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PROFESSOR Î.S.WILL
INVENTAIRE ANALYTIQUE
DES
ABClllVES DES AFFAIRES iTRANGiRES
CORRESPONDANCE POLITIQUE
VENISE (1540-1542)
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COMMISSION Di:S AHCIIIVES DIllOMATKiUES
M. Llopold ï)el\sl1ù, chargé d'examiner les anal ijses des ilèpèches de Guillaume
l'elticicr, rend compte de ce travail el constate qu'il a été exécuté conformément
aux instructio7is de la Commission.
(Extrait du piocès-vorbal de la séance du 3 juillet 180.j.)
Vil par ic Commissaire délégué,
SiGNii :
LÉOPOLD DELISLE.
Tous les volumes de rinvenlaire analytique de la Correspondance politique
devront être soumis en manuscr'U à l'examen du Bureau historique. Le chef de
ce Bureau en fera robjct d'un rapport au Chef de la Division des Archives.
Aucun volume de Tlnvcnlairc analytique ne pourra paraître sans être revêtu
du visa du Chef de la Division des Auchives, par V intermédiaire duquel Us
manuscrits seront transmis à l'éditeur.
(Extrait du procès-verbal de la séance du G mai 1885.)
Vu par le Chef de la Division des Archives,
Signé :
liELUSS-MOSTAlD.
Coulommicrs. — Imprimerie Paul URODARD. — 1287-99.
INVENTAIRE ANALYTIQUE
DES ARCHIVES DU MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
CORRESPONDANCE POLITIQUE
DE
GUILLAUME PELLICIER
AMBASSADEUR DE FRANCE A VENISE
1540 — 1542
PUBLIEE
SOUS LES AUSPICES DE LA COMMISSION DES ARCHIVES DIPLOMATIQUES
PAR ALEXANDRE TAUSSERAT-RADEL
TOME PREMIER
PARIS
ANCIENNE LIBRAIRIE GERMER BAILLIÉRE ET C'
FÉLIX ALCAN, ÉDITEUR
108, BOULEVARD S VINT -GERM A IN , 108
1899
Tous droits réservés.
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INTRODUCTION
I
C'est à M. Jean Zeller ' que revient le mérite d'avoir le premier mis
en lumière, dans sa thèse soutenue en 1881 -, la figure de Guillaume
Pellicier, ce prélat humaniste et diplomate qui, au moment où l'orga-
nisation politique de Venise et des républiques italiennes atteignait
son apogée, concourut puissamment, par ses efforts et par son exemple,
à régulariser en France les usages de la diplomatie, et à fortifier cette
institution de toutes les ressources dont disposaient depuis longtemps
déjà nos alliés comme nos adversaires.
François l" accrut, durant son long règne, dans une sensible pro-
portion, le nombre des ambassadeurs ordinaires et extraordinaires, et
par leur moyen il entretint avec les divers états d'Europe, les princi-
pautés italiennes et allemandes, les diètes de l'Empire, des relations
susceptibles de servir ses intérêts, en lui procurant des alliés et des
contingents de troupes. Choisis parfois dans la noblesse d'épée, plus
souvent dans les familles bourgeoises et parlementaires, presque tou-
jours dans le clergé, parmi les évêques, les abbés ou les simples pro-
tonotaires, ces diplomates eurent une action très large et très indépen-
dante sur la conduite des événements. D'autres agents, non moins
zélés malgré leur origine équivoque, furent aussi des étrangers que les
bienfaits du roi avaient fini par attirer et retenir à son service; tels les
Espagnols Rincon et Mendoza ', le Hongrois Francapàn (Frangipani),
i. M. Jean Zeller, alors professeur suppléant à la Faculté des lettres de Nancy,
aujourd'hui recteur de l'Académie de Clermont-Ferrand.
2. La diplomatie française vers le milieu du XVI" siècle, d'après la correspondance
de Guillaume Pellicier, évêr/ue de Montpellier, ambassadeur de François I" à Venise
{1339-1542); Paris, Hachette, 1881, in-8 de xni-413 pp. — V. aussi la thèse latine
du même, intitulée : Qux primas fuerunt legationes a Francisco I in Orientem missœ
{1524-153S), Paris, 1881, in-8.
3. Diego Hurtado de Mendoza, cousin de l'ambassadeur impérial à Venise; attaché
à la cour de France en qualité d'écuyer tranchant, il fut chargé d'une mission
auprès du duc de Clèves, à la fin de 1542. — V. de Ruble, Le mariage de Jeanne
VI INTRODUCTION
le Napolitain Canlolmo. II y cul enfin, ;i côté des ministres officiel-
lement accréililùs auprt^s des cours, les serviteurs secrets, ceux-ci
recrutés dans tous I«*s rangs de la société : évéques, gentilshommes et
grandes dames, clercs réguliers ou séculiers, gens d'armes cl aven-
turiers de toute sorte, dont on s'assurait les bons oflices par des pen-
sions, d'ailleurs assez nuil payées.
