à  V,  M.  par  les  miennes  dernières  tout  ce  que 
avoys  lors  de   Levant,  et  envoyé  ung  pacquet  de   messire  Vincenzo 
Maggio  au  seigneur  Rincon;  depuys  en  ay  receu  ung  aultre  que  luy 
Venise.  —  1540-1542..  18 


274  AMBASSADE    DE  [avrII,   1S41J 

pnvoyc  préscnlcinciit,  icir  lociml  j'ostiino  que  V.  M.  pourra  eslre 
advcrlye  de  toutes  nouvelles  de  ce  cousté  là.  Ce  néantmoings  ne  larray 
à  vous  dire  ce  peu  qu'il  m'en  escripl  par  la  sienne  de  Andrinopoli  du 
xxiiii'  jour  de  febvrier,  «pii  n'est  seullenieiil  (ju'une  répélicion  de  ce 
qu'il  m'avoyt  faict  entendre  touchant  la  charge  qui  avoit  esté  du 
nouveau  liaillfc  au  he^liarhey  de  la  (jrecia  de  conduyre  mil  v"^  génis- 
saires  et  mu'  spachi,  desquelz  avecques  le  reste  de  l'exercite  qui  est 
desjà  en  llougrye  le  hassa  Mahommel  avdit  esté  faict  cappitaine 
général,  et  ([ue  ledict  Itegliarhey  faisoyt  la  nuisse  de  ses  gens  en  Sophia. 
Par  lettres  <[ue  ce/  Seigneurs  ont  eues  de  leur  ambassadeur  près  du 
tirant  Seigneur,  «Iii  wv  dudiet  moys  de  fehvrier,  ont  entendu  que  le- 
dict (jrant  Si'igneur  av(jit  redoublé  lesdict/  génissaires  et  spachi,  car 
il  mandovt  quatre  mil  génissaires  cl  mil  viii*^  spachi;  et  que  Suliman 
Muslafa,  son  lilz ',  alloit  avecques  ung  très  grant  et  puissant  exercite 
du  cousté  du  Sophi,  et  la  personne  dudict  Grant  Seigneur  passe- 
royt  en  Hongrve,  ou  bien  yroit  aprez  sondict  filz.  Escripvant  aussi 
que  ledict  Grant  Seigneur  avoyt  révocqué  le  terme  d'estre  jusques  au 
xxvii"  fehvrier  à  la  chasse  aux  grues  comme  il  avoit  faict  son  desaing, 
voullant  aller  à  Conslantinople  pour  donner  ordre  de  mettre  hors  son 
armée  par  mer,  en  laquelle  avoyt,  oultre  deux  cens  voilles  toutes 
prestes,  encores  trente  gallères  neufves  et  en  ordre,  et  que  ne  se 
reposant  trop  sur  Barberousse,  melloit  dessus  aulcuns  génissaires  et 
lui  donnoyt  comme  compagnye  Lotphi  Bassa.  La  Soultanc  se  debvoyt 
partyr  le  \°  mars  pour  aller  en  Constantinople,  et  l'ambassadeur  de 
cez  Seigneurs  par  ordonnance  dudict  Grant  Seigneur  s'y'  en  alloyt 
aussi  et  se  debvoyt  partyr  de  Andrinopoli  le  xxviM'ebvrier  :  qui  est  tout 
ce  que  je  puys  faire  entendre  pour  cesle  heure  de  ce  cousté  là  à  V.  M. 
«  Sire,  par  lettres  de  Ratisbonne  des  xxiiF  et  xxvi""  jours  de  mars, 
cez  Seigneurs  sont  adverty  que  la  contesse  Palatine-,  sœur  de  la 
duchesse  jadiz  de  Millau  3,  estoit  arrivée  à  la  cour  de  l'empereur,  et 
qu'il  avovt  mandé  le  double  du  contraict  de  mariaige  de  ladite  duchesse 
et  du  tils  de  monseigneur  le  duc  de  Lorraine  *  en  divers  lieux  ;  et  com- 
mençoit  fort  à  luy  ennuyer  et  fâcher  pour  le  long  sesjour  qu'il  avoyt 
desjà  faict  là  sans  rien  encommencer,  et  attendoyt  le  duc  de  Saxonia 
et  le  landgrave  ^  avecques  troys  cens  chevaulx,  n'y  estans  encores 
arrivez  nul   des  protestans.  Lesquelz   avoyent  faict  entendre  audict 

1.  Suleyman  Mustafa,  cinquième  fils  de  Siilcyman  1"'.  Ce  jeune  prince,  lettré  dé- 
licat et  vaillant  guerrier,  fut  assassiné  par  ordre  de  son  père,  à  Eregli,  le  21  sep- 
lenabre  1553. 

2.  Dorothée,  fille  aînée  de  Chrisliern  H,  roi  de  Danemark,  et  d'Elisabeth  d'Autriche, 
sœur  de  Charles-Quint  et  de  Ferdinand.  Née  en  dolo,  elle  épousa,  le  27  septembre 
1532,  Frédéric  11,  électeur  palatin,  et  mourut  en  1580. 

3.  Christine  de  Danemark. 

».  François  de  Lorraine,  marquis  de  Pont-à-Mousson. 
5.  Le  duc  de  Saxe  et  le  landgrave  de  liesse. 


[avril    i:>4l  GUILLAUME   PELLICIER  27S 

empereur  quilz  voulloycnl  que  le  pape  eust  seuUement  le  spirituel,  et 
le  temporel  reslast  audict  empereur,  qui  avoit  de  rechef  escript  à 
Andréa  Doria  qu'il  eust  à  se  trouver  à  Gennes  avecques  ses  gallères 
sur  la  fin  de  ce  moys,  suyvant  l'ordonnance  que  luy  avoyt  faict  faire, 
affin  d'estre  prest  pour  le  passer  en  Espaigne.  Et  par  une  aultre  lettre 
escripte  par  icelluy  empereur  au  seigneur  domp  Diego,  icy  son  ambas- 
sadeur, s'entend  icelluy  empereur  l'avoir  adverty  qu'il  luy  convenoit 
faire  avecques  les  protestans  ce  qu'il  povoyt,  et  accepter  ce  qu'il/, 
vuuldroyent;  laijuelle  lettre  cez  Seigneurs  ayant  entendu  par  l'ambas- 
sadeur de  Manloue  '  avoir  esté  veue  entre  les  mains  dudict  domp 
Diego,  l'envoyèrent  quéryr  pour  en  entendre  ce  qui  en  estoyt.  Je  n'ay 
peu  encores  sçavoir  le  surplus  de  ce  qui  s'en  est  ensuyvy;  si  je  pour- 
ray  entendre  de  ce  chose  digne  de  vous  advertyr,  je  ne  fauldrav  à  ce 
faire. 

«  Sire,  j'ay  escript  à  V.  M.  comme  à  une  dietle  que  le  roy  des 
Romains  avoyt  faict  faire,  ceulx  à  qu'il  avoit  demandé  tout  leur  revenu 
d'une  année  avovent  respondu  estre  contans  luv  en  bailler  la  movlié 
en  terme  de  deux  moys,  et  la  reste  en  terme  de  six  ;  et  ceulx  qui 
avovent  au  dessus  de  cent  escuz  d'entrée  luy  bailleroyent  ung  homme 
à  cheval  pour  six  moys.  Toutesfoiz,  par  aultres  lettres  de  l'ambassa- 
deur de  cez  Seigneurs  prez  dudict  roy  des  Romains,  s'entend  les  choses 
estre  passées  aultrement;  car  ceulx  de  cent  escuz  en  hault  luv  ont 
accordé  seullement  tous  ensemble  xx'"  raynes,  et  ceulx  d'au  dessoubz  de 
cent  escuz  n'ont  accordé  que  tous  ensemble  pour  une  foiz  viii*^  hommes, 
quelques  remonstracions  qui  ait  sceu  faire  ledict  roy,  allégant  que 
estant  secouru  de  ce  qu'il  les  recharchoit,  il  pourroit  aller  rompre 
XX™  chevaulx  turcqs  qui  estoyent  arrivez  à  Pest  très  mal  en  ordre,  et, 
pour  la  longueur  du  chemyn  et  maulvais  temps,  tous  deffaictz. 

«  Sire,  par  lettres  du  secrétaire  Fidel,  cez  Seigneurs  ont  eu  confir- 
mation des  nouvelles  cy-dessus  de  Ratisbonne  ;  et  davantaige  que 
l'empereur  feroyt  peu  de  fruict  en  ladicte  diette,  lequel  avoit  remys 
entre  les  mains  du  marquis  du  Guast  lOO""  ducatz  et  50™  m  pelto  de 
domp  Lopes,  pour  estre  employez  à  la  conservation  de  Testât  de 
Millau,  et  que  le  dernier  jour  d'apvril  ledict  empereur  seroyt  à  Gennes 
pour  s'embarcquer, 

«  Sire,  j'ay  receu  une  lettre  d'Allemaigne  d'ung  vostre  serviteur 
duquel  vous  en  ay  envoyé  une  aultre  par  cy  davant.  Et  pour  ce,  Sire, 
que  j'estime  que  pourrez  bien  entendre  qu'il  est,  ne  vous  le  especif- 
fieray  aultrement  ne  déclare  le  contenu  d'icelle,  de  laquelle,  pour 
estre  dilficillement  escripte,  et  avoir  ung  peu  la  praticque  de  lire  telle 


1.  Heiiedello  Ajitiello,  qui  résida  longtemps  h  Venise  et  fui  l'un  dos  principaux 
compagnons  <le  débauche  du  fameux  Arélin  (V.  Pierre  Gauthiez,  loc.  cit.,  p.  250  et 
passirn). 


276  AMBASSADE   DE  [avuiL   1o41] 

Irlire,  m'a  semblé  vous  en  debvoir  plus  lost  envoyer  le  double  que 
l'original. 

«  Sire,  j'ay  aussi  icrcu  Icltros  d»'  M.  l'évesque  de  Transilvania, 
connue  il  tsloil  arrivé  à  Uaguse  ;  auquel  la  Seigneurie  de  là  avoit  faict 
loul  le  bon  recueil  et  Iraictement  qu'il  est  possible,  voire  jusques  à 
lavoir  dellrayr,  et  ce  pour  la  recommandation  et  advertisscmont  que 
j'avois  faict  de  luy  à  icolle,  l't  combien  il  i-stoyt  voslre  allectionné- 
serviteur.  De  quoy  na  failly  par  une  sienne  qu'il  m'a  escripte  à  er* 
remercyer  très  bumblement  V.  M.,  se  tenant  grandement  serviteur 
d'icellf.  11  m'a  envoyé  une  lettre  pour  faire  tenyr  que  vous  envoya 
présentement.  M.  l'arcevesque  de  Haguse  n'a  failly  aussi  à  y  faire  très 
bien  son  povoir,  comme  il  est  acoustumé  faire  à  -tous  voz  serviteurs, 
le  logeant  en  sa  maison  et  usant  de  toutes  les  courtoisyes  et  honnes- 
tetez  qu'il  luy  a  esté  possible.  Lequel  m'escripl  que  le  bassa  Mahommet 
avoyt  esté  faict,  comme  dict  est,  général  de  tout  cest  exercite,  pour 
aultant  que  les  san/.acques  desquel/,  vous  ay  escript  par  cy  davant  avoir 
faict  l'exercite  de  W"  chevaulx  pour  la  Hongrye  ne  s'accordoyent  point. 
Ledict  évesque  de  Transilvania  se  partyt  de  Raguse  le  xxx'^  de  mars, 
ainsy  que  m'a  escript  ledict  arcevesque,  avecques  bonnes  guydes  pour 
continuer  son  voyage,  prenant  droict  son  chemin  à  Bellegrade,  et  de 
là  en  Transilvania,  et  puys.  en  Hongrye  trouver  la  royne.  Dieu  luy 
vueille  donner  bon  voyaige;  il  m'a  tousjours  asscuré  que  estre  arrivé 
là  ne  fauldra  de  nous  advertyr  de  toutes  les  occurances  qui  survien- 
dront de  ce  cousté  là. 

«  Sire,  faisant  la  présente  dépesche  j'ay  receu  encores  ung  aullre 
pacquet  de  messire  Vincenzo  Maggio  pour  ledict  seigneur  Rincon,  que 
luy  envoyé  présentement,  par  lequel  V.  M.  pourra  entendre  plus 
fraisches  nouvelles  du  Levant  que  celles  cy  dessus.  Il  m'escript,  par  sa 
lettre  du  iif  de  mars  de  Andrinopoli,  que  ledict  bassan  Mahommet  se 
partiroyt  de  là  dedans  xii  jours  pour  la  Hongrye;  et  que  leGrant  Sei- 
gneur ne  se  bougeroit  plus  tost  que  le  xxv-'  dudict  moys,  et  qu'il 
alloyt  faire  son  baieran  picolo\quQ  l'on  veult  entendre  l'une  de  ses- 
pasques,  en  Constantinople;  et  se  murmuroit  fort  de  la  raison  pour- 
quoy  il  y  retournoyt,  non  sçaichant  ne  povant  pencer  à  quelle  fin. 
M'escripvant  aussi  qu'il  estoyl  venu  nouvelles  comme  les  Géorgians- 
s'estoyent  uniz  tous  ensemble,  tant  ceulx  qui  sup'oyent  le  party  du 

1.  Le  petit  Beïrani,  importante  fête  religieuse  de  rislamisme,  qui  marque  la  fin 
du  jeûne  du  Ramadan.  Elle  se  céléhre  le  premier  jour  de  la  lune  de  cliaoual,  par 
des  sacrifices  d'agneaux  et  do  moulons,  des  musiques,  des  festins  et  des  réjouis- 
sances de  toute  sorte;  elle  dure  trois  jours. 

Le  grand  Beïram  a  lieu  le  dixième  jour  de  zuledghé,  le  dernier  mois  de  l'année, 
en  commémoration  du  pèlerinage  de  la  Mecque,  que  tout  bon  musulman  est  tenu 
de  faire  dans  ce  mois. 

L'année  maliomélane  étant  lunaire  el  beaucoup  plus  courte  que  la  nôtre,  ces 
fêles  sont  essentiellement  mobiles. 


[a>TIIL    1541]  GUILLAUME    PELLICIER  277 

Sophi,  que  du  Grant  Seigneur,  et  avoyent  en  une  nuict  assailly  les 
Sophiens,  desquelz  avoyent  desfaiclz  envyron  douze  mil,  et  emporté 
pour  signe  de  victoire  plusieurs  testes,  nez  etaureilles.  Qui  est  tout  ce 
(ju'il  m'escript  et  que  puys  dire  pour  ceste  heure  à  V.  M.  » 

Vol.  2,  f*^  148,  copie  du  xvi«  siècle;  4  pp.  3/4  in-P. 

1>ELLICIER   AL"   CONNÉTABLE. 

180.  —  [Venise],  14  avril  1541.  —  «  Monseigneur,  par  la  dernière 
«dépesche  que  j'ay  faicle  au  roy,  ne  vous  ay  poinct  escript,  pour  aul- 
tant  que  j'avoys  entendu  que  estiez  allé  en  Bretaigne  et  que  à  la 
réception  de  mon  pacquet  à  grant  peyne  pourriez  estre  de  retour  à  la 
court.  Toutesfoiz  à  présent  n'ay  voullu  laisser  de  continuer,  estimant 
bien,  selon  mon  souhaict,  que  y  pourriez  estre  arrivé  à  la  réception 
de  cestuy-cy,  bien  que  oultre  ce  que  j'escriptz  à  S.  M.,  n'aye  grant 
chose  digne  de  vous  faire  sçavoir.  De  quoy  me  sembleroyt  chose 
superflue  de  vous  faire  aulcune  répéticion;  tant  seullement  vous  diray 
comme  a  esté  découvert  ung  traicté  qui  se  faisoit  à  Glissa,  duquel  ay 
escript  au  roy  dernièrement,  mais  non  si  amplement  comme  Tay 
entendu  depuys.  Lequel  se  conduysoyt  soubz  le  pape  et  lempereur 
qui,  ainsi  comme  on  dict,  avoyent  intelligence  avecques  troys  demys 
Turcqs,  et  demys  chrestiens,  qui  avoyent  le  maniement  de  cest  affaire 
avecques  Tévesque  de  Traour.  Lesquelz  troys  feurent  mandez^à  Rome 
parler  avecques  Sa  Saincteté,  qui  leur  feist  donner  vc  ducatz,  et 
escripvyt  à  Anconne  qu'ilz  leur  feussent  baillez  tous  les  gens  et  secours 
qu'ilz  demanderoyent.  Lesquelz  avoyent  grant  amytié  et  intelligence 
avec  les  gardes  de  Glissa,  de  sorte  qu'ilz  entroyent  dedans  jour  et 
jQuict,  et  à  telle  heure  qu'il  leur  plaisoyt.  Dont  facillement  la  povoyent 
desrober,  n'eust  esté  que  ung  dentre  eulx  dist  le  tout  à  sa  femme, 
laquelle  le  conta  à  une  aultre  qui  soubdainement  l'alla  dire  au  po- 
destat', qui  sans  faire  aulcune  demeure  escripvist  le  tout  à  Glissa  :  de 
sorte  que  deux  des  troys  qui  faisoyent  ladicte  entreprinse  feurent 
esquarlellez.  De  quoy  ceste  Seigneurie  ayant  esté  advertye  fut  d"oppi- 
nion  de  mander  quéryr  aux  fers  ledict  évesque.  Et  aultres  feurent 
d'advis  escripre  audict  podestat  dudict  Traour  qu'il  feist  entendre  à 
icelluy  évesque  de  par  ladicte  Seigneurie  qu'il  eust  à  se  présenter  et 
ven}T  vers  icelle.  Et  sur  ce  fut  faict  grant  dispute  entre  cesdictz 
Seigneurs,  Toutesfoiz  la  chose  fut  différée,  et  depuys  a  esté  deux  con- 
seilz  de  Diexe  où  ne  s'en  est  point  parlé.  Dont  l'on  estime  que  la  chose 
est  assouppye,  et  qu'il  ne  s'en  parlera  plus. 

1.  Podestat  fdii  latin  potestas,  pouvoir),  nom  donné  dans  lieaufoup  «le  villes 
d'Italie,  au  moyen  âge,  à  certains  magistrats  investis  de  l'autorité  pahiii]ue.  Leur 
-origine  remonte  au  xii"  siècle. 


278  AMIUSSADE    DE  AVRIL    i:,il 

«  MonsL'igneiir,  (iiR'l»[ui'  iin^  m'a  dict  icy  avoir  nouvelles  que  l\'uipe- 
reur  vouUuit  mander  le  marciuis  du  (iuasl  pour  eslre  cappitaine 
général  de  tous  les  gens  de  guerre  italliens  qu'il  veut  faire  pour 
reulnprinse  de  Hongrye;  et  que  au  lieu  dudicl  marquis  pour  le  gou- 
vernement de  Millan,  dchvoyl  mander  quelque  grant  seigneur  espai- 
gnol  de  ceulx  qui  sont  auprez  de  iuy,  ne  me  le  scaiclianl  aultrement 
nommer  ne  déclairer... 

«  Monseigneur,  depuys  avoir  faicl  la  présente  j'ay  veu  par  lettres 
de  Couslantinopli'  (ju».'  le  (Jrant  Seigneur  voulloyt  faire  troys  armées, 
l'une  pour  mander  en  Hongrye,  l'autre  vers  le  Sophi,  et  celle  de  mer 
avecques  Barberousse  en  la  Pouille.  » 

Vol.  -',  fo  130.  copie  du  xvi"^  siècle  :  1  p.  1  '.'{  in-P. 


PELLICIER    A    M.    n  ANNKintl.T. 

181.  —  [Venise],  14  avril  1511.  —  Pellicier  entrelient  le  maréchal 
du  plein  succès  de  la  mission  d'Aloysi  Alamanni  à  Venise;  il  a  reçu  un 
excellent  accueil  de  la  part  de  la  Seigneurie  :  on  lui  a  même  faict 
«  ung  petit  présent  ».  Pellicier  termine  sa  lettre  en  donnant  à  M.  d'An- 
nebault  les  nouvelles  du  Levant  contenues  déjà  dans  sa  lettre  au  roi, 
datée  du  même  jour. 


Vol.  2.  fo  iljl,  copie  du  xvi'^^  siècle:  3/»  p.  iii-f° 


PELLICIER   A    CESARE    FREGOSO. 

182.  —  [Fenise],  14  avril  1 ')4i .  —  «  Monseigneur,  je  croy  qu'il 
n'eust  esté  possible  à  homme  de  povoir  recepvoir  plus  grant  plaisyr 
et  consollation  que  j'ay  faict  à  la  réception  de  celle  qu'il  vous  a  pieu 
m'escripre  du  xx"  du  passé,  tant  pour  avoir  entendu  vostre  convales- 
sancc  que  désiroys  plus  que  toutes  aultres  choses,  que  aussi  de  l'as- 
seurance  que  me  donnez  du  contentement  que  S.  M.  a  de  mon  service, 
chose  qui  procède  plus  de  sa  naturelle  bonté  et  rapport  de  mes  bons 
seigneurs  et  àmys,  desquelz  vous  estime  Tung  des  principaulx,  que 
pour  mes  mérites;  et  ne  me  sçauroit  faire  récompense  plus  agréable 
que  ceste-là.  Je  ne  vous  sçauroys  assez  humblement  remercyer  du 
bon  office  que  avez  faict  et  faictes  ordinairement  pour  moy  par  delà. 
S'il  m'estoit  possible  vous  povoir  donner  à  cognoistre  par  elTect  quelle 
dévotion  et  obligation  je  vous  porte,  je  en  feroys  telle  démonstration 
que  sçauroyt  faire  le  filz  au  père;  mais  n'y  povant  faire  aultre  pour 
ceste  heure,  il  vous  plaira  accepter  le  bon  voulloir  pour  l'effect,  en 
attendant  que  l'occasion  s'adonne  de  vous  pouvoir  faire  quelque  ser- 
vice. Et  cependant  vous  diray  comme  j'ay  eu  lettres  de  l'amy  d'Aile- 


[avril    iSil]  GUILLAUME    PELLICIER  279 

maignc  par  les  mains  de  ïassin,  faisant  entendre  comme  l'empereur 
avoyt  eu  lettres  du  Juyf,  l'advertissant  que  le  Grant  Seigneur  l'aisoyt 
marcher  son  camp  mieulx  en  ordre  qu'il  n'estoyt  l'autre  foiz  qu'il  vint 
en  Hongrye,  et  qu'il  y  venoyt  en  personne.  Son  armée  de  mer  esloyt 
en  ordre  pour  faire  voille,  mais  l'on  ne  povoit  entendre  de  quel  cousté 
la  voulloit  mander.  Il  escript  aussi  que  l'empereur  et  TAUemaigne  ne 
l'estiment  du  cousté  de  Vienne,  ayans  faict  six  mil  hommes  de  pied, 
et  mettoit  l'on  ordre  pour  faire  gens  de  cheval,  et  quelque  nombre  de 
chevaulx  légiers,  tous  ilalliens,  i)0ur  mander  à  Vienne  avecques  force 
municions.  Je  envoyé  ung  double  de  ladicte  lettre  au  roy,  pour  aullant 
que  l'original  est  un  peu  malaisé  à  lire,  pour  estre  mal  escript.  Je  en 
ay  envoyé  d'aullres  par  cy  davant,  et  supplyé  me  faire  responce  si  je 
debvoys  continuer  à  faire  la  despence  qu'il  y  convient  faire;  mais  l'on 
ne  m'en  a  jamais  faict  responce.  Je  vous  supplye,  continuant  tous- 
jours  de  me  mainctenyr  soubz  voslre  faveur  et  protection,  si  vous 
trouvez  à  propos,  d'en  dire  ung  mot  où  cognoistrez  qu'il  sera  besoing, 
affin  que  l'on  me  advertisse  de  ce  que  j'en  auray  doresnavant  à  faire, 
et  me  vouUoir  donner  provision  tant  de  cella  que  des  aultres  choses 
extraordinaires  qu'il  nie  convient  faire  ordinairement,  comme  vous 
sçavez  très  bien...  Il  vous  plaira  avoir  souvenance  des  bons  serviteurs 
du  roy  et  ingéniers  qui  sont  icy,  entre  lesquelz  y  en  a  ung  qui  s'atten- 
doyt  que  bientost  aprez  vostre  arrivée  à  la  cour  auroit  responce  du 
party  qu'il  cherche  et  quelque  provision  d'argent.  C'est  celluy  qui  faict 
le  bronze;  lequel  est  venu  vers  moy  pour  avoir  quelque  secours,  en 
attendant  responce  de  vous;  ce  que  ay  faict  ainsi  (ju'il  m'a  requis. 
Dont  vostre  plaisyr  sera  y  faire  donner  ordre  le  plus  tost  qu'il  sera 
possible,  et  vous  recorder  aussi  de  messer  Jean  Carrare',  ingénier 
fort  expert  à  trouver  eaues,  comme  vous  ay  escript,  auquel  je  désire 
grandement  donner  à  congnoistre  combien  vouldroys  faire  pour  luy. 
Vous  sçavez  qu'il  est  homme  qui  le  vault,  et  pour  ce  je  vous  le 
recommande  et  moy  aussi  humblement  à  vostre  bonne  grâce,  etc.  » 

Vol.  2,  f°  151,  copie  du  xvi'^  siècle;  i  p.  1/2  in-f°. 

PELLICIER   A   RINCON.  ' 

183,  —  [l'enise],  14  avril  1541.  — «  ...  Monsieur,  je  vous  diray 
comme  celluy  que  avez  envoyé  en  Levant  partyt  d'icy  le  ix"^  de  ce  moys 
aprez  my-nuict,  en  fort  beau  temps,  et  en  une  bonne  barque  fort  bien 
équippée;   le  patron  de  laquelle,  qui  est  Scarpe*,  me   proumist  le 

1.  Giovanni  Carrara,  ingénieur. 

2.  Scarjia. —  Des  lettres  de  natiiralité  furent  accordées,  en  juin  loi2,  à  Laurent 
de  Scarpe  [Lorenzo  Scarpa],  natif  de  Gènes,  et  à  Isabelle  de  Laugel,  sa  femme, 
venus  en  France  au  service  de  Cesare  Fregoso  (Cal.  des  actes  de  Franrois  l",Suppl., 
l.  VI,  p.  342,  n"  12,  611).  Peut-être  s'agissait-il  du  même  personnage. 


280  AMBASSADE    DE  [AVRIL    ib4l] 

rendre  en  Ilaguse  dedans  cinq  ou  six  jours,  s'il  ne  luy  survenoyL  bien 
le  vent  contraire  '...  » 

L'envoyé  de  Kincon  fut  un  momenl  «  en  grant  ennuy  et  peyne  de 
ses  liardes,  qui  demeurèrent  (jualre  jours  depuys  qu'il  fui  icy,  et  estions 
quasi  liors  d'espérance  qu'il/,  deuhsent  venyr  à  bon  port;  toulesfoiz  le 
jour  mesines  qu'il  estoyl  prest  à  s'enibarcquer,  y  arrivèrent,  et  les  a 
emportées  avecques  luy,  faisant  son  voyaige  plus  joyeusement  qu'il 
n'eusl  faict  s'ilz  feussenl  demeurées  arrière...  » 

l*i'llicier  envoie  à  Uincon  les  deux  paquets  reçus  de  Vincenzo 
Maggio,  et  lui  donne  les  nouvelles  d'Allemagne  et  de  Levant  contenues 
dans  les  précédentes  lettres  au  roi  et  à  Cesare  Fregoso. 

Vol.  '2,  f"  l."12,  copie  ihi  WF  siècle;  i  p.  1/2  in-f". 


l'ELLIClER   A    M.   DE  VILLANDRV. 

184.  —  [Venise],  i4  avril  1541 .  —  «  Monsieur,  bien  que  par  les 
dernières  dépesches  que  j'ay  eues  de  la  court  n'en  aye  receu  aulcune 
de  vous,  ne  moings  celles  du  roy  eslre  signées  de  vostre  main,  tou- 
lesfoiz si  n'ay-je  voullu  laisser  à  vous  faire  la  présente,  espérant  que 
serez  lors  de  la  réception  de  cesle  dépesche  à  la  court,  plus  pour  ne 
discontinuer  de  vous  escripre  que  pour  chose  que  j'aye  digne  de  ce 
faire;  car  oullre  ce  que  j'escriptz  présenlemenl  au  roy,  que  suys 
asseuré  que  verrez,  ne  vous  sçauroys  dire  aullre  chose,  sinon  ce  que 
vous  mesmes  sçaurez  mieulx  que  de  ce  couslé.  S'il  esl  ainsi,  ce  néanl- 
moings  si  n'ay-je  voullu  obmetlre  à  vous  le  faire  entendre,  c'est  que  le 
secrétaire  Fidel  a  escripl  à  cez  Seigneurs  que  le  roy  avoyt  escript  au 
seigneur  marquis  du  Guasl  qu'il  avoit  forliffyé  Kyrasto^  qui  estoit 
contre  les  cappilulacions  de  la  trefve,  et  qu'il  voulsisl  faire  retourner 
les  choses  en  leur  premier  estai;  aullremenl  par  là  Sadicte  Majesté  en- 
tendoyl  la  Irefve  eslre  rompue,  à  quoy  ledicl  seigneur  marquis  luy 
avoyt  respondu  que  moult  voullentiers  feroyl  retourner  le  tout  en  son 
entier,  pour  agréer  audict  seigneur  roy.  Au  demeurant,  je  vous  prye 
faire  lenyr  tous  les  pacquelz  enclodz  en  cesluy-cy  où  ilz  s'adressent,  et 
mesmemenl  celluy  de  mon  homme  le  prieur  de  Saincl-Pol,  et  vous  me 
ferez  bien  grant  plaisyr,  que  recongnoislray  toutes  foys  et  quantes  qu'il 
vous  plaira  m'employer...  » 

Vol.  2,  fû  153,  copie  du  xvr"  siècle;  1/2  p.  in-f^. 


1.  V.  la  lettre  au  roi  du  14  avril. 

2.  Cherasco,  ville  forte  du  Piémont,  au  confluent  de  la  Slura  et  du  Tanaro,  à 
3o  kiloni.  de  Mondovi. 


!  AVRIL    lo4l]  GUILLAUME    PELLICILR  28i 


PELLICIER  A   M.    DE    LIMOGES   1. 

185.  —  [Venise'',  1 4 avril  1 54 1 .  —  Pellicicr  a  reçu  la  lellre  de  Lan- 
geac  du  1"  janvier,  «  en  faveur  et  recommandalion  de  maître  Léonard 
Aleaume  »,  auquel  il  promet  de  s'intéresser  '. 

«  ...  J'ay  esté  fort  desplaisant  d'avoir  entendu  vostre  si  longue 
détemplion  de  malladye,  de  laquelle  je  supplye  Noslre-Seigneur  vous 
vouUoyr  exempter.  Et  puysqu'il  vous  plaist  me  faire  sçavoir  de  vostre 
estât,  vous  diray  aussi  que  depuys  que  suys  icy  je  me  suys  tousjours 
si  sainement  porté  que  n'ay  eu  aulcune  indisposition  qui  m'ayl  gardé 
ne  empesché  de  faire  le  service  du  roy  par  deçà,  vous  advisant  que  ses 
affaires  y  sont  en  très  bons  termes,  Dieu  mercy.  Je  ne  veulx  oblyer  à 
vous  dire  chose  que  à  mon  adviz  aurez  grant  plaisyr  d'entendre,  c'est 
que  depuys  quatre  ou  cinq  moys  vostre  ancien  et  nostre  commun  amy, 
M.  de  Lodes  ^  alla  à  Rome  par  mandement  du  pape;  duquel  et  de 
tous  les  siens  a  esté  tant  bien  veu  et  recueilly  que  Sa  Saincteté  l'a  mieulx 
pourveu  des  vaccations  qui  sont  escheues  en  sa  collation  durant  ledict 
temps  que  nul  aultre  qui  ayt  esté  là  de  sa  quallité.  J'ay  esté  adverty 
qu'il  a  entendu  que  le  roy  vouUoyt  de  bryef  faire  quelque  récompence 
à  ses  serviteurs  qui  sont  de  deçà;  du  nombre  desquelz  à  bon  droict 
luy  semble  ne  debvoir  estre  laissé  ne  oblyé,  comme  l'ung  des  plus 
affectionnez.  Dont  désirant  aultant  son  bien  et  advancement  que  le 
mien  propre,  je  en  ay  escript,  le  plus  efficacement  et  affectionnément 
qu'il  m'a  esté  possible,  à  ceulx  qu'il  m'a  semblé  luy  povoir  ayder,  et 
mesmement  à  MM.  le  connestable,  d'Hannebault  et  Rincon,  afin  que 
leur  plaisyr  soyt  luy  vouUoir  donner  faveur  envers  S.  M.  qu'il  ne  soyt 
mys  en  obly.  Et  encores  que  soys  bien  asseuré  que  ne  désirez  moings 
son  bien  que  moy,  ce  néantmoings  je  vous  prye  en  parler  ausdictz 
seigneurs  et  aultres  voz  amys,  quant  viendra  à  propoz;  et  de  ce  je  ne 
■demeureray  moings  obligé  à  vous  que  si  c'estoyt  pour  moy  mesmes...  >> 

Vol.  2,  f"  lo3,  copie  du  xvi*^  siècle;  1  p.  in-f°. 

1.  Jean  de  Langeac,  né  à  Langeac  (Haute-Loirej  vers  la  lin  du  xv°  siècle,  mon  à 
Paris  le  22  mai  1541,  ou  plutôt,  suivant  Gams,  le  2o  juillet  de  la  même  année.  11  fut 
successivement  protonotaire  apostolique,  conseiller  au  grand  conseil,  grand-aumô- 
Jiier  du  roi  (1516),  évoque  d'Avranches  (1526-1532)  et  de  Limoges  (1532-1541),  niaitre 
des  requêtes  (1535),  chargé  de  nombreuses  missions  diplomatiques  en  Portugal,  en 
Pologne,  en  Hongrie,  à  Venise  (1528),  en  Suisse  (1531),  à  Ferrare  (1535  et  1536),  en 
Ecosse  et  en  Angleterre  (1537),  et  enfin  ambassadeur  à  Rome,  du  9  septembre 
1539  au  30  juin  1540  (B.  N.,  nis.  Clairambault  1215,  T  79  v").  Son  successeur  au 
siège  de  Limoges  fut  Jean  du  Bellay,  nommé  le  22  août  1541. 

Etienne  Dolet,  qui  avait  été  secrétaire  de  Langeac,  vers  le  temps  de  son  ambas- 
sade à  Venise,  lui  a  dédié  son  traité  De  /er/a^z.?,  imprimé  à  Lyon  en  cette  année  1541. 

2.  Léonard  Aleaume,  limousin,  recommamlé  par  son  évêque. 

3.  Lodovico  Simonetta,  évêque  de  Lodi. 


282  AMBASSADE  DE  [avhil   1541] 

l'EIJ.ICIEH    A     M.    I>i:    l.ANdLV. 

186.  —  l'i'iiisr  ,  /.")  nriil  loi  I .  —  "  Monsieur,  j'ay  roceu  la  vuslre 
du  xxx'  (lu  passé  par  h-  pcrsonnaige  que  sçavez,  (|ui  se  parlyt  d'icy 
sahmedy  pour  couliuuer  son  voyaifi;e.  Il  n'a  esté  sans  granl  esmoy  et 
peyne  du  si  long  sesjour  que  ont  demeuré  ses  hardes  à  venyr;  et  jà 
avions  «juasi  jxM-du  l'espérance  (pi'ilz  deubscnt  jamais  arriver  à  bon 
port  :  ce  néanlmoings,  le  jour  (ju'il  se  debvoyt  embarcquer,  le  tout  y 
vint  sans  avoir  eu  auleun  dommaige.  Vous  remercyant  bien  fort  du 
cort're  et  couvertes  '  qu'il  vous  a  pieu  m'envoyer,  je  suys  aprez  pour 
veoir  de  trouver  quelque  chose  pour  vous  mander  en  conlreschange 
par  vostre  mullelier,  lequel  j'ay  faict  demeurer  icy  quelques  jours, 
voyant  aussy  le  temps  cstrc  très  maulvais  pour  se  mettre  en  chemin. 
Le  seigneur  Aloysi  Allemani  s'est  party  d'icy  ce  malin  avecques  très 
bonne  réputacion  de  cez  Seigneurs,  <[iii  ont  faict  une  responce  si  très 
affectionnée  et  pleine  de  bon  vouUoir  vers  S.  M.  qu'il  n'est  possible  de 
plus:  laquelle  luy  ont  baillée  par  escript  pour  porter  à  leur  ambassa- 
deur (jui  est  prez  du  roy,  qui  de  par  eulx  la  face  entendre  à  S.  M.  Hz 
luy  ont  faict  ung  petit  présent,  en  signe  de  bennevollance,  seullement 
de  III'^  escuz;  et  pour  ce,  Monseigneur,  qu'il  a  voullu  avancer  son 
voyaige  le  plus  qu'il  a  peu,  s'en  est  allé  faire  ses  pasques  à  Ferrare, 
où  avoit  affaire  pour  quehjues  jours  -.  Dont  estimant  plus  tost  la  pré- 
sente dépesche  povoir  estre  à  la  court  (jue  luy,  avons  advisé  estre  le 
meilleur  advertyr  S.  M.  de  tout.  Par  quoy  je  vous  prye  faire  tenyr  le 
pacquet  le  plus  tost  qu'il  sera  possible,  pour  aultant  qu'il  y  en  a  deux 
aultres  dedans  de  Conslanlinople.  Toulesfoiz  je  ne  sçay  s'il  y  a  chose 
en  iceulx  de  grant  importance,  car  messire  Vincenzo  Maggio  ne  m'en 
escript  pas  grant  cas  par  les  siennes  duxxiiii"  febvrier...  »  etc.  Suivent 
les  nouvelles  de  Levant  contenues  dans  la  lettre  au  roi,  du  14  avril. 

«  ...  Monsieur,  je  vous  envoyé  votre  saufconduyt  que  ay  receu, 
suyvant  ce  que  vous  avoys  escript  par  les  miennes  dernières;  je  pence 
que  le  trouverez  en  très  bonne  forme.  Ledict  messire  Vincenzo  m'es- 
cript  avoir  eu  responce  de  Barberousse  sur  la  demande  qu'il  luy  avoyt 
faicte  d'avoir  la  lettre  missive  pour  pescher  le  courail  ■',  et  que  mais 
qu'il  soit  retourné  à  Conslantinople,  qu'il  l'aura;  mais  que  je  l'aye 
receue  je  ne  fauldray  pareillement  vous  la  faire  tenyr.  Et  cependant 
vous  diray  que  j'ay  demandé  congé  à  cez  Seigneurs  de  povoir  enlever 
de  Bresse*  les  harnoys  que  m'avez  escript  pour  M.  le  cappitaine  Mon- 

1.  Coiiverlinv>. 

2.  Voir  dans  llibiitr  (I.  I.  p.  "l'JO)  lo  liillot  en  italien,  l)iilcl  tout  empreint  de  cour- 
toise déférence,  d'l';rc(jlc  rl'Esle  au  roi,  daté  de  Ferrare,  le  20  avril  Lïil,  et  rap- 
porté par  Alanianni  au  retour  de  sa  mission. 

3.  Corail, 
l.  Hrescia. 


[avril    1541]  GUILLAUME    PELLICIER  28^ 

nynes  ';  lesquelz  ne  m'en  ont  faict  aulcime  difficulté.  Ce  néantmoings 
ilz  ne  le  peuvent  accorder  du  tout  que  premièrement  cela  ne  soyt  passé 
par  le  pregay,  ce  qu'ilz  m'ont  promys  de  faire  au  premier  jour,  qui 
ne  poura  estre  que  aprez  ces  festes,  que  ne  fauldray  les  en  remen- 
tevoir.  » 

Pellicier  termine  sa  dépêche  en  mentionnant,  dans  les  termes  de  la 
lettre  du  14  adressée  au  connétable  de  Montmorency,  le  bruit  ([ui  court 
de  la  nomination  du  mar(iuis  del  Yaslo  comme  généralissime  des 
troupes  italiennes. 

\ul.  L',  1'"  153  W,  copie  du  xvi°  siècle;  1  p.  1/1  in-f°. 

PELLICIER   A   LV   DUCHESSE   DE   KERRARE. 

187.  —  Venise,  19  avril  1541 .  —  «  Madame,....  pour  cesle  heure 
ne  vous  puys  dire  aultres  nouvelles,  sinon  que  M.  de  Langey  m'escript 
que  luy  et  ses  voysins  sont  tousjours  parlans  de  paix  et  amytié,  mais 
se  préparans  chascun  de  son  cousté  des  choses  requises,  tant  à 
ofTencer  que  à  se  deffendre  ;  et  que  il  avoit  couru  quelque  bruict  à  la 
court  que  l'Angloys  se  voulloyt  remuer,  à  cause  qu'il  avoyt  faict  passer 
quelques  gens  deçà  la  mer.  Dont,  à  ceste  cause,  le  roy  y  avoyt  envoyé 
le  seigneur  de  Taix-,  qui  a  rapporté  que  c'estoit  seuilement  pour  le 
reffraichissement  et  changement  de  la  garnison  de  Calais^.  Toulcsfoiz 
S.  M.  n"a  laissé  d'envoyer  en  Picardye  monseigneur  de  Vandosme''  et 
les  seigneurs  de  Piennes  ^  de  la  Roche  de  Mayne  ^  et  aultres  cappi- 
taines  de  la  garnison  du  pays.  M'escripvant  aussi  une  très  fâcheuse  et 
desfortunée  nouvelle  qui  est  arrivée  à  la  court  puys  naguères,  laquelle 


\.  M.  (le  .Molines,  gentilhomme  tlo  la  chambri'  ilu  dauphin.  11  l'ut  envoyé,  quel- 
ques mois  plus  tard;  par  Franrois  I"  au-devant  de  l'empereur,  en  Toscane,  pour 
se  plaindre  de  l'attentat  commis  contre  Rincon  et  Fregoso  (V.  Charrière,  loc.  cit., 
t.  I,  pp.  517  et  318). 

2.  Jean  de  Taix,  gentilhomme  de  la  chambre  et  panetier  de  François  I"  (i"i2'.»i, 
chevalier  de  l'ordre  du  roi,  gouverneur  et  maître  des  eaux  et  forêts  de  Loches, 
ambassadeur  extraordinaire  à  Rome  (1538),  colonel  général  de  l'infanterie  (1543)  et 
grand-maître  de  l'artillerie  (1346):  hié  an  siège  de  Hesdin  en  1333. 

3.  Voir  la  Correspondance  Ac'MdiViWfic.,  pp.  2"6  et  suivantes.  Le  iirétexte  de  la  mission 
de  M.  de  Taix  était  de  s'informer  de  la  santé  de  Henri  YI  (Vil.  ibid.  et  Stale  jxipers 
of  Henry  VIU,  vol.  VIII,  5'  partie,  pp.  343-3i4). 

4.  Antoine  de  Bourbon,  duc  de  Vendôme,  gouverneur  de  Picardie,  né  au  château 
de  la  Fère  (Aisne),  le  22  avril  1518,  mort  aux  Andelys  le  17  novembre  1362.  Il  devint 
roi  de  Navarre  à  la  mort  de  son  beau-père.  Henri  tl'Albret,  le  25  mai  1555. 

5.  Antoine  de  Ilallwin,  seigneur  de  Piennes,  Bugenhoult  et  Maignelais.  chevalier 
de  l'ordre  du  roi,  puis  grand  louvetier  de  France,  tué  au  siège  de  Thérouaniie  en 
1553.  11  avait  épousé  Louise  de  Crévecœur,  veuve  de  Guillaume  Tiouflier,  seigneur 
de  Bonnivet,  amiral  de  France. 

6.  Charles  Tiercelin.  seigneur  de  la  Roche-du-Maine,  gentilhomme  de  la  chambre 
ilu  roi,  capitaine  de  cinquante  lances  d'ordonnance,  lieutenant-général  et  gouver- 
neur de  Mouzon  (1343),  capitaine  de  Beaumont-en-Argonne  (1566). 


284  AMBASSADE  DE  [avril  1541] 

VOUS  escriptz  assez  mal  voullcntiers  pour  le  danger  où  a  esté  monsei- 
gneur dCMléans  à  la  mort  du  baron  de  Castelnau,  héritier  de  la  maison 
de  GrauKtnt,  tué  par  les  lacquaiz  sur  le  pont  d'Amboyse  ',  en  revenant 
du  courber  de  S.  M.  Et  se  relirarit  k  son  logeis,  environ  onze  heures 
de  nuicl,  en  cesle  manière  <}ui'  eul\,  voyans  lesditz  laccpiaiz  sur  ledict 
pont,  devisans  ensemble  et  sonnant  le  tabourin,  vouUenté  leur  print 
de  leur  faire  paour,  s'approcliant  d'eulx,  commençant  à  cryer  :  «  Tue! 
Tue!  »  Iceulx  lacquaiz  tournèrent  visaige,  et  le  plus  prompt  faillyt  à 
donner  un  coup  d'estoc  au  travers  du  corps  de  mondict  seigneur 
d'Orléans,  ce  qu'il  eusl  faict,  n'eust  esté  que  ledict  Castelnau  se  mist 
au  devant  qui  receut  le  coup,  (jui  soubdainement  cheut  mort  en  terre. 
El  cncores  jteu  s'en  laillyl  que,  tum!)anl  l'espée  nue  eu  la  main  dessus 
ledict  seigneur  d'Orléans,  IcMiuel  il  renversa  soubz  luy,  ne  renlerrast 
desadicte  espée;  mais  Noslre-Seigneur,  par  sa  divine  grâce,  n'avoullu 
permettre  que  il  soyt  arrivé  ung  si  grant  mescbef  et  perte  à  toute  la 
France...  * 

«  De  Venizc  » 
"N'ol.  2,  i"  153  v°,  copie  du  xvi"^  siècle;  1  p.  in-f"^. 

PELLICIER   A    VINCENZO    MAGGIO  '. 

188.  —  [Venise],  25  avril  1541.  —  Pcllicier  a  reçu  les  lettres  de 
Maggio,  en  date  des  3  et  23  mars,  avec  celles  adressées  à  Rincon,  qu'il 
a  pris  soin  de  lui  transmettre. 

«  ...  Per  letlere  de  Ralisbona  del  primo  aprile  s'entende  clie  fmo 
aquello  di  non  se  era  fatta  nulla  in  quella  dielta,  per  la  lardanza  delli 
principi  d'Allamagna,  et  se  dubita  che  anzi  Pascba  non  se  farà  niente 
overo  puocho.  Era  già  passato  un  mese  che  l'imperalore  arrivo  li,  e 
XVII  giorni  che'l  legato  dal  papa  *  arrivô  anchora  li  senza  haver  potuto 
far  niente.  Il  langravio  %  gli  tre  duchi  di  Bavières  *,  il  duché  de  Brans- 

\.  Le  fait  est  relaté,  avec  quelques  intéressantes  variantes,  par  Brantôme  (édit. 
Lalanne,  t.  Ill,  p.  180)  et  par  de  Thou  {Histoire  universelle,  livre  xxiv;  La  llave, 
1740,  li  vol.  in-i»,  t.  II,  p.  49.3). 

Le  baron  de  Caslclnau,  gentilhomme  gascon,  avait  un  frère,  seigneur  delà  Motle- 
Caslelnau  de  Clialosse,  qui  fut  mêlé  à  la  conjuration  de  la  Renaudie  et  décapité 
(loOO)  près  de  ce  même  pont  d'Amboise  où  lui-même  avait  été  grièvement  blessé 
naguère,  en  cherchanl  aussi  à  i)rotêger  le  duc  d'Orléans. 

2.  «  Escript  le  dernier  apvril  à  MM.  de  Ilhodez  et  évesque  de  Lodes  à  Romme.  • 

3.  En  italien. 

4.  Gasparo  Contarini,  cardinal  légat. 

5.  Pliilippo  le  Maf/naii'tne,  landgrave  fie  Hossc. 

0.  Guillaume  IV  le  Constant,  né  le  13  novembre  1493,  mort  le  6  mars  looO;  duc  de 
Ravière,  de  1508  à  looO. 

Louis  X,  frère  pu! né  de  Guillaume  IV,  né  le  18  septembre  1495.  mort  le  22 avril  1545; 
il  régna  sur  une  partie  de  la  Bavière,  de  151f)  à  1545. 

Louis  V  le  Pacifique,  prince  électeur  [lalalin,  de  la  branche  de  la  maison  de  Wit- 
telsbach.  Né  le  2  juillet  1478,  mort  le  IG  mars  1544,  il  régna  de  150S  à  1544. 


[avril    la4l]  GUILLAUME   PELLICIER  285' 

vie  \  et  sei  vescovi,  grandi  principi  Je  llmperio,  erano  gionti  et  il  car- 
dinal de  Maiance,  eleltor  et  canccllier  de  llmperio,  si  aspettavano  fra 
doi  di  -.  Il  ducha  di  SaxoniaS  apresso  del  quai  c  Luther,  si  è  excusato 
par  un  messo  da  non  andar,  causando  le  sue  podagre...  » 

On  dit  que  l'empereur,  après  avoir  expédié  les  affaires  de  la  diète, 
viendra  en  Italie  et  de  là  passera  en  Espagne,  sïl  ne  survient  aucun 
empêchement.  L'opinion  de  la  cour  impériale  est  que  la  Hongrie  n& 
court  aucun  danger  pour  cette  année  de  la  part  des  Turcs  ;  d'un  autre 
côté,  le  Grand-Seigneur  ne  parait  pas  avoir  en  ligne,  actuellement, 
sur  mer,  plus  de  trente  galères. 

Vol.  2,  f"  154,  copie  du  xvi«  siècle;  1  p.  1/2  in-f°. 

PELLICŒR  A  M.    DE   RAGUSE  *. 

189.  —  Venise,  23  avril  1 54 1 .  —  Pellicier  a  reçu  la  lettre  de  l'arche- 
vêque, avec  celle  de  Vincenzo  Maggio. 

«  Di  Venelia.  » 
Vol.  2,  f»  155,  copie  duxvi°  siècle;  1  p.  in-f. 


PELLICIER   AU   ROI  •\ 

190.  —  [  Veniae],  30  avril  1 541 .  —  «  Sire,  j'ay  escript  le  xiiii^  de  ce 
moys  à  V.  M.  comme  le  seigneur  Aloysi  Allemani  estoyt  party  d'icy 
avecques  responce  de  cez  Seigneurs  qu'ilz  adressoyent  à  leur  ambassa- 
deur prez  de  vous,  pour  vous  la  faire  entendre.  Dont,  estimant  que 
avant  la  réception  de  la  présente  pourra  estre  arrivée  vers  vous,  et  aussi 
que  pourrez  avoir  receu  lesdictes  miennes  dernières,  par  lesquelles  V.  M. 
l'aura  sommairement  entendue,  ne  m'estenderay  à  vous  en  faire  aultre 
répéticion,  ne  de  l'ordre  qui  fut  donné  à  celluy  que  le  seigneur  Rincon 
a  envoyé  par  deçà  pour  son  voyaige  ;  mais  bien  comme  hier  arriva  icy 
de  retour  l'homme  que  je  avoys  envoyé  avecques  luy  jusques  à 
Raguse,  qui  m'a  apporté  lettres  de  M.  l'arcevesque  de  là,  m'advertis- 
santque  le  xvni'=  apvril  y  estoyent  arrivez.  Et  le  landemain  matin  xix* 
se  partyt  bien  accompaigné  pour  continuer  son  voyaige,  lequel,  j'es- 
père, avecques  l'ayde  de  Dieu  fera  en  bonne  prospérité.  Et  ad  ce  que 

1.  Ernest  I",  duc  de  Brunswick-Lunebourg,  né  en  li9".  mort  en  1546. 

2.  Albert  de  Brandebourg,  né  en  1490,  mort  le  24  septembre  1545,  évêque  d'Hal- 
berstadt  et  archevêque  de  Magdebourg  (lol3-1343),  puis  de  Mayence  (1514-1545), 
cardinal  (1518). 

3.  Jean-Frédéric  le  Magnanime,  duc  de  Saxe. 

4.  En  italien. 

5.  «  Escript  cedict  jour  au  seigneur  Rincon,  et  à  Sainct-Pol  le  pénultimc  de  ce 
moys.  Et  a  esté  retenue  cesle  dépesche  jusques  au  V°  may,  que  fut  escript  au  sire 
Laurens  Charles  :  dont  du  tout  n'en  fut  faict  mvnute.  • 


280  AMBASSADE    DE  [aVRIL    i:i41j 

je  puys  comprendre  par  ce  que  in'escript  messire  Vincen/.o  Maggio,  il 
sera  le  très  bien  venu;  car  il/,  sont  atlendans  en  ce  pays  là  à  granl 
(lévolion  nouvelles  do  V.  M.  Ducjuel  messire  Vincen/.o  ay  receu  deux 
lettres  de  .\ndrino[)oli  :  la  première  du  \xiii'"  mars,  par  laiiuelle  ne 
m'escripl  auUre,  simm  que  le  (iranl  Seigneur  en  dehvuyl  parlyr  le 
wvi''  dudicl  mois  pour  aller  à  Ouislanlinople  et  (jue  le  begliarhey  de 
la  (îrèciase  parlyl  le  .wvm'  dicelluy  moys  pour  aller  à  Sophia,  atten- 
dant le  hassan  .Maliommet  pour  là  faire  la  masse  des  gens  de  guerre 
<iu.'  r.»n  (loiltl  mander  à  Budc;  et  par  Taultre,  du  wviii»  dudict  moys, 
m'escripl  ([ue  le  iiT  de  ce  moys  se  parliroyt  de  Andrinopoli  pour 
suivre  le  (jranl  Seigneur  (jui,  en  contirinalion  de  ce  que  dessus,  se 
l)artvl  ledict  xxvi",  Taisant  son  desaing  eslrc  dedans  neuf  jours  audict 
C<»nslanlinople.  11  avoyl  laissé  ledict  bassan  .Maliommet  audict  Andri- 
nopoli, (lui  s'en  debvoit  |)artyr  le  dernier  dudict  moys  pour  Bude,  con- 
duisaiil  avecques  luy  tous  lessangiacques  de  la  Grècia,  excepté  celluy 
de  la  .Morèa.  Kl  que,  comprins  les  gens  de  guerre  qui  se  retrouvoyent 
jà  à  Bude,  et  ceulx  qui  y  alii»yent  lors,  seroyent  au  nombre  de  iiir\M 
chevaulx,  et  de  troys  mil  janissaires.  Et  se  murmuroyt  fort  à  la  Porte 
que  si  l'empereur  alloyt  à  l'emprinse  de  Hongrye,  que  ledict  (irant 
Sei^-neur  se  mouveroyt.  Escripvant  aussy  que  Périmpèter  avoyt  mandé 
ung  sien  homme  à  la  Porte,  offrant  de  traicter  la  paix  entre  le  (irant 
Seigneur  et  le  roy  Ferdinando  :  auquel  a  esté  respondu  que  ledict 
Grant  Seigneur  se  soulcyoit  peu  de  sa  paix  ne  de  sa  guerre.  Petro 
Bogdan',  suyvant  ce  que  ay  escript  à  'V.  M.  par  cy  devant,  estrestably 
en  son  siège;  lequel  a  promys  au  Grant  Seigneur  faire  bonne  guerre 
audict  Ferdinando.  L'arcenal  en  Conslantinople  se  sollicitoyt  en  toute 
dilligence;  dont,  ainsi  qu'escript  ledict  messer  Yincenzo,  ayant  entendu 
de  là  que  le  vice-roy  de  Naples  rêveoyt  les  places  maritimes  dudict 
royaulme,  Ton  ne  s'en  esmerveilloyt  point,  car  n'estoyt  sans  propoz, 
ce  néantmoings  n'y  avoyt  point  de  certitude  où  ledict  Grant  Seigneur 
voulloyt  mander  son  armée  de  mer.  Qui  est  tout  ce  que  je  puys  dire 
pour  ceste  heure  à  "V.  M.  de  ce  cousté-là. 

«  Sire,  l'on  a  entendu  de  bien  bon  lieu  que,  estans  cez  Seigneurs  en 
leurs  affaires  publicquos,  et  entr'aultres  de  ce  qu'ilz  auroyent  à  faire, 
s'il  advenoyt  que  la  guerre  commenças!  entre  V.  M.  et  l'empereur, 
depuys  avoir  faictz  sur  ce  plusieurs  discours,  l'ung  des  principaulx 
d'entre  eulx  se  leva  en  piedz  et,  comme  ilz  disent,  harenga,  disant 
qu'il  estoyt  impossible  qu'ilz  poussent  demeurer  neutralz.  Dont  estoyt 
expédiant  qu'ilz  advisassent  duquel  de  vous  deux  estoyt  meilleur 
prendre  le  party,  et  que  aussi  bien  à  la  fin  maulgré  eulx  seroyent  con- 
trainclz  se  déclairer;  car  cependant  ne  despendroyent  moings  que  s'ilz 
estoyenl  en  ligue  avecques  l'ung  de  vous,  pour  aultant  qu'ilz  seroyent 

1.  Pierre  Rarcsch. 


[Avnir.  i;i4ll  Guillaume  pellicier  287 

contrainclz  tenyr  bon  nombre  de  galléres  et  les  terres  munyes  de 
gens.  Laquelle  despence  seroyt  aullanl  excessive  que  s'ilz  esloyenten 
ligue,  et  que  estans  à  vcoir  ne  serviroyent  à  nul,  ains  de  tous  deulx 
seroyent  mal  voulluz.  Et  enfin  dist  que  son  adviz  estoyt  pour  le  bénef- 
fice  de  leur  estât  s'accorder  avecques  V.  M.,  et  que  cela  povoyent-ilz 
faire  avecques  leur  grant  aduantaige,  persuadant  cez  Seigneurs  que 
Ton  n'aura  à  leur  relîuser  comme  Ton  ne  feist  aultresfoiz  Brandise  et 
liarlette*,  chose  à  eulx  de  moult  grande  commodité  et  importance. 
Toutesfoiz,  ayans  à  faire  tel  effect,  vouldroyent  estre  recluiirchez  du 
Grant  Seigneur  et  qu'il  promist  ce  que  dessus  et  aydast  à  ce  faire,  et 
faire  encores  que  V.  M.  leur  promist.  Discoururent  aussi  que  si  par 
sort  l'empereur  s'accordoyt  avecques  les  Allemans,  que  il  les  feroyt 
descendre  en  une  furye  que  les  pourroyent  beaulcoup  endommaiger;  à 
quoy  fut  respondu  que  si  ledict  empereur  le  faisoyt,  il  estoyt  nécessaire 
que  le  pape  suyvist  le  party  françoys,  de  sorte  quilz  seroyent  en  une 
ligue  et  qu'ilz  auroyent  peu  à  craindre  l'empereur.  Fut  dict  davantaige 
que  si  ledict  empereur  ne  se  faisoyt  d'accord  avecques  les  Allemans, 
qu'il  seroyt  avecques  le  pape;  dont  l'on  debvoit  regarder  que  c'est  que 
l'on  avoytà  faire.  A  quoy  fut  respondu  que  tant  plus  estoyt  leur  gaing, 
car  estans  contre  luy  seroyent  pour  avoir  Ravenne  et  Servia  ^,  comme 
aultresfoiz  ont  eu.  Tous  lesquelz  discours  et  adviz  semblèrent  fort 
])laire  pour  lors  aux  Seigneurs,  combien  qu'il  n'y  fut  passé  plus  oultre 
pour  ceste  heure  là;  et  depuys  n'en  ay  entendu  aultre  chose. 

«  Sire,  estant  madame  la  comtesse  de  la  Myrandola  entrée  en  grande 
suspicion  et  double  des  Espaignolz  qui  s'aprochoyent  de  ses  confins, 
je  y  donné  le  meilleur  ordre  que  je  sceuz  adviser  ainsi  que  vous  ay 
escript.  Et  depuys,  ayant  entendu  que  lesdictz  Espaignolz  avoyent 
prins  aultre  chemyn  et  jà  esloignez  de  là,  m'a  semblé  n'estre  plus 
besoing  de  y  tenyr  ceulx  que  y  avoys  envoyez  ne  faire  plus  ceste  des- 
pence. Dont,  avecques  Tadviz  et  consentement  de  ladicte  dame  leuray 
mandé  qu'ilz  s'en  retournassent,  ce  qu'ilz  ont  faict.  Sur  quoy  je  ne 
veulx  oblyer  à  vous  dire.  Sire,  que  le  seigneur  Petro  Strocy  ^,  soubdain 
qu'il  eut  entendu  ce  que  dessuz,  s'en  vint  ofîryr  luy  et  tous  ses  gens 
avecques  une  bien  bonne  grosse  somme  d'argent  s'il  faisoyt  mestier  *, 
sçaichant  très  bien  que  je  en  pourroys  estre  très  mal  pourveu.  De  quoy 
de  la  part  de  V.  M.  l'ay  remercyé  fortafTectionnément,  vous  asseurant, 
Sire,  qu'il  me  semble  estre  l'ung  des  plusalTectionnez  et  utilles  à  vostre 
service  de  tous  ceulx  que  je  congnoisse  par  deçà.  Et  de  faict  l'ardent 
désir  qu'il  a  de  le  démonstrer  par  effect  luy  a  faict  prendre  envye  de 

1.  Brindisi  et  Barletta,  sur  l"Adriati([uc. 

2.  Cervi.a,  ville  située  à  20  I<ilom.  de  Uavenne,  près  de  l'Adriatique,  à  laquelle 
elle  communique  par  un  canal  navigable. 

3.  Pietro  Strozzi. 

4.  S'il  était  nécessaire. 


288  AMBASSADt:    DE  [avRIL    1541] 

s'aller  Icnyr  à  Tliurvn  pour  ne  demeurer  des  derniers,  mais  eslre 
prest  se  d'aventure  l'on  a  hi-soing  d'employer  gens,  sans  estre  en 
peine  de  passer  lorsque  l'occasion  se  pourroyl  adonner  de  faire  ser- 
vice il  V.  M.  Et  n'esloyl  (pie  j'estime  que  V.  M.  aura  donné  ordre  de 
me  faire  entendre  comme  je  auray  doresnavanl  à  me  gouverner,  sur  le 
faict  de  la  Myrandola,  je  l'en  supplyeray  très  humMement. 

«Sire,  ainsi  que  la  couslume  des  ambassadeurs  de  ce/ Seigneurs  est, 
venant  de  Ifur  charge,  de  relYérer  et  faire  entendre  le  plus  particuUiè- 
remenl  qu'il/,  peulvenl  toutes  choses  qu'il/,  ont  peu  entendre  et  cong- 
noistre  es  lieux  oi'i  ils  ont  l'stè,  messire  Christophoro  Capello,  revenu 
dernièrement  de  V.  M.,  a  faict,  il  y  a  deux  jours',  son  rapport  en 
pregay  où,  ainsi  (jue  j'ay  esté  adverty,  il  a  si  très  bien  démonstré  qu'il 
n'est  possible  de  plus  que  V.  M.  avoyt  le  bien  et  les  affaires  de  ceste 
Républicque  en  aussi  grande  atl'ection  et  recommandation  que  les 
vostres  propres,  ainsi  que  par  les  elîectz  luy  aviez  promys  leur  donner 
àcognoislre  advenant  l'occasion;  et  que  ce  pendant  qu'il  a  esté  près 
de  V.  M.  l'a  tousjours  congneue  et  aperceue  de  ceste  bonne  voullenté 
envers  eulx,  et  tant  plaine  de  vérité,  sincérité  et  bonté,  que  certaine- 
ment l'on  s'y  povoil  conlier  et  attendre  indubitablement.  Allégant  là- 
dessus  fort  par  le  menu  les  grans  moyens  que  V.  M.  a  de  secourir  et 
ayder  à  voz  amiz  et  alliez,  et  au  contraire  nuyre  et  préjudicier  à  voz 
ennemiz  pour  la  grande  puyssance,  richesse,  union  et  obéissance  que 
'V.  M.  a  en  son  royaulme  ;  et  plusieurs  aultres  propoz  tous  à  la  très 
grande  exallacion  et  gloire  de  V.  M.  :  ce  que  cez  Seigneurs  ont  gran- 
dement estimé,  et  comme  aulcuns  m'ont  dict,  cela  n'aura  pas  peu  servy 
à  les  confirmer  et  establyr  totallement  en  la  dévotion  de  V.  M. 

«  Sire,  les  Impériaulx  ont  voullu  semer  icy  ung  bruyt  pour  voulloir 
favoriser  tousjours  leurs  affaires  ainsi  qu'ilz  ont  accoustumé  d'avoir  nou- 
velles de  la  court  de  l'empereur,  que  les  gens  du  roy  Ferdinando,  qui 
estoyent  à  Pest,  avoyent  faict  une  saillye  sur  leurs  ennemys,  desquels 
ilzavoyent  desfait  grant  quantité,  osté  l'arlillerye,  et  y  estre  demeuré 
mort  le  chef,  c'est  Morat,  vayvoda  de  Glissa;  mais,  comme  ces  Seigneurs 
ont  entendu  par  lettres  de  leur  ambassadeur  qui  est  prez  du  roy  Fer- 
dinando, tout  d'ung  mesme  jour  que  celles  de  Ratisbonne,  la  chose  n'a 
pas  été  si  gaillarde  comme  ilz  l'ont  mise  avant.  11  est  bien  vray  que 
ceulx  qui  avoyent  assailly  ladicte  place  la  bâtirent  de  tous  cousiez,  de 
sorte  qu'ilz  y  feirent  quelque  brèche;  mais  elle  fut  deffendue  de  ceulx 
de  dedans,  de  tel  couraige  que  ceulx  de  dehors  n'y  peurent  faire  aultre 
dommaige.  Donc,  voyans  estre  garnye  de  gens  de  deffence  et  en  grande 
quantité,  et  qu'ilz  n'y  eussent  sceu  rien  faire,  ains  en  emporter  perte  et 


1.  Celte  relation,  lue  le  28  avril  1541  par  Cristoforo  Capello,  est  perdue,  ainsi  que 
la  plupart  des  dépèches  de  cet  ambassadeur  (V.  Baschet,  Archives  de  Venise,  pp.  342 
et  6"3J. 


[avril    1:;41]  GUILLAUME    PELLICIER  289 

dommaige,  se  levèrent  d'autour  d'icelle  sans  que  jamais  ilz  en  feussent 
aultrement  contrainclz  et  endommaigez,  ne  moings  qu'ilz  y  ayent  perdu 
une  seuUe  pièce  d'artillerye.  Ce  semble  astre  plus  àcroyre  que  lesdicles 
lettres  de  la  court  de  l'empereur,  attendu  que,  comme  dict  est,  sont 
d'ung  mesme  jour  que  celles  de  la  court  dudict  roy  Ferdinando. 

«  Sire,  estant  bruyct  icy  que  l'empereur  faisoyt  xn'"  lansquenetz, 
m'a  semblé  faire  mon  debvoir  de  me  informer  dilligemment  que  en 
estoyt.  Pourquoy  faire  m'en  suys  adressé  à  aulcungs  de  voz  bons  et 
affectionnez  serviteurs  qui  sont  icy,  entre  lesquelz  ung  qui  a  fort  bon 
accès  et  crédict  avccques  des  plus  grans  de  ccz  Seigneurs  s'en  est 
abordé  avecques  ung  des  principaulx  d'entre  eulx  et  enclin  au  party  de 
l'empereur,  pour  povoir  sçavoir  mieulx  et  plus  certainement  telz 
affaires.  Et  ainsi  devisant  ensemble,  luy  demanda  s'il  avoyt  rien 
entendu  de  ce  que  dessus;  qui  luy  dist  que  pour  certain  l'empereur 
faisoyt  xn"^  lansquenetz  pour  mander  en  Hongrye.  Et  luy  réplicquant 
vostre  serviteur  que  ce  n'estoyt  que  une  couverte,  mais  en  vérité  que 
c'estoyt  pour  Lombardye,  ledict  gentilhomme  l'asseura  que  non  pour 
le  présent,  ains  pour  les  affaires  de  Hongrye,  et  que  cela  fust  vray  il 
verroyt  que  l'empereur  s'y  trouveroyt  en  personne.  Et  ad  ce  propoz 
entendz-je  que  cez  Seigneurs  ont  eu  adviz  de  leur  ambassadeur  prez 
dudict  empereur  qu'il  faisoyt  grant  aprest  de  gens  pour  la  Hongrye  et 
aultres  choses  de  guerre,  et  qu'il  estoyt  résollu  de  y  aller  luymesmes. 

«  Sire,  pour  n'avoir  eu  longtemps  a  aulcunes  lettres  de  V.  M.  et  que 
j'ay  entendu  de  quelques  ungs  que  icelle  n'a  receu  mon  pacquct  du 
VII*  mars,  suys  entré  en  non  peu  de  fàcherye  et  peyne,  pour  y  avoir 
dedans  choses  de  assez  grande  importance  dont,  craignant  qu'il  ne  soyt 
venu  à  bon  port,  m'a  semblé  ne  debvoir  obmettre  à  vous  mander  ung 
dupUcala  desdictes  lettres  :  ce  que  faiz  présentement  à  toutes  adven- 
tures,  s'il  estoyt  perdu  ou  esgaré.  Qui  toutesfoiz  si  cella  advient  me 
fera  bien  esmerveiller,  attendu  mesmement  qu'il  a  esté  porté  seure- 
ment  jusques  à  Thurin,  comme  apparoît  par  la  lettre  de  M.  de  Langey 
qui  m'a  adverty  de  la  réception. 

«  Sire,  cez  Seigneurs  raisonnent  beaulcoup  entre  eulx  que  l'empe- 
reur faict  tous  ses  effors  et  chairche  tous  les  moyens  qu'il  peult  de 
faire  l'accord  du  seigneur  Ascanio  Coulonne  avecques  le  pape,  tendant 
à  cez  fins  que  puys  aprez  se  puysse  valloir  de  ses  gens  de  guerre,  pour 
mander  en  Hongrye  soubz  la  soulde  de  Sa  Saincteté,  s'il  la  pourra  attirer 
à  ce  faire.  » 

Vol.  2,  f°  156,  copie  du  xvi"  siècle;  5  pp.  in-f". 

PELLICIER   A   M.    D'ANNEBAULT. 

191.  —  [Venise],  30  avril  1541 .  —  Mêmes  nouvelles  que  dans  la 
lettre  au  roi.  Pellicier  a  reçu  deux  lettres  de  Vincenzo  Maggio,  écrites 
Venise.  —  1540-1542.  19 


290  AMBASSADE    DE  [aVRIL    1541] 

d'Andrinople,  les  23  «>t  28  mars.  Il  <-iiv(»ie  à  Rincon  deux  paquets  de 
Mapgio,  par  lesquels  M.  d'Annebault  pourra  u  entendre  plus  au  long  les 
nouvelles  de  ce  couslé  là  ». 

«...  .Monseigneur,  vous  avez  pu  voir  par  les  lettres  du  roy  la  provi- 
sion que  fut  donni'o  à  la  Myrandola  (juant  le  bruyt  vint  que  les  Espa- 
gnol/ se  approchoyenl  de  Ik.  Dont  ci  présent  vous  diray  que  s'y  estant 
porté  M.  Daramont,  lequel  y  avoys  envoyé  tant  prudemment  et  son- 
gnousemenl,  m'a  semblé  ne  debvoir  obmeltre  à  vous  en  advertyr,  et 
supplyer  Monseigneur  '  l'avoir  j)Our  recommandé  en  quelque  afl'aire 
qu'il  a  à  la  court,  comme  à  mon  adviz  avez  esté  plus  amplement 
adverly...  » 

Vol.  L'.  f»  I.'IS  V",  copie  du  xvi'"  siècle:  1  p.  1/i  in-f". 


PEI.LICIER   A   CESARE   FREGOSO. 

192.  —  []'enise],  30  avril  1541 .  —  «  Monseigneur,  il  ne  me  sem- 
bleroyt  faire  mon  debvoir  envers  vous,  si  obmettoys  à  vous  escripre  le 
sort  que  l'on  a  gecté  sur  vous  en  la  famé  qui  en  est  commune  icy  :  c'est 
que  Ion  a  eu  lettres  deGennes,par  lesquelles  s'entend  que  le  roy  vous 
avoit  faict  gouverneur  de  Prouvence,  et  baillé  force  gens  de  pyed,  et 
donné  charge  tenyr  toutes  les  gallères  en  ordre  :  qui  na  pas  peu  rendu 
les  Gennevoys  contraires  à  nostre  parly  en  combustion  et  facherye.  Je 
ne  pryeray  pas  Dieu  seullement  qu'il  soyt  ainsi,  mais  aussi  lost  que  je 
le  désire.  Le  seigneur  Christophoro  Capello  n'a  failly  aussi  faire  très 
bien  entendre  à  cez  Seigneurs  en  quelle  esti-me  et  faveur  estiez  près  de 
S.  M.,  combien  qu'ilz  en  eussent  assez  esté  adverliz.  Au  demeurant, 
Monseigneur,  je  ne  veulx  aussy  oblyer  à  vous  dire  que  les  Impériaulx 
avoyent  semé  icy  ung  bruyct,  qui  a  esté  confirmé  par  lettres  sur  lettres 
venues  à  cez  Seigneurs,  que  certainement  le  Grant  Seigneur  n'est  pour 
mettre  hors  ceste  année  grande  armée,  et  que  pour  ceste  heure  ne 
sçauroyt  avoir  plus  de  xxx  ou  xxxv  gallères  en  ordre.  Dont  cez  Sei- 
gneurs ne  sont  pas  trop  mal  contans,  carde  leur  cousté  ilz  ne  se  mou- 
vent  pas  trop,  et  attendront  à  veoir  comme  les  choses  de  ce  monde 
passeront.  J'espère  que  par  les  premières  lettres  qui  viendront  de 
messire  Vincenzo  Maggio  nous  en  serons  advertiz  plus  véritablement, 
pour  aultant  que,  mais  qu'il  soyt  retourné  en  Constantinople  avecques 
celluy  dernièrement  renvoyé  parle  seigneur  Rincon,  en  pourront  estre 
informez  à  la  vérité.  Et  de  moy  je  ne  puys  pencer  que  les  affaires  de  ce 
cousté  là  passent  ainsi  légèrement  que  l'on  dict.  Je  ne  fauldray,  selon 
que  les  occurances  succéderont,  à  vous  en  tenyr  adverty;  mais  pour 
ceste  heure  je  ne  vous  en  diray  aultre,  me  remettant  de  la  reste  à  ce 

1.  Le  connétable  de  Montmorency. 


[mai    l-i4l]  GUILLAUME    PELLICIER  291 

que  nostre  commun  amy  el  vostre  alFectionné  et  loyal  serviteur  vous 
en  escript.  Tant  seuUemenl  vous  diray,  Monseigneur,  que,  me  confvant 
soubz  Dieu  du  tout  en  la  bonne  espérance  que  m'avez  tousjours  donnée 
et  que  ay  cogneue  par  bons  effectz,  vous  supplyeray  avoir  souvenance 
de  moy;  car  si  j'ay  eu  affaire  de  vous  par  cy  davant,  je  l'ay  cncores 
plus  que  jamais,  pour  aultant  que  mes  comptes  des  mises  extraordi- 
naires, et  la  liste  des  serviteurs  du  roy  que  je  avoys  envoyez  par  le  pac- 
quet  de  S.  M.  dès  le  vir  mars  à  mon  homme  Sainct-Pol,  ainsi  qu'il  m'a 
escript,  ont  esté  esgarez  avecques  ledict  pacquet.  Qui  me  vient  aultant 
mal  à  propoz  que  chose  que  me  eust  sceu  arriver;  par  quoy  je  vous  sup- 
plye,  si  d'adventure  ne  so  retrouvoyent,  estre  moyen,  en  attendant  que 
je  en  puysse  renvoyer  d'aultres,  que  l'on  me  deslivre  quelque  somme 
d'argent  telle  que  l'on  verra  estre  raisonnable,  ou  par  manière  d'avance 
ou  bien  de  rabaiz  sur  celluy  qui  m'est  deu  par  mesdictz  comptes;  car 
je  vous  asseure  que  je  ne  sçay  plus  de  quel  cousté  me  tourner  pour  en 
trouver,  et  aymeroys  beaulcoup  mieulx  que  l'on  me  levast  dicy  que 
de  m'y  laisser  en  telle  nécessité.  Car,  y  estant  ainsi,  je  ne  sçauroys  faire 
le  profïict  du  roy,  ne  mon  honneur,  vous  supplyant  aussi  me  faire  cer- 
tain si  l'on  a  envye  de  me  tenyr  encores  icy  longuement,  car  je  en  suys 
en  tel  suspens  que  je  feiz  de  la  despence  extraordinaire  que  je  ne  feroys 
si  j'en  estoys  asseuré,  et  si  pour  ceste  cause  et  aussi  pour  mon  argent 
je  ne  puys  faire  mes  provisions,  qui  me  tourne  à  grand  dommaige...  » 

Vol.  2,  f°  159,  copie  du  wi^  siècle;  1  p.  1/4  in-f". 

PELLICIER  A  VINCENZO   MAGGIO  1. 

193.  —  Venise,  4  mai  1541.  —  Pellicier  annonce  à  Maggio  la 
réception  de  sa  dernière  lettre,  en  date  du  5  avril,  par  laquelle  il  est 
fait  mention  de  son  retour  d'Andrinople  à  Constantinople.  Il  la  trans- 
mettra fidèlement  à  Rincon,  ainsi  qu'il  a  faict  des  précédentes. 

«  ....  Se  intende  degli  Imperiali  qua,  che  quelli  che  sono  in  Pest  per 
il  re  Ferdinando,  erano  issiti  fuora  délia  terra,  et  haverano  assaltati 
gli  Turchi  che  la  tenevano  assidiatacon  molto  grandissime  danno  loro, 
havendoli  tolto  Tartigliaria  et  amazzato  moite  personne,  tra  le  altre  il 
capitanio  chiamato  come  s'estima  Morat  vaivoda  da  Glissa.  Tamen 
aquello  che  s'é  inteso  daltre  bande,  quella  issita  non  è  stata  cosi 
gagliarda  per  gli  Imperiali  come  e  detto  di  supra.  L'e  ben  vero  che 
quelli  Turchi  che  havevano  assaltato  la  terra,  la  battetteno  de  taie 
manière  che  romporono  alquanto  de  la  muraglia;  ma  fu  tanto  ben  dif- 
fesa,  che  non  posseno  fare  altro;  il  che  vedendo  quelli  di  fuora,  et  che 

1.  «  Escript  le  IIP  may  au  seigneur  Tassin,  et  envoyé  vers  lui  Gorge-Noire  expres- 
sément. • 
Gorge-Noire,  courrier. 


292  AMBASSADE    DK  |^MAI    154l] 

era  niollu  hon  provista  <li  hufmi  soldali,  non  volsono  piu  stare  li,  et  si 
k'vonu)  di  la  seu/.a  alcurm  daiino.  Se  dice  pur  clie  limpcrador  la  gran- 
dissimo  essercilo  per  mander  in  l'ngaria,  et  gia  ha  fatlo  xii  inilia  lans- 
quenelli.  Alcuni  lengono  che  lui  inedesimo  in  personna  andara  li.  Non 
niauclia  di  cercare  lulli  i  modi  el  ingeniarsi  per  far  pace  Ira  il  papa  et 
il  sign«»r  Ascanio  Ctdona,  acio  de  poter  liavere  quelli  soldali  che  sono 
al  servitio  loro,  che  ponno  hen  essore  in  numéro  da  xii  o  xiiii  milia 
fanli,  huoni  soldali.... 

«  Di  Venetia.  » 
Vol.  2,  f"  lo9  v»,  coi)ie  du  .\VF  siècle;  1  p.  1/i  in-f". 

PELLICIER   A    M.    HE   RACUSE. 

194.  —  l'euise,  4  mai  1541 .  —  «  Revcrendissimo  Monsignor,  non 
puoco  di  maraveglia  m'haapporlalo  la  torualadel  mandate  vostro,  non 
mhavendo  V.  S.  per  la  sua  leltera  che  ei  m'ha  portalo  avisalo  per 
quai  cagion  egli,  senza  esser  dallo  Scarpa  riconduto  a  Venetia,  como 
deveva,  sia  ritornalo,  et  spctialmenle    non  m'iiavendo  sapulo  a  dir 
alcuna  cagion,  per  la  quale  questa  novilà  gli  sia  accaduta,  et  V.  S. 
sommamente  si  lodi  nelle  sue  del  buon  olficio  et  dilligenlia  che  ha 
usato  il  detlo  Scarpa  in  queslo  viagio,  ollro  a  gli  brigantini  parliti  di 
qua  doi  giorni  avanli  il  suo.  Ben  so  io  che  ch'il  signer  Vincentio  liaveva 
commesso  che  s'espedisse  a  posta,  ma  essendo  coslui  li  apparechiato 
per  rilornar,  non  so  per  quai  cagione  V.  S.  in  cambio  suo  ha  volulo 
mandar  un  altro,  con  ciô  sia  cosa  ch'ella  sa,  quanlo  egli  è  slalo  ben 
provato  da  i  miei  predeccssori,  et  dal  signor  Rincon,    et  che  délia 
lidellà  sua  non  è  huomo  il  quai  ne  dubili,  como  v"e  per  buon  leslimonio 
il  signor  Giovan  Jacomo  délia  Croce,  commesso  in  quesle  bande  sopra 
quesle  cose,  el  capilan  Cola  di  Barletla,  cl  allri  amioi,  et  fideli  servi- 
tori  di  Sua  Maésla  Cristianissima.  Il  perché  mollu  son  restato  stupe- 
fatlo  ch'eisia  senza  voslre  molto  inanzi  al  mio  huomo  rivenulo,  anchora 
che   egli   si  sia  scusato,   et   m'habbia   detlo    che  V.  S.  Thavea  fattO' 
aspetlar  con  sj^eranza,  el  quasi  ferma  certessa  di  rimandarlo  in  qua 
con  un  plico,  il  quaF  ella  di  Conslanlinopoli  fra  dui  o  tre  giorni  aspet- 
lavà.  Perhô  non  l'ho  volulo  sodisfar  che  primo  io  non  habbia  inleso  la 
verita,  perche  ella  non  gli  habbia  volulo  conlidarli  il  detlo  plico,  mas- 
simamente  havendo  la  commodilà  et  la  socurlà  del  mio  huomo.  El  per 
tanlo  io  non  gli  ho  volulo  dar  i   quindici  scudi,  che  rcslava  dhaver 
del  suo  pagamenlo,  ma  gli  ho  dali  al  vostro,  ne  son  per  pagarglieli 
finche  io  non  son    falto  certo  si   perche  questo  sia  inlravenuto,  si 
anchora  per  quai  cagion  il  mandato  mio  s'é  cosi  infuria  di  coslà  par- 
tilo,  che  non  habbia  polulo  levar  le  cose  sue,  et  mie,  che  gli  havea 
commandato  che  mi  portasse,  in  maniera  che  questa  sua  partila  mi 


[mai    1o41]  GUILLAUME    PELLICIER  293 

parc  una  espressa  fuga.  Starô  donque  ad  aspettar  ch'ella  mi  dia  aviso 
di  tiitto  ciù.  Perche,  Monsignor  mio,  la  conscienlia  et  l'honor  e'I 
debilo  mio  non  sopporta  ch'  io  dcbba  far  ispendcr  Sua  Maestà  ove  non 
è  punto  di  bisogno,  oltre  chc  gli  audilori  de  i  conti  del  mio  principe 
Togliano  diligentamente  veder  la  ragion  di  lutte  le  spese  che  si  fanno, 
ne  una  ne  vogliano  ammettere,  la  quai  non  sia  convenevole.  11  perché 
se  accadesse,  che  mentre  fusse  qui  un  brigantino  ispedito  da  V.  S.  mi 
sopragiugncsse  uno  spaccio  da  Sua  Maesta,  et  io  di  nuovo  coducesse 
un  allro  brigantino,  non  mi  mancando  la  comodità  di  quel  che  già  é 
obligato,  parria  una  cosa  molto  strana,  ne  mi  sariano  in  modo  alcun 
rifatte  tali  spese,  ne  cosi  converria  ch'andassero  a  mio  damno  :  so  che 
V.  S.  mi  inlende  meglio  che  io  non  so  scrivere,  et  che  a  pari  nostri  si 
spetta  più  che  a  quelli  per  e  quali  si  dice,  amicus  usque  ad  «rav.  La 
priego  donque  a  voler  in  ciô  commetter  ordine,  corne  per  la  sua  pru- 
denlia  et  bonlà,  ella  sapra  molto  ben  fare,  la  quai  sarà  contenta 
mandar  il  présente  plico  a  posta  amesser  Vincenzo,  et  a  V.  S.  mi  raco- 
mando  et  offero. 

«  Di  Yinelia.  » 
A'ol.  "2,  f°  160,  copie  du  xvi«  siècle;  1  p.  1/1  in-f'^. 

PELLICIER    A    M.    DE    LANGEV. 

195.  —  [Venue],  5  mai  154 1 .  —  «  Monsieur,  depuys  les  miennes 
dernières  du  xv*=  de  ce  moys  que  vous  ay  escriptes,  en  ay  reçu  troys 
de  vous.  La  première,  du  vf  de  ce  moys,  avecques  quelques  pacquetz 
pour  moy  que  adressiez  à  M.  Daramont  à  la  Myrandola  pour  me  faire 
tenyr;  mais  il  estoyt  desjà  icy  de  retour,  n'estant  plus  besoing  se 
tenyr  là,  pour  estre  la  place  hors  du  suspect  des  Espagnolz  qui  s'en 
«stoyent  esloignez  et  prins  aultre  chemyn,  et  est  à  présent  avecques 
moy.  Auquel,  tant  pour  l'amour  de  vous  que  aussi  pour  estre  person- 
naige  qui  mérite  luy  faire  tous  plaisyrs,  je  ne  fauldray  de  ma  part  à 
jn'y  employer  comme  vouldroys  faire  à  chascune  personne  que  par 
vous  me  sera  recommandée.  L'aultre  est  du  xiiii'^  ensuyvant,  avecques 
Je  pacquet  du  seigneur  Matheo  Dandolo,  adressant  à  ceste  Seigneurie; 
à  laquelle  incontinant  ne  faillys  le  mander  par  mon  secrétaire,  qui 
leur  feist  bien  entendre  la  bonne  dilligence  que  en  aviez  faicte,  et 
comme  soubdain  que  l'eustesreceudépeschastesungmessaiger  expres- 
sément pour  leur  envoyer.  De  quoy  vous  remercyèrent  fort  affection- 
nément,  et  en  feurent  grandement  aises  et  contans.  La  dernière  est 
du  xix%  avecques  lettres  de  mon  homme  Saint-Pau[l],  qui  est  à  la 
court  pour  mesafifaires;  lesquelles  ne  m'ont  pas  peu  donné  de  fâcherye 
pour  avoir  entendu  qu'il  s'estoyt  ainsi  esgaré  ung  de  mes  pacquetz 
qui,  je  vous  asseure,  estoyt  d'aussi  grande  importance  pour  les  affaires 


294  AMBARSADi:    DE  [maI    i:i4l] 

du  rtiy,  qui!  nul  aultrc  quf  jf  UNf  l'nvovt-  lun^lemps  ii,  et  ma  dépesche 
aussi  coppieusc.  Duiil  m"t>n  faicl  trop  plus  dt*  mal,  que  uun  pour  mes 
comptes  exlraordiiiaires  (jui  esloyeut  dedans.  Combien  que  l'empes- 
chemenl  de  Texpédicion  d'icculx  me  soyt  j^randcmenl  ineommode,  ce 
néanlmoings,  attendu  qu'il  est  venu  jusques  à  vous,  je  ne  puys  pencer 
qu'il  soyl  du  luut  perdu,  mais  bien  demeuré  arrière,  à  cause  de  la 
mort  de  Pierre  de  Hour^on^'ue,  ainsi  (jue  m'escripl  mon  homme.  Toutes- 
foi/,  je  renvoyé  un^'  duplicata  des  lettres  du  roy  seuUemeiil  (^ui  sont 
du  VU"  mars;  car  de  mon  compte  extraordinaire  cela  ne  peut  estre  si 
lost  rellaict.  Kl  atlendray  encore  une  aultre  dépesche  de  la  court  pour 
veoir  si  numdict  pacquet  sera  point  retrouvé,  et  de  ma  part  je  vous 
supplye  faire  faire  toute  dilligence  de  le  recouvrer  s'il  est  possible;  et 
si  en  entendez  rien  d'aventure  avant  que  je  puisse  avoir  lettres  de  la 
court,  ce  me  sera  ung  grant  plaisyr  de  le  sçavoir.  De  quoy  je  vous 
supplye  bien  fort,  car  par  la  lettre  que  ay  receue  de  François  Biny,  de 
Lyon  ',  ne  se  faict  aulcune  mcncion  ne  aultrement  espoir  d'estre 
retrouvé...  » 

Pellicier  communique  ensuite  à  M.  de  Langey  les  nouvelles  du 
Levant  qu'il  a  reçues  de  Vincenzo  Maggio,  dans  les  termes  de  la  lettre 
au  roi,  du  30  avril. 

«  Ledict  messire  Vincenzo  m'escript  que,  soubdain  qu'il  sera  arrivé 
à  Constanlinople,  verra  d'avoir  la  lettre  de  Barberousse  que  demandez, 
laquelle  me  promcct  envoyer  par  la  première  dépesche.  Le  semblable 
feray-je  à  vous,  mais  que  je  l'ave  receue;  qui  est  tout  ce  que  vous 
puys  dire  pour  ceste  heure  de  ce  cousté  là. 

«  Monsieur,  pour  ce  que  congnoissez  trop  mieulx  que  ne  vous  sçau- 
roys  escripre  combien  Messieurs  les  Strocy  et  leurs  ancestres  ont  tous- 
jours  esté  affectionnez  et  fidelles  serviteurs  du  roy,  ne  m'estenderay 
à  vous  en  faire  plus  grande  description;  mais  vous  diray  que  le  sei- 
gneur Strocy  qui  est  icy,  cherchant  et  considérant  tous  les  moyens 
qu'il  luy  est  possible  de  faire  service  audict  seigneur,  m'a  faict  entendre 
que  luy  ayant  estât  du  roy,  lequel  fau^lt  qu'il  despende  aussi  bien,  ainsi 
que  ainsi,  à  entretenyr  cappitaines  et  aultres  gens  de  guerre,  trop  plus 
tost  désireroyt  le  faire  en  aultre  lieu  que  icy  plus  prez  et  com- 
mode de  s'employer,  advenant  l'occasion.  Dont  tant  pour  ceste  cause, 
que  aussi  pour  la  grande  amour  et  révérance  qu'il  vous  porte  vouldroyt, 

1.  Oiov.inni-Franccsco  Bini,  ncf^ociant  cl  banquier  florcnlin  établi  à  Lyon,  afient 
des  Slrozzi  (V.  Invent,  sointn.  des  archiv.  de  la  ville  de  Lyon,  l.  III,  pp.  lU,  col.  2, 
et  213,  col.  i).  Ilini  posséilait,  entre  autres  immeubles  imi)orlants,  à  Vaise,  nous 
apprend  un  rompte  lyonnais  de  iri.S.s,  «  une  belle  maison  qu'il  a  bastie  a.  neuf» 
(IbUL,  t.  II,  p.  47,  col.  1;.  11  avait  obtenu,  avec  (lian-Hattisla  Hernardini,  de  Lucques, 
le  privilège  exclusif  d'importer  seuls,  jtendant  dix  ans,  les  soies  étrangères  en 
France,  privilèî,'e  qui  fui  révoiiué  le  l"  juin  l'ii;,  moyennant  une  indemnité  con- 
cédée le  20  du  même  mois  (V.  Cal.  des  actes  de  François  /*=',  t.  IV,  pp.  624  et  035, 
n'"  13îtIS  et  13  %0). 


[mai    la41j  GUILLAUME    PELLICIER  295 

si  le  trouvez  bon  et  vous  plaist,  aller  demeurer  et  résider  à  Thurin, 
afin  d'eslre  tousjours  plus  prompt  et  hors  des  danjjjiers  et  fàcheryes 
de   passer   quant   il  en  seroyt  hesoing,  me  pryant  vous  en  vouUoir 
escripre.  Ce  que  ay  bien  voullu  faire  assez  mal  vouUcntiers  pour  les 
bons  plaisyrs,  soullaigemens  et  confors  que  incessamment  reçoiz  de 
luy  pour  les  atïaires  du  roy,  et  encores  pour  la  confyance  que  j'ay  en 
luy  plus    que   en   nul   aultre   depar  deçà,  s'il  advenoyt  que  j'eusse 
alfaire  de  quelque  bonne  grosse  somme  d'argent  pour  employer  au 
service  de  S.  M.  Comme  dernièrement  pour  la  Myrandola,  soubdain 
qu'il  entendyt  quelque  bruyt  que  les  Espaignolz  alloyent  de  ce  cousté 
là,  se  vint   otTryr   luy  et  tous  ses   gens   avecques  cinquante,   voyre 
soixante  mil  escuz  s'il  en  estoyt  besoing.  Toutesfoiz,  ayant  plus  d'es- 
gard  au  service  du  roy  qu'il  pourra  faire  par  delà  que  à  toutes  cez 
choses,  n'ay  voullu  laisser  à  vous  faire  entendre  sa  voullenté,  et  vous 
pryer  nous  advertyr  par  la  première  dépesche  que  ferez  par  deçà  de 
la  vostre.  Il  n'entend  point  y  aller  demeurer  seuUement  pour  ceste 
prime  vere  ',  ains  pour  tousjours  mays,  s'il  s'y   treuve  bien,  et  y 
mener  madamoyselle  sa  femme  et  toute  sa  famille  ^  J'en  ay  escript  aussi 
ung  mot  au  roy,  luy  faisant  entendre  la  continuacion  de  la  bonne  voul- 
lenté qu'il  a  de  faire  service  à  S.  M. 

«  Monsieur,  je  ne  veulx  oblyer  à  vous  remercyer  les  deux  livres  que 
m'avez  envoyez,  et  aussi  comme  ay  receu  le  pacquet  du  roy  avecques 
la  vostre  du  xxvii''  apvril  ;  à  laquelle  dépesche  ne  foiz  pour  ceste  heure 
aultre  responce,  pour  aultant  que  n'ay  peu  encores  acomplyr  ce  qu'il 
m'est  commandé  par  icelle.  Par  quoy  feray  fin  à  la  présente,  aprez 
vous  avoir  pryé  faire  tenyr  ung  pacquet  que  je  vous  envoyé  à  part 
pour  messire  Matheo  Dandolo,  qui  m'a  esté  baillé,  et  prye  faire  de 
sorte  qu'il  le  puysse  avoir  seurement,  pour  ce  qu'il  y  a  dedans  chose 
qui  luy  est  d'importance.  » 

Vol.  2,  r»  161,  copie  du  xvi<^  siècle;  2  pp.  1/2  in-f°. 

PELLICIER  A  M.    DE  RODEZ   ». 

196.  —  [Venise],  7  ynai  1 541 .  —  «  Monsieur,  depuys  avoir  faict  la 
présente  j'ay  entendu  sur  ce  que  m'avez  escript  que  le  roy  Ferdinand© 

1.  Ce  printemps. 

2.  Pietro  Strozzi  avait  épousé  Laodamia  dei  Medicis,  fille  de  Pielro-Francesco  dei 
Medicis  et  de  Maria  Soderini,  dont  il  eut  deux  enfants  :  Filippo  Strozzi,  né  à  Venise 
en  avril  l'iti,  mort  en  lo82,  qui  devint  colonel-général  de  l'infanterie  française; 
Clarissa  Strozzi,  mariée  à  Honorât  de  Savoie,  comte  de  Tende. 

Pietro  Strozzi  eut  en  outre  un  fils  naturel,  élevé  avec  soin  parle  prieur  deCapoue, 
son  oncle,  et  qui  périt  avec  ce  dernier  sous  les  murs  de  Piombino,  en  looi. 

3.  «  Escript  audict  seigneur  de  Rhodez  la  response  de  ses  deux  lettres  duxxui"  du 
passé  et  premier  de  ce  moys,  et  aussi  de  celluy  envoyé  en  Levant  par  le  seigneur 


296  AMBASSADE   DE  [maI    ir.41j 

se  dc'hvoyl  alltT  Iromer  à  la  dicllo  de  Ratisltonnc,  mais  que  ayant 
esté  adverty  que  les  Tureqs  quy  ostoyent  devant  l*est  s'estoyent  retirez 
à  viçgt  lieues  de  h'i,  avoyt  tlesUIxTr  aller  assiéger  Bude.  Pourquoy  faire 
avoyt  demandé  aux  barons  ilu  pays  (juil/.  luy  voulsissent  payer  la 
souldc  de  quatre  mil  hommes,  ainsi  qu'il  les  avoyt  aullrefois  requiz. 
Qui  luy  ont  respondn  que  sil  voulloyt  aller  luy-mesmes  en  personne, 
qu'il/  estoyent  preslz  et  deslihérez  de  le  suivre;  mais  non  aultrement. 
De  laquelle  responce  n'a  pas  esté  trop  contant  ne  salisfaict,  n'estant 
ainsi  (juil  la  demandoyt;  dont  pour  cesle  cause  sa  venue  à  ladicte 
diette  a  esté  retardée  pour  ccste  foi/,  là.  » 

Vol.  2,  r  t('.-_>.  (-(ipie  tlu  .\vr  siècle;  3/i  p.  in-P». 

l'EM.ICIER   ai;   IK'I  '. 

197.  —  [Venise],  17  mai  J 54 1 .  —  «  Sire,  depuys  celles  que  ay 
escriptes  à  V.  M.  du  dernier  du  passé,  ay  receu  les  siennes  du  xix° 
dudict  moys,  suyvant  lesquelles  ay  faict  toutes  dilligences  qu'il  m'a 
esté  possible  pour  sçavoir  et  entendre  si  l'ambassadeur  de  cez  Sei- 
gneurs vers  le  Granl  Seigneur  les  avoyt  advertiz  de  la  déclaration  à 
luy  faicte  par  icelluy  Grant  Seigneur.  De  laquelle  V.  M.  m'a  envoyé  le 
double;  mais  j'ay  trouvé,  Sire,  par  aulcuns  de  vos  très  affectionnez 
serviteurs  qui  ont  fort  bon  accez  et  crédict  envers  quelques  ungs  des 
plus  principaulx  de  cesle  Seigneurie  que  il/,  n'en  ont  eu  advertissement 
aulcun  par  leurdict  ambassadeur  ne  aultre,  et  que  en  leurs  conseilz 
n'en  a  point  esté  parlé.  Ce  néantmoings  raisonnant  avecques  le  seigneur 
Vallerio  -,  abbé  de  Saint-Pierre  le  Vif,  de  Testât  des  affaires  d'entre 
V.  M.  et  cez  Seigneurs,  me  dist  que  ung  d'iceulx  luy  en  avoyt  tenu 
quelque  propoz;  dont  l'ay  pryé  s'en  vouUoir  informer  et  enquéryr  le 
plus  au  vray  qu'il  pourroyl,  qui  me  prommist  de  ce  faire.  Et  depuys 
l'en  ay  sollicité;  sur  quoy  m'a  faict  responce  avoir  escript  à  ung  des 
principaulx  de  voz  affectionnez  serviteurs,  ([ui  est  présentement  à 
Padoue.  Lequel  seroyt  pour  entendre  aussi  bien  certainement  comme 
va  tout  ccst  affaire  que  nul  aultre  de  cez  Seigneurs,  pour  avoir  grant 
activité  et  crédict  en  ceste  républicque;  mais  luy  a  respondu  ne  povoir 
venir  pour  ceste  heure  en  ceste  ville,  trouvant  excuse  que  sa  femme 
estoyt  mallade  et  qu'il  ne  la  povoyt  habandonner,  estant,  comme  j'ay 

Rincon,  et  (1<^  la  ligue  avecques  cez  Seigneurs  cl  le  jiapc  n'en  avoir  encore  rien 
entendu  de  certain. 

•  Escript  aussi  ceilict  jour  à  M.  l'cvesquc  de  Lodcs.  Item,  fut  escript  audict  sei- 
gneur de  Rliodcz  le  xvi"  dudict  moys  de  may,  dont  n'en  fut  faict  niynute.  Aussi 
fut-il  escript  à  M.  réves(iue  de  Lodes.  • 

i.  •  Kscript  cedict  jour  à  Saint-Pol,  et  au  seigneur  Allomani  du  xix'  île  ce  moys. 
Cesle  dépesche  fut  retenue  jusques  au  xx'  de  cedict  moys,  que  fut  escript  aussi 
au  sire  Laurens  Charles  :  dont  n'en  fut  faict  niynute.  • 

2.  Giovanni-Franccsco  Valiero. 


[mai    l.-iil]  GUILLAUME   PELLICIER  297 

peu  congnoistre  en  aultrcs  choses,  quelque  peu  refTroidy  de  la  grande 
et  bonne  vouUenlé  qu'il  avoyt  au  service  de  V.  M.  pour  n'avoir  eu 
depuys  troys  ans  en  çà  pour  remmunération  de  ses  services  que 
allantes  :  desquelles  ne  se  veult  plus  contenter  ne  les  autres  pareille- 
ment. Je  m'esloys  tousjours  retenu  vous  escripre  telles  choses,  me 
semblant,  Sire,  n'eslre  licite  ne  convenable  vous  en  attédier.  Ce  néant- 
moings,  après  en  avoir  escript  tant  de  foizà  ceulx  qui  ont  le  maniement 
des  affaires,  et  qu'ilz  ne  m'y  ont  jamais  faict  aulcune  responce,  à  pré- 
sent je  me  vcoy  conlrainct  m'en  adresser  à  V.  M.,  la  supplyant  très 
humblement  y  vouUoir  faire  faire  quelque  bonne  provision  par  effect,  — 
car  aultrement  je  ne  veoy  plus  moyen  de  me  ayder  et  valloir  d'eulx, 
et  conséquemment  vous  povoir  donner  advertissement  des  choses  de 
deçà,  —  et  me  pardonner  si  ay  prins  l'audace  vous  en  escripre,  m'y  ayant 
conlrainct  la  nécessité  où  je  suys  pour  n'avoir  plus  moyen  de  quoy 
les  povoir  enlrelenyr,  comme  ay  faict  jusqucs  icy  petit  à  petit,  non 
pas  ainsy  quilz  le  mérittent  et  qu'ilz  esloyent  accoustumez  par  voslre 
grande  libérallilé,  mais  selon  ma  petite  puyssance.  Comme  encore  à 
cez  Pasques  dernières  ont  eu  de  moy  par  manière  d'emprunct  plus  de 
deux  cens  escuz,  et  est  impossible  que  je  puysse  faire  de  moings.  Or, 
pour  n'en  importuner  davantaige  V.  M.,  retourneray  à  mon  premier 
propoz  et  vous  diray  que  pour  l'absence  dudict  personnaige  n'en  ay 
peu  entendre  aullre  chose;  ce  néanlmoings  j'espère  qu'il  ne  fauldra  à 
venyr  bien  lost  icy,  el  par  luy  ou  par  aullre  en  quelque  moyen  que 
ce  soyt  verray  d'en  sçavoir  cerlainenient  ce  qui  en  est.  Cependant  je 
n'ay  failly  d'en  escripre  à  messire  Vincenzo  Maggio,  aflîn  qu'il  advise 
ce  que  de  son  cousté  verra  estre  à  faire. 

«  Sire,  quant  est  de  l'aullre  poinct  que  V.  M.  m'escript  de  vous  faire 
tenyr  bien  seurement  tout  ce  dont  Tassin  s'adressera  à  moy,  et  que 
eusse  à  l'en  adverlyr,  incontinent  que  l'euz  receue,  je  ne  faillys  à 
dépescher  homme  expressément  vers  luy  pour  le  luy  faire  entendre. 
Et  davantaige  qu'il  eust  à  se  informer  dilligemment  et  bien  de  tous 
cousiez  qu'il  verroyt  en  povoir  avoir  plus  certaines  nouvelles,  où  c'estoyt 
que  l'empereur  vouUoyt  mander  les  douze  mil  lansquenetz  que  on 
faisoyt  couryr  bruyt  avoir  levez  pour  mander  en  Hongrie:  dont  je  vous 
ay  escript  par  ma  dernière  ce  que  lors  en  avoys  entendu.  Depuys 
laquelle  l'on  m'a  dict  que  cez  Seigneurs  ont  eu  lettres  de  leur  podestat 
de  Bassan  *  qui  les  adverlissoyt  avoir  sceu  de  bien  bon  lieu  que  l'empe- 
reur seroyt  bien  tosl  en  Ilallye,  et  qu'il  admeneroyt  avecques  luy 
dix  mil  lansquenetz,  nouvelle  que  pour  ne  vouUoir  que  ainsi  fusl  ou 
aultrement  n'a  pas  trop  pieu  à  cez  Seigneurs.  Ledict  Tassin  ne  m'a 
pas  encore  faict  responce  ;  de  quoy  je  seroys  bien  esmerveillé,  n'estoyt 
que  j'ay  entendu  qu'il  a  esté  fort  mallade  ;  qui  m'a  faict  pencer  que  cela 

i.  Bassano,  sur  la  Brenfa,  à  2S  kilom.  de  Vicence. 


298  AMBASSADE   DE  'mai   154J] 

en  a  esté  cause,  vcu  que  je  l'avoys  pryé  me  faire  incoulinenl  entendre 
ce  qu'il  en  amoyl  trouvé.  Par  celluy  mesmemcnl  que  j'ay  envoyé 
vers  luy  expressément  pour  cesl  elTecl,  j'ai  délayé  do  vous  envoyer 
la  présente  dépesche  quatre  ou  ciu(|  jours,  m'attendant  d'heure  en 
aullro  avoir  nouvelles  de  luy  ;  toulesloi/,,  voyant  y  demeurer  si 
longuement  ,  ne  l'ay  voullu  relenyr  davantaige ,  mais  que  l'aye 
receue,  s'il  y  aura  chose  (jui  méritle  cslre  faicl  sçavoir  en  dilligence 
à  V.   M.,  je  ne  fauldray  inconlinant  à  ce  faire. 

«  Sire,  je  envoyé  présentement  une  lettre  au  seigneur  Rincon  que  ay 
receue  de  messire  Vincen/.o  Maggio,  pour  luy  faire  tenyr.  Par  celle 
(|u'il  m'escript  de  Andrinopoli  le  V  du  passé,  ne  me  faict  sçavoir  aultre 
sinon  qu'il  s'en  debvoyt  parlyr  le  vi*  pour  aller  trouver  le  Grant 
Seigneur  en  Conslantinople,  et  qu'il  estoyt  arrivé  audict  Andrinopoli 
queUiues  Turcqz  venans  de  Bude,  lesquelz  avoyent  dict  que  si  à  leur 
arrivée  là  le  Grant  Seigneur  n'en  fusl  party  ,  qu'il  n'en  seroyt 
encores  bougé,  et  que  les  choses  de  Hongrie,  comme  il  dict,  slrenzeno  *. 
L'on  a  icy,  par  lettres  de  Anconnc,  du  xxix*  du  passé,  comme  par  deux 
nef/,  qui  cstoyent  arrivées  là,  l'une  parlye  de  Conslantinople,  le 
xxiin'^  mars,  et  l'aultre  délie  caslellc  prez  de  Gallipoli  *  le  xxi.v*  dudict 
moys,  l'on  a  entendu,  en  conformité  l'une  de  l'aultre  que  le  Grant 
Seigneur  avoyt  envoyé  de  fraix  soixante  mil  chevaulx  et  troys  mil 
janissaires  pour  les  choses  de  Hongrye,  et  que  l'armée  seroyt  de  cent 
cinquante  gallères.  Ce  néantmoings  l'ambassadeur  de  l'empereur,  qui 
est  icy,  et  tous  ses  sequaces  ^  disent  estre  très  bien  et  pour  vray  advertiz 
que  l'armée  du  Grant  Seigneur  ne  seroyt  d'aulcune  importance  :  chose 
que  cez  Seigneurs  se  laissent  facillemenl  persuader,  leur  estant  con- 
lirmé,  comme  l'on  entend,  par  leur  ambassadeur  Badouare;  de  sorte 
qu'ilz  ne  arment  point,  ainsla  provision  qu'ilz  avoyent  ordonné  mander 
à  Courfou  de  gens  de  guerre  et  cappitaines  à  renforcer  la  garde,  pour 
le  double  qu'ils  avoyent  auparavant  de  l'armée  du  Grant  Seigneur,  a 
esté  délaissée  à  faire. 

«  Sire,  encores  que  je  ne  double  point  que  V.  M.  ne  soyt  très  bien 
adverty  de  toutes  nouvelles  et  occurances  qui  succèdent  à  la  cour  de 
l'empereur,  ce  néantmoings  continuant  toujours  de  vous  donner  adviz 
de  ce  que  je  puys  apprendre  de  tous  cousiez,  m'a  semblé  ne  debvoir 
obmettre  à  vous  escripre  ce  que  cez  Seigneurs  en  ont  entendu  par 
lettres  de  leur  ambassadeur  qui  est  là  du  xxix"  du  passé,  les  adverlis- 
sant  que  jusques  audict  jour  n'avoyt  encore  esté  proceddé  plus  avant  à 


1.  S'aggravaient. 

2.  La  place  turque  <le  fialiipoii,  la  clef  de  l'Hellespont,  entrepôt  du  commerce  de 
la  mer  Noire  ot  de  la  Méditcn-anéo,  sur  le  bord  occidcnlal  du  canal  des  Dardanelles, 
esl  protégée  encore  aujourd'hui  par  (juatorze  cliàteau,v  forts,  mainlenanl  ruinés, 
mais  qui,  à  celte  époque,  consliluaient  une  solide  défense. 

3.  L'ambassadeur  et  les  gens  de  sa  suite. 


[mai    liiH]  GUILLAUME    PELLICIER  299 

la  dielte,  sinon  qu'elle  avoyl  esté  mise  en  quinze  articles,  et  faict  plu- 
sieurs présidans  pour  les  décider  et  déterminer,  entre  lesquels  les 
principaulx  sont  le  seigneur  Fédérich,  comte  palatin  du  Rin  ',  le  duc 
de  Bavières  -  et  le  seigneur  de  dranvelle  ',  et  que  estant  acomply  le 
dueil  de  l'empératrice  \  l'empereur  s'en  estoyt  allé  à  une  abbaye  prez 
de  Ratisbonne  pour  faire  cellébrer  les  obsèques  et  funérailles  acous- 
lumées  en  tel  cas.  Ayant  tenu  propoz  audict  ambassadeur  de  cez 
Seigneurs,  quasi  comme  par  forme  de  complaincte,  dist  que  estant 
adverly  que  V.  M.  eust  mandé  icy  ung  homme  long  temps  a,  s'esmer- 
veilloyt  que  cez  Seigneurs  ne  luy  en  eussent  encores  rien  faict  sçavoir. 
A  quoy  ledict  ambassadeur  lui  feist  responce,  ainsi  qu'il  a  escript,  qu'il 
ne  failloyt  que  pour  cela  il  s'esmerveillast,  et  que  il  povoytbien  estimer, 
puisque  cez  Seigneurs  ne  l'en  avoyent  adverty,  que  ce  n'estoyt  chose 
de  grant  importance. 

«  Et  sur  ce  propoz.  Sire,  l'ambassadeur  dudict  empereur  qui  est  icy 
est  allé  vers  cez  Seigneurs,  lesquelz,  aprez  avoir  parlé  de  quelques 
affaires  particuUiers,  et  vouUant  prendre  congé  d'eulx,  leur  dist  que 
son  maistre  à  bon  droict  l'accusoyt  de  négligence  et  de  peu  de  crédict, 
pour  ce  que  ne  luy  avoyt  faict  sçavoir  les  raisons  pourquoy  le  seigneur 
AUoysi  Allemani  estoyt  venu  icy,  les  pryant  qu'ilz  luy  voulsissent  faire 
entendre.  Lesquels  luy  feirent  responce  que  V.  M.,  par  sa  naturelle  et 
acoustumée  bonté,  les  avoyt  envoyez  remercyerde  la  faveur  et  support 
qu'ilz  avoyent  donnez  au  seigneur  Rincon  passant  dernièrement  par 
icy  pour  aller  vers  icelle. 

«  Sire,  je  suys  adverty  par  homme  de  bien,  qui  m'a  asseuré  avoir 
veu  lettres  de  M.  de  Granvelle,  venues  à  M.  l'ambassadeur  de  l'em- 
pereur qui  est  icy,  par  lesquelles  s'entend  que  l'empereur  ne  viendra 
en  Itallye  pour  tout  cest  esté,  pour  plusieurs  raisons  que  j'ay  escriptes 
à  V.  M.  le  XII''  novembre  dernier  passé  :  sçavoir  est  que  son  sesjour  en 
AUemaigne  sembloyt  beaulcoup  plus  commode  et  utille  pour  le  présent 
que  de  venyr  en  Itallye,  car  se  arrestant  là  il  y  tiendra  les  eslecteurs 
et  aultres  princes  mieulx  à  sa  dévotion  ou  en  crainte  ;  à  tout  le  moings 
gardera-il  qu'ilz  n'oseront  si  tost  rien  entreprendre  contre  luy,  et 
pourra,  par  ce  moyen,  mieulx  pourveoir  à  son  aise  aux  choses  de 
Hongrye.  Maintiendra  aussy  en  suspens  les  choses  de  France;  car  en 
cas  que  on  luy  voulsist  faire  guerre  en  Itallye,  il  s'en  pourroyt  plus 
aisément  revanchcr  du  cousté  de  la  Picardye.  Gardera  en  oultre  que 


1.  Frédéric  III  le  Sage,  comlc  et  électeur  palatin,  second  fils  de  l'élcclciu-  IMiilippe 
et  frère  de  l'électeur  Louis  V  le  Pacifique,  auquel  il  succéda  comme  duc  de  Bavière, 
de  15i4  à  1556. 

2.  Guillaume  IV  le  Constant. 

3.  Nicolas  Pcrrenot  de  Granvelle,  chancelier  de  l'Empire. 

4.  Isabelle  de  Portugal,  femme  de  Charles-Quint,  était  morte  en  couches,  à  Tolède, 
le  1"  mai  1539. 


tîOO  AMBASSADE   DE  [mAI    1541] 

la  Flandre  ne  osera  s'esmouvoir  no  dire  mut,  et  si  fera  ses  alTaires 
d'Ilallyc  plus  à  son  plaisyr  (jue  sil  y  esloyt  présent,  pour  aultant  qu'il 
les  tiendra  en  telle  suspencion  et  crainte  ([ue  s'il  y  estoyl  luy-mesmes, 
en  faisant  dêinonslracion  de  y  voulloir  venyr  de  jour  en  jour.  Et  si  en 
tirera  plus  d'argent  et  secours  que  honnestement  il  ne  pourroyt  faire 
sil  V  estovt  présent.  Et  en  somme  entretenant  loni,'UPm('nl  la  diette 
pour  ne  sravoir  h  tjuoy  les  choses  d'icelle  pourroyenl  tourner,  tiendra 
le  pape,  Véniciens,  et  tout  le  demeurant  de  la  clirestienlé  en  bransle  et 
double,  voyrejusques  au  Orani  Seigneur.  De  toutes  lesquelles  choses 
ledict  ambassadeur  et  aultres  Impériaulx  ne  faillent  do  essayer  à  faire 
leur  proflict,  co  néanlmoings  congnoissans  cez  Seigneurs,  pour  beau- 
coup de  conjectures,  ne  leur  eslrc  point  de  bonne  voullenté,  et  ne 
sçaichant  plus  les  paistre  de  belles  promesses  et  parolles,  comme  ilz 
ont  faicl  par  le  passé,  pour  ce  que  l'on  ne  leur  en  a  jamais  tins  une, 
n'ont  failly,  pour  les  tenir  lousjours  en  crainte  qu'ilz  ne  se  retirent  de 
la  ligue  qu'il/,  ont  avecques  l'empereur,  de  remonslrer  très  bien  et 
faire  entendre  que,  toutesfoiz  et  quantes  qu'il  plaira  audict  empereur, 
il  fera  avecques  V.  M.  tout  ce  qu'il  vouldra,  et  fust-il  de  vous  attirer 
contre  le  Grant  Seigneur  et  quelzconques  aultres,  quelque  allyance  et 
amytié  qu'il  y  eust,  moyennant  la  restitution  de  la  duché  de  Millan, 
leur  mettans  à  tous  propoz  ce  dessus  devant  les  œilz.  C'est  qu'ilz  sont 
tout  seurement  advertiz  que  ledict  Grant  Seigneur  n'est  pour  faire 
aulcune  emprinse  ceste  année  ne  par  mer  ne  par  terre,  et  que  quant 
il  en  auroyt  envye,  mesmement  par  mer,  jà  la  saison  passoyt;  car 
l'armée  debvroyt  estre  sortye  et  il  n'a  pas  encores  trente  gallères  en 
ordre.  Et  quant  estoyt  de  la  Hongrye,  que  l'empereur  y  avoyt  si  bien 
pourveu  qu'il  ne  failloyt  doubter  de  ce  cousté  là,  car  au  pys  faire,  en 
mettant  bonnes  garnisons  et  municions  aux  villes  que  desjà  ilz  tiennent, 
ilz  ne  craignoyent  tout  ce  que  ledict  Grant  Seigneur  sçauroyt  faire, 
quelque  puyssance  qu'il  y  mandast.  Toutes  lesquelles  choses  n'ont 
pas  petit  eU'ect  pour  tenyr  cez  Seigneurs  en  suspens  et  veoir  ce  que 
succédera. 

«  ...  Sire,  sur  le  poinct  que  voulloys  signer  la  présente,  ay  receu 
lettres  de  Tassin,  ensemble  deux  aultres  à  luy  escriptes  par  ung  sien 
amy.  Desquelles  suyvant  vostre  commandement  vous  envoyé  le  double; 
m'escripvant  avoir  envoyé  ung  homme  expressément  jusques  aux 
basses  Allemaignes  pour  entendre  le  tout  à  la  vérité  si  l'empereur  a 
faict  lever  douze  mil  lansfjucnelz  et  quel  chemin  leurveuU  faire  tenyr. 
11  m'escript  aussi  avoir  entendu  de  bon  lieu  que  le  roy  de  Portugal  a 
baillé  une  grosse  somme  d'argent  à  l'empereur;  et  aultres  choses 
m'escript,  comme  l'on  pourra  veoir  par  sesdictes  lettres,  lesquelles  je 
envoyé  en  leurs  propres  originaulx.  » 

Vol.  2,  f'5  1G2  yo,  copie  du  wi^  siècle;  4  pp.  1/2  in-f'\ 


[mai    15411  GUILLAUME    PELLICIER  301 


PELLIGIER    AU    CONNETABLE. 

198.  —  [Venise],  17  mai  1541.  —  «  Monseigneur,  pour  ne  rien 
obmectre  à  faire  entendre  au  roy  et  à  vous  de  toutes  choses  que  puys 
apprendre  de  tous  coustez,  vous  diray  oultre  celles  que  j'escriptz  pré- 
sentement à  S.  M.,  que  cez  Seigneurs,  —  ayant  este  advertiz  par  le  podes- 
tat d'Aquilée  *  que  ung  nommé  Nicolas  de  la  Tour,  recteur  au  conté 
de  Guricia  -  pour  le  roy  Ferdinando,  avoyt  faict  commandement  aux 
chanoynes  et  aultres  habilans  de  là,  de  la  part  dudist  roy,  qu'ilz  n'eus- 
sent à  obéyr  à  aultres  que  aux  officiers  d'icelluy  roy,  pour  aultant  que 
le  tout  estoyt  en  sa  jurisdiction,  —  en  escripvirent  à  leur  ambassadeur 
prez  dudict  roy  afin  de  le  luy  faire  entendre  ,  et  sçavoir  s'il  avoyt 
faict  faire  ledict  commandement.  Auquel  icelluy  roy  feist  responce 
qu'il  ne  sçavoyt  que  c'estoyt,  n'ayant  jamais  baillé  telle  commission, 
mais  que  quelquesfoiz  les  serviteurs  font  plus  que  les  maistres  ne  leur 
commandent;  car  de  luy  n'avoyt  telle  vouUenté  sinon  d'eslre  tousjours 
leur  bon  voysin  et  amy,  comme  par  effect  le  congnoistroyent  advenant 
l'occasion  qu'il  leur  en  peust  faire  démonstracion.  Et  qu'il  estimoyt  de 
brief  estre  plus  largement  leur  voysin,  espérant  venyr  à  quelque  bonne 
fin  du  royaulme  de  Hongrye,  mesmement  de  Bude.  Toutcsfoiz  depuys 
cezdictz  Seigneurs  ont  eu  aultres  lettres  de  leurdict  podestat  d'Aquilée, 
ensemble  le  double  de  la  commission  décernée  par  ledict  roy  Ferdi- 
nando audict  recteur,  par  laquelle  estoyt  contenu  ce  que  dessus  :  chose 
de  quoy  cez  Seigneurs  se  sont  fort  esmerveillez,  attendu  ce  que  leur- 
dict ambassadeur  prez  dudict  roy  leur  avoyt  faict  entendre  de  sa  part. 
Et  de  faict  envoyèrent  quéryr  l'ambassadeur  de  l'empereur,  qui  est 
icy,  pour  luy  notiffier  le  tout,  lequel  excusa  l'affaire  le  mieulx  qu'il 
peult,  leur  demandant  le  double  de  ladicte  commission,  et  qu'il  en 
escriproyt  audict  roy,  et  feroyt  de  sorte  que  la  chose  ne  passeroyt  point 
plus  avant;  ce  néantmoings  ne  peult  appaiser  si  bien  cez  Seigneurs 
qu'ilz  n'en  ayent  quelque  malcontentement.  » 

Pellicier  se  recommande  ensuite,  lui  et  les  siens,  aux  bonnes  grâces 
du  connétable. 

«  ...  Monseigneur,  sur  le  poinct  que  voulloys  signer  la  présente,  est 
venu  vers  moy  le  seigneur  Francesco  Beltrame  ^  qui  m'a  pryé  vous 
faire  souvenyr  de  l'espérance  qu'il  vous  a  pieu  luy  faire  donner  par 
moy  longtemps  a,  et  le  maintenyr  tousjours  en  vostre  bonne  grâce.  » 

Vol.  2,  fo  164  v»,  copie  du  xvi^  siècle;  1  p.  1/4  in-f°. 

1.  Aquilée,  ville  d'Illyrie,  située  à  28  kilom.  de  Goritz,  dans  les  lagunes,  au  fond 
de  l'Adriatique. 

2.  Nicolas  de  la  Tour,  gouverneur  du  comté  de  Goritz  pour  le  roi  Ferdinand. 

3.  Francesco-Beltramo  Sachia. 


.■(02  AMBASSADE    DE  [maI    lli4l] 


l'ELLICIE»   A    M.    I)  ANNEUAL'LT. 


199.  —  '  Vrnisc],  i  7  mai  1 54 1 .  —  Mcimes  nouvelles  que  dans  la  lettre 
au  roi,  (le  ce  jour. 

Vol.  1',  f"  lor).  copie  du  wi"  .siècle;  1  p.  iii-f". 


PELIJCIER   A    CESAHE  KREOOSO. 

200.  —  [Venisi']^  17  mai  I .'>  1 1 .  —  iVlJiciir  a  reçu  les  lettres  de 
Fregoso  datées  des  13  et  17  avril;  il  le  remercie  de  ses  bons  oflices  à 
la  cour  et  le  prie  de  les  lui  continuer  dans  l'avenir.  Les  nouvelles  qu'il 
lui  transmet  ensuite,  concernant  IcMnpereur  et  le  Grand-Seigneur, 
sont  celles  dont  il  a  été  déjà  question  dans  la  lettre  au  roi. 

"  Monseigneur  »,  dit  Pellicier  en  terminant,  «  je  pense  que  aurez 
entendu  comme  le  pape  a  laict  entendre  au  duc  d'Urbin  qu'il  veult  que 
SCS  subjeclz  prennent  le  sel  aussi  bien  que  les  aultres,  comme  estans 
soub/.  son  estât,  et  qu'il  voulloyt  avoir  Sénégaye  '.  Sur  quoy  ledict  duc 
a  demandé  quelque  temps  à  respondre,  et  s'entend  quil  ne  rellusera 
de  prendre  ledict  sel;  mais,  quant  à  Sénégaye,  qu'il  n'est  pour  la 
quilter  sans  coups  frapper,  et  que  icelluy  duc  est  pour  s'appoincter 
avecqucs  l'empereur,  et  laisser  cez  Seigneurs.  Je  n'ay  sceu  encores 
sçavoir  les  choses  pourquoy,  ne  rien  davantaige  de  ce  propoz.  » 

Vol.  2,  f'  iOii  v",  copie  du  x\'i«  siècle;  1  p.  3/i  in-f". 

PELLICIER   A   RINCON. 

201.  —  [Venise]^  17  mai  1 541.  —  «  Monsieur,  n'estoyt  les  grandes 
occupations  et  affaires  que  suys  asseuré  povez  avoir  à  la  court,  je 
doubleroys  que  ne  me  eussiez  mys  en  obly,  veu  que  je  n'ay  faict 
dépesche  au  roi,  depuys  vostre  partement  d'icy,  que  ne  vous  aye 
escript,  sans  que  jamais  aye  eu  aulcune  lettre  de  vous,  sinon  une  par 
laquelle  m'advertissez  seullement  de  vostre  arrivée  là,  me  remettant  à 
m'escripre  plus  amplement  quant  auriez  parlé  à  S.  M.  plus  au  long 
que  n'aviez  faict  lors;  mais  les  lettres  sont  encores  à  venyr.  Toulesfoiz 
si  n'ay-je  voullenté  laisser  de  continuer  à  vous  mander  des  nouvelles 
et  occurrances  de  deçà,  et  vous  advertyr  que  depuys  les  miennes  der- 
nières du  dernier  du  passé,  ay  receu  une  lettre  de  messire  Vincenzo 
Maggio  pour  vous  faire  tenyr,  que  vous  envoyé  présentement;  par 
laquelle  à  mon  adviz  entendrez  comme  passent  les  affaires  de  delà.  Je 
croy  qu'il  vous  a  escript  par  cy  davant,  comme  il  a  faict  à  moy,  que 

1.  Sinigaglia. 


[mai    1341]  GUILLAUME    PELLICIER  303 

Pél'impéler  avoyL  mandé  ung  sien  homme  à  la  Porte,  oUrantde  traicler 
la  paix  entre  le  Grant  Seigneur  et  le  roy  Ferdinando;  auquel  avoyt 
esté  respondu  que  ledict  Grant  Seigneur  se  soulcyoyt  peu  de  sa  paix 
ne  de  sa  guerre.  Toutesfoiz,  Monsieur,  j'ay  esté  adverty  que  l'ambas- 
sadeur Badouare  a  escript  à  ccz  Seigneurs  que  Ton  ne  avoyt  reiîusé  si 
rudement  ledict  pcrsonnaige  que  Ton  ne  fust  pourrescoutler  et  attendre 
aux  ofïres  et  partiz  que  on  pourroyt  mettre  avant.  Mesmement  se 
retrouvant  ledict  Grant  Seigneur  fort  occuppé  et  empesché  du  cousté 
du  Sophi,  et  s'estant  offert  ledict  roy  Ferdinando  à  luy  payer  tel  ou 
meilleur  tribut,  si  besoing  estoyt,  que  ne  faict  ledict  jeune  enfant  roy 
de  Hongrye,  —  chose  que  pour  estre  beaulcoup  plus  puissant  que  n'es- 
toyt  le  feu  roy  Jehan  ou  à  tout  le  moings  que  n'est  son  filz  maintenant 
et  davantaige  qu'il  est  frère  d'ung  empereur  qui  a  telle  puyssance  que 
l'on  peult  sçavoir,  et  que  il  recongnoistra  l'Aultriche  tenyr  de  luy,  — 
ledict  Grant  Seigneur  auroyt  beaulcoup  plus  d'honneur,  gloire  et  exal- 
tacion  d'avoir  ung  tel  roy  son  tributaire  et  aulcunement  subget  que 
ledict  jeune  enfant  roy;  et  par  ce  moyen  pourroyt  estre  en  repoz  de  ce 
cousté  là.  Et  davantaige  j'ay  entendu  que  cez  Seigneurs  ont  eu  de  leur- 
dict  ambassadeur,  ou  bien  que  d'eulx-mesmes  discourent  que  l'empe- 
reur faict  entendre  audict  Grant  Seigneur  que  il  n'y  anacion  au  monde 
qui  soyt  pour  estre  plus  ennemye  à  la  sienne  et  plus  fatalle  que  la 
françoyse,  ainsy  que  les  sçavants  et  les  saiges  en  sa  loy  peulvent  sça- 
voir, pour  le  trouver  en  leurs  prophéties.  Dont  ce  luy  seroyt  trop  plus 
grant  préjudice  et  péril,  si  le  roy  le  faisoyt  plus  puissant  qu'il  n'est, 
que  de  nul  aultre  prince  de  la  chrestienté;  ce  qu'il  fera  moyennant  son 
ayde  et  secours  :  dequoy  aprez  se  trouvera  battu.  Et  que  quant  estoyt 
de  faire  la  paix  entre  ledict  Grant  Seigneur  et  luy,  puysque  par  le 
moyen  du  roy  il  l'avoyt  vouUu  accorder  à  son  frère  et  à  luy,  à  meil- 
leure raison  le  debvoyt-il  faire  de  luy-mesmes,  sans  y  mesler  les  choses 
et  intérestz  de  S.  M.,  et  ne  se  soulcyer  que  ledict  empereur  ayt  en  ce 
faisant  à  bailler  le  duché  de  Millan  au  roy.  Car  ce  seroyt  tousjours 
pour  faire  plus  puyssant  celluy  qui  a  à  luy  pourchasser  plus  grant 
ruyne  que  tout  aultre.  Et  plusieurs  aultres  propoz  m'a  Ion  dict  là- 
dessus,  non  seullement  pour  persuader  ledict  Grant  Seigneur  de  faire 
ledict  accord,  mais  à  tout  le  moings  le  retirer  le  plus  qu'il  pourra  de 
Tamytié  et  faveur  qu'il  porte  à  S.  M.  De  quoy  m'a  semblé  vous  debvoir 
advertyr,  plus  tost  que  nul  aultre,  pour  aultant  que  congnoissez  trop 
mieulx  les  gens  à  qui  l'on  a  affaire,  et  s'ilz  seront  pour  y  entendre,  et 
conséquemment  y  donner  tel  remedde  que  vostre  affection,  discret  et 
bon  jugement  sçaura  trop  mieulx  adviser  que  ne  sçauroys  pencer...  » 
Pellicier  termine  en  donnant  à  son  correspondant  les  nouvelles  de 
Constantinople  contenues  dans  la  lettre  au  roi,  du  môme  jour. 

Vol.  2,  f°  1G6  y",  copie  du  xvi"  siècle;  1  p.  3/i  in-r\ 


304  AMBASSADE    DE  [maI    1541] 

PELLICIER   A    M.    DE  LANtlEY». 

202.  —  \ Venise],  20  vini  /.)//.  —  «  Monsieur,  siiyvant  ce  que 
M.  d'llannel)ault  m'a  esrripl  par  sa  dernière  du  xx'  apvril,  que  eusse  à 
adverlyr  Tassin  de  Luna  de  faire  si  bon  ^uQi,  et  mettre  telle  peyne  de 
sçavoir  la  part  où  c'eslox  I  (juc  l'empereur  voulloyt  mander  xii""  lans- 
quenet/, que  on  faisoyl  hruytl  voulioir  lever,  incontinant  que  euz  receu 
sadicLp  lettre,  je  ne  fiiilly  dcpescher  Gorgenoyre  vers  luy,  qui  fut  le 
m'  de  ce  moys.  Auquel  escripviz  faire  toute  dilligence  de  le  sçavoir,  et 
que  soubdainement  me  advortisl.  A  cause  de  (juoy  ay  délayé  la  pré- 
sente dépesche  i)0ur  le  moings  quatre  ou  cinq  jours  plus  tard  que 
n'eusse  fait,  allendanl  d'heure  en  licure  rcsponce  de  luy,  me  semblant 
ne  debvoir  tarder  si  longuement.  Toutesibiz,  voyant  qu'il  demeuroyt 
trop  et  qu'il  ne  m'avoyt  escript  seullement  de  l'arrivée  vers  luy  dudict 
Gorgenoyre,  je  m'esloys  deslibéré  ne  séjourner  davantaige  à  mander 
ceste  dépesche;  mais,  sur  le  poinct  que  j'estoys  aprez,  m'est  arrivé 
ung  pacquet  dudict  Tassin,  par  lequel  m'advertist  avoir  mandé  ung 
homme  exprez  jusquos  aux  basses  Allemaignes  pour  entendre  le  tout 
à  la  vérité.  Kl  par  une  lettre  que  luy  a  escripte  ung  sien  amy,  que  ay 
trouvée  audict  pacquet,  s'entend  que  tous  les  gens  que  lève  l'empe- 
reur en  Allemaigne  sont  pour  mander  en  Hongrye,  et  que  sur  le  bord 
du  lac,  du  cousté  des  Allemaignes,  a  esté  levé  une  bandière  de 
v<=  hommes  pour  y  envoyer.  Et  pour  ce  qu'il  ne  m'a  rien  faict  sça- 
voir touchant  le  conte  Lodron^  dont  m'avez  escript  et  que  n'en  ay  rien 
sceu  entendre  icy,  nonobstant  quelque  information  que  je  en  aye  sceu 
faire,  je  luy  ay  escript  par  ce  présent  porteur,  pour  ce  que  c'est  son 
chemin  de  passer  par  sa  maison,  qu'il  vous  advertist  de  ce  qu'il  en 
aura  trouvé,  et  de  mon  cousté  je  ne  fauldray  aussi  à  m'en  enquéryr 
de  toutes  pars.  Et  pareillement  bien  certainement  du  chemin  que  l'on 
vouldra  faire  tenyr  ausdictz  xii">  lansquenetz  si  aulcuns  seront  levez, 
car  il  s'en  dict  icy  tant  de  variables  et  diverses  oppinions  que  l'on  ne 
sçayt  à  quoy  s'en  tenyr.  Toutesfoiz  il  est  beaulcoup  plus  à  croyre  que 
ce  n'est  pas  chose  preste...  » 

"N'ol.  2,  f»  167  v°,  copie  du  .wi"  siècle;  1  p.  in-f"^. 

1.  «  Escript  cedict  jour  h  M.  Bigolius.  Ceste  dépesche  fut  baillée  à  Raymond  Hos- 
laris.  courrier  ordinaire.  » 

Guillaume  Bigot,  poélc.  philosophe  et  médecin,  né  à  Laval  en  juin  1502,  mort 
après  1549.  Familier  des  Du  Bellay,  il  avait  accompagnée  le  sieur  de  Langey  lors 
de  sa  mission  en  Allemagne,  en  1532.  Il  professa  quelque  temps  la  philosophie  à 
Tubingen;  puis,  ayant  dû  quitter  sa  chaire  pour  y  avoir  soutenu  les  idées  de  Mé- 
lancliUion,  il  vint  s'établir  on  1536  à  Bàle,  d'où  il  ne  tarda  pas  à  retourner  définiti- 
vement en  France.  On  lui  doit  plusieurs  ouvrages  en  prose  et  en  vers  (V.  llauréau, 
Histoir'e  Ulléraire  du  Maine,  t.  II,  p.  95). 

2.  Giovanni-Baltista,  comte  Lodrone,  capitaine  italien  au  service  de  l'empereur. 


[mai    1541]  GUILLAUME    PELLICIER  303 


l'EI.LlClER    A    U.\15ELA1S. 

203.  —  T>n?se,  20  mai  1  541  '.  —  «  Monsieur,  je  pense  que  aurez, 
veu  le  livre  d'une  bonne  parlyc  des  Oraisons  de  Cicéro  que  messire 
Paulo  Manucio  a  corrigées  fort  diligemment;  lequel,  comme  aurez  peu 
veoir  par  mes  lettres,  et  aussi  par  icelluy  livre,  en  décoration  el  exal- 
tacion  de  monseigneur  de  Langey,  luy  a  desdyé  et  envoyé.  Sur  quoy 
ledict  seigneur  m'a  faict  responce,  l'en  remercyant  fort  affectionné- 
ment,  et  que  bien  tost  auroyt  de  ses  nouvelles  plus  amplement;  et 
aussy  qu'il  envoyeroyt  au  seigneur  Asulanus  la  charrette  et  les  jumens 
qu'il  luy  avoyt  promyses.  Ausquelz  ay  faict  entendre  le  tout  et  monstre 
ses  lettres.  Dont  depuys  se  sont  enquis  de  moy  plusieurs  foi/,  si  en 
avoys  rien  entendu  aultre  chose;  je  n'ay  sceu  que  leur  respondre, 
sinon  que  ay  excuse  que  l'indisposition  que  a  eue  mondict  seigneur 
de  Langey  et  grans  affaires  qu'il  a  ordinairement  ont  esté  cause  que 
à  mon  adviz  n'a  eu  loysyr  de  ce  faire,  mais  que  j'espéroys  bien  que 
ne  pourrions  plus  guères  tarder  que  ne  eussions  de  ses  nouvelles 
quant  à  cest  affaire.  Par  quoy  je  vous  prye,  quant  vous  viendra  à 
propoz,  affin  qu'ilz  ne  pencent  point  que  on  les  ayt  mys  en  obly,  ou 
aultrement  laissez  en  arrière,  d'en  recorder  mondict  seigneur  de 
Langey,  et  vous  souvenyr  de  m'envoyer  les  plantes  que  il  m'a  donné 
espérance  que  me  debvez  envoyer  avecques  ladicte  charrette  dudict 
seigneur  Asulanus.  Et  de  mon  cousté  je  ne  fauldray  aussi  à  vous 
envoyer  des  nouveaultez  de  deçà  quant  il  m'en  viendra  entre  mains, 
comme  dernièrement  je  feiz  de  Vamotnon  et  de  ïorigano  heracleatico^ 
de  Candia.  Je  suys  tousjours  aprez  à  faire  transcripre  livres  grecz,  et 
continueray  pendant  que  j'en  trouveray  qui  en  soyent  dignes,  de  sorte 
que  j'espère  en  faire  une  aussi  bonne  provision  que  nul  de  mes  pré- 
décesseurs qui  ayt  esté  par  cy  davant,  aydant  le  Créateur... 

«  De   Venize.  » 
Vol.  2,  fo  168,  copie  du  .\vi«  siècle;  1  p.  in-fo. 

PELLICIER  A    VINCENZO   MAGGIO  'K 

204.  —  Venise,  26  mai  i  541 .  —  Pellicier  n'a  pu  encore  apprendre 

1.  Les  éditeurs  de  celte  lettre  l'ont,  entre  autres  erreurs  de  lecture,  datée  à  tort 
du  20  mars  1541  (V.  Œuvres  de  Rabelais,  édit.  Jannet-Picard,  t.  VII,  p.  lui). 

2.  Amome,  amomum  Plinii,  arbrisseau  de  la  famille  des  solanées,  plante  aroma- 
tique. 

—  Origan,  origanum,  sorte  de  marjolaine  sauvage,  plante  aromatique  dont  on 
trouve  des  espèces  fort  variées. 

3.  «  Escript  le  XXl"  may  à  MM.  de  Rhodes  et  évéque  de  Locles,  à  Rome;  dont  n'en 
fut  faict  mynute.  » 

En  italien.  —  «  Escript  à  M.  l'arcevesque  de  Raguse.  » 

Venise.  —  1540-1542.  20 


306  AMBASSADE   DE  MAI    lliHj 

les  liTiiic^  lie  lu  di'claralit»!»  laile  par  le  (Jrand-Seignour  a  lambas- 
sadeiir  de  Venise.  A  défaul  de  ces  nouvelles,  il  envoie  à  son  corres- 
pondant une  copie  îles  articles  de  la  diète  de  Ratisbonne  '. 

«  //(    l  rnrlin.  » 
Vol.  -J,  f"  ItVH  V",  copie  'lu  \vi"  •<ii'cle;  3/t  j).  in  1'. 

l'KI.l.IClLU    A    TASSIN   DE   LLNA. 

205.  —  [  re/j/'s*.'],  .27  mai  1511.  —  «  Messire  Tassin,  j'ay  receu 
toutes  les  lettres  que  ni 'ave/,  escriples,  tant  celles  que  m'avez  mandées 
auparavant  la  venue  icy  de  vostre  lil/.  que  depuys,  dont  les  dernières 
sont  du  xxi"  de  ce  moys;  et  pareillement  ay  receu  deux  lettres  de  l'amy 
de  .Millan,  et  l'aultre  de  vostre  compère.  De  quoy  de  tout  je  vous 
mercye,  et  de  la  bonne  dilligence  que  avez  usée,  à  scavoir  ce  dont  je 
vous  avoys  escripl.  Ce  néantmoins  il  me  semble  <ju'il  eust  souHist 
d'envoyer  seuUement  à  Trente;  car,  comme  vous  mesmes  m'escripvez, 
s'il  en  eust  esté  quelque  chose,  l'amy  n'eust  failly  à  vous  en  advertyr; 
mais,  puisque  cela  est  faict,  il  faull  passer  par  là  pour  ce  coup.  Tou- 
tesfoi/  je  n'entendoys  pas  qu'il  s'y  deust  faire  si  grant  despence,  car, 
comme  vous  sçavez,  Ton  ne  recouvre  pas  ses  pièces  à  la  court  comme 
l'on  veult;  et  n'en  veulx  point  d'aultre  tesmoing  que  vous  mesmes. 
Dont  ne  vous  fault  esmerveiller  si  je  desbourse  et  advance  argent  mal 
voullentiers,  mesmement  quant  l'on  peult  faire  de  moings,  carje  ne 
sçays  encores  comme  l'on  en  faict  le  remborsement,  pour  aultant  que 
depuys  que  suys  icy  Ton  ne  m'en  a  faict  aulcun  de  quelque  extraordi- 
naire que  je  aye  faict.  Par  quoy,  à  l'advenyr,  je  suys  d'adviz  que  pour 
sçavoir  telles  choses  y  faciez  le  moings  de  despence  que  vous  pourrez, 
et  entendoys  seuUement  comme  je  vous  ay  dict  cy  dessus,  que  le 
deubsiez  sçavoir  de  Trente.  Je  vous  envoyé  pour  le  compère  *  quatre 
des  plus  belles  peaulx  qui  se  soyent  peu  trouver  en  cesle  ville,  et  fault 
bien  que  vous  sçaichez  que  qui  en  eust  voullu  donner  dix  escuz  de  la 
pièce  pour  en  trouver  encores  aultant  icy,  l'on  ne  l'eust  sceu  faire, 
comme  vous  pourra  dire  vostre  iilz;  car  ce  ne  sont  pas  peaulx  com- 
munes de  ce  pays,  mais  marroquins  de  Turcquye  fort  beaulx,  comme 
pourrez  veoir.  J'ay  aussi  baillé  les  trente  escuz  à  vostre  filz,  ainsi  que 
m'avez  escript,  vous  pryant  continuer  de  m'advertyr  de  tout  ce  que 
pourrez  entendre;  car  je  vous  asseure  que  n'eustes  jamais  meilleur 
moyen  de  faire  cognoistre  au  roy  les  services  que  luy  faictes,  que  avez 
mainctenant,  pour  ce  que  je  luy  envoyé  à  luy-mesmes  vos  propres  let- 
tres escriptes  de  vostre  main,  et  celles  des  amys  avecques  lesquelles  je 

1.  Celle  pièce  manque  dans  le  manuscril. 

2.  Le  personnage  de  la  cour  impériale  qui  transmetlait  habiluellemenl  à  Tassin 
des  nouvelles  d'Allemagne. 


[mai    1541]  GUILLAUME    Pl'LLICIER  307 

ne  faulx  accompaigner  les  miennes  de  quelque  bonne  parolle  on  voslre 
faveur.  Quant  est  de  ce  que  me  mandez  d'envoyer  aux  Terres  franches 
pour  sçavoir  de  la  levée  des  x.v'"  hommes  qu'ilz  ont  accordé  ;i  rempe- 
reur  comme  l'on  faict  bruict,  il  me  semble  n'en  estre  jà  besoing,  pour 
aultant  que  si  ainsi  est  M.  l'ambassadeur  du  roy  vers  l'empereur  et 
M.  l'advocat  de  S.  M.  en  la  cour  du  Parlement  de  Paris  qui  est  à 
présent  vers  l'empereur  \  n'auront  failly  de  l'en  advertyr.  Car  ce  ne 
sont  point  choses  tant  secrètes  que  ilz  ne  le  puissent  bien  entendre,  et 
n'est  pas  comme  si  c'estoyt  quelque  commission  décernée  à  aulcun 
cappitaine  particullier  pour  lever  gens;  mais  s'il  sera  vray,  tout  le 
monde  le  sçaura  incontinent,  et  jusques  à  celle  heure  je  n'y  adjousle 
pas  grant  foy,  attendu  que  cez  Seigneurs  n'en  ont  rien  et  que  les  Impé- 
riaulx  qui  sont  icy  n'en  ont  point  encore  mises  les  nouvelles  avant, 
mesmement  ceulx  du  fondigue  des  Tudesques,  qui  ne  faillent,  quant 
ilz  n'ont  point  de  nouvelles  advantaigeuscs  pour  l'empereur,  à  en 
trouver  de  toutes  fresches.  Par  quoy,  comme  je  vous  ay  dict,  il  me 
semble  n'estre  jà  besoing  de  y  faire  telle  despcnce,  attendu  aussi  que 
le  roy  ne  aultre  personne  ne  m'en  ont  point  escript.  ïoutesfoiz  je  vous 
prieray  bien,  si  en  povez  rien  entendre  par  quelque  aultre  moyen  que 
de  y  envoyer  homme  cxprez,  le  voulloir  faire  et  m'en  advertyr,  et  de 
toutes  aultres  choses.  Qui  est,  en  somme,  tout  ce  que  je  vous  puys  dire 
pour  ceste  heure,  fors  ung  petit  mot  du  bon  vin  que  je  désire  grande- 
ment, et  bien  tost,  car,  quelque  bonté  qu'il  ayt,  encores  les  challeurs 
ne  luy  feront  point  de  bien  au  porter,  et  si  j'ay  paour  qu'il  advienne 
quelque  aultre  cmpeschement  comme  il  a  faict  des  eaues  basses  qui 
engarde  le  povoir  envoyer,  dont  je  vous  prye  me  l'envoyer  le  plus  tost, 
car  j'en  boyray  d'aussy  bon  cueur  que  je  me  recommande  à  voslre 
bonne  grâce,  etc.  ^  » 

Vol.  2,  f**  169,  copie  du  xvi''  siècle;  1  p.  1/2  in-f». 

1.  Claude  Doilieu,  conseiller  du  roi  et  maître  des  requêtes,  ambassadeur  auprès 
de  l'empereur  depuis  le  2"  septembre  1540  (B.  N.,  ms.  Glairambaull  1215,  f"'  78  vo  et  79, 
Comptes  de  l'épargne),  et  Pierre  Raymond,  avocat  au  Parlement.  Par  lettres  données 
à  Fontainebleau  le  7  février  1541,  treize  cent  cin<)uante  livres  furent  attribuées  à 
ce  dernier  «  pour  un  voyage  qu'il  allait  lors  faire,  du  commandement  du  roy, 
comme  son  ambassadeur  ez  pays  d'Allemagne  devers  aucuns  princes  et  communaulez, 
pour  certains  affaires  de  grant  importance  »  {Ici.,  ibid.,  f»  79  v"). 

2.  «  Escript  le  xxviu"  may  à  MM.  de  Rliodez,  évesque  de  Lodes,  et  évesque  de 
Chisamo.  »  —  Agostino  Steuco,  bibliothécaire  de  la  Vaticane,  évèque  de  Cissamo, 
dans  l'île  de  Crète.  Gams  ne  lui  attribue  ce  siège  qu'en  1550,  date  de  sa  mort  [Séries 
episcop.,  p.  403). 

A.  Steuco  avait  été  nommé  bibliothécaire  de  la  Vaticane,  ou  plutôt  tic  la  Palatine, 
comme  on  l'appelait  officiellement  alors,  en  vertu  d'un  bref  de  Paul  111,  daté  du 
27  octobre  153S  :  «  Concessio  officii  Bibliolhecœ  Palalinœ  »,  etc.  Le  document  a  été 
publié  par  les  Assemani,  t.  I,  p.  lxii.  Steuco  succédait  à  Girolamo  Aleandro  (1480- 
1542),  archevêque  de  Brindes,  promu  au  cardinalat  le  13  mars  1:;38  (Léon  Dorez, 
Recherches  sur  la  bibliothèque  du  cardinal  Girolamo  Aleandro,  dans  la  Revue  des 
bibliothèques,  t.  II,  1892,  p.  51). 


308  AMUASSAl'E   DE  MAI    lo4l] 


l'EI.I.IClEn   AI    nni    ". 

206  —  [  \'rntsc],  31  mai  1 54 1 .  —  «  Sire,  V.  M.  aura  peu  entendre 
par  les  dernières  (juG  luy  ay  escriples  le  wii»  de  ce  moys,  el  par  celles 
de  ïassin  <jue  luy  ay  envoyées,  comme  il  avoyt  mandé  unj;  homme 
expresséinenl  jusqucs  aux  liasses  Allemaif^nes,  pour  entendre  la  vérité 
«lu  lu-uicl  (pic  l'on  avoyt  faiit  de  la  levée  de  xii"'  lanstjuenetz  par 
l'empereur  cl  quel  cliemyn  on  leur  vouUoyt  faire  tenyr.  Depuys  ay 
reccu  lettres  «[uc  luy  a  escript  celluy  <iui  y  estoyt  allé;  laquelle,  pour 
éviter  prolixité,  vous  envoyé  en  son  propre  original  pour  plus  grant 
elficace.  Dont,  me  remettant  à  icelle  quant  à  ce  point,  ne  m'estenderay 
à  vous  en  dire  aullre,  mais  bien  comme  ledict  Tassin  m'escript  que 
pour  s'asseurer  encores  mieulx  de  tous  costez  de  cest  affaire,  avoyt 
mandé  ung  homme  vers  le  personnaige  qui  ordinairement  luy  faict 
entendre  nouvelles  d'AUemaigne,  duquel  vous  ay  envoyé  plusieurs  foiz 
lettres;  mais  ledict  messaiger  n'avoyt  trouvé  ledict  personnaige,  tant 
seullement  sa  femme,  qui  luy  avoyt  dict  que  l'empereur  avoyt  mandé 
son  mary  en  poste  aux  confins  de  Ilongrye,  et  qu'il  luy  avoyt  escript 
que  de  brief  seroyt  de  retour  à  son  chasteau.  Et  avoyt  icelle  femme 
faict  entendre  audict  Tassin  qu'il  y  avoyt  plus  de  deux  moys  qu'il 
n'estoyt  party  gens  de  guerre  portans  enseignes  à  dix  lieues  à  l'entour, 
fors  cinq  cens  hommes  de  pied  italliens  pour  mander  en  Hongrye  y  a 
bien  cinq  sepmaines,  qui  ne  sont  à  mon  adviz  aultres  que  ceulx  qui 
ont  esté  levez  à  Riviera  ^  desquelz  vous  ay  escript  par  madicte  der- 
nière dépesche.  J'ay  aussi  receu  deux  aultres  lettres  dudict  Tassin, 
lesquelles  pareillement  vous  envoyé  en  leurs  originaulx  avecques  le 
double  d'aultres  qu'il  a  recerues  d'ung  sien  amy  fort  affectionné  à  vostre 
service,  datées  des  xii  et  xvi"  de  ce  moys.  Je  n'ay  failly  adverlyr 
incontinent  Mme  la  contesse  de  la  Mirandola  des  ingéniers  et  cappi- 
laines  envoyez  là  par  le  marquiz  du  Ouast,  et  de  tout  ce  qui  est  contenu 
quant  à  ce  qui  touche  de  la  Myrandola  en  ladicte  lettre  du  xvi«;  si  elle 
m'advertist  ou  je  veoy  aultrement  estre  besoing  y  faire  quelque  pro- 
vision, je  n'y  fauldray  point. 

«  Sire,  je  receuz  hier  ung  pacquet  de  lettres  de  messire  Vincenzo 
Maggio,  ouquel  en  y  avoyt  deux  pour  le  seigneur  Rincon,  que  luy 
envoyé  présentement.  Il  ne  m'escript  chose  du  monde  digne  de  vous 
faire  sçavoir,  sinon  l'arrivée  à  Constantinople  de  vostre  galléasse  ^  et 

1.  ■<  Escript  cedict  jour  à  Sainct-Pol  et  au  sire  Laurens  Charles.  • 
i.  1^1  Uivière  de  Gènes.  —  Le  ducato  di  Genova  élait  formé  de  deux  parties  :  la 
riviera  di  levante,  et  la  riviera  di  ponanle,  appellations  données  au.x  deux  rives  ou 
côtés  du  golfe  de  Gênes,  l'une  à  l'est,  l'autre  à  l'ouest  de  Gênes. 

3.  Galéasse,  de  l'italien  galeazza,  nom  donné  à  une  galère  plus  grande  el  plus 
forte  que  la  galère  commune,  mais  de  construction  analogue  (V.  Jal,  Glossaire  nau- 
tique, p.  737). 


"^MAT    lo4l]  GUILLAUME    PELLICIER  309 

la  répulacion,  faveur  cl  crédict  eu  laquelle  le  (jranl  Seigueur  cl  lous 
ceulx  de  par  delà  la  tiennent,  me  remettant  à  une  auUre  qu'il  dict 
m'avoir  escripte  par  cy  davant,  par  voye  de  Corége,  marchant  en  Cons- 
tantinople  *,  laquelle  n'ay  encores  receue.  Toutesfoiz,  en  l'attendant, 
vous  diray  ce  que  j'ay  peu  entendre  de  ce  cousté  là,  par  lettres  que  cez 
Seigneurs  ont  eues  de  leur  ambassadeur  Badouare,  des  xxii,  xxv 
et  xxvin"  d'apvril,  c'est  que  l'armée  turcquesque  ne  sourtiroyl  pour 
ceste  foiz.  Laquelle  il  dict  estre  despartye  en  ceste  sorte  :  que  Sinan, 
dict  le  Judeo,  coursaire -,  avoyt  dix  gallères  et  une  sienne,  le  Corsetto^ 
a  une  gallère  et  troys  galléottes,  et  Sala  Raiz  une  gallère  et  six  gal- 
léottes;  et  auprcz  de  Gallipoli  se  retrouvoyent  quinze  gallères  en  ordre. 
Et  que,  estant  besoing,  le  Grant  Seigneur  dépescheroyt  Barberousse 
avecques  le  reste,  ayant  faict  muer  son  premier  lils*  de  Magnésia  où  il 
estoyt  premièrement  en  Amasia,  avecques  accroissement  de  cinquante 
mil  escuz,  oultre  cent  mil  qu'il  avoyt  auparavant;  le(]uel  estoyt  allé  du 
cousté  du  Sophi  avecques  troys  mil  janissaires.  Pareillement  ledict 
Grant  Seigneur  avoyt  faict  muer  son  second  filz  pour  aller  en  Boetia  ^, 
sans  aultre  accroissement  d'estat;  et  s'entend  que  delà  le  vouUoyt 
mander  es  partyes  de  Hongrye  avecques  le  filz  de  Barberousse  ^  et 
qu'il  avoyt  faict  marcher  tous  les  sanzacques  de  la  marine,  et  que  s'il 
estoyt  besoing  ledict  Grant  Seigneur  suyveroyt  en  personne.  Escripvant 
aussi  ledict  Badouare  n'avoir  peu  obtenyr  aulcune  chose  ne  de  mar- 
chandise ne  des  prisonniers,  et  que  en  toutes  choses  on  lui  mettoyt 
délaiz,  disant,  entre  aultres  choses,  pour  quelles  causes  ne  mandoyent 
le  baille  et  le  reste  des  deniers  montans  cinquante  mil  escuz,  se  con- 
douUant  icelluy  Grant  Seigneur  que  ceste  Seigneurve  ne  luy  escripvoyt 
plus  comme  elle  soulloyt  des  affaires  et  négoces  qui  passoyent  entre 
les  princes  chrestiens  :  chose  qui  n'eust  sceu  ne  pourroyt  avoir  plus 
agréable  que  cesle-là,  disant  qu'il  pençoyt  que  cez  Seigneurs  n'avoyent 

1.  Correggio,  négociant  italien  étal)li  à  Constantinople,  cl  ytciit-èlrr  |i,in>nt  île  ces 
seigneurs  de  Correggio  dans  le  Modénais  dont  on  rencontrera  pins  loin  ijuelque 
représentant. 

2.  Sinan  Djoufoud,  dit  il  Giucleo  ou  le  Juif,  israélile  renégat  devenu  corsaire,  et 
l'un  des  plus  intrépides  capitaines  de  Klieïr-ed-l)in  Barberousse.  11  se  distingua 
notamment  dans  la  défense  de  la  Goulctte  contre  Charles-Quint,  du  Iti  juin  au 
14  juillet  133."). 

3.  Le  ou  plutôt  II  Corsetto,  «  le  petit  corsaire  »,  autre  fameux  pirate  liarliaresijue. 

4.  Mustafa,  le  cinquième  fils  de  Sulcyman,  quittait  Magnésie  d'Anatolie,  le  gou- 
vernement le  plus  voisin  de  la  capitale,  pour  prendre  celui  d'Amasie,  plus  rapproché 
de  la  Perse  (V.  de  Hammer,  t.  V,  pp.  32S  et  385). 

5.  Bayezid,  le  si.xième  fils  de  Suleyman,  mais  le  second  né  de  la  sullanc  alors 
favorite,  déjà  mère  de  Mustafa  (V.  de  Hammer,  t.  Y,  p.  530,  note  xxxv).  —  La  lîéotie. 

6.  Hassan,  fils  unique  de  Kheir-ed-Din  Barberousse  et  d'une  mauresque  d'Alger; 
il  succéda  par  l'influence  de  son  père,  en  juin  1544,  à  llassan-Aga  comme  pacha 
d'Alger,  et  fut  nommé,  deux  ans  plus  tard,  beglierbey  d'Afrique,  en  remplacement 
de  Kheïr-ed-i)in.  Disgracié  en  septembre  1531,  il  fut  rétabli  en  juin  155",  devint 
capitan-pacha  en  1366,  et  mourut  en  1370,  à  l'âge  de  cinijuanle-trois  ans  (V.  H.-U. 
de  Crammont,  Ilist.  d'Alger,  pp.  41,  73  et  suiv.). 


310  AMIIASSADE    DE  [mAI    1541] 

le  cueur  franc  envers  liiy,  mais  (iii'ilz  esloyent  alleiidaos  comme  faict 
le  loup,  la  gueule  ouverte,  el  qu'il  luy  sembloyl  ung  maulvais  signe  de 
non  mander  le  baille.  Kscrij)vanl  aussi  que  tous  ceulx  de  delà  esloyent 
en  grande  jallousye  du  retardement  du  seigneur  Rineon  et  qu'ilz 
esloyent  moult  suspens,  ayant  iliet  toutesCoiz  les  bassat/.  audicl  ambas- 
satleur  (jue  le  (iranl  S(Mgneur  ne  voulloyt  en  façon  quelconque  que 
cesle  Seigneurie  sentrcmist  nullciiu-nl  k  donner  faveur  à  l'i-mporeur 
c(^»ntre  V.  M..mais«iiie  du  moins  elle  fust  neutre.  Sur  quoy  lodict  liadouare 
respondit  (jue  (juaud  lediol  Cîranl  Seigneur  luy  commanderoyl  le  faire 
entendre  à  eez  Seigneurs,  il  ne  pourroyt  faire  de  moings  que  d'ol)éyr  à 
ses  commandements,  el  de  escripre  le  tout  à  sadicte  Seigneurie,  laquelle 
ne  fauldroyl  de  faire  tous  les  plaisyrs  qu'il  seroyt  possible  audicl  Cirant 
Seigneur.  Par  lequel  dernier  poincl  V.  M.  pourra  estre  certaine  de  ce 
que  elle  voulloyt  sçavoir,  si  ledict  ambassadeur  liadouare  auroyt  escript 
à  cez  Seigneurs  la  déclaration  du  Grant  Seigneur  à  luy  inlliiniée  et 
dénoncée  :  ce  que,  comme  jay  peu  estre  acertainé,  n'avoytesté  faict  par 
luy  jusqucs  à  présent.  Laquelle  responce  cez  Seigneurs  n'ont  trouvé 
estrange  ne  maulvaise,  comme  ilz  ont  faicl  celle  sur  presque  mesmes 
propoz  que  le  magnificque  seigneur  Matheo  Dandolo  a  faicle  à  V.  M. 
ainsi  qu'il  escript  par  lettres  du  nu"  de  ce  moys,  disant  que  luy  ayant 
icelle  tenu  propoz  que  quand  elle  seroyt  certaine  que  cez  Seigneurs  ne 
fussent  pour  donner  secours  à  l'empereur,  que  ne  fauldriez  veuyr  tout 
incontinant  en  Ilallye.  A  quoy  vous  avoyt  faict  responce  qu'il  croyoit  que 
cez  Seigneurs  ne  pourroyent  faire  de  moins  que  de  observer  à  l'empereur 
tout  ce  à  quoy  ilz  luy  sont  obligez  pour  raison  de  la  lencion  de  la  duché 
de  Millau.  De  laquelle  responce  ont  esté  fort  desplaisans,  estans  gran- 
dement contre  l'intencion  de  tous  qui  est  de  ne  se  lenyr  obligez  ne 
vouUoyr  tenyr  aulcuns  pactes  et  conditions  de  donner  secours  audict 
empereur  pour  ledict  duché,  ne  leur  en  ayant  observez  ne  gardez  nul  de 
sa  part;  mesmement  pour  n'y  avoir  pourveu  d'ung  duc  particullier,  et 
pour  n'avoir  observé  les  aultres  cappituUacions.  Comme  est  de  n'avoir 
faicl  le  debvoir  de  son  cousté  au  joindre  et  combat  qui  fut  faicl  en  la 
Prevesa,  ne  de  la  restitucion  de  Castelnove  en  leur  main,  el  du  secours 
des  vivres  cez  années  passées  à  leur  très  grant  besoing.  Et  ay-je  entendu 
de  bonne  part  que  ilz  se  sont  assez  plairnjctz  que  ledict  seigneur 
ambassadeur  se  soyl  osé  ainsi  advancer  de  respondre,  el  s'esmerveil- 
lent  fort  qu'ilz  n'ayent  nouvelles  de  l'arrivée  du  seigneur  Allemani. 
Par  lequel  combien  qu'ilz  ne  doublent  point  que  desjà  luy  et  moy  ne 
vous  ayons  faict  entendre  la  substance  de  leur  responce  qu'ilz  luy  fei- 
renl,  qui  est  beaulcoup  aultre  que  celle  de  leurdict  ambassadeur,  ilz 
s'attendent  bien  que  V.  M.  aura  occasion  d'estre  mieulx  satisfaict.  El 
onl  esté  non  peu  aises  el  consoliez  des  bons  propres  que  V.  M.  a  tenuz 
à  leur  ambassadeur,  mesmement  qu'elle  s'ofTroyl  à  faire  tous  bons 
offices  en  ce  qu'il  vous  requerroyl  pour  la  Seigneurie  et  qu'ilz  vous  en 


[mai    1o41]  GUILLAUME   PELLICIER  311 

advertissent,  pour  ce  que  de  brief  estiez  pour  remander  en  Levant 
ledict  seigneur  Rincon;  et  aussi  de  ce  que  V.  M.  luy  avoyt  offert  que 
quant  il  n'auroyt  point  de  nouvelles,  qu'il  vint  devers  vous,  ou  man- 
dast  son  secrétaire,  car  luy  en  feriez  part  de  ce  que  en  auriez.  Et  pour 
retourner  au  propoz  de  ladicte  déclaracion,  comme  dict  est,  à  présent 
l'ayant  entendue  cez  Seip;neurs,  il  vous  plaira.  Sire,  m'advertyrs'il  sera 
bon  que  je  leur  eu  tienne  aulcuns  propoz,  et  en  quelle  substance,  et  à 
quelles  lins  je  le  doibve  faire,  et  ce,  ainsi  qu'il  me  semble,  seroyt  le 
meilleur  le  plus  tost,  cependant  qu'ilz  en  ont  la  mémoire  fresche.  Et 
qu'ilz  y  pourroyent  estrc  plus  dispostz,  pour  desjà  avant  que  d'estre 
advertiz  de  ladicte  déclaracion,  avoir  faictz  telz  discours  en  leur  pregay 
que  vous  en  ay  escript  par  mes  lettres  du  dernier  du  passé.  Vient  en 
oultre  ledict  Badouare,  par  sadicte  lettre,  à  répéter  et  confirmer  que  les 
bassatz  luy  avoyent  dict  que  après  qu'ilz  auroyent  mandé  leur  baille 
avecques  le  reste  des  deniers,  que  ledict  Grant  Seigneur  envoyeroyt 
vers  eulx  ung  ambassadeur  qui  ne  seroyt  aultre  à  son  adviz  que  Janus 
Bey.  Sur  quoy,  Sire,  il  vous  plaira  de  adviser  que,  ayant  la  commodité 
du  seigneur  Rincon,  lequel  pour  avoir  longuement  pratiqué  ledict  Janus 
Bey  et  sa  nation,  pourra  donner  meilleur  adviz  que  tout  aultre  du 
moyen  par  lequel  on  pourra  mieulx  entretenyr  ledict  Janus  Bey  ou 
aultre  venant  icy,  —  et  m'en  faire  advertyr  par  le  premier,  et  consé- 
quemment  m'y  faire  pourveoir  avant  que  ledict  seigneur  Rincon  s'en 
aille  par  mer  comme  l'on  faictbruict  icy  de  tous  coustez.  J'ay  receu  par 
vostre  commandement  mil  escuz  pour  cest  effect;  desquelz,  pour  estre 
la  chose  allée  en  longueur  et  quasi  comme  tenue  pour  délaissée,  en  ay 
employé  quelque  somme  pour  la  Myrandola  et  aultres  voz  affaires,  y 
ayant  esté  contrainct  pour  n'en  avoir  point  d'aultre.  Y.  M.  entend  trop 
mieulx  de  quelle  importance  est  de  l'aire  que  ledict  Janus  Bey  ou  aultre 
estant  icy  soyt  esmeu  et  incité  à  porter  parolle  pour  les  affaires  de  V.  M. 
de  plus  grant  affection  et  efficace,  et  combien  ceste  nation  là  est  incline 
et  subgecte  à  telz  entretiens.  Par  quoy  ne  en  diray  aultre  pour  ceste 
heure  à  V.  M.  de  ce  cousté  là,  sauf  que  par  ung  Bua,  calogero  \  venu 
puys  naguères  de  Corfou,  l'on  avoyt  entendu  que  en  Negroponte  ^  estoyent 
cent  cinquante  voylles,  soixante  gallères,  et  deux  cents  fustes  à 
Lépantho  ^  et  trente  à  Canomalia.  Toutesfoiz,  par  lettres  dudict  Corfou 
l'on  voulloyt  dire  du  contraire;  car,  encores  que  l'on  ayt  adviz  de 
divers  lieux  que  l'armée  turquesque  soyt  si  grande,  ce  néantmoings 
qu'ilz  ne  le  croyent  poinct  et  qu'ilz  pencent  que  ladicte  armée  sortira 
ceste  année  bien  petite. 

1.  Ce  Bua,  ca/or/ero  ou  caloyer,  êlait  sans  doulc  parent  du  comte  lUia.  aventurier 
albanais  que  nous  avons  rencontré  plus  haut.  —  Galoyor»,  moines  f-'recs  de  l'ordre 
4le  Saint-liasile. 

2.  Négrepont. 

3.  Léfiante. 


312  AMBASSADE   DE  MAI    ir»44j 

«  Sire,  cncoresque  V.  M.  itmina  avoir  esté  adverly  par  M.  de  Hliodez 
des  nouvelles  et  occiiranees  de  Home,  ce  néantnioings  n'ay  voullu 
délaisser  vous  en  ujunder  ce  (jue  ay  entendu  (juc  laniljassadeur  de 
cez  Seigneurs  leur  a  escripl  i)ar  lettres  du  \vr"  de  ce  moys,  pour  y 
avoir  choses  (jue  lacillenicnt  nu  ne  pourroyt  avoir  entendues  sinon 
pour  occasion  de  cez  Seigneurs,  ("est  (|ue  le  Pape  n'ayant  encore 
lors  voullu  «tonner  audiancc  au  secrétaire  Martirano,  mandé  vers 
luy  du  vice-roy  de  Naples,  par  commission  de  1  empereur,  pour  luy 
prolester  des  choses  du  seigneur  Ascanio  Coulonue  ',  laignant  de 
se  purger,  Sa  Sainctelé  avoyt  dicl  audict  ambassadeur  :  «  Nous 
n'avons  pas  voullu  escoutter  aultrement  ce  secrétaire,  mais  ce  que 
nous  luy  «lirons  sera  que  nous  voulions  tout  Testai  dudict  seigneur 
Ascanio,  et  non  seullemcnt  cestuy-cy,  ains  tout  ce  qui  est  tenu  de 
l'Esglise  ».  Ht  que  Sa  Saincteté  avoyt  dix  mil  hommes  de  pied,  et  assez 
bon  nombre  de  cheval  :  ce  néanlinoings  qu'il  ne  laissoyt  de  accroistre 
lousjours  son  camp,  et  qu'il  voulloyl  mander  ung  personnaige  à  cez 
Seigneurs  pour  mettre  avant  nouveaulx  Iraictez.  Et  par  aultres  lettres 
de  Rome  du  xxii"  s'entend  comme  Sadicte  Saincteté  attendoyt  le  caval- 
lier  Maldonnato,  mandé  vers  l'empereur  pour  les  choses  du  seigneur 
Ascanio  Coulonne,  et  qu'elle  disoyt  voulloir  respondre  ce  que  dessus 
avoyt  dict  :  qu'il  voulloyt  avoir  tout  lestât  dudict  seigneur  Ascanio 
appartenant  à  l'Esglise,  cl  qu'il  n'avoyl  point  paour  des  braveryes  de 
remi)ercur,  faisant  Sa  Sainctelé  le  plus  de  gens  qu'il  povoyf.  Et  qu'il 
avoyt  mandé  ung  sien  cappilaine  pour  lever  ung  bon  nombre  de 
Suysses,  qui  luy  avoyent  respondu  voulloyr  sçavoir  la  cause  pour 
laquelle  Sa  Saincteté  les  voulloyt,  car  aultrement  ne  voulloyent  venyr 
à  son  service.  El  oultre  que  Sadicte  Saincteté  demande  à  cez  Seigneurs- 
rames  pour  ses  gallères;  dont  en  tesmoing  de  ce,  le  xxviii^de  ce  moys, 
son  ambassadeur  fut  vers  eulx  en  colliége,  pour  leur  faire  telle 
requeste.  El  encores  par  aultres  lettres  dudict  jour  s'entend  que  le 
personnaige  qu'il  veull  mander  icy  est  M.  l'évesque  de  Lodes,  auquel 
a  donné  le  palriarchal  d'Allexandrye,  Tévesché  de  Terracina  et  aultres- 
biens  en  l'Esglise,  et  pencé-je  bien  sçavoir  qu'il  ne  tiendra  que  à  luy 
qu'il  ne  demeure  icy  légal  ordinaire.  Je  croy  que  Y.  M.  sçayt  très  bien 
combien  il  a  lousjours  esté  afTeclionné  à  vostre  service,  et  de  moy 
depuys  que  l'ay  cogneu,  je  vous  puys  bien  asseurer  que  luy  estant  icy 
et  depuys  qu'il  est  allé  à  Homme,  me  suys  aultanl  vallu  de  luy  et  m'a 
donné  d'aussi  bons  et  certains  adviz  que  nul  aullre  de  deçà.  S'il  est 
ainsy  qu'il  soyl  icy  résidant,  il  aura  moyen  de  vous  faire  encores  meil- 
leur service,  comme  V.  M.  peull  très  bien  entendre  :  dont  ne  luy  en 
diray  aullre. 

«  Sire,  par  lettres  de  "Vienne  du  rn'^  de  ce  moys  l'on  entend  que  tous. 

l.  Colonna. 


[mai    1541]  GUILLAUME   PELLICIER  313 

les  affaires  pour  lors  passoyent  bien,  nommément  quant  à  ceulx  de 
Hongrye,  et  que  le  Grant  Seigneur  avoyt  bien  des  affaires  du  cousté 
du  Sophi;  espérant  le  roy  Ferdinando  de  brief  avoir  Bude.  Laquelle 
il  auroyt  desjà,  ne  fust  que  frère  Georges  l'a  abusé  cl  déceu;  faisant 
grant  cas  d'avoir  trouvé  deux  mil  deux  cens  ballottes  '  en  Pest  de  la 
balterye  que  les  Turcs  y  avoyent  faicte,  qui  s'accommodoyent  aussi 
bien  à  leur  artillerye  que  s'ilz  y  eussent  esté  faictes  expressément,  qui 
pourroyent  beaulcoup  servyr  à  battre  Bude.  Et  par  lettres  de  Ratis- 
bonne  dudict  jour  s'entend  que  quelques  gentilshommes  de  la  court 
de  l'empereur  l'avoyent  pryé  leur  donner  congé  pour  aller  servyr  le 
roy  Ferdinando  à  l'cntreprinse  de  Hongrye,  et  qu'il  leur  avoyt  acordé; 
dont,  aprez  avoir  prins  la  bénédiction  du  légat,  s'estoyent  partiz  bien 
en  ordre,  et  se  debvoyent  trouver  le  xmr  de  ce  moys  avecques  ledict 
roy  Ferdinando,  comme  Y.  M.  pourra  avoir  entendu  plus  amplement 
par  son  ambassadeur  qui  est  là.  Qui  me  gardera  vous  en  faire  plus 
long  propoz  ;  mais  bien  comme  par  aultres  lettres  de  ladicte  court  de 
l'empereur,  du  xvi'-  de  ce  moys,  cez  Seigneurs  ont  esté  advertiz  que 
le  chevallier  Maldonato  estoyt  arrivé  devers  l'empereur.  Auquel  avoyt 
faict  entendre  que  le  pape  en  tout  événement  voulloyt  avoir  tous  les 
estatz  du  seigneur  Ascanio  Coulonne;  ce  qu'il  auroyt  certainement, 
luy  ayant  dict  Sa  Saincteté  qu'il  entendoyt  aussi  comprendre  soubz 
iceulx  tout  ce  que  tenoyt  ledict  seigneur  Ascanio  au  royaulme  de  Naples  r 
estimant  que  ledict  empereur  ne  l'auroyt  à  mal,  sçaichant  très  bien 
que  ledict  royaulme  est  feudataire  de  l'Esglise.  Et  puys  aprez  Sadicte- 
Saincteté  voulloyt  aussi  avoir  Sénégaye  *,  que  tient  le  duc  d'Urbin;  et 
qu'il  n'avoyt  point  prins  les  armes  que  en  intencion  de  faire  quelque- 
chose  de  quoy  ledict  empereur  se  rescentoyt  grandement,  et  pareille- 
ment les  protestans,  ayant  dict  icelluy  empereur  que  Sa  Saincteté  s'en 
apercepvroyt  à  la  conclusion  de  l'article  de  pofestale  Bcclesie:  et  que- 
M.  le  légat  ^  estoyt  en  grant  crédict,  ayant  ^ourveu  et  conféré  plusieurs 
bénefflces  gratis  sans  prendre  ung  denier.  Et  dict  ledict  ambassadeur, 
qui  est  des  Contarins  ^  ({ue  selon  son  oppinion  à  l'aventure  feroyent-ilz 
pape  ledict  légat  Contarin,  et  destitueroyt  et  déposeroyt  le  pape  qui  est 
à  présent,  et  mettroyent  le  temporel  es  mains  de  l'empereur.  Auquel 
empereur  avoyt  grandement  despieu  l'arrivée  du  duc  de  Clèves  en 
France,  mais  trop  plus  le  pressoyt  l'allyance  et  parenté  qu'il  y  faisoyt. 
Et  quant  à  ce  point,  Sire,  que  ledict  ambassadeur  dict  l'empereur 
avoir  usé  de  telz  propoz  que  Sa  Saincteté  s'en  apercepvroyt  à  la  con- 
clusion de  l'article  de  potestafe  Ecclesie,  je  ne  sçay  si  c'est  pour  ceste 
cause  ou  aultre,  mais  je  suys  très  bien  adverty  par  M.  de  Lodes  que. 

1.  Boulels. 

2.  Sinigaplia. 

3.  Le  cardinal  Gasparo  Contarini. 
i.  Francesco  Contarini. 


314  AMItASSADE   DE  [mai    1541] 

Sa  Sainctc'tc  esloyl  très  mal  contenle  dudicl  empereur  et  ne  se  fyoyt 
rien  du  monde  en  luy;  et  (ju'il  avoyt  usé  de  grans  parollcs  parlant  à 
luy  d'icelluy  empereur,  ce  qui'  monseigneur  le  cardinal  (îrimain  ', 
estant  arrivé  icy,  (jue  jay  esté  veoir,  m'a  très  bien  conlirmé  en  avoir 
certainemcnl  seeu  auUanl. 

«  Sire,  par  lettres  de  Vienne  du  .wiii"  de  ce  moys  s'entend  que  le  iiP 
d'icelluy  le  camp  du  roy  des  Romains  se  présenta  soub/,  Bude,  lequel 
n'est  tant  de  cheval  que  de  i)ied  en  plus  grant  nombre  que  de  xiiii" 
hommes,  et  que  depuys  le'xiii'  avoyenl  commencé  à  faire  la  batterye; 
et  aussi  que  frère  George  avoyt  demandé  parler  au  capj)ilaine  général 
dudiet  camp  *,  ce  qu'il  feisl.  Auquel  dist  qui!  luy  convenoyt  pour  son 
debvoir  et  observance  qu'il  portoyt  à  la  royne  et  à  son  enfant,  pour 
l'amour  du  feu  roy  Jehan,  faire  ee  (ju'il  faisoyl;  et  que  quant  le  roy 
Ferdinando  vouidroyl  rendre  et  observer  les  capitulations  que  jà 
avoyent  faietes  avecques  ledict  feu  roy  Jehan,  en  luy  donnant  certains 
chasleaulx,  —  et  demandoyt  aussi  qu'il  fust  faict  une  diette  en  laquelle 
entrevinsent  les  nobles  du  pays,  —  qu'il  estoyt  contant  de  tout  ce 
qu'il  sv  déterminerovt,  et  donner  Bude  entre  les  mains  dudiet  rov 
Ferdinando.  A  quoy  ledict  cappitaine  a  respondu  qu'il  n'cstoyt  temps 
de  faire  diette,  et  quant  à  rendre  les  chasteaulx,  quilz  nestoyent  en 
la  puyssance  dudicl  roy  Ferdinando;  mais  bien  rendroyt  aultant  vail- 
lant à  l'équipolant,  jusques  ad  ce  que  lesdictz  chasteaulx  fussent 
recouvertz.  VA  ainsi  tout  le  parlement  est  allé  en  fumée.  Frère  George 
licentia  l'ambassadeur  du  roy  de  Poullongne,  pour  luy  faire  entendre 
en  quel/,  ternies  se  retrouvoyt  Bude;  et  avoyt  icelluy  frère  George 
refîéré  au  peuple  de  là  qu'il  voulloit  vivre  et  mourir  avecques  eulx. 
Ceulx  de  dehors  ont  faict  grande  batterye  et  espèrent  d'avoir  victoyre, 
pour  aultant  qu'il/,  sont  bien  fourniz  d'artillerye  et  municions;  et 
Dullre  ce,  ledict  exercite  a  beaulcoup  de  vaisseaulx  sur  le  Danubio,  de 
sorte  que,  comme  ilz  disent,  ne  peulvent  avoir  sinon  victoyre.  J'espère 
avoir  doresnavant  plus  certaines  nouvelles  de  ce  cousté-là,  puysque 
M.  lévesque  de  Transylvania  y  est  arrivé,  comme  il  m'a  escript  par 
deux  petites  lettres,  l'une  de  Belgrade,  du  x'"  apvril,  et  l'aultre  à 
Bechkerek  ^  du  xvr-  dudiet  moys,  qui  est  un  lieu,  comme  il  dict,  où  il 
a  povoir  et  commandement,  ce  néanmoings  distant  de  son  évesché 
six  journées;  ne  mescripvant  aultre  chose,  sinon  que  les  affaires  de 
Hongrye  estoyent  en  tel  estât  qu'il  n'en  espéroyt  que  bien,  combien 
qu'elle  ne  soyent  point  sans  diClicullé,  et  que  soubdain  qu'il  seroyt 
arrivé  en  sadicte  évesché  ne  faudroyt  ne  dilléreroyt  à  m'envoyer  ung 


1.  Le  cardinal  Marino  Griniani. 

2.  Guillaume,  comte  tic  l{u!.'),'cn(lorf. 

3.  Beszterczeou  Bistrilz,  sur  la  rivière  de  ce  nom,  ville  de  Transylvanie,  autrefois 
très  florissante  et  grand  entrepôt  de  commerce  avec  la  Pologne. 


[mai    1o41]  GUILLAUME   PELLICIER  315 

de   ses  propres  serviteurs  par  lequel  nradverliroyl  de  tout  ce  que 
auroyt  succédé  es  choses  de  delà.  » 

Vol.  2,  fo  109  Y",  copie  du  wi^  siècle;  G  pj).  1/2  in-f". 


PELLICIER   A    M.    I)  ANNEIÎMIT. 

207.  —  [Venise],  3  t  mai  i 54 i .  —  «  Monseigneur,  je  vous  ay  escript 
par  ma  dernière  du  xvii"  de  ce  moys  la  responce  que  Tassin  m'avoyt 
faicte  touchant  les  xii™  lansquenetz  dont  m'avez  escript  estrc  bruict 
l'empereur  voulloir  lever,  et  comme  il  avoyt  mandé  ung  hom.me  jus- 
ques  aux  Basses  Allemaignes  pour  en  sçavoir  la  vérité;  à  présent  vous 
diray  que  par  lettres  que  ay  depuys  receues  de  luy,  m'a  confirmé  n'en 
estre  rien,  comme  pourrez  veoir  par  la  lettre  que  luy  a  escripte  celluy 
qu'il  y  avoyt  envoyé,  laquelle  je  envoyé  présentement  au  roy.  Bien 
m'advertist  ledict  Tassin  avoir  entendu  que  les  Terres  franches  ofîroyent 
payer  à  l'empereur  vingt  mil  hommes  pour  aller  en  Hongrye,  et  qu'il 
trouveroyt  bon  que  je  envoyasse  homme  exprez  jusques  là,  pour  en 
sçavoir  la  vérité.  Toutefoiz,  Monseigneur,  je  luy  ay  mandé  qu'il  me 
sembloyt  n'y  avoir  lieu  de  y  envoyer  expressément  pour  cest  efîect, 
pour  aultant  que  si  ainsi  estoyt,  il  auroyt  esté  accordé  par  les  gens 
desdictes  Terres  franches  à  ceste  diette.  Qui  ne  povoyt  avoir  esté  faict 
sans  que  MM.  de  Vueilly  et  advocat  Rémond  ',  qui  sont  prez  l'empe- 
reur, ne  l'eussent  sceu;  et  dadvantaige  M.  de  Boys-Rigaull,  qui  est  là 
sur  ses  confins,  en  auroyt  peu  entendre  ce  qui  en  auroyt  esté  sin- 
dicqué  et  accordé  par  Icsdictes  Terres  en  leurs  conseilz  :  lesquelz  ne 
auroyent  failly  d'en  advertyr  S.  M.  Et  oultre,  veu  que  cez  Seigneurs 
n'en  avoyent  rien,  et  que  les  Impériaulx  ne  s'en  vantent  point,  —  ce 
qu'ilz  n'eussent  failly,  —  l'on  n'y  debvoyt  pas  adjousler  grant  foy;  car 
le  bruict  en  eust  esté  incontinant  semé  partout,  n'estant  pas  comme 
si  c'estoyt  quelque  commission  dicernée  à  aulcun  cappitaine  particulier 
pour  lever  gens,  que  se  dépeschent  souvantes  foiz  secrettement,  ce 
néantmoings  l'ay  pryé,  s'il  entend  aulcune  chose,  sans  y  envoyer 
homme  exprez,  de  me  le  faire  sçavoir.  Cez  Seigneurs  ont  bien  eu 
lettres  de  leur  podestat  de  Bassan  ^,  par  lesquelles  ont  entendu  que  à 
Trente  se  faisoyent  vingt  mil  hommes  de  pied  pour  mander  en  la  duché 
de  Millau;  mais,  comme  l'on  peult  veoir  par  ce  que  dessus,  il  n'en 
est  rien. 

«  Monseigneur,  ayant  entendu  par  quelques  ungs  que  S.  M.  voulloyt 
entièrement  estre  advertye  de  toutes  nouvelles  et  occurrances,  ay  esté 
contrainct  pour  luy  faire  sçavoir  tout  ce  que  j'en  avoys  à  présent,  faire 

1.  Claude  Dodieu,  seigneur  de  Yelly,  et  Pierre  Raymond,  avocat  au  Parlement, 
ambassadeurs  auprès  de  l'empereur. 

2.  Bassano. 


316  AMItASSADE   DE  !mai    1541] 

iiiîi  lettre  trop  plus  longue  (jue  de  coustunie,  comme  pourrez  veoir. 
Dont  me  senihleroyt  chose  superilue  vous  en  faire  aulcune  repétilit)n; 
mais  bien  vous  diray  tlavaiitaif,'(î  que  cez  Seigneurs  ont  esté  adverliz 
que  à  présent  les  alTaires  de  S.  M.  passoyenl  tant  secrettement  «]u'il 
n'esloyt  possible  d'en  povoir  S(,avoir  aulcune  chose.  Kt  ce  leur  a  dict 
leur  ambassadeur  (|ui  est  ii  la  court,  j)Our  s'excuser  s'il  ne  leur  peult 
donner  adviz  di-s  choses  de  delà,  <jili,  comme  il  escript,  se  laisoyent 
plusieurs  discours  (jue  ce  seroyl  le  meilleur  de  donner  madame  Mar- 
gueritte  '  à  monseigneur  le  duc  de  Clèves,  et  à  monseigneur  d'Orléans 
madame  la  princesse  de  Navarre  *.  Les  semblables  sont  venu/,  de 
Rome,  et  que  M.  le  daulphin  et  madame  la  daulphine^  venoyent  en 
Piémont  pour  veoir  les  foiteresses,  et  que  de  l'armée  du  roy  se  met- 
loyenl  quelques  gallères  en  ordre,  desquelles  en  avoyt  esté  ordonné 
une  pour  conduyre  le  seigneur  RIncon  en  Levant. 

«  Monseigneur,  par  lettres  que  le  secrétaire  Fidel  a  escript  à  cez 
Seigneurs  le  xxii''  de  ce  moys  s'entend  que  l'empereur  avoyt  mandé 
du  roy  Ferdinando  quarante  mil  escuz,  et  que  ledict  empereur  avoyt 
déterminé  aller  en  Espaigne  ou  en  Ilongrye  pour  donner  plus  de  faveur 
à  son  frère;  et  que  les  choses  des  proteslans  passoyent  mal,  estant 
pertinaces  en  troys  articles  de  non  peu  d'importance,  comme  j'estime 
pourrez  avoir  entendu.  Qui  me  gardera  vous  en  faire  aultre  propoz, 
mais  bien  comme  ledict  Fidel  escript  davanlaige  que  l'empereur  avoyt 
mandé  sçavoir  du  marquis  du  Guast  s'il  vouldroyt  faire  l'emprinse  de 
Hongrye.  Lequel  en  estoyt  en  bonne  voullenté,  ne  désirant  aultre, 
comme  il  escript,  que  d'aller  contre  les  infidelles;  mais  qu'il  avoyt 
supplyé  l'empereur  que  son  plaisyr  fust  de  luy  concéder  la  grâce  de 
povoir  laisser  en  sa  place  pour  lieutenant  qui  bon  luy  sembleroyt. 
Toutesfoiz  je  suys  adverty  de  bon  lieu  que  ce  mandement  faict  par 
l'empereur  n'est  pas  pour  voullenté  qu'il  ayl  de  luy  donner  charge  en 
ceste  guerre  de  Hongrye,  mais  par  ce  moyen  le  tirer  tout  bellenuînt 
hors  du  gouvernement  de  Millau,  pour  ce  qu'il  y  veult  mettre  tous  ses 
gens  espaignolz  et  mesmement  en  la  principalle  charge.  Laquelle  chose 
ledict  marquiz  prévoyant  n'en  est  guères  contant;  à  quoy  pourroyt 
tendre  la  responce  qu'il  faict  et  demande,  par  laquelle  il  prye  l'em- 
pereur de  ce  que  dessus,  de  luy  concéder  d'y  mettre  lieutenant  tel 
qu'il  vouidra  ..  » 

Vol.  2,  f"  173,  copie  du  xvi'=  siècle;  2  pp.  in-f". 

1.  Marpiierite  de  France,  fille  de  François  I"  cl  rie  Claufle  de  France,  née  à  Saint- 
Gerniain-cn-l.ayo  le  ^i  juin  l.ïi.'î,  morle  à  Turin  le  14  septembre  1574.  Elle  épousa 
en  l.ïo9  le  duc  IMiilibcrt-Emmanuel  de  Savoie. 

2.  Jeanne  d'Albret. 

'■).  Henri,  (]ui  n''j.'na  sous  le  nom  de  Henri  II.  et  Cnllierine  de  Médieis,  fille  unique 
el  héritière  de  Laurent  de  Médicis,  due  dUrbin,  et  de  Madeleine  de  la  Tour.  Cathe- 
rine, née  à  Florence  le  13  avril  lol9,  morte  à  Blois  le  5  janvier  1589,  avait  épousé 
Henri,  alors  duc  d'Orléans,  le  27  octobre  1533. 


[mai    1o41]  GUILLAUME   PELLICIER  31' 


PELLICIER  A  CESARE  FREGOSO. 

208.  —  [Veyiise],  31  mai  154i.  —  «  Monseigneur...,  sur  le  poinct 
de  la  déclaracion  faicto  par  le  Grant  Seigneur  à  l'ambassadeur  de  cez 
Seigneurs  pour  leur  faire  entendre,  j'ay  esté  adverty  par  ung  homme 
digne  de  foy  et  ancien  serviteur  du  roy  avoir  ouy  dire  au  filz  de  celluy 
personnaige  qui  peult  plus  sçavoir  en  cest  affaire  que  tout  aultre,  — 
lequel  bien  entendez,  —  que  le  Grant  Seigneur,  aprez  avoir  parlé  à  ung 
des  bassatz  des  affaires  de  cez  Seigneurs,  s'estanl  i)arty  dudict  Grant 
Seigneur,  il  le  rappela  et  luy  dist  par  la  fenestre  qu'il  advisast  de  bien 
faire  entendre  audict  ambassadeur  que  sa  voullenté  estoyt  que  ceste 
Seigneurie  s'accordast  avecques  le  roy;  car  aultrement  il  ne  failloyt 
qu'ilz  s'attendissent  d'avoir  rien  de  luy  que  cela  ne  fust  faict,  et  que 
il  luy  dist  de  par  luy  qu'il  ne  faillist  de  l'escripre  bien  expressément  à 
cesdictz  Seigneurs.  Dict  en  oultrc  ledict  filz  que  pour  tout  certain  ledict 
Grant  Seigneur  doibt  mander  de  brief  icy  ung  ambassadeur,  lequel 
doibt  estre  des  plus  favoriz  et  grands  qu'il  ayt  auprez  de  luy.  Sur  quoi 
Monseigneur,  vous  supplicray  voulloir  avecques    le  seigneur   Rincon 
adviser  de  l'ordre  et  provision  qui  sera  nécessaire  à  povoir  entretenyr 
et  gaigner  ledict  personnaige,  car  sçavez  de  combien  de  moment  et 
importance  ce  pourra  estre  pour  luy  faire  porter  parolles  de  trop  plus 
grant  efficace  à  cez  Seigneurs.  A  quoy  sçavez  combien  peulvenl  mon- 
noyer  telz  gens  les  grans  présens.  Je  en  ay  escript  au  roy  bien  ample- 
ment, de  sorte  que  je  pence  que  avecques  voz  remonstrances  et  bon 
crédict,  n'y  aura  grand  difficullé  que  l'on  n'en  ayt  bonne  issue.  Vous 
sçavez  la  provision  des  mil  escuz  qui  y  avoyt  esté  donnée,  laquelle  l'on 
m'avoyt  faict  deslivrer;  mais  pour  n'estre  venu  par  temps  la  cause  pour 
laquelle  debvoyt  estre  employé,  et  cependant  m'estant  survenu  affaires 
tant  à  la  Myrandola  que  ailleurs  et  mesmement  pour  continuer  quelque 
entretien  aux  serviteurs  du  roy,  ay  presque  employé  tout  ledict  argent. 
Par  quoy  sera  besoing  y  pourveoir  tout  de  nouveau  le  plus  tost,  et  ce 
avant  que  le  seigneur  Rincon  et  vous  partiez  de  la  court.  Et  ensemble. 
Monseigneur,  vous  supplye  faire  donner  ordre  pour  l'entretien  desdictz 
serviteurs  du  roy,    et  aussi   me  pourveoir    de  sorte   que  je  puisse 
fournyr  aux  extraordinaires  qui  sont  si  certains  et  accoustumez  qu'ilz 
se  peulvent  quasi  bien  dire  ordinaires.  Je  ne  désire  aultre  que  d'avoir 
le  moyen  de  pouvoir  faire  les  affaires  du  roy;  car  de  moyje  m'en 
remetz  à  Dieu,  aprez  lequel  ay  ma  parfaicte  confiance  du  tout  en  vous, 
vous  mercyant  très  humblement  des  bons  offices  que  jusques  icy  avez 
faictspourmoy;  vous  assseurant  que  toute  ma  vye  vous  en  seray  obligé 
comme  filz,  et  tout  ce  que  j'ay  et  auray  jamais  en  pourrez  disposer 
comme  du  vostre  propre  ;  vous  supplyant  aussi  me  faire  advertyr  sur 
l'aullre  poinctz  que  j'escriptz  au  roy  de  la  déclaracion,  s'il  luy  plaira 


318  AMBASSADE   DE  [mai    l!i4l] 

que  je  en  tienne  propo/.  à  ce/.  Seigneurs  et  en  quelle  substance,  et  à 
quelles  fins.  Et  cependaul  que  les  choses  sont  fiaisches,  il  me  sem- 
bleroyl  estrc  le  meilleur  le  plus  lost,  comme  sçavez  très  bien.  Je  suys 
asseuré  que  on  trouvera  les  choses  plus  disposles  qu'il/  ne  furent 
pié(,a,  et  croy  certainement  que  du  moings  cela  ne  nuyroyt  rien.  Je 
sçay  combii'U  vous  ave/,  les  allaires  du  roy  en  singullière  recomman- 
dation, lucsuu'inent  cimiIx  «jui  passent  entre  S.  .M.  et  cez  Seigneurs,  qui 
me  gardera  de  vous  en  faire  plus  grant  pryère  et  instance...  » 

Vol.  'J,  f"  17 f,  copie  (lu  .wi"  siècle;  1  p.  l/iJ  in-f. 

l'ELLlCIEH    .\   lU.NCuN. 

209.  —  [Ff»/A-e],  3J  mai  /.)•//.  —  Pellicier  transmet  à  Ilincou  un 
paquet  et  une  lettre  envoyés  par  Vincenzo  Maggio;  «  ce  dernier  », 
poursuit-il,  «  ne  m'escripvanl  chose  du  monde,  sinon  de  l'arrivée  de  la 
galléasse  en  Constanlinople,  me  remettant  à  une  aultre  lettre  qu'il  dict 
m'avoir  mandée  par  la  voye  de  Corèse  '.  Toutesfoiz  je  ne  l'ay  point 
encores  receue,  et  l'attendant  vous  diray  comme  par  lettres  du  claris- 
sime  Badouare  du  xxviii''  apvril,  cez  Seigneurs  ont  esté  advertiz  que 
l'armée  turquesque  ne  sortiroyt  pour  le  présent...  » 

Suit  la  répartition  des  forces  navales  des  Turcs  indiquée  dans  la 
lettre  au  roi  datée  de  ce  même  jour.  Badoare  lui  écrit  aussi  que  «  ceulx 
qui  avoyent  intérestz  en  la  nave  qui  fut  taillée  en  pièces  en  l'isle  de 
Cippre-  esloyenl  allez  à  la  Porto  demander  leur  intérestz,  et  avoyent 
présenté  requesle  au  Grant  Seigneur  qui  l'avoyt  acceptée,  et  deman- 
doyent  huict  mil  escuz.  Le  baille  Justiuian^  avoyt  voullu  aller  baiser 
la  main  audict  Grant  Seigneur,  et  prendre  congé  :  chose  qu'il  ne  luy  a 
voullu  concéder  ne  vestyr,  disant  qu'il  estoyt  son  esclave,  le  tenant 
pour  espaignol.  » 

Pellicier  donne  ensuite  à  Rincon  le  détail  des  négociations  entre  la 
Porte  et  la  république  de  Venise,  dans  les  termes  de  sa  lettre  au  roi. 
«  ...Et  pour  ne  rien  obmettre  à  vous  dire  de  ce  cousté  là,  encores  que  ce 
soyent  choses  bien  loing  de  vérité,  je  ne  lairay  à  vous  escripre  que  l'on 
a  entendu  par  aulcuns  Ragusoys  que  le  Turcq  estoyt  accordé  avecques 
le  roy  Ferdinando,  et  que  ung  homme  qu'il  avoyt  mandé  vers  le  Grant 
Seigneur,  par  le  moyen  de  Périmpeter,  s'en  retournoyt  par  les  postes 
avecques  ung  aultre  que  icelluy  Grant  Seigneur  mandoyt  vers  ledict 
roy,  et  que  le  Sophi  avoyt  taillé  en  pièces  ses  ennemys  qui  s'enten- 
doyent  avecques  ledict  Grant  Seigneur,  et  qu'il  faisoyt  fort  gros  exer- 
cite,  de  sorte  que  ledict  Grant  Seigneur  auroyt  fort  affaire  de  ce  cousté 

1.  Correggio.  —  Voir  p.  309. 

2.  Chypre. 

3.  Le  baile  Giustiniani,  qui  parait  avoir  fait  l'intérim  entre  Canale  et  Zane. 


[juin    lb4l]  GUILLAUME    PELLICIER  319 

là.  Le  xxYi^  de  ce  moys  fut  prins  la  part  au  pregay  que  la  nave  des 
Ragusoys  qui  avoyt  esté  prinse  par  le  cappitaine  du  goulCe  seroyt  res- 
tituée avecques  toutes  les  marchandises  qui  estoyent  dedans,  et  ont 
déterminé  faire  rendre  touttes  les  robbes  aux  Turcqs  qui  se  retrou- 
voyent  dedans,  en  Candye  ou  en  aultre  lieu.  Et  ont  cez  Seigneurs 
dépesclié  lettres  en  Constantinople  sur  cestc  matière  de  vouUoir  resti- 
tuer toutes  les  robbes  et  marchandises  aux  Turcqs,  à  condition  que 
ceulx  de  delà  facent  le  semblable;  et  de  se  condolloir  des  corsaires  de 
mer  pour  ce  qu'ilz  on  faict  tout  plain  do  pillaiges  icy,  et  nommément 
d'une  nef  du  seigneur  Mapheo  Bernardo.  Laquelle  chose  a  esmeu 
jusque  là  le  général  de  cez  Seigneurs  qui  alloyt  avecques  son  armée 
ordinaire  qu'il  a  en  Candye,  que,  en  ayant  trouvé  quatre,  leur  a  donné 
l'estroitte,  et  mise  àfonsune  et  prins  une  aultre.  Desquelles  a  taillez  à 
pièce  une  partye  jusques  ad  ce  qu'ilz  luy  ont  monstre  lettres  du 
Grant  Seigneur  :  qui  l'a  faict  superceder  du  reste,  et  les  a  conduictz 
en  Candye.  Les  aultres  deulx  sont  eschappées  fort  mal  menées  de 
luv...  » 


Vol.  2,  i°  174  v%  copie  du  xvr-  siècle;  1  p.  3/4  in-f». 


PELLICIER  A   M.  DE  LANGEY  '. 

210-  —  [Venise]^  SI  mai  J 541 .  —  «Monsieur,  je  croys  que  aurez 
entendu  la  responce  que  Tassin  vous  aura  faicte,  touchant  ce  que 
demandiez  sçavoir  du  conte  Lodron,  ainsi  qu'il  m'a  escript  vous  avoir 
faict  sçavoir...  » 

Pellicier  entretient  ensuite  Langey  des  levées  de  troupes  et  des  agis- 
sements de  l'empereur,  dans  les  termes  de  la  lettre  à  M.  d'Annebault, 
datée  du  même  jour.  Il  lui  communique  enfin  les  nouvelles  reçues  du 
Levant  par  l'entremise  de  Vincenzo  Maggio,  nouvelles  contenues  éga- 
lement dans  les  dépêches  précédentes. 

Vol.  2,  f'^  175  yo,  copie  du  xvi^  siècle;  2  pp.  in-f". 


PELLICIER  A   M.    DE   CISSAMO   ^. 

211.  —  Venise,  J  /  juin  1541.  —  «  Molto  Reverendo  Monsignor, 
penso  che  per  la  lettera  del  nostro  carissimo  padre  fra  Valeriano  ^, 
V.  S.  potrà  molto  ben  intendere  tutto  il  successo  délie  cose  nostre; 

1.  «  Esci-ipt  cedict  jour  à  M.  Rabellays.  —  Escript  le  nu"  juin  à  MM.  de  Rhodez, 
de  Lodes,  et  de  Chisamo  à  Rome.  » 

2.  .  Escript  cedict  jour  à  M.  de  Rodez,  dont  n'en  fut  faict  mynute.  » 

.1.  Frère  Valeriano,  chanoine  régulier  de  l'ordre  de  Saint-Augustin,  employé  comme 
copiste  par  Pellicier,  dans  la  bibliothèque  du  couvent  de  San-Antonio  à  Venise. 


320  AMBASSADE   DE  [jL'IN    154l] 

perù  non  roslarô  de  dirle,  che  ad  otlener  più  presto,  et  per  piû  espe- 
dita  via  quanlo  desidiTiaino,  liahhiam  preso  per  espodiente  di  scriver 
air  Illuslrissinio  ot  Ueviroiidissimo  Cesarino,  proteltor  di  quelTOr- 
dine  ',  che  scriva  sopro  cio  al  gênerai  loro,  et  facciasi  che  possiamo 
ollcncr  qiif'sta  gralia.  Kt  perche  io  non  ho  voluto  narrando  o^ni  cosa 
inl'aslidir  (it'llo  Mous'  K"'"  el  lll™",  mi  son  riniesso  alla  inlormalion 
di  V.  S.  Latjual  sara  conlenla  l'aria  con  quella  eflicacia  dauiuio  et 
con  ipiella  allellion,  con  laquale  ha  inonslralu  sempre  agli  amici  suoi 
et  [a  me]  parlicularmenle  Tinterno  et  vero  amor  d(;l  cor'  suo,  et  nel 
vero  non  puo  farmi  al  présente  magiitr  piacer  di  queslo,  quai  uii  sarà 
tra  gli  altri  molli  che  tengo  con  lei  a  perpetuo  obligo,  per  che  desi- 
dero  sommamcnle  impelrar  questa  gratia,  vedendo  io  chel  prior  de 
Sanlo  Anllionio-  non  dà  niinori  occupationi  a  Ira  Valoriano  liora,  che 
desse  avanli,  che  liavessc  ricevuta  la  lollcra  del  R""*  el  111™"  «îriniani 
niollo  calda  in  lavor  mio,  come  quello  col  quale  essendo  egli  quà, 
ragionai  per  Io  spalio  di  tre  hore,  et  pronlamenle  mi  promise  farmi 
far  copia  di  quanti  libri  io  voleva.  llche  ha  contirmalo  medesimamente 
per  una  sua,  che  hogi  in  risposla  di  quello  che  V.  S.  le  indirizzô,  ho 
ricevuta,  ove  mi  profferisce  molto  cortesamente,  et  i  publici  libri  et 
ancora  i  suoi  privati,  et  parliculari.  Nondimeno  questi  padri  par  che 
dubitino  ad  accomodarmi  di  quel  ch"  è  stato  lor  commesso  dal  detto 
R'"°  et  111""^  Mons"",  che  al  mio  piacer  mi  exhibiscano,  come  quel  che  sa 
molto  ben,  che  per  tutto  loro  del  mondo  io  non  restarei  di  restituir 
qualunche  libro  mi  fusse  imprestato,  et  massimamente  ad  un  luogo 
publico,  et  ove  io  ne  posso  havere  la  copia.  Nondimeno,  come  altra 
volta  ho  detto,  volendo  il  pegno,  il  daro  scmpre  loro  taie  che  sarà  più 
che  équivalente.  Hora  V.  S.  mi  farà  singularissimo  bencfficio  a  far  in 
tutto  cio  buona  opération  per  me,  et  taie,  quai  si  richiede  alla  corlesia 
sua,  et  allô  scambievole  nostro  amore,  si  come  ancora  se  le  capitasse 
alli  mani  qualche  buon  libro  particulare,  mi  faria  piacer  à  farlo  rescri- 
vere,  et  i  denari,  che  a  far  cio  bisognassero  le  sariano  ad  ogni  sua 
comodità  rimessi  in  Roma,  et  dicole  questo  si  perche  alla  giornata 
sempre  si  scopre  quai  cosa  degna,  si  perche  intendo  che  in  S'"  Augus- 
tino  vi  é  una  libraria  notabile,  come  quella  che  fu  del  cardinal  Egidio 
bonx  monoriœ  ^.  Quanto  alla  libraria  di  V.  S.,  nondico  niente,  sapendo 
io  per  humanitâ  sua  dovermi  esser  in  ogni   tempo  aperta,  et  oltre 

1.  Alessandro  Cesarini,  cardinal  (lolTj,  évOque  de  Païupchine  (1520-153")  et  de 
Cuença  (1538-1542),  mort  à  Rome  le  13  février  1d-42.  Ami  des  lettres,  il  fut  en  relations 
suivies  avec  AIdo  Manuzio  et  Sadolel. 

2.  Le  prieur  du  monastère  do  San-Anlonio  de  Venise,  de  la  congrégation  des 
chanoines  réguliers  du  Saint-Sauveur. 

3.  Egidio  Antonini,  général  de  l'ordre  des  chanoines  réguliers  de  Saint-Augustin 
(1507),  dans  lequel  il  était  entré  à  dix-huit  ans,  cardinal  (1517),  évêque  de  Viterbe 
(1524-1532),  mort  à  Rome  le  12  novembre  1532.  Il  a  laissé  diverses  œuvres  Ihéolo- 
giques  el  littéraires. 


[juin    1o41]  GUILLAUME   PELLICIER  321 

di  questo,  spero  (se  non  sarô  impedito)  venirla  à  veder,  quando  io  mi 
parlirô  di  quà... 

«  Di  Venetia.  » 
Vol.  2,  f  ITG  v",  copie  du  xvio  siècle;  1  p.  1/4  in-f\ 

PELLICIER   AU   CARDINAL  CESARINI. 

212.  —  [  Venise],  1 1  juin  1 541 .  —  «  Illustrissimo  et  Reverendo  Monsi- 
gnor,  havendo  io  sempre  cognosciuto  la  infinita  corlesia  el  buon  animo 
di  V.  Iil™«  et  R"''  S.,  che  ha  di  far  buoni  officii  à  S.  M''  X"'",  sicuramente 
ricorro  a  lei  nelle  occurrentie  mie,  et  di  mio  patron,  ancora  che  io 
non  habbia  mai  meritato  con  tanta  fiducia  afl'aticarla  ;  et  questo  è,  che 
venendo  io  in  Italia,  mi  fu  dal  mio  principe  tra  gli  altri  principali 
incharchi  strettamente  commesso,  clie  io  dovessi  proveder  in  Italia 
de  tutti  quel  libri  greci  che  sariano  giudicati  degni  d'esser  posti  nella 
libraria,  che  con  gran  contento  di  tutti  e  dotti  prépara  di  fare,  et  fin 
hora  non  son  manchato  di  far  quanto  per  me  è  stato  possibile,  et  non 
pochi  le  ne  ho  fatti  havere,  che  erano  in  queste  libraria  di  Venetia.  Ma 
son  stato  quasi  in  mezzo  corso  intrattenuto  con  gravissimo  mio  disco- 
modo  et  dispiacere,  perche  havendo  io  un  ccrto  padre  fra  Valeriano, 
dell'ordine  di  San  Augustino  de  canonici  regulari,  il  quai  mi  serviria 
qui  in  San  Anthonio  à  riscrivere,  et  a  riscontrare,  m'è  a  questo  capi- 
tulo  da  molti  occupationi  suto  impedito.  11  perche  desidero  che 
V.  S.  R"*"  et  m™',  corne  protettrice  di  quell'Ordine  scriva  al  gênerai 
loro  che  debba  far  al  detto  padre  fra  Valeriano  quanto  sarà  informata 
dal  R'i"  Mons""  bibliothecario  di  Sua  S'%  vescovo  de  Chisamo  *,  et 
questo  sarà,  non  solamente  a  me  perpetuo  obligo,  ma  à  singular 
buon  officio  à  S.  M'^,  che  per  le  mie  ne  sarà  pienamente  informata,  et 
dove  che  V.  S.  Il""*  et  R"''  vede,  che  io  possa  farle  servitio,  la  suplico 
à  servirsi  di  me  che  sempre  mi  ritrovarà  pronto  et  aparechiato  à 
farle  servitio,  et  a  lei  di  buon  cuor'  m'ofîero,  et  racommendo,  etc.  » 

Vol.  2,  f-^  177,  copie  du  xvi^  siècle;  1/2  p.  in-f». 

PELLICIER   AU    ROI   *. 

213.  —  [Venise'],  14  juin  1 54 1 .  —  «  Sire,  depuys  les  miennes  der- 
nières que  ay  scriptes  à  V.  M.  du  dernier  du  passé,  ay  receu  les  siennes 
du   xi^  dudict  moys ,  ensemble   une   adressante   à  M.  l'évesque    de 

1.  Agostino  Steuco. 

2.  «  Sota,  que  ceste  dépesche  fut  retenue  jusques  au  xxi"  juing,  et  fut  baillée  à 
ung  des  serviteurs  de  M.  de  Cercueil,  et  non  à  M.  de  la  Magdclayne,  ainsi  qu'il  est 
contenu  en  ceste  lettre  pour  certaines  raisons.  » 

M.  de  Cercueil,  des  seigneurs  de  Cercueil,  de  la  maison  d'Ourches,  en  Lorraine? 
—  Girard  de  la  Magdelaine,  seigneur  de  Ragny,  bailli  d'Auxois? 

Venise.  —  1540-1542.  21 


322  AMBASSADE    DE  [jlIN    ir)4l] 

Ragusc  louchant  la   létompcion   fairlo  par  voslre  coniniandenient  au 
port  de  Marseille  dung  pirate  raf^usim.  laciuelle  luy  ay   mandée.  Et 
oullre  eella,   ay  faict  entendre  à  M.   l'aniljassadeur  de  la  Seigneurie 
dudict  Itaguse,  ijui  est  icy,  le  contenu  de  ce  que  V.  M.  m'en  a  escript; 
et    pareillement  à  icelle,   venant   à    jtropo/.  de   luy  escripre    pour   la 
remercycr  de  la  faveur  et  plaisyr  ijuclle  avoyt  faict  en  contemplacion 
et  esgard  de  V.  M.  à  ung  vostre  serviteur  nommé  M.  de  la  Magdalayne, 
s'en  retournant  vers  \  .  M.  tlo  la  ro\ne  de  Hongrye  et  du  (îrant  Seigneur 
où   il  avoyt  esié  mandé  de  vostre  pari,  ainsi  quil   ma  dict,  l'ayant 
faict  conduyre  avecques  ung  bon  et  seur  briganlin  jusques  en  ceste 
ville  à  leurs  despens.  Et  quant  est  de  ce  (jue  m'escripve/.  du  seigneur 
conte  de  la  Myrandola,  que  je  puys  avoir  entendu  par  cy  davant  parlye 
de   sa  dépesche  ,  mesmement  (juant  à  employer  six  mille   escuz  en 
achaptz   de  bledz,  aultre  chose,  Sire,  n'est  venu  à  ma  notice  de  la 
court  auparavant  avoir  rcceu  la  vostre;  seullement  avoysje  entendu 
par  ricrre  Strocy  qu'il  estoyt  adverly  de  son  agent  de  Lyon  <jue  ladicte 
somme  avoyt  esté  ordonné  pour  cest  effect  estre  deslivrée  entre  mes 
mains.  Je   ne  fauldray    selon   vostre    commandement  envoyer  à  la 
Myrandola,  au  temps  «[u'il  sera  advisé  par  ledict  seigneur,  ung  homme 
seur  et  entendu  à  lelz   affaires,  pour  veoir  l'employlle.  J'ay   receu 
aujourd'huy  lettres  de  luy,  m'advertissant  seullement  de  son  an-ivée 
à  la  Myrandola,  et  pareillement  baillé  ung  pacquet  qu'il  adressoyt  au 
seigneur  Pierre  Strocy  pour  me  deslivrer  ladicte  somme.  Lequel  m'a 
faict  entendre  qu'il  estoyt  tout  dispost  et   prest  de  vous  faire  trop 
plus  grant  service  que  cestuy-là,  et  que  en  cela  il  n'y  aura  faulte.  L'on 
n'a  peu  passer  plus  oultre  en    cest  affaire  ,  pour  n'en  avoir   encore 
receu  les  instructions,  lesquelles  il  attendoyt  de  jour  en  jour  pour  me 
les  envoyer  :  par  quoy  ne  vous  en  puys  dire  aultre  pour  ceste  heure. 
Je  n'ay  aussi  failly  remercyer  ceste  Seigneurie  de  la  part  de  V.  M. 
selon  son  commandement  de  la  bonne  voullenté  que  aviez  entendu 
icelle,  non  seullement  persister,  mais  augmenter  chascun  jour  envers 
vous,  et  l'asseurer  le  plus  efficacement  qu'il  m'a  esté  possible  qu'ilz 
vous  trouveront  tousjours  affectionné  au  bien  d'eulx  et  de  leurs  affaires 
aultant  que  prince  du  monde.  Sur  quoy  m'ont  faict  responce  genéralle, 
à  leur  acoustumée,  qu'ilz  en  sont  tous  asseurez,  s'offrans  tousjours  de 
plus  en  plus  à  V.  M.  Hz  mont  envoyé  quéryr  ce  matin  pour  me  faire 
part  d'aulcunes  nouvelles  qu'ilz  ont  eues  de  Constantinople  par  lettres 
de  leur  ambassadeur,  du  x^  du  passé.  Et  entre  aultres  choses  m'ont 
dict  que  le  Grant  Seigneur  mcttoyt  dehors  ceste  année  trop  plus  grant 
armée  par  mer  que  ledict  ambassadeur  ne  leur  avoyt  escript  par  cy 
davant,  et  que  sa  personne  mesmes  yroyt  en  Hongrye  avecques  très 
grant  exercite  pour  s'empatronnyr  dudict  royaulme;  et  que  jà  avoyt 
faict  venyr,  comme  est  sa  couslume  quant  il  doibt  marcher,  force 
chameaulx  et  aultres  bestes  de  somme  pour  porter  son  bagaige  :  me 


[juin    1541]  GUILLAUME    PELLICIER  323 

disant  aussi  que  Lotphi  Bassa  avoyt  esté  desmys  de  son  estât,  non 
seulienient  de  premier  bassa,  mais  privé  du  tout,  pour  estre  coustu- 
mier  de  ne  faire  bonne  compagnye  à  sa  femme  et  l'avoir  mal  traictée 
et  oultraigée  ',  et  en  son  lieu  a  esté  mys  Soliman  Monucho  *. 

«  Sire,  j  ay  esté  adverty  que  cez  Seigneurs  ont  eu  lettres  de  leur 
ambassadeur  prez  du  roy  Ferdinando;  par  lesquelles  s'entend  que, 
ayant  son  camp  faict  bien  grant  batterye  et  brèche  à  Bude,  et  en  avoir 
prins  une  tour  qui  estoyt  la  garde  de  l'eaue  de  la  ville,  ce  néantmoings 
n'avoyent  eu  la  hardiesse  de  donner  l'assault,  sentant  ceulz  de  dedans 
estre  fort  gaillardz  et  de  bonne  voullenté  de  bien  leur  deffendre. 
Laquelle  chose  les  Impériaulx  attribuent  aux  pluyes  et  mauvais  temps 
qu'il  avoyt  faict  en  ce  pendant;  et  a  l'on  depuys  entendu  d'un  lieu  qui 
n'ayme  pas  mettre  telles  nouvelles  avant,  c'est  du  fondigue  des  Thu- 
desques,  que  ledict  camp  s'estoyt  retiré,  ayant  esté  adverty  que  qua- 
rante mil  chevaulx  de  Tavangarde  du  Grant  Seigneur  avoyent  esté 
veuz  bien  avant  en  Hongrye.  En  confirmation  de  quoy,  par  mes 
dernières  lettres  que  ay  receues  de  bien  bon  lieu  de  Romme,  j'ay  esté 
adverty  que  les  Impériaulx'  avoient  là  nouvelles  le  secours  du  Grant 
Seigneur  estre  desjà  arrivé  en  Hongrye.  Dont  lesdictz  Impériaulx  en 
restoyent  grandement  estonncz  et  faschez ,  estimant  que  si  Bude 
n'estoyt  prinse  auparavant  qu'il  y  survînt,  qu'ilz  ne  s'y  attendoyent 
plus.  Qui  est  tout  ce  que  puys  dire  pour  ceste  heure  à  V.  M.,  fors  luy 
envoyer  une  petite  lettre  que  ay  receue  par  la  voye  de  Tassin  de  Luna, 
par  laquelle  pourra  veoir  comme  le  conte  Lodron  ne  levoyt  gens  au 
nom  de  l'empereur,  mais  bien  que  les  Terres  franches  voulloyent  faire 
vingt  mille  hommes  :  de  quoy  n'ay  failly  advertyr  M.  de  Langey.  » 
Vol.  2,  f°  177  v°,  copie  du  xvi'  siècle;  2  pp.  in-f°. 

PELLICIER   AU   CONNETABLE, 

214.  —  [Venise],  i 4  juin   1541.  —  Mêmes  nouvelles  que  dans  la 
lettre  au  roi,  de  ce  jour. 
Vol.  2,  fo  178  v",  copie  du  .wi^  siècle;  1/2  p.  in-f». 

1.  Lutfi-Pacha,  albanais  de  naissance,  intelligent  et  lettré,  mais  d'un  caractère 
brutal  et  emporté,  s'était  attiré  la  disgrâce  de  son  tout-puissant  beau-frère  par  les 
mauvais  traitements  qu'il  faisait  subir  à  la  sœur  de  Suleyman,  qu'il  avait  eue  en 
mariage.  A  la  suite  d'une  scène  violente  dont  le  récit  nous  a  été  conservé  par  les 
historiens  turcs,  il  fut  déposé  de  sa  charge,  séparé  de  la  j)rincesse  sa  femme  et 
exilé  à  Démotika,  oii  il  écrivit  dans  sa  retraite,  entre  autres  ouvrages,  une  histoire 
de  l'empire  ottoman  qui  ne  s'arrête  que  douze  ans  après  la  destitution  de  son  auteur 
(V.  de  Hammer,  t.  V,  pp.  305  et  o34). 

Dans  cette  révolution  de  palais,  Lutfi-Pacha  eut  pour  successeur  au  grand-vizirat 
l'eunuque  Suleyman-Pacha,  alors  âgé  de  quatre-vingts  ans,  deuxième  vizir,  dont  la 
place  fut  donnée  à  Rustem-Pacha,  gendre  du  sultan;  celle  de  troisième  vizir  à  Mo- 
hammed-Pacha, et  celle  de  quatrième  à  Khosrew-Pacha,  beglierbey  de  Roumélie 
(/(/.,  ihid.,  p.  328). 

2.  Erreur  du  copiste;  il  faut  lire  eunucho. 


324  AMItASSADE    DE  [jUIN    lS4l] 

PELLIClEn    AI     MÊME. 

215.  —  l'enise],  li  juin  fô/l.  — «Monseigneur,  estant  arrivé 
icy  ung  gentillioinme  nommé  M.  de  In  Magdalaine,  venant  ainsi  qu'il 
dict  de  vers  la  roync  de  Hongrye  et  le  Grant  Seigneur,  par  comman- 
dement du  roy  et  de  vous,  ce  néantnioings,  pour  n'apporter  point  de 
vos  lettres  ne  aultre  cerlilicalion  de  le  delivoir  crosre,  et  aussi  que 
comme  M.  l'arcevesque  de  Raguse  m'a  escripl,  pour  luy  avoir  dict 
venir  de  la  Porte  et  ne  luy  avoir  monstre  aulcunes  lettres  ne  enseigne 
d'iccUe  ne  du  seigneur  Vincenzo  Maggio  estant  là  pour  S.  M.,  estoyt 
entré  en  non  peu  de  doubte  et  suspeçon;  et  d'aultantplus  qu'il  s'estoyt 
adressé  à  la  Seigneurie  de  Raguse  pour  avoir  ung  brigantin  et  non 
audict  arcevcsque.  Laquelle,  comme  icelluy  m'escript,  luy  en  a  frayé 
ung,  d'aullant  qu'il  disoyt  n'avoir  de  quoy  ce  faire,  et  qu'il  estoyt  plus 
lest  tenu  là  pour  tudesque  que  pour  françoys,  voyre  pour  espye  que 
aultre.  Toutes  lesquelles  choses,  mesmement  Tadvi/  et  conseil  dudict 
arcevcsque  m'ont  faict  aussi  entrer  en  non  peu  de  doubte  et  esmoy, 
n'ayant  jamais  peu  avoir  aultre  congnoissance  de  luy,  sauf  de  quelques 
gens  icy  qui  m'ont  certiffyé  l'avoir  veu  quelque  temps  y  a  avecques 
M.  de  Langey  duquel  s'estoyt  party  ne  sçavoyenl  comment.  Par  quoy 
ay  faict  quelque  difficulté  de  luy  donner  lettres  ne  pacquet  pour  les 
affaires  du  roy;  mais  enfin  ayant  quelques  nouvelles  de  assez  petite 
importance,  luy  en  ay  voullu  bailler  ung  pour  porter  jusques  à  Thurin 
et  plus  avant,  s'il  sembloyt  bon  à  mondict  seigneur  de  Langey.  Sur  le- 
poinct  que  nous  avions  ja  prins  congé  l'ung  de  l'aultre,  il  s'est  advisé 
de  me  demander  argent;  et  moy  me  trouvant  en  Testât  que  souvent 
me  advient,  c'est  de  n'avoir  pas  seullement  la  somme  qu'il  me  deman- 
doyt  (car  sçavez,  Monseigneur,  combien  de  temps  il  y  a  que  suys  aprez 
pour  recouvrer  celluy  que  j'ay  dedrayé,  qui  se  monte  assez  bonne 
somme  pour  moy,  et  journellement  accroist  sans  que  je  en  aye  encores 
peu  rien  avoir)  ay  trouvé  cela  mal  à  propoz  et  incommode,  pour  n'en 
avoir  esté  advisé  de  meilleure  heure.  Dont  luy  ay  faict  entendre  qu'il 
falloyt  que  je  mandasse  à  la  ville  pour  en  recouvrer,  chose  qu'il  a 
trouvée  fort  estrange,  que  je  ne  trouvasse  en  mon  povoir  telle  somme 
qu'il  me  demandoyt  et  que  depuys  luy  ay  présenté  :  dont  il  se  pour- 
royt  estre  scandalisé  et  ne  sçay  quel  rapport  il  vous  pourroyt  faire  ou 
ailleurs.  Par  quoy  vous  en  ay  bien  voulu  advertyr  de  tout,  comme 
celluy  qui  entend  mieulx  les  affaires,  et  lequel  j'ay  prins  en  toutes 
choses  pour  mon  patron...  » 

Vol.  2,  f'  178  y»,  copie  du  xvr  siècle;  1  ]k  in-f. 

PELUCIER   A  .M.    D'aNNEBAULT. 

216.  —  [Venise],  i 4  juin  1541 .  —  «  Monseigneur,  ayant  trouvé  la 


[jlIN    1541]  GUILLAUME    PELLICIER  32î> 

eommodité  de  M.  de  la  Magdalayne,  présent  porteur,  venant  de  par  le 
roy  de  devers  la  royne  de  Hongrye  et  Grant  Seigneur,  ainsi  qu'il  m'a 
•dict,  ne  Tay  voullu  laisser  partyr  sans  luy  donner  la  présente 
■dépesche,  en  attendant  quelques  aultres  nouvelles  dignes  de  faire  sça- 
voir  au  roy  et  à  vous;  et  mesmement  lettres  de  messire  Vincen/.o 
Maggio,  lesquelles  à  mon  adviz  ne  resteront  plus  guères  à  venyr, 
quant  ce  ne  seroyt  que  pour  avertyr  S.  M.  de  l'arrivée  de  l'homme  du 
seigneur  Rincon  qui  a  esté  renvoyé  cez  moys  passez  en  Constanti- 
Bople.  Car  de  rayson,  veu  le  temps  qu'il  y  a  qu'il  partyt  de  Raguse 
pour  continuer  son  voyaige,  qui  fut  le  xix*  apvril,  il  debvra  jà  cstre 
arrivé  là;  et  m'esbahys  bien  que  l'on  demeure  si  longuement  sans  en 
avoir  nouvelles.  Et  pour  ce,  Monseigneur,  que  suys  très  bien  asseuré 
que  ce  ne  vous  seroyt  que  répéticion  de  vous  escripre  ce  que  foys  pré- 
sentement au  roy,  estant  certain  que  pove/.  aussi  bien  veoir  ses  lettres 
que  les  voslres  mesmes,  ne  vous  feray  longue  lettre;  tant  seulement 
vous  réplicqueray  que  je  envoyé  une  petite  lettre  de  Trente  à  S.  M., 
par  laquelle  pourrez  veoir  que  le  conte  de  Lodron  ne  liève  aulcune- 
ment  gens  pour  l'empereur,  ne  pareillement  nul  aultre  seigneur  ne 
cappitaine  de  ce  pays  là.  Bien  est  vray  que  les  Terres  franches  veul- 
lent  faire  xx™  hommes,  mais  ne  se  sçayt  si  c'est  pour  mander  en  Hon- 
grye ou  en  Itallye  :  chose  qu'il  m'a  semblé  vous  debvoir  faire  entendre, 
<:omme  celluy  à  qui  cest  aflaire  touche  plus  près  que  nul  autre;  et 
pareillement  n'ay  failly  à  en  advertyr  M.  de  Langey...  » 

Pellicier  termine  cette  lettre  en  se  recommandant  une  fois  de  plus 
aux  bons  offices  de  M.  d'Ânnebault,  pour  obtenir  les  subsides  qui  lui 
font  défaut  depuis  fort  longtemps. 

Vol.  2,  f°  179,  copie  du  xvi«  siècle;  1  p.  1/i  in-f°. 


PELLICIEH   A    M.    DE   LANGEV. 

217.  —  [Venise],  14  juin  i  ô4 1 .  —  «  Monsieur,  ayant  trouvé  la 
commodité  de  ce  présent  porteur  venant  de  Levant  pour  les  affaires 
du  roy,  ainsi  qu'il  m'a  dict  et  de  faict  m'a  monstre  lettres  de  la  reyne  de 
Hongrye  adressantes  à  monseigneur  le  connestable,  luy  ay  bien  voullu 
donner  la  présente  dépesche,  attendu  qu'il  m'a  dict  s'en  aller  en  dilli- 
gence  jusque  à  la  court,  et  vous  escripre  ce  petit  mot  pour  vous  advertyr 
comme  j'ay  receu  ce  jourd'huy  les  pacquetz  que  m'avez  envoyez  par 
M.  de  Serre,  avecques  vos  lettres  des  xxV^  may  et  iiii'=  de  ce  moys;  et 
vous  départyr  ce  peu  de  nouvelles  que  cez  Seigneurs  m'ont  faict 
•entendre  du  Levant,  depuys  les  miennes  dernières  que  vous  ay  escriptes 
du  dernier  du  passé.  C'est  que  l'armée  par  mer  du  Grant  Seigneur 
•seroyt  ceste  année  trop  plus  grande  que  l'on  ne  l'avoyt  estimée  jusques 
icy,  et  que  sa  personne  mesmes  s'en  yra  en  Hongrye  pour  s'empa- 


326  AMBASSADE  DE  [jllN    1541] 

Ironnyr  duJicl  royauhno;  et  jk  faisoyl  amas  de  force  chameaulx  pour 
porter  le  bagaige,  ainsi  qu'il  a  acoustumé  de  faire  quand  il  va  en 
longtain  pays.  Et  que  Lotphi  avoyt  esté  desniys,  non  seulement  de 
son  estât  de  premier  hassa,  mais  privé  du  tout,  pour  n'avoir  faict  le» 
dehvoir  ave(;ques  sa  femme  ainsi  qu'elle  désiroyt,  ains  praticqué 
avecques  une  sienne  esclave:  dont  sadicle  femme  n'en  estant  contente, 
luy  dist  quehpies  paroUes  qui  le  feirent  entrer  en  collère,  cunimençeant 
à  la  battre  et  prendre  par  les  cheveulx.  De  quoy  elle  se  alla  incontinent 
lamenter  au  (irant  Seigneur,  «jui  l'en  a  chastyé  ainsi  que  dessus,  et 
n'est  encores  hors  de  dangers  d'avoir  pys.  Je  vous  diray  aussi  comme 
l'on  a  entendu  iey  que  le  camp  du  roy  Ferdinando  avoyt  donné  quelque 
assault  à  Hude  et  pressé  de  bien  prez,  presques  à  avoir  prins  une  des 
tourrelles  qui  esloyt  la  fortresse  de  la  ville,  pour  aultant  que  par  ce 
moyen  là  avoyent  condemné  leaue  à  ceulx  de  dedans,  de  sorte  qu'ilz 
n'en  povoyent  plus  avoir  '...  » 

Pellicier  termine  sa  lettre  en  recommandant  à  M.  de  Langey,  au  cas 
où  le  porteur  des  présentes  ne  se  rendrait  pas  directement  à  la  cour 
comme  il  l'a  promis,  ou  séjournerait  quelques  jours  à  Turin,  d'envoyer 
la  dépêche  au  roi  «  le  plus  tost  et  seurement  qu'il  sera  possible  ». 

Vol.  2,  f"  179,  copie  du  .WF  siècle;  1  p.  1/2  in-f'. 


l'ELLlCIER   A    VINCENZO   MAGGlU    -. 

218.  —  [Venise],  19  juin  1  o4i .  —  «  Magnifîco  Signor,  ho  ricevuto 
la  vostre  del  ix°  del  instante,  insieme  quella  del  signor  Rincone,  et 
justo  seconde  me  havete  niandalo,  quanto  havele  scrilto  per  la  sua; 
la  quale  11  ho  mandato  in  quella  dilligentia  che  ho  falto  sempre  le  altre 
mi  havete  indirizzate.  Tamen  si  è  cosi  che  ho  inleso,  che  'l  sia  partito 
de  la  corle,  non  recapitarano  nelle  sue  mane,  ma  pur  non  ho  manchato 
indirizzarle  a  S.  M'%  per  essere  cose  dentro  d'importanza.  Ho  havuto 
lettere ,  non  de  la  corte,  ma  da  Thurino,  corne  il  signor  Rincone 
tornandosene  in  qua,  andava  pigliare  possession  d'una  terra,  che 
S.  M'"  li  ha  dalta,  che  se  demanda  Bellavilla  presse  de  Chalens  ^,  la 
quale  val  cinque  millia  franchi  d'intrada  :  cesa  che  le  credo,  per  la 

1.  V.  la  lettre  au  roi,  du  même  jour. 

2.  •  Escript  cedirt  jour  â  .M.  l'arcevesque  de  Raguse  et  à  messire  Pélréo;  et  au^si 
à  la  Seigneurie  dudict  l{a}.'usc.  • 

3.  La  ville,  terre  et  seitrneuric  de  Relieville  en  Beaujolais,  après  avoir  été  attri- 
buée à  Rincon,  fut  donnée  ensuite,  par  lettres  royales  en  date  du  ij  décembre  1543, 
à  Pietro  Strozzi,  pour  une  jouissance  de  dix  années.  Elle  avait  précédemment  été 
tour  à  tour  afTectée  au  comte  Guido  Ranpone  (13  avril  1538),  et,  après  sa  mort,  au 
duc  Andréa  d'Alri  (23  février  153'J)  (V.  Cul.  des  actes  de  François  1",  t.  111,  p.  524, 
n»  9929,  et  p.  728,  n*  10841).  Nous  n'avons  pu  retrouver  de  constatation  ofQcielle 
de  la  donation  faite  à  Rincon. 


[JCIN   lo4l]  GUILLAUME   PELLICIER  327 

volunlà  et  desiderio  che  ho  che  sia  cosi,  cl  ancora  per  la  fama  cli'  è 
in  per  tulte  queste  bande  délia  buona  accoglienzza  che  gli  ha  fatla 
S.  M'3.  Del  che  me  ne  allegro  tanlo  che  faria  de  mi  stesso;  io  l'aspelto 
ogni  giorno,  et  credo  che  si  non  havesse  pigliala  Testrada  cosi  longa 
d'Allamagna  (digo  corne  se  congeltura)  che  sarebbe  già  qua,  sarà 
quandu  piacorà  al  nostro  signor  Iddio. 

«  Quanto  aile  nuove  di  quà,  vi  dirù  primo  come  la  diella  di  Ratis- 
bona  è  finita  con  puoco  successo  del  desegno  de  l'iniperator,  per  ch' 
è  più  gran  discordio  fra  gli  catholici  et  protestanli  che  mai,  et  come 
s'intende  per  lettere  de  Ratisbona  del  7  del  instante,  se  predica  publi- 
camente  a  la  lutherana  su"l  viso  de  limperatore,  et  che  Martin  Luther 
scrive  vulgarmente  in  quella  linga,  et  manda  fuora  le  cose  sue  per 
lutta  rAUemagna,  et  Timperatore  ha  convocati  quelli  principi  per 
adimandarli  agiuto,  et  alli  viii  si  propose  la  cosa  de  gli  articuli  dispu- 
tati  tra  quelli  dottori;  sono  in  parte  d'acordo,  et  in  parte  discordo  : 
'prlmalum  Romanœ  Ecclenx  non  admiitunl,  nec  vola  mon astica,  nec  céli- 
bat um  sacerdoluia. 

«  De  la  Hongaria  s'entende  come  il  re  Ferdinando  era  molto  con  la 
mente  travagliata,  per  esser  stato  datto  doi  assalli  à  Buda;  l'ultimo  fu 
alli  xxiiii  maggio,  nel  quale  furorno  rebattuti  di  quelli  de  denlro  con 
molta  occisione  di  quelli  di  fuora  et,  come  se  dice,  fîno  al  numéro 
di  800  huomini.  Et  havevano  ritrovato  che  quelli  di  dcntro  se 
havevano  remparati  benissimo,  et  che  erano  moniti  de  monitioni  et 
artiglaria,  ne  pativan  sinon  di  aqua  et  di  carne;  et  quello  che  importa 
è  de  haver  aviso  del  gionger  de  X""  cavalli  turchi  à  Belgrado,  et  che 
tulta  via  caminava  lo  exercito,  di  modo  che  si  congettura  che'l  campo 
del  re  Ferdinando  è  a  présente  levato  di  Buda,  et  si  inlende  che  l'j 
detto  re  se  retirarà  de  la  ofîensione,  et  attendera  alla  defTensione,  laquai 
sarà  dura,  per  intender  del  grossissimo  exercito  del  Gran  Signore  che 
vien  in  quella  banda. 

«  Per  altre  lettere  de  Ratisbona  s'intende  che  Timperator  era  solli- 
citato  da  ritornar  in  Fiandra,  et  si  faceva  molti  discorsi,  tra  li  quali  che 
molto  più  honor  era  di  S.  M'^  Cez.  absentarsi  de  lî,  non  potendo  far 
benefficio  alcuno  al  re  di  Romani,  al  quale  non  haveva  mandato  senon 
50"  ducati,  perché  succedendoli  alcuno  disturbo  non  essendo  li  la 
presentia  de  l'imperalore,  se  diria  che  non  saria  intravenuto  cssendoli 
stato  cosa  alcuna,  et  con  queste  coperte  vole  conservar  la  reputacione 
sua,  et  ancora  s'è  inteso  che'l  suo  viaggio  in  Fiandra  saria  contrapeso 
a  le  imprese  del  duca  di  Cleves,  contra  d'il  quale  è  molto  adirato, 
per  essersi  maritato  in  Franza  con  la  principessa  nostra  di  Navarra  ', 
come  vi  ho  scritto.  L'imperator  haveva  messa  una  fama  che'l  faria  di 
modo  che'l  re  d'Angilterra  li  daria  ogni  soccorso  et  agiuto  che  lui 

1.  Jeanne  d'Albret. 


328  AMBASSADE   DE  [jUIN    lo4l] 

vorebbe  contra  ilel  re  ;  ma  qucsli  Sij^nori  lianno  havulo  Ictlere,  conie 
il  delto  ro  d'IngilltM-ra  liavova  iiiandalo  alli  suoi  coiiliiii  à  l'ar  intendere 
a  (iilli  sui  suhditi  clic  per  ((iianlo  era  a  cliarn  l.i  grulia  sua,  volesse  ben' 
conlinar  cl  viciiiar  con  qiiclli  de  la  M'*  Crislianissima  et  chc  haveva 
inaïulalo  a  (|uclla  uiio  suo,  con  icltcrc  a  farli  intendere  questo  istesso, 
et  elle  v<»leva  csscrli  (lucllo  aniico  et  fralello  che  era  sempre  stato  con 
S.  M'»  Crislianissima. 

«  Qucsli  Sipnori  hanno  IkivuIo  letlere  di  buonissimo  loco  corne  lim- 
peralore  li  voleva  movcr  ^'uerra  de  le  bande  d'Allamagna  cl  de  Miiano, 
havendo  fallu  quesla  dcliibcralione  rimpcralor,  d(q)0  clie  li  hcbbe  par- 
lalo  con  uno  suo  mcsso  clic  li  arrivo  di  ConstantiiKipoli,  il  qiiale  subito 
chc  fu  arrivalo  lu  remandô.  sen/.a  lassarlo  pariar  a  persona  vivcnte.  Et 
se  dice  che  non  j)assarà  tropo  giorni,  chc  l'imperalorc  per  quesle  cose 
mellerà  à  i  conlini  di  quesli  Signori  da  sei  à  olto  niilia  lanti;  de  la 
quai  cosa  vi  lasso  pensar  (pianto  hanno  da  restar  salisfalli  del  detto 
imperalore ,  massimameiile  considerando  per  il  passalo  li  buoni 
oflicii  da  lui  ricepuli.  Questl  Signori  hanno  havulo  grandissime 
apiacere  d'haver  inteso  la  risposta  che  fece  il  clarissimo  imhassato^re] 
Badoare  al  Gran  Signore  ,  quando  li  fii  dello  da  parle  dcl  Gran 
Signore,  che  non  havesseno  da  dar  agialo  a  l'imperalore  contra  del 
re.  Altramente  si  lo  facevano  non  inlendeva  la  pace  tra  loro  cssere 
fatta;  non  so  che  pensar  altro  che  ha  fatto  de  nuovo  sdegnar  l'impe- 
ralore contra  di  questi  Signori  dopo  che'l  suo  ha  parlato  con  seco,  se 
forse  questo  non  fusse...  » 

Vol.  -2,  f'5 180  V,  copie  du  xvi*=  siècle;  2  pp.  ia-f-^. 

PELLICIER  AU  ROI  '. 

219.  —  [Venise],  20  juin  1541.  —  «  Sire,  combien  qu'il  n'y  ayt  que 
quatre  ou  cinq  jours  que  vous  ay  escript,  ce  néantmoings  ayant  depuys 
receu  lettres  de  messire  Vincenzu  Maggio  adressant  au  seigneur  Rincon, 
m'advertissant  la  luy  faire  tenyr  le  plus  tost,  je  n'ay  voullu  délayer.  Et 
pour  ce,  Sire,  que  je  me  double,  pour  quelque  adviz  que  j'ay  eu,  que 
ledict  seigneur  Rincon  pourroyt  eslre  party  de  la  court  avant  la  récep- 
tion de  la  présente,  et  aussi  que  ladicte  lettre  est  presque  escripte 
toute  en  chiffre,  et  qu'il  me  Ta  mandée  ouverte  pour  la  veoir  avant  que 
la  mander,  craignant  que  l'alphabet  eust  esté  changé  ou  aullrement, 
m'a  semblé  debvoir  toucher  à  Y.  M.  les  principaulx  points  d'icelle. 
Mesmement  comme  l'allée  du  Grant  Seigneur  en  Hongrye  pour  s'empa- 


1.  "  Escripi  ceilicl  jour  à  Saincl-Pol,  ainsi  qui  est  contenu  en  unp  papier  avecques 
les  minutes;  et  fut  aussi  escript  au  sire  Laurens  Cliarles.  Geste  dépesclie  fut  baillée 
à  Jehan  dt- .Mcint[i(llier,  clans  laquelle  esloyent  les  comptes  extraordinaires  de  mon- 
seigneur de  .Monti)ei!ier.  • 


[JU[^f    lo4Ij  GUILLAUME    PELLICIER  329 

tronnyr  de  Bude  et  passer  à  Vienne  estoyt  plus  certaine  que  doubteuse, 
pour  aultant  qu'il  avoyt  les  gens  tous  faictz  et  qu'il  avoyt  faict  mettre 
en  ordre  boys  pour  l'artillerye,  et  tout  ce  qui  faisoyt  besoing.  Et  que  à 
Lotphi,  premier  bassa,  le  vi*'  de  may  fut  osté  l'aneau  ',  et  baillé  à  Suliman 
Bassa  et  faict  premier,  pour  ce  que  ledict  Lolphi  praiicquoit  avecques 
une  sienne  esclave.  De  quoy  se  prenant  garde  sa  femme  ne  a  esté  con- 
tente, et  s'en  voullant  rescentyr  se  misten  parolles  fâcheuses  avecques 
luy;  de  sorte  qu'elle  l'induyst  et  mist  en  telle  collère  qu'il  commença  à 
la  battre  et  tirer  par  les  cheveulx.  Quoy  faict,  ledict  bassan  monta  à 
cheval  pour  aller  à  l'esbat;  et  soubdain  qu'il  fut  party,  elle  monta  en 
ung  chariot  et  alla  au  Grand  Seigneur  ainsi  mal  traictée  ^  Le  sabmedy 
d"aprez,  ledict  Lotphy,  entrant  avecques  les  aultres  bassalz  selon 
l'usance,  fut  retenu  del  capiaga  \  et  les  deux  aultres  bassatz  allèrent 
donner  audience  et  demeura  ledict  Lotphy  avecques  ledict  capiaga  une 
heure,  puys  se  vint  asseoir  avecques  les  aultres,  et  finye  la  Porte  *  s'est 
retiré  en  sa  maison.  Le  Grant  Seigneur  avoyt  vouUu  donner  à  Solyman 
Monucho  le  lieu  de  premier  bassan;  mais  il  a  fait  semblant  de  s'en 
déporter,  pour  aultant,  ainsi  que  Ton  veult  dire,  qu'il  entendoyt  bien 
que  incontinant  qu'il  seroy  party  pour  aller  contre  le  Sophy  où  il  a 
esté  esleu,  on  y  mettroyt  Roustan,  bassa  et  gendre  dudict  Grant  Sei- 
gneur. Et  oultre  ce,  dit  que  la  soultane  a  très  maulvaise  voullenté 
contre  ledict  Lotphi,  pour  ce  que  Sultan  Mustafa  ^  se  faisoyt  chef  dudict 
Lotphi  afin  qu'il  ne  fust  osté  du  lieu  où  il  se  tenoyt;  et  mesmement  se 
remuant  dudict  lieu  luy  avoyt  faict  accroistre  son  estât  de  six  mil 
ducatz.  Barberousse  ne  a  failly  de  alléguer  choses  en  sa  disfaveur, 
disant  que  les  lieux  d'Affriche  ^  se  sont  perdus,  pour  ce  que  ledict  Lotphi 
n"a  voullu  qu'il  soyt  sorty  hors  avecques  l'armée;  et  qu'Algier  est  en 
grant  péril  de  se  perdre.  Et  se  dict  davanlaige  que  le  Grant  Seigneur 
■se  contente  mal  de  ce  que  ledict  Lotphi  l'a  dissuadé  de  non  aller  en 
Hongrye;  néantmoings  la  privation  dudict  Lotphi  universellement  des- 
plaist  à  tous,  et  en  espécial  à  Janus  Bey.  1/on  estime  pourtant  que 
•c'est  beaulcoup  que  la  teste  luy  soyt  demeurée  sur  les  espauUes  : 
laquelle  chose  aulcuns  tenoyent  à  bon  signe,  espérant  qu'il  seroyt 
remys.  Ce  néantmoings  semble  fort  difficile,  attendu  que  c'estoyt  la 

1.  Signe  du  graml-vizirat. 

2.  Les  historiens  turcs  font  un  récit  quelque  peu  dilTérent  de  cette  scène.  D'après 
•eux,  le  grand  vizir,  qui  afTectait  le  plus  grand  mépris  des  femmes,  aurait  fait  cruel- 
lement mutiler  à  coups  de  rasoir  une  esclave  de  harem  dont  l'infidélité  avait  été 
surprise.  Sa  femme  lui  ayant  alors  vivement  reproché  cette  lâche  barbarie,  Lutfi, 
hors  de  lui,  s'empara  d'une  masse  d'armes  et  se  précipita  sur  elle,  tandis  que  les 
suivantes  et  les  eunuques  de  service,  accourus  aux  cris  de  la  princesse,  repoussaient 
l'agresseur  et  le  chassaient  de  l'appartement  (V.  de  Hammcr,  t.  Y-  p.  333). 

3.  Le  kapiaga  ou  kapouuga,  grand-maitre  de  la  cour  ottomane. 

4.  A  l'issue  du  conseil. 

5.  Mustafa,  le  cinquième  fils  de  Suleyman. 

6.  Les  lieux  d'Afrique,  les  possessions  barbaresques. 


330  AMBASSADE   DE  [jUIN    1541J 

seconde  foiz  qu'il  eu  ;i  esté  prive.  Et  combien  que  le  Granl  Seigneur 
eusl  fiiict  son  desaing  daller  à  renlicprinse  de  Hongiye  pour  toute 
l'aultre  lune,  il  ne  se  partira  à  causi-  de  la  grant  charte,  car  ne  se  trouve 
es  pays  <le  la  liungrye  k  manger.  Il  ne  s'en  entend  de  là  aultre,  sauf 
que  les  Turcqs  y  laisoyent  force  escarmouches;  et  escript  aussi  ledict 
messire  Vincen/.o  avoir  entendu  de  Amon,  juyf,  que  en  ung  momment 
sortiroyt  hors  une  grosse  armée,  et  que  elle  esloyl  toute  en  poinct,  bien 
qu'on  ne  veisl  granl  démonslralidn  d'ajjpareil.  Le  Juyf  sorloyt  hors 
avecques  six  gallères,  et  «i  ce  ne  le  pourroyl  empescher  ledict  Barbe- 
rousse.  Moral  Aga,  vice-roy  d'.Mgier  *,  esloyl  venu  dudicl  pays,  duquel 
avoyl  esté  oslé  deux  galléolles,  comme  il  dicl,  de  ung  cavatlrlio^hiinny 
de  Venize  qui  est  avecques  les  gens  de  l'empereur,  bien  que  audict 
Conslautinople  se  disoyt  que  c'estoyenl  les  gens  des  Véniciens.  Suliman, 
bassan,  se  debvoyt  parlyr  dedans  quinze  jours.  Dict  de  rechef  et  con- 
firme que  Uoslan  demcureroyl  premier  bassan,  el  que  le  Granl  Seigneur 
cerlainemenl  ira  en  Ilongrye  et  passera  jusques  à  Vienne,  el  se  fera 
roy  de  Hongrye,  et  que  tout  se  met  en  ordre,  ne  luy  semblant  plus  y 
avoir  aulcun  double.  Le  capiaga  depuys  a  demandé  audict  Lotphi  s'il 
se  voulloyt  séparer  de  sa  femme,  lequel  a  respondu  que  non;  et  se  dict 
que  s'il  eusl  dict  de  oy,  luy  eust  cousté  la  teste.  11  se  démonstre  moult 
constant. 

«  Sire,  j'ay  aussi  receu  une  aultre  lettre  par  la  voye  de  Tassin  de 
laquelle,  pour  cstre  mal  escripte  et  qu'on  m'a  faict  très  grande  instance 
de  dessirer*  incontinant  l'original,  pour  le  grant  dangier  auquel  pour- 
royl estre  ledict  personnaige  si  elle  venoyt  à  tumber  par  disgrâce  par 
les  chemyns  ou  aullrcment  en  quelques  mains  qui  congneussent  l'es- 
criplure,  m'a  semblé  vous  en  debvoir  envoyer  ung  double  de  mot  à 
mot;  et  par  icelle  V.  M.  pourra  vcoir  les  desaings  et  bonne  voullenté 
de  ceulx  y  nommez.  Outre  laquelle  vous  diray  cez  Seigneurs  avoir  esté 
adverliz  que  le  duc  de  Savoye  %  ayant  faict  pryer  à  grant  instance  les 
seigneurs  eslecleurs  de  lEmpire  de  prendre  sa  deffense  de  la  cause  et 
droict  qu'il  prétend  enladicte  duché  de  Savoye  contre  V.  M.,  a  esté  par 
eulx  refusée;  el  que  ledict  empereur  estoyt  fort  sollicité  de  la  royne 
Marie  *  de  s'en  retourner  en  Flandres.  Et  se  faisoyent  là  plusieurs  dis- 
cours, entre  lesquelz  disoyent  qu'il  estoyt  beaulcoup  plus  d'honneur 
audict  empereur  se  absenter,  ne  povanl  donner  aultre  secours  au  roy 

1.  Sinan  Djoiifoud,  dit  le  Jiideo. 

2.  Mourad-Aga,  lieutenant  de  Kheïr-ed-Din  Barbcrousse  et  vice-roi  d'.Vlger;  il  fut 
nommé  t-'Ouverneiir  de  Tripoli  en  1553  (V.  de  Haiiimer,  t.  YI,  p.  183). 

3.  Les  expressions  cuvallelto,  cavallino,  sii-'iiitienl  liltéralement  «  petit  cheval  », 
•  poulain  »,  el  désignent,  au  figuré,  un  jeune  débauché. 

4.  Déchirer. 

5.  Charles  III. 

0.  Marie  d'Autriche,  sœur  de  Charles-Quint  et  chargée  du  gouvernement  des 
Pavs-Bas. 


[juin    1541]  GUILLAUME    PELLICIER  33i 

des  Rommains  que  cinquante  mil  ducatz;  car,  advenant  que  les  choses 
n'allassent  bien  n'y  estant  sa  présence,  ou  pourroyt  excuser  que  cepen- 
dant qu'il  y  a  esté  n'y  estoyt  survenu  que  bien,  et  par  cez  belles  cou- 
vertes conserver  sa  réputation.  Et  si  ay  entendu  que  sondict  voyaige  en 
Flandres  estoyt  pour  conlrepoyser  aux  desaings  du  duc  de  Clèves. 

«  Sire,  cez  Seigneurs  ont  aussi  eu  lettres  de  bien  bon  lieu  comme 
ledict  empereur  leur  voulloyt  mouvoir  guerre  du  couslé  d'Allemaigne 
et  de  Millau,  et  que  de  ce  avoyt  esté  escript  par  domp  Lopes  de  Souria* 
au  marquis  du  Guast,  et  que  ledict  empereur  avoyt  faicte  ceste  deslibé- 
ration depuys  l'arrivée  vers  luy  d'ung  personnaige  qu'il  avoyt  envoyé 
en  Constantinoplc;  lequel  personnaige,  soubdain  qu'il  eust  parlé  à  luy, 
renvoya  audict  Gonslantinople  sans  le  laisser  parler  à  aultre  personne 
du  monde.  Et  se  dict  que  ne  passera  pas  beaulcoup  de  jours  que  à  cez 
fins  ledict  empereur  mettra  aux  conlins  de  cez  Seigneurs  de  six  à  huict 
mil  hommes  de  pied,  et  que  tout  ce  que  dessus  on  entendoyt  de  la 
court  de  l'empereur  et  de  Millan  par  grans  personnaiges. 

«  Sire,  j'ay  escript  à  V.  M.  tout  ce  que  l'on  avoyt  entendu  de  Hon- 
grye;  dont  à  présent  ne  vous  en  puys  dire  aultre  sinon  que  par  lettres 
de  Vienne  l'on  entend  le  roy  Ferdinando  cstre  fort  travaillé  et  fâché, 
pour  avoir  esté  adverty  que  le  xxiiii''  may  avoyt  esté  donné  ung  aultre 
assault  à  Bude,  mais  que  ceulx  de  dedans  s'estoyent  deffcnduz  gail- 
lardement, et  rabbatu  ceulx  de  dehors  avecques  grande  occision 
d'iceulx.  Lesquelz  avoyent  trouvé  que  dedans  s'estoyent  très  bien  rem- 
parez  et  qu'ilz  estoyentfourniz  de  municions  et  artillerye,  et  ne  avoyent 
faulte  seulement  que  d'eaue  et  de  chair;  de  sorte  que  l'on  estime  que 
pour  toutes  cez  choses,  et  aussi  pour  avoir  entendu  que  dix  mil  che- 
vaulx  turcqs  estoyent  jà  dès  lors  arrivez  à  Bellegrade,  et  que  l'exercite 
chemynoyt  avant  à  grant  haste,  le  camp  dudict  roy  Ferdinando  se  sera 
levé  de  devant  Bude  sans  rien  faire.  Et  faict  bien  à  ce  propoz  ce  que  a 
esté  escript  par  lettres  de  Millau  du  xiiF  de  ce  moy  à  cez  Seigneurs, 
c'est  qu'il  failloyt  que  ledict  roy  ne  pençast  plus  au  moyen  d'olFendre 
ses  ennemys,  mais  de  se  deffendre;  et  encores  y  auroyt-il  bien  affaire, 
pour  (selon  que  l'on  entend)  estre  l'exercite  du  Grant  Seigneur  qui 
vient  en  cez  bandes  là  si  puissant  et  prochain.  Icelluy  roy  estoyt  allé 
en  toute  dilligence  en  la  Moravia  faire  diette  où  avoyt  demeuré  huict 
jours  tant  à  aller  que  à  retourner  :  en  laquelle  avoyt  demandé  secours, 
sur  quoy  on  luy  avoyt  respondu  de  luy  donner  x™  hommes  de  pyed  et 
de  cinq  cents  chevaulx;  mais,  y  voullant  aller  en  personne,  qu'ilz 
yroyent  tous,  laissant  seullement  à  leurs  maisons  les  personnes  inutilles. 
Et  que  ledict  roy  voulloyt  aller  faire  une  aultre  diette  en  Slesia  ^ 

«  Sire,  encores  que  Y.  M.  pourra  avoir  entendu  d'aultre  part  comme 


1.  Don  Lopez  de  Soria. 

2.  Silésie. 


332  AMBASSADE   DE  [jUIN    l'i41j 

le  duc  do  Florence  '  foi-liffye  Pise  en  toute  dilligonce,  ce  néantmoings 
nay  voullu  obmetlre  à  vousadvertyr  de  ce  que  Ion  en  a  icy.  C'est  qu'il 
a  laict  desnioullyr  et  getter  par  terre  la  citadelle  vieille  et  départye  en 
deux  pars  la  nouvelK-.  et  laict  deux  balUjuard/.  *,  et  l'airt  eslargyr  la 
fosse  '  de  ladicte  terre  de  cinquante  brasses,  ayant  désigné  de  faire 
aller  le  Hume  *  de  Arno  autour  d'icelle,  advenant  qu'il  fût  de  besoing. 
Et  a  quatre  mil  personnes  qui  incessennnenl  travaillent  à  cest  affaire, 
et  s'entend  que  le  semblable  faict-il  faire  à  Pistoye,  Arrez/o  et  Vol- 
terra.  » 

Vol.  2,  f»  181  V",  copie  du  xvr  siècle;  3  pp.  1/2  in-f». 

l'EIXlCIEH    A   M.    D'ANNEUAI'LT. 

220.  —  [Vfnise],  20  juin  1541 .  —  «  ....  Par  lettres  d'Angleterre  du 
xxr  may  ce/.  Seigneurs  ont  esté  advertys  que  le  roy  de  là  avoyt  mandé 
à  ses  contins  du  couslé  de  la  France  faire  entendre  h  tous  ses  subgectz 
que  pour  tant  qu'il/,  avoyent  à  cher  sa  grâce  ilz  voulsissent  pratiquer 
et  voysiner  amyablement  avecques  ceulx  du  roy,  et  qu'il  avoyt  mandé 
ung  sieu  gentilhomme  vers  S.  M.  et  escript,  luy  faisant  entendre  ce 
que  dessus,  et  oultre  qu'il  luy  voulloyt  estre  amy  et  frère,  comme  il 
avoyt  tousjours  esté,  nouvelle  qui  a  de  tout  mys  hors  ceulx  qui  povoyent 
estre  entrez  en  quelque  suspicion  et  double  du  contraire,  pour  les 
propo/  mys  avant  par  les  Impériaulx  que  ledict  roy  d'Angleterre  s'estoyt 
grandement  eslongné  de  l'amytié  qu'il  porloyt  à  S.  M.,  et  qu'il  y  avoyt 
telle  pralicque  entre  l'empereur  et  luy  qui  le  feroyt  du  tout  désister  de 
ladicte  amytié,  et  plusieurs  aultres  propoz.  Desquelz  lesdictz  Impériaulx 
ne  falloyent  à  essayer  d'en  faire  leur  proffict,  et  que  ledict  empereur 
mandoyt  ung  personnaige  vers  le  roy  d'Angleterre  pour  conclure  quel- 
ques menées  secrettes  qu'ilz  ont  ensemble,  ainsi  que  ledict  empereur 
mesmes  a  dicl  et  divulgué.  Et  veullent  interpréter  lesdictz  Impériaulx, 
entre  aullres  choses,  la  principalle  estre  pour  le  maryaige  entre  ledict 
empereur  et  la  iille  d'Angleterre;  et  que  pour  cest  efïect  se  retiroyt  en 
Flandre,  et  aussi  pour  se  préparer  et  donner  ordre  à  dresser  guerre 
contre  le  duc  de  Clèves,  et  establyr  et  asseurer  les  choses  de  ce  pays 
là,  n'ayant  pu  rien  faire  à  ceste  dietle  selon  ses  desaings,  ainsi  que 
pourrez  avoir  entendu  plus  tost  que  de  ce  cousté  :  qui  me  gardera 
vous  en  faire  plus  long  pro]>oz. 

<(  Monseigneur,  Tassin  de  Luna  m'a  adverty  qu'il  se  faisoyt  quelque 
nombre  de  lansquenetz  au  conté  de  Tirol  et  à  Esproch  ^,  où  Tassin 

1.  Cosimo  (loi  Meilicis. 

•1.  Boulevards,  c'esl-à-diro  rciiiparls,  bastions  ou  courtines. 

3.  Le  fossé  des  remparts. 

4.  Fleuve,  du  lat.  (lumen. 

a.  Innsbriick,  capitale  du  Tjrol. 


[JHIN    1541]  GUILLAUME    PELLICIER  333 

avoyt  mandé  ung  homme  cxprez  aiïin  de  sçavoir  quel  nombre  on  en 
levoj  t  et  quelle  part  on  les  voulloyt  mander.  Je  luy  ay  escript  qu'il  feisl 
toute  dilIiKencc  de  sçavoir  la  vérité  du  tout,  et  que  soubdainenient  me 
la  feist  entendre.  De  quoy  ne  fauldray  aussi  à  vous  en  advertyr...  » 

La  lettre  se  termine  par  une  nouvelle  demande  de  subsides  que 
Pellicier  prie  son  correspondant  d'appuyer  auprès  du  roi. 

Vol.  -,  i"  18:],  copie  du  xvi''  siècle;  i  p.  l/i!  iii-f°, 

l'ELMCIER   A    M.    DE   LANGEV. 

221.  —  {Venise]^  20  juin  1541.  —  «  Monsieur,  j'espéroys  vous 
envoyer  ma  dernière  dépesche  du  xiiii'^  de  ce  moys  par  ung  qui  se  fai- 
soyt  appeller  M.  de  la  Magdalaine,  mais  quant  il  fut  sur  le  poinct  de 
partyr,  et  que  jà  avions  prins  congé  l'ung  de  l'aultre,  il  me  va  demander 
deux  hommes  pour  le  conduyre,  chose  que  je  trouve  fort  estrange, 
attendu  que,  auparavant  plus  de  trois  jours,  luy  avoys  offert  ung  de  mes 
gens  pour  l'accompaigner  jusques  à  Thurin,  pour  m'avoir  dict  avoir 
aultrefoiz  esté  à  vous,  combien  qu'il  n'eust  aulcunes  lettres  de  la  court 
ne  aultre  enseigne,  ne  pareillement  des  aultres  lieux  où  il  disoyt  avoir 
esté  mandé;  —  mais  ne  l'avoyt  voullu  accepter,  me  disant  qu'il  n'en 
avoyt  poinct  de  besoing.  Dont,  le  voyant  ainsi  variable,  et  que  depuys 
me  va  encores  demander  argent  pour  faire  le  voyaige,  je  euz  suspicion 
incontinant  qu'il  n'esloyt  tel  ne  venoyt  des  lieux  qu'il  disoyt,  me  le 
confirmant  une  lettre  de  M.  l'arcevesque  de  Raguse,  qui  dict  que  il 
estime  plus  tost  estre  une  espye  que  aultrement,  attendu  qu'il  luy 
avoyt  dict  avant  que  partyr  de  Raguse  qu'il  passeroyt  par  cy  sans  se 
déclairer  à  moy  :  ce  qu'il  eust  faict,  s'il  n'eust  esté  rencontré  d'aven- 
ture par  quelques  ungs  de  mes  gens.  Par  quoy  j'ay  esté  très  contant  de 
ne  luy  avoir  baillé  mondict  pacquet,  lequel  vous  envoyé  avecques  ung 
aultre  que  j'ay  faict  depuys  au  roy,  que  je  vous  prye  faire  tenyr  en 
toute  dilligence....  » 

Mêmes  nouvelles  de  Levant  et  d'Allemagne  que  dans  les  précédentes 
lettres  au  roi  et  à  d'Annebault. 

Vol.  2,  f°  184,  copie  du  xvi'^  siècle;  1  p.  in  f°. 

PELLICIER   AU   COMTE   DE   LA   MIRANDOLE. 

222.  —  Venise,  20  juin  1541 .  —  «  lUustrissimo  et  Excellenlis- 
simo  Signor,  per  la  lettera  de  V.  Ill  *  S.,  che  mi  ha  portato  il  man- 
dato  suo,  ho  presa  grandissima  consolatione  et  contentcza,  si  perhaver 
inteso  ch'ella  era  tornata  in  Italia,  si  ancora  per  essermi  certifïicato 
che  le  cose  sue  de  la  corte  procedano  tanto  bene,  che  di  giorno  in 
giorno  si  vede  accrescendo  la  existimation,  et  dignità  sua,  si  come  la 


334  AMDASSAItE    1>E  I^JLIN    lu4l] 

fede,  cl  valor  siio  dej^namontc  nirrita  apresso  S.  M".  Il  perche  non 
poco  mi  son  rallc^ralo,  cl  suMlo  iciunlo  il  };oiilillioino  suo,  con  un  di 
niii'i  lo  mandai  al  signor  Pcln»  Slro/./.i,  il  qualc  s'c  cxliihilo  moll<> 
prontamenlc  di  far  la  provision  (tgni  voila,  chcgli  sarà  ricliiesto,  per- 
ch'csscndo  lanlo  afTcclionalo  à  S.  M'",  non  p6  mancar  ili  non  esscr 
prcslo  c  aparechialo  ad  oj^ni  minimo  scnno  clic  gli  sarà  faite  ove  vadn 
il  comodo,  cl  la  ulililà  di  Ici.  Rcsla  donquc  à  V»  111""  S"  di  far  quanlo 
giudicarà  dcvcr  farsi,  nclla  quai  cosa  dcsidero,  che  ollre  alla  inslrul- 
lion  di  S.  M"  clla  mi  faccia  inlcndcr  il  j)ar<'r  suo  sopra  ccrli  arlicoli 
che  le  niando,  per  vcdcr  l'ordine  chc  si  devc  It'iicr  in  ciaschcduna 
cosa;  cl  di  (jucslo  ne  priego  caldamcnlc  V»  111"' S'\  laquai  seràconlenla 
particularmenle  se  io  posso  operar  cosa  che  le  sia  agrado  prevalersi 
et  servirsi  di  me,  cl  di  quanlo  che  ho  al  mondo,  che  tutto  è  al  piacer 
et  commandamcnlo  suo,  et  ove  ella  ne  vorrà  far  la  espericnlia,  cognos- 
ccrà  in  elîello  csser  anchora  molto  più  di  quel  che  io  li  proferisco, 
con  lutta  la  efficacia  del  cor  mio... 

«  [)i  y  en  e  lia. 

«  Articoli.  —  Prima  desidero  intender  circa  il  grano  vechio  l'ordine 
che  si  deve  lener,  et  a  chi,  et  quai  numéro  puô  essere,  et  quando  et 
in  che  modo,  et  per  chi,  et  in  che  luoghi  si  ha  da  vendere,  et  con  che 
pretio  si  debba  riscallar,  cio  è  aquel  prelio  che  fu  comparalo,  ô  aquel 
che  val  adesso. 

«  Del  numéro  de  i  grani  novi,  che  si  ha  da  comprar  et  quante  et 
quali  persone  debbansi  mandar  a  tal  negotio,  si  come  me  ha  scrilto 

S.  M". 

«  Si  sarà  di  bisogno  impicgar  parle  di  questa  summa  présente  di 
danari,  che  ha  commission  il  signor  Pielro  Slrozzi  di  sborzar  in  allre 
cose  necessarie,  come  vettovaglie  et  municion,  et  in  che  specie,  et 
quanlilà  sopra  queslo.  » 

Vol.  2,  f"  184  v%  copie  du  xvi"  siècle;  1  p.  in-f". 

l'ELLIClER   AU  DUC   DE   FERRARE. 

223.  —  [V^enise],  22  juin  1541.  —  Pellicier  lui  envoie  son  secré- 
taire pour  l'informer  de  nouvelles  importantes  le  concernant,  lui  et  son 
État. 

Vol.  2,  fo  185,  copie  du  wx"  siècle;  l/.'}  p.  in-fo. 

PEI.I.ICIEH    A    LA   DUCHESSE   DE   FERRARE. 

224.  —  [FeAîise],  22  juin  1 54i .  —  «  Madame..,  j'estime  que  aurez 
bien  entendu  la  conclusion  du  maryaige  de  madame  la  princesse  de 


[JDIN   1541]  GUILLAUME   PELLICIER  33S 

Navarre  avecques  monseigneur  le  duc  de  Clèves,  et  comme,  la  grâce  à 
Dieu,  le  roy  et  toute  sa  compagnye  se  retreuve  en  très  bonne  santé. 
Dont  ne  vous  en  diray  aultre,  sinon  que  j'ay  esté  adverty  que  aprez 
les  nopces  faictes  ledict  duc  se  retira  en  son  pays  pour  deux  ans  et 
laissera  ladicte  dame  en  France  •.  L'on  dict  que  l'empereur  est  très  fort 
fâché  de  ceste  alliance,  et  qu'il  s'en  va  en  Flandres  pour  préparer  et 
donner  ordre  à  dresser  guerre  contre  ledict  seigneur  duc,  et  aussi 
pour  veoir  s'il  pourra  rien  faire  avecques  le  roy  d'Angleterre,  le  voul- 
lant  esmouvoir  contre  le  roy.  Mais,  à  ce  que  l'on  a  entendu  icy  de  bien 
bon  lieu,  icelluy  roy  d'Angleterre  a  faict  entendre  à  tous  ses  subgeclz 
qui  sont  aux  confins  de  France  que,  sur  tant  ([u'ilz  ayment  et  ont  à  cher 
sa  grâce,  qu'ilz  voulsissent  practiquer  et  voisiner  amyablcment  avec- 
ques ceulx  du  roy...  *  » 

Pour  les  nouvelles  d'Allemaigne,  «  il  y  a  plus  grant  discord  entre 
les  catholicqueset  protestans  que  jamais,  et  se  presche  publicquement 
à  la  luthériane  en  la  présence  dudict  empereur.  Quant  aux  choses  de 
Hongrye,  les  affaires  du  roy  Ferdinando  n'y  sont  guère  bien,  et  estime 
l'on  que  de  présent  le  camp  est  levé  de  devant  Bude  où  avoyent  donné 
deux  assaullz;  mais  ilz  ont  esté  repoulsez,  de  sorte  que  au  dernier, 
ainsi  que  on  dict,  y  en  demeura  bien  de  ses  gens  environ  huict  cens 
hommes.  Et  ont  trouvé  que  ceulx  dedans  s'estoyent  très  bien  rem- 
parez  et  avoyent  assez  victuailles,  excepté  d'eaue  et  de  chairs.  Et  jà  à 
Bellegrade  estoyent  arrivez  dix  mil  chevaulx  turcqs,  de  sorte  que  l'on 
entend  qu'il  fauldra  que  ledict  roy  attende  et  pourveoye  plus  tost  à  se 
defFendre  que  à  ofTendre  ses  ennemys...  » 

Vol.  2,  f  185,  copie  du  xyi^  siècle;  1  p.  1/2  in-f". 


PELLICIER   A   M.    DE  RODEZ. 

225.  —  [Venise],  25  juin  1 54 1 .  —  Pellicier  donne  à  l'évêque  les 
nouvelles  du  siège  de  Bude  qui  sont  contenues  dans  la  lettre  au  roi, 
en  date  du  20. 


Vol.  2,  f°  185  vo,  copie  du  wi^  siècle;  1/3  p.  in-f<>. 


1.  On  peut  lire,  dans  la  Crordque  du  roy  François  /",  éditée  par  G.  GuifTrey, 
pp.  363-.3s:i,  et  dans  De  Ruble,  Le  tnariage  de  Jeanne  d'Albret,  pp.  110  à  127,  les 
curieuses  péripéties  des  négociations  et  les  détails  circonstanciés  des  fêtes  qui 
furent  données  à  l'occasion  de  ce  mariage  tout  politique,  célébré  à  Chàtellerault, 
le  14  juin  1541,  avec  une  grande  pompe,  mais  qui  ne  devait  jamais  être  consommé. 
Du  9  au  19  juin,  jeux,  tournois,  bals,  banquets,  spectacles  scéniques  se  succé- 
dèrent sans  relâche.  Le  20,  le  duc  Guillaume  de  Clèves  prenait  congé  de  la  cour 
pour  s'en  retourner  en  Allemagne. 

2.  V.  la  lettre  à  d'Annebault,  du  20  juin. 


330 


AMBASSADE   DE  [JUILLET    1541J 


l'ELLICIEIl   AU   MEME. 

226.  — (  r»'/j /.«■],  2  juillri  I ')  1 1 .  —  (.  Monsieur,  tant  pour  n'eslre 
ailvcrlv  à  racouslumée  ung  jour  de  sabuiedy  que  l'un  dépeschuyl  à 
lloine  (jue  pour  li'S  occupations  que  je  euz  iedicl  jour,  et  encores  plus 
pour  ne  avoir  aulcune  matièrt;  niérittant  vous  faire  S(;avoir,  il  me 
sembla  et  sembleront  tousjours  le  non  escripre  estre  aultant  proffilable 
et  moings  ennuyeulx  (jue  d'escripre  sans  propo/  ne  chose  daulcune 
importance  ne  conséquence,  comme  pourroyt  avoir  esté  laict  à  moy 
par  une  du  .xxv"  du  passé;  et  faull  que  vous  entende/,  Monsieur,  que 
quant  je  n'ay  nouvelles  d'aulcun  moment,  je  ne  pence  point  que  soyez 
d'adviz  que  je  en  doibve  estre  forgeur.  S'il  vous  semble  que  en  mon 
endroict  ne  vous  soyt  faict  le  debvoir,  je  ne  retruse  point  qu'il  ne  soyt 
veu  et  congneu  de  ce  par  celluy  quil  vous  plaira  et  fustil  bien  S.  M.; 
car  je  ne  me  fye  que,  par  voz  lettres  et  les  miennes,  on  pourra  con- 
gnoistre  qui  la  mieulx  faict  de  noz  deux.  Or,  mettant  tous  ces  propoz 
arrière,  je  vous  diray  comme  j'ay  receu  lettres  de  messire  Vincenzo 
Maggio  du  xxviiF  de  may,  avecques  aultres  pour  vous  que  vous  envoyé 
présentement;  dont,  me  remectant  à  icelles,  m'attendant  qu'il  n'aura 
failly  vous  faire  sçavoir  les  semblables  nouvelles  qu'il  a  faict  à  moy, 
me  sembleroyt  chose  superflue  de  vous  en  faire  aulcune  répéticion. 
Tant  seuUement  vous  diray  qu'il  me  confirme  pour  tout  certain  l'allée 
du  Granl  Seigneur  à  Bude,  et  que  Suliman  Bassan  se  debvoyt  partyr 
le  xxm''  dudict  moys  de  may  pour  aller  vers  le  Sophi.  J'ay  eu  nouvelles 
de  plusieurs  coustez  que  tous  les  Ilalliens  et  Espaignolz  qui  estoyent 
au  camp  du  roy  Ferdinando  davant  Bude  y  sont  demeurez  mors  ou 
prisonniers,  et  environ  de  quatre  à  cinq  mil  Tudcsques  taillez  en 
pièces,  et  tout  le  demeurant  du  camp  en  rompture.  Qui  est  tout  ce  que 
aurez  de  moy  pour  ceste  heure,  sinon  mes  recommandations  à  vostre 
bonne  grâce...  » 

Vol.  2,  r-^  189  ',  copie  du  xvi-^  siècle;  3/i  p.  in-f». 


PELLICIER   A   VINCENZO   MAGGIO. 

227.  —  [Venise],  4  juillet  1 54 1 .  —  «  Magnifico  Signor,  dopo  le  mie 
ultime  scrilte  a  V.  S.  del  xix  del  passato,  ho  ricepute  lo  sue  del  xxviii 
maggio;  le  quale  per  haver  inteso  che'l  signor  Rincone  era  partito  de 
la  corte,  per  tornarsene  in  qua,  come  lui  me  ha  scritto,  et  che  vede- 
rette  per  le  sue  leltere  che  vi  mando  al  présente,  et  ancora  facendo 
quello  me  havete  scritto,  io  le  ho  desciffrate  et  scritto  a  S.  M"  Cris- 

1.  Les  trois  folios  précédents  ont  été  laissés  en  blanc 


[juillet    1o41]  GUILLAUME    PELLICIER  337 

tianissima  tutto  qiiello  clic  mi  ha  parso  essore  à  proposito;  del  che  io 
credo  ch'ella  ne  haverà  grandissima  satisfatlionc,  et  le  leltcrc  ho  rite- 
nute  apresso  di  me,  per  darli  nelle  mane  quando  sarà  arrivalo  qua 
che  sarà,  presto,  piacendo  a  Dio.  Non  che  io  sia  certe  precisamente  del 
giorno  che  deverà  arrivare  qua,  ma  si  ben  che'l  non  puol  lardare  tropo; 
perche  quelle  ch'era  andato  con  lui  in  Franza,  cioè  il  signor  Cezar' 
Fregoso  ritorna  con  lui  et  ha  scritto  essere  presto  qua;  di  modo  clie 
io  l'aspelto  de  giorno  in  giorno.  Io  vi  ho  scrillo  il  matrimonio  de  la 
princessa  nostra  di  Navarra  con  il  duca  di  Cleves;  adesso  li  dirù  come 
per  cerlo  è  fornito,  et  non  resta  sinon  consommarlo,  quello  che  non 
se  puol  per  la  gioventù  de  la  moglie.  Et  Sua  Excellenza  se  n'è  ritor- 
nato  nel  suo  paese  per  doi  anni,  aspettando  che  ella  cresce,  tanto  con- 
tento  et  ben  satisfatto  di  S.  M",  del  re  et  regina  di  Navarra,  et  di  tutta 
la  corte,  che  non  è  possibile  de  più,  con  animo  grande  da  diffendersi 
molto  ben  dello  imperatore,  se  non  sarà  constretto,  et  ancora  assal- 
tarlo,  se  farà  al  proposito;  et  li  basta  l'animo  farli  de  se  stesso  uno 
anno  de  longo  la  guerra,  et  non  Io  tema  un  qualrino,  si  ben  l'ha  mena- 
ciato  pur  assai.  Se  dice  adesso  che  Timperatore  ha  ripresso  fantasia  da 
ritornar  in  Italia,  con  xii"  lanschenechi  :  cosa  che  io  non  credo  cosi 
presto,  per  non  essere  tropo  certa.  Et  si  fa  fama  che  subito  passera  in 
Espagna,  et  che  lui  stesso  andarà  a  l'impresa  d'Algier,  et  che  per  far 
questa  impresa  ha  già  in  ordine  a  Mallega  '  in  Espagnia  biscotti,  corse- 
letti,  et  parte  de  gallere,  et  altre  velle  conveniente  a  questo  elTetto. 
Quanto  allô  campo  del  re  Ferdinando  in  Ongaria,  io  vi  ho  scritto  come 
era  slato  ributato  con  gran  danno  loro  a  doi  assalti  che  havevano  dato 
in  Buda.  Adesso  ho  inteso  per  piu  vie  ch'è  stato  ancora  assai  più  mal 
trattato  di  quello  se  diceva,  et  che  tutti  Italiani  et  Spagnoli  che  erano 
in  quello  sono  stati  6  presi  6  morti,  et  tagliati  in  pezzi  da  quattro  à 
cinque  mille  Tudeschi,  di  modo  che  si  è  levato  con  grandissimo  danno. 
«  Io  ho  visto  quello  havete  scritto  del  Giudeo.  Io  vi  dico  da  novo  che 
dopo  che  vi  ho  scritto,  ho  ancora  riceputo  lettere  di  un  grandissimo 
servitor  di  S.  M'^  in  Allamagna,  per  le  quale  se  vede  il  Giudeo  haver 
advertitol'imperatore  quasi  in  confirmacion  del  tutto  quello  m'  bavette 
scritto.  Et  primo  come  il  Gran  Signor  andarà  in  persona  in  Ongaria 
con  un  numéro  de  gente  a  cavallo  et  a  piede,  et  artiglaria,  guastadori  * 
et  monition  de  ogni  sorte;  et  scrive  a  l'imperatore  il  numéro  di  ogni 
cosa,  et  che'l  Gran  Signor  se  invernarà  in  Ongaria,  et  intorno,  et  moite 
altre  cose  che  mi  fanno  credere  certissimamente  che  l'imperatore  è 
advertito  di  coteste  bande  molto  bene.  Io  non  dico  che  sia  da  Mose  ne 
del  suo  compagno,  ne  che  sia  mascolo  6  femina,  ma  tutte  le  lettere 

1.  Malaga. 

2.  Guastadori,  pionniers,  sapeurs,  employés  pour  les  ouvrages  de  génie.  On  réqui- 
sitionnait le  plus  souvent,  sur  place,  des  gens  du  pays  pour  l'exécution  de  ces 
travaux. 

Venise.  —  1540-1542.  22 


338  AMBASSADE    DE  'JUILLET    ir)4l] 

accusano  il  (jiuileo*;  vol  haverelle  l'ocliio  aperlo  in  quosto,  si  como  mi 
togno  ccrto  por  la  voslra  sufficicnlia,  et  di  quello  clie  ne  intenderô,  vi 
ne  adverlirô  alla  giornalo  et  de  o}?ni  altre  cose  che  cognoscero  essere  a 
l'utile  et  honore  di  S.  M"  Crislianissima,  pregandovi  far  il  simile, 
fome  havele  fatlo  lin  che  alhora,  del  the  vi  ne  ringralio  aneltionatis- 
simamenle... 

«  Dopo  haver  scrillo  la  présente,  è  venula  nova  rome  il  re  Ferdi- 
nando  era  andato  a  Ralisbona,  et  <he  se  era  discoperto  un  Irallato  che 
se  fait'va  de  dare  una  porta  de  Buda  à  la  gente  del  detto  rc,  per  un 
capilanin  di  dentro,  il  quah;  Irallato  è  slato  scoperto  da  un  soldalo 
cridandii  alla  voce  :  «  Tradimentol  »  et  cosi  gli  allri  soldali  di  dentro 
sallonio  suso  quelli  di  quello  capitaneo  tradilor,  et  ne  amazzorno  pur 
assai;  tanien  lui  ussi  la  porta,  et  scampô  in  Campo  del  re  Ferdinando, 
cl  cosi  H  ciladini  de  la  terra  che  erano  a  quella  porta,  essendo  di 
quello  consentimenlo  furorno  tagliali  a  pezzi,  et  la  gente  de  Ferdi- 
nando rihulala  et  mollo  mal  Irallala.  » 


Vol.  2,  P  189,  copie  du  xvi®  siècle;  1  p.  1/2  in-f». 


PELLICIER  A  M.   DE  RAGUSE. 

228. — [Venise],  4 juillet  15  //.  —  «  Per  la  lettera  de  i  xxi  di  giugnio 
che  V.  S.  ullimamenle  mi  ha  mandata,  ho  inteso  quanlo  ella  mi  scrive. 
El  prima  li  dir6  io,  che  non  ho  riceputo  quelle  leltere,  le  quali  scrive 
havermi  per  quel  signori  Inglesi  Jndirizzale  ',  et  forse  che  é  accaduto 
questo,  per  non  esser  eglino  ancora  gionli  qua.  Spero  in  brevi  giorni 
dar  nuova  à  V.  S.  délia  arrivala  in  quesla  terra  del  signor  Rincon,  il 
quai  aspeltiamo  di  giorno  in  giorno.  El  perche  io  so  che'l  signor 
G.  Jacomo^  scrive  piii  a  longo  à  V.  S.  quanlo  aile  nove,  le  quali  da  me 
potria  per  hora  inlendere,  mi  riporto  totalmenle  alla  lettera  sua,  et 
quella  sarà  contenta  usarbuona  diligentiain  dar  ricapito  al  plico  indir- 
rizalo  al  signor  Vincenzo,  mandandolo  per  huomo  a  posta  enconta- 
nenle,  et  a  V,  S.  di  buon  cor  m'oflfero  et  racommendo.  » 

Vol.  2,  f^  100,  copie  du  xv!*^  siècle;  1/3  p.  in-f". 

PELLICIER  AU  ROI  ♦. 

229.  —  [Venise],  4  juillet  1 54 L  —  «  Sire,  par  les  miennes  dernières 

i.  Le  juif  Moïse,  agent  secret  de  la  cour  impériale. 

2.  Sans  (loiile  s'agit-il  ici  des  deux  gentilshommes  anglais  auxquels  Pcllicicr,  lors 
de  leur  précédent  passage  â  Venise,  avait  donné  des  lettres  de  recommandation 
pour  Maggio  à  Constantinople. 

.3.  Jean-Jacques  de  la  Croix. 

4.  •  (^este  dépesche  fut  retenue  jusques  au  vi"  dudicl  moys,  qui  fut  escript  à 
M.  de  Langey,  dont  n'en  fut  faict  niynute.  • 


( 

[juillet   1o41]  GUILLAUME   PELLICIER  339 

du  xx"  du  passé  que  ay  escriptes  à  V.  M.,  luy  ay  faict  sçavoir  toutes  nou- 
velles que  avoys  peu  apprendre  lors,  et  mesmement  ce  que  messire 
Vincenzo  Maggio  m'avoyt  escript.  Et  pareillement,  doublant  que  le 
seigneur  Rincon  ne  fust  party  de  la  court,  et  que  l'alphabet  de  son 
chillre  eust  esté  changé  ou  aultrement,  voyant  ([ue  la  lettre  adressante 
à  luy  estoyt  escripte  en  chiffre,  me  sembla  debvoir  loucher  à  V.  M. 
les  principaux  poinctz  d'icelle,  comme  le  semblable  à  meilleure  raison 
foys-je  à  présent  d'aultres  lettres  que  ay  receues  depuys  dudict  messire 
Vincenzo  escriptes  en  Constantinople  le  xxviiic  may,  d'aultant  qu'il 
m'a  escript  que  si  je  entendoys  quelques  nouvelles  de  son  parlement 
de  la  court,  j'eusse  à  les  deschiffrer,  et  vous  adverlyr  du  contenu,  les 
retenant  icy  pour  bailler  audict  seigneur  Rincon,  pour  ce  qu'il  lui  sera 
nécessité  entendre  quelques  nouvelles  de  ses  affaires  particuUiers  qui 
sont  dedans,  avant  passer  plus  oultre.  Ce  que  ay  faicl,  et,  comme  il 
m'escript,  pour  estre  chose  d'importance,  n'ay  vouUu  dilayer  à  vous 
le  faire  sçavoir.  Principallement  comnrie,  le  xi®  dudict  moys  de  may, 
Nicoletlo,  dragman  dudict  seigneur  Rincon,  renvoyé  en  Constantinople, 
y  estoyt  arrivé;  la  venue  duquel,  comme  escript  ledict  messire  Vin- 
cenzo, fut  fort  agréable  au  Grant  Seigneur  et  à  tous  les  bassatz,  tant 
pour  avoir  receu  de  voz  lettres  que  d'avoir  entendu  l'arrivée  dudict 
seigneur  Rincon  prez  V.  M.,  et  le  vouUoir  que  icelle  a  de  le  remander 
bien  lost  par  delà,  disans  que  ledict  Grant  Seigneur  avoyteu  très  grant 
plaisyr  d'entendre  de  V.  M.,  et  que  l'amytié  d'entre  voz  deux  estoyt 
ferme  et  estable,  et  qu'il  vous  tenoyt  pour  son  bon  frère  et  amy.  Et 
que  de  leur  cousté  faisoyent  ce  que  ung  chascun  povoyt  veoir,  man- 
dant grans  exercites  contre  le  Sophi  et  le  roy  Ferdinando;  et  que  ledict 
Grant  Seigneur  yroyt  luy-mesmes  en  personne  au  royaume  de  Hon- 
grye,  pour  mainctenyr  le  filz  du  feu  roy  Jehan  vayvoda,  faict  roy  par  sa 
libérallité,  et  qu'il  n'entendoyt  pas  seullement  le  deffendre,  mais  luy 
réintégrer  entièrement  tout  ledict  royaulme.  S'attendans  aussi  que 
V.  M.  feroyt  de  son  cousté  ce  qu'elle  verroyt  et  sembleroyt  estre  bon 
et  à  propoz,  suyvant  ce  qu'il  fut  parlé  au  seigneur  Rincon  avant  son 
parlement  poilr  aller  vers  vous.  Et  escript  que  à  l'arrivée  dudict  Nico- 
letlo le  commun  populaire  devinoyt  en  Constantinople  que  le  Grant 
Seigneur  marcheroyl  avecques  l'exercite  et  feroyt  armée  par  mer. 
Laquelle  chose  fesoyl  juger  que  V.  M.  estoyt  jà  à  la  volte  d'Itallye. 
Escript  aussi  le  parlement  dudict  Grant  Seigneur  estre  cryé  le  xxiF  may 
vers  la  Hongrye  pour  le  xx'=  juing,  et  jà  tout  le  monde  se  mettoyl  en 
ordre,  et  que  si  ne  fust  la  grande  charte  des  victuailles  qu'il  y  avoyt 
en  ces  pays  là  de  Hongrye,  il  y  seroyt  jà  y  a  plus  de  deux  moys,  et 
qu'il  avoyt  mandé  troys  gallères  par  mer  Majeur,  aultrement  mer 
Negro  *,  chargées  d'artillerye  et  municions,  pour  conduyre  à  la  bouche 

1.  La  mer  Noire. 


340  AMIJASSADE    DE  'jlU.l.ET    154lJ 

du  Danuhio  ot  par  icu'lliiy  à  liudc  :  cl  qu'il  avoyt  ordonne  que  la  grosse 
artillerve  de  Durasso  '  fui  menée  audicl  Hude.  Kt  se  disoyt  (jue  lodict 
(îranl  Seigneur  irn\l  à  Vienne;  mais  aulcuns  eslinioyent  que  pour 
eslre  la  saison  trop  avant,  qu'il  ne  pourroyt  ce  faire  et  qu'il  feroyl  son 
y  ver  ii  Hellegrade,  pour  y  eslrc  à  la  prime  vère  :  choses  confirmées  par 
lettres  d'Allemaigne,  lesquelles  vous  envoyé  présentement.  Escript 
aussi  que  la  famé  *  estoyt  par  delà  que  ledict  Granl  Seigneur  se  veult 
enjpatrnimvr  dudicl  royaume  de  Hongrye,  chose  que  de  longtemps  par 
deçà  nous  avons  bien  jugé  que  le  roy  Fcrdinando  ne  fauldroyl  luy  en 
donner  lionne  occasion,  et  qu'il  meyne  avecques  luy  deux  de  ses 
enfans  ^  (Juanl  à  l'armée  par  mer,  il  escripl  (jue  pour  lors  se  met- 
troyenl  en  eaue  soixante  gallères,  selon  que  luy  avoyt  dicl  Amon,  Juyf 
médecyn  dudicl  Grant  Seigneur.  Ce  néantmoings  qu'il  ne  s'en  veoyeoyt 
aulcun  indice,  et  toutesfoiz  ledict  Amon  disoyt  estre  véritable  et  le 
tout  estrc  en  ordre;  et  cstre  certain  que  le  Juyf  *  estoyt  dehors 
avecques  dix  gallères  et  le  Corse tlo  avecques  sept  voylles  sans  aultres 
coursaires,  de  sorte  que  feroyent  en  tout  une  armée  de  cent  et  vingt 
gallères.  Et  que  en  la  Natolia,  la  Soria  et  Arabia^  ledict  Grant  Seigneur 
faisoyt  lever  par  toutes  les  maisons  de  ses  subjectz  les  armes  qui 
estoyent  trouvées  dedans,  et  pugnissoyent  ceulx  qui  avoyent  arcque- 
buses,  craignant  l'on  ne  sçayt  quoy.  Le  lundy  xxiii«  may,  Solyman 
Bassan  se  partyt  pour  aller  du  cousté  du  Sophi;  lequel,  comme  on 
disoyt  à  Constantinople,  avoyt  dépopulé  et  subjugué  celle  part  des 
Georgeans  qui  sont  vers  la  mer  Caspio  ^,  et  qu'il  avoyt  faict  faire 
soixante  charrettes  d'artillerye  légière,  soubz  lesquelles  sont  droma- 
daires. Et  se  retrouvoyt  m"  v<=  arquebusiers,  dont  une  partye  estoyent 
janissaires  qui  s'en  estoyent  allez  de  la  Porte  mal  contens,  et  l'aultre 
partye  sont  Portugalloys;  et  se  disoyt  y  en  avoir  deux  mil  à  cheval, 
chose  que  jamais  il  n'avoyt  eue  :  et  disoyt  l'on  audict  Constantinople 
que  ledict  Sophi  avoyt  un  grand  camp.  Salim  Monucho  ^  iroyt  vers 
Tauris  *,  et  ung  aultre  bassan  qui  est  vers  Bagdet  ^  avecques  tous  les 

{.  DinM7.zo,  ville  d'.Mlianie,  à  83  kilom.  de  Prutari,  sur  IWdriatique;  réunie  à  la 
Turquie  sous  Uayeziil  II,  dans  les  premières  années  du  xvr  siècle. 

2.  La  rumeur. 

3.  Suleyman  i)ariil  le  23  juin  de  Constantinople,  pour  ouvrir  en  personne  la  cam- 
pa^rne  de  Honfrrie.  Les  liisloriens  auslro-liongrois  mentionnent  la  i)résence  à  Tarmée 
ollomanc  de  deux  fils  de  Suleyman  :  Bayczid  et  Sélim;  les  historiens  turcs  ne 
parlent  point  du  second  (V.  de  Hammer,  t.  V,  pp.  328  et  335). 

Le  prince  Sélim,  huitième  fils  de  Suleyman,  né  en  1524,  était  alors  âgé  de  dix-sept 
ans.  il  succéda  à  son  père  en  1506,  sous  le  nom  de  Sélim  11,  et  mourut  le  12  dé- 
cembre 15"4. 

4.  Djoufoud  Sinan. 

5.  L'Anatolie,  la  Syrie  et  IWrabie. 

6.  La  mer  Caspienne. 

1.  L'eunuque  Suleyman-Pacha,  le  nouveau  grand-vizir. 

8.  Tauris  ou  Tebriz,  ville  forte  de  la  Perse. 

9.  Bagdad. 


[juillet    1541J  GUILLAUME   PELLICIER  'Mi 

sangiacques  yront  contre  les  gens  dudict  Sophi.  Quant  est  deslivrer 
le  seigneur  Lasclii,  le  Grant  Seigneur  n'en  veult  point  ouyr  parler,  et 
dict  que  ung  jour  ledict  Laschi,  faisant  offre  audict  Grant  Seigneur  de 
faire  faire  paix  avecques  ledict  roy  Ferdinando  et  qu'il  demeureroyt 
son  feudataire  moyennant  qu'il  luy  laissast  Bude  et  plusieurs  aultres 
choses  à  l'advantaige  dudict  Grant  Seigneur,  pour  response  commanda 
que  ledict  Laschi  lust  reserré  plus  estroictement  que  jamais  cl  que 
personne  ne  luy  parlasl  :  ce  que  fut  faict.  Et  là  dessus  discourt  ledict 
messire  Vincenzo  qu'il  n'est  jà  besoing  recommander  ledict  royaulme 
de  Hongrye  audict  Grant  Seigneur,  pour  ce  qu'il  l'a   trop  à  cueur, 
puisque  luy  mesmes  se  meut  en  personne  pour  aller  à  la  deffension 
d'icelluy.  Le  xxi"  may  arriva  ung  varlet  de  chambre  du  roy  Ferdinando 
à  la  Porto  avecques  lettres  adressantes  au  Grant  Seigneur,  desquel 
il  envoyé  ung  double  en  chiffre,  duquel  vous  envoyé  la  coppye;  et  par 
icelles  entre  aultres  choses  il  s'efforce  grandement  placquer  ledict  Grant 
Seigneur  et  luy  remonstrer  et  persuader  debvoir  relâcher  ledict  Laschi  ; 
mais  à  ce  que  escript  ledict  messire  Vincenzo  elles  lui  ont  esté  plus 
nuysibles  que  aydantes,  car,  incontinant  que  ledict  Grant  Seigneur  les 
eust  entendues,  Hz  le  remuarent  (sic)  de  son  logeys  et  le  feirent  res- 
serrer en  ung  lieu  comme  ung  cabaret  apte  à  recepvoir  petitz  passans, 
qui  n'a  que  une  seuUe  porte  et  sera  gardée  que  personne  ne  luy  par- 
lera. Et  luy  a  esté  levé  la  provision  de  huict  cens  aspres  le  jour,  qu'il 
avoyt  à  despendre,  et  luy  en  a  esté  seullement  laissé  cent.  Et  ledict 
chambrier  *   dudict   roy  Ferdinando  a   esté   baillé    en   garde   à  ung 
chaous  ^,  et  se  disoyt  là  que  on  le  remanderoyt  avecques  response 
que  Dieu  seul  sçayt;  toutesfoiy  qu'il  avoyt  entendu  que  elle  seroyt  que 
si  ledict  roy  Ferdinando  voulloyt  mander  ambassadeurs,  que  ledict 
Grant  Seigneur  les  rencontreroyt  par  les  chemyns.  V.  M.  aura  entendu 
le  cas  succédé  à  Lotphi  Bassa;  depuys  il  a  esté  séparé  contre  son  voul- 
loir  d'avecques  sa  femme,  l'ayant  voUu  ainsi  le  Grant  Seigneur,  à  la 
persuasion  de  la  Soultane,  craignant  que  cela  ne  retardast  ou  gardast 
que  son  gendre  Roustan  ne  parvint  au  premier  degré  de  bassan  ^.  Il  a 
eu  congé  s'en  aller  à  la  Mèche  *,  et  sa  femme  luy  a  donné  sa  dotte,  qui 
est  de  la  somme  de  cent  mil  ducatz;  et  luy,  en  contre  eschange,  luy 
a  donné  la  maison  où  il  demeuroyt.  En  laquelle  entrant  sadicte  femme 

1.  Le  gentilhomme  de  la  chambre  de  Ferdinand. 

2.  Chaouch. 

3.  Croate  de  naissance,  Rustem-Pacha  s'était  élevé  successivement  de  page  du 
séraï,  aux  dignités  de  premier  porte-armes,  de  grand-écuyer,  puis  avait  été  nommé 
beglierbey  du  Diarbékir,  et  enfin  quatrième  vizir  en  1539.  Promu  second  vizir  en 
1541,  il  allait  parvenir,  suivant  Pellicier,  au  rang  si  convoité  de  grand  vizir.  Uustem 
devait  sa  haute  faveur,  moins  à  sa  femme,  la  princesse  Mihrmah,  fdle  de  Suleyman, 
qu'à  l'influence  prépondérante  de  la  mère  de  celle-ci,  la  sultane  Kliourrem,  russe 
d'origine,  d'abord  favorite,  puis  femme  légitime  du  sultan,  et  mère  de  Sélim  (V.  de 
Hammer,  t.  V,  pp.  329  et  386). 

4.  La  Mekke. 


342  AMBASSADE   DE  "^JUILLET    ibii] 

foisl  une  grande  lamontacion  et  démena  tel  dueil  qu'elle  en  cheust 
pasmt^e,  cl  ainsi  fut  portée  avecques  ung  tapis  sur  le  lict.  11  s'est  retiré 
pour  quelque  temps  il  son  jardin  près  des  Eaulx  doulces  ',  faisant, 
comme  escripl  ledict  mcssire  Vincenzo,  une  vve  monachalle.  El  Rostan 
est  demeuré  premier  l>assan,   qui  est  de  l'eaige  do   wxii  ans,   mais 
monstre  à  son  parler  eslre  très  Lien  rassis  et  tellement  traiclable  qu'il 
donne   espoir  (jue  à  la  venue  du  seigneur  Rincon  on  ne  fauldra  de 
l'avoir  lavorahle  et  amy  *.  Il  escript  aussi  que  le  Ho^^dan  '  avoyt  adverty 
le  Grant  Seigneur  que  l'empereur  faisoyt  fort  grant  aprest  de  gens 
pour  la  ll(»ngrye;  mais  que  ce  n'estoyt  pas  chose  preste,  et  qu'il  avoyt 
trente  trois  mil  chevaulx  prestz  pour  donner  secours  audicl  Grant  Sei- 
gneur, toutesfoiz  et  (juantes   qu'il  luy  plairoyt  les  mander.  Qui  est, 
en  somme.  Sire,  tout  ce  qu'il  escript,  fors  que  à  la  fin  de  sa  lettre  dict 
que  depuys  il  avoyt  entendu  par  son  dragmant  qui  venoyt  de  la  Porte, 
là  où  il  avoyt  trouvé  Lasky  contrastant  *  plus  de  deux  grosses  heures 
avecciues  le  bassan  sans  qu'il  dise  de  quoy.  El  semblablement  y  avoyt 
laissé  l'ambassadeur  de  cez  Seigneurs  déballant  avecques  ledict  bassan, 
pour  ce  que  ledict  bassan  luy  demandoyt  quelques  Turcqs  que  cez 
Seigneurs  tenoyent  prisonniers.  Aultre  chose  n'en   dict,  dont  je  ne 
S(;auroys  que  pencer  de  cela,  sauf  que  il  vueille  dire  les  Turcqs  prison- 
niers eslre    ceux   qui  furent   prins  cez  jours  passez  sur  deux  fustes 
de  Morath  .\ga   par  le  commandement  de    cesdictz    Seigneurs;  pour 
lesquelz  comme  cesdictz  Seigneurs  sont  adverliz,  ilz  demandent  mil 
escuz    pour   chascun    Turcq    qui    a    esté    tué,    et    cent    escuz    pour 
chascun    chreslien,  et  grant   somme  pour  le   demeurant   des    fustes 
jusques  à  80"  escuz,  comme  j'ay  entendu.  Je  ne  larray  aussi  à  dire  à 
V.  M.  qu'il  escript  que  vostre  galléasse  se  debvoyt  partyr  au  commen- 
cement du  moys  de  juing,  portant  une  infinité  de  marchandise,  de 
sorte  qu'elle  aura  de  nolyt  ^  plus  de  troys  mil  escuz.  Sur  quoy,  Sire, 
ne  veulx  laillyr  à  vous  toucher  de  ce  que  ay  esté  adverty,  que  André 
Doria  escripl  à  Janetin  Doria  qu'il  veist  de  s'empatronnyr,  s'il  estoyt 
possible,  de  quelques  gallères  que  V.  M.  avoyt  en  Levant;  lesquelles 
de  brief  estoyent  pour  reprendre  la  volte  vers  le  ponent,  et  pour  ce 
que  je  ne  sçay  que  Icelle  ayt  aultres  gallères  ou  vaysseaulx  en  cez 


1.  Les  Eau.x-I)oiices  d'Asie,  frais  vallon  silué  aux  portes  de  Scutari,  non  loin  du 
château  d'Analoiic,  où  serpente  un  ruisseau  parmi  les  ombrages  ilc  frênes,  de 
platanes  el  de  sycomores;  ainsi  nommé  par  opposition  aux  Eaux-Douces  d'Europe, 
où  les  habitants  de  Stamboul  viennent  se  reposer  dans  la  verdure  aux  bords  d'une 
fontaine  murmurante  (Elisre  fleclus,  Géot/raph.  unit.,  t.  IX,  p.  382). 

2.  Suivant  de  Hammer,  Suleyman-Paeha  conserva  la  charge  de  grand-vizir  jus- 
qu'en lo4i,  éjioque  où  il  aurait  été  destitué  en  faveur  de  Rustem.  Ce  dernier,  desti- 
tué à  son  tour  en  octobre  1553,  fut  rétabli  en  1555  el  mourut  le  9  juillet  loGd. 

3.  Raresch. 

i.  ('onférant,  discutant. 

5.  Nolis,  louage  d'un  navire. 


[JUIU-ET    1541]  GUILLAUME   PELLICIER  343 

quartiers  là,  fors  la  galléasse,  ne  puys  comprendre  qu'ilz  vueillent  dire 
d'auUre. 

«  Sire,  j'ai  esté  adverty  comme  cez  Seigneurs,  aprez  avoir  gardé  long 
temps  les  lettres  du  Grant  Seigneur  touchant  la  déclaration  dont  m'avez 
escript  faicte  par  luy  à  leur  ambassadeur,  et  les  avoir  bien  mâchées 
et  rumynées  en  leur  conseil  de  Diexe,  en  fin  les  ont  mises  en  colliége, 
pour  puys  aprez  les  exposer  et  faire  entendre  en  leur  pregay,  et  y  en 
déterminer  la  résolucion,  où,  ainsi  que  quelques  ungs  des  plus  gros 
d'entre  eulx  sont  d'adviz,  Ton  ne  fera  dilhculté  d'accorder  ce  que  ledict 
Grant  Seigneur  demande  quant  ad  ce;  et  que  jà  la  plus  part  de  cculx 
dudict  pregay,  voyre  encores  la  communité  des  Seigneurs  sont  bien 
deslibérez  de  ce  faire,  voyans  que  c'est  chose  plus  tost  à  leur  advan- 
taige  que  aultrement.  Il  est  bien  vray,  Sire,  que  aulcuns  d'entre  eulx 
pour  réputacion  de  leur  républicque  vouldroyent  bien  trouver  par  le 
plus  honneste  moyen  qu'il  seroyt  possible  de  ce  faire  sans  qu'il  sem- 
blast  qu'ilz  le  feissent  par  commandement  ne  coutraincte  dudict  Grant 
Seigneur.  Toutesfoiz,  s'ilz  ne  peulvent  faire  de  moings,  ilz  franchiront 
le  sault;  car  ilz  voyentet  congnoissent  très  bien  qu'ilz  n'auront  jamais 
seureté  ne  paix  certaine  avecques  luy  qu'ilz  ne  l'ayent  faict,  pour  aul- 
tant  que  journellement  on  leur  suscite  et  met  l'on  en  avant  quelque 
chose  de  nouveau,  comme  à  présent  a  l'on  faict  des  Turcqs  et  fustes  de 
Morath  Aga  prinses  par  leur  providadeur  \  ainsi  que  V.  M.  a  peu  veoir 
cy  dessus.  Et  oultre  ce  ledict  Grant  Seigneur  les  rechairche    qu'ilz 
ayent  à  desmollyr  et  ruyner  de  tout  la  ville  de  Butrinlo,  anciennement 
dict  Buthvotum,  davant  Corfou,  lieu  fort  commode  et  de  bon  revenu  à 
cez  Seigneurs,  tant  pour  le  goulfe  et  port  qui  est  là  que  pour  les  moul- 
lins,  pescherye  et  aultres  proffîctz  qui  leur  en  revient;  laquelle  place, 
pour  agréer  audict  Grant  Seigneur,  sont  résoluz  faire  faire  ruyner  et 
desmollyr,  si  jà  ne  l'ont  faict  :  parquoy,  comme  je  vous  ay  dict.  Sire, 
ceulx  qui  s'y  entendent  tiennent  presque  pour  certain  qu'ilz  ne  reffu- 
seront  à  ce  faire.  J'ay  escript  à  V.  M.,  le  dernier  de  may,  s'il  plaisoyt 
à  icelle  que  je  leur  en  meisse  avant  quelques  propoz,  qu'il  luy  pleust 
m'en  advertyr,  et  de  ce  que  je  auroys  à  leur  dire;  derechef  je  vous 
supplye,  si  voyez  que  bien  soyt,  m'en  faire  sçavoir  ce  qu'il  vous  plaira 
que  je  en  face,  affîn  de  l'accomplyr  le  mieulx  qu'il  me  sera  possible, 
combien  que  si  d'eulx  mesmes  la  chose  venoyt  à  efîect  sans  y  entre- 
poser aulcune   nostre  sollicitation,  il   semble  à  aulcuns  qu'elle  n'en 
vauldroyt  que  mieulx. 

«  Sire,  j'ay  eu  lettres  de  Tassin  de  Luna,  et  aultres  par  son  moyen 
d'ung  sien  amy,  lesquelles  vous  envoyé,  et  par  icelles  V.  M.  pourra 

1.  Provéditeiir,  magistrature  vénitienne.  Il  y  avait  diverses  charges  de  provédi- 
teurs  :  les  uns  affectés  au  culte;  d'autres  aux  finances,  au  commerce,  à  l'agriculture; 
d'autres  encore  à  la  guerre  et  à  l'administration  intérieure  (V.  Baschet,  Archives 
de  Venise,  p.  663  et  suiv.). 


344  AMBASSADE   I»E  [jnu.ET   154l] 

vcoir  comme  le  cani|)  tlu  my  Fcrdinaiido  a  eu  le  pyre  devant  Bude, 
s'il  est  vray  «jue  tous  les  Italliens  et  Espaignolz  ayent  esté  prins  ou 
tuez,  et  environ  de  quatre  mille  Allemans  taillez  en  pièces,  ainsi  que 
lesdictes  lettres  portent.  ïoutesfoiz,  de  ceste  nouvelle  cez  Seigneurs 
n'(»nt  poinct  eu  adviz  ;  mais  bien,  par  lettres  postérieures,  escriptes  à 
Italisliontif  le  wviii"  jning,  comme  ung  cap|)ilaine  d'une  des  portes 
dudict  Hude,  ayant  inlclligence   avecques  les  g(,'ns  dudicl  roy  Ferdi- 
naiido,  avoylpromys  de  la  leur  bailler,  cependant  que  la  plusparl  d'entre 
eulx  yroyent  donner  ung  assault  à  une  aultre  porte  distante  et  à  l'op- 
posite  d'icelle,  pour  cmpescher  ceulx  de  dedans  :  ce  qu'il  eust  faict, 
n'eust  esté  que  quant  se  vint  au  faict  et  à  l'exécution  ung  des  souldars 
dudicl  rappilaine  se  print  à  cryer  :  «  Trahison!  »  Dont  soubdainement 
une  bonne  partyc  de  ceulx  de  dedans  se  révoltèrent  de  ce  cousté,  et 
donnèrent  dessus  les  gens  dudict  cappilaine,  lequel  se  saulva  par  ladicte 
porte   et   gaigna   le   camp    dudict  roy  Ferdinando.   Ce  néanlmoings, 
voyant  ceulx  de  dedans  qu'il  estoyt  faible  de  ce  cousté  là,  donnèrent 
dessus  et  luy  feirent  ung  très  maulvais  eschec;  et  puys  rentrèrent 
dedans  où  chastièrent  les  citadins  de  la  ville  qui  estoyenl  voysins  de 
ladicte  porte,  comme  sçaichans  et  consentans  ceste  menée  et  trahison  : 
nouvelle  que  cez  Seigneurs  n'ont  point  eue  à  desplaisyr,  ainsi  que  j'ay 
esté  adverty,  pour  ce  qu'ilz  aymeroyent  mieulx  avoir  perdu  une  des 
meilleures  de  leurs  villes  que  Bude  fust  audict  roy  Ferdinando,  ne 
qu'il  fust  si  puyssant  de  ce  cousté  là.  El  entend  l'on  davantaige  que 
le  secours  du  Grant  Seigneur,  de  AO  à  oO°»  chevaulx,  n'csloyt  que  à 
une  journée  de  Bude,  et  que  le  roy  Ferdinando  n'avoyt  encores  eu 
aulcun  efTect  du  secours  de  gens  à  pyed  et  à  cheval  que  ceulx  de  la 
Moravia  luy  avoyent  accordé;  et  pareillement  que  ceulx  de  Slésia  n-e 
luy  avoyent  voullu  accorder  que  une  certaine  telle  quelle  somme  d'ar- 
gent pour  quatre  moys  seullemenl.  Lequel  roy  Ferdinando,  s'^estant 
party  de  Vienne  le  xv!!""  juing,  estoyt  arrivé  en  dilligence  à  Ratisbonne 
le  XX'' où  avoyt  trouvé  l'empereur  qui,  comme  l'on  entend  icy  de  toutes 
pars,  est  pour  venyr  ce  moys  daousl  en  Ilallye  avecques  douze  mil 
lansquenelz.  Sur  quoy  les  Impériaulx  font  plusieurs  beaulx  discours  : 
les.  ungs  dyent  que  c'est  pour  plus  tost  passer  en  Espaigne  et  faire 
entreprinse  d'Algier  luy  mesmes  en  personne,  et  que  pour  eest  effect 
il  a  jà  à  Malega  grant  ecquipaigc  de  biscuictz,  coursellelz  et  aultres 
choses  appartenant   à   telle   entreprinse,   et  mesmement  une  bonne 
partye   des  gallùres   et  voylles  à  ce  nécessaires.  Et  quelque  ung  de 
bien  grant  réputacion  veult  dire  avoir  entendu  de  bon  lieu  que  c'est 
pour  aller  en  Alexandrye  d'Egiple;  et  ce,  non  seullemenl  pour  la  con- 
queste  qu'il  y  pourroyt  faire  aysémenl,  mais  trop  plus  pour  divertyr 
et  faire  retirer  ledicl  Grant  Seigneur  de  son  entreprinse  de  Hongrye,. 
ayant  entendu  que  le  peuple  dudict  Egipte  est  très  mal  contant  et 
salisfaict  du  Grant  Seigneur.  Mais  c'est  chose  qui  est  tant  mal  vraye"- 


[juillet    154  il  GUILLAUME    PELLICIER  34!i 

semblable  que  on  n'y  adjouste  point  de  foy,  pour  luy  faillyr  plus  tost 
le  temps  à  faire  armée  de  telle  importance  qu'il  ne  faisoyt  au  Grant 
Seigneur  deux  moys  y  a  :  ouquel  temps  disoyentledict  Grant  Seigneur 
estre  jà  exclus  de  povoir  rien  faire  ceste  année,  pour  avoir  encom- 
mencé  à  armer  trop  tard;  mais  aulcuns  icy  tiennent  qu'il  a  faict  semer 
ce  bruict  de  voulloir  venyr  en  Itallye,  pour  tenyr  en  obéyssance  et 
crainte  les  gens  d'icelle.  Desquelz  veult  tirer  grosse  somme  d'argent, 
comme  du  royaulme  de  Napplcs  six  cens  mil  escuz,  de  Millan  et 
F"lorence  troys  cens  mil,  et  ainsi  des  aultres  lieux,  de  sorte  que  Ton  dict 
que  il  tasche  à  en  assembler  çà  et  là  par  ce  moyen  environ  ung  mil- 
lion d'or.  » 

Vol.  2,  (°  190,  copie  du  xvi*  siècle;  6  pp.  in-f». 

PELLICIER   A   M.  d'aNNEBAULT. 

230.  —  [Venise],  4 juillet  1541 .  —  «  Monseigneur,  pour  la  longue 
occupation  que  jay  eue  à  faire  ceste  présente  dépesche  au  roy,  et 
aussi  pour  la  presse  que  j'ay  eu  de  la  mander,  me  semblant  estre  de 
grant  importance,  et  que  suys  bien  asseuré  que  verrez  le  tout,  ne  vous 
en  feray  aulcune  répéticion,  ne  pour  ceste  heure  longue  lettre.  Tant 
seullemenl  vous  diray  touchant  ce  que  j'escriptz  au  roy  que  André 
Doria  avoyt  mandé  à  Jane  tin  Doria  qu'il  veist  de  s'empatronnyr,  s'il 
estoyt  possible,  des  gallères  que  le  roy  avoyt  envoyées  en  Levant.  Je 
me  doubte  que  l'on  a  mal  entendu  la  teneur  de  ladicte  nouvelle,  et 
qu'ilz  veullent  dire  des  gallères  que  l'on  avoyt  faict  bruict  icy  faire 
mettre  en  ordre  à  Marseille  pour  ramener  le  seigneur  Rincon  en 
Levant;  car  je  n'ay  point  oy  parler  que  S.  M.  en  ayt  de  ce  cousté  là. 
Je  attends  dedans  deux  ou  troys  jours  au  plus  tard  les  seigneurs  Cézar 
Frégosc  et  Rincon  lesquelz,  comme  j'ay  esté  adverty,  estoyent  pour  se 
partyr  de  Thurin,  y  a  plus  de  huict  jours.  Je  prye  Nostre  Seigneur  qui 
les  vueille  bien  conduyre  à  saulvetô;  car,  comme  verrez  par  aulcunes 
lettres  que  je  envoyé  au  roy,  Ton  donne  ordre  à  faire  toute  dilligence 
pour  les  avoir  entre  mains  :  vous  supplyant.  Monseigneur,  me  faire 
advertyr  de  la  réception  de  mes  pacquetz,  car  depuys  le  mien  perdu 
du  vii"^  mars,  n'en  ay  eu  advis  d'aulcun;  dont  je  suys  en  non  peu  de 
peynne  et  doubte  qu'ilz  ne  soyent  venuz  à  bon  port.  » 

Vol.  2,  fo  193,  copie  du  xvf  siècle;  1/2  p.  in-fo. 

i'ELLICiek  au  roi  1. 

231.  —  [Venise],  7  juillet  i 541 .  —  «  Sire,  hier  matin  arriva  icy  le 

1.  «  Ceste  dépesche  fut  baillée  à  la  Uochc,  qui  fut  mandé  en  toute  dilligence  à 
Thurin,  passant  par  Ghasteau-GeofTroy.  Et  fut  escript  à  M.  de  Langey.  >- 
La  Roche,  courrier.  On  trouve  dans  le  Cat.  des  actes  de  François  I"  divers  per- 


346  AMDASSADE   DK  [JUILLET    lailj 

seigneur  conte  Pierro  Gentil  de  Cesso  ',  avecques  quoique  partie  du 
train  du  seigneur  Ilincon,  qui  me  dict  avoir  huict  jours  qu'il  estoyt  à 
Thurin,  d'où  s'en  dehvoyent  parlyr  inconlinant  hîsdict/.  seigneurs 
Cézar  Fn-gose  et  Kincon  pour  venyr  par  deçà.  Et  environ  une  heure 
aprez,  l'ainbassadi'ur  de  l'empereur  qui  est  icy  m'envoya  advertyr  par 
ung  de  ses  gens  qu'il  luy  estoyt  venu  ung  poste  par  lequel  entendoyt 
que  lesdictz  seigneurs  estoyent  embarcque/.  à  Thurin,  et  qu'il  me 
donnoyl  cest  advertissement  afiin  que  je  feisse  préparer  mon  logeys 
pour  ce  que  j'auroys  des  hostes.  A  quoi  luy  feiz  responce  que  j'estoys 
bien  adverty  comme  tout  cest  affaire  passoyt,  pour  aultant,  Sire,  que 
je  cougnoissoys  très  bien,  comme  aussi  feirenl  tous  ceulx  qui  estoyent 
avecques  moy,  que  c'estoyt  une  forme  de  gaudisscrye.  Dont  lors  com- 
mencé incontinant  à  doubler  quelque  meschef  ne  leur  fust  advenu  par 
les  linpériaulx,  attendu  que  ledict  ambassadeur  me  conhrmoyl  ce  que 
ledict  conte  de  Cesso  m'avoytdict;  c'est  que  lesdictz  seigneurs  avoyent 
voullenté  de  se  embarcquer  à  Thurin,  laquelle  chose  suyvant,  ce  matin 
nouvelles  ont  esté  semées  par  toute  caste  ville  que  ilz  estoyent  prins 
par  les  gens  du  marquis  du  Guast,  et  cherchant  par  le  menu  de  tous 
cousiez  pour  sçavoir  la  vérité  d'où  estoyt  venu  ceste  nouvelle,  Ton  m'a 
dict  que  cez  Seigneurs  en  avoyent  eu  lettres  de  plusieurs  cousiez.  Dont, 
pour  m'onasseurer  m'a  semblé  debvoir  entendre  d'eulx  s'ilz  en  avoyent 
quelque  cerlaineté  particullière.  Ce  que  ay  faict,  leur  remonstrant  que 
cecy  n'estoyt  chose  non  seulement  de  grand  importance  à  V.  M.,  mais 
encores  à  eulx  et  à  toute  la  chrestienté.  Dont  les  pryoys  qu'ilz  m'en 
voulsissent  dire  ce  qu'ilz  en  avoyent.  Et  lors  feirenl  venyr  ung  de  leurs 
secrettaires  avecques  troys  lettres  qu'ilz  feirenl  lire  davant  moy  :  la 
première,  escripte  à  Bresse  -  le  v^  de  ce  moys,  envoyée  par  leur  recteur 
de  là,  contenant  que  ung  homme  d'armes  party  ledict  jour  au  matin 
de  Caslion  ^,  avait  refféré  audict  recteur  que  s'eslant  embarcquez  à 
Thurin  lesdictz  seigneurs  Cézar  et  Rincon  pour  venyr  sur  le  Pau  *, 
furent  assailliz  environ  cinq  milles  dessoubz  Pavye^  par  les  gens  de 
l'empereur  avecques  Iroys  baleaulx  armez,  et  furent  prins  prisonniers; 
et  se  voullant  saulver  le  seigneur  conte  Camillo  de  Cesso,  lieutenant  du- 


sonnages  de  ce  nom.  Le  21  novembre  lo28,  à  Saint-Germain-en-Laye,  mandement 
est  donné  au  trésorier  de  l'épargne  de  payer  à  Jacques  de  la  Roche  205  livres  pour 
porter  des  lettres  du  mi  jus(]u";i  la  ntcr  du  Levant  (t.  VI,  Suppl.,  p.  to6,  n"  19,090). 
En  novembre  l.-'>»i,  on  rencontre  aussi  un  Jean  Connet,  dit  la  floche,  fourrier 
ordinaire  du  roi  (t.  IV,  p.  090,  n"  li.209):  enlln,  en  juillet  lr)46,  un  Guillaume  Piche, 
dit /a  Roche,  homme  d'armes  de  la  gramle  paye  (t.  V,  p.  108.  n"  15,232).  —  Castel- 
GofTredo. 

1.  Pietro  Genlile,  comte  de  Cesso,  neveu  du  comte  Camillo  de  Cesso,  lieutenant 
de  Cesare  Fregoso. 

2.  Brescia. 

3.  Castiglionc.  place  de  Lombardie,  à  26  kilom.  de  Brescia. 

4.  Le  Pô. 

0.  Pavie,  place  forte  du  Milanais,  sur  le  Tcssin,  alTluent  du  Pô. 


[juillet    lb41j  GUILLAUME    PELLICIER  347 

dict  seigneur  Cézar,  qui  esloyl  avec  eulx,  se  getla  dedans  ledict  Pau, 
où  s'est  nayé.  Et  par  aultres  lettres  de  Véronne  du  vi",  on  avoyt  entendu 
par  Baptista  da  Crema  ',  homme  d'armes  du  seigneur  conte  AUoysi 
Avogar',  comme  luy  venant  de  Bresse,  trouva  à  Vallese*  messire  Fran- 
cesco  Cano  de  Vacqua  '  avecques  aulcuns  chevaulx  qui  retournoyent  à 
Castion;  lequel  luy  dist  qu'il  esloyt  allé  pour  rencontrer  le  seigneur 
Cézar,  qui  venoyt  de  France  avecques  ledict  seigneur  Rincon,  mais 
qu'il  avoyt  entendu  audict  Castion,  du  seigneur  Aloysy  de  Gonzagues, 
et  à  Castel  Geoffroy,  de  la  signora  Constance,  femme  dudict  seigneur 
Cézar',  que  dimenche  dernier  passé  iii°  jour  de  ce  moys  avoyent  esté 
prias  d'ung  cappitaine  espaignol  en  passant  ung  certain  lac  qui  est  es 
terres  du  seigneur  Augustin  Lando'',  sur  le  Plaiscntin.  Et  par  aultres 
lettres  de  Lignago  \  aussi  du  vi''  de  ce  moys,  s'entend  ledict  seigneur 
Francesco  Cano  de  Vacqua,  avoir  dict  que  luy  estant  allé  à  Castion 
pour  rencontrer  lesdictz  seigneurs,  y  avoyt  trouvé  ung  serviteur  du- 
dict seigneur  Cézar  avecques  deux  mil  escuz,  qui  luy  avoyt  dict  que 
eulx  venant  en  une  barquette  cinq  mil  au  dessus  de  Pavye,  ledict  jour 
de  dimenche,  furent  prins  des  gens  du  marquis  de  Guast  qui  estoyent 
en  une  barcque  estant  à  la  rive  du  Pau  couverte  de  fueillées  et  ra- 
meaulx.  Et  confirme  ce  que  dessus  du  cas  advenu  audict  seigneur 
Camillo  de  Cesso,  qui  est.  Sire,  ce  que  cez  Seigneurs  en  ont,  faisans 
grande  démonstracion  d'en  estre  fort  faichez  et  desplaisans.  Dont 
m'a  semblé  faire  mon  debvoir  vous  en  debvoir  incontinant  et  en  toutte 
dilligence  advertyr.  Mais,  premièrement,  pour  s'asseurer  encores  plus 
de  la  vérité,  j'ay  esté  d'adviz  que  le  porteur  de  la  présente  passast  par 
Castel  Geoffroy,  estant  adverty  le  chemyn  estre  plus  seur,  et  aussi 
court  par  là  que  ailleurs,  attendu  que  lesdictes  lettres  cy  dessus  ac- 
cusent telles  nouvelles  estre  venues  de  la  maison  dudict  seigneur  Cézar 
Frégose,  affin  de  povoir  entendre  en  icelle  la  vérité  du  cas  pour  en 
informer  mieulx  et  par  le  menu  V.  M.  ;  et  aussi  affin  que  s'il  se  trou- 
voyt  que  ce  ne  fussent  que  choses  incertaines  et  controuvées,  qu'il 
peult  adviserce  qui  seroyt  le  meilleur  de  faire.  Or,  Sire,  ceste  nouvelle 


1.  Battista  di  Crema. 

2.  Le  comte  Aloysio  Avogaro. 

3.  Valeggio,  ville  de  Lombardie,  entre  Castiglione  et  Villafranca. 

i.  Francesco  Capodivacca.  —  Les  Capodivacca,  famille  padouane.  La  correspon- 
dance du  cardinal  Hembo  [Lellere  di  M.  Pietro  Bemho,  Venise,  Lo70,  in-S",  t.  11,  f°  28) 
mentionne  en  1527  un  Alessandro  Capodivacca  que  le  prélat  recommande  à  Angelo 
Gabrielli.  D'autre  part,  M.  P.  de  Nolliac  (Ribl.  de  F.  Orsini,  1S87,  in-S%  p.  308) 
signale,  dans  le  ms.  3197  de  la  Bibl.  Vaticane  un  feuillet  contenant  un  passage 
italien  sur  la  mort  et  les  obsèques  de  Pétrarque,  copié  par  Paolo  Capodivacca 
{alias  Bucéphalos)  et  envoyé  par  lui  à  Bembo. 

5.  Aloysio  di  Gonzaga,  beau-frère  de  Costanza  Fregosa,  qui  résidait  à  Castel- 
GofTredo. 

6.  Le  comte  Agostino  Lando. 

7.  Legnago,  place  forte  à  35  kilom.  de  Vérone,  sur  l'Adige. 


348  AMBASSADE    DE  [JUILLET    lo4ll 

a  esté  trouvée  publicquonu'nl  si  très  estrange  qu'il  n'y  a  personne  qui 
dise  avoir  jamais  vou  tout  le  commun  de  ceste  ville  plus  troublé,  con- 
fuz  ne  scandallisé  qu'il/  ont  esté  de  cest  aflaire,  de  sorte  que  cez  Sei- 
gneurs, contre  Itnir  nature  et  coutume,  ne  se  sont  peu  lonyr  puhlicque- 
ment  user  de  prnpoz  des  plus  grans  du  monde,  si  très  groz  que  je  ne 
sçav  s'il  scroyl  licite  ou  au  moins  lionneste  de  les  coucher  par  escript. 
Et  estant  retourné  en  mon  logeis,  j'ay  esté  adverty  comme  l'ambassa- 
deur de  l'empereur  cstoyt  allé  à  la  Seigneurie  pour  leur  remonstrer 
que  de  ceste  prinse  nestoyt  rien,  leur  monstrant  je  ne  sçay  quelles 
lettres  pour  conlirmation  de  ce,  comme  le  semblable  par  ung  de  ses 
gens  a  il  faict  laire  à  moy,  me  les  mandant  à  veoir,  qu'il  disoyt  avoir 
eues  du  marquis  du  Guast  —  Dieu  sçayt  la  vérité  dicelles  et  d'où  elles 
sont  venues  I  —  mais  conlenoyent  que  ledict  marquis,  estant  bien 
advorly  que  lesdiclz  seigneurs  s'esloycnt  embarcque/.  à  Thurin  avecqucs 
quatre  barcques  armées,  lesquelles  povoyt  bien  empescher  s'il  eust 
voullu;  ce  néantmoings  sçaichant  que  ce  n'estoyt  la  voullenté  de  l'em- 
pereur de  leur  estre  donné  destourbier,  ne  l'avoyt  voullu  faire.  Et  ce 
disoyt  ledict  ambassadeur  pour  me  monstrer  que  la  nouvelle  et  adver- 
tissement  qu'il  m'en  donna  le  jour  d'avant  n'estoyt  controuvée  par  luy 
ne  à  aultres  fins  que  bonnes.  Sur  quoy.  Sire,  aulcuns  de  voz  l)ons  ser- 
viteurs ont  jugé  que  tous  cez  propoz  estoyent  pour  donner  à  entendre 
à  ung  chacun  que  s'ilz  avoyent  esté  prins,  ce  n'avoytesté  de  la  part  de 
l'empereur,  mais  de  quelques  ungs  particulliers  pour  gaigner  la  taille 
qu'ilz  disoyent  iceulx  avoir  à  doz,  et  aussi  les  faire  mener  en  lieu  où 
l'on  ne  auroyt  jamais  nouvelles  qu'ilz  seroyent  devenuz;  car  sçavez 
trop  mieulx,  Sire,  de  quelle  afîection  ilz  estoyent  poursuyviz  de  ce 
cousté  là.  Dont  vosdictz  serviteurs  serovent  d'adviz,  sauf  vostre  meil- 
leur  et  infaillible  jugement,  que  si  V.  M.  avoyt  le  moyen  de  faire 
quelques  représailles  de  telles  personnes  qui  puissent  contrepoyser 
lesdictz  seigneurs,  les  faisant  retenvr  V.  M.  ne  mesfairovt  ne  fauldrovt 
en  rien,  puys  que  si  infidellemenl  de  leur  cousté  ont  usé  de  tel  cas 
contre  si  grans  serviteurs  vostres.  Voire  jusques  là  que  si  on  ne  trou- 
voyt  meilleur  moyen,  après  si  bon  vous  sembloyt  avoir  adverty  M.  de 
"Vueilly  vostre  ambassadeur  se  retirer  le  plus  dextrement  et  secrette- 
ment  qu'il  luy  soroyt  possible  ',  qu'il  ne  seroyt  que  bien  de  s'asseurer 
de  son  ambassadeur  prez  de  V.  M.,  et  ce,  pour  estre  personne  fort 
conjoincte  à  M.  de  Grantvelle-;  faisant  très  bien  entendre  là  où  il  apar- 


1.  Une  (iépûrlie  de  ramliassadciir  vénitien  h  la  cour  de  France,  Matteo  Dandolo,. 
en  date  du  22  août  loil,  nous  apprend  que  Dodieu  quitta  en  elTel  inopinément  son 
poste,  sur  ces  entrefaites,  pour  revenir  en  France;  mais  que  le  roi,  mécontent  de 
cette  équipée,  lui  enjoignit  aussitôt  de  retourner  là  où  l'appelait  son  devoir  (Archives 
de  Venise,  citées  par  J.  Zeller,  p.  255). 

2.  François  Bonvalol,  abbé  de  Saint-Vincent  de  Besançon,  beau-frère  de  Nicolas 
Perrenot  de  Granvelle. 


[juillet    1o41]  GUILLAUME    PELLICIER  349 

tiendra  que  le  Iraiclement,  le  cas  et  succedz  qui  advlendroyt  ausdiclz 
seigneurs  Cézar  et  Kincon  ne  fauldroyt  d'advenyr  à  ceulx  qui  seroyent 
en  vostre  povoir  :  chose  que  l'on  estime  que  donneroyt  à  pencer  audict 
seigneur  de  Grantvelle,  pour  raison  de  sondict  parent,  et  estre  son- 
gneulx  de  la  vye  et  salut  de  vosdictz  serviteurs.  » 

Vol.  2,  f»  193  V,  copie  du  xvi'  siècle;  3  pp.  in-l'". 

PELLICIER  A  COSTANZA  IIANGONA   FREGOSA. 

232.  —  [Venise],  7  juillet  1541.  —  «  III""  S""^  mia  honorandis"», 
essendo  venuto  questo  matina  nova  che  a  tutti  noi  altri  servitori  de 
la  M"  del  re  et  del  111"'°  S"""  Cezare  et  di  V.  S.  è  stata  dolorosa  il  cosi 
fusse  che  non  il  permetta  me  par  che  da  uno  Capodivacha  V.  Ill""*  S. 
et  del  111""°  S"  Luisi  ^  suo  cognato  haverli  ditto,  come  lo  111""  S"  Cezare 
et  8°'  Rincon  erano  stato  presi  di  sopra  di  Pavia  in  Po  in  una  barcheta 
de  le  gcnte  del  8°"^  marchese  del  Guasto.  Per  il  che  m'è  parso  expedir  il 
présente  lator  in  posta,  et  con  quesla  mia  drizarlo  {sic)  à  V.  S.,  a  cui 
quella  con  sue  lettere  il  tutto  notiflica  alla  M'"  del  re.  Apresso  che  io 
gli  scrivo  a  S.  M'^  et  detto  mio  messo  ha  comissione,  subito  expedito 
de  V.  111'""*  S.,  andar  con  ogni  diligentia  alla  M"  del  re,  io  scrivo  a  la 
S.  M'^  la  buona  forma  et  modo  che  sarà  presto  a  sainte  del  pre- 
fato  S"  mio  IIK"  S*""  Cezare  et  S"  Rincon;  si  che  quello  non  gli  ponerà 
tempo,  et  sarà  contenta  da  ogni  successo  a  gagliarmene  anclior  me  del 
tutto  exortandola,  quando  ben  fusse,  a  non  volersi  tuor,  tanto  affanno 
che  gli  potessere  nocere,  attendi  a  conservarsi,  perche  la  W"  del  re 
non  lassarà  patir  lo  lU™"  suo  consorte  et  mio  S".  Queste  nove  sono 
venute  da  tre  bande,  una  de  li  rettori  di  Bressa,  di  Verona  et  Lignago, 
et  le  due  ultime,  cioè  di  Verona  et  Lignago,  sono  per  bocha  del  Capo- 
divacha. Apresso  Don  Diego  ^  ha  mandalo  qui  da  me  uno  suo,  et  me 
ha  monstrato  una  lettera  come  il  S"""  marchese  sapea  che  lo  111™°  S*"" 
Rincon  erano  imbarchati  a  Thurino  in  quatro  barche  ben  armate,  pur 
il  S"'  marchese  non  gli  ha  volesto  far  impedimento  alcuno  come 
haveria  potuto,  sapendo  la  voluntà  de  la  Cezarea  M'^  esser  de  non 
impederli.  » 

Vol.  2,  f"  194  v^-,  copie  du  xvi<=  siècle;  3  4  p.  in-f°. 

PELLICIER   AU   ROI  3. 

233.  —  [Venise],  9  juillet  1 541 .  —  «  Sire,  encores  que  pourrez 
avoir  este  adverty  bien  certainement  par  l'homme  que  je  vous  dépesché 

1.  Aloysio  di  Gonzaga. 

2.  Don  Diego  Hurtado  de  Mendoza. 

3.  -  Geste  lettre  fut  retenue  jusques  au  xii*  de  ce  moys.  » 


350  AMIJASSADE    DE  [JUILLET    1541] 

davanl  hier  de  la  prinse  des  seigneurs  Cézar  Frégose  cL  Rincon,  pour 
avoir  eu  charge  de  passer  par  Caslel  Geoffroy  où  il  aura  peu  trouver 
deux  des  gens  dudicl  seigneur  Cézar,  (lui  luy  pourront  avoir  dict 
comme  tout  lallaire  est  passe,  à  cause  quilz  estoyent  présentz  k  ladicle 
prinse,  ce  ncanlmoings  estant  arrivez  ce  malin  iey  le  secrellaire  et  ung 
varlel  de  chaniltre  dudict  seigneur  Kincon  qui  eschappùrent  par  le 
mcsin»'  moyen  des  aullres,  n'ay  vouUu  laisser  à  dûpcscher  encores  ung 
aullre  homme  en  toulle  dilligence  jus(jues  à  Thurin  pour  advertyr 
V.  M.  de  tout  ce  quilz  m'ont  dict  et  déposé.  Laquelle  chose  vous 
envove,  vous  supplyanl,  s'il  vous  semble  estre  bon  et  qu'il  y  ayl  lieu  de 
le  faire  mettre  par  acte  publicque  (|ui  puisse  faire  foy  en  temps  et  lieu, 
m'en  vouUoir  advertyr.  Je  vous  escripveiz  aussi  que,  —  pour  m'avoir 
mandé  l'ambassadeur  de  l'empereur  veoir  une  lettre  (jui  sembloyt  estre 
du  marijuis  du  (juast  commanl,  ayant  peu  empesclier  le  passaige  des 
seigneurs  Uincon  et  Cézar,  estant  très  bien  informé  qu'ilz  venoyent  sur 
le  Pau,  ne  l'avoyt  voullu  faire,  sçaicliant  que  ce  auroyt  esté  contre  la 
voullenlé  de  l'empereur,  —  nous  comprenions  qu'il  taschoyt  pur  ce  de 
vouUoir  faire  apparoir  que  ce  n'avoyt  esté  ledict  marquis  ne  de  par 
l'empereur,  mais  par  certains  particulliers  chairchans  aulcuns  proflictz 
et  advantaiges.  Et  par  là  tenoys  pour  seur  que  c'estoyt  très  grant  signe 
de  les  voulloyr  faire  venyr  à  quelque  meschef,  chose  que  certainement 
n'aurons  failly  à  augurer;  car,  en  confirmation  de  ce,  hier,  l'ambassa- 
deur de  Fempcreur  m'a  envoyé  monslrer  une  lettre  escripte,  ainsi  qu'il 
dict,  par  le  marquis  du  Guast,  tendant  directement  à  cez  fins,  conte- 
nant comme  la  signera  Constanzza  luy  avoyt  mandé  ung  gentilhomme 
avecques  une  lettre  sienne,  par  laquelle  luy  faisoyt  entendre  qu'elle 
estoyt  advertye  ledict  marquis  du  Guast  avoir  faict  prisonnier  son 
mary,  recordant  en  sadicte  lettre  si  très  bien  tout  le  cas  par  ordre, 
jours,  lieux,  et  personnes  qui  y  estoyent  entrevenuz,  que  s'il  eust  esté 
présent  en  chascune  desdicles  choses  :  de  sorte  que  le  secrétaire  dudict 
seigneur  Uincon,  entendant  le  récyt  et  teneur  desdictes  lettres  que  je 
luy  en  feiz,  en  demeura  grandement  esmerveillé  et  esbahy.  Lequel 
marquis  feist  responce  à  ladicte  dame  que  c'estoyent  les  premières 
nouvelles  qu'il  avoyt  eues  de  cest  afi'aire,  et  qu'il  en  estoyt  grandement 
esmerveillé,  car  il  pençoyt  qu'ilz  feussent  desjà  arrivez  icy;  et  que 
quant  à  luy  il  n'en  avoyt  esté  occasion,  ains  luy  desplaisoyt,  pour  ce 
qu'il  sçavoyt  que  la  voullenté  de  l'empereur  estoyt  de  ne  leur  donner 
aulcung  destourbier  ne  empeschemcnt,  ains  les  laisser  passer  libéré- 
ment  à  saulvement  par  tous  ses  pays,  comme  par  leur  saufconduict, 
qu'il  leur  avoyt  donné  k  leur  allée,  pouvoit  assez  apparoir.  Et  que  s'ilz 
ont  esté  prins,  ce  n'a  point  esté  du  sceu  ne  consentement  dudict  empe- 
reur ne  dudict  marquis  du  Guast,  ne  aultres  serviteurs  d'icelluy  empe- 
reur, mais  plus  tost  que  quelques  ennemys  particulliers  qui  leur  pour- 
royent  estre  survenuz  de  l'aulrc  cousté  de  la  rivière,  pour  gaigner 


[juillet    1541]  GUILLAUME    PELLICIER  351 

l'argont  qu'ilz  avoyent  ou  la  taille  que  l'on  faisoyt  bruyt  que  ledict 
seigneur  Rincon  avoyt  à  doz,  et  le  prolfict  qu'ilz  pen(;oyent  faire  de  la 
personne  dudict  seigneur  Cézar  en  le  livrant  à  ses  ennemys.  Et  que 
entre  aultres  il  estimoyt  que  ce  fust  esté  de  ceulx  du  seigneur  Alloisy 
de  Birago  '  ;  car  son  maistre  d'hostel  avoyt  esté  veu  au  rivaige  du  Pau 
prez  de  Pavie  faisant  feste  et  chère  lye,  et  luy  eschappa  à  dire  qu'il  les 
avoyt  en  sa  main  et  puyssance,  dont  il  pourroyt  faire  ung  bon  butin 
quant  il  vouldroyt.  Et  quant  ad  ce  que  on  voulloyt  dire  que  ceulx  qui 
les  ont  prins  feussent  gens  à  l'empereur  pour  ce  qu'ilz  parloyent  espa- 
gnol, disoyt  que  c'estoyt  tout  le  contraire,  pour  ce  qu'ilz  avoyent  usé  à 
l'acoustumée  de   telles  entreprinses  lesquelles,  quant  quelques  ungs 
veullent  faire,  s'essayent,  se  desguisent  tant  en  acoustrementz  que  dis- 
simuller  leur  lengaige;  car  quant  estoyt  d'Espaignolz,  qu'il  n'y  en  avoyt 
point  sur  Testât  de  Millan  d'aultres  que  ceulx  de  l'empereur,  lesquelz 
asseuroyt  bien  n'avoir  faict  cecy,  d'aultant  qu'ilz  n'estoyent  bougez  de 
leurs  garnisons,  mais  qu'il  ne  fauldroyt  mander  en  cez  pays  là  par  tous 
les  lieux  le  cappitaine  de  la  justice  et  aultres  officiers  pour  en  entendre 
des  nouvelles,  affin  de  les  recouvrer,  et  pugnyr  très  bien  ceulx  qui 
auroyent  commys  ce  cas.  Et  de  tout  ce  que   dessus  a  adverty  M.  de 
Langey  affm  de  s'en  excuser  et  satisfaire  à  luy.  Et  pareillement  à  tous 
les  ministres  de  l'empereur  des  lieux  circonvoysins,  pour  entendre  s'ilz 
en  sçavoyent  quelques  nouvelles;  et  d'aultant  plus  à  son  ambassadeur 
qui  est  icy,  à  cause  qu'il  est  en  une  terre  là  où  il  s'entend  plus  de  nou- 
velles, et  conçurent  plus  de  gens  qui  peulvent  sçavoir  telz  cas  que  en 
nulle  aultre.  Lesquelz  propoz  ledict  ambassadeur  n'a  failly  de  remons- 
trer  et  pencer  faire  acroire  à  la  Seigneurie;  de  quoy  elle  est  demeurée 
grandement  estonnée  que  ung  homme  de  telle  quallité  ayt  si  peu  de 
considération  ou  esgard  à  l'assistence  de  ceste  Seigneurie  de  pencer 
donner  à  entendre  telles  bourdes  et,  comme  ilz  disent,  casser  telles 
carrottes  à  ung  si  saige  sénat  :  chose  qui  a  renouvelé  et  augmenté  la 
craincte  de  ceulx  qui  doubtoyent  que  par  cez  couvertes  ilz  ne  les  vueil- 
lent  mener  en  lieux  que  l'on  ne  sçaiche  qu'ilz  seront  devenuz,  et  par 
ce  moyen  faire  de  brief  mal  finir  leurs  jours. 

«  Sire,  ayant  receu  vostre  lettre  du  xiiii'^  juing,  suyvant  son  comman- 
dement suys  allé  vers  la  Seigneurie  à  laquelle  ay  faict  entendre  le  plus 
dextrement  et  efficacement  qu'il  m'a  esté  possible  tout  le  contenu  en 
icelle,  et  de  là  vins  entrer  à  leur  remonstrer  l'indignité,  énormilé  et 
impyété  du  cas  advenu  ausdictz  seigneurs  Cézar  et  Rincon  par  ceulx 
qui  l'avoyent  commys.  Laquelle  chose,  selon  leur  contenance  et 
démonstration,  sembloyt  qu'ilz  eussent  grandement  à  desplaisyr;  ce 
néantmoings,  pour  n'y  estre  le  duc,  celluy  qui  me  respondit  me  feist 
une  responce  si  incertaine  et  peu  à  propoz  qu'on  ne  sçauroyt  à  quoy 

l.  Aloysio  di  Birago. 


352  AMBASSADE    DE  [jUIM.ET    154l] 

s'en  lenvr,  et  ne  sçavoyl  comme  s'en  démesler.  Je  ne  sçay  si  c'est  à 
cause  que  cclluy  qui  présidoyt  ce  jour  \k  pour  l'absence  du  duc  est  tant 
vieil  et  caduc  qu'il  est  pres(iue  avugle  et  à  l'aventure  ne  oyt  pas  trop 
cler,  encorcsque  je  n'espargnassc  point  ma  voix  et  que  fusse  joij;nant 
à  luv;  mais  puys  apro?,  troys  dt's  plus  groz  de  là  dedans  m'envoyèrent 
dire  qu'il  avuyl  f^randement  despieu  à  tous  de  telle  responce  si  peu  à 
propoz  que  lOn  m'y  avoyt  faicte,  et  que  puys  aprez  que  je  en  fuz  party 
en  débattirent  entre  eulx  là  dedans,  et  n'en  estimèrent  pas  trop  ledict 
gentilhomme,  disans  que  ceste  piteuse  et  misérable  nouvelle  leur  des- 
plaisoyt  jusques  au  cueur,  et  qu'il/  en  estoyent  grandement  troublez  et 
fâchez.  Et  de  faict  le  jour  mosme  feirent  pregay,  où  proposèrent  entiè- 
rement, ainsi  que  l'on  m'a  dict,  tous  les  propoz  que  leur  avoys  tenuz, 
sur  lesquelz  contrastèrent  s'ilz  en  debvoyent  escripre  à  Constantinople; 
et  y  en  eut  de  plusieurs  adviz  :  les  ungs  de  si,  et  les  aultres  de  non. 
Enlin  fui  conclud  de  si;  mais  je  croy  bien  qu'ilz  n'en  auront  donné  de 
ce  cousté  là  les  premières  nouvelles,  car  incontinant  que  je  le  sceuz, 
ne  failly  à  dépescher  ung  de  mes  gens  avecques  brigantin  exprez  jus- 
ques à  Raguse  pour  en  advertyr  messire  Vincenzo  '.  Auquel  feiz  bien 
entendre  amplement  le  tout,  affin  d'advertyr  le  Grant  Seigneur  s'il  luy 
semble  cstre  à  propoz  de  faire  renforcer  la  garde  de  Lasky  et  des  aul- 
tres ambassadeurs  que  le  roy  Ferdinando  doibt  mander  vers  ledict 
Grant  Seigneur,  s'ilz  y  aborderont;  escripvant  à  M.  l'arcevesque  de 
Raguse  faire  faire  toute  dilligence  qu'il  seroyt  au  monde  possible  de 
faire  tenyr  mon  pacquet  à  Constantinople,  de  sorte  que  dedans  dix 
huict  ou  vingt  jours  j'espère  qu'ilz  en  sçaui^nt  les  nouvelles. 

«  Sire,  j'ay  esté  adverty  par  Jehan  Michel  Cussan  *,  natif  de  Millan 
et  habitant  de  Constantinople,  que  sur  le  commencement  de  ce  moys 
de  juillet,  luy  estant  en  la  présence  du  marquis  du  Guast  en  la  ville  de 
Millan,  en  la  compaignye  du  marquis  de  Marignan  et  du  seigneur  Jehan 
Francesco  de  la  Sommaye  ",  ledict  marquis  du  Guast  dict  en  parlant 
audict  Cussan  s'il  ne  sçavoyt  pas  que  ledict  seigneur  Rincon  fust  arrivé 
à  Thurin,  lequel  respondit  que  non.  Sur  quoy  ledict  marquis  de  Mari- 
gnan dist  qu'il  estoyt  passé  avecques  quatre  barcques;  à  quoy  ledict 
marquis  répliqua  :  «  Aon  è  passalo  ancora  non  »,  avecques  prononcia- 
tion et  gestes,  tant  de  la  teste  que  des  mains,  qui  donnoyent  bien  à 
entendre  à  chacun  qu'il  ne  luy  estoyt  pas  encores  eschappé.  M'adver- 
tissant  aussi  que  à  Thurin  et  par  tout  y  a  si  très  bonnes  et  dilligentes 
espyes  que  l'on  ne  sçayt  rien  faire  de  quoy  ilz  ne  soyent  advertiz,  et 
mesmement  du  partement  et  chemyn  dudict  seigneur  Rincon;  de 
sorte  que  n'a  faict  ung  pas  qu'ilz  ne  l'ayent  toujours  suivy.  Et  entre 


1.  Maggio. 

2.  Giovanni-Michele  Cussano,  milanais  établi  à  Constantinople. 

3.  Giovanni-Franccsco  Gavazzo  délia  Somaglia. 


JUlIXliT    1541]  GUILLAUMK    PELLICIER  :\ty,\ 

aultrcs  m'a  refïéré  el  nommé  iing  certain  gentilhomme  bressan  de  la 
:garde  dudict  marquis,  lequel  ayant  laingt  d'avoir  eu  question  avccques 
iuy,  pour  ce  qu'il  ne  luy  voulloyt  payer  sa  pension,  ains  le  rechairclioyl 
de  luy  prester  argent,  feist  troys  moys  y  a  semblant  de  s'en  aller  en  la 
malle  grâce  et  print  lettres  de  messire  Vincenzo  Fidel  recommanda- 
lives  à  l'ambassadeur  de  cez  Seigneurs  près  de  V.  M.  et  s'en  alla  à  la 
«ourt  pour  espyon;  lequel  depuys  estant  retourné,  ung  moys  faict  ou 
environ,  d'arrivée  tourna  en  son  lieu  et  en  meilleure  grâce  et  grant 
crédict  dudict  marquis  que  jamais. 

«  Sire,  je  ne  veulx  oblyer  à  vous  dire  que  j'ay  receu  deux  pacquetz 
de  M.  de  Langey  qui  s'adressoyent  audict  seigneur  Rincon,  où,  ainsi 
que  j'ay  entendu  par  le  secrétaire  dudict  seigneur  Rincon  qui  est  arrivé 
icy  avecques  son  varlet  de  chambre,  sont  ses  instructions  et  lettres 
vostres  d'importance,  de  sorte  qu'il  n'avoyt  avecques  soy  aultres  lettres 
que  celles  qui  s'adressoyent  à  la  Seigneurie.  Pareillement  j'ay  reconnu, 
par  ung  gentilhomme  que  M.  de  Langey  avoyt  envoyé  à  Castel  Geoffroy 
et  de  là  icy,  les  lettres  et  pacquets  vostres  du  seigneur  Cézar  Frégoso 
à  nulz  desquelz  n'a  esté  rien  veu  ne  louché,  ne  sera  jusques  ad  ce  qu'il 
vous  plaira  commander  ce  que  vous  vouliez  que  l'on  en  face.  Vous 
advertissant  aussi  comme  la  plus  grant  partye  du  train  dudict  seigneur 
Rincon  est  depuys  arrivé[e]  icy  jusques  au  nombre  de  unze  chevaulx  : 
lesquelz  avons  esté  d'adviz,  pour  éviter  la  despence,  de  vendre  à  tout 
le  moings  ceulx  de  quoy  l'on  se  povoyt  bien  passer  et  le  demeurant 
renvoyer  à  Thurin,  sauf  ledict  secrétaire  et  varlet  de  chambre,  lesquelz 
j^ay  détenuz  icy  pour  le  danger  qui  pourroyt  survenyr  à  telz  person- 
naiges  s'ilz  venoyent  es  mains  de  leurs  ennemys,  et  encores  plus  pour 
le  secrect  et  bien  de  voz  affaires.  Il  vous  plaira.  Sire,  me  faire  sçavoir 
ce  que  vouldrez  qu'ilz  facent  et  qu^ilz  deviennent,  et  s'il  vous  semblera 
bon  qu'ilz  soyent  mandez  par  delà  pour  ayder  à  messire  Vincenzo  • 
qui  est  seul  et  a  beaucoup  de  peyne  d'escripre  et  gouverner  le  tout  :  de 
quoy,  par  ses  lettres,  se  plainct  beaucoup  au  seigneur  Rincon  et  à 
moy,  et  aussi  qu'il  n'a  point  l'usaige  d'escripre  en  françoys;  —  ou  bien 
qu'ilz  arrestent  icy  pour  aller  avecques  celluy  qui  yra  à  la  Porte.  Si 
poinct  vous  plaira  y  en  mander  d'aultres,  qu'il  vous  plaise  me  com- 
mander vostre  voullenté.  » 

Vol.  2,  f°  105,  copie  du  xvi«  siècle;  1  pp.  1/2  in-f°. 

l'EI.I.ICIER    A    M.    DE    RODEZ. 

234.  —  [Venise],  9  juillet  lb4'l.  —  Pelhcier  envoie  à  l'évèque  la 
relation  du  secrélaireet  du  valet  de  chambre  de  Rincon,  et  un  mémoire 

1-  -Maggio. 

Venise.  —  1540-1.542.  23 


354  AMBASSADE   DE  [JUILLET    i:i41j 

lie  Langev  sur  le  gucl-apens  ilonl  Uincon  et  Fregoso  ont  été  victimes; 
il  l'averlil  en  intime  temps  de  la  fausseté  de  la  version  donnée  par  le 
marcjuis  del  Vaslo. 

«  ....  Sur  <iuoy  n'ay  l'aill>  dénionstrer  et  faire  très  bien  entendre  à 
ceste  Seigneurie  fout  le  contraire,  et  que  ce  n'estoyenl  aultres  que  des 
gens  dt'  leinpereur,  pour  plusieurs  raisons  que  je  leur  ay  alléguées  :  à 
laquelle  iTa  fallu  faire  granl  instance  pour  leur  faire  croire,  en  estant 
très  bien  disposée  comme  certaine.  Je  suys  asseuré  que  n'aurez  failly  à 
V  pourvenir  de  vostre  cousté  ainsi  que  aurez  veu  estre  besoing,  esti- 
mant que  en  tel/,  affaires  veoyez  plus  cler  de  nuict  que  ne  sçauroys 
faire  de  jour.  Qui  me  gardera  vous  en  dire  aultre,  sauf  que  je  pence 
que  ceste  nouvelle  aura  esté  tous  ce/,  jours  passez  icy  de  telle  nature 
que  la  peste,  laquelle  régnant  communément  toutes  autres  malladyes 
cessent,  vous  asseurant  que  icelle  y  est  si  grande  et  scandalleuse  ii  tous 
que  nouvelle  que  l'on  eust  longtemps  y  a;  car  depuys  l'avoir  eue  ne 
s'est  parlé  d'aultre.  Par  quoy  ne  vous  esmerveillerez  si  n'aurez  pour 
ceste  heure  quececy  de  moy...  » 

Vol.  2,  f"^  197  v°,  copie  du  xvi^  siècle;  1  p.  in-f°. 

PELLICIER   A    VISCENZO   MACGIO    '. 

235.  —  Venise,  9  juillet  1541.  —  «  Magnifico  Signor,  la  grande 
indignilà  de  la  presa  del  signore  Rincone  et  del  signor  Cezare  Fregoso 
fatta  alli  m  del  instante,  per  l'imperatore,  6  veramenle  gli  suoi  minis- 
tri,  cioè  il  marchese  del  Guasto,  sopra  il  stato  de  Milano  presse  Pavia, 
corne  mi  scrive  più  al  longo  il  secretario  del  detto  signor  Rincone,  et 
l'incredibile  despiacere  che  io  ne  ho,  anche  la  pressa  et  desiderio  che 
ho  che'l  Gran  Signore  ne  sia  avisato  il  più  presto  sarà  possibile,  me 
guardarano  da  scriverli  al  présente  cosi  prolissamente  come  vorria,  et 
sarebbc  il  dover'.  Solum  vi  dire  in  summa,  et  pregarô  che,  subito  subito 
questa  riceputa  et  vista,  habbiate  da  transportarvi  verso  del  Gran 

1.  .  Ccslc  (Jcpcsche  fui  baillée  au  cappitaine  Jcon  Baplista  Corso,  envoyé  e.\pres- 
sénienl  par  briganlin  à  poste  et  en  toute  dilligence  jusques  à  Raguse.  Et  cedict 
jour  fut  cscripl  à  monsieur  l'arcevesque  de  là,  dont  n'en  fut  faicte  raynute.  • 

Giovanni-Batlisla  San  Pielro,  dit  Corso,  célèbre  capitaine  corse  au  service  de  la 
France,  né  en  1501  à  Baslclica  (Corse),  mort  assassiné  en  Corse  par  un  de  ses 
domestiques,  le  1"  janvier  loO".  Pour  lui  avait  été  créée,  en  1527,  la  charge  de 
colonel  général  des  bandes  corses.  11  servit  le  roi  en  Piémont  (1536)  et  soutint  plu- 
sieurs années,  souvent  avec  succès,  une  lutte  opiniâtre  contre  les  Génois  domina- 
teurs de  sa  patrie. 

San  Pictro  avait  épousé,  en  1546,  Vanina  d'Ornano,  héritière  du  nom,  qu'il 
étrangla  de  ses  mains  à  .Marseille,  en  1556,  pour  la  punir  d'avoir  voulu  aller  solli- 
citer à  Gènes  la  clémence  dos  vainqueurs.  Son  fils,  Alphonse  d'Ornano,  fut  de 
même  colonel  général  des  Corses  au  service  de  la  France  (V.  Brantôme,  édit. 
Lalanne,  t.  VI,  p.  213.  et  V Histoire  f/énéalogiqiie  de  la  maison  cVOrnano,  par 
Culonna  de  Cesari-Rix-ca.  Paris,  1893,  in-i"  avec  pi.). 


[juillet    loil^  GUILLAUME    PELLICIER  o"- 

Signore  6  gli  suoi  bassani,  et  recitarli  la  acerbità  del  caso,  con  parolle 
et  persuasione  del  più  efficacia  clie  vi  sarà  mai  possibile,  rcmonstran- 
doli  molto  ben  corne  cotesta  presa  è  stata  fatta  soluin  perche  l'impe- 
ratore  era  tanto  sdegnato  contra  del  detto  signor  Rincone,  per  essere 
di  nuovo  destinalo  ambassadore  et  ministro  di  S.  M'^-»  al  Gr'an  Signore, 
anche  per  l'authorità  et  gran  credito  che  lui  sa  che'l  detto  signore  llin- 
cone  haveva  aprcsso  di  Sua  Altezza,  et  massime  per  con  tormenti  et 
questione  farlo  confessare  tutti  gli  secretti  et  praliche  passai!  del  detto 
Gran  Signore,  si  etiam  di  quelli  del  présente,  et  de  la  commission  che 
hora  di  nuovo  portava,  perche  imaginava  ben  che  direttamente  era  in 
pregiudicio   et  ruina  de   lui  et  suo  dominio,   corne   intendetc    assai 
meglio,  et  perche  pare  a  tuLti  gli  ministri  et  buoni  servitori  di  S.  M" 
che  sono  in  coteste  bande,  che  non  si  veda  alcun  ordine  ne  meso  di 
poter'  liberar  et  recuperare  gli  detti  S",  per  essere  personaggii  tanto 
signalati  et  de  tal  qualità  che  sonno,  se  non  è  per  represalie  et  contra- 
cambio  de  altri  ministri  et  servitori  de  l'imperator  6  del  suo  fradello  ', 
de  simile  qualilà  et  condicion  che  possino  contrapesare  delti  signori,' 
perhô  vi  sforzarette,  per  ogni  via  et  modo  da  incitar  il  Gran  Signor  et 
suoi  bassani  che  metteno  le  mane  sopra  tutti  quelli  capitani  et  ministri 
de  l'imperatore  et  del  suo  fralello  che  hanno  in  suo  poter,  in  specie 
sopra  il  Laschi,  et  etiam  gli  altri  doi  ambassatori  de  Ferdinando,  che 
hanno  da  venire  alla  Porta  corne  me  havete  scritto  ^  et  fare  che  Sua 
Altezza  scrive  in  ogni  dilligentia  al  detto  imperatore,  et  al  suo  fratello 
che  si  guardano  molto  ben  sopra  la  loro  testa,  che  a  questi  doi  signori 
non  sia  fatto  alcun  despiacer,  violentia  ne  maltrattamento,  anzi  hab- 
biano  rimetterle  in  sua  libertà,  salvi  et  sani  :  altramente  Sua  Altezza 
reputarà  l'ingiuria  et  cotai  indignità  fatta  a  lui  stesso,  de  la  quale  sene 
vora  vindicare,  non  solum  contra  loro  ministri,  ma  ancora  contra  le  loro 
sangue  et  persone  proprie,  et  di  loro  figliuoli  con  tanta  crudeltà  che 
mai  sia  stato  vista  ne  intesa,  et  con  tal  pertinacia  che  mai  non  cessarà 
de  persequitar  la  casa  d'Austria  infino  che  non  sene  sia  vindicato.  Et 
ultra  di  ciô,  farette  anche  che'l  detto  Gran  Signore  constringa  da  scri- 
vere  i  detti  Laschi  et  capitani  a  l'imperatore  et  Ferdinando,  che  vogliano 
restituir  li  detti  signori  Rincon  et  Cezare;  altramente  che  loro  sonno 
per  essere  scruciati  fin  che  a  la  morte  tanto  crudele  et  horribile  che 
mai  feceno  tutti  martiri  insieme,  —  adgiungendo  tutte  altre  parole  che 
per  voslra  prudentia  cognoscerette  essere  alproposito,  secondo  lo  aère 
et  disposition  di  quelli  signori. 

1.  Ferdinand,  roi  des  Romains. 

2.  Les  deux  noiiveau.K  ambassadeurs  du  roi  des  Romains,  Nicolas,  comte  de  Sahii, 
et  Sigismond  de  llerherstein,  arrivèrent  au  camp  des  Ottomans  devant  Bude,  le 
6  septembre  1541,  le  lendemain  du  jour  où  la  n^ne  de  Hongrie  avait  quitté  la  place, 
qui  devait  être  occupée  par  les  Turcs  durant  la  minorité  du  jeune  roi  (V.  de 
Hammer,  t.  V,  p.  338). 


A'U\  AMItASSADK    DK  [JUH.LET    1541 

•  \llri)  di  nuctvo  non  è  suoccsso  dopo  lo  iiiic  ulliino  dcl  iiii  dd  ins- 
l:inti*,  se  non  (jueslo  indcgno  et  acerbissimo  caso  che  ha  conlurbalo, 
non  solum  l'Ilalia,  ma  (jiia^i  tiilla  la  crislianilà;  et  non  è  nessuno  che 
non  piange  hi  fattura  <'l  liadiinenlo  fatto  contra  ogni  dovere  et  jus,  wow 
sûlutn  gentium,  ma  divino  et  humano,  a  <iuesti  doi  grandi  et  cosi  affet- 
lionali  servilori  di  tf.  M'».  Et  da  parte  mia  ne  son  tanto  travagliato,  con- 
lurhato  et  conlamiiiato  del  spirito,  che  non  possr»  dire  altro,  salvo  che 
la  preglio  voler  supplicar  al  Dio  giusto,  con  liilli  quelli  clie  hanno  la 
vita,  et  tutli  allri  iiilinili  bi-nellicii  dal  signor  Rincon,  le  voglia  liberare 
de  ore  Iconis,  perché  altro  che  Dio  in  manu  potenti  non  lo  puô  far... 
<>  /fe  Venetia^  adi  9.  lurjUo  /.j41  .  » 

Vol.  •-',  f"  l'JîJ,  copie  du  wi''  siècle;  1  p.  1/2  in-l". 

l'ELLlCIER    AI'   H<>|  1. 

236.  —  \'e)}ise^  i 2  juillet  1 04 J .  —  «  Sire,  ayant  esté  adverly  que 
certains  Espaignolz  estoyent  allez  sur  le  lac  de  (iarde  pour  faire  provi- 
sion d'une  barcque  équippée  à  vingt  rames,  et  avoir  baillé  bonnes 
arres  -  à  certains  mariniers  pour  l'avoir  preste  dedans  peu  de  jours, 
pour  ainsi  que  conjecturoyt  ung  bon  serviteur  vostre,  tant  pour  les 
gens  qu'estoyent  Espaignolz  que  la  quallité  de  la  barcque  et  le  pas- 
saige  pour  aller  à  Trente,  que  ce  ne  fust  pour  mener  et  conduyre  le 
seigneur  Rincon  et  Cézar,  ou  Tung  des  deulx  vers  l'empereur.  Dont, 
cherchant  tous  les  moyens  qu'il  est  au  monde  possible  pour  y  pour- 
veoir,  congnoissant  certainement  le  seigneur  Pietro  Slrocy  lung  des 
plus  loyaulx,  affectionnez  et  bons  serviteurs  de  V.  M.  qui  soyt  par 
deçà,  l'envoyé  pryer  s'il  luy  plaisoyt  que  je  allasse  vers  luy  et  que  je 
avoys  à  luy  parler  de  chose  de  grande  importance,  affin  de  me  con- 
seiller à  luy  de  ce  que  je  auroys  à  y  faire  :  dont  soubdainement  feuz 
tout  esbahy  que  le  veiz  à  mon  logeys.  Auquel  communiqué  ledicl 
affaire  et  devisâmes  longuement  ensemble  du  meilleur  remedde  que 
l'on  avoytà  y  donner;  enfin,  feusmes  d'oppinion  que  c'estoyt  le  meilleur 
de  mander  cinquante  ou  soixante  bons  compaignons  à  Tesguet  "  en 
ung  lieu  qui  est  du  seigneur  Cézar,  nommé  Garde*,  duquel  le  lac  porte 
son  nom,  et  là  se  lenyr  caichez,  et  avoir  deux  ou  troys  bonnes  barcques 

I.  -  Ceslc  (It'pesflie  avec  celle  du  ix*  de  ce  moys  furent  par  M.  de  Ydron.  que 
M.  de  Langey  avoyl  mandé  icy,  envoyées  en  dilligence  jusqucs  à  Tiuirin.  Kl  fui 
escript  cedicl  jour  à  Saincl-Pol.  Item,  cedict  jour  fut  dépesché  M.  La  Roche,  accom- 
paif-'né  dudicl  seigneur  de  Ydron.  (|ui  apporta  lettres  de  créance  à  M.  le  comte 
de  la  Myrandola,  à  la  signora  (lonstanzn  Fregosa  et  à  messire  Tassin  des  Eaulx.  » 

•J.  Arrhes, 

■.î.  Aux  aguets. 

■i.  Garda,  bourg  situé  à  26  kilom.  de  Vérone  sur  la  rive  orientale  du  lac  de  ce 
nom,  que  traverse  le  Mincio,  affluent  du  Pô. 


JUILLET    1541]  GUILLAUME    PELLICŒR  357 

bien  armées  de  rèmes  ',  el  faire  bon  guet  de  tous  costez  pour  secourir 
et  recouvrer  lesdiclz  seigneurs  César  et  Rincon  si  Ton  les  menoyt  par 
delà;  ou  en  defïault  d'iceulx  si  l'on  pourroyt  rencontrer  quelques  gens 
de  l'empereur  qui  peussenl  s'approcher  au  contrepoyx  desdictz  seigneurs 
Gézar  et  Rin>con,  et  mesmement  en  ce  temps  icy  que  comme  l'on  croyt 
l'empereur  estre  pour  passer  de  bryef  en  Itallye;  et  incontinant  les 
mener  à  la  Myrandola  si  secrettement  quejamais  on  n'en  entende  nou- 
velles ne  on  veist  fumée,  sinon  ainsi  que  V.  M.  en  ordonneroyt.  Pour- 
quoy  faire,  Sire,  ledict  Strocy  a  offert  incontinent  et  sa  personne  et  ses 
biens;  et  de  faict  luy  et  son  frère  M.  le  prieur  de  Capo,  chevaillier  de 
Rhodes  -,  y  sont  allez  fort  bien  en  ordre  el  acompaighez  de  bonnes 
gens  de  guerre,  leurs  souldardz  très  affectionnez  et  dommesticques,  en 
nombre  de  vingt-cinq  chevaux,  pour  veoir  s'il  y  aura  ordre  de  faire 
quelque  chose  :  le  tout  sans  que  l'on  saiche  d'où,  ne  de  qui  telles 
mennées  se  font,  jusques  que  s'ilz  rencontreront  bien  ilz  ne  fauldront 
et  encores  mieulx  prendre;  Dieu  nous  en  vueille  donner  bonne  issue. 
De  ce  que  en  surviendra  au  jour  la  journée  je  ne  fauldray  à  vous  en 
advertyr. 

«  Sire,  je  vous  envoyé  une  lettre  que  Tassin  de  Luna  m'a  envoyée 
qu'il  a  receue  d'ung  sien  amy.  Et  m'a  escript  ledict  Tassin  que  l'aultre 
amy  d'AUemaigne  luy  a  mandé  à  dire  de  bouche  que  celluy  Itallien 
qui  est  en  vostre  court,  lequel  il  désigne  par  telles  enseignes  estre 
disciple  du  prophète,  qui  reffère  tout  ce  qui  se  qui  se  faict  à  l'ambas- 
sadeur de  1  empereur  qui  y  est,  comme  aurez  peu  veoir  par  lettres  de 
luy  que  je  vous  ay  envoyées  par  cy  davant,  est  M.  le  cardinal  de 
Ferrare  :  ce  qu'il  m'a  semblé  pour  le  debvoir  et  naturelle  subgection, 
tidellité  et  sermant  que  j'ay  à  vostre  service  ne  debvoir  doubler  ne 
différer  à  vous  en  advertyr  sans  respect  quelconque;  vous  supplyant. 
Sire,  prendre  tant  l'entreprinse  cy  davant  que  l'advertissement  de  ce 
personnaige  à  moy  donné  en  telle  part  que  la  grandeur  du  debvoir  et 
ma  servitude  le  requiert,  et  me  pardonner  s'il  y  a  chose  qui  ne  soyl 
selon  vostre  meilleur  et  infaillible  jugement... 

«  De  Venize.  » 

Vol.  2,  f  198  v°,  copie  du  xvi"  siècle;  1  p.   1/2  in-f°. 

PELLICIER    A    M.    D'ANNEBAfl.T. 

237.  —  [Venise],  1^  juillet  1541.  —  «  Monseigneur,  vous  aurez 
peu  veoir  ce  que  j'escripviz  devant  hier  au  roy  et  ce  que  encores  foys 
à  présent  touchant  la  prinse  du  seigneur  Rincon  et  entrerompture  de 
son  voyaige,  qui  est  cause  qui  m'a  semblé  vous  debvoir  advertyr  de 

1.  Rames,  du  lat.  remi 

2.  Leone  Strozzi.  prieur  de  Capoue. 


358  AMBASSADE    DE  '^JUILLET    lo4l] 

certaines  parlicularilez  escriples  à  liiy  par  messire  Vincenzo  Maggio, 
estant  pour  le  roy  devers  le  Grant  Seigneur.  Kl  ce,  d'aullanl  qu'il  semble 
toucher  lo  hien  des  affaires  dudicl  seigneur,  ausquelz  ledict  seigneur 
Rincon  par  sa  venue  esloyl  pour  remédier  entièrement,  ce  que  m'avoyt 
faict  déporter  les  escripre  autrement  îi  S.  M.  El  entre  aultres  choses, 
Monseigneur,  ladvcrtissoyl  que  si  d'advenlure  il  ne  avoyt  à  venir  en 
Levant,  ne  donnasl  le  loysyr  ne  espace  de  povoir  sçavoir  sa  demeure 
en  France,  mais  (jue  Ton  sceusl  aussilost  l'arrivée  de  son  successeur  à 
la  I*orle  que  son  cslection  et  nouvelle  de  sa  venue  :  pour  aultant  que 
faisant  aullrenienl  en  adviendroyt  non  peu  de  confusion.  Et  que  l'on 
advise  de  y  envoyer  homme  qui  soyl  plain  de  patience,  modestie  et 
prudence,  sçaichant  les  choses  d'estat  et  mesmement  de  la  guerre, 
pour  en  povoir  dire  son  adviz  et  oppinion;  et  qui  ayt  quelque  aulho- 
rilé  pour  son  eaige,  n'ayant  point  l'esperit  endormy  à  dire  et  faire, 
mais  tout  comptant  pour  inventer,  proposer,  et  respondre  soubdain 
selon  l'exigence  des  affaires;  et  qui  ne  soyt  point  despourveu  de  la 
lengue  ilallienne,  pour  estre  entendu  des  truchemans  de  delà,  d'aul- 
tanl  qu'ilz  ne  s'empescheut  point  d'aultre  lengue  chrestienne  de  par 
deçà;  et  surtout  qu'il  soyt  fort  bien  garny  dargent  et  de  présens,  car 
aultrement  il  ne  seroyt  pas  le  bienvenu  et  se  trouveroyt  bien  empes- 
ché.  Advertissant  aussi  ledict  seigneur  Rincon  que  s'il  y  retournoyt, 
que  ce  ne  fust  sans  grant  trésor,  pour  aultant  que  du  plus  petyt  jusques 
au  plus  grant  faisuyent  leur  desaing  d'avoir  force  présens  à  sa  venue  ; 
et  que  la  despense  de  la  maison  estoyt  grande  et  grosse,  le  sçaichant 
par  expériance,  car  n'ayant  ne  chevaulx  ne  beaulcoup  si  grant  nombre 
de  serviteurs  comme  il  y  avoyt  quant  ledict  seigneur  Rincon  y  estoyt, 
il  se  retrouvoyt  avoir  despendu  en  moings  de  six  moys  mil  six  cens 
escuz  ;  et  que  aultrement  ne  se  povoyt  faire,  qui  vouUoyt  mainctenyr 
et  garder  la  grandesse  et  réputacion  de  France  que  ledict  seigneur 
Rincon  avoyt  acquise  en  ce  pays  là.  Désirant  ledict  messire  Vincenzo 
la  venue  dudict  seigneur  Rincon,  affin  de  se  retirer  en  sa  chambre  et 
se  reposer  de  tant  de  Iravaulx  qui  luy  convient  avoir  ordinairement. 
Et  n'y  retournant  ledict  seigneur  Rincon,  désiroyt  sortyr  comme  il  dict 
hors  de  ce  purgatoire  et  venyr  en  France,  estant  las  d'estre  en  ces 
pays  là,  pour  avoir  tel  fais  sur  les  épaules  et  estre  tout  seul.  Et  que 
retournant  ledict  seigneur  Rincon,  il  verroyt  qu'il  auroyt  beaulcoup 
perdu  à  la  Porte  pour  l'absence  de  Lotphi  Rassa,  qui  en  estoyt  ainsi 
faict  retirer  que  pove/.  avoir  entendu  par  ce  que  je  en  ay  escript  au 
roy  par  cy  davanl.  Exhortant  ledict  messire  Vincenzo  icelluy  seigneur 
Rincon  qu'il  se  recordasl  que  ledict  Lotphy  estoyt  moult  sobre,  et  se 
contentoyt  de  peu,  chose  qu'il  trouveroyt  bien  changée.  Dont  derechef 
l'exhortoyt  qu'il   se  recordasl  d'aller  bien   garny  de  ce   qu'il  feroyt 
besoing. 

«  Monseigneur,  j'ay  esté  adverty,  non  seullement  par  messire  Vin- 


[JUILLET    lo4l]  GUILLAUME    PELLICIER  339 

cenzo,  mais  aussi  par  aullres  lettres  commant  en  Constanlinople  l'on 
ne  povoyt  croyre  que  ledict  seigneur  Ilincon  eust  à  y  retourner,  et  que 
par  ce  que  Ton  povoyt  congnoistre,  comme  suys  adverty  de  quelque 
ung,  ledict  messire  Vincenzo  se  attendoyt  bien  de  y  demeurer  en  chef, 
pour  luy  sembler  n'avoir  le  roy  par  deçà  homme  qui  fust  pour  mieulx 
faire  ladicte  charge  que  luy;  mais  qu'il  s'abusoytbeaulcoup,  car  encores 
que  le  roy  feist  bien  telle  esleclion  de  luy  le  Grant  Seigneur  n'estoyt 
point  pour  l'accepter,  ainsi  que  celluy  qui  me  l'escript  dict  avoir 
entendu  de  bon  lieu  à  la  Porte.  M'advertissant  aussi  par  sa  lettre  du 
xxviF  may  que  l'armée  de  mer  sortiroyt  hors,  et  que  cez  jours  passez 
s'en  partyrent  quinze  gallères  pour  donner  à  entendre  que  ne  parti- 
royt  aultre  armée  pour  ceste  année  ;  mais  qu'il  avoyt  entendu  le  con- 
traire, et  qu'elle  se  faisoyt  mettre  en  ordre  en  bien  groz  nombre  de 
vaisseaulx  pour  mander  dehors,  toutcsfoiz  qu'il  n'avoyt  entendu  quelle 
part  c'estoyt  qu'elle  vouUoyt  aller. 

«  Monseigneur,  s'ils  ne  vous  plaist  avoir  pityc  de  moy  et  me  faire 
envoyer  argent,  je  ne  sçay  plus  que  je  doibs  faire;  car  j'avoys  tous- 
jours  eu  espérance  à  la  venue  du  seigneur  CézarFrégoso,  mais  je  m'en 
veoy  frustré.  Dont  je  vous  supplye  tant  que  je  puys  m'y  faire  pourveoir 
le  plus  tost,  aultrement  je  ne  veoy  moyen  de  continuer  à  faire  le  service 
de  S.  M.  Et  aymeroys  baulcoup  mieulx  que  ung  aultre  y  fust,  que 
feusse  contrainct  à  faulte  d'argent  ne  povoir  mettre  à  exécution  ce 
que  congnoistray  estre  utille  et  nécessaire  pour  les  affaires  de  S.  M.  : 
à  quoy  seray  bien  tost  contrainct  s'il  ne  vous  plaist  y  faire  mettre 
ordre...  *  » 

Vol.  2,  f'^  199  v°,  copie  du  xyi»  siècle;  2.  pp.  in-f". 


:  2 


PELLICIER  AU   GOUVERNEUR  DE   LYOX 

238.  —  [Venise],  i 9  juillet  1 541 .  —  «  Monsieur,  estant  instamment 
pryé  d'aulcuns  bons  et  aifectionnez  serviteurs  du  roy  et  noz  amys  qui 
sont  icy  vous  fa,ire  la  présente  en  faveur  de  messire  Francesco  Dafin  ', 
m"a  semblé  ne  la  leur  debvoir  desnyer,  tant  pour  la  qualité  du  person- 
nage, qui  certainement  méritte  que  on  luy  face  tout  plaisyr,  que  aussi 
pour  estre  sa  demande  et  requeste  très  ci  ville  et  raisonnable  :  attendu 

1.  «  Escript  le  xvi"  juillet  à  M.  de  Rhodez,  à  Rome.  » 

2.  Jean  d'Albon,  seigneur  de  Saint-André,  Oulches  et  Sérézat,  chevalier  de  l'ordre 
du  roi,  gentilhomme  de  la  chambre,  second  Tds  de  Guichard  d'All)on,  seigneur  de 
Saint-André,  et  d'Anne  de  Saint-Nectaire,  mort  en  août  1550.  Il  avait  succédé  dans 
la  charge  de  gouverneur  de  Lyon  et  du  pays  lyonnais,  en  octobre  15.39,  à  Pomponne 
de  Trivulce.  (Provisions  en  faveur  du  sieur  de  Saint-André,  sénéchal  de  Lyon, 
de  l'office  de  gouverneur  et  lieutenant-général  du  roi  à  Lyon,  vacant  par  la  mort 
de  Pomponio  Trivulzi.  Gompiègne,  11  octobre  1339.  —  Cat.  des  actes  de  François  1" 
L  IV,  p.  51,  n"  11,  235.) 

3.  Francesco  Dafin,  négociant  italien. 


:irtO  AMBASSADi:    DE  [jlILLKT    1  ii  H 

iiu'il  ne  demande  que  justice  à  l'enconlre  d'aulcuns  Allcinans  et  Gen- 
nevoys  '  demeurant  à  Lyon  <i"'  '">  ^<^"l  debteurs  long  temps  a  d'une 
l)ien  bonne  et  fçrosse  somme  d'argent.  Desquelz  ne  peult  avoir  ung 
soûl/.,  ainsi  qur  des  noms  et  mérite  de  la  cause  pouvez  estre  ample- 
ment inlorme  par  messire  Claude  Teste,  agent  dudict  Dafin  à  Lyon  % 
si  vostre  bon  plaisvr  sera  luy  donner  audiance...  Le  recommandant 
aussi  de  vostre  j)arl  à  M.  le  conservateur  des  loyres  de  Lyon  ^  ou  ù 
cclluv  ou  ceulx  qui  auront  la  congnoissance  de  ceste  matière...  » 

Vol.  ■-'.  T"  -00  V,  copie  du  xvl'*  siècle  :  :\,'\  p.  iii-r". 


l'ELLICIER   AU  CO.MTE   DE   I.A    MIRANDOI.E. 

239.  —  [Ve7iise],  21  juillet  104/.  —  «  llluslrissimo  et  Excellen- 
lissimo  Signor  mio,  adesso  adesso  son  stato  advertilo  de  buonissimo 
loco  comc  l'imbassator  de  l'imperatorc  che  è  qui,  con  gli  suoi  sequacii, 
cioè  il  cardinal  de  Havena,  et  l'imbassador  d'Urbin  et  allri  Imperiali 
hanno  latlo  consiglio  tra  loro,  et  lianno  scrilto  a  l'imperatore  che'l  più 
presto  manda  qui  gli  lansquenelti  et  altri  huomini  de  guerra  che  lui  fa 
scendere  in  Italia,  perche  è  l'hora  de  fare  Timpresa  su  la  Mirandola;  et 
se  dice  che  aquesto  effetto  l'imperatorc  vien'  ollogiar'  in  Mantoa.  Del 
che  m'ha  parso  il  debito  mio  avisarne  subito  subito  Vostra  Eccellentia 
et  pregarla  usare  tantaprestezza  in  le  cosse  sue,  che  quelle  che  haveva 
desegnato  farc  in  quindisi  di,  farlo  in  otto,  si  sarà  possibile,  et  far  con- 
ducere  lulli  i  grani  del  suo  stato  alla  Mirandola,  et  aiTretare  gli  mer- 
chadanti  forestieri  de  i  quali  V.  E.  ne  deve  havere  che  loro  lo  habino  a 
dare  il  piii  presto  sarà  possibile,  et  ancora  de  gli  altri  vituaglie  et  cose 
necessarie  loi  ne  provedera  corne  son  certo  che  sua  prudentia  sapra 
molto  ben  dare  ordinc.  Di  modo  che  in  queslo  non  achade  darli  altro 
consiglio  ne  avertimento,  solamentc  mi  offerriro  si  ella  ha  di  bisogno 
di  huomini  di  guerra,  ch'  io  ne  li  mandaro  alla  solde  del  re  tanto  che 
fara  di  bisognio;  et  qui  ho  in  casa  tre  ô  quatre  chi  capitani  chi  alfieri 
oltimi  :  sono  anchora  gli  signori  Strozzi,  che  achadendo  V.  E.  ne  habbia 
bisogno,  non  mancharanno  con  tutto  il  poter  loro.  Adonche  V.  E.  me  aver- 
tira de  quello  che  ella  vorra  che  io  faccia  in  questo  et  non  mancharo  ser- 
virla;  in  tanto  la  ricordaro  star  sopra  le  sue  guardie,  et  far  far'il  piii 

1.  Génois. 

■2.  Clauile  Teste  figure  comme  conseiller  de  ville  à  Lyon,  en  io44-154b  (V.  Inv 
somm.  tirs  archivas  de  Lyon,  I.  III.  p.  20'.>,  col.  2). 

3.  Nicolas  de  (Jliapponay,  seigneur  de  Feysin,  conservateur  des  privilèges  royaux 
des  foires  de  Lyon,  ligure  dans  la  taxe  des  habitants  de  cette  ville  en  1538;  son 
frère  Tit-orrroy  de  Cliniiponay  était,  à  la  même  époque,  président  de  la  chambre  des 
comptes  de  Grenoble.  On  trouve  aussi  un  Jean  de  Chapponay  conservateur  des 
foires  de  Lyon  en  l.'STI  (V.  ïnv.  somm.  des  archives  de  Lyon.  t.  111.  pp.  1  i6.  col.  2,  cl 
r,l,coI.2i.' 


.R-ILLET    1d41j  GUILLAU.M1-;    l'KLLICIER  ijOt 

presto  la  monstrade  H  siioi  cavalli  ligieri  etaltrc  génie.  lo  credo  seconda 
che  son  stato  avisato  clie'l  Iresoriero  sara  arrivalo  alla  Mirandola...  » 

Vol.  2.  1'"  200  v^,  copie  du  xvi"  siècle  :  1  p.  iii-f". 


l'KM.ICIER    A    rORMICrET. 

240.  —  [Vetiîsc],  21  julllel  1541 .  —  «  Monsieur  Formiguet,  j'ay 
receu  la  vostre  par  La  Roche  '  et  veu  et  entendeu  bien  au  long  le  con- 
tenu d'icelle.  A  quoy  vous  feray  responce,  quant  au  poinct  de  la  difficulté 
que  avez  faicle  de  bailler  argent  pour  les  arres,  qu'il  me  semble  (jue 
en  cela  ny  avoytlieu,  car  c'est  tousjours  à  rabbalre  quant  on  viendra  à 
lever  les  bledz,  et  pour  ceste  cause  ne  faictcs  aulcun  rcfi'uz  de  en  bailler 
tant  qu'il  en  vouldra  et  en  prenant  bon  récépissé,  affin  que  l'on  ayt 
occasion  de  dire  que  l'on  l'eust  peu  avoir  à  meilleure  condition  si  on 
eust  vouUu  advancer  quelque  argent.  Car  de  moy  ne  m'enporte  rien^ 
mais  que  les  deniers  soyent  employez  et  que  j'en  aye  bonne  et  seure 
descharge.  Il  est  bien  vray  que  j'auray  grant  plaisyr  de  sçavoir  la 
quantité  du  bled  qu'on  aura  achatté  et  vous  prye  le  solliciter  fort  et 
ferme  que  ce  soyt  le  plus  tost  qu'il  sera  possible,  pour  les  raisons 
que  j'escriplz  à  M.  le  conte  -  qu'il  vous  pourra  dire.  Pour  aullant  que 
si  la  chose  se  alloyt  à  la  longue,  vous  y  pourriez  demeurer  enfermé  et 
n'en  sortiriez  quant  vous  vouldriez;  par  quoy  derechef  mettez  y  ordre. 
Quant  est  de  messire  Cola^,  il  me  semble  vostre  opinion  estre  bonne  et 
qu'il  n'est  jà  besoing  qu'il  y  retourne.  Dont  de  tout  je  me  remectz  à 
vous  pour  en  faire  ainsi  que  je  me  fye  en  vostre  dextérité.  Advertissez- 
moy  du  tout  bien  au  long  et  à  Dieu  que  je  prye  vous  donner  ce  que 
désirez,  etc.  » 

Vol.  2.  f"  201,  copie  du  xyi^  siècle;  1/2  p.  in-f'^. 


PELLICIER   A    M.    DE    RODEZ. 

241.  —  [Vemse\,  23  juillet  1541 .  —  «  Monsieur,  par  la  vostre 
dernière  du  xw  de  ce  moys,  j'ay  veu  le  bon  exploict  que  avez  usé  à 
faire  entendre  l'énormité  du  cas  advenu  aux  seigneurs  César  Frégoso 
et  Rincon;  le  semblable  povez-vous  croire  que  n'ay  failly  à  faire  de 
mon  couslé  oii  il  a  esté  besoing,  afin  que  quand  viendra  à  propoz  et 
que  on  en  sera  requiz,  l'on  en  puisse  porter  bon  tesmoignaige  et  faire 
jugement.  Et  povez  estre  asseuré  que  on  ne  a  trouvé  la  chose  moings 
abhorrente  et  détestable  de  ce  cousté  que  là  où  vous  estez.  Je  pence 

1.  Courrier. 

■1.  Le  comte  de  la  Mirandole. 

3.  Le  capitaine  Cola  Bunello,  gouverneur  de  la  place  de  Barlelta. 


;j62  AMBASSADE   DE  JlIl.I.ET    iJJilj 

(|uo  M.  de  Lanpey  vous  aura  onvoyô  le  double  des  lettres  qu'ilz  se  sont 
oscriptes  luy  et  le  marquis  du  (iuast  lung  à  Taulre,  comme  il  faict  à 
moy.  Dont  Je  ne  vous  en  diray  aullre,  sauf  qu'il  mescript  sçavoir  1res 
bien  les  noms  des  Kspaiguolz  qui  ont  faict  loxpédilion  ;  de  quelle 
garnison  il/,  sonl;  combien  de  maistres  et  combien  de  varlelz  y  avoyt; 
où  estoyent  loge/  leurs  chevaulx  Iroys  jours  durant  qu'il/,  ont  faict  le 
guel  sur  la  rivière;  les  noms  des  barcquerolz  qui  les  ont  conduictz;  en 
quel/,  basleaulx  ils  sont  entrez  ce  pendant  pour  veoir  quelz  gens  estoyent 
dedans;  ii  (juelle  beure  furent  les  prisonniers  menez  au  cbasleau  de 
Pavye,  et  par  (jui;  l'i  qui  consignez;  quant  ilz  en  ont  esté  remuez,  et 
par  ([ui;  k  quel  jour  et  lieure  ils  furent  menez  en  la  Rocquette  de 
Millau  ',  el  à  qui  consignez;  quel  présent  donna  le  marquis  à  celluy 
qui  luy  porta  la  première  nouvelle;  quelz  propo/  il  tint  à  ung  qui  en 
parloyt  devant  trop  de  gens;  quel  Iraictementa  eu  le  podestat  de  Pavye, 
pour  ce  que  estant  en  présence  d'ung  des  nostres,  interrogé  comment 
telles  cboses  s'estoyent  faictcs  sans  qu'il  en  sceust  quelque  cbose  ou  se 
fust  mys  en  debvoir  d'en  sçavoir  nouvelles,  il  respondit  qu'il  l'avoyt 
bien  sçeu  mais  n'en  povoyt  faire  aultre  cbose,  pour  ce  que  ceulx  qui 
Tavoyent  faict  s'estoyent  retirez  au  chasteau.  Et  prou  d'autres  choses 
en  sçayt  ledict  seigneur  de  Langey  qu'il  ne  m'escript  pour  éviter  pro- 
lixité. Je  prye  Dieu  le  créateur  nous  en  donner  quelque  bonne  issue, 
et  que  à  tout  le  moings  les  personnaiges  puyssent  avoir  la  vye  saulve. 
«  J'ay  reccu  lettres  de  messire  Yincenzo  Maggio,  du  x.viii*^  jour  de 
juing,  m'advertissant  le  Grant  Seigneur  estre  party  de  Constantinople 
le  XX®  dudict  moys  pour  la  Hongrye  S  en  plus  grant  triomphe  que  on 
veist  jamais  et  avec  plus  grant  exercite,  oultre  lequel  le  Bogdan  luy 
doibt  bailler  soixante  mil  chevaulx,  et  lesTartares  cent  mil.  En  somme 
l'on  escript  qu'il  s'en  va  deslibéré  de  expugner  et  déchasser  le  roy 
Fcrdinando,  non  seulement  du  royaulme  de  Hongrye,  mais  encores 
de  tous  ses  aultres  pays;  et  que  ledict  roy  Ferdinando  semble  voulloir 
estre  cause  que  tous  les  pays  de  la  chrestienté  Me  ce  cousté  là  ayent  à 
estre  mys  en  ruyne  et  destruction  :  je  prye  à  Dieu  qu'il  vueille  donner 
à  icelle  ce  qu'il  sçayt  mieulx  luy  estre  nécessaire.  Et  pource  que  l'année 
est  jà  trop  avancée  pour  voulloir  mettre  à  exécution  ses  desaings,  l'on 
dict  qu'il  yverneraen  Hongrye,  pour  estre  plus  prez  à  ceste  prime  vère 
de  faire  l'cmprinse  de  Vienne  '.  Je  n'oblyeray  à  vous  dire  que  à  son 

1.  La  citadelle  de  Milan. 

2.  Suivant  de  Hamnier  (t.  V.  p.  329),  Sulevman  aurait  (juitté  Constantinople  le 
23juin. 

3.  Nicolas  Wollon,  ambasi.adeur  de  Henri  VIII  à  Clèves,  écrivait  de  cette  ville 
ci  son  maître,  le  8  juillet  1511  :  -  Thcy  rcken  heere  that  the  siège  of  Ove  or  Buda 
must  ncdis  be  shortelye  dissolvidde,  birause  of  the  sucrour  of  the  Turkes,  that 
prépare  a  greate  armye  to  rescue  the  towne,  unlesse  the  States  of  th'  Empyre 
assiste  the  Kinpe  of  llungarye  against  the  Turkes  :  the  whiche  Ihey  hâve  decla- 
ridde  theym  selves  willing  lo  do,  so  that  th  'Emperour  makte  theym  assuryd  of  a 


[juillet    do4l]  GUILLAUME    PELLICIER  3G3 

premier  logement  qu'il  fcist  au  serrail  de  feu  Bi-aimbassa  ',  cinq  mille 
de  Conslantinople,  eut  une  si  grande  inundacion  d'eaue  si  à  coup  que 
sa  personne  el  ses  enfans  feurenL  en  granl  danger,  et  y  eut  plusieurs 
personnes  nayez  et  fort  grant  perte  et  dommaige;  mais  leurs  astrolo- 
giens  dirent  que  ce  n'estoyt  que  bon  signe  de  heureux  voyaige.  Il  a 
laissé  Barberosse  audict  Conslantinople  pour  faire  mettre  en  ordre 
Tarmée  de  mer  qui  sera,  comme  vous  ay  escript,  bien  plus  grosse  que 
on  ne  pençoyt.  Et  jà  estoyent  presque  prestes  soixante  gallères,  mais 
si  très  secreltement  que  personne  n'en  sçavoyt  rien;  et  quinze  que  l'on 
avoyt  mandées  hors  pour  vouUoir  donner  à  entendre  que  ledict  Grant 
Seigneur  n'y  en  mettroyt  davanlaige  pour  ceste  année  que  icelles 
quinze  avecques  l'armée  qu'il  a  de  long  temps  à  Rhoddes,  Lépantho, 
et  la  Vallonné  *,  qui  se  monteront  plus  d'aullres  soixante. 

«  L'on  tient  icy  pour  certain  que  l'empereur  sera  en  Itallye  sur  la 
my  aoust,  et  jà  cez  Seigneurs  ontfaict  quatre  ambassadeurs  pour  aller 
au  davanl  de  luy,  et  le  marquis  du  Guast  faict  amasser  tous  les  gentilz- 
hommes  subgectz  dudict  empereur  pour  l'aller  trouver  avecques  ledict 
marquis  jusques  à  Trente,  et  dict  l'on  qu'il  ameine  avecques  luy  douze 
mil  lansquenetz. 

«  J'ay  receu  lettres  de  la  court  du  vu®  de  ce  moys;  mais  il  n'y  a  aultre 
sinon  la  bonne  santé  du  roy...  » 

Vol.  2,  f"  201  v°,  copie  du  .vvl«  siècle  ;  2  pp.  in-f''. 

PELLICIER  A   MNCENZO   MAGGIO  ^. 

242.  —  [Venise],'  24  juillel  1541.  —  «  Magnifico  Signor,  dopoi 
le  mie  ultime  scritte  à  V.  S.  del  x  del  instante,  ho  recevute  le  vostre 
del  xviii,  XIX  et  xxiii  giugnio,  ma  non  quelle  che  dicete  havermi 
scritte  alli  x  del  detto,  dove  era  l'interpretacicm  de  la  letteradel  Gran 

generall  peace,  Ihe  meane  season,  belwixL  llym  and  the  Prynces  oT  th  'Empyre, 
and  the  said  Princes  belwixte  Iheym  selfes;  and  otherwyse  not  "  {State  papers  of 
Henry  VIII,  vol.  VllI,  p.  o86). 

i.  Ibrahim-Pacha,  grand-vizir  de  Suleyman,  avait  succédé  à Mohanimed-Piri-Pacha, 
destitué  le  27  juin  1523. 

Fils  d'un  simple  matelot  de  Parga,  il  avait  été  enlevé  dans  sa  jeunesse  par  des 
corsaires  turcs,  et  vendu  à  Magnésie.  Suleyman,  alors  héritier  présomptif  du  trône, 
fut  séduit  par  l'esprit  et  le  savoir  du  jeune  esclave,  habile  violoniste,  et  se  l'at- 
tacha. Favori  du  souverain,  chef  des  pages  et  premier  fauconnier,  Ibrahim  cumula 
dès  lors  avec  le  haut-vizirat  les  fonctions  de  beglierbey  de  Roumélie.  Nommé  séras- 
kier  ou  général  en  chef  des  troupes  ottomanes,  en  mai  1529,  lors  de  l'expédition 
contre  l'Autriche,  son  ambition  et  son  orgueil  devinrent  tels  qu'ils  attirèrent  sur 
lui  la  disgrâce  du  souverain  qui  le  fit  mettre  à  mort  le  5  mars  l.")34. 

Ajaz  Pacha,  albanais,  mort  le  13  juillet  1539,  et  le  prédécesseur  de  Lulfy,  succéda 
à  Ibrahim  dans  sa  haute  dignité  (V.  de  Hammer,  t.  V,  pp.  45,  73  et  229j. 

2.  Avlone. 

3.  «  Escript  cedict  jour  à  M.  l'arcevesque  de  Raguse  pour  mander  le  pacquet 
expressément  audict  messire  Vincenzo.  » 


:j6'»  ambassade  de  jiim.kt  i:;h! 

Sigiiori'  a  S.  M",  m-  aiicora  tjucllf  ilcl  xui;  dil  clie  son  iii  ^muii- dissimo 
anaiiiif»,  jM'i-  imii  liavJM'c  lr(»valn  iiol  voslro  uHiiiio  plico  la  copia 
(lella  predclla  inlt'i-prt'lacioiu',  cl  iimi  so  corne  S.  M"  la  iiileiiderà,  si 
l'ur/.e  lum  fosse  iitd  saclu'llo  con  rorigiiiale.  lo  credo  che  M.  l'arceves- 
covo  di  llaj;usa  vi  liaverii  advisalo  de  la  perdita  n  lardaiiza  del  dcllo 
piico,  il  (pialt'  credo  che  (jueslo  sia  achadulo,  »>  par  inalicia  ô  morte 
del  ctiniero.  Adonche  priego  V.  S.  rimaiidar  un'  allra  coppia  de  la 
delta  inlcrprt'lacione,  et,  si  vi  pare,  de  lulla  l'expedicion  vuslra  di  <iuelli 
giorni. 

«  lo  vi  lio  scritto  lo  scélérate  et  impio  caso  de  i  signori  Hincon  et 
Cesare  Kregoso.  Adesso  vi  ne  dirô  più  minutamente  il  successo  de  la 
cosa,  et  conie  la  si  va  discoprendo  ogni  di,  non  dirô  la  verità,  perche 
ella  è  lutta  chiara  h  ciaschaduno,  ma  la  vergognosa  et  inhonesla  escusa 
et  dissimulalioni,  che  quelli  1"  haiinu  falla  vogliano  far  creder  al  mondo, 
con  dir  non  essere  slalo  loro;  et  pur  i  servilori  di  S.  M"  sanno  mollo 
bene  gli  nomi  di  Spagiioli  che  lianno  fatto  quesla  impresa  et  essequita- 
la;  de  quai  garnison,  quanti  patroni  et  servitori  eranno;  dove  eranno 
allogiali  i  cavalli  loro  tre  giorni  sequenti,  avanti  fusseno  presi,  facendo 
la  guardia  sopra  el  Po;  gli  nomi  de  gli  barcaroli,  che  le  hanno  con- 
dutti;  in  che  barche  sono  stali  à  veder  nclle  barche  che  passavano 
per  li;  che  huomini  eranno  dentro;  ù  che  hora  fororno  presi  et  menati 
nel  caslello  di  Pavia,  et  per  chi  et  a  chi  consignali;  quando  de  li  sono 
stali  condutli  in  la  Roca  di  Milano,  et  per  chi,  Ihora  et  giorno,  et  à 
chi  consignali;  che  buona  man  dette  il  marchese  del  Guasto  a  chi  li  ne 
porlô  la  prima  nuova;  che  ragionamenli  sono  stali  tenuti  à  uno  che  ne 
parlava  inanzi  troppo  persone;  quai  traltamenlo  ha  havuto  il  podeslà 
di  Pavia,  essendo  interrogato  in  presentia  da  uno  de  gli  nostri  de 
quelle  cose  come  erano  passate,  havendo  risposo  ch'ello  1"  sapeva 
ben,  ma  non  poteva  far  altro,  perche  quelli  che  l'havevanno  fatlo 
erano  relirati  nel  castello  di  Pavia.  Et  molle  altre  cose  ne  sanno  che 
non  achade  dir  al  présente.  11  chè  da  ogni  banda  gli  servitori  di  S.  M", 
non  hanno  manchato  fare  intendere  a  tutti  gli  grandi  principi  el  signori, 
i  quali  riianno  Irovato  tanlo  abhorente  et  detestabile,  che  certo  si 
maravigliano  mollo  de  lo  svergognato  volto  de  cosloro;  et  massime  il 
Papa  fa  dimonstracion"  d'esserne  molto  scandalisalo.  Anche  s'intende 
che  Timperalorc  non  vorria  che  cosi  fusse  stato  persequito,  per  ben 
che  in  modo  nessuno  non  vorria  esser  manchato  de  questa  sua  impresa. 
>(ondimeno  saria  stato  con  ton  lo  non  esser'  fatto  sopra  le  terre  che 
licno  n  vero  proprie  detiene,  ma  più  presto  di  quelle  di  altri,  come 
diresti  di  questi  Signori  ô  (îrisoni,  6  veramente  in  su  il  mare,  a  cià 
potesseno  meglio  coprir  le  loro  sceleragini.  Ogniuno  estima  che 
S.  M"  non  mancharà  de  rescentirsene  fin  che  al  cuore,  sicome  la 
gravita  et  enormità  del  caso  lo  richiede.  Et  già  havemo  avisi  che 
in  Lione  sono  stali  ritenuli  doi  grandi  vescovi,  cioè   il  vescovo  de 


I JUILLET    liiU  GUILLAUME    PELLICIER  36îi 

Liège  ',  de  i  Bassi  Paesi  de  Timperatore,  et  il  vescovo  de  Valencia  in 
Espagnia^  il  quai  (corne  si  dicej  è  barba  de  Timperatore,  per  esser  lui 
fiol  baslardo  de  l'imperalore  Massimiliano,  et  molle  altre  mezzi  et  vie 
de  i  quali  S.  M"  non  mancharà  valersene,  quando  ben  se  doverebbe 
pigliare  alli  figliuoli  de  quel  grandi  signori  subgeiti  de  Timperatore, 
che  sonno  in  Francia  nelli  studii,  maxime  in  Parigi,  et  ancora  (corne 
credeno  alcuni  servilori  di  S.  M")  fin'  a  Timbassador  de  l'imperalor 
ch'è  nella  cortf  di  S.  M",  per  esser  parente  proximo  de  Granvella  % 
quar  ha  lo  maneggio  de  gli  negotii  de  Timperalore.  Non  ho  ancora 
havuto  risposla  de  la  corte  sopra  di  questo  negotio;  tamen  a  hora  per 
hora  l'aspettiamo,  de  la  quale  subito  non  mancharô  avisame  V.  S.,  et 
non  fusse  stata  questa  spettalion,  non  haveria  reslato  tanto  tempo  a 
scrivervi. 

Non  dubito  che  vostra  prudentia  et  desterità  non  habbia  ben 
intrinsecato  il  caso  al  Gran  Signore,  et  faltoli  remonslrar  che  questo 
è  in  grandissime  spregio  suo,  oltragio,  et  dishonore,  atleso  che"l  detto 
signor  Rincone  era  suo  imbassadore  mandato  per  Sua  Altezza,  et  rimau- 
dato,  et  destinato  a  Ici  per  S.  M'';  di  modo  che  adesso  Sua  Altezza  puol 
far  dimonstracion  quanto  questo  gli  è  in  sdegiio,  facendo  cosi  appa- 
rere  a  tutto  il  mondo  che  gli  negotii  di  S.  M'"  gli  sono  tanto  a  cuore 
corne  gli  suoi  proprii,  et  in  questo  si  cognoscerà  chiaramente  l'amor 
et  estimation  che  lui  ha  del  signor  Rincon,  corne  ha  fatto  sempre  fino 
al  présente.  Et  se  vi  paresse  esser  al  proposito,  che  Sua  Altezza,  ô  per 
lettere  à  allramente,  facesse  intcndere  al  re  Ferdinando  quanto  gli  sarà 
venduto  charo  la  vila  del  detto  signor  Rincon  (si  la  perderà)  che 
farebbe  meglio  procurare  la  sua  sainte,  perche  sarà  fatto  sopra  la  sua 
persona  propria,  o  veramente  sopra  il  suo  sangue,  si  ci  potrà  arrivar. 
Attesso  che  s'intende  de  mollo  ben,  che  Timperatore  et  gli  suoi  dicono 
essere  la  presa  fatta  di  detti  ministri  per  cagion  de  una  taglia  posta 
adosso  del  dilto  signor  Rincone  per  il  re  Ferdinando.  Et  si  sera  possib- 
bile,  è  di  bisogno  che'l  Gran  Signore  scriva  a  detlo  re  Ferdinando  che 


1.  Cornélius  van  Berghen,  coadjuleur  du  prince-évèquo  de  Liège,  Erard  de  la 
Mark,  de  1522  à  1538;  titulaire  de  cet  évêché  depuis  le  18  mars  1538  jusqu'au 
a  août  loil,  date  de  sa  résignation.  Il  eut  précisément  d'abord  pour  coadjuteur, 
puis  pour  successeur  l'arclievèque  de  Valoiici!  en  KspaLMie,  Georges  d'Autriche,  que 
Charles-Quint  lui  avait  imposé,  et  lui  substitua  bientôt  délinitivement. 

2.  Georges  d'Autriche,  fils  naturel  de  l'empereur  Maximilien,  évêque  de  Brixen  en 
Tyrol  (lo25-lo39),  archevêque  de  Valence  en  Espagne  (1539-15  i4).  coadjuteur  et  prince 
évêque  de  Liège  (1544-1557).  mort  le  4  mai  1557,  à  l'âge  de  cin(}uante-deux  ans.  Il 
avait  succédé  sur  le  siège  de  Valence  là  un  prince-évêque  de  Liège,  le  cardinal 
Erard  de  la  Mark. 

Oncle  de  l'empereur,  il  fut  en  eflet  arrêté  à  Lyon,  par  ordre  île  M.  de  Maugiron, 
lieutenant  du  roi  en  Dauphiné,  alors  qu'il  se  rendait  de  Valence  à  Liège  pour 
j)rendre  possession  de  son  évêché  (V.  la  Corresp.  de  Ch.  de  Marillac,  p.  322;  lettre 
du  roi  du  2G  juillet  1541). 

3.  François  Bonvalol. 


300  AMBASSAIiE   DE  [jlîIM.KT    lo4l] 

gli  è  de  npcessilà  d'havorlo  sopra  la  sua  testa,  si  lo  voleim»  preservare 
tlf  morte  erudele  «-l  hrievo.  lo  son  certo  che  l'imperatore  et  il  re  Fer- 
diiiaiulo  non  niancharano  h  vt»ler  fare  inlendere  che  non  sono  stali 
loro,   che    l'hanno   lallo   pigliiire   come  faniio   oslinalainente,   et   con 
puoro  loro  respelto  f;il(o  fara  gli  loro  ministri;  ma  in  (jiiesto  si  debbe 
niollo  hen  daro  h  intendere  à  loro  che  non  è  mancho  lingiuria  et  il 
sdi'gno  eslimare  Intlo  il  mondo  di  cosi  puoco  cervello  da  voler  far  cre- 
dere  qiiesto  che  d'iiaver   comosso  esso  caso,  et  che  sono  sulTicienti 
avisi  di  lutte  le  circonstancié  et  deppendentie,  come  io  vi  scrivo  di  sopra. 
Non    mi   maravif^lio    puoco   come   è   possijjilc  potelé  suporlare  tante 
faliche  clie  io  vedo  esser  constrelto  di  conlinuo  portar  tutto  il  peso  et 
del  patron  et  di  servilor  de  la  casa,  de  la  quale  havele  il  charico,  et 
per  essere  solo  scrivere  cosi  al  longo  come  havetle  sempre  fallo,  et  con 
quella  dexlerilà,  che  con  il  negotiar  vostro  havele  recuperale  le  coppie 
principale  del  negotio  di  quelli  nostri  amici  in  quelle  bande.  Del  chè 
non  ho  manchalo  avertirne  S.  M"  et  particularmente  molti  del  suo 
consiglio,  di  modo  che  credo  che  V.  S.  lo  cognoscerà  per  buoni  effetti, 
anzi  passa  longo  tempo,  comme  già  S,  M"  s'è  molto  ben  recordata 
havendoli  ordinato  iiii<=scudi  di  pensione,  come  m'ha  delto  il  secretario 
del  signor  Rincone  ;  et  da  parle  mia  non  mancharè  far  buonissimo 
oflicio  in  henofficio  vostro.  IS'on  resta  allro  a  dirvi,  salvo  che  vi  priego 
darmi  noticia  del  mezzo  et  via  più  secura,  per  la  quale  io  liaverô  da 
mandarvi  le  mie  leltere  più  sicuramente  et  brievamente.  » 

Vol.  2,  f"  -202  v%  copie  du  xvi^  siècle;  2  pp.  3/4  in-f». 

PELLICIER  .W  ROI*. 

243.  —  [Ve7Ùse],  26  juillet  j  541 .  —  «  Sire,  jay  escript  à  V.  M.  les 
un.  VII,  IX  et  xii<=s  jours  de  ce  moys,  et  faict  entendre  bien  amplement 
toutes  choses  que  avoys  peu  apprendre  jusques  audict  dernier  jour, 
mesmement  des  propoz  que  on  avoyt  tins  de  la  prinse  des  seigneurs 
Cézar  et  Rincon,  et  les  discours  que  on  en  faisoyt  icy.  Dont  à  présent, 
aprez  vous  avoir  faict  sçavoir  comme  j'ay  receu  la  vostre  du  vir  de  ce 
moys,  vous  diray  ce  que  depuys  s'en  est  entendu  de  tous  coustez;  et 
principallement  comme  le  seigneur  comte  Ludovico  Rangon,  ayant 
mandé  ung  de  ses  gens  dedans  Millan,  a  esté  adverty  que  lesdictz  sei- 
gneurs furent  prins  par  xxiii  Espagnolz,  desquelz  les  vingt  estoyenl  du 
chasleau  de  Millan,  et  les  troys  aultres  de  celluy  de  Pavye;  et  que, 
aprez  la  prinse,  les  pourmenèrenl  toute  la  reste  du  jour  sur  le  Pau,  en 
attendant  la  nuict,  et  puys  les  menèrent  au  chasteau  de  Pavye,  faisant 

1.  «  Ceslc  dépesche  fut  retenue  jusques  au  xxix*  de  ce  moys  et  baillée  à  ung  cap- 
pitnine  que  le  seigneur  l'aulin  avoyt  mené  avec  hiy  en  cesle  ville  de  Venize.  Et 
fut  esrript  à  M.  le  prieur  de  Sainct-Paol.  » 


[JLII.LBT    liiil]  GUILLAUME    PELLICIER  3G7 

aller  devant  cinq  hommes  à  cheval  pour  faire  faire  place  par  les  che- 
myns;  el  ung  chascun  qu'ilz  renconlroyent,  le  faisoyent  tirer  à  l'escart 
pour  n'estre  descouvertz.  Et  ce  a  sceu  ledict  seigneur  conte  Rangon 
par  le  seigneur  Hercules  Thorello  \  qui  dict  avoir  entendu  par  lesdict/ 
troys  Espaignolz  du  cliasteau  de  Pavye  qui  avoyent  aydé  à  exécuter 
ladicte  prinse.  Et  qu'il  se  trouvoyent  assez  de  gens  qui  les  avoyent 
entreveuz  prendre,  et  depuys  pourmener  sur  le  Pau  et  les  mener  à 
Pavye,  et  de  là  à  Millan.  Et  que  ledict  homme  du  seigneur  Ludovico 
avoyt  esté  sur  le  lieu  où  furent  prins,  et  avoyt  trouvé  qu'on  peschoyt 
quelques  ungs  d'eulx  que  on  disoyt  avoir  esté  nayez;  oii  depuys, 
comme  ay  esté  adverty  par  messire  Hieronimo  Marteloso,  grant  secré- 
taire dudict  seigneur  Cézar-,  fut  trouvée  la  teste  du  seigneur  conte 
Gamillo  de  Cesso,  lieutenant  dudict  seigneur  Cézar,  lequel  ayant  ung 
grant  coup  sur  la  teste,  estoyt  tumbé  en  la  rivière. 

«  J'ay  aussi  entendu  par  ung  marchant  françoys  qui  est  icy  que  le  len- 
demain que  la  nouvelle  y  vint  de  la  prinse  desdictz  seigneurs,  ung 
nommé  Thomas,  nepvcu  du  consul  des  Espaignolz  qui  s'appelle  Martin 
de  Servèse^,  fort  grant  amy  et  familier  de  l'ambassadeur  de  l'empereur, 
fut  trouver  ledict  marchant  de  grant  matin  à  sa  bouticque  et  luy  dist 
en  se  gaudissant  :  «  Le  seigneur  Rincon  se  recommande.  »  Sur  quoy 
ledict  marchant  luy  demanda  à  quel  propoz  il  luy  disoyt  telle  chose; 
et  ledict  Thomas  luy  respondist  qu'il  estoyt  logé  au  chasteau  de  Millan 
ainsi  que  ledict  ambassadeur  avoyt  esté  adverty  par  lettres  du  marquis 
du  Guast  qu'il  avoyt  receues  le  soir  auparavant  à  une  heure  de  nuict. 
Depuys,  comme  l'on  est  adverty,  ont  esté  menez  à  Crémonne,  ainsi 
que  la  signora  Constance,  femme  dudict  seigneur  Cézar,  a  entendu  de 
bien  bon  lieu;  et  que  son  mary  et  quelque  aultre  avecques  luy  avoyent 
quelque  liberté  de  salle  et  chambre,  et  qu'il  estoyt  sain,  mais  tant  des- 
plaisant et  courroucé  qu'il  ne  bevoyt  ne  mangeoyt  que  bien  peu  de 
chose,  ne  prenant  aulcune  recréation,  et  qu'il  ne  voulloyt  rien  prendre 
que  premièrement  deux  Espagnolz  qui  le  gardoyent  ne  feissent  bien 
de  chascune  chose  la  prouve  et  crédence.  Mais  quant  audict  seigneur 
Rincon,  il  estoyt  détenu  en  grande  destresse.  Et  en  confirmacion  de  ce 
transport  faict  à  Crémonne,  il  y  a  quatre  jours  que  je  fuz  à  la  Sei- 
gneurie, me  fut  donné  en  coDiège  par  icelle  une  lettre  toute  ouverte 
escriptè  le  xvii®  de  ce  mois  par  ung  affectionné  à  vostre  service  me  fai- 
sant entendre  son  nom  par  quelques  enseignes  d'aulcuns  plaisyrs  qu'il 

i.  Ercole  Torello,  tics  Torelli  de  Ferrare. 

2.  Girolamo  Martolosso,  secrétaire  de  Cesare  Fregoso.  11  était  originaire  de  Vérone. 
Sans  doute  eut-il  par  la  suite  à  se  plaindre  de  l'altitude  de  Pellicier  à  son  égard, 
car  ce  fut  lui  qui  dénonça,  en  juillet  lo42,  au  conseil  des  Dix,  les  frères  Cavazza 
et  Abondio  comme  coupables  d'avoir  livré  à  Pellicier  les  secrets  de  la  République, 
et  déchaîna  sur  notre  ambassadeur  la  tempête  au  milieu  de  laquelle  prit  fin  pré- 
maturément sa  mission. 

3.  Martin  de  Cervese,  consul  d'Espagne  à  Venise. 


:{C8  amuassam:  m;  [juillet  i;;hj 

avoyl  receu/  di-  inuy  vn  cesle  ville  il  y  a  plus  dung  an,  m'asseuranl 
•  lue  le  jour  auparavant  sadicle  lellrc,  le  malin  avoyenl  esté  veuz  les- 
dicl/.  seigneurs  César  cl  Rincoti  au  chasleau  de  Crémonne  saufz  et 
sains,  mais  avectiues  bonnes  gardes,  et  quil  est  pour  sçavoir  certai- 
nemenl  ijui  sont  ceulx  «|ui  les  ont  prins.  Laquelle  lettre  ainsi  ouverte 
ee/.  seigneurs  disoyenl  et  nionlroyenl  i)ar  une  lettre  de  leur  podestat 
de  Bresse  '  luy  avoir  esté  ainsi  donnée  par  ung  courrier  qu'il  disoyt 
ne  si;avoir  qui  la  luy  avoyt  baillée.  Je  ne  peu/,  faire  de  inoings  que  de 
m'en  plaindre  ii  ce/.  Seigneurs  et  leur  dire  que  lediet  seigneur  podestat 
ne  dcbvoyt  avoir  ainsi  laissé  passer  la  chose  sans  faire  respondre  per- 
tincntenient  lediet  courrier  qui  estoyt  celluy  qui  la  luy  avoyt  donnée, 
mais  n'en  peu/  avoir  aullre  d'eux,  s'en  excusans  le  mieulx  qu'ils 
povoyenl.  Ce  néanlmoings  icy  et  ailleurs  s'en  parle  en  diverses  sortes, 
car  les  ungs  dysenl  qu'il/,  sont  mortz,  les  aullres  tiennent  de  non;  et 
entre  aultres  le  secreltaire  Fidel  pre/.  du  marqui/.  du  (juasl  pour  ce/ 
Seigneurs  a  escript  pour  certain  qu'il/  ne  sont  plus  en  vye,  et  plusieurs 
sont  de  ceste  oppinion.  Toutesfoiz  l'ambassadeur  de  l'empereur  qui  est 
icy,  parlant  en  plain  bancquet  de  femmes,  à  ung  nommé  Calseran  qui 
luy  demandoyl  qu'il  seroyt  des  amys  qui  estoyent  prins,  luy  feist  res- 
ponce  qu'il/  seroyent  ainsi  détenu/  et  garde/  jusques  à  ce  que  on 
auroyt  responce  de  l'empereur;  mais  que  lediet  seigneur  Rincon  seroyt 
Jiourchado,  que  on  veull  entendre  seroyt  defl'aict. 

«  Sire,  ces  Seigneurs  ont  eu  lettres  de  leur  ambassadeur  pre/  du 
pape,  les  adverlissant  que  Sa  Saincteté  faisoyt  démonslracion  d'en 
eslre  merveilleusement  desplaisant  et  scandallisé  pour  plusieurs  res- 
pect/, disant  que  depuys  qu'il  est  pape,  n'est  advenu  ung  si  grant  cas, 
prévoyant  estre  pour  en  sortyr  une  guerre  enraigée  qui  n'aura  à  finyr 
sinon  avecques  la  ruyne  toutalle  ou  mort  de  quelque  ung,  et  aussi 
pour  le  péril  et  dommaige  que  en  portera  la  chrestienté;  comme  sem- 
blablement,  ainsi  que  vous  ay  escript,  sont  ce/  Seigneurs,  et  d'aultant 
plus  pour  ce  que,  suyvant  (quelque  mot  que  je  leur  touché,  qu'il/ 
avoyent  à  leur  tenyr  quelques  propoz  de  vostre  part.  Leur  secrétaire 
Fidel  leur  a  escript  qu'ilz  leur  apportoyent  parti/  de  par  V.  M.  plus 
grans  el  plus  advantaigeulx  que  jamais  leur  furent  faictz.  Et  à  ce 
tenoyenl  la  main  et  venoyenl  en  ligne  prezque  tous  les  plus  grans  de 
l'Itallye;  et  combien  que,  comme  dict  est,  cesdict/  Seigneurs  en  soyenl 
grandement  desplaisanlz,  ce  néanlmoings  sont-ilz  bien  contans  que 
comme  qu'il  soyt  que  V.  M.  ayt  si  bonne  occasion  de  s'en  rescentyr, 
mesmement  en  ce  temps  icy  que  le  Grant  Seigneur  marche,  et  que, 
rompant  avecques  l'empereur  quant  ilz  sont  rechairchez  de  secours 
par  luy,  ilz  ont  bonne  cause  et  raison  de  s'en  excuser,  disant  que  en  a 
esté  à  la  coulpe  de  ses  gens  que  la  guerre  auroyt  esté  commencée,  el 

1.  IJrescia. 


("juillet    1541]  GUILLAUME    PELLICIER  369 

pour  son  dommaige,  attendu  que  S.  M.  gardoyt  inviollablcment  la 
trefve.  Et  ce  particullièrement  a  esté  débattu  et  raisonné  en  la  chambre 
du  duc  de  ceste  ville,  dont  la  résolucion  en  a  esté  telle  que  dict  est. 
Quoy  à  l'aventure  présentant  '  les  Impériaulx  qui  sont  icy  et  voyans  la 
venue  du  Grant  Seigneur,  et  se  doubtans  que  la  guerre  se  mouve  entre 
voz  Majestez,  et  aussi  se  tenans  presque  asseurez  que  cez  Seigneurs  ne 
seroyent  pour  donner  l'ayde  et  secours  pour  la  deffension  de  la  duché 
de  Millan  qu'ilz  ont  proniys  à  Tempereur,  mais  plus  tost  faire  au  con- 
traire s'ilz  estoyent  contrainctz  se  déclairer  ;  —  aprez  avoir  iceulx  Impé- 
riaulx bien  consulté  par  ensemble  pour  ne  provoquer  en  despéracion 
cez  Seigneurs,  si  l'empereur  monstroyt  estre  marry  et  se  voulloyt  res- 
centyr  s'ilz  ne  luy  bailloyent  ledict  secours,  et  par  ce  moyen  se  tour- 
nassent à  vostre  party,  —  ont  escript  à  l'empereur  que  requérant  cez 
Seigneurs  de  luy  bailler  le  secours  par  eulx  promys  pour  la  dclïension 
de  Millan,  seroyent  pour  le  luy  desnyer.  Dont  estoyent  d'adviz  donner 
ce  que  on  ne  peult  vendre  :  sçavoir  est  que  ledict  empereur  monstrast 
n'en  estre  aulcuncment  fâché  ne  s'en  soulcyer  aultrement;  ainsi, 
comme  venant  de  luy  et  de  son  propre  mouvement  leur  remist  ledict 
ayde  et  secours,  et  qu'ilz  feussent  tenuz  se  demonstrer  tenyr  son  party 
affîn  de  ne  irriter  le  Grant  Seigneur,  voyant  bien  que  ce  leur  pourroyt 
porter  grant  encombrier  et  dommaige  :  chose  que,  comme  il  leur 
feroyt  entendre,  désire  moings  veoir  que  le  sien  propre,  estimant  aul- 
tant  le  bien  et  prospérité  de  leur  estât  que  icelluy  mesmes.  Bien  voul- 
droyt  que  en  lieu  de  ce  ilz  luy  feissent  semblable  secours  d'argent 
secrettement  qu'il  leur  conviendroyt  employer,  luy  donnant  ledict  ayde, 
et  que  en  tout  événement  s'ilz  ne  voulloyent  faire  ce,  leur  quitter  le 
tout  et  les  pryer  en  temps  et  lieu  se  souvenyr  de  leurs  bons  amys  et 
alliez,  et  ne  se  mettre  poinct  jamays  contre  eulx,  et  plusieurs  aultres 
propoz  tendans  à  cez  fins. 

«  Sire,  j'ay  aussy  esté  adverty  que  l'ambassadeur  de  Tempereur  et 
ses  adhérans  ont  faict  escripre  à  Raguse  par  ung  Orsetto,  Ragusien, 
et  par  ung  aultre  que  l'empereur  a  faict  commandeur,  lequel  puys 
naguères  le  Grajit  Seigneur  a  faict  chasser  de  Raguse,  advertissant  la 
Seigneurie  de  là  pour  le  faire  entendre  au  Grant  Seigneur  et  à  certains 
parliculliers,  —  qui  s'attendent  bien  ne  fauldront  le  faire  sçavoir  en 
Conslantinople,  —  que  lesdictz  seigneurs  Cézar  et  Rincon  se  sont  faict 
prendre  expressément  par  vostre  commandement  et  ordonnance, 
ayant  icelle  intelligence  avecques  l'empereur,  et  par  ce  ne  voullant 
que  ledict  Rincon  retournast  vers  ledict  Grant  Seigneur  pour  ne  luy 
accorder  ne  attendre  les  promesses  que  luy  avoyt  faicles  ledict  sei- 
gneur Rincon  ;  vouUans  lesdictz  Impériaulx  faire  accroyre  telles  calom- 
nyes  et  confirmer,  parce  que  lesdictz  seigneurs  Cézar  et  Rincon  sont 

1.  Pressentant. 

Ve.mse.  —  1340-1542.  24 


370  AMBASSADE    DE  [JUH.LET    la4l] 

venuz  par  les  pays  de  roniporeur  avcc<jues  quatre  personnes  seulle- 
ineul  dedans  unj;  petit  basleau  sans  aiilcunes  armes,  ordre  qu'ils 
n'avoycnt  tenu  a  leur  aller,  et  qu'encores  s'ilz  eussent  vuullu  fussent 
passez  par  la  plus  hardiment  ut  seurement,  estant  mesmement  ledict 
seigneur  Cé/.ar  tel  homme  de  f;uerrc,  ayant  sa  bande  toute  preste  et 
faculté  d'avoir  tant  de  gens  à  pied  et  à  cheval  et  arcquchuserye  par 
t^rre  et  par  caue  qu'il  eust  voullu.  A  quoy,  combien  (jne  j'eusse  jà 
pourvcu  à  telles  et  si  malignes  mensonges,  pour  avoir  escript  bien 
amplement  la  vérité  du  faicl  à  messire  Vincenzo  par  homme  et  ])ri- 
ganlin  exprez  comme  ay  escrii)t  à  V.  M.  le  ix"  de  ce  moys,  si  n'ay-je 
encores  de  rechcf  failly  d'escripre  bien  amplement  audict  messire  Vin- 
cenzo,  duquel  ay  receu  deux  pacquetz  adressans  audict  seigneur 
Uincon,  Tung  datlé  du  xviir  juing,  par  la  voye  de  l'ambassadeur  de 
cez  Seigneurs,  qui  est  en  Constantinople  \  et  l'aultre  du  xxiii''  par  ung 
briganlin  mandé  expressément  par  M.  l'arcevesque  de  Raguse,  lequel 
briganlin  rencontra  celluy  que  avions  dépesché  beaulcoup  plus  avancé 
que  uulz  aultres  qui  estoyent  partiz  d'icy  davant  luy,  dépeschez  par 
l'ambassadeur  de  Raguse,  et  auUres  par  cez  Seigneurs  pour  porter 
ladicle  nouvelle.  Et  pour  ce  que  ledict  messire  Yincenzo  a  amplement 
rcprins,  eu  sadicte  lettre  du  xxiii"  adressante  audict  seigneur  Rincon, 
tout  ce  qu'il  escripvoyt  en  celle  du  xviir,  m'a  semblé  n'estrc  aullrc- 
ment  besoing  vous  en  faire  aulcune  répéticion,  ne  pareillement  de  ce 
quil  m'a  escript,  mais  en  debvoir  extraire  et  deschiflrer  tout  ce  que 
ay  cogneu  estre  digne  de  faire  sçavoir  à  V.  M.  et  le  vous  mander,  ce 
que  fays  présentement,  avecques  plusieurs  doubles  d'auUres  choses 
qu'il  a  recouvertz  à  la  Porte  comme  verrez.  Je  vous  envoyé  pareille- 
ment ung  double  d'une  lettre  que  ay  receue  de  vostre  serviteur  d'Alle- 
maigne  par  les  mains  de  celluy  que  bien  sçavez.  S'il  vous  plaira,  Sire, 
que  doresnavant  vous  envoyé  les  originaulx  des  lettres  que  escript 
ledict  messire  Yincenzo  sans  les  deschiflfrer,  ne  toucher  aultrement, 
vostre  bon  plaisyr  sera  m'en  faire  adverlyr. 

«  Sire,  l'on  a  icy  lettres  que  l'empereur  se  doibt  partyr  le  xxii  ou 
xxvi"  de  ce  moys,  et  qu'il  debvoyt  admener  avecques  luy  douze  mil 
lansquenelz,  combien  qu'il  n'eust  demandé  passaige  et  vivres  que 
pour  douze  enseignes.  Dont  ces  Seigneurs  ne  sont  pas  en  petite  frayeur 
et  craiucte  de  veoir  venyr  l'empereur  en  telle  puissance  par  le  cueur 
de  leurs  pays,  et  le  grunt  bruict  qu'il  faicl  couryr  et  démonstracion  de 
faire  si  grosse  armée  par  mer;  par  quoy  ont  ordonné  renforcer  leurs 
garnisons  de  leurs  villes  fortes  en  Terre  ferme,  et  mesmement  à 
Véronne  le  supplément  jusques  au  nombre  de  mil  hommes,  et  mettre 
de  leurs  gentilzhommes  aux  portes  pour  superintendre  à  la  garde 
d'icelles  :  chose  qu'ilz  n'ont  accoustumé  faire,  si  n'est  en  leurs  plus 

1.  Alovsio  Bado.iro. 


[juillet    i54l]  GUILLAUME    l'ELLIClER  371 

grans  affaires.  Et  quant  à  ladicte  armée  de  mer,  j'ay  esté  adverty  que 
cez  Seigneurs  ont  sceu  par  ung  de  leurs  secrétaires,  qui  dict  l'avoir 
entendu  fort  secrettement  du  secrétaire  du  cardinal  de  Ravenne.  que 
ce  grant  apprest  d'armée  estoyt  pour  faire  l'emprinse  d'Alexandrye 
d'Egipte,  comme  vous  ay  escript  avoir  entendu  d'ailleurs;  mais  aprez 
'  avoir  bien  discouru,  et  congnoissant  très  bien  la  quallité  du  pays  et 
lieu  d'Alexandrye,  et  du  temps  ou  quel  sommes  pour  faire  tel  voyaige, 
et  aussi  que  ladicte  entreprinse  seroyt  de  peu  d'importance  et  moindre 
eiïicace,  pour  n'estre  Alexandrye  lieu  de  grant  mouvement  et  eslre  de 
petite  tenue;  car  ne  contient  que  cinq  ou  six  maisons  d'estime  pour 
les  consulz  ou  prévostz  des  marchans.  Ces  Seigneurs  se  tenoyent  pour 
asseurez  que  c'estoyt  pour  aultre  chose  et  ont  jugé  estre  une  fourbe, 
doubtans  plus  tost  estre  pour  faire  quelque  entreprinse  sur  leurs  pays 
de  Levant  et  de  la  Dalmatia  que  aultrement.  Dont  pareillement  ont 
donné  ordre  pour  y  pourveoir  fort  dilligemment,  et  aulcuns  d'eulx, 
Sire,  ne  se  doublent  pas  moings  aussi  que  ledict  empereur  se  pour- 
royt  bien  adresser  sur  voz  terres  maritimes  de  Provence  et  Lenguedoc 
ou  à  tous  deux  en  ung  mesmes  temps,  faisant  venyr  en  Provence  celle 
qu'il  apreste  auprès  de  Sicille,  et  tout  en  ung  coup  celle  de  Mallega  en 
Languedoc.  Or,  comme  qu'il  soyt,  le  commis  de  cez  Seigneurs  qui  est 
à  Naples  les  advertist  que  ledict  empereur  faict  plus  grant  armée^et 
préparatifz  pour  faire  entreprinse  de  mer  que  jamays  il  ayt  faict;  et 
entre  aultres  choses  qu'il  a  fort  grant  quantité  de  biscuiclz,  et  ung 
gros  nombre  de  fers  de  chevaulx  avecques  dix  mil  paires  de  soulliers. 
Toutesfoiz,  Sire,  quant  cela  seroyt,  bien  je  pence  que  avecques  tous 
ses  effors  s'il  voulloyt  venyr  en  voz  pays,  il  trouveroyt  bien  par  vostre 
bonne  providence  à  qui  parler;  mais,  ainsi  que  suys  adverty  par  let- 
tres de  Rornme,  quelque  bruict  qu'ilz  facent  de  préparemens,  l'on  va 
à  l'effect  tout  à  l'aise.  Ce  néantmoins  c'est  ung  esperon  à  ceulx  de 
Naples  pour  recouvrer  le  donnatif  qu'il  leur  demande,  et  jà  les  gens 
de  l'empereur  ont  arreslé  le  party  de  cent  cinquante  mil  escuz  avec- 
ques les  Génevoys*,  à  dix  neuf  et  demy  pour  cent.  Je  suys  adverty  par 
aultres  qu'il  a  engaigé  si  grant  nombre  de  rentes  dudict  royaulme 
qu'il  en  doibt  recouvrer  huict  cens  mil  escuz  à  xxv  pour  cent. 

«  Sire,  l'on  a  aussi  entendu  icy  par  quelques  marchans  que  l'empe- 
reur faisoyt  lever  gens  en  Flandres,  et  estimoyt  l'on  que  c'estoyt  pour 
la  doubte  qu'il  a  que  monseigneur  le  duc  de  Clèves  ne  face  quelque 
mouvement.  Pareillement  j'ay  esté  adverty  que  son  ambassadeur,  qui 
est  icy  avecques  ses  adhérans,  comme  est  le  cardinal  de  Ravenne,  et 
aultres  Impériaulx,  ont  faict  ung  conseil  entre  eulx;  et  ont  escript  à 
l'empereur  que,  le  plus  tost  qu'il  pourroyt,  mandast  icy  les  lansquenetz 
et  aultres  gens  de  guerre  qu'il  veult  faire  descendre  en  Itallye,  pour 

1.  Génois. 


372  AMBASSADE    DE  [JUILLET    la4l] 

aullanl  que  c'esloyl  riieuro  el  k'  temps  de  faire  Temprinse  sur  la 
Myrandola  avant  qu'elle  fusl  p^urveue,  et  aulcuns  pour  ceste  cause 
80  sont  doublez  (jue  lempereur  voulsist  venir  loger  à  Manloue.  De 
quoy,  inconlinant,  par  homme  expre/  en  toute  dilligence  n'ay  failly 
d'en  adverlyr  le  seigneur  conte  de  la  Myrandola,  le  pryanl  d'user  toute 
dilligt'nce  en  ses  alTaires,  de  sorte  que  ce  qui  se  debvoyt  faire  en 
XV  jours  se  feist  en  liuict,  s'il  estoyt  possible,  et  faire  conduyre  tous 
les  grains  de  son  estai  à  la  Myrandola,  et  haster  les  aultres  niarchans 
eslrangiers  ausquel/  a  doniié  arres  de  le  bailler  le  plus  tost.  Sur  quoy. 
Sire,  m'a  envoyé  ung  de  ses  gentilshommes  et  a  pryé  M.  de  Saincty, 
commissaire  envoyé  par  M.  de  Langey  à  la  Myrandola  pour  faire  la 
monstre  et  luy  faire  compagnye  ';  lesquelz  m'ont  dict  de  par  luy  que 
s'il  advenoyl  que  ladicte  place  fust  assiégée,  il  y  auroyt  besoing  de 
trop  plus  grant  nombre  de  gens  qu'il  n'y  a  pour  la  garder.  Et  aussi, 
durant  le  siège  longuement,  pourroyt  avoir  faulte  de  municions  de 
p<juldre,  d'artillerye  et  de  boulletz,  et  que  pour  faire  lesdictes  gens  el 
achapter  ladicte  municion  estoyt  besoing  d'avoir  argent  comptant; 
dont  luy  sembloyt,  attendu  qu'il  avoyt  jà  bonne  municion  de  bledz 
pour  long  temps,  estre  le  meilleur  garder  les  six  mil  escuz  que  V.  M. 
a  ordonnez  estre  employez  en  achaplz  de  bledz  pour  secourir  ausdictz 
affaires.  A  quoy,  Sire,  je  luy  ay  recordé  que  par  l'instruction  que  der- 
nièrement vous  aviez  donnée  audict  seigneur  conte,  V.  M.  n'entendoyl 
que  je  me  meslasse  ne  soulciasse  d'aultre  fornissement  d'argent  que 
des  dix  mil  escuz  pour  l'achapt  des  bledz,  et  que  je  n'avoys  povoir  de 
changer  l'emploicte  dudict  argent  à  aultres  fins;  mais  que  c'estoyt  à 
M.  de  Langey,  en  l'absence  de  monseigneur  le  mareschal  d'Hannebault, 
pourveoir  à  telles  choses.  A  quoy  ilz  m'ont  remonstré  que  ilz  estoyent 
bien  asseurez  que  les  chemyns  estoyent  rompuz,  de  sorte  que  non 
seuUement  telle  somme,  mais  beaulcoup  moindre,  ne  seroyt  seure  à 
porter  par  les  chemys  qu'il  fault  passer;  et  que,  plus  est,  ilz  pençoyent 
estre  bien  asseurez  que  M.  de  Langey  n'avoyt  argent  pour  ce  faire, 
sans  mander  à  la  court  et  mettre  longtemps  avant  que  y  estre  pourveu 
par  ce  moyen  :  ce  que  l'exigence  de  l'affaire  ne  souffroyt,  mais  toutes 
ces  choses  mises  en  considération  et  ce  néantmoings  ne  voullant 
jamais  pour  rien  du  monde  enfraindre  ne  altérer  vostre  vouUenté  et 
commandement,  qui  est  d'employer  lesdictz  six  mil  escuz  en  bledz, 
et  aussi  estimant  que  non  sans  bien  grant  cause  V.  M.  en  faict  faire 
telle  provision,  m'a  semblé  ne  debvoir  muer  l'exécution  de  faire  ledict 
achapt  de  bledz,  et  que  au  reste  nous  verrions  de  y  donner  le  meil- 
leur ordre  qu'il  seroyt  possible.  Dont  pour  ce  faire  ayant  tousjours 
congneu  par  tant  de  si  bonnes  expériances  les  seigneurs  Slrocy  affec- 

I.   Pompée   de   Carnazet,  genlilliomme    ordinaire   de  la    cliambre,  seigneur   de 
Brasscux,  do  Monlaubert  et  de  Saincly. 


JUILLET    1541]  GUILLAUME    PELLICIER  373 

Uunnez  à  vostre  service,  m'en  suys  adressé  au  seigneur  Petro,  pour 
sçavoir  si,  advenant  l'occasion  que  on  cust  affaire  d'argent  pour  voslre 
service,  en  payant  quelques  raisonnables  iutérest/.  pour  ung  ou 
deux  moys,  sil.  en  fourniroyt.  Lequel,  incontinant  que  ay  destaclié  la 
paroile,  s'est  offert  d'employer  luy  et  tous  ses  biens  pour  cest  effect, 
ne  povant  souffryr  d'ouyr  parler  d'aulcuns  intérestz,  et  que,  s'il  plaira 
audict  seigneur  conte,  luy  mesmes  yra  avecques  telle  et  si  bonne 
somme  d'argent  que  l'on  n'en  aura  point  de  faultc.  De  quoy  ay  adverty 
icelluy  seigneur  conte,  affin  qu'il  ne  laisse  ne  diffère  de  faire  ladicte 
emploicte  de  bledz. 

«  Sire,  par  lettres  de  Ralisbonne  s'entend  que  ceulx  de  Moravia 
payent  au  roy  Ferdinando  douze  mil  hommes  de  pied  et  deux  mil 
chevaulx  pour  quatre  moys,  à  douze  escuz  pour  cheval  et  quatre  pour 
homme  de  pyed  par  chascun  moys,  et  que  l'ambassadeur  du  pape  a 
offert  à  l'empereur  que  Sa  Sainctelé  ne  luy  manquera  d'argent  et  aultre 
secours  pour  ledict  roy  Ferdinande  :  le  camp  duquel,  comme  quelques 
ungs  disent  avoir  par  lettres,  est  levé  de  davant  Bude,  et  les  gens  du 
Grant  Seigneur  ont  esté  receuz  dedans  par  la  persuasion  de  frère 
Georges  faicte  au  peuple  de  là  qui  y  résistoyt  jusques  à  se  vouUoir 
presque  mutiner;  et  entend  l'on  aussi  que  laroyne  et  les  enfans  dudict 
roy  Ferdinando  se  sont  relirez  de  Vienne  à  Ispruch  '.  » 

Vol.  2,  f'^  203  yo.  copie  du  xvi''  siècle;  0  pp.  in-fo. 

PELLICIER   AU  COMTE   DE   LA   MIRANDOLE. 

244.  —  [Venise],  28  juillet  1 54 1 .  —  «  Illustrissimo  et  Excellentis- 
simo  Signor,  per  il  signor  commissario  ricevei  la  lettera  che  V.  S''* 
mi  scriveva  de  x.xiii  del  présente.  Ilora  il  medesimo  ritorna  costà,  et 
io  ho  con  S.  S""'"  ragionato  tutto  quel,  che  circa  a  questo  negotio  fa  di 
bisogno  ;  V.  S""'"  gli  prestarà  quella  fede  et  cre  denza  che  preslarebbe 
alla  persona  mia  propria,  perche  egli  la  instruira  et  informera  parti- 
eularmente,  et  dilligentemente  di  ciascheduna  cosa  che  in  ciô  sia 
necessaria.  » 

Vol.  2,  f"  207,  copie  du  xvi'  siècle;  1/3  p.  in-I". 

PELLICIER   A    FORMIGUET. 

245.  —  [^Venise],  2 S  juillet  lo4i .  —  «  Monsieur  Formiguet,  non 
seullement  je  vous  prieray  que  de  vostre  cousté  l'on  ne  se  doibve 
excuser  à  faire  la  provision  de  bledz,  mais  encores  en  tant  que  pourrez 
4e  solliciter  le  plus  dilligemment  qu'il  vous  sera  possible.  Il  est  bien 

1.  Innsbriick. 


37 i  AMBASSADE   DE  [JUILLKT   la41j 

vray  que  si  de  la  soiniiit'  que  vous  avez  il  phiisoytà  M.  le  conte  faire, 
ainsi  quil  m'a  faicl  entendre,  quelque  provision  de  pouldre  et  bouUelz 
dont  luy  sert)yt  besoinjj:,  advenant  l'occasion,  à  ceste  cause  vous  ne  reffu- 
sere/.  ne  délayere/,  de  la  luy  biiillcr  jusques  à  cin(i,  six,  liuicl,  voyre 
rail  escuz,  s'il  sera  de  besoing,  et  en  prenant  ce  néantmoings  bonne 
descharge  loinme  s'il/,  eussent  esté  employez  en  achaplz  de  bledz. 
Kt  au  reste  vous  ferez  bii'u  entendre  à  M.  le  conto  ',  en  luy  faisant  mes 
alTeclueuses  recommandations  à  sa  bonne  grâce,  que  je  ne  faudray 
faire  de  sorte  que  à  ce  qu'il  m'a  mandé  à  dire  par  son  gentilhomme 
et  par  M.  de  Saincty  ne  soyt  pourveu  selon  que  l'on  verra  les  affaires 
le  requéryr.  Je  vous  prye  me  faire  sçavoir  bien  au  long  et  souvent  de 
voz  nouvelles  et  l'ordre  que  en  aura  esté  donné  par  delà,  et  aussi  que 
usiez  de  telle  dilligence  que  l'on  vous  puysse  veoir  le  plus  tost.  » 

Vol.  2,  f"  207  y",  copie  du  .\vi°  .siècle;  1/2  p.  in-f°. 

l'ELLICIER   A   .M.   DE   LANGEV. 

246.  —  [Venise],  2  s  juillet  1 54 1 . —  Recommandation  en  faveur  de 
M.  de  Saincty  qui  se  rend  à  Turin, 

Vol.  2,  f'  207  v^',  copie  du  XVF  siècle;  1/3  p.  in-i". 


PELLICIER   AU  ROI  -. 

247.  —  [Venise],  29  juillet  1541 .  — «  Sire,  depuys  avoir  serré  mon 
pacquet  du  xxvi°  de  ce  moys  et  attendant  le  parlement  de  M.  de 
Saincty,  est  arrivé  icy  le  jour  d'hier  le  cappitaine  Polain  qui  m'a  donné 

1.  Le  comle  de  la  Mirandole. 

2.  •  Ce.sle  «lépesche  fut  baillée  à  uns  cappitaine  nommé  Hercules  avec  l'aullre 
«lernièro  ilu  xxvr  de  ce  moys,  nui  fut  dépesché  expressément  par  Mgr.  de  Mont- 
pellier et  par  le  cappitaine  Poulin.  - 

Antoine  Esralin  des  Aymars,  dit  le  capitaine  Poulain,  Paulin,  Polain  ou  Potin, 
né  à  la  Garde  (Drùnie)  vers  1498,  mort  à  la  Garde  le  30  mai  1378.  Fils  de  sim- 
ples paysans,  il  avait  commencé  à  servir  comme  goujat  d'armée,  mais  sa  valeur 
et  son  inlellipence  le  conduisirent  promptement  à  une  haute  fortune.  Protégé 
par  Guillaume  du  nellay,  (jui  le  fit  connaître  au  roi,  Polin  (pour  lui  conserver 
son  nniu  de  guerre)  reçut,  par  lettres  données  à  Tournon,  le  7  août  l;i3C.  loflice  de 
châtelain  de  Castel-Deinno,  place  forte  du  Piémont,  située  à  l'entrée  de  la  vallée 
de  la  Varaita,  dans  un  délilé  an  pied  dn  mont  Viso  {Cat.  des  actes  de  François  P\ 
l.  VI,  Suppt.,  ]).  427,  n"  2l,0',t7);  puis,  par  lettres  en  date  de  Fontainebleau,  le 
23  février  lo3'.t,  une  pension  annuelle  de  deux  cents  livres  tournois  (M?f/.,  t.  III, 
p.  728,  n"  10,839).  Aussitôt  la  nouvelle  connue  île  l'attentat  commis  sur  Rincon,  le 
roi,  sur  la  tlésignation  de  Langey,  chargea  Polin  de  remplacer  son  ambassadeur  auprès 
de  Suleyman  et  l'expédia  sur-le-champ  à  Venise. 

Plus  tard,  Ihumble  cai»itaine  parvint  aux  importantes  fonctions  de  lieutenant 
général  de  la  marine  en  lievant  (9  mars  1513),  et  de  général  des  galères  de  France 
(23  avril  l."ili).  Envoyé  derechef  lomnie  amba-;sadeur  auprès  de  la  Porte,  le  1"  mai 
de  la  même  année,  il  y  demeura  jusquau  l'.i  octobre;  prit  une  pari  si  sanglante  à  la 
répression  des  Vaudois  de  Cal)riéres  et  de  Mérindol,  qu'il  fut  emprisonné  et  des- 


[jllLLirr    1541]  GUILLAUME   PELLICIER  375 

lettre  de  créance  et  dict  et  exposé  bien  au  long-  toutes  choses  de  vostre 
part;  et  puys  avons  ouvertz  les  pacquetz  et  dépesches  des  seigneurs 
Cézar  Frégose  et  Rincon,  èsquelles  s'y  sont  trouvées  toutes  les  pièces 
principalles;  mais  quant  aux  mémoires  pour  les  seigneurs  cappitaines 
d'Itallie  que  ledict  seigneur  Cézar  avoyt  charge,  n'y  a  rien  esté  trouvé, 
ne  pareillement  de  la  distribution  des  présens  qu'il  avoyt  à.  faire.  Et 
aprez  avoir  bien  consulté  et  advisé  ensemble  s'il  seroyt  bon  d'aller 
cedict  jour  à  la  Seigneurye,  nous  a  semblé  estre  le  meilleur  différer 
jusques  à  demain  pour  ce  pendant  avoir  tout  temps  d'adviser  mieulx 
et  plus  meurement  ce  que  on  aura  à  dire  à  cez  Seigneurs,  et  aussi 
entendre  secrètement  avecques  les  amys  qui  sont  affectionnez  à  vostre 
party  ce  que  on  leur  pourroyt  mettre  avant  pour  plus  efficacement  les 
•faire  descendre  à  quelque  bonne  fin.  Car,  Sire,  je  ne  foys  double 
qu'ilz  n'y  facent  difficulté,  attendu  mesmement  la  prochaine  venue  de 
l'empereur  en  leur  pays  et  la  grande  armée  qu'il  faict  couryr  bruict  de 
faire  :  dont  sont  grandement  empcschez  et  effrayez.  A  cause  de  quoy, 
comme  je  vous  ay  escript,  mettent  bon  ordre  et  provision  par  toutes 
leurs  villes,  et  ont  esleu  quatre  ambassadeurs,  sçavoir  est  messire  Vin- 
cenzo  Grimani,  messire  Joan  Antonio  Venier,  messire  Nicolo  Thiepoli 
et  messire  Marc  Anthonio  Contarin,  pour  envoyer  au  davant  de  luy. 
Desquelz,  s'il  y  en  a  deux  bien  affectionnez  à  V.  M.,  les  aultres  deux 
en  sont  bien  aultant  retirez*  ;  et  davantaige  cesdictz  Seigneurs  font  faire 
ung  pont  sur  le  Ladèze  -  pour  son  passaige.  Et  pour  ce.  Sire,  que  j'ay 
esté  adverly  de  plusieurs  endroictz,  comme  verrez  par  lettres  d'Alle- 
maigne  et  de  Millau,  que  ledict  empereur  avoyt  jà  entendu  V.  M.  avoir 
faict  ung  aultre  ambassadeur  vers  le  Grant  Seigneur,  et  que  l'on  ne 
fauldroyt  à  luy  donner  tel  empeschement  que  Ton  a  faict  aux  aultres 


titiié,  rétabli  dans  sa  charge  en   1551,  destitué  de  nouveau  en  1357  el  de  nouveau 
rétabli  en  loGCi. 

Polin  parait  avoir  hérité,  après  la  mort  de  lUncon,  de  la  seigneurie  de  Pierre- 
latte  en  Dauphiné,  dont  le  roi  avait  fait  don  à  ce  dernier  sa  vie  durant.  Il  y  joignit 
la  baronnie  de  la  Garde,  (|u'il  tenait  depuis  1543  de  Louis  d'Adhémar  de  Monteil, 
seigneur  de  Grignan,  auquel  il  laissa  plus  tard  ses  biens. 

Brantôme  a  tracé  du  baron  de  la  Garde  une  curieuse  biographie,  dans  ses  Grands 
Capitaines  (édit.  Lalanne,  t.  IV,  p.  139);  un  sonnet  de  Joachim  du  Bellay,  dans  les 
Regrets  {édil.  Liseux,  Paris,  1876,  in-18,  p.   111),  lui  est  adressé. 

Il  signait  couramment  «  Escalin  «  (V.  AIT.  élr.,  Venise,  Correspondance,  t.  VIII, 
f°  49,  et  Bibl.  nat.,  ancien  ms.  342  du  fonds  Gaignières,  aujourd'hui  ms.  fr.  20,  463). 
Le  sobriquet  de  Le  Poulain  (V.  Cal.  des  actes  de  François  /",  t.  III,  p.  "28,  n°  10,839), 
dont  les  autres  formes  précitées  sont  des  corruptions  populaires,  lui  vint,  dit-on, 
de  l'impétuosité  de  son  caractère.  La  famille  Polain,  de  Liège,  par  une  semblable 
analogie,  a  pour  cimier,  dans  ses  armes,  une  tête  déjeune  cheval  avec  cette  devise: 
«  Pas  toujours  polain  »,  et  la  tradition  originelle  de  ce  surnom  est  la  même. 

1.  Vincenzo  Grimani  (1540)  et  Gian-Anlonio  Veniero  (1531-1532)  avaient  été  tous 
deux  ambassadeurs  en  France;  Niccolo  Tiepolo  (1530-32  et  1538),  et  Marco-Antonio 
Gontarini  (1532-1533)  avaient  exercé  les  mêmes  fonctions  auprès  de  Charles-Quint 
et  de  son  frère  Ferdinand. 

2.  L'Adige. 


376  AMBASSADE    DE  [JUILLET    1341J 

s'il  csloyl  possible:  de  quoy,  Dieu  inorcy,  ont  esté  frustrez,  pour  le 
moines  jusques  en  ceslc  ville  Dont,  pour  achever  en  la  meilleure  seurté 
qu'il  sera  possible  son  voyaige,  attendu  qu'il  y  a  granl  danger  que  son 
passaige  ne  soyt  descouvert,  pour  avoir  charge  de  le  déclairer  h  cez 
Seigneurs  et  leur  ofl'ryr  de  voslre  part  tous  plaisyrs  et  secours  envers 
le  Granl  Seigneur  que  voslre  povoir  et  auctorité  se  pourroyt  estandre, 
nous  a  seniblé,  ne  voyant  jusques  à  présent  meilleur  moyen  de  Tas- 
seurer,  debvoir  demander  à  cez  Seigneurs  de  la  part  de  V.  M.  ung 
sauf  conduict  et  seureté  de  une  ou  deux  de  leurs  gallères  pour  le  con- 
duyre  jusques  à  Kaguse  :  chose  que  pourra,  selon  leur  coutume,  aller 
ung  peu  à  la  longue,  et  d'aullant  plus  à  présent  sentant  l'empereur 
faire  si  grande  armée  que  dict  est,  craignant  de  luy  desplaire.  Dont, 
Sire,  si  les  affaires  vont  ung  peu  plus  en  longueur  qu'ils  ne  le  requiè- 
rent, il  vous  plaira  ne  l'attribuer  à  aultre  que  à  la  dillicullé  d'ieeulx, 
car  de  noslre  cousté  ne  fauldrons  d'user  toute  dilligence  tant  qu'il  nous 
sera  possible,  et  vous  advertirons  bien  au  long  de  la  responce  de  cez 
Seigneurs;  mais  cependant  nous  a  semblé  ne  debvoir  faillyr  vous 
advertyr  de  son  arrivée  icy. 

«(  Sire,  je  vous  remercye  très  humblement  de  la  bonne  souvenance 
que  avez  de  moy,  comme  j'ay  congneu  par  la  voslre  du  vu*  de  ce 
moys,  donnant  espoir  me  faire  bien  tost  envoyer  argent,  dont  je  vous 
en  supplye  très  humblement;  car  je  me  veoy  en  telle  nécessité.  Sire, 
que  je  ne  sçay  plus  à  qui  m'adresser  pour  en  recouvrer,  estant  endebté 
de  tous  cousiez  pour  fournyr  aux  despenses  extraordinaires  que  j'ay 
faictes  depuys  que  suys  icy,  qui  sont  deux  passez  sans  en  avoir 
encores  recouvert  ung  denier. 

«  Sire,  nous  venons  d'être  advertiz  comment  l'ambassadeur  de  cez 
Seigneurs  prez  le  pape  a  escripl  que  Sa  Saincteté,  luy  tenant  propoz 
de  la  venue  de  l'empereur  en  Itallye,  et  grant  appareil  de  guerre  qu'il 
faisoyl  par  mer  et  par  terre,  l'a  exhorté  de  leur  escripre  qu'ilz  ouvris- 
sent bien  les  yeulx  et  qu'ilz  prinsent  bien  garde  à  leurs  affaires,  car 
cecy  estant  hors  de  temps  ne  povoyt  toucher  sinon  à  luy  ou  à  eulx; 
mais  que  quant  à  luy  il  avoyt  desjà  commancé  à  y  donner  si  bonne 
provision  qu'il  s'en  prendroyt  bien  garde,  et  qu'ilz  voulsissent  faire  le 
semblable,  les  asseurant  que  quant  ilz  se  vouldront  entendre  avec  luy, 
qui  louchera  à  l'ung  aura  affaire  à  l'aultre,  et  plusieurs  aullres  propoz 
semblables.  Par  quoy  cez  Seigneurs  ont  commencé  à  traicter,  oullre 
la  provision  de  gens  et  municions  qu'ilz  avoionl  ordonné  aux  Terres  ', 
de  faire  jusques  au  nombre  de  huict  ou  neuf  mil  hommes  de  pied,  pour 
mettre  en  campaigne,  chose  que  comme  voz  serviteurs  estiment  pourra 
servir  grandement  aux  propoz  que  l'on  aura  à  leur  tenyr.  J'estime 
bien.  Sire,  que  avant  la  réception  des  présentes  V.  M.  aura  esté  advertye 

1.  V.  la  dépêche  2i3. 


[juillet    1o41]  GUILLAUME    PELLICIER  377 

par  M.  de  Rodez  du  trespas  de  feu  monseigneur  le  Révérendissime 
cardinal  Frégose  \  et  par  là  sera  advenu  ce  que  communément  cschel, 
c'est  que  guières  une   desfortune  n'advient    seuUe  a  une  maison  et 


lignée.  » 


Vol.  2,  f"208,  copie  du  xvi®  siècle  ;  2  pp.  in-f°. 


PELLIClEll   AU   CARDINAL    DE   TOURNUN. 

248.  —  [Veîiise],  29  juillet  I54i .  —  «  Monseigneur,  j'ay  receu  la 
lettre  qu'il  vous  a  pieu  m'escripre  par  M.  le  cappitaine  Poullain  qui 
arriva  icy  le  xxvii"  de  ce  moys,  lequel  m'a  raconté  bien  amplement 
toutes  nouvelles  de  la  court  et  la  charge  qu'il  a  pieu  au  roy  luy  donner*. 
En  quoy,  Monseigneur,  combien  qu'il  soyt  si  sçavanl  et  bien  instruict 
qu'il  n'ayt  besoing  d'aulcune  adresse,  et  aussi  que  là  où  je  verray  mon 
conseil  luy  povoir  servyr  et  donner  confort  pour  les  affaires  de  S.  M., 
je  ne  feray  que  mon  debvoir  de  le  luy  présenter  et  offryr,  pour  la 
grande  obligation  que  j'ay  au  service  d'icelle,  ce  néantmoings  encores. 
Monseigneur,  désirant  grandement  vous  agréer  et  servyr  en  toutes 
choses,  je  mefforceray,  aprez  avoir  donné  le  meilleur  ordre  et  provi- 
sion requise  aux  affaires  du  roy  que  nous  pourrons  adviser  luy  et  moy, 
d'aultant  plus  pour  l'amour  de  vous,  à  luy  faire  congnoistre  en  ses 
affaires  particulliers,  le  plus  efficacement  qu'il  me  sera  possible,  combien 
je  désire  luy  faire  plaisyr  et  service. 

«  Monseigneur,  il  a  pieu  au  roy  me  donner  espoir  par  sa  lettre  du 
vir  de  ce  moys  de  me  faire  bien  tost  envoyer  argent,  dont  je  vous  sup- 
plye  très  humblement  m'y  voulloyr  estre  aydant...;  me  voyant  frustré 
de  l'attente  que  j'avoys  d'en  recouvrer  à  la  venue  du  seigneur  Cézar, 
ainsi  que  Ton  m'avoyt  donné  espérance,  je  avoys,  longtemps  a,  envoyé 
mes  comptes  extraordinaires  d'une  année  :  lesquelz  avecques  un  pac- 
quet  du  roy  se  sont  perduz  au  delà  de  Thurin.  Ce  néantmoings  je  ne 
laisse  d'ensouffryr  et  endurer  grandement  pour  la  retardacion  d'iceulx 
qu'il  a  fallu  reffaire,  lesquelz  de  rechef  ay  renvoyez.  Et  pour  ce,  Mon- 
seigneur, que  l'argent  que  pourray  recouvrer  d'iceulx  voyre  beaulcoup 
davantaige  est  desjà  despendu,  je  vous  supplieray  que,  —  oultre  la 
somme  contenue  èsdictz  comptes,  de  laquelle  ayant  satisfaictàmes  cré- 

1.  Federigo  Fregoso,  fils  d'Agostino  Fregoso  et  de  Genlila  de  Montefeltro,  nièce 
de  Guid'U!  aido  I,  duc  dUrbin.  Elevé  à  la  cour  de  son  oncle  maternel,  qui  lui  fit 
donner  l'archevêché  de  Salerne  (i:;07-lo33),  il  fut  successivement  ambassadeur  de 
Gènes  auprès  de  Léon  X,  commandant  en  chef  des  galères  génoises  dans  l'expédi- 
tion dirigée  contre  les  corsaires  de  Tunis,  abbé  de  Saint-Bénigne  de  Dijon,  évêque 
<le  Gubbio  (loOS-lo4i),  et  enfin  cardinal  (lo39).  il  mourut  à  Gubbio  le  22  juillet  lo4i, 
laissant  diverses  œuvres  sacrées  et  profanes,  et  une  grande  réputation  de  charité. 

Son  frère,  Ottaviano  Fregoso,  fut  doge  de  Gènes  de  1513  à  1522.  Tous  deux  étaient 
oncles  de  Gesare  Fregoso,  l'agent  infortuné  du  roi  de  France. 

2.  Celle  d'ambassadeur  auprès  de  la  Porte. 


378  AMUASSADE   DE  [JUILLET    134l] 

dileurs  desquelz  suys  fort  insleramonl  sollicité,  non  seullement  ne  me 
demeurera  pas  ung  denier,  mais  cncores  ne  suffira  il  beaulcoup  prez  à 
payer  où  je  doil»/,,  —  que  voslro  bon  plaisyr  soyt  me  faire  avancer  à  bon 
compte  (|uol(iue  somnn'  d'arj^entsur  la  despence  extraordinaire  que  j'ay 
faicte  la  seconde  année,  en  attendant  que  j'en  aye  faicl/.  et  mandez  mes 
comptes  par  escript,  i)0ur  fournyr  à  la  despence  extraordinaire  que 
me  conviendra  faire  dorosnavant.  Laquelle  je  veoy  en  termes  d'estre 
beaulcoup  plus  jj^rosse  ([uelle  n"a  esté  par  le  passé,  et  jà  pour  ce  moys 
icy  je  en  ay  desboursé  en  brigantins  tant  mandez  à  Raj^use  que  venuz 
de  là  icy,  postes  et  lettres,  et  aultres  choses  pour  Tadventure  advenue 
aux  seigneurs  Cézar  et  Rincon,  plus  de  troys  cens  escuz.  Car  aultrement 
je  me  veoy  en  grand  danger  de  lumber  en  telle  nécessité  que  à  grant 
peyne  pourray-je  avoyr  de  «{uoy  fournyr  à  la  despence  ordinaire  de 
ma  maison.  Dont,  Monseigneur,  je  vous  laisse  pencer  comme  il  m'est 
possible  mettre  à  exécution  le  bon  vouUoir  que  j'ay  de  faire  service  au 
roy;  par  quoy,  pour  ne  tumbcr  en  tel  inconvénient,  vous  supplieray  de 
reclief  m'y  faire  pourveoir  le  plus  tost...  *  » 

Vol.  2.  f"  200,  copie  du  wi*^  siècle;  1  p.  1/4  in-f°. 

PELLICIER   A    M.    DE  LANGEV. 

249.  —  \Vcnise],  29  juillet  1 541 .  —  '<  Monsieur...,  je  vous  envoyé 
quelques  lettres  adressantes  à  M.  le  mareschal  d'Hannebault,  lesquelles 
vous  plaira  luy  faire  tenyr  là  par  où  il  sera,  pour  aullant  que  nous 
sommes  en  suspens  s'il  sera  party  de  la  court  ou  non  pour  venyr  en 
Pyémont.  Qui  a  esté  cause  que  je  ne  luy  ay  point  escript;  dont  je  vous 
prye,  s'il  estoyt  arrivé  à  Thurin,  eslrc  recommandé  et  entretenu  très 
humblement  à  sa  bonne  grâce,  et  mander  le  plus  tost  et  seurement 
qu'il  sera  possible  le  pacquet  au  roy...  » 

Vol.  2,  f"  209  v°,  copie  du  xvi''  siècle;  1/2  p.  in-f°. 

l'ELLlClER  ET  LE  CAPITAINE   POLIN   AU  MÊME. 

250.  —  [Venise]^  30  juillet  1 541 .  —  Recommandation  en  faveur  de 
courrier  porteur  de  la  présente  dépêche,  ami  particulier  de  Cesare  Fre- 
goso  et  «  désirant  se  trouver  au  droict  de  povoir  faire  service  au  roy  ». 

Vol.  2,  f°  201)  Y",  copie  du  wi"^  siècle;  1/2  p.  in-f". 

1.  "  k  M.  Guillaume  Pélissier,  évesque  de  Montpellier,  ambassadeur  du  roy 
devers  la  Seigneurie  de  Venise,  2485  1. 1.  par  letlres  à  Fontainebleau,  le  2  juin  1541 
[le  ms.  porte  |)ar  erreur  1510],  pour  son  estât,  vacation  it  desponses  en  ladicle 
charge  durant  121  jours  coniniencez  le  1°'  janvier  1540,  finissant  le  dernier  juin 
suivant  loil.  —  llem,  2525  1.  t.  par  lettres  à  Decize,  le  21  aonst  lo'tl,  pour  demie 
année  de  sa  despense  en  ladictc  charge,  finie  le  dernier  décembre  1541  •  (B.  N., 
DIS.  Clatrambaull  1215,  f°  79). 


[juillet   Ibil]  GUILLAUME   PELLICIER  379 


PELLICIEU   A   M.    DE    UUDEZ. 

251.  —  [Venise],  30  juillet  1 541 .  —  «  Monsieur,  l'on  avoyt  eu  icy 
semblable  adviz  du  partemenl  de  l'empereur  pour  venyr  en  Ilallye  que 
j'ay  veu  par  la  vosLre  du  xxiii"  de  ce  moys  que  on  avoyt  eu  de  vostre 
couslé,  c'est  qu'il  debvoyt  partyr  le  x.v-  d'icclluy;  mais  depuys  l'on  a 
entendu  qu'il  l'a  remys  au  premier  d'aoust.  EL  par  ainsi  cez  Seigneurs 
ne  seront  pour  mander  si  tost  leurs  quatre  ambassadeurs  qu'ilz  ont 
faictz  pour  envoyer  au  davant  de  luy,  qui  sont  messirc  Yincenzo  Gri- 
many,  Jehan  Anlhonio  Venier,  Nicolas  Thicpoly  et  Marco  Anthonio 
Contarin;  desquelz  s'il  y  en  a  deux  bien  affectionnez  à  nostre  party,  les 
deux  aultres  n'en  sont  pas  moings  retirez.  Cesdictz  Seigneurs  ont  aussi 
faict  faire  ung  pont  à  Ladèze  *  et  faict  force  provisions  pour  le  passaige 
dudict  empereur;  lesquelz  entendant  les  grans  préparatifz  d'armée 
qu'on  faict  bruict  icelluy  empereur  voulloir  faire,  congnoissans  très 
bien  que  ce  n'est  pour  faire  nulle  des  deux  entreprinses  d'Alger  et 
d'Alexandrye  d'Egipte  comme  l'on  avoyt  faict  couryr  bruict,  ains  ont 
aprez  avoir  bien  discouru  jugé  que  ce  n'estoyt  que  une  fourbe,  doub- 
tans  plus  tost  estre  pour  faire  quelque  emprinse  sur  leur  pays  de  Levant 
et  Dalmatia  que  aultrement,  n'ont  failly  donner  ordre  pour  y  pourveoir 
fort  dilligemment.  Et  quant  à  leurs  terres  fermes  ont  ordonné  ren- 
forcer leurs  garnisons  de  leurs  villes  fortes,  et  mesmemenl  à  Véronne 
le  supplément  de  deux  mil  hommes,  et  oultre  cela  huict  ou  neuf  mil 
hommes,  pour  mettre  en  campaignc.  Voyelà  comme  ilz  se  fyent  à  leurs 
amys.  Quant  est  d'aller  du  cousté  de  la  Provence  et  Languedoc,  l'on  en 
a  faict  icy  quelque  discours,  mais  ad  ce  que  je  puys  entendre  à  la 
vérité,  si  l'empereur  n'est  mal  adverty,  je  ne  pence  qu'il  s'adresse  de 
ce  cousté  là  ;  car  il  y  auroyt  aultant  affaire  à  se  deffendre  que  à  assaillyr. 

Or,  me  remectant  à  veoir  la  vérité  de  toutes  cez  choses  avecques  le 
temps,  je  les  laisseray  là  pour  ceste  heure  et  vous  diray  comme  il  y  a 
deux  jours  que  M.  le  cappitaine  Poulin  est  arrivé  icy  pour  aller  en 
Levant  de  par  le  roy  pour  aulcuns  affaires,  et  mesmement  donner  à 
entendre  au  Grant  Seigneur  la  vérité  du  cas  advenu  aux  seigneurs 
Cézar  Frégose  et  Rincon,  affin  que  si  les  Impériaulx  ou  aultres  qui  se 
vouldroyent  faire  licite  d'en  parler  et  faire  courir  le  bruict  à  leur  fan- 
taisye,  le  voulloyent  desguyser  ou  que  jà  l'eussent  faict,  l'on  entendist 
le  faict;  lequel,  à  mon  adviz,  sera  aussi  tost  creu  par  delà  en  le  disant 
de  par  S.  M.  que  pourroyt  estre  le  contraire  entendu  par  d'aultres,  com- 
bien que  je  pence  avoir  esté  le  second  à  l'avoir  faict  entendre  par  deux 
foiz  de  ce  cousté  là.  Nous  avons  esté  ce  matin  luy  et  moy  à  la  Sei- 
gneurie déclairer  aulcunes  choses  dudict  seigneur  roy,  mesmement  le 

1.  s  m-  l'Ailige. 


380  AMBASSADE    DE  [aOUT    1541] 

bon  voulloir  que  S.  M.  ii  envers  ccslc  républicque,  et  comme  il  la  voul- 
droyl  secouryr  el  ayder  s'il  advenoyt  qu'elle  en  eust  besoing  aussi  lost 
qu'il  feroyl  ses  pays  mesmes,  alléganl  très  bien  les  forces  el  aullres 
facullez  de  S.  M.  pour  ce  faire,  leur  demandant  aussi  telle  seurelé  de 
gallères  qu'il/  pourront  congnoislre  luy  estre  besoing  pour  passer  seu- 
remenl  jusques  à  Uagusc.  Sur  quoy,  à  leur  accousluinùe,  ont  faict  res- 
poiuf  qu  il/,  nu'llronl  le  tout  au  conseil,  et  puys  aj)re'/.  nous  en  feront 
tnleudre  leur  deslibéralion... 

«  Monsieur,  depuys  avoir  faict  la  présente,  j'ay  esté  adverty  que 
l'empereur  a  faict  venyr  à  Trente  quatre  cens  chevaulx  pour  conduyre 
et  mener  son  arlillerye  seullcment.  » 

V(.l.  -».  f"  210,  copie  du  .wi"^  siècle;  1  p.  1/4  inf". 


pei.lk:ier  et  i.e  cai'itaine  polin  \v  rcm. 

252.  —  'Venise],  5  août  J 54 1 .  —  «  Sire,  par  les  noslres  dernières 
du  XXIX'  du  passé  V.  M.  aura  entendu  l'arrivée  icy  de  moy  cappitaine 
Poulin;  dont,  estimant  que  les  aurez  receues  avant  les  présentes,  ne 
nous  estenderons  à  vous  en  faire  aulcune  répéticion;  mais  vous  dirons 
comme  le  lendemain  feusmes  à  la  Seigneurie  luy  exposer  ce  qu'il  avoyt 
])leu  à  V.  M.  nous  commander.  Et  aprez  leur  avoir  donné  raison  par 
moy  cappitaine  susdict  et  m'estre  excusé  si  n'avoys  apporté  lettres  de 
leur  ambassadeur  prez  de  V.  M.,  allégant  que  pour  la  sécrétasse  et 
promptitude  que  requéroyt  mon  voyaige  pour  les  causes  qu'ilz  povoyent 
bien  pencer,  l'on  n'eust  bonnement  loysir  de  l'en  advertyr,  vins  à  leur 
dire  qu'ilz  povoyent  bien  avoir  entendu  par  M.  de  Montpellier  l'ous- 
traige  et  assassinement  qui  avoyt  esté  faict  aux  personnes  des  seigneurs 
Cézar  Frégose  et  Rincon  sur  les  terres  de  l'empereur.  Qui  estoyt  à  pré- 
sumer, avecques  d'auilres  indices  que  V.  M.  en  avoyt,  n'avoir  esté  faict 
sans  le  sceu,  voulloir  et  consentement  dudict  empereur;  et  que  estiez 
aprez  pour  en  csclaircyr  la  vérité,  affin  que  tout  le  monde  congnoisse 
que  vouliez  bien  considérer  et  justiffyer  les  choses  avant  que  les  entre- 
prendre; mais  que  puys  aprez  en  avoir  entendu  la  certaineté,  —  comme 
espérez  faire,  —  V.  M.  est  si  grande  et  magnanime  qu'elle  s'en  rescen- 
tira,  ainsi  que  la  chose  le  requiert,  ayant  esté  faict  une  meschanceté 
si  grande  à  de  ses  serviteurs  mesmement  de  la  qualité  qu'ilz  sont,  ce 
que  V.  M.  m'avoyt  commandé  leur  dire.  Et  oultre,  pour  ce  que  ceulx 
«jui  vont  praticquant  à  l'encontre  de  vous  en  pourroyent  avoir  escript 
devers  le  Grant  Seigneur  contre  la  vérité  et  à  leur  advantaige  en  en 
faisant  leur  proiBct  comme  sont  coustumiers,  m'aviez  dépesché  devers 
ledict  Grant  Seigneur  pour  luy  compter  à  la  vérité  comme  la  chose  est 
passée,  et  pour  aulcuns  aultres  voz  affaires;  dont,  affin  que  je  peusse 
passer  plus  seuromenl,  m'aviez  commandé  les  pryer  fort  affectionné- 


[août    134I]  GUILLAUME    PELLICIER  381 

ment  me  donner  telle  faveur  et  adresse  que  je  peusse  estre  conduict 
jusques  en   lieu  seur,  comme   avoyent   faict  à  tous   les   aultres  qui 
estoyent  venuz   icy   de  vostre  part  pour  aller  où  il  vous  plaist  me 
mander.  Attendu  que  à  présent  congnoissent  1res  bien  pour  les  choses 
passées  que  j'avoys  aultant  ou  plus  de  besoing  de  compagnye  et  bonne 
seureté  que  nul  aultrc  que  soyl  passé  pour  aller  par  delà,  où  arrivé 
que  feusse  avoys  commandement  de  V.  M.  m'employer  en  tous  leurs 
affaires  tout  ainsi  que  pour  les  vostres  propres  et  mieulx  s'il  estoyt  pos- 
sible, comme  le  seigneur  Rincon  y  avoyt  faict  :  ce  qu'ilz  sçavoyent  très- 
bien.  Davantaige  V.  M.  m'avoyt  dict  que  estiez  résolu,  estant  arrivé 
ledict  seigneur  Cézar  par  deçà,  luy  envoyer  charge  de  négotier  avec- 
ques  eulx  chose  de  grant  importance  pour  la  conservation  et  augmen- 
tation de  leur  estât;  mais  puysque  telle  infortune  luy  estoyt  arrivée, 
m'envoyant  par  deçà  et  mesmement  voyant  venyr  l'empereur  avecques 
ses  forces  passer  sur  leurs  terres,  chose  qui  les  pourroyt,  et  non  sans 
cause,  mettre  en  quelque  suspeçon,  m'aviez  commandé  leur  oflryr  de 
vostre   part   tout  l'ayde  et  faveur  qu'il   vous    seroyt  possible,  en  y 
employant  toutes  voz  forces,  leur  faisant  bien  entendre  que  tout  ce  que 
V.  M.  en  faisoyt  n'estoyt  que  pour  une  sincère  et  pure  amytié  que 
avez  tousjours  eue  et  auriez  à  ceste  républicque;  car  de  vostre  cousté 
ne  craignez  aulcune  chose,  pour  ce  que  estiez  prest  non  seullement  de 
vous  deffendre,  mais  à  ofîendre  s'il  en  seroyt  besoing.  Leur  faisant  dis- 
cours là  dessus  des  préparatifz  que  en  aviez,  estimant  qu'ilz  l'auroyent 
à  plaisyr,  allégant  combien  vous  auriez  de  lansquenetz,   Suysses  et 
Grisons,  toutesfoiz  et  quantes  qu'il  vous  plairoyt,  la  gendarmerye  feu- 
dataire  et  légionnaire  de  vostre  royaulme,  la  fortification  et  admonition 
de  voz  villes  de  frontière  et  générallement  toutes  aultres  provisions  à 
faire  et  maintenyr  la  guerre  et  mesmement  de  la  chose  qui  y  est  la  plus 
requise,  c'est  de  bien  bonne  et  grosse  somme  d'argent,  et  afTin  qu'ilz 
congneussent  la  parolle  de  V.  M.  estre  tousjours  semblable  à  sa  voul- 
lenté,  leur  dictz  que  s'ilz  voulloyent  entendre  plus  avant  et  s'asseurer 
davantaige,  que  M.  de  Montpellier  y  entendroyt  voullentiers  et  leur  en 
feroyt  telle  responce  qu'ilz  auroyent  occasion  de  s'en  contenter.  Sur 
quoy.  Sire,  nous  feirent  une  responce  généralle  à  l'accoustumée,  qu'ilz 
estoyent  bien  asseurez  de  la  parfaicte  et  vraye  amytié  que  V.  M.  leur 
portoyt,  pour  l'avoir  tousjours  bien  congneue  par  bons  elïectz,  et  qu'ilz 
n'en  espéroyent  pas  moings  à  l'advenyr.  Et  quant  au  reste,  touchant  le 
secours  et  seureté  de  mon  passaige,  mettroyent  la  part  au  conseil  pour 
nous  y  faire  responce.  A  quoy  moy  de  Montpellier  réplicqué  en  les 
pryant  que  ce  fust  le  plus  tost  estre  leur  plaisyr  nous  donner  une  ou 
deux  de  leurs  gallères  pour  le  conduyre  plus  seurement.  Mais  à  cela  ne 
feirent  aullre  responce  sinon  qu'ilz  verroyent.  Dont,  n'en  povant  avoyr 
aultre  chose  pour  ceste  heure  là,  nous  avons  prins  congié  d'eulx  et 
sommes  retirez  :  qui  est  tout  ce  qu'il  fut  faict  pour  ledict  jour. 


382  \y\U\».\l'L   l'E  AULT   lo4ll 

--  Sire,  aprc7.  avoir  atlomlu  jus(iues  au  mardy  ensuj'Aanl  ir  de  ce 
moys,  envoyasmos  vers  oulx  pour  sravoir  quant  c'ésloyt  leur  plaisyr 
qui^  nous  y  allissions  pour  avoir  rc?ponce.  Lesquels  nous  l'eirenl 
iMittiiilre  quf  y  deuï^sions  aller  le  landemain,  ce  que  nous  feismes;  et 
lors  leur  duc  nous  dist  ijue  pour  lamylié  et  dévotion  qu'ilz  vous  pour- 
toveut  et  aussi  obligation  qu'ilz  vous  avoyent,  désiroyent  grandement 
vous  agréer  et  complaire  en  toutes  choses  qu'ilz  congnoislroyent  vous 
cslre  il  plaisyr  et  service.  Dont,  suyvant  la  requeste  que  luy  avions 
faicle  de  nous  donner  toute  ayde,  confort  et  secours  qu'ilz  congnois- 
trovent  estre  nécessaire  pour  la  seurelé  de  mon  passaige,  avoyent 
ad  visé  de  me  bailler  pour  me  conduyre  une  gallère  qui  esloyt  à  His- 
trye  ',  et  que  pour  aller  jusqucs  là  me  donneroyent  quatre  barcques 
bien  armée?.  Sur  quoy  moy  de  Montpellier  leur  fciz  responce  que  le 
plus  grant  dangier  de  sur  tout  le  voyaige  estoyt  d'aller  jusques  là, 
pour  aullant  qu'il  falloyt  passer  par  lieux  plus  prochains  et  voysins 
des  terres  du  roy  Ferdinando  que  en  nulle  aultre  part.  Dont  estoyt  très 
nécessaire  d'aller  la  main  forte  et  bien  pourveue  de  deffense  qui  voul- 
droil  estre  seurement.  A  quoy  le  duc  nous  feist  responce  qu'il  ne 
failloyt  point  doubler  que  d'icy  là  ne  sur  leurs  portz  on  nous  feist 
aukun  desplaisyr,  ne  on  donnast  destourbier  ne  empeschement.  Sur 
quoy,  moy  cappitaine  luy  ay  dict  que  quant  ilz  ne  me  bailleroyent 
bien  que  une  barcque,  pourveu  que  je  feusse  seurement,  que  je  l'ac- 
cepteroys,  me  confyant  qu'ilz  congnoissent  très  bien  quelle  provision 
est  nécessaire  pour  la  seureté  de  mon  passaige;  dont  de  rechef  les 
supplyoys  y  voulloir  pourveoir  ainsi  qu'il  estoyt  requiz.  A  quoy  ledict 
duc  n'a  faict  aultre  responce,  ne  sur  les  aultres  poinctz  cy  davant  par 
nous  à  eulx  déclairez.  Dont  moy  de  Montpellier  ay  réplicqué  s'il  ne 
leur  plaisoyt  pas  nous  donner  quelque  résolution  sur  iceulx,  et  que 
il  me  sembloyt  adviz  qu'ilz  avoyent  acouslumé  mettre  les  choses  à 
leur  conseil,  et  se  résouldre  de  la  responce  qu'ilz  avoyent  à  faire.  A 
quoy  icelluy  duc  m'a  respondu  qu'il  n'en  estoyt  besoing  d'aulcune, 
quant  aux  aultres  choses,  que  celle  qu'il  avoyt  faicte  cy  davant,  aprez 
notre  première  proposition. 

«  Sire,  ayant  esté  advertiz  de  plusieurs  coustez,  et  mesmement  d'ung 
vostre  très  grant  et  affectionné  serviteur,  qui  n'est  pas  de  petite  estime 
en  ceste  républicque,  que  les  Impériaulx  machinoyenl  et  deslibéroyent 
faire  toute  dilligence  et  provision  de  nous  avoir  en  leurs  mains,  comme 
les  aultres,  et  que,  pour  ce  faire,  avoyent  en  ordre  plus  de  quinze 
barcques  apostées  aux  lieux  qu'il  me  fault  passer,  nous  a  semblé  le 
debvoir  faire  entendre  à  ladicle  Seigneurie  :  ce  que  avons  faict  luy 


l.Capo  d'Islria,  ancienne  capitale  de  ristric.  place  forte  située  sur  un  rocher  Joint 
par  une  chaussée  à  la  terre  ferme,  à  15  kilomètres  de  Tricste,  au  fond  du  golfe  de 
ce  nuiii,  conquise  sur  les  Génois  par  les  Vénitiens  en  1478. 


I 


[août    1o41]  GUILLAUME    PELLICIER  383 

remonstiant  par  moy  de  Montpellier  les  grant  dangiers  et  périlz  qu'il 
y  avoyt,  et  que  tnVp  mieulx  et  à  plus  juste  cause  l'on  pourroyt  nyer 
telle  chose,  estant  faicte  sur  la  mer  où  plusieurs  gens  abordent,  que 
celle  qui  a  esté  faicte  par  terre  et  sur  les  pays  de  l'empereur.  Par 
quoy  persistions  à  les  pryer  et  requéryr  que  leur  plaisyr  fust  nous 
donner  une  gallère,  prinse  en  ceste  ville,  ou  bien  y  faire  venyr  celle 
qui  est  en  Hislrye.  A  quoy  leur  duc  feist  responce  qu'ilz  n'estimoyent 
point  que  le  roy  Ferdinando  ne  aultres  voulsissent  entreprendre  d'as- 
saillyr  leurs  barcques  ne  faire  desplaisyr  à  personne  dedans  leur 
goulfe,  et  qu'il  ne  failloyt  point  avoir  de  doubte  de  cela.  A  quoy,  moy 
cappitaine  susdict  réplicqué  que  je  les  pryoys  très  affectueusement 
de  la  part  de  V.  M.  que  tout  ainsi  qu'ilz  avoyent,  en  contemplacion 
d'icelle,  donné  à  ceulx  que  aviez  envoyé  en  Levant  bonne  et  seure 
adresse  de  gallèrcs  parlant  de  ceste  ville,  et  mesmement  au  seigneur 
Cézar  Cantelmo  '  qui  ne  fut  jamais  tant  rechairché  de  ceulx  qui  pra- 
ticquent  contre  Y.  M.  que  je  pourroys  estrepour  la  grande  conséquence 
et  importance  de  mon  voyaige,  qu'ilz  me  voulsissent  faire  le  semblable. 
Sur  quoy  ledict  duc  a  faict  responce  que  ce  qu'ilz  avoyent  advisé  me 
donner  quatre  barcques  d'icy  en  Histrye  estoyt  pour  plus  prornple- 
ment  m'expédier;  mais  puysque  les  dangiers  cstoyent  telz  que  on  leur 
faisoyt  entendre,  ilz  y  pourveoiroyent  de  sorte  que  je  pourroys  aller 
seuremcnt.  Dont  de  rechef  les  pryé,  et  le  plus  tost  qu'il  seroyt  possible. 
«  Sire,  j'ay  veu  par  lettre  que  on  a  escript  à  ung  vostre  serviteur  que 
l'on  attendoyt  l'empereur  ù,  Trente  le  x=  de  ce  moys,  mais  que  sa  venue 
avoyt  esté  remise  au  xvi'',  et  qu'il  admenoyt  avecques  luy  quarante  mil 
personnes  tant  à  pied  que  à  cheval,  estimant  que  cest  appareil  se  fai- 
soyt pour  Lombardye;  et  que  à  Trente  se  faisoyt  grant  nombre  de 
^barcques,  tant  portatives  que  pour  faire  pontz,  et  se  mettoyt  une  infinité 
de  petite  artillerye  servant  pour  camp.  Ce  néantmoings  telle  nouvelle 

1.  Cesare  Cantelmo,  des  Gantelmi  de  Naples,  illustre  maison  d'où  sortirent  les 
comtes  puis  ducs  de  Popoli.  Cette  famille,  d'origine  française,  s'était  fixée  dans  le 
royaunit;  de  Naples  à  la  suilo  de  l'expédition  de  Charles  (l'Anjou  (1264). 

11  était  le  second  fils  d'Antonio  Cantelmo,  seigneur  de  Pettorano,  et  de  Marghe- 
rita  Bandone.  Exilé  de  son  pays  pour  avoir  suivi  le  parti  de  la  France,  il  se  réfugia 
près  de  François  1",  qui  le  nomma  gentilhomme  ordinaire  de  sa  maison,  et  le 
dépêcha  h  Conslantinople,  en  avril  i;J39,  auprès  de  Rincon,  pour  décider  la  Porte 
à  conclure  une  paix  générale.  Cantelmo  arriva  à  Venise  le  17  avril,  près  de  J.-J.  de 
Passano,  et  en  partit  le  lendemain  même  pour  le  Levant.  Il  revint  en  France  en 
août  1539.  En  récompense  de  ses  services,  le  roi  lui  conféra  peu  de  jours  après,  à 
Villers-Cottercts,  des  lettres  de  naturalité  (V.  Cat.  des  actes  de  François  /"",  t.  IV, 
p.  40,  nMl,  183). 

Cantelmo  fut  de  nouveau  renvoyé  à  Conslantinople  en  octobre  1539,  et  en  repartit 
le  13  janvier  1540.  Nous  n'avons  guère  de  renseignements  sur  cette  seconde  mis- 
sion qui  fut  sans  doute  peu  importante.  Le  refus  fait  par  Sulcyman  d'admettre  sans 
condition  Charles-Quint  dans  la  trêve  fut  attribué  non  sans  raison,  parles  Vénitiens 
elles  Impériaux,  à  l'influence  du  négociateur  français  qui,  banni  de  sa  patrie  et 
dépossédé  de  ses  biens,  n'était  rien  moins  que  suspect  de  partialité  à  l'égard  de 
l'empereur  (V.  Charrière,  t.  I,  pp.  404  et  418,  et  Zeller,  pp.  186,  190  et  203). 


384  AMBASSADE    DE  [aOIT    1541] 

de  si  prant  nombre  de  f;ons  n'esl  confirmée  par  quelconque  aultre,  car 
do  nulle  pari  ne  s'enlond  passer  oullre  douze  mil,  tant  lansqueneU  que 
iliiroloys  ',  averques  queUjue  noml)re  de  gens  à  cheval. 

«  Sire,  l'on  enlend  icy  que  le  vice-roy  de  Naples,  ayant  faict  assem- 
bler les  estai/,  tlu  pays  pour  les  rechaircher  de  conirihuor  au  donalif 
qu'il  leur  avoyt  demandé  pour  l'empereur,  de  la  somme  de  viir  mil 
escu7.,  les  barons  et  seigneurs  de  là  ne  s'y  sont  voulluz  trouver,  allé- 
gans  icelluy  pays  cstre  tant  exhaust  et  foullé  -  qu'il/,  ne  sçauroyent 
fournvr  à  la  x"  inirlye  de  ladicte  somme,  bien  que  M.  de  Hhodez  m'es- 
cripve  qu  elle  a  eslé  accordée,  sçavoir  est  quatre  cens  mil  par  la 
noblesse,  et  les  aultres  quatre  cens  mil  par  le  peuple. 

«  Sire,  l'ambassadeur  de  cez  Seigneurs  fui  ung  de  cez  jours  passez 
;i  la  Seigneurie  pour  luy  monstrer  une  lettre  qu'il  avoyt  receue  de  l'em- 
pereur, luy  faisant  entendre  comme  V.  M.  luy  avoyt  escript  par  ung 
genlilliomme  une  lettre  fort  gralieuse  et  plaine  de  amylié,  vous  com- 
plaingnanl  de  la  prinsc  des  seigneurs  Cézar  Frégose  et  Rincon,  en  le 
prvanl  que  pour  la  pai.v  et  parenté  qui  esloyl  entre  vous  deux  et  les 
grandes  privaullez  que  avez  usées  ensemble,  il  voulsist  estre  contant 
mander  ung  homme  au  marquis  du  Guast  et  faire  de  sorte  que  les 
prisonniers  fussent  deslivrez,  et  administrer  telle  justice  qu'il  convient 
en  ceste  affaire,  ainsi  que  Y.  M.  espéroyt  qu'il  fairoyt.  Et  que  l'empe- 
reur se  debvoyt  partyr  le  xxvi"  du  passé;  mais  par  aultres  lettres  par- 
ticullières  enlendoyt  qu'il  altendroyt  jusques  au  xxi.x*.  Et  aprez  a 
monstre  une  aultre  lettre  du  marquis  du  Guast,  persistant  lousjours 
sur  la  négative  ;  escripvant  davanlaige  que  voyant  l'empereur  embrasser 
ceste  chose  si  chauldement,  qu'il  se  doubtoyl  fort  que  si  jà  n'esloyent 
mortz  que  ceulx  qui  les  ont  entre  les  mains  ne  les  facent  mouryr,  non 
pour  avoyr  la  taille,  mais  pour  paour  qu'ilz  ont  de  l'empereur  quant  ilz 
seroyent  descouverlz.  Toutesfoiz,  Sire,  j'ay  esté  adverly,  par  lettres 
d'ung  vostre  serviteur  de  Luna  ^,  que  luy  estant  au  port  de  Padigue  sur 
le  lac  *,  le  dernier  du  passé,  y  arriva  ung  gentilhomme  espagnol  qui 
couroyt  la  poste,  venant  de  Millan  parler  au  marquis  du  Guast  de  la 
part  de  l'empereur  vers  lequel  s'en  retournoyt;  demandant  audict 
espagnol  quelles  nouvelles  il  y  avoyt  à  Millan  et  si  l'on  ne  reslitueroyt 
pas  les  seigneurs  Cézar  et  Rincon.  A  quoy  feist  responce  qu'il  espéroyt 
que  de  brief  ledicl  seigneur  Cézar  seroyt  au  service  de  l'empereur,  car 
luy  avoyt  faict  offryr  aultanl  de  pension  et  aussy  grosse  charge  et  con- 
duicte  qu'il  avoyt  de  V.  M.;  et  oultre  qu'il  joyroyt  de  ce  qu'il  avoyt  à 
Gennes  et  sur  le  Gennevoys;  mais  ne  vouldroyl  qu'il  y  habitast,  et  si 
donneroyt  aullant  de  beneffices  à  ses  enfans  que  faict  V.  M.,  et  une 

1.  Tyroliens. 

2.  Epuisé  et  ravagé. 

3.  Sans  doute  Tassin,  mentionné  précédemment, 

4.  Padenghe,  port  sur  le  lac  de  Garde. 


[août    1o41]  GUILLAUME   PELLICIER  385 

place  sur  le  Milannoys  pour  se  retirer  et  sa  femme  el  ses  en  fans.  Et 
lors  vostredict  serviteur  demanda  audict  Espagnol  s'il  avoyt  veu  ledict 
seignenr  Cézar  et  là  où  il  estoyt,  qui  luy  respondit  qu'il  ne  se  trouve- 
royt  jusques  ad  ce  qu'il  eust  accepté  le  party,  et  qu'il  yroyt  au  davant 
de  l'empereur;  et  quant  estoyt  du  seigneur  Rincon,  dist  que  l'em- 
pereur le  feroyt  pugnyr  comme  il  luy  appartenoyt. 

«  Sire,  nous  attendons  icy  de  brief  M.  de  Lodes  venant  avecques 
commission  de  Sa  Saincteté  pour,  ainsi  que  l'on  a  peu  entendre, 
estraindre  davantaige  l'amytié  et  ligue  avecques  cez  Seigneurs;  el, 
comme  quelque  ung  m'a  voullu  dire,  avoyt  aussi  charge  leur  ofiVyr  s'il 
leur  sembloyt  bon,  que  Sa  Saincteté  seroyt  contente  qu'il  y  eust  lieu 
pour  V,  M.  Je  suys  tout  asseuré,  pour  la  grande  dévotion  que  je  luy 
ay  veue  avoir  cependant  que  j'ay  esté  icy  à  vostre  service,  qu'il  ne 
fauldra  de  tout  son  povoir  pourchasser  ce  qu'il  congnoistra  ou  sera 
advisé  de  par  vous  estre  à  vostre  gré.  Je  suys  adverty  pour  certain 
qu'il  a  esté  grandement  sollicité  de  Sa  Saincteté  de  vouloir  prendre  la 
charge  de  son  légat  et  ambassadeur  en  ceste  ville;  mais,  ne  vouUant 
obliger  ailleurs  sa  servitude  et  dévotion  s'en  est  tousjours  excusé, 
quelques  offres  de  récompense  et  bonnes  arres  qu'il  en  eust  desjà  de 
Sadicte  Saincteté.  Et  pour  ce,  Sire,  que  luy  estant  privé  des  fruictz 
de  son  évesché  de  Lodes,  pour  ne  vouloir  laisser  vostre  part  et  suyvre 
l'impérialle,  se  trouve  grandement  en  nécessité;  mais,  congnoissant 
vostre  bonté  et  libérallité  envers  tous  mesmement  à  voz  bons  ser- 
viteurs, et  estant  le  bruict  icy  que  V.  M.  leur  fera  quelque  bien  de 
brief,  il  s'attend  bien  que  icelle  ne  le  mettra  en  arrière,  suyvant  l'es- 
poir que  luy  en  a  esté  donné  de  la  court,  comme  de  ce  j'ay  veu  plu- 
sieurs lettres  escriptes  par  luy  à  ses  amys.  » 

Vol.  2,  f*^  210  v°,  copie  du  \\i^  siècle;  o  pp.  in  fo. 

PELLICIER  A   VIXCENZO   MAGGIO  *. 

253.  —  [Venise],  6  août  1541.  —  Pellicier  a,  par  ses  dernières 
lettres  du  24  juillet,  avisé  Maggio  de  la  réception  de  toutes  les 
dépêches  envoyées  par  celui-ci,  sauf  celle  du  10  juin,  qui  ne  lui  est 
pas  encore  parvenue;  il  le  prie  donc  de  lui  en  adresser  une  copie, 
au  cas  où  cette  dépêche  contiendrait  quelque  nouvelle  importante. 
Maggio  a  sans  doute  appris  déjà  le  malheureux  sort  de  Rincon  et 
de  Cesare  Fregoso,  dont  Pellicier  lui  faisait  part  dans  ses  lettres  des 
10  et  24  juillet.  Cet  attentat  a  jeté  le  roi  dans  une  grande  colère,  et  il 
semble  s'être  résolu  à  en  tirer  une  mémorable  et  éclatante  vengeance. 
«  ...Et  si  per  questo  fine,  come  per  conservare  la  perpétua  amicitia  che 

1.  En  italien. 

Venise.  —  1540-1542.  23 


3gg  AMBASSADE    DE  l^OL^    JaUj 

t''  Ira  s.  M'-"  el  il  Uran  S",  inconlint'iik'  delibero  spedire  verso  colesle 
l.ande  il  sipnor  cappilan  l'olim»,  genlilhuomo  de  casa  di  S.  M'%  il 
ijuale  con  grandissima  et  inesUniabile  diliieullà  s'é  conduUo  qui  a 
Venelia.  per  ciô  clio  l'imperiali,  corne  inlesero  che  S.  U^  voleva  man- 
dare  un  allrn  in  cainhio  del  signer  Uincon,  hanno  poste  grandissime 
gîiardic  et  aguati  per  tutti  li  passi;  pur  per  la  Dio  K'ratia  el  per  la  sua 
buona  diligenlia  è  passalo,  et  è,  corne  ho  detlo,  pervenul.)  lin  ([ua,  dove 
inlendendo  nci  per  certo  clie  li  medesinii  adversarii  et  inimici  nostri 
non  lanno  n.ancho  de  diligentia  in  mare,  che  s'hahbiano  falto  in  terra 
per  prendore  il  sudetlo  signor  eappilano,  et  distorhar  quesla  aniicilia, 
la  (lual  S.  M'*  ha  lanto  el  talmente  a  core.  llabhiamo  domandalo  a 
questi  Signori  una  gallea,  acciô  possa  venir  più  sicuramente  che  sia 
possil.ile;  ma  per  lo  tardo  procedere  de  questa  Signoria,  come  ben 
sapette,  non  siamo  anchora  slali  risoluti  de  la  demanda.  El  per  lanU. 
in  queslo  mezzo  non  habbiamo  volulo  manchare  davisarvi  el  di  scri- 
vervi  cosi  il  dello  signor  eappilano  come  io  délia  sua  venula.  Accio 
che  accadendo  alcuno  cosa  da  colesle  bande,  siale  averlilo,  el  posciate 
provedere  perche  egli  vienne  con  quella  medesima  aulhorità,  el  con 
tutte  quelle  commission  et  inlendimenli  che  haveva  il  prefato  signor 
Rincon,  come  per  le  sue  sarelle  meglio  informalo.  Si  de  queslo,  come 
de  i  prèsenli  che  porta  per  far  dove  bisogna,  voi  con  ogni  dilligenlia 
et  industria  vostra  solila  vi  sfor/.arelle  di  exasperar  il  Gran  Signore 
contra  quesli  Imperiali,  dimonslrandoli  il  loro  iniquissimo  procedere 
contra  tulto  il  mondo,  el  di  amicharlo  per  contrario  lanto  più  a  S. 
M'-.  La  quale  non  lassa  occasionedecanto  per  manlenere  elaccrescere 
sempre  più  quesla  amicilia  Ira  loro,  si  come  gli  eflelli  alla  giornala  si 
protra  {sic)  conoscere.  El  perche  è  solite  constume  el  nalura  alli  Impe- 
riali, come  per  el  passato  in  molle  cose  se  conosciulo,  el  conoscesi 
lutlo  il  giorno,  che  senza  havere  risgardo  ô  rispello  di  cosa  alcuna 
cercano  e  mali  el  la  iniquità  che  essi  commetleno  de  ribularle  per  loro 
utile  adosso  adallrui,  slimando  troppo  sciochi  et  insensali  gli  huomini 
del  mondo  che  si  debbeno  indurre  a  credere  fuor'  de  ogni  dritlo  et 
d'ogni  ragione,  habbiamo  volulo  adverlire  V.  S.  che  cosloro,  per  mezzo 
di  doi  Ragusei,  Tun  de  i  quali  puoco  tempo  ha  che  fu  cacciato  di 
Ragusa,  et  Taltro  che  si  demanda  Ursalo  *,  hanno  volulo  persuadere 
a  quella  republica,  come  quella  che  deppende  mollo  aile  parle  imperiali, 
la  maggior  calomnia  et  poltroneria  che  mai  cadesse  nella  imaginacion 
d"homo  alcuno,  lanto  sono  sfacciati  el  senza  alcuna  vergogna  in  lutte 
le  loro  cose.  Kl  queslo  è,  che  hanno  falto  scrivere  per  quesli  doi  sopra- 
delli  si  alla  republica  come  parlicularmenle  a  molli  loro  privati  amici, 
che  la  catlura  de  i  Signori  e  stata  fatla  con  consenlimenlo  di  S.  M'«  et 
a  posta  loro  ;  dicendo  che  essa  non  ha  volulo  cheU  signor  Rincon  passi 

1.  Sans  tloule  Orsalo  di  Gianmagno,  mentionné  plus  haut. 


[août    1541]  GUILLAUME   PELLICIER  387 

di  costi,  per  non  havere  a  inantener'  quelche  era  stato  promesso  al 
Gran  Signore,  con  moite  altre  circonslanlic,  le  quale  soprasedo  de  scri- 
vere,  per  essere  cosi  fuor'  de  ogni  ragionevole  discorso,  corne  con- 
giunle  con  ogni.  nefanda  brulezza.  Et  qucsto  hanno  falto  acciô  che  sia 
de  i  Ragusei  scriltoa  Conslantinopoli,  et  persuasoal  Gran  Signore,  per 
dirimere  questa  amicitia  onde  l'Imperatore  habbia  più  commodo  de 
pervenire  à  suoi  disegni.  Cosa  veramente  lanto  bruta  et  énorme,  che 
doveria  movere  lutto  il  mondo,  nonche  il  Gran  Signore,  a  farne  ô  in 
paroUe  qualché  dimonstralion'  a  i  Ragusei,  se  essi  trovaranno  di  met- 
tere  a  exécution  questa  calomnia,  come  credo  che  faranno,  per  essere 
loro  tropo  più  imperiali  che  non  si  cojivienne,  per  e  molti  benoficii  che 
hanno  ricevoto  per  l'avor  et  per  authorità  di  Sua  M",  et  per  solicitation' 
et  dilligentia  del  signor  Rincon  presso  al  Gran  Signore. 

«  Quanto  aile  nove,  se  dice  che  l'Imperatore  s'é  partito  da  Ratisbona 
alli  XXVI  del  passato,  per  venir  in  Italia  con  dodeci  milia  lanschinechi, 
et  che  in  Trento  son  giè  arrivati  400  cavalli  per  conducere  Tartigliaria, 
ne  perho  si  sa  ove  questo  debba  pertendere.  Et  massimamente  che 
s'intende  egli  fa  fare  una  grossa  armata  in  mare,  e  già  si  è  fatta  pro- 
vision d'assai  biscotli,  di  lerri  di  cavalli,  di  selle,  di  scarpe,  et  d'altre 
simili  cose  necessarie  ;  pur  circa  tutto  questo  affare  sono  molti  che 
dicono  non  essere  tanlo  a  un  gran  pesso  di  quelch'  essi  inimici  si 
vanno  vantando.  Nondimeno  dal  quanto  nostro  non  restiamo  di  far 
tutte  le  provisioni  et  buoni  ordini,  con  li  quali  non  solamente  si  habbiamo 
da  difïendere,  ma  anchora  da  offendere  molto  piti  di  quel  ch'  altri  non 
si  pensa  venendo  la  occasione,  come  il  delto  signor  cappitano  alla 
venuta  sua  potrà  molto  meglio,  et  più  sicuramente  far  intendere  a 
boccha,  che  io  per  lettere...  » 

Vol.  2,  f"213,  copie  du  xvi^  siècle;  2  pp.  in-f". 

PELLICIER  A  M.  DE  RAGUSE. 

254.  —  [Venise],  6  août  J 34 / .  —  «  Ho  ricevute  le  lettere  che  V.  S. 
mi  ha  mandate  per  lo  Scarpa,  et  per  l'altro  brigantino,  et  veduto  quanto 
essa  me  scrive,  insieme  col  cappitano  Gio  Battista  circlia  la  puoca  lideltà 
de  lo  Scarpa;  il  qual'essendo  stato  da  me  sopra  di  cio  molto  acremente 
ribufîato,  mi  ha  addulte  moite  et  moite  verissimili  excusationi,  con  le 
quali  s'efforza  di  monstrarmi  la  innocentia  et  fideltà  sua  et  animo,  che 
insieme  con  i  miei  antecessori  non  Tho  mai  rilrovato  lin  hoggi  in 
fallo,  è  paruto  et  par  molto  strano,  che  egli  habbia  commesso  un 
simile  errore.  Ho  deliberato  aspettar  il  cappitano  Gio  Battista,  il  quai 
contra  de  lui  testiffica  di  veduta,  et  si  io  potrô  per  vero  rilrovar  la  cosa 
star  cosi,  gli  darô  un  tanlo  et  tal  ricordo,  che  tutti  gli  altri  haveranno 
essempio  davanti  a  gli  ochi  di  mai  più  non  usar  ingano  o  tradimento, 
et  di  questo  V.  S.  ne  vederà  Teffetto. 


3gf,  AMBASSADE    DE  [aOUT    1541J 

,  11  <ign..r  cappitano  l'olino,  pculilliuomo  délia  casa  di  S.  M'%  î- 
y.nnlo  in  VciH'lia  prr  aiular  ..vr  é  il  <'i-an  Signore  in  luoco  del  signor 
Hin.on  Kgli  s.rivr  a  V.  S.  cl.o  gli  debl)a  proveder  di  cavalh,  el  di  lullo 
,,ufl  c-oM..'  l'ila  iiili-ndorà  por  If  sue)  die  larà  de  meslicri  a  un  lai  v.ag- 
Ki„-  et  io  an.hora  la  piioglio,  ben  che  son  certo  che  non  bisogna,  et 
massiniauH-nb'  ovc  va  l'inleresse  ol  Ibonor  di  S.  W\  che  usi  in  ciô  ogn. 
siùi  solila  diUig.M.lia,  allin  che  il  dello  signor  cappitano  sia  ben  acco- 
modalo  el  ispedilo,  inconlineni."  che  sarà  avrivalo  a  Uagusa.... 

..  El  V.  S.  sarà  contenta  di  ispedir  subito  che  potrà  pcr  huomo  à  posta 
il  présente  plico  à  messer  Vincenlio  Maggio.  » 

Vol.  -J.  f"  -1»,  copie  du  xvi'^  siècle;  i/2  p.  in-f". 

PELI.ICIER   W  ROI    '. 

255.  -.\Venisel  9  août  1541.  —  «  Sire,  tant  pour  avoir  escript  à 
V.  M.  le  v^de  ce  moys  toutes  nouvelles  de  par  deçà  que  aussi  pour  la 
presse  que  nous  avons  de  vous  faire  la  présente  dépesche,  ne  vous 
feray  pour  cestrc  heure  longue  lettre;  seuUement  vous  diray  comme 
avons  advisé,  voyant  la  dépesche  du  seigneur  cappitainc  Polain  de- 
meurer si  longuement,  vous  en  debvoir  avertyr  pour  vous  supplyer, 
Sire,  pour  les  causes  contenues  en  la  lettre  que  vous  escript  ledict 
seigneur  cappitaine,  estre  nécessaire  la  mander  le  plus  tost,  si  jà  n'a 
esté  faict  comme  nous  espérons.  Quant  est  de  la  Myrandola,  suyvant  ce 
que  je  vous  ay  escript  que  on  y  pourvoyroyt  d'argent,  a  esté  faict  par 
le  seigneur  Pietro  Strocy.  Je  croy  que  aurez  entendu  le  partement  de 
l'empereur  pour  venvr  en  Ilallye;  et  a  l'on  icy  qu'il  estoyt  arrivé  à 
Yspruch  où  avoyt  prins  ung  des  filz  du  roy  Ferdinando,  pour  admener 
avecques  luy  et  faire  semblant  de  luy  vouUoir  bailler  la  duché  de 
Millau,  allin  de  pencer  faire  accroire  à  cez  Seigneurs  qu'il  veult  main- 
tenyr  la  promesse  qu'il  leur  avoyt  faicte  de  se  deffaire  de  ladicle  duché 
et  la  mettre  en  aultres  mains.  » 

Vol.  2.  i'  -21 1  v»,  copie  du  xvi'=  siècle;  1/2  p.  in-f". 

l'ELLICIER    A  M.    DE  LANGEY. 

256.  —  [Venise^,  9  août  1541.  — ^^  J'ai  receu  troys  lettres  de  vous; 
la  première  du  xxvi»  juillet,  avecques  les  doubles  des  lettres  du  roy  et 
de  vous  escriptes  au  marciuis  du  Guast  et  des  instructions  baillées  à 
M.  de  Termes  pour  luy  dire  de  bouche.  Et  quant  ad  ce  que  m'escripvez 
de  troys   gentil/hommes  que  on  vous  a  dict  avoir  esté  tuez  auprez  de 

1.  .  Celle  dépesche  fui  baillée  par  le  cappitaine  Poulain  à  Santinelle.  » 
—  Senlinelll.  courrier.  —  Les  Scnlinclli,  famille  patricienne  de  Pesaro,  au  duché 
d'Urbin. 


[aOLT    ib4l]  GUILLAUME    PELLICIER  38'.» 

la  Myi'andola,  nous  n'en  avons  point  oy  parler  par  deçà,;  etmesmemenl 
le  secrétaire  du  seigneur  comte  de  la  Myrandola,  qui  est  icy  depuys 
deux  ou  troys  jours,  ne  nous  en  a  rien  dict,  ce  qu'il  n'eust  obmys  à 
mon  adviz  s'il  en  fust  esté  quelque  chose.  Je  verray  de  le  faire  trouver 
ce  jourd'huy  s'il  sera  possible,  et  vous  en  escripray  cy  dessoubz  ce  qu'il 
m'en  aura  dict;  mais  de  moy  je  pence  qu'il  n'en  soyt  rien.  A  tout  le 
moings  vous  puys-jc  l)ien  asseurer  que  M.  de  Saint-Ayt  a  esté  icy,  qui 
m'a  dict  que  l'argent  qu'il  conduysoit  à  la  Myrandola  y  estoyt  arrivé 
à  bon  port  et  qu'il  avoyt  faict  la  monstre,  comme  j'espère  bien  que 
aurez  entendu  de  luy  avant  la  réception  de  la  présente,  et  pareillement 
l'ordre  qui    a   esté    donné   pour  la  provision  et  municion  de  ladicte 
place.  Dont  ne  m'estenderay  à  vous  en  dire  aultre,  sinon  que  nous 
espérons  avecques  l'aide  de  Dieu  et  des  bons  serviteurs  du  roy  et  nos 
amys  qui  sont  icy,  desquelz  le  principal  vous  pays  asseurer  estre  le  sei- 
gneur Pietro  Strocy,  faire  de  sorte  que  à  faullc    d'argent   et   aultre 
secours  ne  restera  à  se  deffendre  si  elle  estoyt  assaillye.  Et  ne  faillons 
d'advertyr  souvent  ledict  seigneur  comte  se  tenyr  tousjours  bien  sur 
ses  gardes,  à  quoy  j'estime  qu'il  ne  fault  s'employer.  Quant  ad  ce  que 
m'escripvez  par  voslre  aultre  lettre  du  xxvii"  dudict  moys  touchant 
l'affaire  du  seigneur  chevallier  Avérolde  ',  je  vous  diray  comme  plu- 
sieurs foys  en  avons  devisé  le  seigneur  Vincentio  Grimany  et  moy,  et 
avons  advisé  estre  le  meilleur  qu'il  déclarast  à  la  Seigneurie  ce  que  le 
roy  luy  en  avoyt  dict  de  bouche  aftin  que  l'on  adjouslast  plus  de  foy 
aux  lettres  de  S.  M.,  et   ainsi  l'avions  conclud.  Depuys  l'en  ay  sol- 
licité et  faict  solliciter  plusieurs  foys  par  mon  secrétaire,  mais  pour 
aulcuns  affaires  qu'il  a  euz  jusques  à  présent  ne  l'a  encores  faict.  Je  ne 
fauldray,  quant  il  sera  de  retour  de  devers  l'empereur  (où  il  est  allé 
audevant  avecques  troys  aultres  de  cez  Seigneurs),  à  luy  en  parler  fort 
afFectioniiément;    vous    asseurant   bien,    Monseigneur,    que   je   n'ay 
moindre  affection  de  faire  plaisyr  audict  seigneur  chevalier  Avérolde 
que  vous-mesmes,  comme  par  effect  le  cognoistra  toujours  advenant 
l'occasion  en  ce  qui  me  sera  possible. -Quant  ad  ce  que  m'escripvez  en 
chiffre  par  vostre  dernière  lettre  du  iiP  de  ce  moys,  nous  en  avons 
communicqué  ensemblement,  monsieur  le  cappitaine  Polin  et   moy, 
auquel  me  remectz  à  vous  dire  ce  que  en  est,  ainsi  qu'il  m'a  promys,  et 
aussi  de  sa  négociation  icy,  bien  que  en  aurez  jà  peu  entendre  quelque 
chose  par  ce  que  vous  a  escript  par  cy-davant.  Je  croy  que  aurez  bien 
entendu  le  partement  de  l'empereur,  et   comme  il  estoyt  arrivé   à 
Ispruch,  admenant  avecques  luy  ung  des  filz  du  roi  des  Romains,  pour 
ainsi  que  quelques  ungs  veullent  dire  luy  bailler  la  duché  de  Millan, 
affin  de  pencer  faire  entendre  à  cez  Seigneurs  qu'il  veult  tenyr  sa  prom- 
messe  en  ce  qu'il  avoyt  promys  ne  tenyr  ladicte  en  sa  main.  Il  doibt 

1.  Averoldi. 


390  AMBASSADE    DE  AOUT    154 1] 

arriviT  ili'tiiain  à  Trt'iilo  accompaigné  de  six  aultivs  mil  qui  lioibvenl 
venyr  apri-z,  i-l  tn»ys  mil  chevaulx  qu'on  faisoyl  en  cp  pays  là.  Les 
Kspagnolz  se  relinni  Unis  vers  le  niarqui/.  duGuasl;  sur  quoy,  encures 
quesoys  lr<>s  bien  asseuré  que  ne  faille/,  à  vnus  lenyr  tousjours  bien 
sur  voz  gardes,  ce  néantin«>ings,  nie  faisant  enlt/ndre  ung  bien  grant  et 
bon  serviteur  du  roy  qui  est  en  Alleniaigne  debvoir  advertyrS.  M.  que 
l'on  eust  il  bien  fiivitailler  les  terres  de  Pyedmonl,  et  y  lenyr  dedans 
gens  fi-aulx.  pour  ce  ijue  l'empereur  avoyt  deslibéré  y  faire  une  entre- 
prinse  d'un  cousté  que  r«)n  n'estimeroyt  jamais  ne  de  quelle  sorte,  m'a 
semblé  vous  en  debvoir  incontinent  advertyr  comme  à  celiuyà  qui  telle 
chose  t«»uche  le  plus.  Et  promet  davanlaige  ledict  serviteur  du  roy 
diuians  peu  de  jours  faire  sçavoir  de  quelle  sorte  ledict  empereur  veult 
faire  ladicle  enlreprinse  et  cculx  qui  consentent  de  faire  perdre  toutes 
les  terres  de  Pyéniont  et  la  Myrandola.  Jespère  de  brief  que  nous  vous 
ferons  entendre  plus  au  long  de  cest  alfaire,  et  du  succez  de  la  négocia- 
tion et  parlement  dudict  seigneur  Polin....  » 

Vol.  2,  f'  21  (  V,  copie  du  Wi"  siL-cie:  1  p.  3"i  in-f". 


l'ELLICIER  .vu -COMTE   DE  LA   MIRANDOLE. 

257.  —  Veniseï,  10  août  1541.  —  «  Havendo  io  informato  il  secre- 
tario  di  V.  S.  circa  tulle  quelle  cose,  le  quale  da  queste  bande  occoreva 
sapere,  come  essa  da  lui  potra  nieglio  intendere,  et  per  efTetto  conos- 
cere,  che  non  si  mancha  di  far  provisione  a  lulto  quel'ch'  è  de  bisogno, 
per  queslo  non  le  diro  altro,  for  che'l  présente  allalor  è  mons""  d'Ara- 
mont  il  (jual  mando  à  V.  S.  Accio  sia  présente  alla  rassegna  délie  fan- 
tarie  si  debbeno  fare  le  paghi,  et  slia  cosli  fin  che  si  vcda  quel  che  vol 
far  l'imperalnre,  afliti  che  volendosi  far  allra  génie  ci  sia  présente,  et 
a  pagar,  et  a  far  ugni  allra  cosa,  de  laquai  besogni  renderne  conlo  a  la 
corte  a  quel  tali  che  a  tal  officio  son  sopra  stanti,  perche  allramente 
V.  S.  sa  mnlio  ben'  che  no  ei  saria  admessa  alcuna  ragion  ch'allcgas- 
semo.  H  perche  priegho  sia  contenta  fargli  buona  acoglientia  et  com- 
pagnia,  et  il  simile  à  mons-"  de  la  Molla',  et  suo  nepote,  che  vengono 
in  com[)agnia  del  detto  s°'  d'Aramonl,  priegandola  sia  contenta  ove 
occorrera  la  ocrasione,  impor'loro  quelli  honesti  carichi  et  imprese  che 
fssa  giudicara  essor  eonvenienli  allalor  dignita  et  honor,  si  come  mollo 
meglio  potra  intender  da  messer  Formiguet,  al  quale  io  scrivo  più 
al  longho  et  piii  parlicularmente  di  cio  chaccade,  che  ragioni  et  con- 
ferisca  con  V.  S...  » 

Vol.  2,  f'  2i;;  V.  copie  du  xvr  sii'clc-:  ?,'\  do  p.  in-f\ 

I.  Le  sieur  (lApigny  de  la  Mollie,  gentilhomme  breton,  agent  français  établi  à  la 
Mirandole. 


[août    1o41]  GUILLAUME   PELLICIER  391 


PELLICIER  A   FORMIGUET. 


258.  —  [Venise],  i  0  août  1  ô4  J .  —  ^^  Monsieur  Formiguet,  j'ay  receu 
vostre  lettre  du  iif  de  ce  moys  et  m'avez  faict  bien  grand  plaisyr  de 
me  faire  sçavoir  si  amplement  de  voz  nouvelles  et  de  vostre  négocia- 
tion. Sur  quoy  vous  diray  qu'il  me  semble  n'estre  jà  besoing  que  y 
soyez  si  curieux,  comme  d'aller  faire   le  marché   vous-mesmes   des 
bledz,  et  qu'il  suftist  bien  que  vous  preniez  garde  seullement  combien 
couste  le  slare,  et  tenyr  compte  de  la  quantité  que  l'on  vous  en  bail- 
lera, et  de  l'argent  que  desbourserez;  car  au  reste  me  semble  qu'il 
fault  que  l'affaire  soyt  conduyte  par  les  gens  de  M.  le  comte  de  la 
Myrandola,  et  à  eulx  est  à  faire  le  marché  et  trouver  bledz,  et  que  leur 
laisserez  faire  pour  complaire  à  ceulx  dont  m'escripvez  estre  si  mua- 
bles,  et  aussi  que  ce  faisant  serons  plus  deslivrô  si  on  vouUoyt  faire 
aulcun  reproche.  Et  vous  prye  vous  en  dépescher  le  plus  tost  que  vous 
pourrez,  car  je  vous  désire  grandement  auprez   de   moy  pour  vous 
employer  aux  affaires  du  roy;  et  aussi  que  j'ay  grandement  besoing  et 
faulte  de  gens,  pour  ce  que,  comme  avez  peu  entendre,  La  Roche  a 
esté  mallade,  et  n'est  encores  retourné  en  telle  santé  que  je  le  puysse 
employer  en  aulcuns  affaires  dont  je  vous  souhaite  fort.  Quant  à  la 
despence  de  celluy  de  M.  le  comte  qui  est  venu  icy,  vous  pourrez  dire, 
s'il  vous  en  parle  plus,  que  vous  n'avez  encores  esté  adverty  de  ce  que 
en  debviez  faire,  et  que  Ion  n'est  pas  encores  au  fons  du  sac,  et  que  la 
somme  ne  peult  pas  estre  si  grande  que  on  ne  puysse  bien  attendre 
que  les  plus  grans  affaires  ne  soyent  parachevez.  Je  envoyé  présente- 
ment ung  des  gens  du  seigneur  Strocy  par  delà  avecques  quatre  mil 
escuz,  pour  fournyr  à  la  despence  qu'il  fauldra  faire  pour  la  levée  des 
gens  de  surcraiz,  si  besoing  sera.  Et  pource  que  ledict  seigneur  Slrocy 
désireroyt  fort  que  sondict  homme  s'en  retournast  par  deçà,  m'avoyt 
dict  qu'il  vous  délivreroyt  ledict  argent;  mais  je  foys  grand  doubte  pour 
vous  et  pour  moy  d'en  vouUoir  prendre  la  charge,  car,  qui  n'auroyt  lieu 
bien  seur  pour  le  mettre  et  bien  garder,  ce  seroyt  une  grosse  fâcherye 
que  d'estre  en  telle  peyne.  Par  quoy  si  veoyez  n'avoir  lieu  bien  seur,  je 
ne  vous  conseille  point  d'en  prendre  la  charge,  et  pryerez  ledict  por- 
teur de  l'argent  qu'il  demeure  là  avecques  vousjusques  ad  ce  que  nous 
ayez  advertys  de  la  seurté  que  aurez  de  les  garder.  Hz  sont  en  une  bou- 
gette  de  laquelle  vous  aurez  une  clef  et  luy  une  aultre.  Si  M.  le  comte 
faict  gens,  ce  ne  pourroyt  estre  que  pour  bien  peu  de  temps;  et  quant 
il  en  lèveroyt  bien  deux  cens  pour  ung  moys,  ce  ne  pourroyt  estre  à 
troys  escuz  chascun  que  six  cens  escuz,  mais  à  l'adventure  qu  il  n'aura 
que  faire  de  les  tenyr  silonguement.  J'ay  parlé  à  son  secrétaire  qui  a 
esté  icy,  et  baillé  cent  quarante  escuz  pour  acheter  du  plomb  pour 
faire  bouUetz  d'artillerye,  le  pryant  bien  fort  et  recommander  de  ma 


392  AMBASSADE    DE  [aoli    1d41] 

pari  fort  afffclionnémcnt  ii  M.  son  inaislre  les  seigneurs  Daramont  et 
de  la  Moite  qui  s'en  vont  présentement  par  delà,  ad  ce  que  son  bon 
plaisyr  fusl  les  voullnir  employer  honneslement  et  selon  leur  qualité' 
que  r<mgnoissez  très  bien,  et  s.;avez  la  charge  qu'ilz  ont  eue  :  dont  ne 
leur  seroyt  honneste  de  tenyr  maintenant  la  place  d'un  souldard.  l*ar 
quoy  encores  de  ma  part  vous  en  parlerez  audict  seigneur  comte, 
auiiuel  j'en  rscriptz  ung  pelyt  mot  seuUement,  m'en  remettant  à  vous 
il  luv  en  dire  bien  au  long;  et  le  pryerez  fort  allectionnément  que 
encores  (ju'ilz  soyent  gens  fort  expérimentez  à  la  guerre,  et  que  telz 
personnaiges  luy  soyent  en  singullière  recommandation,  d'aultant  plus 
pour  l'amour  de  moy  les  veuille  avoir  pour  recommandez  et  leur 
donner  Iflle  charge,  quilz  congnoissent  ma  faveur  envers  luy  leur 
avoir  beaulcoup  servy.  Au  reste  ilz  vous  diront  de  mes  nouvelles,  par 
quoy  ne  vous  en  diray  aultre  sinon  que  de  rechef  je  vous  prye  revenyr 
le  plus  tost... 

«  Il  fault  que  vous  entendez  que  le  secrétaire  dudict  seigneur 
comte  m'a  promys  vous  rembourser  des  cent  quarante  escuz  cy-dessus, 
et  sont  comprins  en  la  somme  des  quatre  mil  escuz. 

«  Depuys  avoir  faict  la  présente,  nous  avons  prins  aultre  adviz 
touchant  M.  Daramont;  car  j'escriptz  à  M.  le  comte  que  nous  l'envoyons 
par  delà  pour  veoir  faire  la  monstre  et  payer  les  gens  qu'il  fauldra 
faire  présentement  à  la  Myrandola  affin  que  la  somme  qui  y  sera 
employée  soyt  allouée  à  la  court,  pour  ce  que  aultrement  il  y  auroyt 
grande  difficulté,  ainsi  que  Son  Excellence  sçayt  très  bien.  Et  oultre 
ledict  seigneur  Daramont  a  commission  de  demeurer  là  jusques  ad  ce 
que  l'on  ayt  veu  ce  que  l'empereur  aura  à  faire;  et  s'il  esloyt  besoing 
de  lever  aultres  gens  pour  la  garde  de  ladicte  ville,  en  faire  ladicte 
monstre  et  payement  comme  des  premiers  s'il  sera  besoing  d'en  faire 
aulcuns.  Dont  je  vous  ay  bien  voullu  advertyr,  affin  de  le  faire  encores 
entendre  de  bouche  audict  seigneur  comte,  oultre  ce  que  je  luy  en 
escriplz  présentement.  » 

Vol.  2,  fo  216,  copie  du  xvi«  siècle;  2  pp.  in-fo. 

l'ELLlCIEK   A    M.    DE   RODEZ    '. 

259.  —  [Venise]^  13  août  1 541 .  —  «  Monsieur,  si  de  vostre  cousté 

I.  .  Hyer  xiT  d'aousl  fut  cscrijil  par  M.  de  Puylobier  à  M.  de  Villy,  ainsi  que  est 
escript  en  niynute  que  ne  fust  mise  en  ce  registre.  » 

—  M.  de  Puyloljier,  gentilhomme  provençal  attaché  à  l'ambassade  de  Pelli- 
cier  à  Venise.  Il  y  était  encore  à  l'automne  de  1342.  On  trouve  en  1388  un  Mel- 
chior  de  Puylobier,  maître  d'hôtel  de  la  reine-mère,  Catherine  de  Médicis 
(B.  N.,  ms.  fr.  21072,  Pii^cen  originales). 

M.  de  Villy  :  peut-être  Claude  I"  Mole,  seigneur  de  Villy-le-Maréchal,  mort  vers  le 
commencement  de  1342.  Il  s'agit  ici  plus  vraisemblablement  de  Claude  Dodieu,  et 
il  faut  lire  sans  doute  Velly. 

« 


|a0UT    1o41]  GUILLAUME   PELLICIER  393 

les  discours  sont  divers  de  ce  que  l'empereur  aura  à  faire,  ainsi  que 
m'escripvez  par  la  vostre  du  vi'^  de  ce  présent,  je  vous  puys  bien  asseurer 
que  icy  n'y  en  a  moings  de  varyables  oppinions;  et,  comme  je  vous  ay 
tousjours  escript  sur  ce  propoz,  les  ungs  estoyent  d'adviz  du  voyaige 
d'Algier,  les  aùltres  d'Allexandrye  d'Egiple,  et  les  autres  de  nostre 
cousté.  Mais  à  présent  est  venue  encores  uneaultre  nouvelle  oppinion, 
c'est  qu'il  est  pour  faire  l'emprinse  de  Coiistantinople;  et  dict  l'on  que 
des  plus  grans  de  ceste  ville  l'ont  ainsi  entendu  de  bien  bon  lieu  et 
n'en  sont  point  trop  incréduUcs.  Quant  est  de  moy,  je  croyroys  plus 
tost  que  les  Impériaulx  eussent  getté  ce  bruyt  pour  chercher  de  divertyr 
le  Grant  Seigneur  de  son  entrcprinse,  que  pour  voullenté  qu'il  eust 
d'aller  de  ce  cousté  là,  veule  temps  où  nous  sommes.  Par  les  dernières 
que  j'en  ay  eues  de  messire  Vincenzo  Maggio  du  iiu«  du  passé,  ne 
m'escript  aultre  sinon  qu'il  se  partyroyt  le  v^  de  juillet  pour  aller 
trouver  ledict  Grant  Seigneur,  qu'il  espéroyt  faire  à  Sophia,  pour 
aultant  que  l'on  disoyt  qu'il  y  sesjourneroyt  six  ou  sept  jours;  et  peut 
estre  que  aprez  avoir  entendu  la  levée  du  camp  du  roi  Ferdinando, 
qu'il  ne  se  hasteroyt  point  tant  d'aller  qu'il  eust  faict.  Telle  nouvelle 
est  venue  icy  du  fondigue  des  Tudesques,  et  comme  les  gens  dudict 
roy  Ferdinando  se  sont  retirez  en  une  petite  montaigne  auprez  de 
Pest  '  d'où  ne  peulvent  sortyr  que  par  ung  pont  que  les  Turcqs  gardent 
si  bien  qu'ilz  ne  peulvent  estre  secouruz  de  victuailles,  et  fauldra  à  la 
fin,  s'ilz  n'y  veullent  mouryr  de  fain,  qu'ilz  en  sortent  à  leur  très  grant 
danger  et  perte  ^  Je  croy  que  pourrez  avoir  entendu  l'arrivée  de  l'em- 
pereur à  Trente  le  xe  de  ce  moys,  et  comme  il  avoyt  deslibéré  y  estre 
deux  jours  aprez  et  le  xiii'=  s'en  partyr  pour  venyr  à  Millau.  Dieu  voul- 
sist  que  sa  venue  peult  estre  si  heureuse  pour  les  seigneurs  César 
Frégose  et  Rincon  qu'elle  feut  en  France  pour  tant  de  pouvres  prison- 
niers qui  pour  l'amour  de  luy  feurent  délivrez  des  prisons  ^  El  aulcuns 

1.  Pesth. 

2.  L'ambassadeur  anglais  Howard  écrivait  à  Henri  VHI,  de  Lyon,  le  24  septembre  : 
<■  Hère  is  come  newes  lateiy  to  tlie  Cowrte  of  assurety  that  the  Turke  is  arryved 
at  Buda,  and  hath  gyven  a  grete  overthrowe  to  the  Kinge  of  Romayns  army,  and 
hath  burnyd  the  brydgis  that  were  upon  the  ryver  of  Dannubio,  and  those  that 
escapyd,  that  were  abowt  Buda,  reytyred  Ihem  to  a  plase  callid  Pesta,  upon  tiio- 
ther  syde  of  the  ryver,  and  yet  were  constrayned  to  rendre  themselfes  to  tho 
discressyon  oflhe  Turke  ••  [States  papers  of  Henry  VIII,  vol.  YIII,  p.  G08). 

3.  '<  Depuis  que  ledict  seigneur  Empereur  fust  entré  à  Baionne,  le  Roy  luy  bailla 
puissance  de  conférer  toulz  offices  vacantz  pour  lors  en  son  royaulmc;  et  aussi 
des  béneflces,  comme  abbayes  et  aullres  estans  en  la  présentacion  du  Roy,  avec 
puissance  de  délivrer  tous  les  prisonniers,  et  leur  donner  grâce  et  rémission  de  tous 
crismes  et  délictz,  excepté  de  lèze  majesté:  suivant  lequel  povoir,  par  toutes  les 
villes  où  il  passa,  depuis  Baionne  jusques  en  Flandres,  il  bailla  rémission  à  tous  les 
prisonniers  et  les  feist  mettre  hors  des  prisons,  où  plusieurs  criminels  chargez  de 
grans  et  énormes  crimes  furent  délivrez;  et  mesmes  à  Paris,  ouqucl  lieu  il  en  sortit 
des  prisons  en  grand  nombre,  tant  de  la  Conciergerie  du  Palais,  de  Chastellet,  de 
Four  TEvesque,  de  l'Officialité  que  aultrcs  prisons  dudict  Paris  »  {Cronique  du  roy 
Françoys  premier,  publ.  par  G.  GuilTrey,  p.  31'). 


ay»  AMBASSADE   DE  AOIT    Ij41] 

estiment  à  bonne  augure  (jue  le  marquis  du  Guast  ayt  confessé  à  la 
liu  avoir  entendu  (jue  If  marquis  de  Musq  et  Cé/ar  de  Naples  '  les 
avoyenl  prins;  mais  de  moy  j'estime  plus  tosl  que  c'est  auprez  avoir 
sceu  d'eux  tout  ci*  qu'il/,  vouiloyent,  pour  en  poncer  faire  leur  proflict 
parmy  le  monde;  or  je  prye  Nostre  Seigneur  donner  ausdict/  seigneurs 
Cézar  et  Ilincon  lionne  yssue.  Le  seigneur  cappilaine  l*olin  est  ancores 
en  cesie  ville,  attendant  nouvelles  de  France  avant  son  partement, 
bien  ([ne  la  gallère  que  cez  Seigneurs  luy  ont  concédée  pour  le  porter 
où  luy  plaira  soyt  icy  il  y  a  deux  ou  troys  jours  à  l'attendre.  Je  n'ay 
failly  inconlinanl  advertyr  M.  le  comte  de  la  Myrandola  de  ce  que 
m'avez  escript  et  y  donner  telle  provision  de  gens  et  d'argent,  que  à 
faulle  de  ce  la  place  ne  aura  danger...  » 

Vol.  -2,  f  -217,  copie  du  XVF  siècle;  I  p.  in-f°. 


PELLICIER   A   COSTANZA   RANGONA   FREGOSA. 

260.  —  Venise,  /  7  août  1 51 1 .  —  «  Tllustrissima  e  Excellentissima 
Signora,  insieme  con  la  lettera  di  V.  111™»  et  Ex™»  S"»  per  il  suo 
mandalo  ho  ricevulo  il  plico  indirizzatole  dal  R'"'^  et  III'"^  Car'*'  Trivul- 
tio  *,  del  che  la  ringralio  infinilamente,  et  perche  in  esse  lettere  si 
conlengono  nuove  molto  buone,  et  tali  che  son  certissimo  piaceranno 
più  a  V.  S.  che  a  tuti  gli  altri  huomini  del  mondo,  ne  la  ho  voluto  far 
participe,  lequai  son  che  rEx"'°mons'"  di  Langie  ha  in  suo  poder  un  di 
quel  tali  che  si  ritrovarono  a  commeter  il  delilto,  cioè  à  pigliar  lo 
111™°  et  Ex"°  suo  consorte  et  signor  Rincon  ;  et  spera  di  doverne  haver 
anchora  degli  altri,  et  io  me  confido  cosi  nel  suo  buon  giudicio  che 
S.  S"''  non  si  inganarà  in  cosa  alcuna,  il  che  sarà  come  una  cerlezza 
délia  certezza  con  la  quai  chiaramente  si  potra  conoscere  se  l'imperatore 
vorria  esser  simile  a  i  ministri  suoi,  come  quel  che  di  sua  man  pro- 
pria ha  scritto  di  S.  M'-"",  che  se  potrà  intender  questa  presura  essere 
stala  fatta  con  consentimento  d'alcun  de  suoi,  ei  vuol  esser  tenuto  per 
il  più  tristo  principe  del  mondo  se  egli  non  fa  incontanente  restituir  li 
dclti  signori  et  se  non  ne  fa  sopra  i  delinquenti  punition  exemplaria. 
Hora  non  possiamo  sperar  senon  buon  successo,  se  già  l'imperatore 
per  suo  proprio  testimonio  non  vorrà  esser  tenuto  per  tal  quai  egli  si 

1.  Cesare  Maggi,  capitaine  napolitain  au  service  de  l'empereur.  On  le  retrouvera 
plus  loin. 

2.  Afroslino  Triviilzi,  second  fils  de  Giovanni  Triviilzi,  sénateur  de  Milan,  et  d'An- 
gela  .Martincnpo;  frire  de  l'archevêque  de  Raguse  et  du  gouverneur  du  Lyonnais. 
AI)1m'  de  Froidinonl  en  France  et  caniérier  de  Jules  II,  il  avait  été  créé  cardinal 
en  1317  par  Léon  X.  Successivement  administrateur  de  l'archevêché  de  Reggio  (1520- 
1526),  êvêque  de  Bobbio  (1522-1524),  de  Toulon  (152i-loi8)  et  de  Baveux  (lo3M548), 
il  fut  envoyé  par  Paul  III  comme  légat  auprès  de  François  l^r.  et  mourut  à  Rome 
le  30  mars  1548. 


AOUT    lo4I^  GUILLAUME    PELLICIER  39'J 

exhibisce,  poi  che  evidentissime  et  irrefragabili  prove  gli  sarà  fatlo 
conslar  clii  de  suoi  minislii  liabbia  commesso  et  essequito  il  maie.  Il 
per  clio  V.  S.  [sia]  di  securo  animo,  che  spero  anchora,  che  in  brève 
vederemo  liberati  i  sudelti  signori... 

«  Di    Veni'lia.  » 
Vol.  2,  f'^  217  yo,  copie  du  xvi«  siècle  ;  1/2  p.  in-f '. 

PELLICIER   A    M.    D'aRAMON    '. 

261.  —  [Venise],  18  août  1 54 1 .  —  «  Monsieur,  je  receuz  hier  vostre 
lettre  par  votre  lacqiiaiz,  lequel  ay  retenu  icy  pour  vous  le  remander 
avecques  une  aultre  dépesche  quand  l'occasion  s'y  adonnera,  trouvant 
la  commodité  de  ce  présent  porteur  que  le  seigneur  Pietro  Strocy  a 
envoyé  présentement  par  delà;  j'ay  receu  aussi  celle  que  m'avez  escript 
de  Ferrare  :  dont  de  tout  vous  remercye  bien  fort,  et  vous  prye  conti- 
nuer de  me  donner  adviz  de  ce  qui  surviendra  ordinairement  par  delà. 
Je  ne  trouve  point  maulvaiz  la  levée  des  gens  que  a  faicte  ]&.  le  comte  ^  ; 
car  c'est  beaucoup  le  meilleur  de  se  tenyr  sur  ses  gardes,  que  d'attendre 
que  tout  en  ung  coup  on  fust  surprins,  voullant  espargner  pour  puys 
aprez  faire  grosse  despence  et  se  mettre  en  danger  de  ne  povoir  remé- 
dier à  ce  que  l'on  auroyt  laissé  trop  en  arrière.  Il  estime  que  la  des- 
pence qu'il  faudra  faire  pour  cesle  heure  en  la  souldc  des  quatre  cens 
hommes  ne  pourra  monter  plus  de  .xii  ou  xiii  cens  escuz;  car  j'entendz 
que  des  cinq  cens  hommes  ledict  seigneur  comte  prend  les  cent  que  le 
roy  luy  avoyt  ordonnez,  dont  n'en  avons  sur  noz  comptes  que  quatre 
cens.  Des  au) très  cens  ilz  ont  esté  faictz  par  commandement  et  ordon- 
nance de  S.  M.,  ainsi  que  m'a  escript  ledict  seigneur  comte  avoir  charge 
de  ce  faire,  advenant  qu'il  en  fust  de  besoing,  comme  je  croy  qu'il  a 
faict,  et  qu'il  n'eust  point  voullu  faire  telle  despence,  s'il  n'eust  congneu 
y  avoir  nécessité,  ainsi  que  j'espère  qu'il  fera  sçavoir  au  roy.  Et  m'avez 
faict  bien  grant  plaisyr  de  le  faire  entendre  à  M.  le  mareschal  d'Hanne- 
bault;  vous  avez  tant  bien  faict  jusques  icy  que  je  ne  vous  sçauroys 
dire  aultre,  sinon  vous  pryer  continuer  jusques  au  bout.  Et  ay  esté  bien 
aise  d'entendre  que  M.  de  la  Motte  et  son  nepveu  soyent  demeurez 
constans;  lesquelz  trouveront  en  la  présente,  s'ilz  la  veoyent,  mes 
affectionnées  recommandations,  et  que  je  prye  ledict  seigneur  de  la 
Motte  prendre  ce  petyt  mot  en  responce  de  la  sienne.  Au  demeurant, 
je  vous  pryerai  ayder  le  plus  que  pourrez  à  Formiguet  qu'il  se  puysse 
dépescher  pour  s'en  venyr,  car  je  le  désire  fort  icy.  Des  nouvelles  de 
l'empereur  je  ne  vous  en  diray  point,  car  en  pourrez  entendre  aullant 

1.  «  Escript  cedict  jour  à  M.  le  comte  de  Li  Myrandola.  » 

2.  Le  comte  de  la  Mirandole. 


396  AMBASSADE   DE  '^AOl'T   lo4l] 

ou  plus  là  OÙ  VOUS  estes  que  nous  ne  faisons  icy,  pour  ce  (ju'il  s'en 
aprocliera  de  plus  pre/.;  par  quoy  feray  lin  à  la  présente  aprez  vous 
avoir  tlicl  que  M.  le  caijpitaine  Polin  s'en  part  ce  jourdliuy  pour  con- 
tinuer son  voyai^'e,  qur  je  pryc  Nostre-Seigneur  luy  doriiior  iieureux 
cl  prospère...  » 

Vol.  2,  T'  JIT  V".  copie  du  wi"  sièclf  ;  1  p.  in-l". 


l'ELLIClER   A   KORMIGIET. 

t 

262.  —  '^['enise],  J  8  août  1 541 .  —  <(  Monsieur  Formiguet,  j'ay  veu 
par  vostre  lettre  les  raisons  pourquoy  l'on  mect  ainsi  à  la  longue  vostre 
commission;  pour  avoir  à  quoy  obvier  doresnavanl  il  me  semble  que 
debvez  solliciter  le  plus  fort  que  pourrez  M.  le  comte  de  faire  employtte 
des  bledz;  mi  bien,  s'il  vous  remelloyt  et  n'esloyt  d'adviz  la  faire  pour 
ccste  heure,  le  y  persuadez  le  plus  qu'il  vous  sera  possible,  allégant 
que  pourra  eslrc  que  les  bledz  aprez  le  parlement  de  l'empereur 
seront  à  meilleur  marché  qu'ilz  ne  sont  à  présent,  attendu  encore  que 
cez  Seigneurs  ont  eu  une  traicte  du  Grant  Seigneur  d'en  faire  tirer  de 
cez  pays  tant  qu'ilz  vouldronl  :  et  jà  pour  ce  faire  ont  dépesché  plu- 
sieurs navires.  Dont,  puys  que  la  Myrandola  en  est  si  bien  pourveue 
que  mondict  seigneur  le  comte  dict,  et  qu'il  y  a  maintenant  si  grant 
difficulté,  vous  luy  pourriez  dire  que  pour  cez  raisons  ne  seroyt  que  bon 
de  faire  deux  achaplz  en  divers  temps.  Et  s'il  le  trouve  bon,  rapportez 
l'argent  pour  l'achever  de  y  employer  quant  besoing  sera;  car  il  faut 
que  vous  en  rendiez  compte.  Sinon,  en  quelque  façon  que  ce  soyt, 
dépeschez  vous  le  plus  tost  que  pourrez  de  vous  en  venyr.  Je  luy  en 
escriptz,  le  pryant  bien  fort  vous  vouUoir  dépescher;  ce  néantmoings, 
si  voyez  qu'il  vueille  continuer  ledict  achapt  et  qu'il  ne  voulsist  attendre 
à  ung  aultre  temps,  demeurez  encores  là  pour  quelques  jours,  et  faictes 
du  niieulx  que  pourrez.  Car  nous  le  solliciterons  tant  de  foys  de  vous 
laisser  venyr  que  enfin  il  y  consentira;  mais  ne  fault  qu'il  s'attende 
que  vous  laissez  là  les  escuz  desquelz  m'avez  escript  en  avoir  quelque 
quantité  de  légiers.  Vous  adviserez  si  le  seigneur  Francesco  de  Pazzi  ' 
les  vouldroyf  changer,  et  luy  direz  que  le  seigneur  Corboly  ^  les  a 
baillez;  sinon  rapportez-les,  et  nous  les  luy  rendrons,  si  d'adventure 
avant  que  cela  soyt  nous  n'avons  obtenu  dudict  seigneur  Corboly  que 
icelluy  Francesco  les  vous  face  bons.  Et  cependant  je  vous  prye  nous 
faire  sçavoir  le  plus  souvent  que  vous  pourrez  des  nouvelles  de  là  où 
vous  estes  bien  au  long... 

1.  Francesco  «la  Fazzi,  lieutenant  de  Pielro  Slrozzi,  chargé  du  paiement  des  gens 
de  ^'lierre. 
■2.  .Viilrc  agent  (le  P.  t^lroz/.i. 


[août    i:-}4l]  GUILLAUME    PELLICIER  397 

«  Je  ne  veulx  oblyer  à  faire  mes  affeclionnées  recommandations  à 
messer  Francesco  da  Pazzi.  » 

Vol.  2,  f"  218,  copie  du  xvi°  siècle;  1  p.  in-f". 

PELLICIER  ET   LE   CAPITAINE   POLIN   AU  ROI   *. 

263.  —  [Venise],  'l  8  août  1041 .  —  «  Sire,  par  les  lettres  du  v  de 
ce  moys  V.  M.  aura  peu  veoir  l'exposition  que  avons  faietc  à  cez 
Seigneurs,  suyvant  la  charge  et  commission  qu'il  vous  a  pieu  nous 
donner,  de  la  négotiacion  que  avons  faicte  avecques  eulx  jusques  au- 
dict  jour....  Vous  dirons  comme  depuys  très  instamment  les  avons 
sollicitez  puysque  leur  bon  plaisyr  avoyt  esté  nous  concéder  une  gallère, 
ainsi  que  vous  avons  escript,  qu'il  leur  pleust  la  faire  aprocher  plus 
prez  ([ue  Histrye,  attendu  que  les  plus  grans  dangers  estoyent  de  passer 
jusque  là  :  chose,  Sire,  que  nous  ont  libérallement  accordé,  l'ayant 
faicte  admener  jusques  auprez  de  ceste  ville.  Et  pour  ce.  Sire,  que 
aulcuns  de  voz  grans  et  affectionnez  serviteurs  qui  sont  icy  ont  esté 
d'adviz  que  avant  mon  partement  je  leur  proposasse  et  misse  avant  la 
déclaration  que  a  faict  faire  le  Grant  Seigneur  à  leur  ambassadeur 
Badouare,  de  laquelle  avez  envoyé  un  double  à  moy  de  Montpellier, 
moy,  cappitaine  Polin,  leur  déclairant  de  rechef  la  grande  voulenté  et 
désir  que  aviez  de  leur  faire  plaisyr  en  toutes  choses,  affin  que  si  le 
Grant  Seigneur  venoyt  à  m'en  demander,  m'aviez  commandé  sçavoir 
d'eulx  ce  que  je  luy  en  debvroys  respondre  pour  selon  cela  m'y  gou- 
verner, pour  aultant  que  V.  M.  ne  désiroyt  sinon  entretenyr  lamytié 
qu'ilz  avoyent  avecques  le  Grant  Seigneur,  congnoissant  très  bien  le 
bien  et  repoz  qu'ilz  en  povoyent  recepvoir;  et  affin  qu'ilz  peussent 
congnoistre  la  sincérité  et  intégrité  d'icelle  estre  telle  que  ne  diriez 
jamais  chose  que  n'en  voulsissiez  encores  monstrer  davantaige  par 
effect,  leur  réplicqué  aussi  que  là  où  ilz  vouldroyent  vous  rechercher 
d'entrer  en  une  plus  estroicte  confédération  et  amytié  secrette  ou  aultre- 
ment  avecques  vous,  que  y  entendriez  et  l'auriez  très  agréable;  et  s'il 
leur  sembloyt  en  parler  audict  seigneur  de  Montpellier,  ainsi  que 
leur  avoys  dict  dernièrement,  il  y  feroyt  responce.  Leur  remonstrant 
très  bien  que  si  voz  forces  et  les  leurs  estoyent  joinctes  ensemble, 
seroyent  non  seullement  pour  asseurer  leurs  affaires,  mais  entreprendre 
pour  illustrer  et  augmenter  leur  républicque  :  les  exhortans  le  plus 
modestement  et  efficacement  qu'il  nous  esloyt  possible  d'entrer  en 
bonne  et  estroicte  ligue  avec  V.  M.  Et  que  le  plus  tost  seroyt  le 
meilleur,  attendu  que  le  Grant  Seigneur  les   en  pryoit,  ainsi  qu'ilz 

i.  «  Geste  lettre  fut  mise   au   mesmes  pacquet  de    la  suyvante,  du  \xii  de  ce 
movs.  » 


:{98  AMBASSAPK    DE  AOIT    1541 

povoyent  avoir  cnlcnclu,  comme  je  croyois  que  le  semblable  avoyl-il 
laid  à  V.  M.,  t-ombien  qu'il  n'iMi  liisl  aulcun  bcsoing  pour  vous 
aiïeclionuer  davaiilaige  mvers  eulx,  veu  la  naturelle  inclinalion  que 
avez  tousjours  eue  à  leur  estai.  Sur  quoy,  Sire,  avons  trouvé  eslre 
le  meilleur  de  ne  les  presser  ne  recherciier  aultrement  de  nous  y  faire 
respnnct",  ains  les  laisser  faire  ce  que  bon  leur  sembkroyl  pour  veoir 
si  d'eulx-mcsines  viendroyent  à  nous  la  faire;  mais  les  allant  remercyer 
de  leur  gallère  qu'il/,  avoyenl  faict  venyr  et  prendre  congé  d'eulx, 
n'ont  faict  aulcun  semblant  d'en  avoir  jamais  oy  parler.  Et  si  n'ay  faiiiy 
de  recbef  de  leur  faire  très  bien  entendre  la  bonne  voullenté  que  leur 
avez  tousjours  portée,  et  s'ilz  me  vouUoycnt  rien  commander  où  j'alloys, 
<[ue  je  ne  fauldroys  m'y  employer  comme  pour  voz  allaires  propres, 
ayant  tel  coniinandcmentdc  V.  M.  .\quoy  ne  m'ont  faict  aultre  responce, 
sin(»n  ^énéralb;  et  à  l'accoustumée,  qii'ilz  ne  fauldronl  en  tout  ce  qu'ilz 
pourront  vous  agréer  et  complaire,  sans  nous  loucher  aultrement 
d'aulcune  particularité  :  chose  que  aulcuns  estiment  à  bon  augure, 
allégant  une  reigle  de  droict  que  dict  :  Qui  se  taist  se  consent.  L'on 
verra  avecques  le  temps  ce  qu'ilz  en  vouldront  faire,  et  moy  de  Mont- 
pellier ne  fauldray  à  les  entretenyr  tousjours  en  l'afTection  qu'ilz  vous 
portent,  en  les  y  attirant  davantaige  s'il  me  sera  possible  '.  » 

Vol.  2,  f"'  218  \°,  copie  du  xvi'^  siècle;  1  p.  1/2  in-f". 

l'ELLICIER  AU  MÊME  -. 

264.  —  [\'cnise],  22  août  1 54 1 .  —  «  Sire,  j'estime  bien  que  V.  M, 
pourra  avoir  entendu  le  passaige  de  l'empereur  par  Ispruch.  Depuys  le 
X''  de  ce  moys  est  arrivé  à  Trente,  où  sesjourna  troys  jours  attendant 
ses  lansquenetz  et  aultres  gens  qui,  pour  les  grand  journées  qu'il 
avoyt  faictes,  ne  l'avoyent  peu  suyvre.  Et  le  commun  bruyct  est  icy 
que  il  veult  aller  en  Algier,  et  certes  l'on  est  adverty  qu'il  a  dict  aux 
ambassadeurs  de  cez  Seigneurs  avoir  le  moyen  de  le  prendre  ;  ce 
néanlmoings,  quant  il  ne  pourroyt  ce  faire,  que  à  tout  le  moings 
endommageroyl-il  beaucoup  les  choses  des  Infidelles.  Et  par  le  bruyct 
de  son  armée  s'attendoyt  bien  de  divertyrle  voyaige  du  Grant  Seigneur 
en  Ilongrye  ;  aux  affaires  de  laquelle  avoyt  donné  tel  ordre  qu'il  n'avoyt 
pencement,  quant  toutes  les  forces  dudict  Grant  Seigneur  y  seroyent, 
qu'ilz  y  feissent  rien.  Et  que  jusques  à  présent  les  gens  que  y  avoyt 
mandez  icelluy  Grant  Seigneur  n'estoyent  que  canailles  telles  que  le 
siège  de  Bude  n'estoyt  pour  se  lever  pour  eulx  ;  toutesfoiz  qu'il  ne 

1.  •  Eïicript  le  xx'  d'aousl  à  M.  de  Rlioilez,  ainsi  qu'est  conlcnii  en  ung  mémoire 
ijui  est  avcc(jiies  les  mynules.  » 

2.  "  Ccsle  dépesche  fui  mandée  en  dilligence  jusques  à  Tiiurin  par  messer  Jo. 
Baplisia  Corso.  • 


[août    1o41]  GUILLAUME     PELLICIER  399 

laisseroyt  encores  de  y  mander  pour  renforcer  le  camp  du  roy  Ferdi- 
nando  troys  mil  Italiens  soubz  la  charge  du  marquis  de  Mus,  quelque 
bruict   que   Ton  gelte  d'Algier.  Le  pape,  discourant  de  son   voyaigc 
avecques  lambassadeur  de  cez  Seigneurs  prez  de  Sa  Sainctelé,  s'est 
arresté  qu'il  estoyt  plus  tost  pour  couryr  sur  vos  terres  et  marynes 
de  Lenguedoc,  et  nommément  d'Aigues-Mortes  que  aultre  part.  Dont 
à  présent  ceulx  qui  icy  ont  plus  à  cueur  les  aCfaires  de  V.  M.,  —  ayant 
esté  descouvert  le  traicté  du  cappitaine  de  Suysse  et  aultres  en  Pied- 
mont,  et  entendu  que  le  pape  qui  monstroyt  avoir  paour  de  l'empereur 
et  qui  pour  ccsle  cause  faisoyt  grant  nombre  de  gens,  pour  ainsi  que 
on  est  adverty  en  avoir  mandé  une  bonne  partye  à  Noverre  ',  et  luy, 
qui  faisoyt   semblant  se  refTuscr  tant  l'entreveue   et  aboucqucment 
avecques  ledict  empereur,  quant  est  venu  le  point  et  temps  s'esUint 
rendu  plus  facille  pour  aller  si  loing  comme  Lucques  et  en  pays  et 
povoyr  d'aultruy,  —  se  doublent  et  estiment  que   l'ung  et  l'aultre, 
ayant  intelligence  par  ensemble,  ont  faict  gelter  ce  jjruict  d'Algier, 
pour  pencer  couvrir  cesdictes  entreprinses  si  d'aventure  il  ne  povoyt 
venyr  à  bout  d'icelles  ou  d'aultres  que  il  seroyt  pour  tenter;  carde 
celle   d'Algier  on  estime  que  s'il  tardera  guères  plus,   qu'il  en  sera 
bientost  excluz.  Et  ne  faict  hors  de  propoz  une  lettre  que  ay  receue  de 
vostre  serviteur  d'AUemaigne  qui  admoneste  debvoir  adverlyr  incon- 
tinant  que  l'on  doibve  envitailler  et  munyr  très  bien  les  terres   de 
Pyémont,«et  tenyr  dedans  gens  loyaulx  et  fidelles,  pour  ce  que  l'empe- 
reur avoyt  deslibéré  de  faire  une  emprinse  contre  V.  M.,  que,  comme 
il  dict,  l'on  ne  pourroyt  jamais  pencer  de  quel  cousté  ne  en  quelle 
sorte  ne  manière  :  de  quoy  n'ay  failly  soubdainement  advertyr  M.  de 
Langey.  Je   vous  envoyé    la    coppye   de   ladicte  lettre,  par  laquelle 
V.  M.  pourra  plus  au  long  veoir  combien  ledict  personnaige  est  vostre 
atlectionné  serviteur;  mais  que  celluy  qui  yra  par  devers  luy  pour 
entendre  encores  plus  au  long  de  bouche  les   choses  qu'il  ne  veult 
mettre  en  danger  d'estre  descouvertes  en  les  escripvant,  soyt  de  retour, 
je  ne  fauldray  incontinant  à  vous  dépescheren  toute  dilligence  homme 
exprès  pour  le  vous  faire  scavoir,  s'ilz  requièrent  telle  dilligence.  Je 
vous  ose  bien  asseurer,  Sire,  que  je  l'ay  tousjours  trouvé  aultaut  seur 
et  véritable  en  ses  advertissemens  que  nul  aultre  de  deçà  que  vous 
servent  en  telz  affaires.  Je  vous  envoyé  aussi  une  aultre  lettre  d'ung 
vostre   affectionné  serviteur  de  Millan,    par  laquelle   pourrez   veoir 
quelque  provision  qui  se  font  de  barcques,  ponlz  et  eschelles,  je  ne 
sçay  entendre  à  quelz  fins.  J'ay  mandé  aussi  ung  double  de  ladicte 
lettre  à  M.  le  maréchal  d'Hannebault  qui  pourra  à  l'adventure  mieulx 
entendre  où  telle  chose  se  pourroyt  dresser. 

«  Sire,  le  seigneur  Pietro  Strocy,  cherchant  tousjours  tous  les  moyens 

1.  Novara,  place  forte  du  Piémont,  à  80  kilom.  de  Turin. 


400  AMBASSADE    DE  AOUT    lii41j 

dont  il  se  piull  adviser  de  faire  chose  qui  soyl  au  service  et  {grandeur  de 
V.  M.,  avttyl  avoctjues  M.  le  prieur  son  frère  •  conimunicciué  au  seigneur 
cajjpitaine  l'olin  et  à  nioy  (luelque  cnlrcprinso  de  l»ien  fort  grande 
inipiirlance  et  ccjmniodilL';  la(|ui*lle  ce  nt-antnioings  pour  n'estre  les 
cheniyns  maintenant  trop  scurs  pour  mander  lettres  et  pacquetz  à  la 
court,  et  qu'il  ne  vonldroyt  pour  rien  du  monde  que  tel  afïaire  fust 
di'scouvert,  avoyent  advisé  vous  debvoir  advertyr  seullement  que  s'il 
plaira  à  V.  M.,  iiu'il  se  transporte  par  devers  vous  pour  le  vous  faire 
entendre  avecques  aultres  choses  que,  en  luy  commandant,  ne  fauldra 
incontinant  à  ce  faire.  Dont  nous  supplyoïis  V.  M.  nous  faire  entendre 
sa  voullenté  si  hon  hiy  semble;  et  suivant  ce  que  ay  escript  à  V.  M., 
(jue  le  comle  île  la  Myrandola  m'avoyt  envoyé  ungde  ses  genlilzhommes 
avecques  M.  de  Sainctaye,  pour  madvertyr  que  venant  l'empereur  en 
Ylallye  luy  seroyl  Lesoing  pour  la  conservation  de  sa  place  d'avoir 
plus  granl  nombre  de  gens,  et  que  pour  ce  faire  n'avoyt  argent  prest; 
et  oultrc  que,  comme  luy  avoyt  certiflyé  ledicl  seigneur  de  Sainctaye, 
les  chemyns  de  Tliurin  à  la  Myrandola  n'estoyent  seurs  pour  en  faire 
vcnyr  de  là,  et  qu'il  sçavoyt  bien  ledict  seigneur  de  Langey  n'avoir 
argent  pour  cest  efTect,  dont  estoyl  contrainct  se  retirer  vers  moy 
pour  luy  en  fournyr,  m'ayant  encores  depuis  envoyé  icy  son  secrétaire 
piiur  m'en  solliciter  de  rechef,  me  remonstrant  les  dangiers  et  causes 
pour  lesquelles  à  meilleur  droict  il  auroyt  occasion  de  pourveoir  à  son 
affaire,  pour  ladicte  venue  de  l'empereur,  attendu  que  le  pape  et  cez 
Seigneurs  qui  ne  se  debvroyent  doubler  dudict  empereur  comme  luy, 
pour  l'amytié,  ligue  et  parenté  que  Sa  Saincteté  a  avec  icelluy,  ne  lais- 
sant à  se  pourveoir  et  tenyr  sur  leurs  gardes.  Par  quoy  d'aultant  plus 
luy  estant  tenu  grandement  contraire  et  rebelle  dudict  empereur,  et, 
considérant  en  oultre  la  confyance  qu'il  povoyt  avoir  aux  ministres 
dudict  empereur  par  le  tour  qu'ilz  ont  faict  aux  seigneurs  Cézar 
Frégose  et  Rincon,  se  debvoyt  tenyr  sur  les  siennes.  A  ceste  cause 
me  pryoit  le  plus  tost  luy  envoyer  argent,  affm  d'entretenyr  tousjours 
les  souldardz  qui  sont  en  ses  terres  et  autour,  qu'ilz  ne  prinssent 
aulti-e  parly.  Dont,  ensuyvant  la  promesse  dudict  seigneur  Strocy,  l'ay 
pryé  en  vouUoir  fournyr  quelque  bonne  somme  ;  ce  qu'il  a  très  libé- 
rallomciit  et  promptement  accordé,  eldepuys  desboursé,  pour  faire  par 
l'adviz  dudict  seigneur  cappitaine  Polin,  six  mil  escuz,  et  mandé  à  la 
Myrandola,  en  compagnye  du  commissaire  et  contrerolleur  que  y  avons 
ordonnez,  son  lieutenant  messer  Francesco  de  Pazzy,  pour  faire  le 
payement.  Lesquelz  estant  arrivez  là,  le  xiii*'  de  ce  moys,  ont  trouvé 

1.  Par  loltres  données  à  Funlainelileau.  le  28  décembre  îoil,  des  provisions  de 
l'élalde  capitaine  de  dix  galères  furent  accordées  en  faveur  de  Leone  Slrozzi,  prieur 
de  Capoue,  commandeur  de  l'ordre  de  Saint-Jean  de  Jérusalem,  à  la  charge  de 
prêter  serment  au  gouverneur  de  Provence  {Cal.  des  actes  de  François  /",  t.  VI, 
Suppl.,  p.  G 18,  n"  22,  281). 


[aOIT    1541]  GUILLAUME    PELLICIER  ,^^^^ 

que  le  seigneur  comte  avoyt  desjà  déposché  l.uicl  cappilain..s  les  sont 
ayant  soixante  hommes  chascun,  et  le  luiitiesme  cent  quarLnle  m.i 
sont  en  tout  500;  lesquelz,  pour  les  advertissemens  que  ledict  seigneur 
comte  leur  monstra,  et  que  desjà  il  avoyt  la  fauterye  faicte  m  ont 
escnt  avoir  esté  esmeuz  faire  le  payement  desdictz.  Bien  est  vray  Sire 
que  ledict  seigneur  comte  m'avoyt  faict  entendre  que  venant  'ledict 
empereur  en  Itallye  ,  fust-il  tant  paisiblement  et  amyablement  que 
Ion  vouldroyt,  luy  aviez  ordonné  de  faire  cent  hommes  davantai-e 
pour  la  garde  de  ladicle  place.  Or,  pour  avoir  esté  adverty  d'\lle- 
maigne,  Millan,  Rome  et  d'ung  serviteur  de  l'empereur  qui  est  bien 
pour  sçavoir  telles  si  secrettes  et  importantes  choses,  que  l'empereur 
s  ofirant  la  commodité,  n'estoyt  pour  mettre  en  arrière  l'entreprinse  de 
la  Myrandola;  et  que,  pour  ce  faire,  il  avoyt  faict  demander  à  M  le 
duc  de  Ferrare  soixante  pièces  d'arlillerye,  tant  canons  que  aultres 
avec  la  municion  apartenante  pour  faire  la  batterve  de  ladicte  place' 
1  invitant  ad  ce  pour  luy  promettre  la  luy  infeuder  s'il  la  povov't 
prendre.  M.  le  cappitaine  Polin  et  moy  avons  trouvé  nécessaire  et  expé- 
dyantestre  faicte  ceste  despence  dont  vous  plaira,  Sire,  commander 
quil  soyt  ordonné  estre  remboursée  ladicte  somme,  le  plus  tosl  que 
faire  se  pourra,  à  sire  Françoys  Biny,  agent  desdictz  seigneurs  Stroey  à 
Lyon,  aiïin  que  les  proffictz  et  intérestz  ne  courent  davantaige  et  qu'il/ 
ayent  tousjours  meilleur  moyen  de  faire  service  à  V.  M  -à  quoy  je 
les  veoys  tant  dévotz  et  alfectionnez  qu'il  n'est  possible  de  plus. 

«  Sire,  j'ay  esté  adverty  en  oullre  que  l'empereur  a  dict  aux  quatre 
ambassadeurs  que  cez  Seigneurs  ont  envoyez  au  devant  de  luy,  comme 
vous  ay  escript,  en  la  présence  de  plusieurs  aultres  ambassadeurs  et 
grans  personnaiges,  qu'il  n'avoyt  jamais  donné  charge  à  ses  ministres 
de  prendre  les  seigneurs  Cézar  Frégose  et  Rincon;  et  asseurovt  ce  par 
son  serment  et  que  ses  gens  n'eussent  osé  faire  chose  de  telle  impor- 
tance et  conséquence  sans  son  sceu  et  congé.  Dont  faillovt  que  ce 
eussent  esté  quelques  assassins  et  malvueillans  desditz  seigneurs,  et 
que  le  marquiz  du  Guast  s'en  esloyt  très  bien  purgé  et  excusé  de  so'rte 
que  en  estiez  demeuré  contant  et  satisfaict  de  luy,  et  que  la  chose  estoyt 
paciffiée,  congnoissant  très  bien  V.  M.  qu'il  y  avoyt  procédé  et  procé- 
doyt  justement  pour  faire  entendre  la  vérité  et  ignoscence  du  cas. 

«  Sire,  l'ambassadeur  de  l'empereur  qui  est  icy,  incontinant  aprez 
avoir  entendu  que  son  maistre  fût  arrivé  à  Trente,  y  alla  en  toute  dil- 
iigence,  et  après  avoir  consulté  cinq  ou  six  heures  avecques  ledict 
empereur,  le  marquis  et  Granvelle,  fut  dépesché  soubdainement  pour 
s'en  revenyr  vers  cez  Seigneurs  avecques  lettres  de  créances;  mais 
pensons  sçavoir  pour  vray  qu'il  ne  leur  ayt  nullement  exposé  aulcune 
particularité,  sinon  de  la  grant  amytié,  bonne  vouUenté  et  atfection 
que  ledict  empereur  porte  à  ceste  républicque,  ainsv  que  par  effect 
congnoistroycnt  avecques  le  temps,  et  des  bons  offices  qu'il  avoyt 
Vemse.  —  1540-1  oi2.  26 


402  AMIIASSADE   DE  [aOUT   loilj 

faicl/.  «'iivers  reiiipcn'ur  pour  oiilx,  mesmcrncnl  dn  (iinV'ranl  de  la 
jurisaiclion  d'A.iuilléo,  dont  vous  ay  cscripl  aultresfoiz;  ayant  aussy 
prochassé  la  r.'slilucion  de  ([uolques  marchandises  qui  avoyent  esté 
prinscs  avecques  un.-  nef  api)artenanle  à  mossire  Jehan  l)oli)lun,  gen- 
tilhomme de  cesle  ville,  par  les  g'^ns  dudict  empereur'.  Kl  dcpuys. 
Sire,  est  relournê  encore  une  aultre  foiz  en  colliége,  disant  à  cez  Sei- 
gneurs qu'il  avoyl  receu  (."lires  de  l'empereur  luy  mandant  qu'il  eust 
à  l'aller  trouver  îi  Millau,  et  qui!  voulloyt  entendre  de  luy  des  choses 
d'AfFrirque,  d'aultant  que  ledicl  empereur  sçavoyt  qu  il  en  esloyt  pra- 
ticien; et  quant  il  plairoyt  à  l'empereur  il  seroyt  pour  faire  le  voyaige, 
pour  îafTection  qu'il  a  de  luy  obéyr  en  toutes  choses.  Ce  néanlmoings 
que  seroyt  contant  qu'il  le  iaissast  auprez  d'eulx,  leur  pryant  mettre 
sur  leurs  terres  pour  aller  à  Millan  dix  ou  douze  ehevaulx  pour  chas- 
cune  poste;  et  combien,  Sire,  qu'il  ayt  pencé  par  là  faire  à  croyre  qu'il 
y  va  pour  cest  allaire,  ce  néanlmoings  cez  Seigneurs  et  chascun  se 
doublent  bien  que  ce  soyt  pour  quelque  aultre  chose;  si  ne  sçayt  l'on 
conjecturer  quelle  elle  soyt. 

Sire,  j'ay  receu  ung  pacquet  de  messire  Vincenzo  Mnggio  ouquel, 
pour  le  seigneur  Rincon  ne  pour  moy  n'avoyt  chose  de  grant  impor- 
tance, escripvant  seuUement  par  ses  lettres  du  premier  jour  de  juillet 
se  debvoir  partyr  de  Péra  le  v^  pour  aller  trouver  le  Grant  Seigneur, 
qu'il  espéroyt  faire  à  Sophia,  d'aultant  qu'il  debvoyl  sesjourner  six 
jours  en  Andrinopoly,  et  qu'il  avoyt  entendu  que  les  janissaires  qui 
estoyent  avecques  Soliman  Bassan  qui  s'en  alloyt  contre  le  Sophy  s'es- 
loyent  mutinez  contre  les  esclaves  dudict  Basâan,  pour  aulcunes  injures 
qu'ilz  leur  avoyent  dictes,  de  sorte  que  quelques  ungs  s'estoyent  tuez 
entre  eulx  :  à  cause  de  quoy  ledict  Bassan  avoyt  faict  tailler  la  teste  à 
plusieurs  des  chefz  desdictz  esclaves.  Et  oullre  escrii.t  qu'il  avoyt  aussi 
entendu  que  le  Grant  Seigneur  conduysoit  Lolphi  Bassan  ainsi  privé 
qu'il  esloyt,  et  que  aulcuns  disoyent  qu'il  seroyt  réintégré.  Et  par  un 
post  scripla  en  chilVre  du  iiii'^  dudict  moys  escripl  que  ledict  jour  estoyt 
espandu  ung  bruict  en  Constantinople  que  Bude  estoyt  prins  du  roy 
Ferdinando,  et  qu'il  doubloyt  fort  que  le  Grant  Seigneur  s'accorderoyt 
avecques  l'empereur,  pour  avoir  commodité  de  s'asseurer  du  cousté 
du  Sophi;  disant  ledict  messire  Vincenzo  qu'il  ne  fauldroyt  y  faire  son 
debvoir,  car  sçavoyt  que  Lnschi  feroyt  tout  son  povoir  de  le  pour- 
chasser, mesmemenl  estant  fuye  la  reyne  de  Hongrye  avecques  son 
lilz  ainsi  que  l'on  disoyt  en  Transilvania  et  qu'elle  estoyt  desjà  avec- 
ques le  roy  de  Polongne  :  mais  tout  cecy,  Sire,  n'asseure  estre  véri- 
table, ce  néanlmoings  n'ay  vouUu  obmeltre  à  vous  l'escripre. 

1  (.iovanni  Delfin,  armateur  vonilien.  Un  Ciovanni  Delfino  fui  ambassadeur  de 
Venise  en  France,  du  25  septembre  1584  au  25  janvier  1588  (V.  Baschet,  Archives 
<le  Venise,  pp.  342  et  C14). 


[AOUT    1541]  GUILLAUME    PELLICIER  ^q3 

«  Sire,  aprez  achevé  la  présente,  ay  receu  ung  aullro  pacquet  de 
messire  Vincenzo  Maggio,  du  premier  de  ce  moys,  escript  à  Niso' 
ouquel  ay  trouve  une  lettre  pour  V.  M.,  que  luy  envoyé  présentement' 
Et  ne  mescript  chose  d'aulcune  importance,  m'advertissant  seulle- 
ment  avoir  receu  mes  lettres  par  lesquelles  luy  donnoys  adviz  de  la 
prinse  des  seigneurs  Cézar  Frégoseet  Ilincon,  et  qu'il  "espéroyt  estre 
dedans  huict  jours  à  la  Porte.  J'estime  que  par  celle  qu'il  vous  escript 
n'aura  rien  obmys  de  ce  qui  est  requis  et  digne  de  vous  faire  sçavoir. 

«  Sire,  je  viens  d'cslre  adverty  tout  à  ceste  heure  que  aulcun  des 
principaulx  de  ceste  ville  ont  eu  advertissemens  de  MiUan  que  les 
Impériaulx  avoyent  très  bien  deslibéré  donner  sur  la  Mvrandola  s'ilz 
l'eussent  trouvée  despourveue;  mais  que,  la  voyant  si  bien  équippée 
s'en  sont  déportez  pour  ceste  ibys,  se  attendans  bien  que  après  que 
l'empereur  sera  party  d'itallye,  n'ayant  plus  aulcun  souspeçon,  l'on 
fera  retirer  les  gens  qui  y  ont  esté  faictz,  ne  sera  si  bien  munye  qu'elle 
est  :  dont  alors  lesdictz  Impériaulx  pourront  mieulx  faire  leur  entre- 
prinse.  De  quoy,  Sire,  vous  ay  bien  vouUu  advertyr,  afRn  que  s'il  vous 
sembloyt  avoir  lieu  de  y  faire  fondement,  vous  plaise  ordonner  de  ce 
que  l'on  aura  à  faire.  » 

Vol.  2,  fo  219  v»,  copie  du  xvF  siècle;  o  pp.  h\-[\ 

.PELLICIEn   A   M.    d'anNEBAULT. 

265.  —  [Venisel  22  août  1541.  —  «  Monseigneur,  pour  avoir 
entendu  par  celle  qu'il  vous  a  pieu  m'escripre  vostre  arrivée  en  Pyed- 
mont  et  de  son  bon  estât,  qui  m'a  esté  aultant  à  plaisyr  que  nulle 
aultre  chose  que  eusse  sceu  avoir,  m'a  semblé  vous  faire  la  présente 
pour  m'en  congratuler  et  continuer  à  vous  advertyr  de  tout  ce  que  je 
puys  apprendre,  comme  celluy  qui  est  grandement  obligé  à  faire 
chose  qu'il  cognoistra  vous  estre  agréable;  vousremercyant  bien  hum- 
blement de  l'ordre  qu'il  vous  a  pieu  donner  avant  vostre  partement  de 
la  court  sur  mon  remboursement  des  mises  extraordinaires  que  j'ay 
faictes  icy.  Mais  pour  ceste  heure,  pour  la  presse  que  j'ay  et  habon- 
dance  d'affaires,  vous  escripray  seullement  sommairement  ce  que  plus 
semble  povoir  toucher  de  vostre  cousté,  me  remectant  au  reste  aux 
lettres  du  roy  que  pourrez  veoir;  lesquelles  vous  plaira  ordonner  à 
M.  vostre  secrétaire  faire  fermer  quant  les  aurez  leues...  » 

Pellicier  donne  ensuite  à  d'Annebault  des  nouvelles  des  subsides 
avancés  par  Pierre  Strozzi  pour  les  renforts  de  troupes  destinés  à  la 
Mirandole,  et  lui  fait  part  des  projets  des  Impériaux  contre  cette  place. 

•1.  Nisch  ou  xMssa,  ville  de  Serbie,  à   185   kiloin.  de  Semendria,  sur  la  Nissava, 
afiluent  de  la  Morava. 


4(U  AMiJASSAbE    DE  AOUT    154j] 

««  ...  Monseigneur,  vous  verrez  aussi  i)ar  quelques  douilles  de  lettres 
d'aulcuns  bons  ser\ileurs  île  S.  M.,  les  traictez  et  menées  de  ceulx  qui 
ne  lasrlient  j»ar  (juchiue  moyen  que  ce  soyl  ii  venyr  à  chef  de  leurs 
attentes,  et  mesmement  en  Piedmonl  :  de  quoy  ay  adverty  M.  de 
Langey.  Voslro  Excellence  sçaura  trop  mieulx  comprendre  à  quelles 
tins  se  font  ce/,  barciiues,  ponlz  et  esclielles  contenues  en  une  des- 
dictes eoppyes  (jue  ne  seauroys  pencer.  Dont  ne  m'estanderay  à  luy  en 
dire  aullrc,  seullement  vous  supplieray  mander  lesdictes  eoppyes  au 
roy,  et  me  n)aiii<'l<'nyr  tousjours  en  voslro  bonne  grAce...  » 

Vol.  2,  1"  -'22.  copie  du  .\vi«"  siècle;  i  p.  1/2  in-f^ 


l'ELLICIKU   AU   CARDINAL   DE  TOURNON. 

266.  —  []'cuisc],22aoûf  1 541 .  —  «  Monseigneur,  estant  bien  asseuré 
que  verrez  tout  ce  que  j'escriptz  présentement  au  roy,  ne  vous  seroyt 
(jue  chose  superflue  de  vous  en  faire  aulcune  répélicion,  mais  vous 
diray  que  aprez  avoir  esté  Tcmpereur  à  Trente  troys  jours  aprez  son 
arrivée,  qui  fut  le  x'  de  ce  moys,  pour  attendre  ses  lansquenetz  et 
aultres  gens  qui  venoyent  aprez  pour  ne  l'avoir  peu  suyvre  à  cause  des 
grans  journées  qu'il  avoyt  faictes,  se  partyt  de  là  le  xiii«  pour  conti- 
nuer son  chemyn  en  Ilallye;  et,  ainsi  que  l'on  entend  icy,  sa  cour 
estoyt  fort  petite  et  peu  en  ordre,  et  n'eust  esté  quelque  compagnye 
de  gentil/.hommes  italliens  qui  furent.au  davant  de  luy  avecqucs  le 
marquis  du  Guast,  qui  estoyeut  fort  bien  montez  et  tous  dorez,  il  eust 
esté  mal  acompaigné,  Autjuel  marquis  l'on  dict  qu'il  feit  le  plus  grant 
recueil  que  l'on  veit  jamais  et  ne  vouUut  soullryr  que  parlant  à 
luy  fust  descouvert;  et  aprez  avoir  tenuz  propoz  ensemble  quelque 
espace  de  temps,  s'arreslèrent  en  se  regardant  l'ung  l'aultre  en  soubz- 
riant  :  ce  que  l'on  veult  estimer  avoir  esté  faict  pour  quelque  bon  tour 
et  stratagème  que  ledict  marquiz  pourroyt  avoir  faict,  que  l'on  ne 
pourroyt  mieulx  interpréter  que  la  prinse  des  seigneurs  Cézar  Frégose 
et  Rincon,  et  de  la  deshontée  et  impudente  négation  du  cas.  Si  est-ce 
que  l'on  entend  de  plusieurs  endroictz  qu'ilz  sont  à  Crémonne,  mes- 
mement par  ung  cirurgien  qui  s'est  laissé  entendre  avoir  esté  dedans 
le  chasteau  pour  i)enser  et  curer  le  seigneur  Camille*  des  férides*  et 
coups  qu'il  avoyt  euz  à  ladicte  prinse;  et  disoyt  de  plus  qu'il  avoyt 
senty  quelque  vent  que  de  là  à  huict  jours  l'on  debvoyt  bailler  la  ques- 
tion au  seigneur  César  Frégose.  Aultres  disent  que  aprez  avoir  sceu 
deulx  ce  que  l'on  en  pourra  avoir,  que  on  les  fera  mener  à  Yschia^ 
iiisle  et  lieu  grandement  fort  dedans  la  mer  prez  de  Naples  xx  ou 

\.  Camillo,  comte  de  Cesse. 

2.  De  l'italien  ferila,  blessure;  espagnol  ferida,  auj.  herida. 

3.  Ischia. 


[août    Ibil]  GUILLAUME    PELLiriKR  40a 

XXV  mille,  affin  que  ilz  soyent  mys  en  obly  par  decii  el  que  l'on  ne 
sçaiche  qu'ilz  sont  devenu/,.  Or,  je  prye  Nosire-Seigneur  que  leur  soyt 
en  aide  et  protection.  Je  croy  que  aurez  peu  veoir,  par  ce  que  j'ay 
escript  au  roy,  comme  cez  Seigneurs  ont  envoyé  quatre  ambassadeurs 
vers  l'empereur,  qui  le  sont  allez  trouver  à.  ung  pont  qu'ilz  ont  faicl 
faire  sur  l'Adèze  pour  son  passaige;  ausquelz  pareillement  a  faictgrant 
accueil  et  demonstracion  de  bénivolence  à  ceste  républicque,  disant 
qu'il  luy  sembloyt  proprement  estre  en  son  pays  tant  seurement  et 
sans  aulcun    esmoy    qu'il   passoyt   avecques    telle    compagnye   qu'ilz 
povoyent  veoir  :  et  à  la  vérité  elle  ne  povoyt  estre  plus  de  trente 
chevaulx  à  la  mode  de  son  passaige  de  France.  Et  ainsi  l'ont  conduict 
jusques  à  ...  *  et  de  là  a  prins  son  chemyn  à  Millan,  passant  par  Cré- 
monne  où  debvoyt  estre  à  disner  le  xiii"  de  ce  moys,  comme  je  suys 
adverty  par  ung  de  mes  gens  qui  y  est;  et,  comme  verrez  par  quelques 
doubles  de  lettres  que  je  envoyé  au  roy,  ledict  empereur  donne  à 
entendre  qu'il  veult  empatronnyr  ung  des  filz  du  roy  Ferdinando  de  la 
duché  de  Millan,  pour  donner  la  pasture  à  cez  Seigneurs  et  aultres 
potentatz  d'Itallye.  J'ay  veu  aussi  lettres  de  Gennes,  par  lesquelles 
semble  que  le  peuple  d'icelle  et  des  environs  est  grandement  esmeu 
pour  les  daces-  et  impos  que  l'on  a  faict  sur  les  bledz  de  Sicille,  et 
semble  qu'ilz  soyent  pour  dcvenyr  plus  enclins  à  la  part  du  roy,  pour 
avoir  quelque  secours  de  bledz  de  Prouvence  à  trop  meilleur  marché 
et  commodité  pour  estre  plus  près  et  plus  libre  de  prysoultre  la  bonté 
du  grain,  qui  est  sans  comparaison  meilleur  que  celluy  de  Sicille.  Et  en 
icelle  lettre  se  disoyt  aussy  que  ledict  peuple  et  plusieurs  des  princi- 
paulx  se  démonstroyent  grandement  desplaisans  de  la  prinse  du  sei- 
gneur Cézar  Frégose.  J'avoys  envoyé  ung  de  mes  gens  à  la  court  de 
l'empereur  à  son  arrivée  en  Itallye,  et  pençoys  povoir  mieulx  négotier 
par  la  présence  de  M.  de  Vueilly;  mais  j'ay  esté  adverty  qu'il  s'en 
estoyt  jà  départy  quelque  temps  avoyt.  Si  n'ay-je  laissé  à  entendre  ce 
que  a  esté  faict  par  eulx,  qui  en  somme,  comme  j'escriplz  au  roy, 
n'est  rien. 

«  Monseigneur,  j'ay  receu  lettres  du  seigneur  chevallier  Marsillio  de 
Boulongne  ^,  du  xvii°  de  ce  moys,  m'advertissant  comme  le  xim*'  estoyt 
arrivé  en  sa  maison  le  seigneur  Camillo  Collonna*,  avecques  commis- 
sion de  l'empereur  de  lever  deux  mil  hommes  de  pied,  et  que  depuis, 

1.  Le  mot  est  resté  en  blanc  dans  le  texte. 

2.  Taxes. 

3.  Sans  doute  le  même  que  ce  Rinaldo  Marsigli,  capitaine  bolonais,  qu'on  verra 
plus  loin  olTrir  ses  services  à  la  France.  Les  Marsigli,  famille  patricienne  de 
Bologne,  qui  a  produit  plusieurs  hommes  célèbres. 

Damiano  Marsigli,  que  nous  rencontrerons  également  bientôt,  était  capitaine  de 
chevaux  légers  pour  le  marquis  del  Vasto,  et  tenait  donc  le  parti  de  l'empereur. 

4.  Camillo  Colonna,  l'un  des  principaux  capitaines  italiens  au  service  de  (Charles 
Quint. 


♦0(1  AMriASSADn    DE  AOIT    1541 

esliinant  ledicl  oinpcrpiir  »|iil'  h'sdicles  gens  fussent  faictz  el  que  l'on  y 
en  deusl  IrouMT  davanlaigc,  luy  avoyl  augmenté  sadicle  commission 
d"aultres  deux  mil;  mais  «jue  jusques  audict  jour  n'en  avoyt  encores 
trouvé  ung  tout  seul,  et  (jue  j)ersonne  ne  voulloyt  toucher  argent;  et 
pareillement  à  Ferrare  ledict  empereur  avoyt  aussy  envoyé  pour  cest 
effecl,  ce  néantmoings,  (jue  n'y  estant  M.  le  due  pour  eslre  allé  au 
davant  dudict  empereur,  ses  (tl'liciers  n'avoyenl  voullu  permettre  que 
personne  s  y  accordasl  sans  son  congé;  ce  que  luy  fut  demandé  à  son 
retour.  A.  quoy  Ceisl  responce  que  il  veoyoit  le  pape,  les  Véniciens  et 
le  comte  de  la  .Myrandola  qui  faisoyent  gens,  et  ne  sçavoyt  Toccasion 
pourquoy.  Dont  luy  sembloyl,  estant  au  meillieu  d'eulx,  n'estre  le  deb- 
voir  de  desgarnyr  ne  jtermeltre  que  ses  subgectz  et  gens  de  guerre 
s'absentent  du  pays  pour  le  temps  où  nous  sommes  :  chose  qui  faicl 
présumer  que  les  cinq  cens  hommes  que  l'on  a  levez  à  la  Myrandola, 
comme  verrez  aux  lettres  de  S.  M.,   est  cause  que  ledict  empereur 
n'aura  eu  si  grant  faveur  de  povoir  trouver  souldard  en  la  Romaigne, 
Bouhtngne  et  ailleurs,  comme  il  eust  faict,  espéraus  que  l'on  y  en  deust 
faire  davantaige,  aimans  mieulxestre  à  la  soulde  du  roy  que  d'aultre  '. 
Par  quoy,  (juant   lesdictes  gens  de   la  Myrandola  n'auroyent  servy 
d'aultre  que  pour  empcscher  telle  chose,  et  aussi  que  à  l'aventure  si 
l'on  n'eust  veu  qu'on  y  eust  donné  bonne  provision,  l'on  se  feust  peu 
mettre  en  son  debvoir  de  la  tenter.  La  despence  qui  y  a  esté  faicte 
pour   cest   effect  ne  sera  mal  employée;   laquelle,  comme  vous  ay 
escript,  a  esté  desboursée  par  le  seigneur  Pietro  Strocy  jusques  à  la 
somme  de  six  mil  escuz  que  je  vous  supplye,  Monseigneur,  faire  rem- 
bourser au  seigneur  Françoys  Biny,  son  agent  à  Lyon,  avecques  les 
intérestz  acoustumez,  affin  qu'il  ayt  à  l'advenyr  meilleur  moyen  et 
occasion  de  continuer  à  faire  service  à  S.  M.  :  à  quoy  nonobstant  je  le 
trouve  tant  dévot  qu'il  n'est  possible  de  plus. 

<(  Monseigneur,  aulcun  des  bons  serviteurs  du  roy  qui  sont  icy  fai- 
sans plusieurs  discours  sur  le  retour  de  l'ambassadeur  de  l'empereur 
vers  luy,  veu  qu'il  y  avoyt  jà  esté  une  foiz  et  qu'il  avoyt  eu  bon  plaisyr 
de  communicquer  toutes  choses;  ce  néanmoings  après  avoir  esté  icy  de 
retour  et  parlé  avecques  cez  Seigneurs  de  chose,  ad  ce  que  l'on  peult 
entendre,  dé  nulle  importance,  sont  demeurez  en  quelque  double  et 
suspeçon  que,  ayant  trouvé  encores  icy  le  cappitaine  Polin  qui  est 

1.  La  venue  de  l'empereur,  avec  ce  grand  appareil  de  force  armée,  inspirait  aux 
pelils  Étals  italiens  une  vive  inquiétude  dont  nous  trouvons  l"écho  dans  les  dépêches 
anglaises  du  temps. 

-  AH  the  «eigneours  and  Prince-;  of  Itally,  heringe  of  th'Emprours  commynge 
willi  such  an  arniy,  causyd  tiicir  «uhjectes  to  be  in  arreydines  for  tlieir  surcty, 
wherof  Ih'Emprnur  gretly  mervelyd,  and  fownd  yt  verray  straunge,  askyng  tliem 
the  cause  of  llieyr  so  doinge.  There  answer  \vas  such  lu  Hyni,  that  He  was  weli 
quyetid  and  content  "  (t^tute  iKipcrt  of  Henry  VJII,  vol.  VllI,  p.  C07;  dépêche  de 
Howard  à  son  maître,  de  Lyon  le  24  septembre  1541). 


[août    1541^  GUILLAUME    PELLICIER  407 

party  ce  jourd'huy  du  port  de  cesle  ville  pour  coutinuer  son  voyaige, 
ne  sçaiche  quelque  inachinacion  pour  rempeschei-  aussi  bien  que  Ton 
a  faict  les  aullres,  et  ([ue  pour  cesle  cause  il  se  l'ust  absenté  de  ceste 
ville,  aflin  que  s'il  entrevenoyt  quelque  chose  audict  seigneur  cappi- 
taine,  que  Dieu  ne  vueille!  icelluy  ambassadeur  peust  estre  excusable 
de  n'y  avoir  tenu  la  main,  pour  ne  s'estre  trouvé  icy  du  temps  de  son 
parlement,  lequel  a  esté  tant  long  que  Ton  crainct  beaulcoup  qu'il  ne 
luy  soyt  pour  porter  quelque  préjudice.  Et  sembloyt  bien  adviz  à  plu- 
sieurs desdictz  serviteurs  du  roy  que  s'il  eust  esté  possible  de  se  partyr 
assez  plus  tost  sans  à  ung  besoing  attendre  sa  dépesche  de  la  court, 
comme  il  a  faict,  n'eust  pas  esté  maulvais,  et  pour  asseurer  sa  personne 
qui  est  la  plus  chairchée.  De  moy,  s'il  eust  esté  en  aultre  maison  que 
en  la  mienne  je  l'en  eusse  sollicité  davanlaige,  bien  que  pour  le  debvoir 
et  obligation  que  je  doibz  au  service  du  roy  luy  en  ay  tenu  propoz 
assez  souvant;  mais  je  ne  osoys  l'en  presser  davantaige,  craignant 
qu'il  ne  luy  semblast  m'cnuyer  qu'il  fust  en  mon  logeis,  lequel  certes 
est  aultant  sien  que  mien,  et  de  tous  les  bons  serviteurs  du  roy.  Or,  je 
prye  Nostre-Seigneur  que  de  tout  ce  que  je  dictz  n'advienne  aulcune 
occasion  qu'il  en  soyt  jamais  parlé,  comme  j'espère;  toutesfoiz  si  n'ay- 
je  vouUu  obmectre  à  vous  en  toucher  ce  petit  mot.  » 

Vol.  2,  fo  222  v°,  copie  du  xvi«  siècle;  3  pp.  in-f-^. 

PELLICIER  A   M.    DE  LANGEY. 

267.  —  [Venise],  22  août  i 54 1 .  —  «  Monsieur,...  j'ay  tant  faict 
aprez  cez  Seigneurs  qu'ilz  ont  concédé  la  traicte  des  armes  de  Bresse  * 
dont  m'avez  escript,  mais  je  ne  veoy  personne  qui  les  sollicite,  et  ne 
sçay  à  qui  m'en  adresser.  Toutesfois  et  quantes  qu'ilz  vouldront  venyr 
vers  moy,  je  leur  feray  dépescher  les  lettres....  » 

Vol.  2,  f  224,  copie  du  xvi*^  siècle;  1/2  p.  in-f°. 

l'ELLlCIER  A   LA    l)i:CIIES.SE   DE    FERRARE  "^ . 

268.  —  [Vemse]j  22  août  j 541 .  —  «  Madame,  encores  que  vous  aye 

1.  Brescia. 

'<  Escript  ccdict  jour  à  M.  de  Ponlz  et  à  M.  de  Chambrun.  » 

—  Antoine  de  Pons,  comte  de  Marennes,  baron  de  MirabeaU;  premier  gentilhomme 
oe  la  chambre  du  duc  de  Fcrrare,  né  le  2  février  lolO,  mort  en  1586.  Placé  comme 
enfant  d'honneur  auprès  de  François  I",  il  suivit  Lautrec  à  l'expédition  de  Naples 
en  132S,  et  tomba  entre  les  mains  des  Espagnols  lors  de. la  prise  d'Aversa.  Nommé 
chevalier  d'honneur  de  Renée  de  France,  il  accompagna  cette  princesse  à  Ferrare 
et  diMiioura  près  de  quatorze  ans  en  Italie,  employé  dans  diverses  alTaires  ]iolili(iues. 
L'influence  de  sa  femme,  Anne  de  Parthenay,  l'avait  attiré  dans  le  parti  calviniste 
où  il  persista  jusqu'à  ce  que  son  second  mariage,  contracté  en  IboG  avec  Marie  de 
.Mnnlchenu,  l'eût  ramené  dans  le  giron  de  l'Église  et  rejeté  dans  l'intolérance 
contraire. 

-M.  de  Chambrun,  de  la  maison  de  Pineton  en  Gévaudan. 


408  AMBASSADE    DE  ^AOLT    154l] 

importuné  laiil  ilt-  fni/  \h>uv  l'allairi'  de  M.  lo  l)ailly  d'Orléans,  ce*  néant- 
nioings  mayanl  rscripl  de  ri-chef  el  envoyé  plusieurs  lettres  par 
honnne  oxprez  pour  vous  faire  tcnyr,  les  ay  bien  voullu  aconiiiaj^ner 
de  la  présente,  bien  quelle  soyt  de  i)etite  eflicace  auprès  des  aultres. 
Kt  par  ieelle  voussupplye  de  nouveau,  tant  qu'il  m'est  possible,  suyvanl 
ee  qu'il  vous  pleut  nie  mander  dernièrement  par  mon  secrétaire  que  je 
vousavoys  envoyi-,  tant  pour  ceste  all'aire  que  pour  aultre,  que  vostre 
bon  plaisyr  soyt  y  voulloir  donner  une  bonne  lin;  car  je  vous  asseure, 
Madame,  que,  oultre  la  perpétuelle  obligation  (jue  luy  et  moy  vous  en 
aurons,  ne  ferez  pas  peu  de  plaisyr  à  plusieurs  aultres  grans  person- 
naiges.  El  pour  ce  que  le  présent  porteur  que  je  envoyé  vers  vous  pour 
cesl  effect,  avecques  celluy  «jue  ledict  seigneur  bailly  m'a  envoyé,  vous 
dira  amplement  des  nouvelles  de  deçà  et  de  la  court  de  l'empereur 
pour  y  avoir  esté,  m'en  remetlray  à  luy,  vous  supplyant  le  croire  de 
ce  qu'il  vous  en  dira  de  ma  part...  » 

Vol.  2,  f"  22i-  v»,  copie  du  xvi<"  siècle;  1/2  p.  in-f». 

l'ELLICIEH    A   M.  DE  RODEZ. 

269.  —  \'enise^  22  août  J ô4 1 .  —  «  Monsieur,  par  la  vosLre  du 
xxr  de  ce  moys  j'ay  entendu  l'advertissement  que  me  donnez  des 
choses  qui  pourroyPntadvenyr  sur  la  Myrandola;  à  quoy  long  temps  a, 
pour  n'avoir  eu  moindre  suspeçon,  n'avons  failly  y  donner  le  meilleur 
ordre  que  avons  peu  adviser.  Et  ne  faulx  journellement  dadvertyr 
M.  le  comte  de  se  tenyr  tousjours  bien  sur  ses  gardes,  et  mesmement 
ayant  entendu  de  nouveau  qu'il  s'estoyt  dict  en  la  chambre  de  monsei- 
gneur le  Uévérendissime  cardinal  Farnèze  '  par  gens  dignes  de  foy  que 
l'empereur  avoyt  commys  à  domp  Francesco,  frère  de  monseigneur  le 
duc  de  l'errare  *,  l'entreprinse  de  destruyre  ladicte  place,  pour  quoy 
faire  avoyt  ordonné  cinquante  canons,  et  que  de  Mantoueet  de  Ferrare 
luy  seroyt  donné  municions,  de  sorte  que,  qui  vouldroyt  croyre  les 
Impériaulx,  sembleroyt  à  les  oyr  parler  qu'ilz  la  deubsent  mander  en 
fumée  tout  en  ung  jour.  Toutesfoiz  j'ay  bien  espérance  que  il  y  sera  si 
bien  pourveu  ([u'ilz  seront  bien  loing  de  venyr  à  elfect  de  leurs  inten- 
cions.  Je  vous  ay  mandé  par  les  miennes  dernières  ce  peu  de  nouvelles 

1.  Alessandro  Farnese,  fils  aine  de  Pietro-Aloysio  Farnese,  né  à  Rome  le  7  oclo- 
lire  1520.  mort  lo  2  m.ir:*  l.-iSO.  Créé  cardinal  à  quatorze  ans  (18  décembre  1534) 
par  le  pape  son  aïeul,  il  cninula  justjuà  sept  evécliés.  Évètjue  de  Parme  (io34-153oj. 
archevêque  d'.Vvignon  (lo3tJ-i55i).  évêque  de  Monreale  (1536-1573),  de  Sabine  (1564- 
1565)  de  Tusculum  (1565-1578),  de  Porto  (1578-1580),  dOstie  (15S0-1589),  il  fut  employé 
par  Paul  III  dans  diverses  léj:ations,  tant  en  France  qu'en  Allemagne  et  dans  les 
Pays-Bas,  et  chercha  vainement  à  concilier  lesinlérôts  de  François  1"  et  de  Charles- 
Quint. 

2.  Francesco  «lEsIe,  marquis  de  Massa,  frère  d'Ercole  II,  duc  de  Ferrare,  mort 
le  28  février  I57S.  Il  fut  capitaine  général  de  la  cavalerie  de  Charles-Quint. 


[SEPTEMBUE    1541^  GUILLAUME    PELLICIER  409 

que  j'avoys  entendues  de  Levant;  depuys  n'en  ay  eu  aulcune,  mais- 
bien  de  Bude  comme  le  camp  du  roy  Ferdinande  s'esloyt  retiré  en 
grant  désordre,  pour  y  estre  arrivez  cent  cinquante  mil  chevaulx  lurcqs; 
n'y  estant  encores  arrivée  la  personne  du  Grant  Seigneur,  mais  qu'elle 
faisoyt  toute  dilligence  de  y  aller  avecques  ung  très  grant  nombre  de 
gens;  et  que  le  ruy  des  Rommains  avoyt  bien  peu  d'ordre  de  faire  les 
vingt  mil  hommes  de  pied  qu'il  debvoyt  faire.  Eu  confirmation  de 
laquelle  nouvelle  j'ay  encores  lettres  d'aullre  endroict,  du  x.v"  de  ce 
moys,  comme  les  ïurcqs  avoyent  chassez  de  devant  Bude  ceul\  dudict 
camp  dudict  roy  Ferdinando,  et  taillez  en  pièces  la  plus  grant  parlye  de 
l'exercite.  Des  nouvelles  de  l'empereur  ne  vous  en  diray  aultres  sinon 
que  j'ay  esté  adverty  que  les  six  mil  lansquenet/  qu'il  faict  venyr  sont 
la  plus  part  nouvelles  gens  non  exercitez  à  la  guerre,  et  que  les  bons 
souldars,  entendans  que  on  les  voulloyt  embarquer  pour  Allegier,  ne 
sont  voullu  venyr,  se  recordans  encores  du  cas  advenu  à  leur  nation  au 
voyaige  de  ïhunis,  pareillement  que  à  Boullongue,  Ferrare,  et  aultres 
pars  où  ledict  empereur  avoyt  envoyé  cappitaines  pour  lever  gens,  ne 
s'en  sont  trouvez  que  bien  peu  qui  soyeut  de  compte.  Et  a  esté  escript 
de  Ferrare  en  ceste  ville  que  ledict  empereur  avoyt  mandé  ledict  sei- 
geur  duc  de  Ferrare  l'aller  trouver  à  Millan,  combien  que,  passant  par 
icy  auprez,  fût  allé  au  davant  de  luy  :  (jui  faict  aulcunement  poncer  que 
ce  ne  soyl  pour  l'alTaire  de  la  Myrandola....  » 

Vol.  2.  f''  224  v°,  copio  du  .wi"  siècle;  1  j).  iii-r°. 

PELLICIER  AU  COMTE   UE  LA   MIRANDOLE. 

270.  —  [Venise],  1  "  sepfonbre  1.541 .  —  «  lllustrissimo  et  Excellen- 
tissimo  Signor  mio,  havendo  io  molto  ben  conosciuto,  siper  le  buone 
relationi  de  Y.  Ill™'''  8'"'=^,  come  per  altro,  la  gran  sufticienlia  di  nions"". 
Daramont,  présente  apportator,  m'è  paruto  esser  à  bastantia  mandarlo 
senza  altra  compagnia  per  comessario  à  far  la  monslra,  nel  ch'essendt) 
egli  molto  esperimentato,  mi  rimelto  totalmenle  à  lui,  et  supplico 
V.  Ill">a  S'"*  sia  contenta  in  tutto  quel'ch'ei  le  referirà  prestarli  quella 
fede,  et  credentia,  che  prestaria  alla  persona  mia  propria...  » 

Vol.  2,  f'^  223,  copie  du  xvi«  siècle;  1/2  p.  in-f». 

PELLICIER  AU  ROI    l. 

271.  —  [Venise],  6  septembre   1541.   —  «  Sire,  par  les  dernières 

1.  -■  Geste  dépesche  fut  mandée  e.Kpresséinent  en  dilTigence  jusquos  à  la  court 
par  la  Roche  qui  passa,  à  cause  des  dangereulx  clicmyns  entre  cy  et  Tliurin,  par 
la  voye  des  Grisons.  Et  fut  escript  cedict  jour  à  monseigneur  le  Révérendissime  [car- 
dinal] de  Tournon.  au  seigneur  Jehan  Jacques  de  Question,  à  M.  de  Bois-RigauU,  à  M.  le 


410  AMUASSAKE    DE  SEPTEMUUE    lo41j 

lettres  communes  du  seigneur  cappilaine  Polin  et  de  moy,  du  xviir  du 
passé,  V.  M.  aura  entendu  tout  le  progrez  et  succez  de  ce  que  avons 
faicl  avecqucs  cez  Seigneurs  avant  son  partcmenlde  ceslc  ville,  qui  fut 
le  XVIII'  du  passé.  Kl  pour  ce  que  depuys  ne  s'en  est  entendu  aultres 
nouvelles,  ne  vous  en  puys  rien  dire  dadvantaige.  El  ])ar  l'aultre 
mii'une  du  xvii"  dudicl  nioys  V.  M.  aura  aussi  esté  inlornire  de  toutes 
nouvelles  de  (It.à,  et  de  l'ordre  et  provision  que  avions  donné,  ledict 
seigneur  cappilaine  Polin  et  moy,  à  la  Myrandola,  à  la  grant  instance 
du  seigneur  comte  de  ladicte  Myrandola,  et  aussi  congnoissans  estre 
très  nécessaire,  pour  éviter  les  dangiers  que  l'on  avoyt  de  plusieurs 
cousiez  qu'elle  esloyt  îi  ce  passaige  de  l'empereur.  Dont,  si  n'y  avons 
procédé  selon  que  V.  M.  avoyt  désaigné,  ainsi  que  j'ay  veu  par  celle  que 
luy  a  pieu  m'escripre  du  xvi"  dudict  inoys  passé,  pour  l'avoir  receue 
trop  tard,  qui  lut  le  xxviii'^  dudicl  inoys,  je  la  supplye  qu'il  luy  plaise 
m'en  avoir  pour  excusé;  car  ce  que  je  en  avoys  faicl  estoyt  suyvant  les 
instructions  qui  m'en  avoyent  estécs  données  auparavant,  et  selon 
vostre  commandement,  qui  estoyt  d'employer  les  six  mil  escuz  en 
acliaplz  de  bledz.  Par  quoy  le  voullant  observer  et  mettre  à  exécution, 
comme  je  désire  faire  en  toutes  aultres  chosïis,  et  n'eslanl  adverty  de 
vostre  postérieure  voullenlé,  nous  avoyt  semblé,  attendu  ce  que  dessus, 
debvoir  prendre  aultre  argent  pour  faire  le  payement  des  gens  de  pied 
qu'il  a  fallu  faire,  comme  aurez  peu  veoir  par  lesdicles  miennes  der- 
nières. Mais,  Sire,  l'argent  qui  reste  des  six  mil  escuz  pourra  aussi 
bien  servyr  à  faire  le  payement  des  gens  de  cheval  ausquelz  escheut  le 
quartier  au  commencement  de  ce  moys,  qui  est  une  chose  ordinaire 
qu'il  eust  peu  faire  à  payer  lesdictz  gens  de  pied.  De  quoy  M.  le 
mareschal  d'Annebault  a  escript  au  seigneur  Pietro  Strocy  et  à  moy 
pour  fouriiyr  ledict  payement,  et  aultres  choses  que  congnoistrions 
ladicte  Myrandola  avoir  de  besoing;  à  quoy  ne  ferons  aulcune  faulte. 
11  est  bien  vray,  Sire,  que  ledict  seigneur  comte  demandoyt  le  rem- 
boursement de  certaine  despence  qu'il  a  faicte  en  municions  et  cour- 
sellelz;  mais  de  cela  je  ne  m'en  suys  voullu  empescher  que  première- 

liailly  d'Orléans,  au  sire  Laurcns  Charles,  et  à  M.  l'official  et  aultres  particulliers.  » 
Jean-Jacques  de  Caslion  {Castione,  Castillan,  Queslio7i,  Caslione),  gentilhomme 
italien,  originaire  du  Milanais,  passé  au  service  de  la  France.  Chevalier,  conseiller 
<lu  roi  et  gentilhomme  ordinaire  de  la  chambre,  il  fut  chargé  d'une  première  mis- 
tion,  secrète,  en  Italie,  en  août  1526  (B.  N.,  ms.  Clairaml)aull  121",  f"  64  v"),  puis 
nommé  ambassadeur  auprès  des  Ligues  grises,  poste  qu'il  occupa,  presque  sans 
interruption,  de  i."iHi>  à  l;Jo3.  Il  recevait  du  roi  une  pension  annuelle  de  300  livres, 
qui  fut  portée  à  oOO  un  peu  plus  lard.  11  obtint  des  lettres  de  naturalilé,  données 
i\  Mauny,  en  août  lotO  (Archiv.  nal.,  JJ.  254,  n"444,  f"  80).  H  épousa  à  Coire,  en  1541, 
Hilaria  de  Ueithnau,  et  fil  construire  dans  les  Grisons  le  château  de  Haldenslein,  qui 
subsiste  encore,  et  dont  il  avait  la  seigneurie.  11  était  également  possesseur  de  la 
terre  de  Ponthillaut  en  France.  Kn  15i4,  il  fut  chargé  de  mission  à  Fribourg,  et 
mourut,  d'après  les  Rccez  fédéraux  (L'Ji'J-lo.io,  p.  "8i">),  au  commencement  de  1553. 
Jean  de  Monstiers,  seigneur  du  Frai^sse,  lui  succéda  dans  son  ambassade. 
—  L'official  de  Montpellier.  On  le  retrouvera  nlenlionné  plus  loin. 


[septembre  1541]  Guillaume  tellicier  411 

nient  V.  M.  ne  m'en  eust  commandé  son  bon  plaisyr,  ce  qu'il  vous 
plaira  faire  si  bcsoing  est  pour  eslre  acomply,  et  m'advertyr  d'où  et 
par  quy  Ton  aura  à  fournyr  ledict  argent.  L'on  ne  cesse  encore  tous  les 
jours  de  discouryr  que  certainement  les  Impériaulx  feront  l'emprinse 
sur  ladicte  Myrandola  et,  comme  j'ay  esté  adverly,  et  veu  par  lettre  de 
bien  bon  lieu,  et  d'homme  digne  de  foy,  que  Ton  avoyt  tenu  propoz,  en 
la  chambre  de  monseigneur  le  cardinal  Farnèze,  ([ue  l'empereur  avoyt 
commis  à  domp  Francesco,  frère  de  monseigneur  le  duc  de  Ferrare, 
ladicte  entreprinse  de  razer  du  tout  icelle  place,  et  que  pour  ce  faire 
avoyent  en  ordre  cinquante  canons  et  que  de  Mantoue  et  Ferrare  luy 
seroyent  données  municions,  chose  qui  n'est  point  trop  mal  confirmée 
à  une  lettre  d'ung  vostre  serviteur  d'Allemaigne  que  je  vous  mande 
présentement  toute  escripte  en  chiffre;  et  semble  bien  adviz  ausdictz 
Impériaulx,  comme  ilz  se  sçavent  très  bien  vanter,  qu'ilz  la  doibvent 
incontinant  mettre  en  fumée.  Toustesfoiz,  par  la  grâce  de  Dieu,  Ton  y 
a  donné  et  donnera  l'on  si  bon  ordre  qu'ilz  se  trouveront  bien  loing  de, 
comme  j'espère,  venyr  à  effect  de  leur  entreprinse. 

«  Sire,  tant  pour  l'importance  et  dangier  que  porte  ladicte  lettre 
d'Allemaigne  que  aussi  pour  en  avoir  receu  ce  jourd'huy  une  aultre  de 
messire  Vincenzo  Maggio,  m'a  semblé  vous  debvoir  dépescher  expres- 
sément le  présent  porteur,  pour  vous  faire  entendre  le  tout  en  la  meil- 
leure dilligence  et  plus  seurement  que  j'ay  peu  adviser,  ce  que  avoys 
deslibéré  faire  par  la  voye  accoustumée  de  Thurin,  aflin  que  je  pousse 
advertyrplus  tost  M.  d'Annebault  du  contenu  en  ladicte  lettre  d'Alle- 
maigne, pour  y  pourveoir,  comme  chose  concernant  plus  sa  charge;  et 
de  faict  m'en  estoys  tout  résolu,  maisdepuys,  Sire,  sur  le  poinct  que  le 
voulloys  dépescher,  j'ay  esté  adverty  que  les  chemyns  estoyent  très 
dangereulx  et  du  tout  rompuz,  et  que  l'empereur  avoyt  faict  détenyr 
M.  de  Taiz  :  qui  m'a  donné  encore  à  pencer  dadvantaige,  de  sorte  que 
j'ay  changé  d'adviz.  Et  luy  ay  faict  prendre  le  chemyn  de  Suyssc,  luy 
ayant  donné  charge,  aprez  estre  arrivé  à  Couerre  \  donner  ordre  avec- 
ques  le  seigneur  Jehan-Jacques  de  Question,  vostre  ambassadeur,  d'en 
advertyr  mondict  seigneur  le  marcschal  d'Annebault  en  toute  dilligence 
pour  se  tenyr  de  bonne  heure  sur  ses  gardes.  Et  de  mon  cousté  je  ne 
fauldray  aussi  de  le  luy  cscripre  par  aultre  voye,  le  plus  tost  et  seure- 
ment que  je  pourray.  Et  cependant  n'ay  voullu  obmettre  à  vous  dire 
que  cez  Seigneurs   ont  eu   lettres  de   leur  ambassadeur  escriptes  à 
Neustat  *  le  xxv°  du  passé,  par  lesquelles  sont  advertiz  que  s'estant 
mutinez  ceulx  du  camp  du  roy  Ferdinando,  pour  n'estre  paiez,  furent 
pour  prendre  l'artillerye;  laquelle  chose  entendue  par  les  Turcqs,  don- 


1.  Coire,  chef-lieu  du  Lauion  des  Grisons  et  résidence  de  lanibassadeur  français, 
Jean-Jacques  de  Caslion. 

2.  Neustadt,  ou  Nagy-Banya,  ville  de  Hongrie. 


-H  2  AMUASSADE    DE  SEPTKMUnE    i:i4l 

nèreiil  lassaull  avec(jues  ceulx  do  Ihidf  audict  cainp  qui  esloyl  de 
environ  xx  mil  porsonnos,  lesqui'I/.  linallcnienl  furent  rompu/,  et  des- 
Iruii'l/,  avecques  1res  grande  occision  de  chrestiens  et  prinse  de  plu- 
sieurs, ol  la  reste  se  misl  en  fuytle,  ayant  perdu  laditle  urlillerye.  Et 
davantaige  que  lesdicU  Turc([S  avoyenl  prins  Pesl,  et  <[ue  la  personne 
du  (iranl  Seigneur  avecques  Iroys  cens  pièces  de  grosse  arlillerye 
n'estoyt  pas  Itting  de  Uude.  Et  croyt-on  là  qu'il  yroyl  de  long  jusques  à 
Vienne,  d'où  la  royne  des  Romains  s'esloyt  parlye  pour  venyr  à  Lincz. 
Et  par  ung  serviteur  de  M.  de  Transilvania  j'ay  esté  adverty  que  le 
général  de  l'exercite  de  Ferdinando,  nommé  Rogondolphe,  ayant  esté 
griefvcment  blecé  d'une  arcjuebuse,  s'est  saulvé  avecques  troys  ou 
quatre  mil  de  ses  gt'iis  '.  Et  davanlaige  m'a  dict  que  Vienne  est  si  très 
despourveue  d'arlillerye  et  aultres  municions,  pour  avoir  employé  le 
tout  au  siège  de  Bude,  avecques  quelque  peste  qui  y  est,  et  la  despéra- 
lion  que  y  pourra  enlrevenyr  pour  la  désolation  de  la  retraicte  dudict 
rny  Ferdinando  et  de  toute  sa  maison  audict  Lincz,  que  si  le  Grant  Sei- 
gneur poursuyt  sa  victoyre  chauldement,  elle  est  pour  se  rendre  à  luy 
à  quelques  conditions  toUérables.  De  laquelle  defTaicte  dudict  camp 
j'avoys  esté  adverty  par  homme  exprez,  comme  vous  ay  mandé;  mais, 
pour  estre  personne  parlicuUière,  ne  la  bailloys  en  telle  certitude  que 
à  présent  qu'elle  est  certaine  de  toutes  pars  à  ung  chascun.  Laquelle 
rompture  pourra  estre  cause  que  les  xv  mil  hommes  de  la  Val  de  Thirol 
contenuz  en  ladvertissemenl  de  l'amy  d'AUemaigne  seront  pour  estre 
contrainctz  se  tourner  à  aultres  affaires  que  de  Piémont,  comme  estoyent 
leurs  desaings. 

«  Sire,  ledict  messire  Vincenzo  m"a  escript  que  ayant  entendu  par  le 
secrétaire  du  seigneur  Rincon  que  à  sa  prinse  les  chiffres  le  furent  aussi, 
par  (juoy  en  avoyt  faict  ung  alphabet  daultre  sorte  que  celluy  acous- 
tumé  entre  ledict  seigneur  Rincon  et  luy;  lequel  m'a  faict  tenyr  pour 
vous  mander,  ce  que  je  fays  présentement  avecques  l'aultre  ancien 
pour  deschiffrer  sadicte  lettre,  si  d'adventure  V.  M.  ne  l'avoyt,  mais 
que  doresnavant  fauldra  user  du  nouveau  pource  qu'il  s'en  servira.  Et 
pource.  Sire,  que  comme  verrez  par  l'advertissement  d'AUemaigne, 
que  vostre  serviteur  donne  créance  à  celluy  qui  fut  vers  luy  de  dire 
encores  quelque  chose  davantaige  que  ce  qui  y  est  contenu,  et  que  le 
personnaige  est  demeuré  mallade  à  Luna,  que  a  esté  cause  qu'il  n'eust 
sceu  venyr  jusques  icy  pour  me  le  déclairer,  j'ay  donné  charge  au  pré- 
sent porteur  de  passer  par  sa  maison  pour  entendre  de  luy  le  surplus 
pour  le  faire  sçavoir  à  V.  M.,  me  confyant  en  luy  pour  l'avoir  dès  son 
eage  nourry  et  relevé  *  aveques  moy,  et  cognoistre  ses  parents,  gen- 

1.  Rof.'gen<lorr,  blessé  grièvement,  dut  abandonner  précipilanimenl  son  camp 
situé  au  pied  du  mont  Gerhard,  près  de  Bude,  el  alla  mourir  dans  l'ile  de  Schûtt, 
sur  lé  Danube,  des  suites  de  ses  blessures. 

2.  Élevé. 


[septembre    la4l]  GUILLAUME    TELLICIER  413 

lilzhoinmes  tous  gens  de  bien,  et  voz  féaulx  et  dévotz  subgectz  et  ser- 
viteurs. Dont,  Sire,  il  vous  plaira  le  croyre  de  ce  qu'il  vous  en  dira  et 
d  aultres  choses  de  ma  part  comme  moy-mesmes,  et  le  faire  dépesclier 
le  plus  tost  que  faire  se  pourra,  ailin  qu'il  nous  puisse  ayder  à  vous 
faire  quelque  autre  service. 

«  Sire,  par  aullres  lettres  dudict  ambassadeur  de  cez  Seigneurs, 
dudict  xxvii^  dudict  moys  passé,  est  confirmé  que  sur  cesle  desconfilte 
et  ruyne  Pest  a  esté  prins  par  les  Turcqs  à  Timproviste,  et  que  tout  ci>. 
pays  là  et  d'Austrie  est  tant  dessus  dessoubz,  que  c'est  la  plus  granl 
pitié  du  monde.  » 

Vol.  2,  f"  225  V",  copie  du  xvi'=  siècle;  3  pp.  1/1-  iu-f". 

l'ELLICIER   A   M.    DANNEUAULT. 

272.  —  [Venise],  6  septembre  fô4l.  —  Mêmes  nouvelles  que  dans 
la  lettre  au  roi  de  ce  jour. 

Vol.  2,  f»  227,  copie  du  xvi''  siècle;  1/2  p.  in-fo. 


PELLICIER   A    VINCENZO   MAGGIO. 

273.  —  [Venise],  il  septembre  iô4l.  —  «  Magnifico  Signor, 
insieme  con  la  lettera  che  Y.  S.  mi  ha  ultimamentc  mandata  de  i 
XVIII"  del  passato,  ho  ricevuto  la  sua,  et  quella  di  mons'"di  Transilvania 
con  la  ziflara,  le  quali  incontanente  et  pcr  uno  mioa  posta  insieme  con 
la  ziffara  vechia  ho  mandalo  a  S.  M'-^  acciô  che  non  havendo  possa 
legger  la  vostra,  et  scrittole,  che  ritenga  questa  ultima,  et  oltra  di  ciô 
ho  veduto  quanto  ella  riii  avisa.  Hora  in  risposta  io  diro  che  la  rin- 
gratio  infinitamentc,  prima  délie  fattiche,  et  délia  dilligentia  che  ha 
usato,  et  che  usa  ogni  giorno  in  far  servitio  al  re  nostro  patrone;  del 
che  io  son  certo  che  venendo  la  occasion'  ne  sarà  reconosciuta,  come 
veramente  ha  meritato  et  mérita.  Di  poi  me  le  rendo  obligato  délia 
buona  memoria,  che  dimonstra  in  effetto  conservar  di  me  nella  lettera 
che  mando  à  S.  M'».  Dico  circa  gli  avertimenti,  che  io  gli  diedi  per 
récupération  di  nostri  signori  prigioneri,  nella  quai  cosa  ho  veduto 
quanto  Tanimo  suo  è  buono  et  candido,  et  oltre  a  ciù  diligente  in 
scriver  minutamente  qualunquc  cosa  è  occorsa  da  coteste  bande,  si 
nel  abbocamento  che  V.  S.  ha  fatto  con  cotesti  signori  bassani,  come 
in  ciaschaduna  altra  particularità.  Quanto  aile  nuove  di  qua  habbiamo, 
che  rimperator  e'I  papa  agli  otto  del  présente,  che  sarà  doman  l'altro, 
si  debbono  ritrovar  ad  abbocarsi  insieme  in  Lucca.  Alla  quai  cosa  S.  S'» 
secondo  il  solito  facilmente  s'é  lasciata  indurre,  ne  ha  fatto  tropo  de 
resistentia,  il  che  per  la  savia  accortezza  et  prudentia  di  V.  S.  son 
certo,  che  per  se  stessa  meglio  il  saprà  discorrere  et  considerar  à  che 


;|4  AMBASSADE    DE  [SEI'TEMDIIE    154l] 

lin  porlenga,  clie  io  scriverc,  sapendo  ella  mollo  bone  quali  siano  slali 
gli  ahhocamenli,  clu>  lianiio  falto  por  ladiolro,  et  quali  efÎL'lti  ne  siano 
rcuscili.   I.aqual   penso  io  davanli   noi   liabbia  inleso,  et  ancora  più 
parliciilarmenic  la  grande  sconlilla,  an/.i  ruina  di   Fordinando,  cosa 
da  mv  già  ha  inolld   Icnipi)  previsla  cl  giudicala,  si   ronie  quel  che 
vedi'nd(»  il  proreder  di  l'crdinando  essor  taie,  che  si  tirava  cvidenle- 
Mienle  adosso  quesla  estrema  ruina.  Io  non  poleva  altro  giudicare,  non 
più    di  quelchc   ho  fatto  essendo   dd   voslro  parer,  che    Ferdinando 
hahbia  dato  cagione  et  diane  ogni  di  al  Gran  Signore  d'impalronirsi 
del  reamt'  de  l'ngaria,  et  di   farlo  dovcnlar  come  un  mal  tutor  délia 
rohha  de  pupilli,  poi  che  havoluto  et  vol  procéder  più  oltre,  che  a  quel 
che  se  gli  conviene  in  occupar  l'allrui,  onde  si  puô  conoscer  di  quanlo 
maie  è  cagion  questa  ciica  et  inconsiderata  ambition,  che  Dio  volesse 
che  non  si  fusse  mai  indirrizato  Tanimo  a  tal  impresa,  la  quale  gran 
pericolo  debba  arrecar  non  solamente  a  gli  autori  per  una  volta  infiniti 
danni,  ma  universalmente  et  scmpremai  à  tutta  la  christianità. 

«  Ho  vedulo  il  sensato  discorso,  et  fatto  molto  a  proposito,  et  con 
molta  prudenlia  da  quel  s°''bassan  circa  il  mal  animo  di  che  voi  sapete 
et  macliinamenti,  che  ei  fa  ogni  giorno  contra  al  re  nostro  signore.  Et 
hora  sianio  avertiti  d'ogni  banda,  che  ha  dcliberato  d'assaltarlo  ail' 
improvista  et  tutlo  in  un  tratto  da  ogni  parte  del  rcame  ;  al  quai  impeto, 
essendone  S.  M'-''  advertita  molto  bene,  non  si  e  mancato  et  non  si  manca 
ogni  giorno  far  tutti  i  provedimenti  e  ripari  che  sia  possibile,  li  quali 
siano  bastanli  non  solamente  à  difîender  se  stessi,  ma  à  olTender  ancora 
l'enemico  quando  si  verra  à  tal  effetto,  Per  che  ha  mandato  mons'.  Del- 
phin'in  Linguadoca.  mons'".  d'Orléans  nella  Provenza,  il  re  di  Navarra 
nella  Guienna,  mons^  di  Vandomo  in  Picardia,  et  mons'".  d'Annebault 
in  Piemonte.  Hora  io  lasso  pensar  à  Y.  S.  se  convien  à  S.  M'"  esser 
continuamente  svegliata  per  ributar  in  dietro,  et  resistere  à  tanta  rabia 
furiosa  et  à  tanta  furia  talmente  che'l  Gran  Signor  si  bavera  da  con- 
tentar,  se  per  hora  il  re  nostro  signor  non  fa  altro,  che  reparar  agli 
inconvenienti  che  potessero  intravenir,  nel  clic  ei  fa  tanto,  quanto  se 
assaltasse  l'inimico  suo  virtuosamente,  si  come  al  tempo  et  alla  occa- 
sion non  mancherà  di  fare. 

«  Intra  tanto  farà  star  chi  gli  contrastarà  in  su  Io  spendere,  et  in  sur 
consumarsi  le  for/.e  et  i  dinari,  onde  habbia  da  indebolirsi  si  fatta- 
menle,  che  sia  poi  facil  cosa  aribalterlo,  del  che  il  signor  capitan 
Polin  più  parlicularmente  ne  è  informato,  come  V.  S.  meglio  da  lui 
potrà  intendcre. 

«  Del  signor  Cezare  et  del  signor  Rincon  non  sapiamo  ne  se  son  vivi 
ne  se  son  morli,  perche  Timperator  essendo  stato  in  Milano  non  ne  ha 
scrilto,  ne  fatto  parola  ad  alcuno,  anzi  sempre  ha  negato  di  saper  ove  ei 
si  siano,  et  per  chi  si  siani  stati  presi,  et  S.  M"''  ne  ha  quell'estremo  doler, 
che  si  debbe  pigliar  di  dui  servitori  tanto  chari,  ma  per  la  mala  condi- 


[SEPTEMBIIE    1541]  GUILLAUME   PELLICIER  415 

cion  di  tempi,  non  ne  puô  far  altra  demonstralione.  Ben  è  vero  cho 
havendole  scritto  limperator  che  monsf""  di  Valeuza,  suo  /io,  prigio- 
niero  per  tal  cagion  in  Francia,  non  merittava  d'essor  mal  Iraltalo, 
corne  quel  che  non  cra  mai  stato  ne  cagion  ne  consapevole  alla  callura 
deprefali  signori,  lo  ha  fatto  evar  donde  era,  et  messolo  nella  forlez/.a 
di  Loches,  loco  mollo  più  slrotlo  che'l  primo  '. 

«  Se  il  signor  capilan  PoUin  sarà  arrivalo  costà,  come  io  islimo,  quesla 
sarà  commune  ad  ambidui,  i-imettendomi  ad  scriverli  uu'  altra  voltapiii 
parlicularmente;  intrà  tanto  V.  S.  sarà  contenta  dirgli  che  mons''^  arci- 
vescovo  di  Ragusa,  per  quel  che  gli  fu  scritto  quando  si  gionse  a  Vene- 
lia,  havea  provisto  da  venti  cavalli  per  cavalcar,  et  dieci  da  soma,  et 
che  in  fino  a  quel  giorno  haveva  già  speso  da  diciotto  in  venti  scudi. 
Hora  io  penso  che  detto  signor  capitan  non  habhia  manchato  di  scriver- 
gli,  non  esscndoli  accaduto  passare  per  Ragusa. 

«  Per  questa  grande  sconfitta,  anzi  ruina  de  la  gente  de  Ferdinando, 
questi  Signori  sono  rimasi  tanto  sbigotiti  et  attoniti,  per  essere  molto 
apresso  de  gli  confini  loro,  che  molti  servitori  di  S.  M'^  sono  d'avisi  che 
si  al  présente  erano  ricercati  del  Gran  Signor  de  far  ligua  con  S.  M''., 
et  che  S.  Al'"  mandasse  un  suo  messo  qua  adesso,  che  è  più  vicino,  et 
ha  meglior  commodità,  che  in  el  tempo  che  si  aspettava  che  dovesse 
venire,  promettendo  a  loro  da  parte  di  S.  M'-\  che  quella  mai  non  faria 
accordo  con  Carlo,  che  non  fusseno  consentevoli,  et  anchora  S.  Al". 
prometteria  à  S.  M'»  che  loro  fariano  il  medemo.  Et  del  quanto  sua 
observarebbe  la  pace  fatta  con  loro,  inviolabilmente,  et  oltra  si  à  sua 
instantia  facevano  queslo,  conservaria  il  stato  loro  contra  de  ogniuno 
che  gli  vorebbe  fare  danno,  loro  non  fariano  difl'erencia  d'accordarse, 
massimamcnte  adesso  che  l'imperatore  è  per  parti  rse  de  lllalia  per 
andar  in  Spagnia,  et  haveriano  molto  a  grato  et  per  gran  comodità 
d'essere  ricercati  cosi.  Queste  vi  sarà  per  aviso,  voi  che  sette  sopra  li 
luoghi,  saprete  meglio  conoscere  et  usare  quelle  sarà  più  commodo  al 
servitio  di  S.  M'\  » 

Vol.  2,  f"  227  Y",  copie  du  xvi«  siècle;  2  pp.  1/2  in-f". 


PELLICIER  A   M.    DE  RAGUSE. 

274.  —  [Venise],  Il  seplembre  1041.  —  «  Molto  Reverendissimo 
et  lUustrissimo  Monsignor,  insieme  con  lalettera  di  V.  S.  de  i  xviii  del 
passato  m'è  pervenuto  alli  m  del  présente  quella  de  messer  Nicolas 
Petreo,  il  libro  de  quelle  sinodi  di  quel  Reverendissimi  episcopi  Dio- 

1.  L'archevêque  de  Valence  en  Espagne,  Georges  d'Autriche,  oncle  de  l'empereur, 

transféré  dans  le   donjon   de  Loches,  fut  mis  en  liberté  après  une  délen  ion   de 
quelques  mois. 


410  AM PASSADE    DE  [SEPTEMBRE    lo4l] 

flensi  ol  Anlihari'iisi  ',  che  ella  mi  ha  indiri/zalo  si  diligentomcnle  ; 
<lel  chc  io  le  rcsto  obligalissitno,  et  con  desidcrio  aspettaro  la  occasion 
ili  far  il  niedesiinn  verso  di  Ici.  Inira  lanlo  la  ringralio,  inlinilamenle, 
si  di  qui'slo,  coiue  anchora  délie  nuove  et  avisi  die  neila  sua  sono 
scrilli.  lnconlracaml)io  de  quali  ella  inleudera  (anchora  ch'  io  pensi  che 
da  inesscr  (jio.  Jarorno  '  sara  mollo  ben  informala)  la  grandissima 
sconlila  et  ruina  di  Ferdinando,  l'essercilo  del  quale  è  slalo  lullo  rollo, 
«>l  laglialo  a  pezzi,  cosi  per  aqua  corne  per  terra;  et  è  stala  lanto  grande 
la  slrage,  che  ha  j)arechi  el  parechi  anni  che  non  se  ne  udi  una  laie, 
et  in  questa  ha  perdulo  lutta  rarlillaria  cl  monilion  di  Vienna.  Il 
perche  essocon  la  nioglie  si  son  relirali  à  Lincz  con  grandissimo  terror 
et  spavento  di  lulli,  leniendo  non  intravenga  loro  del  rimanenle,  corne 
di  l'esté,  la  ([uale  in  questo  medesimo  condilto  gli  è  stala  tolta. 

«  Q)uanlo  aquel  che  fu  scritlo  à  V.  S.  di  far  provision  de  cavalli  per 
Io  signor  ca[)ilan  Polin,  et  che  con  tanta  diligenlia  Iha  fatta,  io  conosco 
et  veggio  il  suo  buonissimo  animo  verso  il  re  noslro  signore,  et  penso 
certo  che  "1  prefato  signor  capilano  non  essendo  venuto  da  Ragusa, 
havra  scritlo  et  sodisfatlo,  6  che  sodisfara  à  lutte  le  spese  di  V.  S.;  et 
non  dubito  ch'ei  non  sofTrira  ch'ella  pata  in  cosa  alcuna.  » 

Vol.  -2,  f°  228  V",  copie  du  .\vi«  siècle;  1/2  p.  in-f". 

l'ELLICIER  AC  ROI  3. 

275.  —  '  Vctïise],  14  septcrnhi-e  1541.  —  «  Sire,  estimant  bien  que 
avant  la  réception  de  la  présente  V.  M.  aura  receu  la  mienne  du  vi'=  de 
ce  moys  envoyée  par  homme  exprez  par  le  pays  de  Suysse,  pour  aul- 
tant  qu'elle  me  sembloyt  estrc  de  telle  importance  qu'elle  ne  debvoyl 
estre  mise  en  dangier  de  tumber  en  mains  d'aullruy,  ce  que  je  crai- 
gnoys  grandement,  la  mandant  le  droict  chemyn  de  Thurin,  attendu 
que,  comme  vous  ay  esciipt,  avoys  esté  adverty  que  les  chemyns 
cstoyent  fort  dangerculx  et  du  tout  rompuz,  cl  prenant  aussi  adresse 
sur  ce  que  messire  Sacquello  *  m'avoyt  dict  que  V.  M.  luy  avoyt  com- 
mandé lenyr  le  mesme  chemin  de  Suysse,  pour  éviter  semblables 
inconvéniens.  Et  par  icelle  mienne  V.  M.  pourra  avoir  entendu  la  romp- 
ture  et  ruyne  du  camp  du  roy  Ferdinando,  de  laquelle  cez  Seigneurs 

1.  Anlivari,  en  lalin  Anlifjarian,  ville  el  évèché  dAlbanie,  à  3o  kilo'm.  de  Scutari, 
jempiaça  l'ancienne  Diotléa,  détruite  en  1027. 

2.  Jean-Jacques  de  la  Croix. 

3.  •  Cesle  dépesche  fut  mandée  par  Bertrand,  messaipier  ordinaire  de  Thurin: 
«l  fui  escript  cedicl  jour  au  sire  Laurons  Ciiarles,  à  La  Hoche,  à  messire  Jehan, 
et  à  monsieur  l'official  à  Montpellier.  <• 

4.  •  Mandement  au  trésorier  de  l'épargne  de  payer  une  somme  de  360  livres 
tournois  à  Arcanf,'elo  Sacchetto,  gentilhomme  italien,  chargé  par  le  roi  d'une  mission 
■auprès  de  divers  princes  d'Italie.  Moulins,  2  août  1541  »  {Cat.  des  actes  de  François  I", 
t.  IV,  p.  227,  n"  12,047j. 


[septembre    1o41j  GUILLAUME    PELLICIER  417 

sont  demeurez  tant  estonnez  et  pertroublez,  pour  s'aprochor  si  prez 
de  leurs  confins,  encores  qu'ilz  n'eussent  vouUu  pour  la  meilleure 
dune  de  leurs  terres  fermes  que  le  roy  Ferdinando  fust  demeuré  sei- 
i^iieur  paisible  de  Bude.  Dont  plusieurs  de  voz  affectionnez  serviteurs 
qui  sont  icy  sont  d'adviz  que  si  le  Grant  Seigneur  les  recherchoyt  à. 
présent  de  faire  ligue  avecques  V.  M.,  qu'ils  n'y  feroyent  grande  dif- 
ficulté. De  quoy  n'ay  failly  adverlyr  incontinant  le  seigneur  capitaine 
Polin  et  messire  Vincenzo  Maggio,  pour  ne  sçavoir  si  ledict  seigneur 
Polin  seroit  encores  arrivé  devers  ledict  Grant  Seigneur  lors  de  la 
réception  de  mes  lettres;  lequel,  comme  ay  esté  adverty  par  ung  gen- 
tilhomme, père  du  cappitaine  qui  avoyt  charge  de  la  gallère,  et  com- 
mandement de  cez  Seigneurs  de  le  conduyre,  que  le  xxviii"  du  passé 
estoyt  à  Jarre  \  principalle  terre  de  cez  Seigneurs  en  la  Dalmatia,  où, 
comme  l'on  peult  espérer,  estoyl  hors  des  dangiers  des  ennemys. 

«  Sire,  vous  aurez  aussi  veu  l'ordre  et  provision  qui  a  esté  donné 
à  la  Mirandola,  dont  ne  vous  en  feray  aulcune  répéticion;  tant  seulle- 
ment  supplyeray  V.  M.  me  faire  sçavoir  de  ce  qu'il  vous  plaira  y  estre 
par  cy  aprez  faict,  et  s'il  vous  semblera  que  l'empereur  arrestant  en 
Itallie,  comme  l'oppinion  d'aulcuns  a  esté  tousjours,  et  est  plus  à  pré- 
sent, pour  estre  survenue  ceste  nouvelle,  que  l'on  doibve  continuer 
à  entretenyr  les  gens  de  pied  qui  y  ont  esté  faictz  davantaige;  et  si 
j'auray  à  pourveoir  à  telz  affaires.  Il  vous  plaira  me  faire  advertyr  où 
je  debvray  recouvrer  argent  pour  faire  leur  payement,  et  pareillement 
des  gens  de  cheval  qui  y  sont,  comme  j'ay  faict  le  moys  passé.  L'on 
persévère  icy  que  l'empereur  y  veult  dresser  quelque  entreprinse,  et 
que,  ainsi  que  l'on  a  adviz  de  Millan,  pour  ce  faire  a  donné  charge  au 
comte  Phillippes  Tourniel  *  faire  quatre  mille  hommes  de  pied  et 
cinq  cens  chevaulx.  Et  oultré  que  monseigneur  le  duc  de  Ferrare  avoyt 
esté  mandé  à  cest  abouchement  de  Lucques,  pour  finduyre  à  fournyr 
et  frayer  la  despence  que  feroyt  besoing  pour  cest  affaire,  et  bailler 
municions  et  victuailles,  l'attirant  ad  ce,  comme  vous  ay  escript  par 
la  mienne  du  xxii°  du  passé,  pour  luy  i)ermettre  par  ce  moyen  la  luy 
infeuder.  Toutesfoiz,  Sire,  l'on  estime  que  la  nouvelle  de  ceste  piteuse 
et  irréparable  deffaicte  du  camp  de  Ferdinando  pourra  divertyr  ledict 
empereur  de  ce  faire,  quand  bien  il  en  auroyt  plus  grant  envye,  et 
pareillement,  s'il  plaira  à  Dieu,  de  plusieurs  aultres  menées  qu'il  avoit 
entreprinses  contre  Y.  M.,  comme  aurez  pu  veoir  par  madicle  dernière 
dépesche;  vous  asseurant  bien  que  telle  ruyne  et  desconfitte  a  donné 
ung  tel  eschec  aux  Impériaulx  qu'ilz  n'osent  plus  quasi  lever  la  creste 
ne  dire  mot,  estans  tenuz"  d'un  chascun  en  beaulcoup  moindre  estime 
qu'ils  n'estoyent  auparavant.  Au  fort,  quant  à  monseigneur  le  duc  de 


i.  Zara. 

'2.  Tornielli. 

Venise.  —  1540-1342.  27 


41  s  AMBASSADE   DE  [SEPTEMBRE    iWH] 

Ferrare,  je  n'ay  failly  «le  l'en  atlverlyr  et  Madame  aussi  de  ce  que  lou- 
choyl  à  luy.  Kl  pDur  ce  qu'il  esloyl  jà  party  de  Ferrare  pour  ledict 
voyaige,  l'on  luy  a  mandé  la  Icllre.  De  laquelle  n'ay  encores  eu  res- 
ponce,   mais  madicle  dame   m'a   faicl   sçaviir  qu'il  avoyt   enlrcprins 
seullemeiil  le  voyaige  pour  salislaire  an  voulloir  de  Noslre-Suinrl-Pèi-e, 
leipu'l  l'avoyl  recharclié  pour  accompaigner  sa  personne,  et  en  oullre 
p(uir  certain  sel  qu'il   vciill   avoir  de  luy.  El  qiuinl  aux  choses  de  la 
Myrand»)la,  qu'il  eu  a  faicl  telle  demouslracion  par  le  passé  que  Ion 
n'en  peull  cjue  liien  espérer  à  l'advenyr,  mesmement  pour  avoir  faicl 
une  resj)once  assez,  crue  àceulx  qui  l'en  avoyent  n'y  a  guières  recherché. 
Sire,  pour  ne  povoir  bonnement  cntrndre  le  principal  point  qui  a 
meu  le  pape  et  l'empereur  de  se  assemblera  Lucques,  l'un  en  gette  icy 
plusieurs  et  divers  sort/.;  mais  ce  néanlmoings  tout  s'accordent  ad  ce 
que  ce  n'est  pour  aultre  que  pour  bultinemens  d'eslatz.  Et  mesme- 
ment d'Hall)  e,  sçavoir  est  à  qui  telle  chose  pourroyt  toucher,  tiennent 
que  le  pape  chercheroyt  avoir  la  Tuscane  en   fornissant  d'argent  à 
l'empereur.  Les  aultres  qui  vont  en  cest  affaire  discourant  plus  incer- 
lainement  veullent  dire  que  icelluy  empereur  veult  persuader  à  Sa 
Saiuclelé  de  faire  que  le  concilie  général  se  convocque  en  Allemaigue 
selon  la  promesse  qu'il  a  faicl  aux  Allemans;  ou  bien  que  en  refl'uz,  de 
ce  il  le  feroyl  faire  nalional  entre  les  obédiens  etprolestans.  Mais,  Sire, 
aulcuns  de  voz  atfectionnez  serviteurs  qui  sont  icy  et  mesmement  entre 
les  aultres  ung  qui  est  venu  d'auprez  de  Sa  Saincteté  n'a  pas  long- 
temps, comme  vous  ay  escripL  le  v"  du  passé,  qui  est  M.  de  Lode,  par 
les  propoz  que  icelle  Saincteté  luy  a  tenuz,  sont  d'adviz  qu'elle  s'est 
voullu  trouver  à  cest  abouchement  de  Lucques  plus  pour  essayer  d'avoir 
la  duché  de  Millan  que  pour  aultre  chose,  et  que  pour  ce  faire  Sadicte 
Saincteté  avoyt  amassé  de  longue  main  une  grant  somme  d'argent  pour 
fournir  ad  ce,  laquelle  y  a  plus  de  deux  moys  se  monloyt  à  ung  million 
deux  cens  quatre  vingtz  mil  escuz.  Et  mectoyt  ordre  par  tous  les  moyens 
qu'il  povoyt  adviser  d'en  assembler  encores  jusques  à  troys  cens  mil, 
pour  povoir  fournyr  audict  empereur,  si  l'alTaire  venoyt  avant  entière- 
ment, un  million  d'or  et  demy,  et,  pour  couvryr  ledict  affaire,  faire 
semblant  en  premier  lieu  de  la  prendre  par  manière  d'engaigement  ou 
mieulx  de  déposlz  du  consentement  de  l'empereur,  et  vous  faire  rechar- 
cher  de  vous  voulloir  accorder  ad  ce,  monstrant   depuys  de  voulloir 
essayer  de  vous  gcller  du  tout  hors  de  ce  débat  par  une  voye  ou  aultre  '. 

1.  Des  variantes  do  celle  nuiieur  circulaient  ù  Lyon,  dans  la  colonie  italienne, 
suivant  une  intéressante  dépêche  de  Howard  à  Henri  YIH,  datée  de  Lyon,  le 
24  septembre  1541  :  «  Tliere  is  a  sayinf;  liere  in  Lyons  emongest  llie  Italliens,  that 
Ih'Einprour  will  praunte  the  lîischope  of  Rome  the  towne  of  Sienna  for  his  nephew, 
and  thaï  the  IJischope  will  <.'yvc  llyni  a  myllian  of  polde.  Sonie  say  the  IJischope 
of  Rome  will  gyve  Hyni  Avynion.  hut  fewe  beleve  Ihat  Ih'Einprour  will  lake  yl, 
bycawse  yt  is  within  the  Frenche  Kinf-'cs  domynion  •  (Stale papei-s  of  Hem;/  VIII, 
vol.  Vlll,'p.  607). 


[septembre    1341]  GUILLAUME    PELLICIER  41 9 

Laquelle  eutrepiinse  et  uégotialion  Sadicte  Sainctelé  n'est  de  présente 
à  pourchasser  ainsi  que  j'ay  esté  adverty;  car,  dernièrement  que  lem- 
pereur  vint  en  Itallye,  estant  à  Naples,  il  1  "avoyt  conduytle  si  avant  (jue 
dès  ce  temps  là  s"attendoyt  ijien  d'en  venyr  à  bout,  ne  fust  que  cex 
Seigneurs  entèndans  les  estroictes  praticques  que  le  pape  faisoyt 
avecques  l'empereur,  et  se  doubtans  que  ce  fust  pour  aultre  ente- 
prinsc,  se  hastèrent  de  faire  la  benoi^tc  ligue;  par  laquelle  promirent 
audict  empereur  de  luy  donner  secours  envers  et  contre  tous  à  la 
deflension  de  la  duché  de  Millau.  Dont  Sadicte  Saiucteté  leur  en  sceust 
si  maulvais  gré  que  Ton  ne  sçayt  si  encores  il  s'en  souvient.  Or,  soyt 
comme  se  vueille,  je  suys  adverty  que  le  pape  en  tint  propoz,  n'a  pas 
deux  moys,  qui  donnoyent  bien  à  congnoistre  qu'il  estoyt  encores  en 
ceste  fantaisye  de  tascher  à  ce  marché  :  à  quoy  aulcuns  de  bon  juge- 
ment estiment  pour  plusieurs  raisons  que  l'empereur  seroyt  pour 
entendre,  et  mesmement  pour  recouvrer  si  grosse  somme  d'argent 
comptant,  et  encore  que  le  pape  sera  en  ce  faisant  pour  luy  en  fournyr 
par  termes  aultres  aussy  grosses  sommes.  Et  aussi  voyant  en  telz 
termes  ses  choses  de  la  Hongrye,  mais  encores  plus  tost  sçaichant  très 
bien  que  estant  entre  les  mains  du  seigneur  Ottavian,  pour  qui  le  pape 
la  vouldroyt  •,  en  joyroyt  aussi  bien  que  s'il  la  tenoyt  en  ses  mains, 
estimant  aussi  ledict  empereur  qu'il  ne  sçaura  moings  avoir  le  moyen 
et  succez  qu'il  eut  du  temps  que  le  seigneur  Francesco  Sforcye  la 
tenoyt  ^,  de  la  réduyre  en  son  povoir.  Et  par  ainsi  auroyt  bourse  et 
argent,  et  avecques  ce  ne  feroyt  pas  peu  de  se  lever  ung  si  grant  far- 
deau de  dessus  les  espaulles,  la  deffendant  contre  cculx  à  qui  elle 
appartient,  et  chasser  de  soy  la  jallousye  et  envye  que  y  ont  les  poten- 
tatz  d'Itallye  de  ce  qu'il  la  retient  on  y  mettant  ung  particullier  et  ne 
perdre  rien  de  la  pension  qui  luy  en  reviendroyt.  Ce  qu'il  pourroyt  bien 
faire,  le  tenant  en  sa  main,  des  rentes  et  tribulz  ordinaires,  je  ne  diray 
pas  des  extraordinaires  durant  les  guerres,  pour  ne  les  povoir  recou- 
vrer. Et  quant  ad  ce  que  l'on  pourroyt  trouver  estrange  que  le  pape 
se  voulsist  empatronnyr  et  mesler  de  telles  choses,  il  penceroyt  bien, 
soubs  le  nom  et  l'umbre  de  sondict  nepveu,  filz  de  madame  Constance, 
pour  porter  le  nom  de  Sforce,  pour  ne  perdre  le  nom  et  armes  de  la 
maison,  povoir  trouver  moyen  et  persuader  au  monde  et  faire  de  sorte 
avec  V.  M.  que  la  luy  lairriez  en  paix,  et  depuys  avecques  le  temps  la 
faire  venyr  de  sforcesque  farnesque;  et  ad  ce,  pour  ceste  coulleur  a  il 
voullu  persuader  ledict  M.  de  Lode,  comme  il  m'a  asseuré,  à  vouUoir 
ayder  et  tenyr  la  main  pour  estre  du  sang  et  nom  de  la  case  sfor- 

1.  L'empereur  espérait  obtenir  de  François  1°%  par  l'entremise  du  pape,  une  pro- 
longation de  la  trêve,  et  le  pape  se  flattait  de  faire  attribuer  par  l'empereur  le 
Milanais  à  son  petit-iils,  Ottavio  Farnese. 

2.  Francesco-Maria  Sforza,  mort  en  1535,  et  le  dernier  de  sa  famille  qui  ait  régné 
sur  le  duché  de  Milan. 


420  AMBASSADE    DE  [sEPTEMnnE    154l] 

crsque.  Je  ne  S(;ay  si  ceste  inauvaisi'  nouvelle  sera  suffisante  de  les 
iliverlyr  de  cesle  pralicque,  mais  si  est-il  que  comme  cez  Seigneurs 
ont  par  lettres  du  inr  de  leur  secrétaire  Fidel,  estant  allé  le  Pozzo, 
autjuel  lempereur  donne  graiil  crédicl,  vers  luy  de  par  le  pape  ',  luy 
aNovt  dict  que  Sa  Sainclelé  de  présent  ne  se  mouveroyt  point  à  faire 
aulcune  ligue  avecqnes  luy  jiour  les  choses  d'Itallye,  et  seroyl  bien 
besoing  que  vouUanl  S.  M.  obtenyr  cela  du  pape,  qu'il  luy  list  et  pro- 
mist  clitises  bien  grandes  pour  le  seigneur  Oltavian.  Dont  dict  que 
ledicl  empereur  entra  en  grandissime  collère,  et  luy  eschappa  à  dire 
des  choses  du  pape  que  jamais  plus  n'avoyt  acoustumé  dire,  adjous- 
laul  Cl'  néantmoings  que  si  Sa  Saincleté  faisoyt  ce  qu'il  désiroyt,  qu'il 
se  pourroyt  l'aire  ce  qu'il  diroyt,  et  qu'il  ne  se  doubtast  point  que  les 
Seigneurs  Véniciens  ne  soyent  pour  confirmer  le  tout,  car  il  les  avoyt 
en  son  poing.  Laquelle  chose  a  fasché  cez  Seigneurs  jusques  au  cueur, 
lesquelz  on  lient  pour  certain  que  au  pys  faire  sont  pour  demeurer 
ueutral/.  :  de  quoy,  Sire,  ay  bien  voulu  adverlyr  V.  M.,  affin  que  là 
dessus  on  prenne  ce  qu'elle  congnoistra  par  son  singullier  et  infallible 
jugement  estre  le  plus  vray  semblable. 

«  Sire,  j'ay  esté  adverty  que  l'empereur,  estant  à  Trente  avecques 
l'évesque  de  là*  luy  voullant  persuader  de  ne  se  parlyr  d'AUemaigne 
ou  à  tout  le  moings  d'Itallye,  pour  povoir  donner  meilleur  ordre  aux 
choses  de  Hongrye,  ledict  empereur  luy  feist  la  responce  que  j'ay 
entendu  luy  et  les  siens  avoir  lousjours  usée  en  cest  affaire,  c'est  qu'il 
avoyt  si  bien  pourveu  aux  affaires  de  ladicte  Hongrye  que  le  Turcq  ne 
luy  feroyt  rien  pour  cesle  année;  et  quant  à  Tltallye,  qu'il  estoyt  tout 
asseuré  que  V.  M.  n'y  feroyt  point  guerre  pour  ceste  foyz  ne  jusques 
à  la  prime  vère,  si  d'aventure  alors  estiez  pour  la  faire.  Et  sur  ce  propoz 
j'ay  veu  lettres  de  Gennes  par  lesquelles  s'entend  ledict  empereur 
avoir  escript  à  André  Doria  qu'il  a  très  bonne  intelligence  avecques 
V.  iM.,  et  qu'il  ne  faut  point  doubler  de  vostre  cousté  d'aulcun  dcslour- 
bier  en  Ilallye,  et  que  cela  fust  vray,  ne  faisiez  aulcune  démonstracion 
de  vous  voulloir  mouvoir,  ains  estiez  encore  à  Moulins,  ayant  deslibéré 
au  partyr  de  là  aller  à  la  chasse  en  Bourgongne  ^. 

1.  Giovanni  Popgio,  évèque  de  Propea,  originaire  de  Bologne,  mort  dans  cette 
ville  le  12  février  1550.  Veuf  de  bonne  heure,  il  était  entré  dans  les  ordres  et  fut 
envoyé  par  Paul  III,  coninic  nonce,  en  Espagne  et  en  Allemagne.  Jules  111  le  ren- 
voya plus  Lard  en  Espagne  de  nouveau,  et  le  fit  cardinal  en  1551. 

On  a  publié  de  lui  un  recueil  de  lettres  écrites  en  153i  sur  les  événements  de 
son  temi)S. 

Le  ms.  I.I6  ilu  fonds  Saint-Germain,  à  la  Bild.  nat.,  renferme  une  «  Jnslruttione 
al  vescovo  Poggi  mundalo  dalV  imperalore  a  X.  S.  per  la  pace  col  re  Francesco  Primo, 
per  la  celebralione  del  concilio  et  ait  ri  negotii  ». 

1.  Crisloforo  Madruz/.i,  cardinal.  On  le  retrouvera  plus  loin. 

3.  Le  roi  séjourna  à  Moulins  du  2'.)  juillet  au  8  août  1541,  et  partit  de  là  pour 
la  ltresseetleMaconnais.il  était  à  Màcon  le  7  septembre  {Cat.des  actes  de  François  I" ^ 
t.  IV,  pp.  225  à  230  et  239). 


[septembre    ro4l]  GUILLAUME    PELLICIER  421 

«  Sire,  j'ay  receu  lettres  escriptes  à  Conslantinople  Ifs  xxiii  et 
xxviie  jours  de  juillet  par  ung  Petro  Pomaro  auquel  messire  Yincenzo 
Maggio,  le  congnoissant  ancien  serviteur  du  seigneur  Rincon  ',  a  laissé 
charge  de  sa  maison,  et  commission  de  nous  advertyr  de  ce  qu'il 
pourra  survenyr  audict  Conslantinople,  par  lesquelles  me  faict  entendre 
que  le  xx°  de  ce  moys  Barberousse  avoyt  eu  commission  du  Grant 
Seigneur  d'armer  quatre  vingtz  gallères,  et  que  ledict  Barberousse  luy 
avoyt  dict  que  le  camp  et  armée  dudict  Grant  Seigneur  estoyt  au  com- 
mandement de  V.  M.  Et  par  lettres  de  l'ambassadeur  de  cez  Seigneurs 
qui  est  demeuré  en  Conslantinople,  ont  entendu  que  ledict  Barberousse 
avoyt  eu  commission  d'en  armer  cent,  mais  que  le  second  defterdari, 
c'est  le  trésorier  qui  demeure  à  Conslantinople  comme  lieutenant  du 
Grant  Seigneur  quand  il  va  en  camp  -,  n'avoyt  voullu  fournyr  argent, 
craignant  que  ledict  Barberousse  fust  pour  jouer  quelque  faulx  bon 
audict  Grant  Seigneur.  Et  m'escript  dadvantaige  que  cinq  jours  aupa- 
ravant la  datte  de  sadicte  lettre  comme  ung  More  de  Thunis,  estans 
sortiz  hors  la  porte  Barberousse  et  le  sangiacque  de  Conslantinople, 
donna  d'une  escuclle  de  pourcelaine  sur  le  visaige  dudict  sangiacque, 
pençanl  donner  sur  celluy  dudict  Barberousse;  lequel  More,  quant  il 
eust  ce  faict,  constamment  dist  eslre  party  de  Thunis  luy  et  deux  com- 
pagnons pour  cesl  effect,  et  que  ladicte  escuelle  estoyt  enchantée  sur 
ledict  Barberousse.  Qui  est  tout  ce  qu'il  m'escript  de  ce  cousté  là,  fors 
qu'il  avoyt  entendu  que  auprez  de  Belgrade  estoyt  arrivé  au  camp  du 
Grant  Seigneur  ung  ambassadeur  de  Portugal. 

«  Sire,  j'ay  aussy  esté  adverty  comme  le  seigneur  Marin  Justinian, 
à  présent  ambassadeur  pour  cez  Seigneurs  vers  l'empereur,  que  icelluy 
empereur,  entendant  ceste  desconlille,  en  la  présence  de  tous  se  cou- 
vrisl  des  mains  le  visaige;  en  quel  estât  se  tint  sans  se  remouvoir  ung 
quart  d'heure,  et  puys  s'enferma  en  sa  chambre  oti  fut  plus  de  six 
grosses  heures  seul.  Et  aprez  sortyt  le  plus  triste  et  affligé  que  l'on 
veit  oncques,  et  dépescha  sur  l'heure  M.  de  Grantvelle  vers  le  pap»pour 
l'en  advertyr  et  le  pryer  se  voulloir  haster  le  plus  tost,  pour  adviser 
ensemblement  de  y  pourveoir;  car  à.  ce  coup  y  alloyt  du  tout.  Escript 
aussy  que  icelluy  empereur,  l'ayant  mandé,  luy  persuada  de  voulloir 
escripre  à  cez  Seigneurs  du  grant  desplaisyr  qu'il  avoyt  de  ceste  nou- 
velle, non  seuUement  pour  luy  et  les  siens,  mais  encores  pour  cez  Sei- 
gneurs à  qui  la  chose  touche  grandement  pour  estre  si  prez  d'eulx; 
desquelz,  pour  la  grant  amour  qu'il  leur  porte,  n'a  pas  leurs  affaires 
moings  à  cueur  ne  en  aultre  recommandation  que  les  siens  propres, 
les  pryant  luy  voulloir  donner  conseil  et  adviz  de  ce  qu'il  aura  à  faire 

1.  Pielro  Pomaro,  intenrlant  de  l'ambassade  de  France  à  Conslantinople. 

2.  Il  n'y  avait,  sous  Mohammed  II,  qu'un  seul  defterdar  préposé  à  la  Roumélie, 
et  auquel  était  adjoint  un  aide  pour  les  provinces  de  l'Asie.  Plus  tard  le  nombre 
des  defterdars  s'éleva  jusqu'à  quatre  (De  Ilammer,  loco  cit.,  t.  III,  p.  312). 


422  AMRASSADE    DE  SEPTEMBRE    ir»4il 

sur  ce,  et  ;ui  voyai^e  <'l  cntroprinse  d'Algier,  laquello  cncores  iju'il 
eusl  granl  voullrnlt'  de  faire,  pour  eslro  bien  asseuré  luy  debvoir  bien 
réuscyr,  ce  nëantinoinj^s  qu'il  en  feroytce  que  le  pape  et  eulx  luy  con- 
seilleroyenl.   Les  pryanl  voulloir  rentrer  en  une    nouvelle   et  bonne 
ligue  aveeques  le  pape  et  luy  jjour  la  dcHcnsion  de  la  chrestienté  et  de 
leurs  estât/,  les  contorlans  que  s'il/  u'iuit  arf^ent,  il/  n'ayiiil  csgard  ad 
ce,  car  le  pape  et  luy  fournyront  pour  tous,  voyre  pour  l'arniée  que  y 
fera  ln-soing:  r[  que  il/  vueillenl  bien  ouvrir  les  œil/  et  pencer,  car  à 
ce  coup  il  \  ailoyl  du  tout.  Luy  disant  en  oultre  (ju'ii  dépeschoyl  son 
ambassadeur  donip  Dit'f^o  vers  eulx  pour  cest  eilect.  Chose  de  quoy, 
comme  ledict  Marin  Juslinian  dict,  s'excusa  le  plus  qu'il  peult  d'es- 
cripre  à  cez  Seigneurs;  toutesfoi/,  à  l'instance  et  persuasion  dudict 
empereur,  et  aussy,  à  dire  la  vérité,  qu'il  a  bruicl  de  luy  eslre  assez 
afTectionné,  le  leur  a  faictsçavoir.  Le  x*  de  ce  moys  ledict  domp  Diego  ' 
arriva  icy,  et  le  lendemain  fut  vers  la  Seigneurie,  à  laquelle  demanda 
le  conseil  île  Diexe,  estant  le  plus  secrect,  comme  l'on  peult  conjecturer, 
pour  luy  exposer  ce  que  dessus.  Je  suys  âpre/  pour  entendre  mieulx 
le  tout  aflin  d'en  prendre  adviz  et  m'y  gouverner  selon  que  verray 
estre  à  propoz.  A  quoy,  Sire,  ainsi  que  ay  entendu,  n'aurons  pas  grant 
peyne  de  rabbattre  leurs  cloud/,  encores  quilz  ayent  grant  esgard 
audict  empereur  estant  en  Itallye;  car,  comme  l'on  est  asseuré,  cez 
Seigneurs  ne  seront  point  si  despourveuz  de  conseil  que,  se  voyans  ung 
si  grief  contre-poix  si  prez  d'eulx  que  le  Grant  Seigneur,  soyent  pour 
faire  chose  qu'il/ puissent  congnoistre  luy  desplaire.  Et  pour  ce  respect 
ayant  paour  que  le  Grant  Seigneur  n'entrast  en  suspicion  s'il/  accor- 
doyent  leur  ville  de  Yincence  -  au  pape  pour  continuer  le  concilie  là, 
ainsi  qu'il  avoyt  esté  assigné  cez  années  passées,  et  là  l'on  traictast 
entre  tous  les  chrestiens  de  se  unyr  pour  faire  la  guerre  contra  luy, 
quelque  réquisition  et  instance  que  Sa  Sainctelé  leur  en  ayl  faict  faire 
souvent  cez  jours  passez  par  son  ambassadeur  qui  est  icy,  s'en  sont 
excusez  et  luy  ont  reflusé  tout  à  plat.  Et  pour  maintenyr  et  accroislre 
plus  la  grâce  du  Grant  Seigneur,  ilz  ont  faict  la  plus  grant  dilligence 
du  monde  de  trouver  en  toutes  les  bourses  qu'ilz  peulvent  les  cin- 
quante mil  chequins  qui  sont  ou  seront  tôt  venuz  à  payement,  pour 
l'accord  d'eulx  faict  avecques  le  Grant  Seigneur,  auxquel/  ne  fauldront 
adjouster  xx  ou  xxv"  pour  présenter  aux  bassatz. 

«  Sire,  je  viens  d'estre  adverly  que  les  Impériaulx  ont  grant  double 
et  crainte  que  le  Grant  Seigneur  ne  s'accorde  avecques  les  Terres  fran- 
ches et  que,  voyans  les  princes  d'Allemaigne  l'empereur  l'avoir  ainsi 
délaissée  en  ce  trouble  et  dangier,  ne  soyent  poureslire  ung  aullre  roy 
des  Romains,  voyre  à  l'adventure  ung  empereur.  Et  certes  les  mar- 


1.  Don  Dicf-'O  lliirLado  de  Mendoza. 

2.  Vicence,  en  ital.  Vicenza,  sur  le  Bacchiglione,  à  75  kilom.  de  Venise. 


[septembre    1541]  GUILLAUME    PLLLICIER  423 

chans  du  fondicque  des  Tudesques  en  ceste  ville  en  parlent  ainsi  tout 
clairement,  disans  que  lesdictes  Terres  Tranches  et  rAllomaignc  ne  sont 
pour  endurer  plus  tel  gouvernement  que  de  Ferdinando,  et  que  l'on 
est  pour  eslire  ung  des  ducz  de  Uavières  en  son  lieu,  et  le  semblable 
faire  de  l'empereur.  Il  semble  que  V.  M.  ne  se  feroyt  pas  peu  davan- 
taige  au  grant  crédict  qu'elle  a  audict  pays,  et  au  contraire  désadvan- 
taige  à  l'empereur  et  les  siens,  de  tascher  envers  le  Grant  Seigneur  et 
lesdictz  terres  et  pays  de  leur  faire  faire  une  bonne  paix  ou  trefve 
avecques  luy  ;  car  par  là  à  l'aventure  l'on  pourroyt  mieulx  ranger  icelluy 
empereur  et  les  siens,  que  par  nul  autre  moyen  que  on  sceust  trouver 
à  présent.  Et  quant  à  la  part  que  les  ducz  de  Bavières  sont  pour  avoir 
à  l'empire,  advenant  que  on  y  deust  pourveoir,  ce  n'est  pas  de  présent 
la  première  foiz  que  je  vous  en  ay  faict  sçavoir  ce  que  en  entendions  icy. 
«Sire,  faisantlaprésente,  j'ay  esté  adverty  que  cez  Seigneurs  estoyent 
aprez  pour  se  résouldre  de  faire  responce  à  l'ambassadeur  de  l'empe- 
reur de  ce  qu'il  leur  avoyt  dict,  qui  est  en  somme  tout  ce  que  est  con- 
tenu cy  dessus,  et  davantaigc  que  il  convenoyt  faire  à  l'empereur  de 
troys  choses  l'une  :  c'est  d'aller  en  Âffrique,  en  Levant,  ou  bien 
retourner  en  AUemaigne;  mais  qu'il  estoyt  nécessaire  pour  le  bien  et 
utillité  de  la  chrestienté  asseurer  les  choses  d'Itallye,  par  quoy  l'avoyt 
envoyé  vers  eulx  pour  faire  nouvelle  ligue.  Et  s'ilz  avoyent  quelque 
respect  qu'ilz  ne  la  voulsissent  faire  publicque,  qu'il  se  contentoyt 
qu'ilz  la  feissent  secrette,  leur  disant  là-dessus  plusieurs  belles  parolles 
pour  les  y  voulloir  persuader;  leur  promettant  pour  les  asseurer  que 
son  maistre  obscrveroyt  de  son  cousté  tout  ce  à  quoy  il  s'obligeroyt  en 
faisant  ladicte  nouvelle  ligue,  de  bailler  et  mettre  en  leur  puissance 
Crémonne  et  deux  cens  mil  escuz.  Toutesfoiz,  pour  conclusion  n'a  sçeu 
tant  faire  que  ilz  y  ayent  vouUu  entendre;  et  luy  ont  faict  responce  que 
ilz  ne  povoyent  faire  aulcune  nouvelle  ligue,  et  que  l'empereur  povoyt 
bien  considérer  avecques  qui  ilz  avoyent  affaire,  et  en  quelle  puyssance 
le  Grant  Seigneur  estoyt  à  leurs  confins  de  tous  coustez,  et  qu'il  leur 
estoyt  bien  besoing  de  se  sçavoir  conserver.  Par  quoy.  Sire,  je  ne  veoy 
qu'il  y  ayt  lieu  de  rien  rabattre,  ainsi  que  j'estimoys  bien  tousjours 
qu'il  ne  seroyt  besoing.  » 

Vol.  2,  f'^  221),  copie  du  xyi<=  siècle;  7  pp.  1/3  in-f". 

PELLICIEU  AU   CARDINAI,   DE   TOURNON   '. 

276.  —  [Venise],  14  septembre  1 54 1 .  —  «  Monseigneur,  l'asseu- 
rance  que  j'ay  que  verrez  tout  ce  que  j'escriptz  présentement  au  roy 

1.  '•  Nota  que  le  portrait  d'Algier  ne  fui  pour  celle  foiz  mandé  audicl  seigneur 
4le  Tournon,  ce  que  luy  fui  escripl  en  ung  petit  billet  <le  papier  niys  dans  la 
présente  aprez  qu'elle  fut  close.  » 


42i  AMI{ASSAl)L    1>E  [SEPTEMBUi:    lu4l] 

me  gardera  vous  en  faire  aullre  répélicion;  mais  bien  vous  diray  que 
par  lettres  de  Gennes  j'ay  veu  (jue  les  Gennevoys  se  tiennent  grande- 
ment tenu/,  et  obligez  à  S.  M.  de  leur  avoir  concédé  la  traicle  de  bledx 
•  Il  Prouvence,  pour  leur  eslre  venue  tant  au  besoing  et  à  temps  qu'il 
n'est  possible  de  plus,  pour  ce  que  s'il?,  n'eussent  eu  ce  moyen  là,  il 
eust  vallu  cinq  escuz  la  mync  ',  et  encores  â  granl  pryère.  Laquelle 
chose,  comme  est  contenu  esdictes  lettres  en  substance,  a  esté  cause 
que  en  ladiLte  terre,  hors  myscjuarante  ou  cinquante  des  plus  grans 
«lui  y  sont  intéressez,  ont  conceu  une  malveillance  à  l'empereur  qu'il/, 
désirent  tous  le  voir  abaissé  et  que  le  moings  du  monde  de  disfaveur 
qui  luy  sceust  advenyr  feroyt  mal  ses  besoignes.  Et  au  contraire  que 
toute  icelVe  terre  est  tant  affectionnée  au  rov,  et  le  monde  tant  contant 
et  satisfaict  de  luy  que  on  ne  le  sçauroyt  croire.  De  sorte  que  les  pouvres 
gens,  quant  ilz  vont  au  marché  aclieter  dudict  bled,  eti  se  resjoyssant 
disent  :  «•  J'ay  acheté  ung  sac  de  fleurs  de  lys  »,  et  sur  les  magasins 
de  bled  venu  de  Sicille  l'on  a  mys  de  sortz  à  mode  de  pascjuilz*; 
aux  ungs  :  l\oli  me  langere,  quia  Ces.  es,  et  aux  aultres  :  licddite  que 
sunl  Ces.  Cesari.  Et  communément  disent  qu'ilz  ne  veuUent  plus 
user  de  bled  maron  puysque  Dieu  leur  en  a  donné  de  chrestien.  Et 
pour  ce  que  les  mariniers  qui  vont  chercher  lesdiclz  bledz  ont  bon 
traiclcment  de  ceux  de  Prouvence  ainsi  qu'ilz  reffèrent,  chascun  jour 
y  vont  barques,  navires,  galbons,  et  aultres  vaisseaulx  pour  charger 
grains.  De  quoy  les  genz  de  l'empereur  ne  sont  trop  contans,  se  doub- 
tans  que  ce  ne  soyt  cause  de  faire  que  on  ne  puysse  plus  recouvrer 
argent  de  Sicille,  et  par  ainsi  l'empereur  se  trouver  bien  empesché 
d'en  avoir,  luy  ayant  rompue  ceste  voye  là  ;  leur  semblant  aussi  que 
ceste  négociacion  ne  peult  sinon  nuyre  grandement  aux  affaires  dudict 
empereur,  congnoissant  jà  le  peuple  de  là  estre  tant  mal  satisfaict 
d'icelluy  qu'il  n'est  possible  de  plus.  Dont  sont  en  non  peu  de  suspeçon 
que  les  (jennevoys  prennent  quelque  familiarité  en  l^rance  qui  puisse 
t'stre  cause  de  s'aprocher  à  la  vouUenlé  du  roy  :  à  laquelle  on  ne  les 
povoyt  mieulx  attirer  que  par  cesle  voye  là.  Vous  sçavez  trop  mieulx^ 
-Monseigneur,  que  de  tous  les  infiniz  biens,  grâces  et  miracles  que 
Christ  usa  en  ce  monde,  il  n'y  eust  aulcun  qui  esmeust  ne  attirast  tant 
le  peuple  judaïcque  à  luy  que  le  miracle  des  cinq  pains,  de  sorte  que, 
comme  dit  saint  Jehan  en  son  vi«,  si  Christ  sur  l'heure  ne  se  fust  retiré 

I.  La  mine,  mesure  de  cayMciié  équivalant  à  un  dena-setier,  soit  cinquante  litres. 

1.  Des  inscriptions  ou  devises  en  manière  de  pasquilles  (de  l'ital.  pasquillo,  bro- 
card) ou  de  pasquinades,  allusion  aux  placards  satiriques  affichés  à  Rome  au  pied 
lie  la  statue  antique  appelée  [)opuiairement  Pa.squino.  Pendant  cinq  cents  ans  au 
moins,  depuis  la  lin  du  xiv'  siècle  jusiiu'à  nos  jours,  ce  vieux  marbre  mutilé, 
fragment  dune  statue  d'Hercule  ou  d'Alexandre,  a  joué  un  certain  rôle  dans  l'his- 
toire anecdolique  de  la  Home  paiialc.  ne  cessant  de  dialoguer  avec  un  autre  débris 
de  la  statuaire  antique,  surnommé  Marforio,  qui  lui  fait  pendant,  à  l'angle  de  la 
place  Navone. 


[septembre    da4l]  GUILLAUME    PELLICIER  42'j. 

et  absenté  d'eulx  secrettement ,  ilz  voulloycnt  venyr  le  prendre  et 
créer  roy  sur  eulx  '.  Par  quoy,  Monseigneur,  à  l'aventure  pour  le  pré- 
sent le  roy  ne  pourroyt  faire  chose  plus  lacille  ne  plus  ellicace  à 
gaigner  ce  cousté  là  que  de  les  laisser  user  de  telz  commerces,  et  pour 
la  divertyr  et  avoir  l'argent  qui  en  pourroyt  venyr  à  l'empereur,  et 
donner  moyen  à  ses  pouvres  subgectz  de  luy  faire  meilleur  service. 
Je  vous  envoyé  ung  double  de  certains  discours  que  on  faisoyt  de 
l'armée  de  l'empereur;  mais  je  croy  bien  que  ceste  piteuse  et  irrépa- 
rable nouyellc  de  la  rompture  du  camp  de  Ferdinande  aura  bien 
rompu  leurs  desaiugs,  et  mesmement  d'Algier,  duquel  vous  envoyé 
ung  pourtraict  qui  m'a  esté  mandé  de  Boullongne  *.  Et  encores  que  ce 
ayt  esté  ung  qui  se  dict  serviteur  du  roy,  ce  néantmoings  ceulx 
qui  pencent  congnoistre  le  lieu  estiment  qu'il  a  esté  faict  dépeindre 
par  gens  passionnez,  ou  n'ayant  pas  bien  considéré  la  qualité  du  lieu, 
carie  font  plus  facille  à  prendre  qu'il  n'est;  mesmement  la  colline  qui 
est  du  cousté  de  ponent  n'est  si  prez  de  la  ville  ne  si  débille,  pource 
qu'il  y  a  bonne  tour  souffisante  pour  la  bien  deffendre  ^.  Si  voyez  estre 
à  propos  de  la  montrer  au  roy,  vous  en  ferez  ce  qu'il  vous  plaira. 
Aulcuns  que  avoyent  tousjours  pencé  que  si  le  pape  à  tout  le  moings 
n'estoyt  pour  se  tourner  du  party  du  roy,  que  il  deust  estre  neustral, 
mais  à  présent  m'ont  faict  sçavoir  qu'ilz  sont  bien  advertiz  du  contraire. 
Au  fort,  l'issue  en  jugera. 

«  Monseigneur,  je  ne  lairray  à  vous  dire  que  l'on  est  adverty  icy  que 
des  SOU""  ducatz  courans  que  l'empereur  s'estoyt  faict  accorder  au 
royaulme  de  Naples  pour  tiltre  de  donnatif  à  267"  et  tant  de  cens  pour 
chascun  an,  les  voullant  avoir  comptant,  avoyt  faict  party  avecque& 
certains  marchans  à  xxiii  pour  cent  d'intérestz  pour  le  premier  an. 
Et  ayant  besoing  de  se  servyr  tout  en  ung  temps  d'icelluy  argent  du 
fï^cond  an  et  tiers,  n'a  trouvé  que  pour  le  second,  ne  a  meilleur  party 
que  de  redoubler  ledict  intérest,  c'est  à  quarante  six  pour  cent;  de 
sorte  que  pour  la  somme  desdictes  deux  années,  ne  luy  est  revenu  à 
son  profict  que  3i0'"  ducatz,  desquelz  la  plus  grant  part  ont  esté  des- 

1.  Évangile  selon  saint  Jean,  eh.  VI,  v.  lo. 

2.  Bologne. 

3.  Le  plan  ou  vue  «l'Alger  dont  il  est  ici  (juestion  avait  été  fourni  par  Giovanni 
Francesco  Orsini,  comte  de  Piligliano,  entré  au  service  du  roi  de  France  par  traité 
spécial  conclu  à  Fontainebleau  le  28  juin  133"  (V.  Cat.  des  actes  de  Framois  I",  t.  III, 
p.  3.00,  n"  9,  loi).  C'est  ce  qui  ressort  d'un  curieux  passage  de  la  dépêche  envoyée 
de  Paris,  le  7  déceinl)re,  ;i  Henri  VIII  par  William  Fagot,  qui  remplaça  llownnl 
comme  ambassadeur  en  France,  en  novembre  1541  :  •<  The  Count  Pelilyan  is  also 
becum  the  French  Kinges  man,  a  man  of  very  strong  holdes  in  Ilaly,  and  cum  of 
auncestours  that  hâve  bene  very  active.  This  counte  sent  this  olher  day  to  the 
French  King  the  plat  of  Algiere,  the  which  it  was  my  chaunce  to  see,  before  il  cam 
to  the  French  Kinges  handes,  and  to  hâve  libertye  lo  cause  il  lo  be  drawen  oui, 
which  Your  Majesté  shall  receyve  hcrewith;  nul  conningly  drawen,  but  truely» 
according  to  the  original,  for  1  compared  evcry  litle  of  Ihem  logider.  •  {Slale  papers 
of  Henry  Vlll,  vol,  VllI,  p.  642.) 


426  A.MUASSADE    DE  [sEPTEMRUE    i:i41J 

peiulu/.  à  niellre  en  ordre  rarinéc  de  mer  ou  ce  pays  là.  El  quaiil  à  la 
jtaitye  de  largeul  du  tiers  an,  quelque  diliif^cnce  qu'ilz  ayenl  sceu 
l'aire,  ne  ii  quelcon(iues  inléreslz  et  partys  qu'ilz  ayent  sceu  olîryr, 
n'ont  trouvé  personne  (jui  y  ayt  voullu  entendre.  Et  seullcment  en 
tout  (Jennes  n'a  trouvé  homme  qui  luy  ayt  vallu  d'ung  quatrin  '  ne 
soyt  pour  l'en  accommoder,  excepté  messer  Adam  Centurion  qui  luy 
a  preste  environ  ^2'.V"  fscu/.  à  huicl  pour  cent  *;  dont  je  me  douljte  qu'il 
aU  recours  à  Sa  Saincleté  et  conlraicter  avecques  luy  quel(iue  estât, 
que  me  douhte  jjourroyt  toucher  au  Millanoys.  » 

Vol.  •-'.  f^  i'M  V",  copie  du  wi*^  siccle;  2  pp.  1/3  in  f". 


l'ELLICIER   A   M.   D  ANNEI5.\ri.'r. 

277.  —  [Venise],  14  septembre  J Ù4 J .  —  «  Monseigneur,  je  pence 
que  avant  la  réception  de  la  présente  aurez  receu  mes  lettres  du  vi''  de 
moys  que  vous  ay  envoyées  par  la  voye  de  Suysse  ou  des  Grisons,  par 
lesquelles  aurez  entendu  cette  piteuse  et  irréparable  delFaicte  du  camp 
du  roy  Ferdinando,  et  par  ung  double  de  lettre  d'AUemaigne  aultres 
nouvelles  de  non  peu  d'importance.  Dont  à  présent  ne  m'estenderay 
il  vous  faire  longue  lettre,  me  remettant  aussi  à  celles  que  j'escriptz 
présentement  au  roy;  lesquelles,  pour  les  grandes  occupacions  (|ue 
j'ay  de  tout  coustez,  vous  plaira  veoir,  et  prendre  en  satisfacion.  Me 
excusant  si  particuUièrement  ne  vous  escriptz,  tant  seullement  vous 
diray  que  depuys  avons  entendu  que  le  Grant  Seigneur  estoyt  entré 
en  Bude,  luy  ayant  ceulx  de  dedans  porté  les  clefz  au  davant,  et  que 
l'armée  du  roy  Ferdinando  qui  estoyt  sur  le  Danubio  estoyt  venue  es 
mains  de  l'armée  ou  gens  du  Turcq,  et  pareillement  les  chevaulx  qui 
la  tiroycnt,  et  ceulx  qui  les  conduisoyenl  tous  deffaictz.  Et  brief,  c'est 
une  grande  pityé  que  d'en  oyr  parler,  car  ainsi  que  (jualre  souldars  de 
Bassan  ^,  qui  en  sont  eschappez  et  venuz,  dient,  l'on  ne  sçauntyt 
croyre  qu'il  y  eust  eu  si  grant  desconfitte  etruyne  qu'il  y  a  eu;  de  sorte 
qu'ilz  estiment  que  tant  mors  que  prins  sont  demeurez  plus  de  40"  per- 
sonnes. Et  ne  s'est  saulvé  que  le  général  du  camp,  nommé  Rogon- 
dolphe  *,  avecques  environ  deux  mil  hommes  et  quelque  peu  d'aultres 
par  cy  par  là;  et  toute  l'artillerye  perdue,  qui  estoyt  soixante  grosses 
pièces  de  batterye,  et  environ  cent  de  moyennes  et  menues  pour  camp, 
comme  si  le  Grant  Seigneur  n'en  eust  eu  assez  de  huict  cens  pièces,  ainsi 

1.  -Menue  monnaie  italienne. 

2.  Adaino  Cenliirione,  riche  l)an(iiiier  et  annatcur  j^'t-nois.  Plusieurs  menilires  de 
celle  famille  rcprésenlérent  en  l'iaiice  la  république  de  Gènes  aux  xv^et  .wne  siècles 
(V.  Jules  Flaniiuennonl,  Les  correspondances  des  ac/ents  diplomatiques  étrangers  en 
l-rance,  avant  la  Rècolulion.  Paris,  impr.  nal.,  1896,  gr.  in-8",  pp.  371  et  393). 

3.  Hassano. 

i.  Hoggendorf. 


[septembre    1;J41]  GUILLAUME    PELLICIER  427 

que  verrez  par  ung  double  de  certains  articles  d'une  lettre  de  messer 
Vincenzo  Maggio  que  je  vous  envoyé.  Et  estime  l'on  icy  que  si  ledict  (îrant 
Seigneur  puursuyt  cette  victoyre,  et  qu'il  marche  de  long  à  Vienne, 
qu'il  est  pour  l'emporter;  car  l'on  entend  qu'elle  est  despourveuc  de 
toutes  municions,  victuailles,  et  presque  d'artillerye,  et  qu'il  y  a  peu 
de  gens  de  faict  dedans,  pour  la  peste.  Pour  laquelle  ou  mieulx  pour 
ceste  tempeste  le  roy  des  Rommains  s'est  retiré  avecques  toute  sa 
famille  à  Lincz;  ce  néantmoings  l'ambassadeur  de  l'empereur,  qui  est 
icy,  nous  veult  conforter  et  asscurer,  disant  que  il  avoyt  si  bien  adverty 
et  sollicité  le  roi  Ferdinando  et  donné  si  bon  ordre  qu'il  ne  se  failloyt 
doubler  de  rien.  Mais  Dieu  vueille  qu'il  soyt  ainsi  et  qu'il  n'advienne 
au  demeurant  comme  il  a  faict  à  leur  camp,  lequel  ilz  disoyent  estre 
si  bien  fortiftié,  et  tous  leurs  affaires  de  Hongrie  en  si  bon  estât  qu'il 
ne  failloyt  doubler  pour  cette  foiz  ne  de  ceste  année  du  Turcq  '.  Quant 
ad  ce  que  m"avez  escript  par  la  vostre  du  x.\:vi°  du  passé,  je  ne  fauldray 
en  temps  et  lieu  le  faire  très  bien  entendre  à  cez  Seigneurs,  avecques 
ampliation  de  ce  que  verray  mieulx  servir  à  rafTaire.  » 

Vol.  "2,  fo  233  yo,  copie  du  xvi«  siècle;  1  p.  iii-f°. 

PELLICIER   A   M.    DE  LANGEY. 

278.  —  [ye?iise],  i4  septembre  1541.  —  «  Monsieur,  pour  la  grant 
presse  quej'euz  le  vi"  de  ce  moys  de  faire  une  dépesche  au  roy  parla 
voye  de  Suysse,  n'euz  loysir  de  vous  escripre,  mais  encores  n'y  eussé- 
je  vouUu  faillyr,  n'eust  esté  la  confyance  que  j'avoys  que  ne  fauldriez 
à  veoir  les  lettres  que  j'escripvoys  à  monseigneur  d'Annebault,  comme 
encore  j'estime  bien  que  ferez  à  présent  et  celle  du  roy  :  qui  me  gar- 
dera vous  en  faire  aulcune  répéticion.  Tant  seulement   vous   diray 

1.  Sulcyman  fit  son  entrée  solennelle  dans  Budo  le  vendredi  21  septembre  et  se 
rendit  directement  à  l'église  Sainte-Marie,  qu'il  convertit  en  mosquée  en  y  faisant 
la  prière  publique  (V.  de  Ilannner,  t.  V,  p.  3oG).  —  Une  dépêche  de  Howard  à 
Henri  YllI,  datée  de  Lyon,  le  1°' octobre,  contient  sur  la  prise  de  Bude  les  intéressants 
détails  qui  suivent.  «  There  hallie  bcn  hère  also,  silh  my  lasl  letters  to  Your  Hi^'hnes, 
moo  newes  of  Ihebreykinge  of  the  Kynge  of  Romaynes  anuy  by  the  Turke,  whiche, 
as  the  saying  is,  was  al'ter  Ihis  sorte.  Phardinando  wiLh  his  hoste  was  cunstray- 
ned  to  retire  himself  to  a  certain  slrength  betwene  Pest  and  a  plase  callid  Alba- 
ryall  {Albe  royale,  autrement  dit  Slukliveisseinburf/),  where  as  the  Turke  went  with 
4  hundrith  thowsand  horsemen,  7  hundrith  pecis  of  artyllery,  cmongcst  whicli 
were  200  of  cannons,  and  20  thowsand  cartis,  yche  one  drawen  with  2  oxen,  and. 
wilhin  ych  of  them  2  pecis  of  artillery  cauilid  bollis,  \vhich  hâve  wyde  mowlhes 
made  after  the  fahsyon  of  a  morter.  There  reymayned  of  25  thowsandes  fotemen  of 
Phardynandos  but  5  thowsand,  ail  his  artyllery  lostc:  qnycke  there  was  taken  600, 
moste  parte  of  them  gentlemen,  which  being  browght  afor  the  Turke,  lie  cawsyd 
them  to  be  heddyd.  Wheréat  ail  the  noblemen  of  his  oste  toke  greale  displesour, 
saying  that  he  shuld  hâve  rawnsommyd  them,  as  the  custome  of  the  warre  is  lo  doo 
The  i'urke  then,  being  angry  with  them,  said  Ihes  wordes:  «  See  how  thés  doggcs 
be  nowe  corne  wytty  »  {State  papers  of  Henry  VIII,  vol.  VHI,  p.  614). 


428  AMBASSADE   DE  [SEPTEMBIIE    i:i4l] 

ilavanlaigi'  ([ue  l'on  ma  advorly  que  ung  Cézar  de  Naples  avocques 
sa  garnison  qui  l'sl  à  Voulpiaii  '  avoycnt  faicl  quelque  cnibusclie  et 
ciiydé  surprendre  monseigneur  le  mareschal  d'Annebaull  :  ce  que  facil- 
leinent  je  ne  croy  pas,  ni"  qu'il/,  soyenl  pour  faire,  obslant  sa  bonne 
prudence  el  félicité*.  Ce  néanlmoings  si  n'ay-je  vouUu  laisser  à  vous 
en  t'scripre  ce  petyt  mol  el  vous  dire  que  quehiucsfoiz  l'on  entend 
des  choses  comme  jà  passées  el  faicles,  cl  dopuys  les  voyant  advenyr, 
on  cognoist  cela  avoir  este  quelque  umnn  divinanl  icellcs  choses  suc- 
céder'. El  de  moy  me  souviens  que  du  temps  qu'esloys  à  Rome,  plus 
d'ung  moys  et  demy  auparavant  que  le  marquis  de  Saluées  se  fusl 
révolté,  il  tout  le  moings  déclairé  lel  qu'il  feist  depuys  S  je  l'avoys 
entendu  île  bon  lieu  fort  secrettemenl.  Et  encores  depuys  que  suys 
icy,  en  deux  cas  de  bien  grant  importance  me  suys  aperceu;  car  davant 
(îu'ilz  fussent  advenu/,  Iroys  ou  quatre  jours,  en  avoys  esté  adverty 
sommairiMucnt,  et  sur  lelz  advertissemens  dépesché  au  roy  la  nou- 
velle, laquelle  depuys  on  vériflyoit  n'estre  encores  de  ce  temps  là  ne 
de  quelques  jours  succédée.  El  entre  aultres  m'est  advenu  ainsi  de  la 
prinse  de  Castelnove,  el,  ces  jours  passez,  de  cesle  romplure  prochaine 
du  camp  de  Ferdinando.  Je  ne  sçauroys  que  dire  d'où  cela  procède,  si 
ce  n'est  que  Dieu  ne  veult  moings  daigner  ^  les  hommes  de  préveoir 
lelz  afTaires  que  les  voultres  °  el  aultres  oyseaulx  de  rapine  prédisant 
souvanl  une  grande  occision  el  boucherie  d'ung  camp,  le  suyvanl  el 
voltigeant  par  grandz  Iroupeaulx  quant  il  doibl  advenyr  telle  clade  '. 
Qui  est  tout  ce  que  aurez  de  moy  pour  cesle  heure,  sauf  que  j "ay 
adverly  M.  Bigotius  '  de  ce  que  m'avez  escript  louchant  Messieurs  de 

1.  Ccsare  .M.ii:f:i,  ea|)itainc  napolilain  au  service  de  Charles-Quint,  demeura  pen- 
dant vingt  années  gouverneur  de  Volpiano  en  Piémont,  jusqu'à  la  prise  de  cette 
place  par  le  duc  d'.Vumale  et  le  maréchal  de  Brissac,  en  1555.  Brantôme  lui  a 
consacré  une  notice  (V.  édit.  Lalanne,  t.  I,  p.  309). 

2.  Claude  d'Annebault  avait  remplacé  René  de  Monlejan  comme  lieutenant-général 
et  gouverneur  du  Piémont,  en  vertu  des  lettres  données  à  Gompiègne,  le  20  sep- 
tembre i;i30  (Cal.  des  actes  de  François  1",  t.  IV,  p.  4b,  n°\l,  209). 

Après  un  assez  long  séjour  en  France,  le  roi  l'y  renvoya  de  rechef  au  commence- 
ment de  l;iil  (V.  Slale  papers  of  Ilenrj/  17/7,  vol."  VIII,  p.  ;i21). 

3.  Quelque  présage  annonçant  l'arrivée  de  certains  événements. 

t.  Francesco,  marquis  de  Saluées,  tué  en  lo37  sous  les  murs  de  Carmagnola,  qu'il 
assiégeait  pour  r(7enuvrer  la  plénitude  des  droits  souverains  dont  il  se  plaignait 
d'avoir  été  dépouillé. 

'6.  Favoriser,  gralilier,  du  lat.  dir/nari. 

tj.  Vautours,  du  lat.  vuUures. 

7.  Défaite,  du  lat.  clades. 

8.  Invité  à  venir  occuper  une  chaire  à  l'université  de  l'adoue.  Bigot  donna  la 
préférence  à  la  ville  de  Nimes  où  il  était  également  appelé;  mais  des  infortunes 
conjugales,  qui  eurent  un  tragique  tfénouement,  ruinèrent  sa  situation  et  le  rédui- 
sirent à  un  état  voisin  de  la  misère. 

Il  s'agit  ici  des  négociations  entamées  par  les  consuls  de  Nimes  pour  attirer 
Cuillaume  Bigot  dans  le  collège  es  arts  qui  venait  d'être  fondé  par  François  l"'  dans 
leur  ville,  et  dont  le  savant  humaniste  nimois  Claude  Baduel  avait  été  nommé 
recteur  [Inv.  somm.  des  nrcfiives  communales  de  Xitnes,  t.  I,  série  LL,  p.  ",  col.  1). 
Le  18  octobre  1341,  un  acte  était  passé  entre  les  consuls  et  le  sieur  Bigot  qui,  pour 


[septembre    d54l]  GUILLAUME    PELLICIER  429 

Nismes;  mais  je  n'ay  encore  responcc  de  luy.  J'uy  dunné  charire  au 
présent  porteur  de  passer  par  Padoue  où  il  est  affin  qu'il  avl  moyen 
de  la  vous  faire  luy-mesme. 

«  ...  Monsieur,  j'ay  receu  lettres  de  Plaisance,  m'adverlissanl  que 
les  barquerolz  qiii  menoyent  les  seigneurs  Cézar  Frégoso  et  Rincon, 
lesquelz  furent  prins  et  menez  au  chasteau  de  Pavye,  estoyent  eschap- 
pez  et  arrivez  audict  Plaisance,  et  avoyent  cherché  celluyqui  m'escripl 
toute  une  nuict,  mais  qu'ilz  ne  Tavoyent  sceu  trouver.  Quoy  entendant, 
le  landemain  feist  toute  dilligence  de  les  povoir  recouvrer;  mais  qu'il 
n  avoyt  sceu,  pour  ce  que,  comme  Ton  luy  avoyt  dict  et  asscuré, 
avoyent  prins  leur  chemyn  pour  venyr  en  ceste  ville.  Je  n"ay  failly 
incontinant  de  faire  chaircher  de  tous  coustez  si  on  les  pourroyt  trouver  ; 
toutesfoys  jusques  à  ceste  heure  Ton  n'a  encores  sceu.  J'aybien  trouvé 
gens  qui  les  congnoissent  et  sçavent  où  se  logent  ordinairement  quant 
ilz  sont  icy,  lesquelz  m'ont  promys  ne  faillyr  de  m'en  advertyr  incon- 
tinant qu'ilz  y  seront  arrivez;  et  alors  je  verray  de  les  faire  interroger 
l)ar  ceulx  à  qui  appartiendra,  en  la  meilleure  forme  que  l'on  congnoistra 
estre  requise  pour  s'en  povoir  servyr  en  temps  et  lieu.  Et  si  davanture 
désiriez  de  parler  à  eulx,  en  m'en  advertissant  j'essayeray  de  les  per- 
suader de  vous  aller  trouver,  voyre  plus  tost  par  la  voye  de  Suysse, 
s'ilz  craignoyent  aller  par  aultre  ainsi  qu'ilz  pourroyent  avoir  raison 
de  y  bien  pencer;  sinon  vous  envoyeray  leur  depposition.  II  vous 
plaira  m'advertyr  de  ce  que  j'en  auray  à  faire.  » 

Vol.  2,  f  234,  copie  du  xvi«  siècle;  l  p.  1/2  in-f". 


j  I 


PELLICIER   AU  CAPITAINE   POLIN 

279.  —  [Venise],  14  septembre  1541.  —  Pellicier  l'informe  des 
diverses  nouvelles  contenues  dans  la  lettre  au  roi  du  même  jour,  et 
rapporte,  d'après  des  lettres  venues  «  d' Argentine  ou  Strasbourg  », 
les  bruits  de  réélection  du  roi  des  Romains  et  de  l'empereur  «  ...Dont, 
me  semblant  que  la  voullenté  du  roy  a  esté,  et  croy  qu'elle  est  encores 
de  présent,  que  ledict  Grant  Seigneur  ne  molestast  ou  provoquast 
lesdictes  Terres  franches  ne  l'Allemaigne,  ains  seullement  ceulx  qui 
en  veullent  à  luy,  avons  esté  d'adviz,  aulcuns  bons  serviteurs  dudict 
seigneur  roy  et  moy,  que  on  ne  feroyt  pas  peu  d'advanlaige  au  grant 
crédict  qu'il  a  audict  pays  d'Allemaigne  et  Terres  franches,  et  au  con- 
traire désadvantaige  à  l'empereur  et  les  siens,  de  tascher  envers  ledict 
Grant  Seigneur  de  luy  faire  faire  une  bonne  paix  ou  trefve  avecques 

une  somme  <:le  "00  livres,  s'engageait  à  Taire  tous  les  jonrs  au  collùge  une  leçon 
publique  de  philosophie,  «  et  aultre  lecture  qu'il  verra  estre  nécessaire  et  que  bon 
luy  semblera  »  (!d.,  ihid.). 

1.  «  Cedict  jour  fut  escript  à  M.  l'arcevesque  de  Ragusc.  » 


430  AMllASSADE   DE  [SEI'TEMUUE    loilj 

eulx;  car  par  là  l'on  pimiroyl  mioulx  ronger  icelluy  empereur  et  les 
siens  que  par  nul  aullre  moyen  que  l'on  sceusl  trouver  à  présent,  ainsi 
que  par  voslre  bonne  tlextérilé  et  prudence,  sçaurez  très  bien  faire. 
Kl  ce  que  je  vous  en  diclz  n'est  seullement  que  par  manière  d'advi/, 
et  non  pour  conseil;  car  je  suys  tout  asseuré  que  vous,  estant  sur  les 
lieux,  sçaure/  trop  nneulx  juger  et  mettre  à  effect  ce  que  congnoislrez 
estre  à  l'Iifinneur  l't  advantaige  de  S.  M.  que  ne  pourrions  pencer  par 
deçh...  Oui  est  tout  ce  que  aurez,  do  nioy  pour  ceste  heure,  sauf  unj; 
petit  record/,  des  jumens  lurcquesques,  lesquelles,  si  me  faicles  avoir 
la  commodité  den  recouvrer  en  les  bien  payant,  je  mettrai  peyne  de 
faire  si  bien  gouverner  que  vous  en  pourrez  user  du  fruict.  Et  mesme- 
ment  si  le  rny  me  donne  ung  lieu  tant  commode  ([u'on  m'a  escript  avoir 
désigné  voulloir  faire,  lequel  sera  grandement  à  propoz  pour  les  vous 
nourryr  et  entretenyr,  ce  me  sera  daullant  plus  de  plaisyr  d'en  avoir, 
dont  de  rechef  je  vous  en  prye,  et  me  recommande  à  vostre  bonne 
grâce  et  de  messire  Vincen/o  Maggio,  auquel  ii'escript/  pour  ceste 
heure,  estimant  bien  qu'il  aura  sa  part  de  cez  nouvelles.... 

«  Je  avoys  obmys  dernièrement  de  faire  responce  à  messire  Vincenzo 
Maggio  sur  ce  qu'il  m'avoyt  escript  du  Judéo';  dont  vous  plaira  luy 
faire  entendre  que  ce  que  en  avoys  venoyt  d'auprez  de  l'empereur,  du 
temps  qu'il  estoyt  en  Allemaigne,  et  que  pour  le  présent  je  ne  puys 
luy  en  rien  dire  davanluige  que  ce  que  j'ay  faict  par  cy  davant,  d'aul- 
tant  que  le  personnaige  n'est  plus  en  ladicte  cour.  Auquel  verray  de 
donner  ordre  d'en  cscripre  pour  en  sçavoir  plus  par  le  menu,  s'il  sera 
possible,  et  l'en  advertiray.  » 

Vol.  2,  l'°  2.3o,  copie  du  xvi^  siècle;  2  pp.  1/4  in-f'^, 

PELLICIER  A   GU1LI.AU.ME  REVERDY  -. 

280.  —  i^  i'enise],  14  septembre  i 54 1 .  —  «  Meilleur  amy,  j'ay  receu 
voz  lettres  ensemble  le  beau  saphyr  que  m'avez  envoyé,  dont  je  vous 
remercye  bien  fort.  Si  est-ce  que  je  ne  veulx  ne  entendz  que  faciez 
telle  despence  pour  moy,  et  n'eust  esté  que  eussiez  peu  pencer  que 
n'eusse  eu  agréable  vostre  présent,  je  vous  asseure  que  ne  l'eusse 
voullu  accepter;  par  quoy  ne  faictes  plus  si  grosse  despence,  mais  seul- 
lement je  vous  prye  de  regarder  si  trouveriez  quelques  racynes  et 
aultres  petites  choses  de  peu  de  prys,  et  me  les  envoyez,  j'entandz  en 
satisfaisant  à  tout,  quant  trouverez  la  commodité.  Au  demeurant,  vous 
ferez  très  bien  de  faire  entendre  au  seigneur  Barborousse  que  tous  les 

i.  Le  Juif  Moïse,  agenlsecrel  de  la  cour  impériale. 

2.  •  Coilicl  jour  fut  esrripi  au  seigneur  l'ietru  Pomaro.  •• 

Ce  Piclro  Puniaro,  iulcndanl  de  lainljassade  franeaise  à  Constantinoi)le,  étail 
peut-être  parent  du  capitaine  espagnol  Pomaro,  mentionné  par  Brantôme  (édit. 
Lal.uinc,  t.  I,  p.  230). 


[septembre    io4i]  GUILLAUME    PELLICIER  41^1 

serviteurs  du  i-oy  sont  bien  ses  amys  et  fort  affectionnez,  comme  il 
pourra  congnoistre  présentement.  Et  temps  pour  temps  à  l'advenvr, 
vous  verrez  de  me  recommander  en  la  bonne  grâce  du  seigneur  Pielro 
Pomaro  et  m'entretenyr  en  icelle,  et  le  pryer  de  nostre  part  ([uil  vueille 
bien  asseurer  ledict  seigneur  de  la  bonne  voullenté  que  je  luy  porte. 
Vous  me  ferez  bien  giant  plaisyr  de  m'advertyr  le  plus  souvent  que 
vous  pourrez  de  voz  nouvelles,  et  de  ma  part  je  ne  fauldray  à  vous 
faire  sçavoir  des  miennes... 

«  Je  vous  envoyé  une  coppye  d'une  lettre  de  Gennes,  laquelle  vous 
pourrez  communiquer  audict  Barberousse  sans  dire  le  lieu  d'où  vous 
l'avez  eue,  ne  pareillement  audict  Pomaro,  ne  à  homme  du  monde  ne 
le  ferez  sçavoir,  » 

Vol.  2,  f>^236  ,  copie  du  .wi^  siècle;  12  p.  in-f». 

PELLICIER   AU   CAPITAINE   POLIX  '. 

281.  —  [Venise],  23  septembre  1 541 .  —  «  Monsieur,  par  la  mienne 
darnière  du  xiiif  de  ce  moys  aurez  entendu  aulcuns  discours  que  l'on 
faisoyt  icy  de  l'empereur  et  son  frère,  touchant  le  malcontenteinent 
que  rAUemaigne  et  les  Terres  franches  avoyent  d'eul.v;  dont  ne  vous 
en  feray  aultre  répéticion,  estimant  que  pourrez  avoir  receu  mes  lettres 
avant  les  présentes,  mais  vous  diray  que  depuys  ay  receu  les  lettres 
deSébénico  du  dernier  du  passé,  ensemble  le  pacquet  pour  M.  d'Anne- 
bault  que  luy  ai  envoyé  le  jour  d'aprez  que  les  euz  receues,  qui  fut  le 
xviir  de  ce  moys.  Pareillement  ay  esté  présentera  ceste  Seigneurie  celle 
que  luy  escripviez.  A  laquelle  aprez  avoir  faict  bien  entendre  le  plus 
efficacement  que  j'ay  peu  la  grande  satisffalion  et  contentement  que 
aviez  du  bon  traictement  et  honneste  compaignye  qui  vous  ont  esté 
faictz,  tant  par  le  cappilaine  de  la  gallère  que  aullres  leurs  ministres, 
passant  par  leur  conté  de  Jarre  -,  et  aussi  par  M.  le  conte  de  Sébénico, 
les  en  ay  bien  humblement  remercyez  etofl'ert  de  vostre  part  que  là  où 
ilz  congnoistroyent  que  seriez  bon  pour  leur  faire  plaisyr  et  service, 
tant  générallement  que  particuUièremenl,  que  j'estoys  tout  asseuré 
que  nonobstant  le  commandement  que  en  aviez  de  S.  M.  de  l'acomplyr, 
comme  aussi  ont  tous  les  aultres  serviteurs  du  roy,  que  encores  de 
vous-mesmes  pour  l'inclination  et  grant  affection  que  y  avez,  en  vous 
en  advertissant,  vous  y  employeriez  de  très  bon  cueur.  Sur  quoy  m'ont 
dict  qu'ilz  en  sont  bien  asseurez,  et  qu'ilz  n'ont  point  trouvé  de  meil- 
leur ne  plus  seur  amy  que  le  roy.  Et  à  vous  dire  la  vérité  je  ne  les 

I.  «  Cedict  jour  fui  cscript  à  M.  l'arcevesque  de  Raguse,  au  seigneur  conte 
Marchior  Testa,  à  Sébénic.o;  au  seigneur  Pielro  Pomaro,  et  au  cappilaine  Cola 
Bunello.  » 

Le  comte  Melchior  Testa. 

i.  Zara. 


i32  AMDASSADE    DE  [SEPTEMBRE    154l] 

trouvé  jamais  on  inrilleuro  disposilioii  qu'ilz  sont  prùsonlemenl  envers 
S.  M.  Dont  ji'  croy  que  la  moindre  parolle  que  l'on  leur  escriproyt  du 
fousli'  lie  Iti  où  vous  estez,  suyvant  ce  que  ay  escripi  en  chiffre  par  ma 
dernirre  lettre  eomme  à  vous  <'t  à  messire  Vincenzo  Maj<gio,  leui-feroyl 
Iranclilr  le  saull,  eslans  Ijien  asseurez  que  tenant  le  parly  du  roy,  leur 
siM-a  trop  plus  nécessaire  et  prollilable  que  de  nul  aultre,  voyant 
l'anivlii'  «pii  est  entre  S.  M.  et  ledict  Grant  Seigneur.  De  laquelle  ay 
receu  lettres  du  dernier  du  passé  à  Jaliny',  contenant  en  somme  ce 
que  s'ensuyt  :  «  J'ay  advisé  combien  il  emporte  d'advertyr  le  Grant 
<i  Seigneur  de  l'armée  que  j'ay  dressée  sentant  sa  venue  en  Hongrye, 
«  tellement  que  j'ay  diverly  entièrement  l'armée  que  l'empereur  avoyt 
<«  préparée  contre  luy  et  icelle  attirée  sur  mes  espauUes;  dont  vous 
«  adverlyrez  Icùicl  Grant  Seigneur.  »  Qui  est  de  mot  à  mot  ce  que  l'on 
m'escript  :  par  quoy  ne  m'estenderay  à  vous  faire  aullres  discours  là- 
dessus,  sinon  que  vous  qui  estez  sur  les  lieux,  par  voslre  bonne  pru- 
dence et  dextérité  congnoistrez  et  sçaurez  trop  mieulx  ce  que  fera  à 
propoz  de  faire  ou  dire  pour  le  service  du  roy  que  ne  vous  sçauroys 
«scripre,  tant  sur  le  faict  de  cez  Seigneurs  que  aussi  sur  ladicte  lettre 
<Ju  roy...  » 

L'empereur  ayant  envoyé  Granvelle  au  pape  pour  le  prier  de  venir 
le  rejoindre  à  Lucques,  Sa  Sainteté  «  y  est  arrivée  six  jours  davant 
ledict  empereur,  sçavoir  est  le  viii*  de  ce  moys,  et  icelluy  empereur  le 
xiiii"=  *.  Je  ne  m'estenderay  à  vous  faire  aulcune  description  de  leurs 
sérimonyes  sinon  ce  que  M.  de  Rodez  m'escript  qui  est  que  aprez  avoir 

I.  Jali^-'ny,  l)Ourg  de  l'Allier,  ;i  ii  kilom.  de  La  Palisse.  Le  roi  s'y  trouvait  les  '29, 
"30,31  août  cl  1"  septembre  I5il  [Cat.  des  actes  de  François  1%  t.  IV,  pp.  234  et  238). 

i.  La  dépêche  de  Howard  à  Henry  YIIL  datée  de  Lyon,  le  1"^  octobre  1341,  donne 
de  pittoresques  détails  sur  l'entrée  des  souverains  à  Lucques  :  «  The  Bischo|ie  of 
Home  madc  bis  entre  ad  Lukes  the  8  ofseptcmber,  %vitho\vt  ony  grete  Iryumphe,  but 
after  this  sorte.  Hc  departid  abowte  none  frome  a  howsc  of  Bonvises  (lionvisi), 
within  a  myle  of  Lukes;  there  wcnt  afor  Hym  his  howshold,  rayed  ail  in  scarlet; 
after  them  the  ambassadors  of  Senia  (Sienne),  which  came  thyther  to  makc  reve- 
rens  iinlo  Hym:  Ihercwas  4  nf  lliem;afler  Ihcm  folowid  Ih'ambassadour  of  Venyse, 
and  of  his  lyfle  haiide  Ih'ambassadour  df  Flowrens:  Ihen  the  duc  of  Camerino, 
wilh  his  î,'cntlcmen  afore  hym;  and  the  duc  of  Ferrar,  likewise  with  his  gentlemen 
aforc  hym:  and  Ihcn  the  blessed  Sacrament  undcr  a  canapé  of  while  damaske; 
and  Ihen  llie  liishope  of  Rome  undcr  a  canapé  of  cremesyn  damaske;  then  folowid 
Hym  4  cardinals:  after  them  many  prellaites,  emongest  which  wasMons'de  Roodes 
[M.  de  Rodezj^lhii  Frenche  Kinges  ambassadour;  then  folowed  cerlen  horsemen  for 
the  savegardc  of  Hym,  and  certen  launceknighles  on  fote  abowte  Hym.  And  as 
Ile  cnlred  in  to  Lukes,  they  shoUo  many  goonnes,  and  there  was  dyvers  schot- 
chons  of  his  armes  seyl  u|»pe  in  sundry  places  having  thés  wurdes  wrilen  under 
neyth  them  :  Salve  iterwn,  certamque  Ilalis  fer,  Paule,  salulem.  After  this  He  was 
farycd  in  to  his  lodging  in  a  chaire,  with  gentlemen  of  the  towne  of  Lukes, 
^ryviiig  his  blessing  to  evory  body,  as  is  coustom  is  to  doo.  Your  Highnes  greate 
traitour  Cardynall  Pôle  was  not  Iherc. 

«  Th'Emprour  cntred  in  to  Luke  the  12"'  of  september,  and  was  reyceyvid  in  the 
•chyef  churchc,  whcre  He  mayd  afor  llic  Bischope  of  Rome  a  longe  oration  with 
i,'reat  humblenes  and  reverens;  and  so  rcytyred  Hymself  to  his  lodging  »  (Slate 
papers  of  Henry  VJH,  vol.  YHI,  p.  614). 


[septembre  i;i4i]  Guillaume  tellicier  433 

baisé  les  piedz,  puys  la  main,  cl  par  aprez  les  deux  juuu.s  du  >u  Sainc- 
teté,  luy  disl  estre  venu  vers  Elle  pour  luy  faire  enttuidre  les  hesoings 
et  affaires  de  la  chrestienté,  et  là-dessus  prendre  le  conseil  de  Sa  Sainc- 
telé,  pour  y  pourveoir  par  aprez  de  toutes  ses  forces.  A  quoy  lui  feist 
responce  qu'il  le  iremercyoit,  premièrement  du  bon  vouUoir  qu'il  avoyt 
aux  choses  de  la  religion  clireslienne,  offrant  de  luy  donner  tout  le 
meilleur  conseil  et  adviz  qu'il  pourroyt  imaginer  en  cest  endroict.  Et 
ce  faict,  icelluy  empereur  se  meist  en  une  chaire  joignant  celle  de 
Nostre  Sainct  Père,  et  aprez  que  toute  la  famille  dudict  empereur  eut 
baisé  les  piedz  de  Sa  Saincteté,  Elle  feist  les  pryères  et  oraisons  acous- 
tumées;  lesquelles  finies  se  départirent  tous  deulx,  s'en  allant  Sadicte 
Saincteté  en  la  maison  épiscopalle,  et  l'empereur  au  palays  de  la 
Seigneurie.  Et  le  landemain  commencèrent  à  négotier  ensemble,  mais 
l'on  n'a  encores  peu  bonnement  sçavoir  de  quelz  affaires.  Toutesfoys 
ad  ce  que  j'ay  entendu  d'aultres,  quelques  remonstrations  que  Sa 
Saincteté  et  plusieurs  ayent  sceu  faire  audict  empereur  pour  le  divertyr 
de  faire  Temprinse  d'Algier,  ne  l'en  ont  peu  garder  qu'il  ny  ait  mandé 
son  armée.  De  laquelle  a  faict  cappitaine  général  le  seigneur  domp 
Ferrand  de  Gonzagues,  vice-roy  de  Naples,  et  se  dict  que  l'empereur 
passera  en  Espaigne.  Dont  aulcuns  s'esmerveillent  fort,  s'il'est  ainsi, 
que  le  roy  luy  ayt  faict  signiflier  la  guerre  par  M.  de  Monnynes,  en  cas 
qu'il  ne  luy  voulsist  rendre  les  seigneurs  Rincon  et  Cézar  Frégose', 
attendu  que  par  quatre  barquerolz  eschappez  nouvellement  du  chasteau 
de  Pavye,  qui  avoyent  conduictz  les  assassins  lesquelz  ont  prins  losdictz 
seigneurs  Cézar  et  Rincon,  S.  M.  avoyt  entendu  iceulx  seigneurs  estre 
vifz.  Chose  de  quoy  cez  Seigneurs  ont  esté  adverliz;  mais  moy  je  n'en 
ay  rien  de  M.  de  Rhodez;  de  quoy  je  m'esbahys  bien  si  ainsi  est,  veu 
qu'il  m'avoyt  promys  par  la  sienne  du  xii"  de  ce  moys  de  m'advertyr 
de  ce  que  il  succéderoyt  pour  la  venue  dudict  seigneur  de  Monnynes  : 
duquel,  pour  estre  arrivé  sur  l'heure  qu'il  m'escripvoyt,  n'avoyt  encores 
eu  le  temps  d'eslre  informé  de  sa  commission.  Et  ay  enlendu  davan- 
taige  que  ledict  seigneur  de  Monnynes  a  protesté  audict  empereur  que 
s'il  ne  restituoyt  lesdictz  prisonniers,  que  il  avoyt  son  oncle  entre  ses 
mains  et  trente  aultres  gentilzhommes  espagnolz  ausquelz  feroyt  faire 
ce  qu'il  conviendroyt;  et  qu'il  ne  failloyt  plus  nyer  une  telle  et  si 
grande  meschanceté,  car  elle  estoyt  toute  notoire  àungchascun-.  Dont 
• 

L  D'après  G.  de  Leva  {Sloria  documciilala  di  Carlo  V,  18G7,  t.  111,  p.  455), 
Charles-Quint  refusa  d'entendre  personnellement  les  protestations  de  l'envoyé 
français;  il  se  contenta  de  déclarer  qu'il  s'en  remettait  à  la  décision  du  Saint-Siège, 
et  ordonna  toutefois  que  les  accusés  et  témoins  concernés  dans  cette  affaire  ne 
fussent  pas  embarqués  avec  les  soldats  de  l'armée  d'Afrique. 

.  2.  Lord  Howard,  écrivant  de  Lyon  à  Henri  VllI,  le  21  septembre,  dit  de  son 
côté  :  <•  Pleasith  Your  Majeslie  to  be  advertised  that  the  takynge  of  Fragoso  and 
Rançon,  wherof  I  advertysed  Your  Highnes  afor  [la  dépêche  est  perdue],  hatlie 
causyd  moch  busynes  towarde;  for  as  yet  the  King  can  not  hâve  them  reystored, 

Venise.  —  1540-1542.  28 


431  AMBASSADE    DE  [SEPTEMItKE    Ib4l] 

dicl  l'on  que  pour  cesle  cause  le  marquis  du  Guast  est  allé  en  poste  à 
Millau  pour  y  donner  ordre  de  bailler  assignation  à  tous  les  cappitaines 
lie  l'empereur  pour  esfre  payez  de  leurs  pensions  et  pour  faire  faire 
six  mil  hommes  de  pyed  et  cinq  cent  de  cheval;  mais  Ton  estime  que 
s'il  faict  lesdirtz  gens  de  cheval,  ne  fera  tous  ceulx  de  pied.  Je  ne 
veulx  ((Myer  à  vous  dire  que  la  pension  de  quarante  mil  escuz  qu'avoyt 
\o  duc  (jui  fut  de  Savoye  '  a  esté  rabbaisséc  par  l'empereur  à  vingt 
mil;  qui  est  Lieu  pour  luy  donner  occasion  de  n'estre  trop  contant  ne 
satisfaict  de  luy,  et  que  icelluy  empereur  a  aussi,  ainsi  que  l'on  m'a 
dicl,  jugé  le  différend  d'entre  monseigneur  le  duc  d'Urbin  elle  seigneur 
Loys  de  Gonzagues,  au  proftict  et  faveur  dudicl  de  Gonzagues:  qui  ne 
debvra  pas  donner  cause  audict  duc  d'Urbin  de  avoir  grant  dévotion 
envers  ledict  empereur....  » 

Vol.  2,  r»  236  v",  copie  du  xvi<^  siècle;  2  pp.  1/2  in-l». 


PELLICIER  AU  ROI  -. 

282.  —  [Venise],  35  septembre  1541 .  —  «  Sire,  par  les  miennes 
dernières  du  xiiir"  de  ce  moys  V.  M.  aura  amplement  esté  advcrtye  de 
tout  ce  que  avoys  peu  apprendre  lors.  Dont  estimant  qu'aurez  receu 

nor  perfecle  kno\vled;,'e  v.helher  they  be  a  lyve  or  <led.  Tiranswer  lliat  Mons'  <lc 
Tayse  [M.  de  Taix]  l)roughl  towchyng  the  same  was  this,  that  Ih'Emproure  was  not 
conscnlyng  nor  ycl  pryvey  6f  ther  lakynge.  nor  luid  no  knowledge  where  Ihey 
were,  but  yf  llie  Ivynge  cowlde  by  ony  iiieanys  Irye  wliere  Ihey  were.  Ile  wulde 
doo  thaï  laye  in  Hym  to  see  Ihem  reystored.  Yet  the  Kinge  thought  Hym  not  fully 
satysfied  witli  this  answcr.  and  so  kepith  slill  the  Dischope  of  Vallaunce  as  pri- 
soner.  And  mon  Ihynke  Ihat,  if  signor  Fragoso  and  Hancon  be  put  to  deathe,  thaï 
lie  shall  goo  Ihe  same  waye.  He  halhe  also  sent  another  gentleman  [M.  de  Molines] 
in  poste  to  Liike,  where  as  th'Emperour,  and  the  Bischope  of  Rome  be  appoyntid 
le  mete,  whirhe  shall  déclare  afor  the  Bischope  of  Rome,  in  the  presens  of  Ih'Em- 
prour,  suchc  injuries  as  the  Kinge  lialh  susleynid  in  the  taking  and  not  reysto- 
ryngc  ol  those  his  servaunles;  upon  wliose  reylourne  with  answer  the  Ivinge  yet 
reymaynith  abowte  Lyons,  hère  and  there  of  huntyng;  and  \ve  as  yet  therfor  not 
certayn  what  way  lie  \vill  lake.  This  ])resenl  daie  I  sjiake  with  Ih'Emprours 
imbassadour,  which  certyfyed  me  (liai  He  and  the  Bischope  of  Borne  were  ail 
redy  met  al  Lukcs,  and  that  th'Emperour  wulde  not  longe  tarry  in  Ihose  parties, 
but  lakc  his  jorney  with  his  army  in  to  AfTrike  »  {IbkL,  p.  r.06). 

El  il  ajoute,  le  1"  octobre  :  «  Sire,  hère  you  shall  reyceyve  suche  newes,  as  1  hâve 
lerne<l  silh  my  last  IcUer  lo  Your  Grâce.  Fursl,  how  that  a  gentleman,  callid  M.  de 
Boodis  [M.  de  Rodez],  ambassadour  resydent  with  the  Bischope  of  Rome  for  the 
Frenche  Kinge,  and  another  callid  M.  de  Moullyn,  which  as  I  wryltc  unto  Your 
Grâce,  was  afor  sent  frome  the  Frenche  Kinge  to  th'Kniprour.  and"  the  Bishop  of 
Rome  also  Ilymself  hâve  inslantly  labourcd  Ih'Emprour  for  the  restitution  of 
Rançon  and  signor  Fragoso;  but  y't  lytill  prevaillid.  Th'Emprour  gave  them  faire 
woordes,  saying  that  He  halh  sought,  so  moche  as  in  Hym  laye.  to  undersiand 
what  shulde  Itecome  of  them;  and  further  that,  if  lie  can  havc  knowledgc  of  them, 
He  will  rcystore  them.  Howbeyt  many  men  suppose  dowbteles  that  they  be  ded,  so 
thaï  .Mons'  Moullyn  is  reytourncd  lo  the  Kinge  with  that  answer  onlv  »  (Ibid.,  p.  613). 

1.  Charles  III. 

2.  «  Geste  dépesche  fut  baillée  au  seigneur  Piètre  Strocy.  » 


I  SEPTEMBRE    lil-tl  GUILLAUME    PELLICIER  435 

mes  lettres,  ne  vous  en  feray  aultre  répélicion  ;  mais  vous  diray  comme 
depuys  ay  receu  les  siennes  du  dernier  jour  daousl,  et  veu  ce  qu'il 
vous  a  pieu  nVescripre  on  chiffre  pour  faire  sçavoir  au  soigneur  cappi- 
taine  Polin,  ce  que  j'ay  laict.  Duquel  ay  receu  lettres  oscriplos  à  Séhé- 
nico  le  dernier  jour  d'aoust  avecques  ung  pacquet  adressant  à  monsei- 
gneur le  mareschal  d'Ânuebault;  par  lequel  à  mon  adviz  no  fault  à  vous 
escripre  le  progrez  et  succez  de  son  voyaige  jusques  audict  lieu,  ou 
pour  le  moings  à  mondict  seigneur  le  mareschal  qui  ne  fauldraà  vous 
le  faire  entendre.  Toutesi'oiz,  à  toutes  aventures,  si  n'ay-je  voullu 
obmettre  à  vous  faire  sçavoyr  en  brief  ce  qu'il  m'en  oscript,  c'est  que 
pour  avoir  eu  le  vent  contraire,  nonobstant  quelque  bonne  dilligence 
qu'ilz  ayent  sceu  faire,  n'a  peu  arriver  là  jusques  au  x.wiir.  Auquel 
lieu  a  esté  jusques  audict  dernier  jour  qu'il  debvoyt  partyr  jtour 
prendre  droict  son  chemyn  à  Gradisque  ',  qui  est  à  sept  journées  de  là, 
acompagné  de  bonne  scorte  et  cinquante  chevaulx  que  luy  ont  esté 
mandez  par  le  sangiacque  de  Bosna,  iiour  conduyre  et  porter  ses  gens 
et  présens  jusques  audict  Gradisque;  auquel  lieu  se  doibl  embarcquor 
sur  la  rivière  de  Sava,  qui  le  mettra  dedans  le  Danubio,  laissant  Bel- 
grade à  main  droicte  deux  journées.  Sur  lequel  Danubio  pourra  tous- 
jours  aller  seurement  jusques  là  où  sera  le  Granl  Seigneur,  où  il  espé- 
royt  estre,  moyennant  Tayde  de  Dieu,  dedans  quinze  jours  après  la 
datte  de  sadicte  lettre  pour  le  plus  tard.  Lequel  chemyn  est  plus  court 
de  XVI  ou  XVII  journées  que  celluy  de  Raguse.  Dont  doresnavant,  Sire, 
m'escript  qu'il  luy  semble  estre  le  meilleur,  pendant  que  le  Grant 
Seigneur  sera  en  ce  pays  où  il  est  de  présent,  adresser  ses  pacquetz 
audict  Sébénico  pour  me  les  faire  tenyr,  et  que  le  semblable  ay-jo  à 
faire  :  ce  que  feray  s'il  vous  plaist  que  ainsi  soyt  faict. 

«  Sire,  j'ay  aussi  veu  ce  qu'il  vous  a  pieu  m'escripre  louchant  la 
Myrandola.  Sur  quoy  encores  que  vous  aye  escript  par  cy  davant  bien 
amplement  de  tout  ce  que  a  esté  faict,  ce  néantmoings  pour  vous  le 
clariffier  encores  mieulx  et  m'en  descharger,  ne  craindray  à  vous  on 
faire  encores  sçavoir  le  plus  briefvement  qu'il  me  sera  possible.  Et 
mesmement  comme  acomplissant  le  commandement  qu'il  vous  pleut 
me  faire  par  la  vostre  du  xi*^  may,  d'envoyer  ung  homme  à  la  Myrandola 
pour  veoir  faire  l'exploicte  de  six  mil  escuz  que  V.  M.  avoyt  ordonnez 
estre  employez  en  bledz  au  temps  que  le  seigneur  conte  de  la  Myrandola 
adviseroyt,  et  depuys  par  aultres  lettres  du  vu'  juillet,  m'est  commandé 
d'ensuyvre  ce  que  premièrement  m'en  avoyt  esté  escript.  Parquoy  en 
estant  rechairché  dudict  seigneur  conte,  y  ay  mandé  ung  de  mes  gens 
avecques  ledict  argent,  duquel  a  esté  employé  la  somme  de  ...*  en 


1.  Hradiska.  ou  lîerbir,  ville  de   Bosnie  siliiéc  sur  la  rive  droite  de  la   Save,  en 
face  de  Vieux-Gradiska,  ville  de  Hongrie. 

2.  Le  chifTre  est  resté  en  blanc. 


430  AMBASSADK    DE  «EPTFMRUE    15ili 

achapl/  closdirl/  hloil/.;  i-l  la  resle  csl  il(.'in('inM:'e  entre  ses  mains,  ainsi 

qu'il  niainl»Mioyl  cslre  nrdoniu'  on  allendant  la  rommodilé  de  para- 

cliover  ladirtc  »Mn|)loi(rte,  Et  dopuys  ay  recou  aultres  lettres  de  V.  M. 

du  wr  du  passé,  ino  faisant  entendre  que  voulliez  qu'il  fusl  employé 

parlye  desdictz  six  mil  escuz  au  payement  des  Iroys  cens  hommes  que 

entendiez  eslre  mys  de  renfort  en  la  Myrandola  pour  le  temps  qu'il 

seroyl  besoin};  durant  le  passai^o  de  l'emperour  en  Ilallye;  et  l'aullre 

partye   en  acliaptz  de   municions.  Laquelle    chose,   Sire,   ayant    faiel 

entendre  audict  seigneur  conte  le  plus  amyablemenl  et  efiicacemenl 

qu'il  rn'a  esté  possible,  est  entré  en  grande  coUère,  et  de  faict  sans 

avoir  égard  au  temps  ne  à  sa  personne,  est  monté  à  cheval  et  s'en  est 

venu  en  cesle  ville  pour  nous  faire  telles  protestacions  qu'il  avoyt  jà 

faicles  à  noz  gens,  et  nous  <lisl  des  propoz  que  pourrez  mieulx  entendre 

par  aullre  que  par  moy,  allégant  que  les  six  mil  escuz  luy  avoyent  este 

députez  et  commyz,  et  non  à  moy,  et  que  je  n'avoys  de  m'empescher 

sinon  à  venir  faire  Texploicte,  comme,  à  dire  la  vérité.  Sire,   aussi 

n'ay-je,  comme  apert  par  la  teneur  de   vosdictes   lettres  cy-dessus. 

Dont,  le  voyant  ainsi  tempesteret  fascher,  feusmes  d'adviz,  le  seigneur 

Pietro  Strocy  et  moy,  pour  ne  le  mettre  en  plus  grande  fascherye,  de 

luy  rembourser  mit  cent  escuz  qu'il  avoyt  employez  au  payement  de 

demy  moys  des  gens  de  pied  :  ce  que  fut  le  moings  que  Ton  peult,  car 

il  ne  tint  pas  à  luy  que  avecques  ses  cryeries  on  ne  luy  baillast  encores 

mil   cent  huiclante  escuz   pour   certaines  municions  qu'il  dict  avoir 

acheplées,  ainsi  que  V.  M.  pourra  veoir  par  le  mémoire  que  je  luy  en 

envoyé  présentement  et  que  pourrez  sçavoir  amplement  par  ledict 

seigneur  Strocy,  présent  porteur.  Qui  me  gardera  vous  en  dire  davan- 

taige  pour  ne  vous  attédier. 

«  Sire,  j'ay  esté  adverty  que  cez  Seigneurs  ont  eu  lettres  de  leur 
ambassadeur  prez  du  roy  Ferdinande,  par  lesquelles  ont  entendu 
comme  icelluy  roy  luy  avoyt  tenu  propoz  de  leur  voulloir  vendre  la 
conté  de  (îoricia ',  sous  laquelle  est  contenue  Maran  *,  Trieste  et 
aultres  villes  à  eulx  voysines,  et  de  bien  grant  importance,  comme 
pourrez  entendre  par  les  porteurs;  mais  ce  n'est  pas  sans  leur  voulloir 
faire  trouver  bon,  que  on  estime  estre  pour  la  commodité,  qu'il  leur  en 
pourroyt  revenyr  plus  que  à  nul  autre,  car  il  n'en  demande  pas  moings 
d'arrivée  de  cinq  cens  mil  escuz.  Laquelle  chose  cez  Seigneurs  ont 
mise  au  conseil  de  Diexe,  pour  veoir  s'ilz  y  debvoyent  entendre  :  ce 
qu'ilz  doublent  grandement,  craignant  de  desplaire  au  Grant  Seigneur 
pour  fournyr  argent  à  son  enQcrny.  Lequel  Grant  Seigneur,  ainsi  que 
cez  Seigneurs  ont  esté  adverliz,  aprez  la  descontîtte  et  routte'  du  camp 


1.  Gorilz. 

2.  Marano. 

3.  Deslruclion,  déroute,  du  lal.  rupla. 


[octobre    liiilj  (iUILLAUME    PELLICIER  437 

de  Ferdinando,  dépescha  iing  grant  nombre  de  gens  et  chevanix  pour 
aller  droictà  Vienne  ',  s'allendaiil  bien  remporter,  pour  eslre  despour 
veue  de  municions  et  n  avoir  dedans  que  mil  hommes  et  six  pièces  d'ar- 
tillerie; mais  en  ce  temps  là  il  avoyt  tant  pieu  que  les  eaues  vindrent  si 
grosses  qu'il/,  ne  peurent  passer,  et  leurent  contrainclz  s'en  revenyr 
jusquesà  Bude.  Dont  depuys  l'on  a  entendu  que  le  roy  Ferdinando  y 
a  mandé  deux  mil  hommes  de  secours,  lesquel/  se  tiennent  es  environs 
de  ladicte  ville,  ne  voullans  entrer  dedans,  s'il/,  n'y  sont  conli-ainct/., 
et  ce  pour  la  peste  que  l'on  dict  yostre  fort  grande.  Pareillement  avons 
entendu  ici  que  ledict  Grant  Seigneur  estant  entré  en  Bude,  la  royne  de 
Hongrye  se  présenta  à  luy  avecques  son  petit  filz,  lesquels  il  veit  très 
vouUentiers,  et  feit  bon  recueil,  et  feit  loger  dedans  le  chasleau 
avecques  luy;  et  que  les  barons  et  seigneurs  du  pays  supplyèrent 
ledict  Grant  Seigneur  de  voulloir  laisser  el  mainctenyr  ledict  enfant 
roy  ainsi  qu'il  avoyt  pieu  à  Sa  Haultesse  le  confirmer  selon  leur  cslec- 
tion,  et  les  laisser  vivre  selon  qu'ils  avoyent  tousjours  faict  jusques  à 
présent,  en  gardant  et  observant  leurs  privilièges,  loix  et  ordonnances 
qu'ilz  ont  de  tout  temps.  A  quoy  ledict  Grant  Seigneur  feist  responce, 
quant  audict  jeune  enfant,  que  il  n'estoyt  en  eaige  de  povoir  gouverner 
ne  administrer  ung  tel  royaulme,  et  qu'il  y  vouUoyt  mettre  ung  gou- 
verneur. Sur  quoy  lesdiclz  seigneurs  respondirent  que  son  plaisyr  fust 
voulloir  laisser  ledict  gouvernement  à  ladicle  royne  et  ses  conseillers. 
A  quoy  ledict  Grant  Seigneur  respondil  qu'elle  estoyt  jeune,  et  qu'il 
failloyt  qu'elle  se  remariast  ailleurs;  par  quoy  y  voulloyt  mettre  ung 
gouverneur  :  et  de  faict  l'a  envoyée  avecques  sondict  fdz  en  ïransil- 
vania.  Et  qu'il  avoyt  faicl  responce  au  roy  de  PouUongne,  qui  luy 
avoyt  escript  luy  voulloir  mander  sa  fille  et  la  faire  bien  acompaigner 
et  traicter  ainsi  que  la  trefve  et  ligue  qu'estoyt  entre  eulx  le  requé- 
royt,  qu'elle  seroyt  aussi  bien  traictée  où  il  la  mandoyt  qu'elle  pourroyt 
eslre  avecques  luy,  et  qu'il  ne  s'en  soulcyast  aullrement.  » 

Vol.  2,  1'^  237  y",  copie  du  xvi'^  siècle;  2  pp.  3/i-  in-f^. 

PELLICIER  AU  >IÈ.ME. 

283.  —  [Vonse],  6  octobre  1341.  —  «  Sire,  la  signora  Constanza, 
femme  du  seigneur  Cézar  Frégose,  s'estant  tousjours  adressée  et  con- 
fyée  à  moy  pour  les  afl'aires  de  sa  maison,  sçaichant  l'affection  que  je 
porte  à  icelle  pour  avoir  congneu  ledict  seigneur  tant  dévot  et  afTec- 
tionné  serviteur  de  V.  M.,  à  présent  estant  clarilRée  ^  de  la  piteuse  et 
cruelle  fin  de  sondict  feu  mary,  s'est  deslibérée  retirer  vers  V.  M.  et 
gecter  à  ses  piedz.  Dont  m'a  pryé,  comme  l'ung  de  voz  très  humbles 

1.  Le  copiste  a  écrit  ••  Bude  »,  par  erreur. 

2.  Éclaircie,  renseignée. 


438  AMBASSADK    DK  'OCTOIUIE    1541^ 

et  lii'S  obéyssîins  servilours,  lii\  voulloir  donner  la  présenlL",  laquelle, 
encores  que  soys  bien  asseuir  n'fn  avoir  uulcun  besoin^,  ce  néant- 
nioings  pour  luy  satisfaire  en  tout  ce  que  puys,  m'a  semblé  ne  luy  la 
dcbvoir  «Icsnyer  pour  vous  suppiycr,  Sire,  que  voslre  bon  plaisyr  soyt 
la  voulloir  preudn'  en  voslre  bonne  et  singullière  protection  et  ses 
pouvrcs  enfans  aussi,  ainsi  que  par  voslre  bonté,  piété  et  miséricorde 
estes  acoustumé  faire,  non  seuUement  à  voz  allectionnez  serviteurs 
comme  il/,  sont,  mais  encores  à  toutes  personnes  désoUées  :  vous 
asseurant,  Sire,  que  la  chose  a  esté  trouvée  tant  horrende  et  inpye 
qu'il  n'v  a  homme  qui  n'en  soyt  anltant  scandalisé  que  de  chose  que 
l'on  ayl  ov  parler  icy  long  temps  y  a.  Jay  enlin  tant  faict.  Sire,  que  ay 
recouvert  ung  de  ces  barcquerolz  qui  avoyt  esté  forcé  et  contrainct 
ctmdnvre  les  assassins.  Lequel  est  escliappé  des  prisons  de  Pavye  que, 
pour  avoir  encores  eu  hersoir'  bien  tard,  n'ay  bonnement  eu  loysir  le 
faire  interroger  juridicquement;  mais  entre  aultres  choses,  m'a  dict 
qui-  icculv  pouvres  seigneurs  furent  incontinent  et  d'arrivée  tuez  en  la 
barcque,  et  que  luy-mesmes  fut  forcé  les  porter  hors  là  auprès  en  une 
petite  isle,  où  ont  esté  trouvez  leurs  dépostz.  Dont  peult  assez  claire- 
ment apparoir  la  machinacion  avoir  esté  telle,  et  commandement  si 
exprez  de  leur  mort,  qu'ilz  estoyenl  jà  ad  ce  destinez  et  livrez  avant 
que  avoir  esté  trouvez  et  prinz.  Et  peult  l'on  comprendre  que  ad  ce  y 
a  la  grant  part  le  marquiz  du  Guast  s'il  est  vray,  ainsi  que  cedict  barc- 
querol  dépose,  que  lesdictz  meurtriers  disoyent  avoir  ce  faict  par  com- 
mandement d'icelluy  marquis.  Je  suys  après  pour  entendre  quel  moyen 
et  forme  je  doibz  tenyr  pour  le  faire  examiner  plus  auctenticquement 
qu'il  sera  possible,  affin  de  povoir  servyr  à  perpétuelle  mémoire;  et 
davantaige,  pour  plus  grande  approbation  verray  si  le  pourray  mander 
â  M.  de  Langey,  pour  en  faire  par  delà  telle  information  qu'il  cong- 
noistra  estre  nécessaire.  » 

Vol.  2.  r^  239,  copie  du  xvr'  siècle;  I  p.  l/4in-f°. 


PELLICIER   A    LA   REINE    DE   NAVARRE. 

284.  —  [Venise],  6  octobre  i  54  i .  —  Recommandation  en  faveur  de 
la  veuve  de  Cesare  Fregoso. 


Vol.  2,  fo  239  v»,  copie  du  xvi"^  siècle;  3/4  p.  in-f^. 


1.  Hier  au  soir. 


[octobre    1H41_  GUILLAUME   PELLICIER  439 

PELLICIER   A    MM.    CHABOT   ET   d'ANNEBAULT   ET   AU   CARDINAL  DE   TOCUNON'. 

285.  —  [Vetiise],  6  octobre  1 54 1 .  —  Recomniandalion  en  faveur  di- 
Costanza  Frcgosa  -. 

VoL  -1,  fo  240,  copie  du  \\\^-  siècle;  3/t  p.  in-f^'. 


PELLICIER   AU   CAPITAINE  JMJLIN  3. 

286.  —  yVenisu],  G  octobre  1 .')  1 1 .  —  «  Monsieur...,  l'empereur  se 
paptyt  le  xxv"  de  Lucques,  pour  s'en  debvoir  aller  embarcquer  à  la 
Spetia  ^  et  le  pape  le  jour  d'après  pour  venir  à  Bonlongne  ^;  au  parle- 
ment desquelz,  selon  ceulx  qui  s'empeschent  d'estre  de  leur  secrect  (qui 
n'a  esté  qu'entre  eulx  deux),  fut  premièrement  parlé  de  concilie.  Sur 
quoy  fut  assez  débattu,  mais  il  n'y  eut  aulcune  conclusion;  et  fut 
ordonné  qu'elle  se  feroyt  à  Boullongne  :  qui  a  esté  la  cause  d'avoir 
faict  retenyr  Grantvelle  avecqucs  Sa  Saincteté.  En  après  fut  parlé  de 
l'alTaire  des  seigneurs  Cézar  Frégose  et  Rincon,  pour  lequel,  comme 
vous  ay  escript,  le  roy  avoyt  mandé  M.  de  Monnynes;  mais  jamais 
l'empereur  ne  luy  a  voullu  donner  audience,  ne  que  on  traictast  *de 
ceste  matière  davant  luy.  Dont  en  fut  disputé  devant  Sa  Saincteté  par 
M.  de  Rhodetz  et  ledict  seigneur  de  Monnynes  de  la  part  de  S.  M.,  et 

1.  «  Lellre  commune  à  messeiyneurs  r.ulmyral,  d'Annebaull  et  cardinal  de  Tour- 
non,  chascun  à  part  soy,  (ludicl  Vl"  octobre  XLL  » 

2.  Gesare  Fregoso  laissait  quatre  fils  :  Cesare,  Annibale,  Galeazzo  et  Giano. 

Les  deux  plus  jeunes  furent,  dés  la  fin  de  Ui41,  attachés  au  service  du  roi,  et 
particulièrement  à  la  personne  d'Orazio  Farnese,  alors  âgé  d'une  quinzaine  d'années, 
fils  naturel  de  Pielro-Aloysio  Farnese,  et  petit-fils  de  Paul  111,  qui  venait  d'être 
envoyé  par  le  pape  à  la  cour  de  France,  en  novembre  1541,  pour  y  faire  son  api)ren- 
tissage  des  aflaires. 

Galeazzo  devint  plus  tard  comte  de  Muret,  gentilhomme  de  la  chambre,  capitaine 
de  cinquante  hommes  d'armes  et  chevalier  de  Saint-Michel.  Giano,  que  le  roi  venait 
de  gratifier  d'une  abbaye  vacante  par  la  mort  de  Jean  de  Langeac,  —  sans  doute 
celle  de  Fontfroide  au  diocèse  de  Narbonne  dont  Fregoso  eut  la  commende,  - 
occupa  par  la  suite  le  siège  épiscopal  d'Agen,  de  septembre  looo  au  10  octobre  158G, 
date  de  sa  mort  (V.  State  papers  of  Henry  VIII,  vol.  VIII,  pp.  C3S  et  648). 

En  décembre  lo4G,  à  Gompiègne,  des  lettres  de  naturalité  furent  décernées  en 
faveur  de  Costanza  Uangona  Fregosa,  et  de  Cesare  son  lils  aine,  en  réeompense  des 
services  rendus  au  roi  par  leur  feu  mari  et  père  {Cat.  des  actes  de  François  I"',  t.  V, 
p.  160,  n"  15,488). 

Déjà,  le  27  décembre  1.Ï43,  des  lettres  de  main-levée,  données  à  Fontainebleau  en 
faveur  d'Anne  Jouvant,  la  veuve  de  Rincon,  avaient  assuré  à  celle-ci  la  jouissance 
viagère  de  la  chàtellenie  de  Gcrmolles,  précédemment  concédée  à  son  mari  (W., 
t,  IV,  p.  53G,  n"  i-2,'601).—  Le  31  mars  154o,  par  lettres  datées  de  la  liourdaisièrc, 
une  somme  de  2.),G'J2  livres  tournois  fut  assignée  aux  enfants  du  malheureux  Rincon, 
en  dédommagement  des  pensions  et  concessions  de  terres  faites  à  leur  père  (/(/.  itjid, 
p.  729,  n»  14,392). 

3.  «  Ceste  dépesche  fut  envoyée  par  Maillard  jusques  à  la  Porte.  » 

4.  La  Spezzia,  ville  et  port  important,  commerçant  et  militaire,  situés  au  fond 
du  golfe  de  ce  nom,  à  84  kilom.  de  Gênes. 

5.  Bologne. 


440  AMBASSADE   DE  [OCTOBIIE    1541j 

de  oellf  dudict  cmpert'ur  i>ar  Icdicl  Tiranlvelle  el  le  marquis  de  Lan- 
guillare  '.  Kl  Cul  Tnicl  inslauce  parlesdictz  seigneurs  de  Monnynes  el  de 
liliodelz,  de  par  iedi<'t  sei},'neur  roy,  (jue  lesdiclz  seigneurs  Cézar  el 
hincun  hiy  l'eussent  renduz,  aliénant  qu'ilz  debvoyenl  eslre  en  la  puys- 
sance  de  lenipereur,  attendu  quilz  avoyenl  esté  prins  par  ses  niinis- 
Ires  ainsi  (|u'il  esloil  1res  bien  prouvé  par  le  procès  qui  esloit  enlrc  les 
mains  de  Sa  Sainctelé;  par  lequel  aparessoyt  avoir  élé  examinez  ung 
Espagnol  qui  se  Ireuva  au  fait  de  la  prinse,  el  Iroys  barcquerolz  de 
ceulx  qui  avoyenl  conduictz  les  assassins,  qui  esloyonl  eschappez  de 
la  prison  où  avoyenl  esté  mys  avecques  Icsdiclz  seigneurs  Cézar  el 
Rincon.  Sur  quoy  fut  très  bien  nyé  par  ledicl  Granlvelle  ce  avoir  esté 
l'aict  par  commandement  ne  consentement  dudict  empereur,  et  qu'il 
n'en  sçavoit  aulcune  chose,  et  qu'il  estoyt  prest  â  jurer  el  faire  tel  ser- 
ment qu'il  plairoyl  à  Sa  Sainctelé.  A  quoy  fut  respondu  que  où  il  y 
avoyl  certainelé  du  faict  de  quoy  se  agissoyt,  qu'il  ne  failloyl  poincl 
de  serment,  el  qu'il  faisoyt  entendre  à  Sa  Sainctelé  de  la  i»arl  de  S.  M. 
que  si  cez  hommes  ne  se  trouvoyent,  qu'il  seroyl  contrainct  s'en  res- 
cenlyr  avecques  efîectz  de  parolles  et  de  armes.  Sur  quoy  ledicl  Granl- 
velle respondil  que  l'empereur  les  vouldroyt  avoir  d'or  en  la  chambre, 
pour  les  bailler  au  roy;  à  quoy  fut  réplicqué  que  S.  M.  ne  les  désiroyt 
d'or,  mais  de  chair  et  en  esprit.  Et  ainsi  la  chose  demeura  sur  voulloir 
faire  le  sermant  par  ledicl  empereur,  et  sur  avoir  prouvé  l'affaire  par 
ledicl  seigneur  de  Rhodelz.  En  après  fut  faict  grant  instance  par  l'empe- 
reur qu'il  pleust  à  Sa  Sainctelé  luy  donner  subside  contre  le  Grant  Sei- 
gneur; et  environ  le  qualriesme  jour  qu'ilz  feurent  ensemblement  y 
arriva  ung  secrétaire  du  roy  Ferdinande,  qui  feit  semblable  demande 
à  Sadicle  Sainctelé,  apportant  lettres  de  créance  du  premier  sep- 
tembre, narrant  tout  le  désordre  de  la  routte  du  camp  dudict  roy,  sup- 
plyanl  qu'il  fust  donné  mode  de  povoir  résister  aux  forces  dudict 
Grant  Seigneur.  Auquel  fut  respondu  eu  parolles  généralles  par  Sadicle 
Sainctelé;  néanlmoings  l'on  estime  qu'elle  donnera  quelque  ayde  qui 
pourra  eslre  de  décimes  en  Espaigne,  ou  bien  de  deniers  ou  de  gens, 
mais  avecques  telle  réputacion  que  il  mandera  ses  gens  en  quelque 
part  que  ledict  empereur  vueillo  faire  cnireprinse.  Et  n'a  failly  ledicl 
empereur  rechaircher  Sa  Sainctelé  de  faire  quelque  lygue  nouvelle 
avecques  elle;  mais  il  en  a  eu  telle  rcsponce  que  de  cez  Seigneurs, 
c'est  de  n'y  voulloir  entendre  pour  le  présent.  Et  Sa  Sainctelé  doibt 
mander,  mais  qu'elle  soyt  à  Boullongne  vers  le  roy,  comme  l'on  m'a 
dicl,  le  ...*,  pour  refférer  à  S.  M.  la  teneur  de  leur  parlement. 

«  Monseigneur,  faisant  la  présente,  nous  sont  venues  les  certaines 
el  maulvaises  nouvelles  des  seigneurs  Cézar  el  Rincon;  car  jay  receu 


1.  Le  marquis  de  Aguilar. 

2.  Le  nom  est  resté  en  blanc. 


[octobre    la4l]  GUILLAUME   PELLICIER  4U 

lettres  de  monseigneur  de  Langey  comme  cerlaineineut  ilz  sont  morts. 
Et  jà  le  corps  dudict  seigneur  Cézar  a  esté  porté  à  Castel-Geoffroy,  et 
celluy  dudict  seigneur  Rincon  à  Plaisence,  où  ledict  seigneur  de  Langey 
a  mandé  ung  secrétaire  du  roy  nommé  Vecqueria  avecques  instruc- 
tions et  commission  pour  faire  interroguer  de  cest  affaire  aulcunsbarc- 
querolz  qui  conduysoyent  les  assassins,  qu'on  dict  estre  arrivez  à  Plai- 
sence, escliappez  des  prisons.  Lesdictz  pouvres  seigneurs  ont  esté 
trouvez  morts  auprès  le  lieu  où  ilz  furent  prins.  Je  vous  laisse  penser 
la  horrende  cruaulté  que  ceulx  entre  les  mains  de  qui  ilz  estoyent  leur 
ont  usée,  et  vous  puys  bien  asseurer  qu'il  n'y  a  celluy  de  bon  juge- 
ment par  deçà  qui  ne  croye  très  bien  n'avoir  esté  tuez  ainsi  soubdaine- 
ment  par  ceulx  qui  les  prindrenl;  mais  que,  voyant  l'empereur  le  roy 
en  faire  telle  instance,  affin  que  ladicte  meschanceté  si  grande  ne  feust 
sceue  ne  descouverte  les  a  faictz  ainsi  mourir  cruellement  et  puys 
porter  audict  lieu.  Je  prye  Nostre-Seigneur  que  vueille  avoir  leurs  Ames. 
Il  n'y  a  point  de  nouvelles  que  l'empereur  soyt  encores  embarcqué,  ne 
est  pour  ce  faire  qu'il  ne  voye  quelle  résolution  le  roy  prendra  après 
avoir  esté  certiffié  de  la  fin  de  sesdictz  serviteurs  ainsi  califfiée,  et 
pense  de  le  desguyser;  et  semblablement  qu'il  n'aye  veu  si  le  roy 
vouldra  prendre  la  pasture  que  l'on  estime  ledict  empereur  avoir 
moyenne  par  le  pape  que  le  roy  se  vueille  abocquer  à  Thurin  avecques 
Sa  Saincteté  pour  ce  pendant  gaigner  temps,  et  mettre  en  jallousye  les 
amys  du  roy,  et  mettre  en  suspeçon  d'une  croisade  universelle  de  toute 
la  clirestienté  contre  le  Grant  Seigneur.  J'espère  que  le  roy  congnoistra 
et  pourveoyrra  mieulx  à  tout  cela  que  pourroit  porter  empeschement 
à  cez  affaires  que  nous  ne  sçaurions  adviser.  Si  est-il  que  l'empereur 
pensera  faire  de  cecy  son  proffîct,  à  tout  le  moings  d'estre  excusé  de 
ne  faire  l'entreprinse  d'Alger  en  personne,  et  demeurer  tout  cest  yver 
en  Itallye  comme  j'ay  tousjours  esté  d'adviz;  attendu  mesmement  que 
le  temps  est  si  tard,  et  il  le  reculle  davantaige,  et  que  sou  armée  n'est 
pas  encores  bien  preste,  et  au  contraire  Algier  est  bien  muny  de  bas- 
tions, gens  et  municions,  pour  bien  le  recepvoir  et  à  ung  besoing, 
comme  l'on  dict,  luy  aller  au  davant.  Il  me  sembleroyt  chose  superflue 
de  vous  recommander  le  présent  porteur,  estant  bien  asseuré  que  pour 
venir  du  lieu  d'où  il  vient  et  avecques  telle  charge,  qu'il  ne  sçauroyt 
estre  que  le  bien  venu...  » 
Vol.  2,  f»  2U),  copie  du  xvi"=  siècle;  2  pp.  3/4  iu-f'^. 

PELLICIER  A   M.   DE   SÉBÉNICO  *. 

287.  —  Venise,   10  octobre    1 54 1 .  —  Recommandation  en   faveur 

1.    En  italien.  —  «  Geste  dépesche  fut  i)ailléc  à  Sainct-Pol  allant  vers  le  Grant- 
Seigncur.  » 
Giovanni-Lucio  Stafileo,  évoque  de  Sébenico,  de  1328  à    1537. 


442  AMKASSADK    DE  [OCTOHUE    i54l] 

(lu  prieur  de  Sainl-Pol,  aumônier  ordinaire  du  roi,  ami  particulier  du 
cardinal  de  Lorraine,  se  rendant  dans  le  Levant  pour  les  afVaiies  de 
Sa  Majesté. 

Vol.  •_',  r*  iU  y^,  copie  du  xvi<^  siècle;  3/4  p.  iii-C'. 

J'ELUCIER    A   MEI.CIIIOR   TESTA,   A   SÉHÉMCO '. 

288.  —  Venise,  10  octobre  1 54 1 .  —  Recommandation  en  faveur  du 
prieur  de  Saint-l*ol. 

^■<>l.  -J.  r*  2'r2.  copie  du  xW^  siècle;  1/3  p.  in  P. 

l'ELLICIER   AU   CAPITAINE   POLIN  '. 

289.  —  [  {''//«.se],  10  octobre  1511.  —  «  Monsieur...,  le  X-Wiii";  du 
passé  l'empereur  s'embarcqua  à  la  Spetia,  pour  aller,  ainsi  qu'il  faict 
couryr  hruict,  mettre  à  exécution  s'il  peult  son  entreprinse  d'Alger; 
mais  il  ne  l'ut  pas  trop  avant  en  mer  qu'il  ne  fut  contrainct  retourner 
pour  le  vent  qu'il  eut  contraire.  Ce  néantmoings  cela  ne  dura  pas  long 
temps,  car  le  xxix°  reprint  son  voyaige,  où  l'on  estime  qu'il  ne  fera  pas 
graut  fruict,  pour  les  raisons  que  je  vous  ay  escriptes  dernièrement...  » 

Vol.  2,  f"  242,  copie  du  xvi"  siècle;  3/4  p.  in-f\ 

PELLICIER   AT'   Rdl  ^ 

290.  —  [Venise],  1.2  octobre  1 541 .  —  «  Sire,  encores  que  à  mon 
advis  V.  M.  congnoisse  très  bien  le  seigneur  conte  Ludovico  Rangon, 
présent  porteur,  et  soit  trop  mieulx  informée  de  ses  bonnes  parties  et 
quallite/.  que  ne  vous  sçauroys  deschiffrer,  ce  néantmoings  s'en  voiil- 
lant  aller  accompaigner  sa  sœur  la  signora  Constanza,  et  aussi  vers 
vous  offrir  son  service,  et  m'ayant  requis  luy  faire  la  présente  pour 
vous  donner  informacion  de  luy,  m'a  semblé  ne  la  luy  debvoir  desnyer, 
et  vous  porter  tesmoingnage  de  la  bonne  voullenté  que  luy  ay  tous- 
jours  eongneue,  depuys  que  suys  icy,  avoir  à  vostre  service....  Et 
davantaige.  Sire,  je  vous  puys  bien  dire  que,  avec  la  bonne  voullenté 
qu'il  en  a,  il  a  pareillement  bien  bons  moyens  de  la  mettre  à  exécution, 
pour  avoir  bon  crédict  et  grandes  intelligences  en  ce  pays  icy,  ainsi 
que  plus  au  long  V.  M.  pourra  entendre  de  luy  :  qui  me  faict  croyre 
que  s'il  vous  jdaira  luy  commander  quelque  chose  en  cest  endroict, 
qu'il  ne  fauldra  s'y  employer  très  bien  et  loyallement.  » 

Vol.  2,  f«  2i2  v°.  copie  du  xvi'  siècle:  3/4  p.  in-f°. 

i.  En  italien. 

2.  -  Par  Saincl-Pol.  » 

15.  «  En  faveur  du  seif-'neiir  conle  Ludovico  Hangon  auquel  fui  donnée  la  présente.  » 


i OCTOBRE    l'6i\]  GUILLAUME   PELLICIER  443 


PELLIGIER  A   M.    DE   I.ANCIEV'. 

291.  —  [Venise],  13  octobre  1541.  —  «  Monseigneur,  je  croy  tiue 
pourrez  très  bien  penser  que  estant  au  lieu  où  je  suys,  à  la  grant  pryèrr 
et  requeste  de  plusieurs  serviteurs  du  roy  qui  sont  icy,  ay  esté  sou- 
vent contrainct  vous  escripre  en  leur  faveur  et  de  leurs  amys  :  ce  que 
j'ay  faict  trop  plus  de  foys  que  n'eusse  bien  vuullu.  Ce  néantmoings, 
estant  icy  le  seigneur  cappilaine  Polin,  receusmes  de  vous  une  lettre 
avecques  ung  petit  billet  de  papier  escript  en  chiffre,  contenant  que  si 
quelques  bons  souldars,  jusques  à  deux  cens,  se  trouvoyent  par  deçà, 
que  en  les  vous  envoyant  on  leur  donneroyt  party.  Et  après  avoir  rai- 
sonné de  cela  bien  amplement  avecques  ledict  seigneur  Polin,  et  de  la 
quantité  des  gens,  me  confirma  que  quant  ilz  iroyent  bien  deux  foiz 
aultant,  que  tous  auroyent  bon  party  et  que  Ton  feroyt  chose  agréable 
au  roy  et  à  vous  :  qui  a  esté  occasion  que  trop  plus  hardiment,  depuys, 
vous  en  ay  escript  que  auparavant.  Et  entre  aultres  par  ung  Gioan 
André  de  Bergamo  -,  le  congnoissant  fort  affectionné  et  avoir  quelque 
moyen  de  faire  service  au  roy;  la  quallilé  duquel  ledict  seigneur  Polin 
trouva  telle  qu'il  fut  d'aviz  de  l'envoyer  et  escripre  pour  luy.  Mais  à 
présent  que  ay  entendu  par  celle  que  m'avez  envoyé  par  luy  du  v"  de 
ce  moys  telles  adresses  vous  estre  ung  si  grant  fardeau,  désirant  servyr 
à  voz  commoditez  en  toutes  choses,  aultant  que  homme  du  monde, 
doresnavant  je  m'engarderay  très  bien  de  vous  donner  telles  charges  : 
ce  que  n'eusse  faict,  n'eust  été  pensant  faire  service  au  roy  et  à  vous 
plaisyr,  estimant  bien  aussi  que  le  nombre  desdictz  deux  cens  hommes 
ne  fust  encores  complect,  dont  je  vous  prye  m'en  avoir  pour  excusé, 
ainsi  que  le  tout  faisoys  à  bonne  fin. 

«  J'ay  tant  faict  que  j'ay  trouvé  moyen  d'avoir  entre  mes  mains,  tou- 
tesfoiz  et  quantes  que  je  vouldray,  ung  des  barcquerolz  qui  conduy- 
soyent  les  assassins;  dont  je  vous  prye  m'advertyr  bien  au  long  et  par 
le  menu  des  poinctz  sur  lesquelz  vouliez  et  est  besoing  qu'il  soyt  exa- 
miné; car,  à  l'aventure,  l'interrogeant  ainsi  générallement,  pourroyt 
dire  des  choses  qui  ne  feroyent  pas  trop  à  propoz.  Par  quoy  vous 
plaira  le  plus  tost  m'envoyer  les  articles,  et  me  faire  entendre  si 
vouliez  qu'il  s'en  aille  par  devers  vous;  car,  comme  l'on  m'a  dict  et 
asseuré,  il  fera  tout  ce  que  aulcuns  qui  l'ont  en  leurpovoir  luy  diront. 
Je  vous  veulx  bien  dire  que  je  me  suys  conceillé  à  aulcuns  praticiens 
de  ceste  ville  et  affectionnez  à  faire  service  au  roy  si  je  pourroys  le 
faire  examiner  quant  il  sera  entre  mes  mains  juridicquement  et  auten- 

1.  ■•  Par  ung  soiildarl  recommandé  par  le  seigneur   Fietro  Corse.  • 

•2.  Gian-Androa  de  Bergame,  capitaine  italien  au  service  de  la  France.  II  fut  chargé, 

en  1547,  d'une  mission  diplomatique  en  Angleterre  (V.  Desjardins,  Négociât,  de  la 

France  avec  la  Toscane,  t.  III,  p.  212). 


.ii4  AMBASSADE    DE  OCTOBni-    {[l'ti 

licquemont;  mais  j'ai  trouvé  que  il  y  aura  granl  dillicultc  que  cesle 
Seigneurie  permelle  qu'il  y  soyl  enlriMuise  sou  auclhorité,  attendu  que 
le  ras  n'a  esté  eoininys  en  leur  jurisdielion  :  dont  je  vous  prye  adviser 
00  qui  sera  le  meilleur  de  faire  et  m'en  advorlyr,  afliu  dacomplyr  ce 
«jue  m'eu  maudere/..  J'espère  vous  escripre  dedans  quatre  ou  cinq  jours 
plus  amplement  des  nouvelles  de  deçà....  » 

Vnl.  J.  f"  2m,  copie  <lu  wi"  siècle;  1  p.  i/î  ill•^^ 

i'i:i.i.u:iLi{  A  M.  u'ANNEn.vri.T  '. 

292,  —  [Venise],  19  oclobvc  1  o-l I .  —  «  Monseigneur,  tant  pour  avoir 
esté  pryè  d'aulcuns  miens  amys  et  gens  à  qui  je  désire  grandement 
faire  plaisyr,  que  aussi  pour  cognoislre  depuis  quelque  temps  ung 
pouvre  jeune  homme  nommé  René  de  Bonneau,  à  mon  jugement  de 
bonne  nature  et  qualité,  vous  ay  bien  voulhi  escripre  en  sa  faveur, 
m'ayant  laiet  entendre  comme  pour  quelque  ligière  faulte  à  luy  inter- 
venue plus  par  inadvertance  que  par  malice,  ne  se  ose  à  présent  trouver 
au  pays  ainsi  que  plus  amplement  pourrez  avoir  esté  informé;  à  ceste 
cause  vous  ay  bien  voullu  supplyer,  Monseigneur,  attendu  ([uil  m'a 
faicl  entendre  sa  liberté  deppendre  soubz  vostre  grâce  et  miséricorde, 
<{ue  vostre  bon  plaisyr  soit  le  luy  vouUoir  octroyer  et  concéder,  alïin 
qu'il  puysse  retourner  par  delà  continuer  le  service  qu'il  avoit  desjà 
commencé  de  faire  au  roy,  vous  faisant  ceste  pryère  d'aultant  ])lus 
voullentiers  qu'il  m'a  asseuré  que  en  ce  dont  il  est  question  n'avoir 
■esté  intéressé  aultre  que  luy.  » 

Vol.  i,  ["  2i3  v",  copie  du  xvF  siècle;  1/2  p.  in-f'\ 

PELLICIER  AU   ROI  -. 

293.  —  [Venise],  26  octobre-1 541 .  —  «  Sire,  estant  icy  sollicité  de 
plusieurs  voz  afTeclionnez  et  très  humides  serviteurs  vous  faire  entendre 
leur  l)onne  et  ancienne  voullenté,  n'ay  peu  no  m'a  semblé  dcbvoir  faillyr 
entre  les  aultres  vous  advertyr  de  la  grande  et  affectionnée  servitude 
que  vous  porte  le  seigneur  Francesco  Beltrame,  ainsi  que  suys  adverty 
par  effect  l'avoir  très  bien  monstre  du  temps  que  MM.  de  Lavaour  et 
Rhodez  esloyent  icy,  en  faisant  plusieurs  bous  et  grans  services;  en 
récompense  desquelz  à  l'instance  dudict  seigneur  de  Rhodez  avoit  pieu 
à  V.  M.  luy  ordonner  quelque  provision,  de  laquelle  ce  néantmoings  n'a 

1.  «  Esrript  codicl  jour  à  .MM.  de  Langoy  et  président  de  Tlimin  en  faveur  dmlict 
René  lioncau,  ainsi  ijne  est  contenu  aux  mynutes.  » 

2.  -  Au  roy,  du  XXVI'  d'octol)re  XLI,en  faveur  du  seigneur  Francesco  Beltrame.— 
Cedicl  jour  fut  cscri|)l  à  messeignours  radmyrail,  et  maresclial  d'.Vnneliauit.  en 
faveur  «ludict  seigneur  P"rancc§co  iJellrame,  ainsi  que  est  contenu  au.x  mynutes.  » 


>» 


[OCTOBUE    ib4i]  GUILLAUME    PELLICIER 

jamais  joy  ne  usé.  Toutesfoiz  n'a  laissé  de  persévérer  vu  U)uL  cl  parloiil 
où  il  a  congneu  faire  chose  concernant  voslredicl  service,  depuys  que 
suys  icy,  ainsyque  ay  escript  plusieurs  foiz  :  de  quoy,  Sire,  me  semble 
faire  le  debvoir  à  présent  vous  advertyr  pour  eslre  bien  à  propoz  de 
l'entretenyr  à  vostredict  service,  comme  celluy  duquel  Ton  peull  avoir 
beaulcoup  de  bons  adverlissements  et  aultres  commoditez,  et  mesme- 
ment  en  temps  de  guerre,  pour  avoir  grandes  pralicques  et  menées 
avecques  groz  personnaiges  de  ce  couslé,  ne  désirant  aultre  seuUement 
que,  attendu  le  long  temps  qu'il  y  a  qu'il  s'est  du  tout  adonné  à  voslre 
service,  avoir  quelque  honneste  couUeur  et  moyen  de  cstre  estimé  tel 
de  tout  le  monde,  s'en  recommandant  très  humblement  à  vostre  bonne 
grâce.  » 

Vol.  2,  fo  243  v",  copie  du  xvi°  siècle;  i/2  p.  in-f. 

PELLICIER  AU   MÊME    '. 

294.  —  [Venise],  i  5-37  octobre  1 54 1 .  —  Pellicier  a  reçu  de  Vincenzo 
Maggio  des  dépêches  sans  grande  importance.  «  Qui  a  esté  cause,  dit- 
il,  de  me  faire  demeurer  si  longuement  sans  vous  escripre,  m'atten- 
dant  aussi  de  jour  en  jour  quelques  nouvelles  de  l'arrivée  près  du 
Grant  Seigneur  de  M.  le  cappitaine  Poulin,  pour  vous  faire  sçavoir; 
mais  depuys  ayant  reccu  aultres  lettres  de  messirc  Vincenzo  Maggio, 
des  XX  et  xxiiii"  jours  de  septembre  avecques  ung  pacquet  pour  V.  M.,, 
m'a  semblé  vous  le  debvoir  envoyer  incontinent,  ne  me  faisant  rit-n 
entendre  davantaige  que  ce  qu'il  vous  escript,  sauf  que  ayant  détenu 
son  pacquet  depuys  le  xx^jusques  au  xxiiii''  septembre,  attendant  ung 
courrier  qu'il  avoit  mandé  à  l'encontre  dudict  seigneur  cappitaine  Polin 
pour  avoir  quelques  nouvelles  de  luy,  arriva  ledict  jour  icelluy  courrier 
qui  luy  avoit  dict  que  à  ceste  heure  là  icelluy  seigneur  cappitaine  povoit 
estre  avecqiies  ledict  Grant  Seigneur,  ayant  faict  aultre  chemyn  que 
celluy  de  Belgrade,  duquel  lieu  ledict  messire  Vincenzo  ne  bougeroit, 
pour  ce  que  ledict  Grant  Seigneur  y  debvoit  eslre  de  retour  dedans 
VIII  jours  de  là.  Et  m'escript  aussi  que  icelluy  Grant  Seigneur  avoit 
liccntié  le  seigneur  Laski  -,  qui  est  bien  au  contraire  de  la  promesse 
que  avoit  esté  faictc  par  cy  davant,  comme  vous  a  escript  ledict  messire 

1.  <<  Au  roy,  du  XV  d'octobre,  retenue  jusques  au  XXVII'  dudict;  envoyée  par 
S.icquelto.  —  Escript  cedict  jour  à  M.  de  la  Uoclie,  comme  appert  en  unp  mémoire 
estant  dedans  les  mynutes.  Escript  aussi  à  M.  (h^  Boys-Rigault  et  à  Laurens  Charles, 
et  à  M.  Bayard.  La  présente  dépesche  fut  envoyée  au  roy  par  le  seigneur  Sacquello.  - 

Gilbert  Bavard,  seigneur  de  la  Font,  secrétaire  d'État  et  général  des  finances,. 
beau-fils  do  Florimond  I''  Robertet.  H  fut  chargé  de  plusieurs  missions  diploma 
tiques  auprès  de  l'empereur  et  prit  i)art  nolainnienl  aux  négociations  du  traité  de- 
Crépy,  conclu  avec  Charles-Quint  le  18  septembre  lo44. 

2.  Laski,  malade  et  toujours  prisonnier  à  Belgrade,  fut  rendu  à  la  liberté  par 
Suleyman,  à  son  retour  de  Bude. 


446  AMIiASSAlU:    DH  OCTOBRE    lo41, 

Viiuonzo  :  c'osl  (iiie  le  siicccdz  qui  advicndroil  au  seigneur  Rincon,  le 
seinldahle  auroil  ledicl  Laski  ;  mais,  comme  dict  ledicl  messire  Vincenzo, 
il  n'y  a  pas  granl  lianco  en  ces  gens  là  où  ilz  veoyent  loucher  leur  prof- 
(icl  parlicullier.  Ledicl  (Jranl  Seigneur  a  mandé  icy  ung  ambassadeur, 
pour  se  allégrer  seullenienl  avecques  cez  Seigneurs  de  sa  vicloire,  sans 
commission  ne  charge  de  dire  aullre  chose.  Je  Tay  envoyé  visiter 
secrellcnuMil,  el  faict  quelque  pelyl  présent  de  choses  mangealives 
seullemenl,  pour  ce  que,  ainsi  que  jay  esté  adverly,  n'est  qu'ung  chaoux 
de  basse  quallité  et  crédict  à  la  Porte;  et  l'ayant  faict  gouster  pour 
sçavoir  aulcunes  nouvelles  de  delà,  n'asceu  dire  aullre  sinon  qu'il  avoil 
entendu  par  les  chemyns  en  venant  que  ledicl  seigneur  cappilainc 
Tolin  esloil  arrivé  vers  ledicl  Granl  Seigneur. 

«  Sire,  le  xxi.V  du  passé  arriva  icy  Maillard,  secrétaire  de  M.  de  lioys- 
rigault,  avecques  lettres  de  son  maistrc  seullemenf,  m'escripvant  avoir 
receu  lettres  de  V.  M.  pour  faire  tenyr  à  messire  Vincenzo  Maggio  le 
plus  seuremenl  qu'il  seroyt  possible.  Dont  à  ceste  cause  avoil  dépesché 
ledicl  Maillard  pour  les  porter  audict  messire  Vincenzo,  me  priant  luy 
vouUoir  donner  la  meilleure  et  plus  seure  adresse  que  verroys  eslre 
nécessaire  :  ce  que  j'ay  faict,  l'ayant  adressé  à  Sébénigo  pour  faire  le 
chemyn  que  avoyl  prins  ledicl  seigneur  cappilaine  Polin,  attendu  qu'il 
m'avoit  escript  estrc  le  plus  court  de  quatorze  ou  quinze  journées,  ayant 
escript  à  M.  l'évesque  de  Sébénigo,  qui  est  bien  de  voz  amys  et  fort  aflec- 
lionné  à  vous  faire  service,  qu'il  luy  pleusl  luy  donner  toute  faveur, 
ayde,  support  el  conseil  qu'il  congnoislroyt  ledicl  Maillard  avoir 
besoing.  Et  le  semblable  ay-je  faict  à  deux  aullres  de  Sébénigo  :  l'ung 
est  ung  abbé,  frère  de  Moral,  vayvoda  de  la  Bosna,  jougnant  au  conté 
dudicl  Sébénigo  ',  etl'aullre  ung  nommé  Marchior  ^,  pour  ce  que  ledicl 
seigneur  Polin  m'escript  avoir  eu  grande  faveur  et  courtoisye  d'eulx, 
et  qu'ilz  se  sont  monstrez  fort  affectionnez  à  vous  faire  service.  Ledicl 
Maillard  fut  conlrainct  par  le  maulvais  temps  sesjourner  icy  jusques  au 
VF  de  ce  présent  avant  que  se  mettre  en  chemyn.  El  peu  après  arriva 
aussi  icy  M.  de  Saincl-Pol  avecques  lettres  de  \.  M.  auquel  pareille- 
ment n'avons  failly  donner  la  meilleure  compaignye  d'ung  de  nos  gens 
et  plus  seure  adresse  qu'il  nous  a  esté  possible  povoir  adviser  et 
penser.  Et  avons  esté  d'advis,  pour  la  nouvelle  que  avons  eue  du  par- 
lement du  Granl  Seigneur  de  Bude,  eslre  le  meilleur  aller  descendre  en 
terre  jusques  à  Raguse,  bien  que  je  n'ay  failly  d'escripre  encores  à 
Sébénigo  aux  dessusdiclz,  affin  que  selon  qu'il  trouvera  là,  advise  de 
prendre  tel  chemyn  qu'il  congnoistra  eslre  le  meilleur  el  plus  court 
pour  aller  la  part  où  sera  ledicl  Granl  Seigneur. 

«  Sire,  j'ay  entendu  par  ledicl  Saincl-Pol  la  bonne  souvenance  qu'il 

1.  Morato  de  Sébénico  ou  Mouiail,  officier  rcni'fzal  passé  au  service  de  la  Porte  et 
devenu  sandjak  de  lîosnie. 

2.  Le  comte  Melcliior  Testa. 


[octobre    lijil]  GUILLAUME   PELLICIER  i^T 

plaist  à  V.  M.  avoir  d'ung  si  bas  et  pelyt  serviteur  (luo  je  liiy  suys, 
m  ayant  faict  ung  tel  bien  qui  certainement  estoyl  assez  sullisant  pour 
récompencer  l'ung  de  voz  anciens  et  plus  grans  serviteurs,  bien  vous 
puys-je  asseurer,  Sire,  que  à  peyne  entre  les  mains  d'ung  plus  dévot 
ne  afiectionné  n'eussiez  sceu  coUocquer  voslre  béneflice  '  :  dont  très 
humblement  en  remercye  V.  M.,  espérant  puysqu'il  y  a  lieu  si  à  propoz 
pour  jardinaiges,  le  faire  bien  garnyï-  de  toutes  les  bonnes  et  rares 
choses  qui  se  pourront  recouvrer  et  entretenyr  audict  lieu,  qui 
pourra  servir  de  pépinière  à  vostre  beau  sans  comparaison  Fontaine- 
bleau. 

«  Sire,  l'on  faict  courir  bruict  icy  que  il  y  avoyt  quelque  tresve 
secrette  entre  le  roy  Ferdinande  et  le  Grant  Seigneur,  jusques  à  la 
Sainct-George  -,  laquelle  l'on  dict  icelluy  roy  avoir  vouilu  celler,  esti- 
mant tirer  secours  d'argent  de  Nostre  Sainct  Père;  mais  en  ayant  Sa 
Saincteté  entendu  quelque  vent,  luy  a  offert  bailler  seuUement  les  gens 
de  guerre  qu'il  tenoit  sur  le  Parmesan  et  Plaisentin  :  qui  sont  environ 
quatre  mil  hommes,  ainsi  que  V.  M.  pourra  avoir  entendu  de  voz 
ambassadeurs  près  Sadicte  Saincteté.  Quant  au  voyaige  de  l'empereur, 
Ion  a  eu  icy  lettres  de  Palerme,  comme  le  vice-roy  de  Sicille  estoyt 
retourné  à  Trapanni  avecqucs  huict  galières  fort  mal  en  ordre  pour  le 
maulvais  temps;  desquelles  en  avoyt  deux  hors  d'espoir  de  jamais  faire 
service,  et  les  aultres  faisoyt  racoustrer,  pour  le  plus  lost  reprendre 
son  voyaige.  Ledict  vice-roy  vint  jusques  à  la  veue  de  Majorica  ';  mais 
ung  si  maulvais  temps  le  surprint  qu'il  ne  peult  jamais  abborder  l'isle, 
et  le  print  si  fort  à  la  traverse  et  si  loing  qu'il  ne  retrouva  meilleur  ne 
plus  près  que  se  rendant  audict  Trapanni.  Et,  ainsi  que  m'ont  dict  plu- 
sieurs gens  qui  congnoissent  le  navigaige  de  la  mer  Méditerrane, 
attendu  le  temps  qu'il  a  faict  en  ceste  mer  Adriaticque  ilz  estiment 
ledict  empereur  avoir  eu  très  maulvais  temps  pour  aborder  en  ceste 
coste  d'Algier.  Et  mesmement  ung  cappitaine  qui  est  à  mon  logeis, 
lequel  est  fort  praticien  de  ce  pays  et  mer  de  delà,  pour  avoir  esté 
douze  ou  quinze  ans  esclave  plus  domeslicque  de  Barberousse.  Je  croy 
que  V.  M.  aura  bien  entendu  comme  l'empereur  avoyt  laissé  quelque 
nombre  de  galières  à  la  Spetia,  et  son  médecyn  pour  le  seigneur  duc 
de  Camerin  ',  lequel  se  retrovoyt  indisposé  du  parlement  dudict  empe- 
reur, affin  que,  se  retrouvant  en  convalescence  de  povoir  résister 
contre  la  marine,  le  deust  suyvre,  l'ayant  faict  chef  des  gens  à  cheval 


1.  Sans  doute  l'abbaye  des  Echarlis  au  diocèse  de  Sens,  rlonl  la  rommendc  avait 
été  attribuée  à  Pellicier,  à  la  mort  de  Jean  de  Langeac,  qui  en  «•lail  liliilaire. 

2.  Le  23  avril. 

3.  Majorque. 

4.  Ottavio  Farnese.  Ce  ne  fut  que  neuf  ans  après  l'assassinat  de  son  i)ère,  en  1556, 
qu'Oltavio  Farnese  put  jouir  en  pai.x  de  l'héritage  paternel,  sur  lequel  il  régna 
jusqu'en  1586,  date  de  sa  mort. 


448  AMbASSAl'E    DE  [OCTOIUIE    lU4l] 

à  ceslc   c'uli-eprinse;  mais    cncori's  iiavons  nouvelles  icy  quil   soyl 
cniltaicqué. 

«  Sire,  j'ay  recou  lettres  d'ung  Tierre  IViinart,  qui  est  à  Constanli- 
nople,  du  xiiir  de  passé,  par  l.'squclk's  m'adverlisl  larmée  du  Grant 
Seigneur  se  pn-parer  eu  grande  tliliigence,  et  que  desjà  esloyent  sor- 
lyes  dehors  plus  de  vingt  gallères,  et  se  jugeoyt  par  delà  que  Barbe- 
rousse  partyroit  de  brief  avecques  le  reste  de  l'armée  qui  seroit  en 
loul  de  plus  de  iiii"  gallères,  bien  ([ue  l'on  disoyt  que  ledict  Barbe- 
rousse  allendoit  eommandement  dudiet  Grant  Seigneur  avant  que  se 
partyr.  l'.t  par  lettres  que  ces  Seigneurs  en  ont  aussi  eues  du  xvi"  de 
leur  ambassadeur  Badouare,  ont  entendu  ledict  Barberousse  se  debvoir 
partyr  résolument  le  xx"  dudiet  moys  passé  avecques  xxxv  ou  XL  gal- 
lères, et  quarante  aultres  qui  piéçà  estoyent  dehors,  et  environ  cin- 
quante ou  soixante  l'ustes  de  Mores  qui  se  debvoyenl  joindre  avecques 
luy,  tous,  ainsi  qu'on  entend,  fort  bonnes  gens  de  guerre  par  mer. 
Dont  ces  Seigneurs,  ayant  ceste  nouvelle,  ont  longuement  discouru  en 
leur  pregay  sur  l'enlreprinse  du  voyaige  de  l'empereur,  considérant  le 
temps  de  son  parlement  de  la  Spetia  du  xxix"^  dudiet  moys  passé,  cal- 
cullant  que  depuys  là  pourroyt  avoir  demeuré  cinq  ou  six  jours  avant 
que  d'arriver  à  Maiorica,  et  que  là,  pour  assembler  le  reste  de  son 
armée  tant  de  Sicille  que  d'Espaigne  et  ordonner  absolument  de  son 
parlement  pour  Algier,  pourroyt  mettre  quatre  ou  cinq  jours  pour  le 
moings.  El  depuys  Maiorica  laisoyenl  compte  qu'il  pourroyt  mettre 
aultres  cinq  ou  vi  jours,  qui  sont  en  tout  dix-sept  ou  dix-huict  jours 
pour  aller  jusques  à  Bugia  ',  où  l'on  estime  plus  commodément  se 
povoir  désembarcquer  et  faire  marcher  son  armée  par  terre  jusques  au- 
dict  Algier,  n'en  povanl  aprocher  plus  près  seurement  par  eaue.  Que 
si  ledict  Barberousse  prend  son  chemyn  vers  Algier,  comme  l'on  estime 
([u'il  fera,  qu"il  pourra  arriver  audict  lieu  assez  à  temps  après  que 
ledict  empereur  seroyt  désembarcqué  pour,  trouvant  l'armée  dudiet 
empereur  ainsi  peu  pourveue  de  gens,  l'en  pouvoir  despouiller  et  l'em- 
porter, et  par  ce  moyen  le  priver  de  tout  ayde  et  secours  de  victuailles 
et  d'espoir  d'estre  rescours  en  pays  si  estrange  et  ennemy  de  la  chres- 
tienlé,  et  en  temps  d'iver.  Ce  sont  discours  et  jugemens  que  l'on  faict 
icy,  lesquelz.  Sire,  ne  semblent  point  du  tout  hors  de  propoz;  bien  que 
aultres  estiment  que  l'afiaire  d'Algier  ne  touche  tant  ledict  Grant  Sei- 
gneur, par  le  commandement  duquel  ladicte  armée  sort,  qu'il  doibve 
entreprendre  ung  si  grant  voyaige  de  troys  mille  lieues  en  la  pire 
saison  de  l'année,  et  la  mettre  en  ce  hasart  et  dangier  de  mer,  et  d'une 
armée  si  grande  que  ceste-là  de  l'empereur.  L'ambassadeur  duquel 
faict  entendre  à  qui  le  veult  oyr  que,  à  la  dissuasion  et  prière  du  pape 
et  aultres  ses  plus  grans  et  chers  amys  et  serviteurs,  ne  fera  ledict 

1.  Bougie,  à  IT"  kilom.  d'Alger,  sur  la  Méditerranée. 


[octobre    1541]  GUILLAUME    PELLICIER  449 

voyaige  d'Algier  en  personne,  ce  que  est  facille  k  croire,  allendu  ladicle 
saison.  L'on  verra  avecques  le  lemps  ce  qu'il  en  succédt'ra,  mais 
l'advis  et  oppinion  de  la  plus  grant  parlye  est  qu'il  ne  fera  |)as  aisé- 
ment chose  de  grant  efficace. 

«  Sire,  icelluy  ambassadeur  dict  que,  aprî.'s  la  protestation  faicte  à 
Boullongne  audict  empereur  par  MM.  de  Rhodez  et  Monnynes,  icelluy 
empereur  se  retira  en  sa  chambre  tout  seul,  et  vous  escripvit  une  lettre 
plaine  de  si  bons  propoz  et  de  telle  efficace  que  l'on  peult  eslre  tout 
asseuré  que  V.  M.  ne  vouldroyt  faire  aulcune  chose  désagréable  audict 
empereur,  et  que  il  congnoist  vostre  bonté  eslre  si  grande  que  non 
seuUement  audict  empereur,  mais  à  la  moindre  personne  du  monde,  ne 
vouldriez  chaircher  de  faire  aulcun  desplaisyr;  n'ayant  doubtc  ne 
craincte  de  dire  davantaige  que,  toutes  foiz  et  quantes  qu'il  plaircjyt  à 
l'empereur,  qu'il  feroyt  de  vous  comme  il  faisoyt  de  son  gang  '  qu'il 
tenoit  en  sa  main.  J'entendz  aussi  que  luy  etlesaullresTmpériaulx,  tantà 
Gennes  que  ailleurs,  disent  que  le  congé  qu'il  vous  a  pieu  accorder  aux 
Gennevoys  -  de  trafficquer  à  présent  en  vostre  royaulme  estoyt  signe 
certain  des  bonnes  intelligences  qui  estoyent  en  Vosdictes  Majestez. 

«  Sire,  j'ay  aussi  esté  adverty  comme  le  seigneur  Marin  Juslinian, 
qui  jadiz  fut  ambassadeur  de  cez  Seigneurs  près  de  V.  M.  et  k  présent 
vers  l'empereur  ^,  luy  tenant  propoz  icelluy  empereur  des  choses 
d'estat  de  la  chrestienté,  et  en  quel  poinct  estoyt  de  présent,  ledict 
ambassadeur  luy  demanda  congé  de  luy  povoir  dire  aulcunes  parolles 
sans  que  S.  M.  s'en  faschast  ne  printà  mal;  et  ce  qu'il  luy  voulluyt  dire 
n'estoyt  point  comme  ambassadeur,  mais  comme  particulier  et  de  luy 
mesmes  :  ce  que  ledict  empereur  luy  permist.  Dont  icelluy  ambassa- 
deur commença  à  luy  dire  qu'il  estoyt  luy  seul  cause  de  la  perte  et 
ruyne  de  la  chrestienté,  chairchant  voulloir  attirer  et  avoir  tout  à  soy, 
sans  avoir  esgard  que  à  son  proffict  particullier.  Et  mesmement  en 
ceste  Itallye  ;  car  ne  luy  suffisoyt  d'avoir  déboutté  V.  M.  de  la  duché  de 
Millan,  mais  encores  la  retenyr  en  ses  mains  contre  les  accordz  et 
pactions  faictz  avecques  les  princes  et  seigneurs  de  cestedicte  Itallye. 
Et  nommément  de  ceste  Seigneurie,  estant  tenu  la  mettre  en  main 
tierce,  et  que  s'il  eust  ce  faict,  l'on  estime  que  V.  M.  n'y  eust  faict  telle 


1.  Gant. 

2.  Génois.  —  Les  lettres  accordant  au.K.  Génois  la  permission  de  voyager,  séjourner 
et  trafiquer  dans  le  royaume  étaient  datées  du  15  septembre  loi!  (V.  Cal.  des  actes 
de  François  1",  t.  IV,  p.  239,  n°  12,109). 

3.  Marino  Giustiniani,  ambassadeur  en  France,  puis  à  la  cour  impériale.  La  rela- 
tion de  son  ambassade  en  France,  datée  de  1335,  a  été  publiée  par  Tommasco  et 
par  .\lbéri;  sa  mission,  dit-i!  lui-même,  avait  duré  quarante-cinq  mois. 

Marino  Giustiniani  avait  été  d'abord  attaché  à  l'ambassade  de  Sebastiano  Gius- 
tiniani, son  père,  en  Angleterre,  de  liilo  à  1319.  Il  fut  lui-même  ambassadeur  en 
France,  de  1333  à  1535;  puis  successivement  envoyé  cà  la  cour  de  Ferdinand  et  à 
celle  de  Charles-Quint. 

Venise.  —  1540-1542.  29 


450  AMBASSADE   DE  [OCTOBKE    154l] 

conlredictiun,  ains  à  lavenlure  la  luy  eust  laissée  en  paix  aussi  bien 
que  feisles  au  dernier  duc  Francesco  Sforce.  De  laquelle  chose  ledict 
empereur  s'est  rescenly  et  prins  si  fort  à  mal  qu'il  a  oscript  à  son 
ambassadeur  qui  est  icy  qu'il  eust  à  s'en  plaindre  de  sa  part  à  la 
Seigneurie,  luv  remonslranl  les  audacieux  et  gros  propoz  que  luy 
avoyl  tenu/,  ledict  ambassadeur,  en  leur  inthymant  qu'il/  eussent  à  le 
révocquer;  ou  bien  luy  remonstrer  de  sorte  quil  ne  luy  advint  jamais 
plus  user  de  telle  arrogance,  mais  considérer  mieulx  à  qui  et  comment 
ilz  dcbvovenl  parler.  Lequel  ambassadeur,  après  s'estre  conseillé  à 
quel(iue  ung  de  ses  amys  s'il  debvoyl  laire  telle  ambassade  à  ladicte 
Seigneurie,  a  esté  advisé  n'eslre  à  propoz;  car  cez  Seigneurs  ne  le 
trouverovent  pas  bon,  attendu  qu'ilz  ne  sont  d'aultre  adviz  ne  juge, 
ment  en  ce,  que  ledicl  ambassadeur,  et  que  pour  cela  leur  sembleroyt 
n'estre  raison  le  remonstrer  ne  aultrement  chastier.  Bien  l'en  pour- 
rovent  advertyr,  et  de  la  quallité  que  ledict  empereur  lavoyt  prins  : 
qui  pourroyt  faire  que  ledict  ambassadeur,  voyant  enaigry  ledict  empe- 
reur contre  luv,  seroyt  pour  faire  de  jour  en  jour  plus  maulvais  ofiice. 
Parquoy  ledicl  ambassadeur  de  l'empereur  n'a  proposé  encores  telle 
chose,  ains  s'en  est  premièrement  excusé  à  l'empereur.  Je  verray  d'en- 
tendre ce  qu'il  s'en  ensuyvra,  et  s'il  y  aura  lieu  de  vous  en  advertyr, 
je  ne  fauldrav  incontinent  à  ce  faire. 

«  Sire,  je  croy  que  V.  M.  aura  bien  esté  advertye  comme  le  marquis 
du  Guast  liève  en  ceste  Itallye  cinq  cens  hommes  de  cheval;  ce  néant- 
moings  n'av  voullu  laisser  à  vous  escripre  les  noms  des  cappitaines  qui 
baillent  argent  pour  ce  faire;  sçavoir  est  le  seigneur  Charlo  Gonzaga, 
Hieronimo  Silva,  Federico  da  Dovara,  Petro  da  Porto,vigentin,  Her- 
cules Martinengo,  bressan  '.  Et  quant  à  ceulx  de  la  subgection  de  ceste 
Seigneurie,  j'ay  entendu  qu'elle  leur  a  faict  defTendre,  non  seullement 
de  offryr  leurs  personnes,  mais  encores  de  faire  en  leurs  terres,  aulcun 
amas  de  gens  sur  certaines  et  grosses  peynes,  et  mesmement  audict 

Martinengo. 

«  Sire,  attendant  de  jour  en  jour  que  le  seigneur  Sacquetto  présent 
porteur  se  deust  partvr,  ainsi  quil  m'avoyt  asseuré,  pour  aller  vers 
vous,  avoys  faict  la  présente  dépesche  dès  le  xv«  de  ce  moys;  ce  néant- 
moings  m'e  remettant  toujours  de  demain  en  demain,  pour  n'estre  du 
tout  dépesche  de  ceulx  à  qui  il  avoyt  affaire,  m'a  retenu  jusques  à  ce 
jourd'huy  xxvii%  pour  aullant  que  n'ay  plus  telle  commodité  de  envoyer 
mes  paquetz  par  les  gens  de  pied  que  M.  de  Langey  me  soulloyt 
envoyer,  et  que  seurement  par  la  voye  de  Thurin  ne  sçay  par  qui  les 

\    Carlo  di  Gonzaga,  Girolamo  Silva,  Federigo  da  Dovara,  Pietro  da  Porto    gen- 
tilhomme vicentin,  Ercole  Martinengo,  gentilhomme  du  pays  de  Brescia,  capitaines 
aUens  au  service  de  Tempereur.  Ce  dernier  était  cousin  du  comte  Giorg.o  Marti- 
nengo  que  nous  rencontrerons  plus  loin  (V.  Desjardins,  Négociations  de  la  France 
avec  la  Toscane,  t.  111,  pp.  "1  et  118). 


[novembre    lo4d]  GUILLAUME    PELLICIER  43I 

mander,  pour  les  dangiers  qui  y  surviennent  quelques  foiz.  Par  quoy 
je  supplye  V.  M.  me  pardonner  si  ay  demeuré  si  longuement  à  ce  faire; 
ce  que  n'eusse  faict  s'il  m'eust  semblé  avoir  chose  dedans  de  telle 
importance  qu'elle  eust  méritée  la  debvoir  mander  expressément  par 
la  voye  de  Suysse. 

«  Sire,  en  attendant  ainsi,  j'ay  depuys  receu  une  lettre  d'ung  vostre 
serviteur  de  Millan,  de  laquelle  vous  envoyé  le  double  de  mot  à  mot- 
et par  icelle  V.  M.  pourra  veoir  que  le  contenu  en  celle  que  vous  ay 
mandée  par  cy  davant  par  ung  de  mes  gens  expressément  d'ung 
vostre  serviteur  d'Allemaigne,  n'est  du  tout  hors  de  propoz;  car  il 
semble  certainement  qu'il  ayt  esté  quelque  chose  de  voulloir  faire 
ceste  entreprinse  contre  V.  M.,  laquelle  pour  avoir  esté  découverte  n'ont 
voullu  exécuter.  » 

Vol.  2,  f"  24 't,  copie  du  xvF  siècle;  0  pp.  1/2  in-f". 

PELLICIER   A   l'amiral   CHABOT. 

295.  —  [Venise],  27  octobre  1541.  —  «  Monseigneur,  par  le  gentil- 
homme que  j'ay  envoyé  dernièrement  à  la  court,  et  aussi  par  M.  de 
Sainct-Pol  qui  puys  naguères  est  passé  par  icy,  j'ay  entendu  la  grant 
bénivollence  que  de  vostre  gré  me  portez  sans  l'avoir  aulcunement 
mérité  envers  vous,  ayant  tenu  la  main  pour  moy  de  telle  efficace  que 
si  toute  ma  vye  je  me  fusse  employé  par  effect  à  vous  faire  service, 
pour  me  faire  dépescher  le  commendement  du  bien  qu'il  avoyt  pieu 
au  roy  me  faire.  Dont  très  humblement  vous  remercye,  et  vous  asseure, 
Monseigneur,  que  aprez  S.  M.  me  tiendray  à  jamais  plus  tenu  et  obligé 
à  vous  que  à  nul  autre...  » 

Vol.  2,  fo  247  v»,  copie  du  xvi^  siècle;  1  p.  iii-f\ 

PELLICIER  AU  ROI   ». 

296.  —  [Vmhé],  10  novembre  1541 .  —  «  Sire,  je  vous  escripviz 
par  mes  dernières  lettres  du  xxvii"  du  passé  comme  j'estoys  atten- 
dant de  jour  en  jour  nouvelles  du  seigneur  cappitaine  Polin.  Depuys 
ay  receu  ung  pacquet  de  luy,  ouquel  ay  trouvé  une  lettre  pour  V.  M. 
que  luy  envoyé  présentement.  Par  laquelle  encores  que  à  mon 
advis  ne  fault  à  vous  advertyr  de  son  voyaige,  et  de  ce  qu'il  a 
entendu  par  les  chemyns,  ce  néantmoings  m'a  semblé  ne  debvoir 
laisser  à  vous  escripre  ce  qu'il  m'en  faict  sçavoir  par  celles  qu'il 
m'a  escriptes  de  Cuba  sur  la  Save-  lexx^   septembre;    mesmement 

1.  "  Par  le  nepveu  de  Montarnauld  qui  s'en  alla  avecques  le  sieur  Matieu  Danjoii 
jusques  à  Thurin.  » 

2.  Chabalz,  bourg  de  Hongrie,  sur  la  Save,  au  sud  de  Mitrowicz. 


452  AMBASSADE    DE  NOVE.MnRE    1j41] 

comme  Moral  Bocq  '  avoyl  prins  le  sahmcdy  auparavant  une  ville  sur 
le  passaige  de  la  rivière  de  Save,  appelée  Nalchevilz  -,  laquelle  esloyl 
en  la  sul){:;oclion  du  roy  Ferdinande,  et  furent  prins  tous  ceulx  qui 
estoyent  dedans;  et  qu'auparavant  le  sangiacque  de  Cosna  '  avoyt 
prins  Varasilin,  et  couru  bien  trente  mil  en  avant.  Et  m'escripl  aussi 
n'avilir  prins  le  chemyn  qu'il  avoyt  escript  de  Sébénico,  pour  avoir 
trouvé  depuys  n'estre  pas  seur;  demi  avoyl  esté  conlrainct  passer  les 
montaignes  avec  grosse  scorie ,  qui  avnyt  esté  cause  de  retarder 
beauU'oup  son  voyaige.  Et  qu'il  luy  fauldroyt  continuer  jusques  ad  ce 
qu'il  fust  rendu  à  la  part  où  esloyl  le  Granl  Seigneur  :  ([ui  pourroyt 
estre,  ainsi  que  l'on  estime,  dedans  xii  jours  après  la  dalle  de  sa  dicte 
lettre:  et  que  le  seigneur  Moral  resloylallé  accompaigner  luy-mesmes 
en  personne  el  baillé  chevaulx  el  scorie  pour  le  conduyre.  Qui  est,  Sire, 
en  somme  ce  qu'il  m'escripl,  sauf  que  le  secrétaire  jadiz  du  seigneur 
Rincon  esloyl  demeuré  mallade  à  Clivène  *,  quatre  journées  au  delà 
de  Sébénico;  de  sorte  qu'il  avoyl  esté  conlrainct  retourner  en  arrière 
audict  Sébénico,  ainsi  que  m'escript  le  seigneur  Marchion  Teste  en  la 
maison  duquel,  pour  l'avoir  trouvé  alTectionné  à  voslre  service,  se  rendit 
pour  se  faire  traicter  el  penser  '%  où  il  fui  jusques  au  iir-  du  passé 
qu'il  se  partyl  pour  aller  à  Ragusc  reprandre  son  chemyn  à  la  Porte 
du  Grant  Seigneur,  à  cause  que,  comme  m'escripvenl  M.  Tévesque  de 
Sébénico  et  ledicl  Marchion  Teste,  Taultre  chemyn  esloyl  fort  dange- 
reux, d'aullant  que  ledicl  Moral  becq  avoyt  esté  changé  de  là,  et 
mandé  gouverneur  es  confins  de  Hongrye,  el  député  aullres  gouver- 
neurs auprès  du  dudict  Sébénigo,  lesquelz  n'estoyenl  encores  bien 
assiz  :  par  quoy  ce  pays  là  esloyl  très  mal  seur.  Qui  a  esté  cause  de 
faire  prendre  le  semblable  chemyn  de  Raguse  à  Maillard,  secrétaire  de 
M.  de  Boysrigaull,  qui  arriva  audicl  Sébénigo  le  m''  dudict  moys 
passé.  El  m'escripl  davanlaige  ledicl  Marchion  que  l'abbé,  frère  dudict 
Moral,  luy  avoyl  dict  que  icelluy  Moral  avoyt  escript  à  sa  femme  que 
le  Granl  Seigneur  s'estoyl  levé  de  Tenlreprinse  'de  Hongrye  pour  la 
victoyre  qu'il  avoyt  eue  en  Bude,  où  avoyt  laissé  ung  bassa  avecques 
ung  gros  nombre  de  Turcqs;  et  qu'il  se  disoyl  que  le  roy  Ferdinando 
avoyl  faict  tresve  avecques  ledicl  Grant  Seigneur  pour  trois  ans  :  dont, 
pour  cesle  cause,  s'en  relournoyl  vers  Conslanlinople.  De  quoy,  Sire, 
encores  que  l'on  tienne  cesle  nouvelle  non  vraye,  comme  peull  appa- 
roir par  aullres  nouvelles  que  l'on  en  a  icy  et  lettres  que  je  vous  mande 
d'.\llemaigne ,  n'ay  voullu  obmellre  à  vous  dire  ce  que  on  m'en 
escript. 

1.  Moiato  (le  Sébénico  ou  Moiirad,  sandjak-bey  de  Bosnie,  puis  de  Poschega. 

2.  Nalscliewilz  ? 

3.  Bosnie. 

i.  Glicv,  bourg  de  DahTialio. 
5.  Panser. 


[novembre    1541J  GUILLAUME    PELLICIER  453 

«  Sire,  depuys  que  suys  icy  je  ne  me  recorde  avoir  veu  ceste  ville 
si  longuement  dcspourveue  d'alTaires  et  de  nouvelles  d'importance  que 
à  présent;  et  n'entend  l'on  aultre  chose  de  l'empereur,  sinon  que 
depuys  le  commencement  de  son  voyaige,  qu'il  eut  quelque  maulvais 
temps,  l'a  eu  assez  bon  ;  et  que  à  présent  il  peult  estre  à  faire  faciendes. 
Lequel  a  mandé  ung  sien  secrétaire  vers  le  roy  Ferdinando  et  les 
aultres  princes  d'AlIemaigne,  que  le  magnifficque  messirc  Marino  di 
Cavai,  envoyé,  par  ces  Seigneurs  vers  ledict  roy  Ferdinando  en  la 
place  de  messire  Francesco  Sanuti  ',  a  rencontré  à  Trente,  pour  leur 
faire  entendre,  ainsi  qu'il  déclaira  audicl  ambassadeur,  que  ledict 
empereur  avoyt  conclud  avecques  le  pape  de  faire  le  concilie,  et  que  le 
jour  Saint-Martin  *se  déclareroyt  le  lieu  ou  debvroyt  estre  faict.  Et  que 
l'empereur  faisoyt  encores  entendre  à  ceux  qui  en  leurs  dicttes  avoyt 
semblé  leur  debvoir  bailler  xx'"  hommes  de  pied,  et  Iroys  cens  che- 
vaulx  pour  troys  ans,  pour  faire  la  guerre  au  ïurcq,  qu'il  se  offroyt 
trouver  en  mars  avecques  toutes  ses  forces  s'ilz  luy  voulloyent  bailler 
60""  hommes  de  pied  et  12"  chevaulx  pour  ceste  foys  seuUement;  qu'il 
entreprenoyt  de  faire  si  gaillardement  la  guerre  audict  Turcq,  qu'il  en 
espéroyt  estre  victorieulx.  Et  oultre  icelluy  secrétaire  dist  audict 
ambassadeur  en  grant  secrect  que  entre  aultres  parlemeus  qui  furent 
faictz  à  cest  abocquement  du  pape  et  de  l'empereur,  Sa  Saincteté  luy 
meist  avant  plusieurs  partiz  avecques  offres  de  grandes  sommes  de 
deniers,  pourveu  que  ledict  empereur  feist  le  seigneur  Otlavio  *  duc 
de  Millau;  qui  n'est  chose  mal  consonnante,  à  ce  que  vous  ay  escript 
par  cy  davant,  mais  que  le  dernier  propoz  cy  aprez  demeura  plus  en 
espérance  que  nul  aultre,  c'est  de  investyr  ledict  seigneur  Octavio  de 
Parme  et  Plaisence,  et  le  faire  duc  de  Boullongne  *.  Et  tâcheroyent 
que  le  duc  de  Ferrare  luy  bailleroyt  Modène  et  Rège  ',  luy  baillant  en 
contreschange  Ravenne  et  Cervia;  et  en  cas  qu'il  ne  s'y  voulsist  accor- 
■der,  que  l'on  luy  romproyt  la  guerre,  et  quant  aux  aultres  poinctz,  que 
l'empereur  luy  avoyt  donné  bonnes  parolles,  prenant  ung  peu  de 
respict  à  luy  respondre.  Et  par  lettres  de  Lincz  dudict  Sanuti,  du 
xv^  passé,  s'entend  ledict  secrétaire  estre  arrivé  là  et  avoir  dict  ce  que 
dessus,  excepté  les  partiz  et  offres  faictz  par  Sadicte  Saincteté  audict 
empereur.  Et  que  ledict  roy  Ferdinando  avoyt  remercyé  le  pape  des 
deux  mille  hommes  de  pied  qui  luy  mandoyt,  pour  ce  que  de  présent 
ne  luy  faisoyent  de  besoing.  Lequel  roy,  bien  qu'il  eust  déterminé 

1.  Marino  ilei  Cavalli  remplaça,  vers  octobre  1341,  Francesco  Sanuto,  qui  lui-même 
avait  remplace,  peu  de  temps  auparavant,  Marino  Giustiniani. 

Cavalli  fut  encore  chargé,  par  la  suite,  d'ambassades  en  France,  en  Allemagne,  à 
«Constantinople  et  à  la  cour  de  Savoie  (V.  Albéri,  loc.  cit.). 

2.  Le  jour  de  la  Saint-Martin  d'hiver,  Il  novembre. 

3.  Ottavio  Farnese. 

4.  Bologne. 

5.  Reggio. 


4o4  AMBASSADE    DE  [NOVEMBRE    lliil] 

aller  faii'-  aiilcune  dielte,  ne  se  partiros  t,  pour  respect  de  la  peste  qui 
esloyt  parlniil  là  autour.  Kscripvant  aussi  le  seigneur  Laski  eslre 
arrivé  là,  et  que  encores  ([ue  icelluy  roy  ne  luy  eusl  déclairé  expressé- 
ment (ju'il  eust  faict  tresve  avec(iues  le  Turcq,  ce  néanlmoings 
qu'il  entendoyt  bien  à  son  parler  ({u'elle  estoyt  faicte  jusques  à  la 
Saincl-tjeorge. 

«  Sire,  ces  Seigneurs  oui  eu  lettres  de  leur  secrétaire  Kidel,  par 
lesquelles  ont  esté  advertiz  que  le  martiuis  du  (juast,  ayant  entendu 
que  V.  M.  avoyt  mandé  ung  gentilhomme  vers  le  duc  de  Savoye  pour 
luy  dire  aulcune  chose  de  vostre  part,  avoyt  dict  que  pourriez  attirer 
icelluy  duc  à  vostre  dévotion,  alFermant  pour  certain  qu'il  seroit  une 
grande  guerre  et  que  jamais  l'empereur  ne  se  acquicteroyt  quant  à 
l'Espaigne,  s'il  ne  faisoyt  ce  qu'il  luy  avoyt  dict,  c'est  de  couduyro  six 
mil  lansquenet/,  pour  sa  garde  avecfiues  m™  Espaignolz  payez  ordinai- 
rement, et  que  en  ce  faisant  feroyt  chose  convenante  à  sa  grandesse; 
et  feroyt  faire  à  l'Espaigne  tout  ce  qu'il  sçauroyt  désigner,  concluant 
que  selon  que  succéderoyent  les  choses  d'AlIricque,  aussi  feroyent 
celles  dudict  empereur. 

«  Sire,  madame  la  duchesse  de  Manlouc  s'est  retirée  à  Montferrat, 
pour  ce  que,  comme  aulcuns  veuUeut  dire,  elle  ne  se  contente  point 
du  fraiclement  et  gouvernement  de  monseigneur  le  cardinal  son  frère, 
et  s'entend  que  l'empereur  charche  de  la  marier;  dont  aulcuns  en 
faisant  plusieurs   discours  à  qui  ce   pourroit  estre,  estiment   qu'on 
pourroyt  tascher  avecques  M.  le  marquis  de  Salluces  ',  pour  l'afTection 
et  droict  que  sa  maison  a  prétendu  au  marquisat  de  Montrerrat  et  la 
commodité  pour  estre  joignant  au  marquisat  de  Salluces,  et  la  quallité 
et  eaige   de  ladicte   dame  convenant  à  soy.   Ce  néantmoings    n'est 
vraysemblablc  que  icelluy  marquis  fust  pour  ce  faire  sans  vostre  bon 
plaisyr  et  congié. 

«  Sire,  je  croy  que  par  le  seigneur  Strocy  V.  M.  aura  entendu  comme 
m'avoyt  esté  tenu  propoz  par  ung  serviteur  vostre  avecques  ung  gen- 
tilhomme dicy  autour,  de  faire  quelque  cnlreprinse  pour  vostre 
service  selon  ladviz  de  voz  serviteurs  de  non  petite  commodité  et 
importance.  Par  quoy  ne  vous  en  diray  aultre  sinon  supplyer  V.  M. 
m'en  faire  sçavoyr  vostre  voullenté  ;  car  j'en  suys  sollicité  et  recherché 
grandement  par  iceulx  de  y  faire  responce,  d'aullant  que  comme  ilz 
me  remonslrenl  la  commodité  de  la  mettre  à  exécution,  s'y  adonne 
mieulx  à  présent  qu'elle  ne  feroyt  en  aultre  temps  hors  d'iver. 

«  Sire,  j'ay  esté  adverty  que  pour  l'affection  et  gratitude  que  les 
Gennevoys  *  portent  de  présent  à  V.  M.,  ont  depputez  deux  ambassa- 
deurs pour  envoyer  vers  icelle ,  sçavoir  est  messire  Jehan  Baptiste 

i.  Gal)riele,  marquis  de  Saluées,  le  dernier  des   (juatre  frères  successivement 
dépossédés  par  la  France. 
2.  Génois. 


[novembre    loif  GUILLAUME   PELLICIER  4b5 

Lercaro,  pour  les  nobles  ',et  messire  Juliaii  Sauli,  pour  le  populaire*, 
pour  ainsi  que  l'on  m'a  dict  vous  remcrcyer  très  humblement  de  la 
rémission  et  révocquacion  de  ban  qui  estoyt  laict  contre  eulx,  et 
permission  que  leur  avez  faicte  de  povoir  praticquer  et  trafficquer  en 
■yostre  royaulme,  s'en  tenans  grandement  tenuz  et  obligez  à  V.  M.;  et, 
comme  suys  averty  ont  charge  de  entendre  et  escouter  si  on  leur  voul- 
droit  mettre  quelques  propoz  et  partiz  en  advant,  et  davantaige,  ainsi 
qu'ilz  se  laissent  entendre,  estiment  bien  que  V.  M.  doibve  mander 
là  ung  ambassadeur,  lequel  quant  il  vous  plaira  de  ce  faire  y  sera 
aussi  bien  venu  et  aura  accez  et  faveur  aultant  que  celluy  de  l'empe- 
reur. De  quoy,  Sire,  encores  que  à  l'adventure  V.  M.  pourra  avoir 
esté  adverty  plus  tost  que  moy  de  ce  cousté,  ce  néantmoings  n'ay 
voullu  obmettre  vous  faire  sçavoir  ce  que  en  ay  entendu  d'aulcuns  voz 
affectionnez  serviteurs  qui  sont  icy;  lesquelz  sont  d'adviz  que  on  ne 
sçauroyt  mieulx  gangner  ceste  nation  là  que  de  continuer  à  leur  faire 
tel  recueil  et  traictoment  en  voz  pays  que  l'on  a  très  bien  commencé. 
Sire,  suyvant  ce  qu'il  vous  a  pieu  m'escripre  par  la  vostre  du  xix°  jour 
d'apvril  que  eusse  à  vous  faire  tenyr  le  plus  seurement  que  je  pourroys 
tout  ce  dont  Tassin  s'adresseroyt  à  moy,  désirant  obéyr  en  toutes 
choses  à  voz  commandemens,  vous  envoyé  présentement  une  lettre 
qu'il  a  receue  d'Âllemaigne,  par  laquelle  pourrez  congnoistre  s'il  est 
vray  ce  qu'il  escript,  de  quelle  vouUenlé  ceulx  y  comprins  sont  envers 
le  monde.  » 


Vol.  2,  fo  248.  copie  du  xvi°  siècle;  4  pp.  1/3  in-P». 


PELLICIER   A  LA   REINE   DE   NAVARRE 

297.  —  [Venise],  1 0  novembre  1541.  —  «  Madame,  encores  que 
mon  obligation  envers  vous  soit  si  très  grande  que  à  grant  peyne 
seroyt-il  possible  de  vous  povoir  assez  suffisamment  remercier  de  tant 
de  faveurs  et  bien  faictz  qui  de  long  temps  et  incessamment  par  vostre 
bénigne  grâce  j'ay  receuz  de  vous,  ce  néantmoings  ayant  encores 
entendu  comme  puys  naguères  continuant  tousjours  en  ce,  avez  tenu 
la  main  pour  me  faire  asseurer  et  dépescher  le  bien  qu'il  a  pieu  au 
roy  me  faire,  qui  est  tel  que  de  sa  grâce  par  vostre  faveur  jadiz 
m'avoyt  donné  l'espoir^,  m'a  semblé  ne  debvoir  obmettre  à  m'en  recon- 
gnoistre  vostre  plus  obligé  et  attenu  après  S.  M.  que  à  nul  aultre,  et 
très  humblement  vous  en  remercye,  vous  supplyant  qu'il  vous  plaise 

1.  Gian-Baltista  Lercaro. 

2.  Giuliano  Saiili. 

3.  Il  s'agit  peut-être  ici  des  provisions  d'un  office  de  maître  des  requêtes  que  la 
reine  de  Navarre  avait  promis  de  faire  donner  à  Pellicier  lors  de  la  première 
vacance.  Or  cette  vacance  s'était  produite  notamment  le  25  juillet,  à,  la  mort  de 
Jean  de  Langeac,  dont  Pellicier  avait  hérité  déjà  d'une  abbaye,  celle  des  Escharlis. 


4r>6  AMBASSADE    DE  [nOVEMUIΠ   1541] 

me  iiiainlenyr  tousjours  en  voslre  bonnt'  protection  et  gicice,  comme 
celluy  qui  est  tout  voslre  très  liumiile  et  très  aflTeclioMné  serviteur; 
mosser  Sébastiano  Scrlio  ma  esciipt  le  bon  recueil  qu'il  vous  a  pieu 
luy  faire  et  le  bon  traictement  quil  a  tu  du  roy  par  voslre  faveur; 
dont,  pour  l'afTpction  que  je  luy  porte,  je  metz  cela  entre  les  aultres 
obligations  ([ue  je  vous  ay,  vous  en  remercyant  très  liumblenient. 
J'espère  (jue  par  ce  moyen  il  pourra  plus  aisément  obliger  cesle  llallye 
et  supporter  les  désirs  et  incommoditez  de  sa  pérégrinacioii,  et  linir 
ses  jours  au  service  du  roy  et  de  vous,  aydant  k'  Créateur  '... 

>•  Madame,  ayant  du  tout  ma  parfaicle  confyance  en  vous,  ne  crain- 
dray  à  vous  dire  que,  estant  Sainct-Pol  hors  de  la  court,  pour  l'avoir 
mandé  le  roy  où  l)ien  sçavez,  j'ay  donné  charge  à  La  Roche  que 
j'avoys  déf)esché  vers  S.  M.  arrester  là  pour  se  prendre  garde  de  mes 
affaires;  par  quoy  vous  supplyeray  le  vouUoir  accepter  en  ce  qu'il  s'en 
adressera  à  vous.  » 

Vu!.  2,  f"  iiiO,  copie  du  .\vi<>  siècle;  1  p.  iii-f". 

PELLICIER   A   M.    D'aNNEBAULT. 

298.  —  [Voiise],  10  novembre  1 541 .  —  Monseigneur,  par  les  der- 
nières lettres  que  j'ay  receues  de  S.  M.  semble  qu'elle  soit  assez  satis- 
faicte  de  mon  petit  service,  et  mesmement  de  la  provision  qui  a  esté 
donnée  à  la  Mirandola,  chose,  comme  j'estime,  qui  procède  plus  de  sa 
grâce  et  bonté,  ensemble  le  bon  rapport  qu'il  vous  a  pieu  de  voslre 
bénivollance  luy  faire  de  moy,  ainsi  que  ay  bien  esté  adverly,  que  pour 
le  debvoir;  dont  très  humblement  vous  remercye.  Bien  vous  puis-je 
asseurer  que  à  mon  escient  ne  obmellray  jamais  chose  que  congnois- 
tray  eslre  à  la  grandeur  et  honneur  dudicl  seigneur  et  de  vous;  et 
pour  ce,  Monseigneur,  qu'il  me  commande  m'adresser  du  tout  à  vous 
quant  aux  affaires  de  ladicte  Mirandola,  et  que  M.  le  conte  de  là  prant 
tolallemenl  recours  sur  moy  en  toutes  ses  humeurs  quant  il  luy  plaist 
chercher  que  Ton  desbourse  argent,  je  vous  supplyeray  qu'il  vous 
plaise  luy  faire  pourveoir  de  bonne  heure  le  payement  de  ses  chevaulx- 
ligiers  qui  eschet  le  premier  jour  du  moys  de  décembre;  car  je  suys 
tout  asseuré  qu'il  ne  fauldra,  inconlinant  icelluy  escheu,  à  m'en  solli- 
citer et  travailler  fort  et  ferme.  Dont  y  a  danger  que  me  pourroys 

1.  Par  lettres  données  à  Fontainebleau,  le  27  décembre  lo41,  le  roi  mandail  à 
Nicolas  l'icart,  notaire  et  secrétaire  royal,  commis  à  tenir  le  coniplc  îles  bâtiments 
de  Fontainebleau,  Boulogne,  Villers-Cotterels,  Saint-Germain,  etc.,  de  payer  à  Bas- 
lianet  {aliàs  Sébastien)  Serlio,  peintre  cl  architecte  de  Bologne,  la  somme  annuelle 
de  iOO  livres  de  gages,  en  quatre  termes,  à  commencer  du  r'septomlire  prochaine- 
ment venant,  pour  son  état  de  peintre  et  architecte  ordinaire  du  palais  de  Fontai- 
nebleau {Cat.  des  actes  de  François  l",  t.  IV,  p.  209,  n°  12.254).  Cette  pièce  a  été 
publiée  par  L.  de  Laborde,  dans  les  Comptes  des  bdtirnents  du  roi,  Paris,  1877,  in-8°, 
t.  I,  p.  172. 


[novembre    1541]  GUILLAUME   PELLICIER  457 

trouver  bien  enipeschc  de  trouver  argent,  s"il  faudra  que  je  en  aye  le 
soulcy  et  charge,  attendu  niesniement  ({ue  le  seigneur  Pietro  Strossy 
n'est  icy...  » 

Mêmes  recommandations  en  faveur  de  La  Roche,  que  dans  la  lettre 
précédente. 

Vol.  2,  f»  250  v°,  copie  du  xvi'=  siècle;  1  j).  in-l". 

PELLICIER   A   M.    DE    LANGEV    '. 

299.  — [Venise],  10  novembre  1 54 1 .  —  «  Monseigneur,  depuys  les 
dernières  lettres  que  vous  ay  escriptes  le  xlx"  du  passé  par  le  contre- 
roUeur  Toussainct  Prévost  ^,  en  ay  receu  cinq  de  vous  avecques  quel- 
ques pacquectz;  dont  la  dernière  est  du  xxvi'^  dudict  moys.  A  laquelle 
vous  feray  seullement  responce,  et  à  celle  du  xxiiii*'  auparavant;  car 
quant  aux  aultres  n'y  en  eschet  aulcune,  sinon  que  ne  fauldray  faire 
tous  les  plaisyrs  que  je  pourray  au  seigneur  conte  Jehan  de  Porte  ^,  pour 
l'amour  de  vous,  quant  il  viendra  en  ceste  ville.  Et  quant  est  de  ce  que 
m'escripvez  touchant  Crémonne ,  je  vous  advise  que  plusieurs  sont 
venuz  vers  moy  qui  m'en  ont  mys  propoz  en  avant;  mais  jamais  n'y  ay 
trouvé  tel  fondement  que  je  m'y  deusse  grandement  arrester,  attendu 
mesmement  qu'ilz  vouUoyent  commencer  leur  arquemye  *  par  desbour- 
sement  d'argent.  Excepté  ung  que  je  ne  sçay  s'il  pourroyt  point  estre 
celluy  qui  vous  en  a  faict  entendre,  car  il  n'y  a  pas  longtemps  qu'il  est 
passé  par  vous,  c'est  M.  le  comte  Ludovico  Rangon;  lequel  pourra 
luy-mesmes  dire  au  roy  par  quel  moyen  il  peult  venyr  à  chef  de  son 
entreprinse  :  dont  ne  m'en  empesche  plus  aullrement.  Quant  est  du 
barcquerol,  nomme  Paulo  Sarmetto  ^,  il  semble  avoir  bonne  vouUenté 
vous  aller  trouver,  et  suys  après  pour  veoir  le  plus  seur  moyen  de 
l'envoyer  où  m'escripvez.  Je  ne  fauldray  donner  toute  faveur  au  sei- 
gneur chevallier  Jehan  Bua  ^,  et  luy  ayder  en  tout  ce  que  pourray, 
touchant  ce  que  me  mandez.  J'ay  faict  entendre  de  vostre  part  à  ceste 
Seigneurie  ce  que  me  mandez  touchant  les  faulx  monnoyeurs,  laquelle, 
aprez  vous  avoir  bien  fort  remercyé,  a  faict  responce  de  mettre  la  part 
au  conseil  de  Diexe  pour  vous  faire  sçavoir  ce  qu'ilz  en  auront  à  faire; 
mais  que  je  laye,  la  vous  manderay  incontinant.  Et  ce  pendant  vous 
diray  ce  peu  de  nouvelles  qu'il  y  a  à  présent  par  deçà,  et  mesmement 
comme  ay  receu  lettres  de  M.  le  cappitaine  Polin,  de  Cuba  sur  la  Save, 
le  xxim^  septembre...  »  Pellicier  se  réfère  ici  à  sa  précédente  dépêche 

1.  «  Par  M.  de  Pignan.  » 

2.  Le  contrôleur  des  finances  Toussaint  Prévost. 

3.  Le  comte  Giovanni  da  Porto. 

4.  Alchimie,  dans  le  sens  d'entreprise,  machination. 

5.  Paolo  Sarmetto. 

6.  Giovanni  Bua. 


4o8  AMBASSADE    DE  [NOVEMBRE    154l] 

au  roi,  sur  les  progrès  de  l'armée  turque  et  les  agissements  de  l'empe- 
reur. 

«<  ...  .Xultrc  chose  ne  vous  diray  pour  ceste  heure,  sinon  que  par 
lettres  que  ay  veues  de  Millau  d'ung  bien  bon  serviteur  du  roy,  j'en- 
tcndz  comme  ung  nommé  Scaramu/a  ',  cheval-légier  du  cappilaine 
Francesco  Bt-rnardin  ',  moiistrant  d'aller  en  Hrt'ssane  ',  révelle  tout  ce 
qu'il  peut  entendre  de  nionsei-^nenr  le  niareselial  et  de  vous  au  seigneur 
Damian  .Marsilis ',  cappilaine  de  chevaulx  légiers  du  marquis  du  Guast. 
De  quoy  vous  ay  bien  voullu  advertyr,  encores  que  j'estime  bien  que 
telz  personnaiges  ne  peulvenl  pas  sçavoir  grant  chose  d'importance; 
ce  néantmoings  ilz  monstrent  leur  maulvaise  voullenté,  et  combien  si 
plus  povoyt  il  feroyt  maulvaise  office.  Ledict  serviteur  du  roy  escript 
qu'il  est  après  pour  en  sçavoir  d'aullre  qui  font  semblables  offices, 
lesquelz  descouvers  ne  fauldray  pareillement  à  vous  faire  sçavoir  qu'ilz 
sont.  Je  ne  veulx  oblyer  à  vous  remcrcyer  bien  fort  des  plaisyrs  que 
j'ay  entendu  qu'avez  faict  au  présent  porteur,  qui  est  nepveu  de  mon 
maislre  d'hostel,  pour  l'amour  de  moy;  lequel,  incontinant  aprez  qu'il 
fust  arrivé  icy,  tumba  mallade  d'une  grosse  fîebvre  qui  l'a  tousjours 
quasi  depuystenu.  Dont  ne  s'est  peu  retirer  plus  tost  au  service  du  roy 
et  de  vous  :  par  quoy  je  vous  prie  que  nonobstant  son  absence,  il 
puysse  est  payé  de  Testât  qu'il  vous  a  pieu  luy  faire  ordonner  et 
l'avoir  en  vostre  singuUière  recommandation  et  protection;  car  les 
plaisyrs  et  advancemens  que  luy  ferez,  les  réputeray  aultant  que  s'ilz 
estoyent  faictz  à  ung  mien  bien  proche  parent,  et  m'en  tiendray,  oultre 
toutes  les  aultres  obligacions  que  je  vous  ay,  grandement  attenu  à 
vous.  » 

Vol.  2,  fo  2ul,  copie  du  xvr  siècle;  1  p.  1/2  in-f"'. 

PELLICIER   AI"   ROI   ^. 

300.  —  [Venise],  18  novembre  ioll.  —  «  Sire,  demeurant  si  lon- 
guement avenir  les  nouvelles  de  l'arrivée  près  du  Grant  Seigneur  du 
seigneur  cappilaine  Polin,  j'estoys  entré  en  quelque  double  qu'il  ne 
vous  les  eust  faict  entendre  plus  tost  par  aullre  voye  que  ceste-cy,  ou 
bien  que  quelque  fàcherye  ou  encombrier  ne  luy  fust  survenu  par  les 
chemyns,  attendu  mesmemenl  que  de  Romme  en  venoyent  nouvelles 
fort  particuUières.  Mais,  grâces  à  Nostre-Seigneur,  est  arrivé  icy  ung 
cappilaine  nommé  Colas  de  Barlette,  lequel,  pour  vous  estre  très  affec- 

I.  Scaramucria. 

i.  Le  capitaine  Francesco  Bernardini;  il  est  qualifié  par  Brantôme  (édit.  Lalanne, 
I.  IV,  pp.  69  et  "2),  de  «  gentil  capitaine  ». 

3.  Pays  de  Brcscia. 

4.  Damiano  dei  Marsiglis,  capitaine  bolonais  au  service  de  l'empereur. 

0.  «  Par  M.  Daramont,  en  dilligence,  Jusque»  à  Thurin,  passe  par  Mantoue.  » 


[nOVEMBIIE    1341]  GUILLAUME    PELLICIER  459 

tioiiné  et  avoir  souvent  l'aicl  lelz  voyaiges  à  votre  service,  luy  avoys 
baillé  pour  raccompaigner,  avecques  ung  pacquet  pour  V.  M.  Lequel, 
sçaichant  en  quel  désyr  estes  attendant  telles  nouvelles,  m"a  semblé 
le  debvoir  incontinent  et  sans  aulcun  délay  mander  en  toute  dilligence 
jusques  à  Thurin  par  homme  exprès  pour  vous  le  faire  tenyr,  et  vous 
faire  entendre  les  nouvelles  qui  sont  survenues  icy  depuys  les  dernières- 
lettres  que  vous  ay  escriptes  du  x"'  de  ce  moys.  Et  premièrement  comme 
cez  Seigneurs  ont  eu  lettres  de  leur  ambassadeur  près  de  l'empereur 
escriptes  à  Majorica  et  Minorica'  des  xi  et  xii"'  du  passé,  par  lesquelles- 
leur  faict  entendre  ce  que  je  vous  ay  jà  escript,  c'est  que  ledict  empe- 
reur avoyt  eu  très  maulvais  temps  du  commencement,  et  oultre,  que 
Janetin  Doria  avoyt  esté  perdu  quelques  jours,  mais  qu'il  s'estoyt 
retrouvé,  de  sorte  que  toute  l'armée  se  montoyt  ensemble  deux  cens 
naves,  soixante- cinq  gallères,  assez  de  victuailles  et  municions,  dix 
huict  mil  hommes  de  guerre,  et  mil  troys  cens  gastadours.  Et  que 
le  xxv''  dudict  moys  debvoyt  desmonter  en  terre  pour  faire  son  entre- 
prinse;  de  laquelle,  comme  ilz  estimoyent,  auroyt  victoire  et,  ce  faict,. 
passeroyt  en  Espaigne  où  il  feroyt  et  seroyt  obéy  de  tout  ce  qu'il 
sçauroyt  demander.  Et  de  là  à  ceste  prime  vère  s'en  reviendroyt  en  ce 
pays  icy  avecques  très  gros  exercite.  Escrlpvant  aussi  que  ausdictz  lieux 
de  delà  luy  a  esté  faict  présent  de  force  victuailles,  et  mesmement  de 
bonifz,  vaches,  et  veaulx,  lesquelles  les  gens  de  guerre  de  son  armée 
saccaigôrent  incontinant  :  de  quoy  ledict  empereur  fut  très  aise,  ainsi 
qu'il  dict,  car,  voullanslescappitaines  chastier  les  souldars  qui  avoient 
ce  faict,  ne  voullut  que  pour  ce  eussent  aulcune  pugnicion,  disant  qu'il 
estimoyt  cela  à  bon  présaige,  et  que  du  Pérou  luy  venoyent  cent  cin- 
quante mil  ducatz,  mais  que  les'naves  estoyent  péryes  par  le  voyaige. 
«  Sire,  j'ay  receu  lettres  de  Constantinople  du  iiii«  du  passé,  d'ung 
Pierre  Pomare  -,  duquel  vousay  aultrefoiz  escript,  et  mesmement  qu'il 
m'avoyt  faict  entendre  que  Barberousse  faisoyt  mettre  en  ordre  en  la 
plus  grant  dilligence  qu'il  povoyt  l'armée  du  Grant  Seigneur,  et  qu'il 
atlendoyt  commandement  pour  sortyr  dehors.  A  présent  m'a  faict 
sçavoir  que  le  ir  dudict  moys  ledict  Barberousse  estoyt  monté  en  gal- 
lère,  et  que  la  nuict  ensuyvante  se  debvoyt  partyr  avecques  le  reste  de- 
ladicte  armée,  laquelle  seroyt  de  plus  de  cent  cinquante  voylles  y  com- 
prenant les  coursaires  qu'ilz  appellent  linentz  ^  qui  estoyent  dehors;  et 
ne  s'est  peu  entendre  quelle  part  il  voulloyt  aller,  s'en  faisant  là  plu- 
sieurs discours.  Cez  Seigneurs  en  ont  aussi  eu  lettres  de  leur  ambassa- 
deur Badouare,  des  ii^  et  v'' jours  du  passé,  par  lesquelles  sont  advertiz 
que  le  iiii''  icelluy  Barberousse  estoyt  sorty  avecques  nœuf  gallères 
seuUement  pour  se  aller  joindre  avecques  d'aultres  qui  l'attendoyent 

1.  Majorque  el  Minorque  (iles  Baléares). 

2.  Pietro  Pomaro. 

3.  Ou  lynes.  —  V.  la  note  7,  p.  7. 


4C0  AMBASSADE   DE  [nOVEMBUE    lj)4l] 

dehors,  qui  seroyenl  m  somme  soixanle-dix,  et  que  assemblées 
avecques  les  liuenlz  pourroyenl  eslre  de  cent  et  dix  voylles,  voullant 
venyr  à  la  Prévesa  ',  jusques  ad  ce  que  le  lîrant  Seigninir  fust  arrivé 
à  Conslanlinople,  nii  inconlinaiil  eslre  joincl  ledicl  Barlx-rousse  disoyt 
l'aller  trouver  pour  luy  faire  la  révérance,  et  puys  s'en  retourneroyt 
trouver  ladictc  armée,  liien  que  ledict  seigneur  Badouaro  escripve  que 
on  faisoyt  Ui  jikisieurs  discours  de  la  part  où  il  voulloyl  aller,  et  que 
aulcuns  estimoyent  que  c'esloyl  à  Naples,  et  les  aultres  pour  prendre 
Segna  ',  ayant  faict  conduyre  avecques  luy  en  deux  galléres  plusieurs 
pièces  d'artillerye  toute  nue,  et  leurs  équipaiges  en  une  aultre  avecques 
pâlies  de  fer  \  znppr  *,  qui  sont  houes  ou  marres  ^.  Escripvant  aussi 
que  ledict  Barberousse  avoyl  assez  remercyé  ce/.  Seigneurs  de  l'expé- 
dition (lu'ilz  luy  avoyent  faicte  de  certaines  espiceries  qu'il  avoyt  faict 
venvr  icv,  et  remvs  ses  deniers,  disant  que  ainsi  seconfirmovt  l'amvtié 
entre  eulx.  Néanlmoings  ledict  Badouare  avoyt  esté  adverty  secrette- 
menl  de  faire  entendre  à  cez  Seigneurs  que  venant  l'occasion  audict 
Barberousse  de  leur  lever  quelque  terre,  qu'il  ne  fauldroyt  à  ce  faire 
s'il  povoyt,  ce  que  ledict  Badouare  avoyt  jà  faict  sçavoir  aux  officiers 
et  ministres  de  cesdictz  Seigneurs  qui  sont  en  Candye,  Corfou,  Jarre 
et  aultres  lieux  qui  sont  en  Testât  de  ceste  Seigneurie,  affin  de  se 
tenyr  tousjours  sur  leurs  gardes. 

«  Sire,  il  y  a  icy  plusieurs  seigneurs  et  cappilaines  qui  journelle- 
ment sont  aprez  moy  pour  vous  faire  entendre  leur  voulloir  et  affection, 
ce  que  m'a  semblé  ne  debvoir  obmeltre  vous  faire  entendre  pour  le 
debvoir  de  ma  charge;  et  entr'aultres  ung  cappitaine  de  Boullongne, 
nommé  Benaldo  de  Marsiliis  ",  ainsi  qu'il  m'a  faict  entendre  plusieurs  foiz 
et  que  ay  eu  très  bonne  information  d'aullres  que  de  luy,  pour  le  grant 
désyr  qu'il  a  d'estre  employé  à  vostre  service,  a  reffusé  de  prendre 
plusieurs  partiz  que  luy  ont  esté  offertz  et  mesmement  dernièrement 
avecques  le  seigneur  Camillo  Coullonne'.  Il  y  a  aussi  le  seigneur  Bello 
di  Belly,  qui  estoyt  l'ung  des  princippaulx  cappitaiùes  que  eust  le  feu 
seigneur  conte  Ludovico  Rangon  estant  à  vostre  service,  qui  désire 

1.  La  Prévésa,  ville  d'Albanie,  à  oO  kilom.  d'Arta,  à  rentrée  du  golfe  d'Aria.  C'est 
lancienne  Nicopolis  fondée  par  Auguste,  en  souvenir  de  la  victoire  d'Actiuin,  rem- 
portée près  de  là. 

•2.  Segna,  en  hongrois  Zeiiffc/Seny,  la  Senia  jles  Romains,  ville  de  Hongrie,  située 
sur  les  confins  militaires  de  la  Croatie,  dans  le  golfe  de  Quarnero. 

.3.  Pelles  de  fer. 

i.  Pluriel  de  l'italien  zappa,  pioche. 

o.  Mare  ou  marre,  houe  de  vigneron. 

6.  Rinaldo  di  iMnrsiglis,  capiUiine  bolonais.  On  trouve  à  Lyon,  en  l.y"3,  un  impri- 
meur italien  nommé  «  .\lexan<lre  de  Marsilii  ». 

7.  Camillo  Colonna,  un  des  princiitaux  officiers  italiens  au  service  de  l'empereur. 
Il  était  fils  de  Marcello  Colonna,  seigneur  de  Zagarolo.  Il  épousa  sa  cousine,  Vittoria 
Colonna,  fille  de  Pietro-Francesco  Colonna,  et  qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  la 
célèbre  Vittoria  Colonna,  fille  de  Fabrizio  Colonna,  grand  connétable  de  Naples,  et 
mariée  au  marquis  de  Pescaire. 


[NOVEMBRE    la41j  GUILLAUME    PELLICIER  461 

grandement,  advenant  l'occasion  de  vous  faire  service,  d'y  estre 
employé.  Lequel,  comme  j'ay  entendu,  a  beaulcoup  de  bons  moyens 
pour  ce  l'aire,  pour  avoir  grant  suytte  de  la  Romaigne,  où,  comme 
mieulx  scavez,  est  la  fleur  des  souldars  italliens.  Et  pareillement  ung 
seigneur  Longnena,  bressan  ',  lequel  a  eu  auUresfoiz  charge  de  V.  M.; 
et  dernièrement  au  partyr  du  seigneur  Christophoro  Capello  luy  fut 
confirmée.  Par  quoy  il  supplye  V.  M.  que,  advenant  l'occasion,  suyvant 
sadicte  commission  il  puisse  estre  employé,  et  semblablement  le  sei- 
gneur Aloisy  de  Luzago.  bressan,  qui  a  aussi  eu  charge  deV.  M.  Lequel,  • 
ainsi  que  ay  esté  adverty,  attendant  la  commodité  de  vous  faire  service, 
a  tousjours  entretenu  et  entretient  plusieurs  souldars  et  cappitaines 
pour  y  employer  quant  il  en  sera  besoing;  pourquoy  faire  luy  convient 
porter  grosse  despence,  dont  désireroyt  n'estre  mys  au  nombre  des 
derniers  quand  viendra  l'occasion  de  vous  povoir  faire  service.  Quant 
est  du  seigneur  Savorgniano,  il  a  esté  quelque  temps  à  la  court  de  V.  M., 
durant  b'quel  pourrez  avoir  esté  informé  de  son  bon  voulloir  par  aultres 
que  par  moy;  dont  ne  m'estenderay  a  vous  en  dire  aultre,  sinon  que 
de  jour  en  jour  m'escript  de  Jarre,  où  il  est  pour  cez  Seigneurs,  vous 
faire  entendre  que  toutes  foiz  et  quantes  que  adviendra  l'occasion  de. 
vous  faire  service,  qu'il  laissera  toutes  choses  pour  ce  faire.  Aussi  le 
cappitaine  Marcello,  gentilhomme  de  ceste  ville,  duquel  puys  naguères 
vous  ay  escript  particullièrement,  désire  grandement  entendre  s'il  sera 
retenu  et  mys  au  nombre  de  voz  bons  serviteurs  quant  viendra  le  temps 
de  vous  povoir  faire  service.  Par  quoy  je  vous  supplye,  Sire,  me  faire 
faire,  si  veoyez  que  bien  soyt,  ung  mol  de  responce  de  ce  que  je  auray 
à  leur  respondre,  affin  que  ilz  puissent  congnoistre  que  je  n'ay  failly 
à  vous  advertyr  de  leur  bonne  vouUenté.  Semblablement  cez  jours 
passez  le  seigneur  Aloyse  de  Gonzagues,  m'adressant  ung  pacquet  pour 
la  signora  Constanzza  -,  m'escript,  que  combien  que  je  ne  puisse  ima- 
giner la  cause  pourquoy  il  n'aye  esté  à  vostre  service,  que  encores  ne 
laisse  de  demeurer  en  bonne  voullenté  de  vous  en  faire  comme  servi- 
teur de  Y.  M.  Non  pourtant  je  suys  adverty  que,  luy  estant  né  ung 
enfant,  le  marquis  du  Guast  doibt  arriver  dimenche  avecques  mil  ehe- 
vaulx  à  Castel-Gcoffroy,  pour  estre  son  compère;  et  là,  quelques  jours 
après  doibt  estre  faict  combat  du  capitaine  Santovallente  avecques  le 
cappitaine  '... 

«  Sire,  le  seigneur  Mathieu  Dandolo,  ambassadeur  pour  cez  Seigneurs 
près  de  V.  M.,  désirant  grandement  s'en  retourner  par  deçà,  pour  se 
retrouver  luy  seul  de  sa  maison  et  n'avoir  aulcuns  enfans,  tout  ainsi 
que  à  grande  difficulté  avoyt  accepté  la  charge  d'ambassadeur,  aussi 
est-il  après  avecques  les  plus  grandes  instances  qu'il  est  possible  de 


1.  Du  pays  de  Brescia. 

2.  Costanza  Fregosa. 

3.  Le  nom  est  demeuré  en  blanc. 


402  AMBASSADE    DE  [NOVEMBRE    15H] 

faire  jiour  avoir  .son  congié;  el  du  l'aitl  la  laiil  cliauldemont  et  si  sou- 
vent sollicilé  que  la  part  a  jà  esté  mise  en  pregay  pour  en  faire  ung 
aullre;  mais  Ton  ne  sçayt  encores  qui  sera  ne  que  ce  sera,  bien  que 
aulcuns  estiment  là  dessus  que  ce  pourroyl  eslre  ung  Monsenigo  ',  qui 
n'est  de  trop  l)nnn('  ligne,  ne  de  la  meilleure  parlye  et  dévotion  vostre.  » 

Vol.  -'.  r   '2lil  v^  copie  du  Wl"  siècle;  'A  pp.  1/2  in-r. 

l'ELI.ICIi:it    A    I.VMIHAI.   t;iIAIit»T. 

301.  — [T'e/iise],  18  novembre  1511.  —  «  Monseigneur,  encores  que 
jen'aye  quasi  aulcune  matière  digne  de  vous  faire  sçavoir  oultre  que  ce 
que  j'escriplz  au  roy,  que  suysbien  asseuré  que  verrez,  ce  néanlmoings 
quant  ce  ne  seroit  seullement  que  pour  faire  le  debvoir  à  l'obligation 
que  je  vous  ay,  si  m'a  il  semblé  ne  debvoir  obmettre  à  vous  escripre 
plus  tost  peu  de  chose  et  de  petite  importance  que  de  y  demeurer  du 
tout;  vous  advertissant  comme  cez  Seigneurs  ont  eu  lettres  de  Lincz 
de  messer  Marin  di  Cavalli,  nouveau  ambassadeur  vers  le  roy  Ferdi- 
nando,  par  lesquelles  ont  entendu  que  le  wv''  y  estoit  arrivé,  et  que  le 
.\.\vir  feist  la  révérance  et  rellation  de  sa  commission  audicl  roy,  qui 
luy  feist  fort  grandes  carresses,  et  que  le  .xxviii  feist  chevaillier  l'aultre 
ambassadeur  son  prédécesseur  *,  auquel  donna  une  cliesne  '  de  cent 
cinquante  ducatz;  oscripvant  aussi  que  en  Bude  la  peste  estoyt  fort 
grande  et  par  toute  l'Ongrye,  ayans  esté  chassez  dudict  Bude  tous  les 
chrestiens  qui  n'y  avoient  aulcuns  biens;  et  que  ledict  roy  feroyt  une 
diette  audict  Lincz,  et  puys  après  une  aultre  en  Bohémia  et  de  là 
yroyt  en  Ispruch  faire  la  diette  impérialle. 

«  Monseigneur,  je  ne  veulx  oblyer  à  vous  dire  comme  j'escriptz  par- 
ticulièrement au  roy  par  le  seigneur  chevallier  Thomas,  pour  quelque 
entreprinse  de  bien  grande  importance  pour  le  service  dudict  seigneur, 
pour  laquelhîmieulx  asseurer  m"a  semblé  debvoir  mander  sur  les  lieux 
ung  personnaigc  qui  fust  fort  dévot  et  affectionné  à  S.  M.  et  apte  et 
suffisant  pour  entendre  telz  affaires.  Dont  congnoissant  M.  Daramonl 
tel  et  fort  à  propoz,  et  se  offrant  libérallement  de  ce  faire,  ay  trouvé 
pour  sa  suffisance  estre  le  plus  expédiant  de  le  luy  employer;  lequel, 
après  très  dilligemment  avoir  bien  examiné  et  prouvé  le  tout,  a  trouvé 
la  chose  assez  faisible,  ainsi  que  dudict  seigneur  chevallier  Thomas 
S.  M.  et  vous  pourrez  estre  informez.  Et  pour  ce  que  les  vertus  et 
quallilez  dudict  seigneur  Daramont  mérilenl  estre  recommandez  à  ung 
chascun,  jay  bien  osé  prendre  la  hardyesse  vous  supplyer  l'avoir  en 
vostre  singulière  protection  et  recommandation...  » 

Vol.  2,  fo  253,  copie  du  xvi^  siècle;  1  p.  m-P. 

1.  Mocenigo. 

2.  Franccsco  Sanuto. 

3.  Chaîne. 


[novembre    lb4l]  GUILLAUME    PELLICIER  463 


PELLICIER  A   M.  D'aNNEBAULT, 

302.  —  [Venise],   18  novembre  i 54i .  —  Mêmes  nouvelles  que  celles 
contenues  dans  la  dépêche  de  ce  jour  au  roi. 

Vol.  2,  f°  253  v°,  copie  du  xvie  siècle;  1/2  p.  in-f". 


PELLICIER   A   M.    DE   LANGEY. 

303.  —  \yenïse\  i  8  novembre  1541. —  «  Monseigneur,  depuis  les 
dernières  que  vous  ay  escriptes  du  x^  de  ce  moys,  ay  receu  la  vostre 
du  iiii*  avecques  le  pacquot  du  seigneur  Yallerio,  que  n'ay  failly  luy 
faire  tenyr  incontinant.  Je  vous  ay  escript  plusieurs  foiz  comme  nous 
estions  en  grant  soulcy  et  peyne  pour  demeurer  si  longuement  à  avoir 
lettres  du  seigneur  cappilaine  Polin,  et  jà  commancions  à  estre  hors 
d'espérance  d'en  avoir  les  premières  nouvelles  par  ceste  voye  icy, 
attendu  que  de  Rome  en  venoyent  de  fort  particullières,  mais  grâces  à 
Nostre-Seigneur,  le  jour  d'hier  est  arrivé  icy  ung  cappitaine  nommé 
Colas  de  Berlette  avecques  ung  pacquet  pour  le  roy  et  ung  aullre  pour 
vous,  que  vous  envoyé  présentement  expressément  par  M.  Daramont 
lequel,  pour  le  grant  désyr  qu'il  a  de  faire  service  au  roy  et  vous  aller 
veoir,  et  aussi  pour  mettre  ordre,  ainsi  qu'il  m'a  dict,  à  aulcuns  siens 
affaires,  m'a  pryé  luy  vouUoir  dresser  ce  voyaige.  Et  me  déplaist  que 
ce  n'est  chose  qui  luy  puysse  tourner  à  plus  grande  commodité,  car 
je  désire  aultant  son  advancement  que  d'homme  que  je  congnoisse  de 
sa  quallité,  pour  premièrement  le  congnoistre  tant  dévot  et  affectionné 
de  faire  service,  ce  que  y  estant  employé  est,  comme  mieulx  sçavez, 
pour  très  bien  faire  en  quelque  bon  affaire.  Et  pour  ce  que  suys  tout 
assuré  que  prières  ne  supplicacions  ne  vous  sçauroyent  augmenter  la 
bonne  vouUenté  et  affection  que  lay  portez,  me  sembleroyt  chose  super- 
flue vous  en  faire  aulcune  instance.  Si  est-ce  que  ne  me  puys  tenyr 
vous  dire  que  si  encores  pour  l'amour  de  moy  luy  faictes  quelque  chose 
davantaige,  que  je  n'en  auray  moindre  obligacion  que  si  c'estoyt  à 
moy-mesmes  :  dont  je  vous  en  prye  tant  que  je  puys.  Il  vous  pourra 
communiquer  quelques  négoces,  où  je  l'ay  employé  pour  le  service  du 
roy,  qui  me  semblent  de  non  peu  d'importance;  dont  si  veoyez  que 
bien  soyt  d'accompagner  une  lettre  que  j'en  escriptz  à  S.  M.,  ce  sera 
tousjours  pour  donner  meilleure  envye  de  la  mettre  à  exécution.  Quant 
aux  nouvelles  dudict  seigneur  cappitaine  Polin,  j'estime  qu'il  vous  en 
escript  aultant  que  à  moy,  car  ne  me  faict  sçavoir  aultre  sinon  qu'il 
avoyt  exposé  sa  charge  au  Grant  Seigneur,  qui  l'avoyt  remys  à  Con- 
stantinople  pour  luy  faire  responce;  dont  de  ce  cousté  là  je  ne  vous 
en  puys  rien  dire  davantaige...  » 


4tj4  AMBASSADE    DE  [nOVEMBHE    loli] 

Suit  1»'  rr'cit  dos  dornières  opérations  de  Barberousse,  contenu  dans 
la  lettre  au  r(»i  datée  du  même  jour. 

Vol.  2.  P'  H'tt,  f(»|iic  ilii  wi"  siècle;   1   p.  iiil'". 


PEI.LICIEK    vr   U<i|. 

304.  —  \'t'nisr,  20  noveinhre  I ,')  1 1 .  —  «  Sire,  se  monslrant  le 
cappilaine  Jehan  Andréa  de  Bergamo  fort  afTectionné  à  vostre  service, 
ainsi  que  depuys  que  le  congnois  l'ay  tousjours  trouvé,  m'avoyt  tenu 
l>ropoz  de  quelque  entreprinse  de  bien  fort  grande  importance,  comme 
aussi  a  il  faicl  le  semblable  à  M.  Daramonl,  pour  estre  son  amy,  elle 
congnoistre  fort  expérimenté  au  faict  de  la  guerre,  et  par  conséquent 
apte  et  suffisant  en  telz  affaires,  et  vostre  bon  subgect  et  féal  serviteur. 
Dont  me  sollicitant  vous  le  faire  entendre,  fusmes  d'advis  d'envoyer  en 
premier  lieu  le  plus  secrellement  que  faire  se  pourroyt  sur  les  lieux 
pour  tasler  le  gay  '  si  la  chose  seroyt  si  faisible  quil  disoyt.  Par  quoy 
ayant  expérimenté  ledict  seigneur  Daramont  en  aulcunes  choses  pour 
vostre  service,  et  l'avoir  trouvé  en  toutes  fort  loyal,  affectionné  et 
suffisant,  —  et  mesmement  dernièrement  à  la  MyrandoUa,  tant  pour 
faire  conduyre  les  deniers  seurement,  que  pour  les  monstres,  et  nous 
advertyr  de  ce  qu'estoyt  besoing  y  obvyer  et  faire,  où  il  s'est  fortdextre- 
ment  porté  au  gré  et  contentement  du  seigneur  conte  de  là  et  de  tous 
les  aultres,  ainsi  qu'ilz  m'ont  rapporté,  —  et  se  offrant  libérallement 
d'aller  veoir  si  ledicl  affaire  seroyt  pour  réuscyr  à  effect  ainsi  qu'il 
estoyt  proposé,  sembla  au  seigneur  chevallier  Thomas  et  à  moy  les 
debvoir  laisser  aller  à  ce  qu'il/  ont  faict  ensemblemenl.  Lequel  sei- 
gneur Daramont  à  son  retour  m"a  faict  rapport  que  après  avoir 
examiné  et  bien  prouvé  le  tout,  qu"il  a  trouvé  estre  faisible  et  de  bien 
grant  importance  pour  S.  M.,  ainsi  que  dudict  seigneur  chevallier 
Thomas  pourrez  s'il  vous  plaisl  estre  amplement  informé,  pour  lui 
avoir  lesdictz  cappitaines  communicqué  et  déclairé  le  tout  bien  au  long 
et  par  le  menu.  Dont,  s'il  vous  plaira  que  on  y  doibve  attendre,  et 
m'advertyr  de  vostre  voulloir,  je  ne  fauldray  à  m'y  gouverner  tout 
ainsi  qu'il  me  sera  commandé;  et  vous  puys  asseurer.  Sire,  que  je  ne 
congnoys  à  présent  homme  par  deçà  mieulx  à  propos  de  qui  je  puysse 
avoir  commodité  d'employer,  tant  en  cela  que  aultre  chose  pour  vostre 
service,  appertenantà  la  guerre,  que  ledict  seigneur  Daramont... 

«  Do  Vcnize.  » 

Vol.  2,  f'J  234  V,  copie  du  xvi«  siècle;  1  p.  in-f''. 

1.  Tàter.  sonder  le  <^\w.  au  (iguré;  c'est-à-dire  voir,  avant  de  s'engager  dans 
l'afTairi',  s'il  n'y  a  point  de  risques  à  courir,  pressentir  les  dispositions  des  inté- 
ressés. 


o 


BINDIMG  SECT.  AUG261864 


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DC 


Pellicier,  Guillaume,  bp, 
113      Correspondance  politique 
•5    de  Guillaume  Pellicier 


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