La diplomatie naît alors, comme on l'a dit, spontanément en quelque
sorte, par la force même des circonstances, en vertu des intérêts poli-
tiques et des exigences commerciales. Elle s'organise d'abord en Italie,
à la Un du xv« siècle, et l'instilulion des consuls dans le Levant, mesure
imitée bientôt par la France, est un pas décisif vers le nouvel état de
choses. Les nombreux comptoirs et banques de commerce établis par
les italiens à Paris et à Lyon, développés par les émigrations inces-
santes qu'y faisaient affluer les perpétuelles discordes des républiques
transalpines, utilisés maintes fois par nos ambassadeurs et leurs gou-
vernements pour l'échange et l'envoi de capitaux aussi bien que pour
la transmission des dépêches, contribuèrent ainsi fatalement à con-
fondre les transactions politiques et commerciales.
Dans cette transformation délinitivc de la scène politique, Venise
joua un rôle prépondérant, marquant du sceau de son esprit subtil et
peu scrupuleux les progrès de la dijdomatie naissante. Ayant eu
l'adresse de recueillir des Croisades les plus riches épaves de l'héritage
by/antin, elle avait établi son commerce en Levant au détriment des
autres nations. Seule puissance chrétienne alliée ouvertement aux
Turcs, Venise avait exploité celle situation avec habileté, au point de
vue uniquement mercantile, supportant patiemment les avanies et les
exactions que ne lui ménageait guère la Porte, avec ses allures hau-
taines, afin de tirer prolit des énormes bénéfices. L'intrusion de la
France devait être cruellement sensible à l'amour-propre de la répu-
blique sérénissime.
Les relations de la France avec Venise avaient été, depuis le milieu
du xiii° siècle ' jusqu'aux dernières années du xivc, sauf pendant la
brève période de la croisade de 1201*, purement commerciales ou peu
s'en faut. Le traité du 2o octobre 1396, qui plaçait Gênes sous notre
irAlhrel, pp. 173 et 175, cl le nis. 1215 du fonds Clairambault, à la Bibl. nat., T 80 v°.
— Diego (le .Mendoza est mcnlionné dès 1535 comme panclicr ordinaire du roi; ses
instruction» en Danemark sont datées du 11 novembre 1542 (V. Cal. des odes de
François /". t. IH, pp. 70, 551 el 098, n" 7 793, 10 040 et 10 703; B. N., ms. Clairam-
bault 50, r 7 389).
1. Le premier document authentique sur nos rapports avec Venise est le traité
conclu en 883 par Cliarles le Gros; c'est le plus ancien instrument contenu dans
le célùhre Libro dei l'ntli, aux Archives de Venise (Baschct, Diplomatie vénitienne,
p. 285).
2. O-il en 1199 ijiie se place la fameuse ambassade de Geoffroy de Villchardouin,
dont l'Histoire de la conquête de Conslantinoplc nous a conservé le récit si curieux.
INTRODUCTION VU
protectorat, en ravivant la vieille rivalité des deux républiques, allait
mêler nos intérêts à ces ardentes compétitions. La perte de notre
récente conquête en 1409, pendant l'expédition malheureuse de Bou-
cicaut dans le Milanais, puis renvahissement de notre territoire par
les Anglais en 1-415, suspendirent fatalement toute action efficace de
la France en Italie. Le rétablissement passager de notre domination à
Gênes, en 1-458, n'offrait plus, pour Venise, l'importance qu'avait eue
notre première occupation. Maîtresse de la Lombardie jusqu'à l'Adda,
elle venait d'affermir sa puissance sur le continent par une succession
de luttes glorieuses, et nos armes ne menaçaient plus que le duché de
Milan, où régnait depuis 1447 Francesco Sforza.
Avec ravènement de Louis XI les choses changèrent. Venise, impa-
tiente de connaître les sentiments du nouveau prince à l'égard des
Turcs aussi bien qu'à l'endroit du Milanais, les deux points essentiels
de ces délicates négociations, lui envoie aussitôt une ambassade
extraordinaire (12 octobre 1461) ^ Mais bientùl Tinfluence de Charles
le Téméraire groupe autour de lui les petits états italiens, jaloux de
la protection donnée par le roi de France à Galeazzo Sforza, fils et suc-
cesseur de Francesco; l'alliance de Venise et des Bourguignons se
scelle peu à peu, de 1 470 à 1472. La mort du Téméraire lève les obs-
tacles en 1477 : un traité se conclut le 9 décembre de la même année,
au Plessis-lès-Tours.
Sous Charles VIII, les bonnes relations entre la France et Venise
se maintiennent et se fortifient. Le jeune prince, au moment de s'en-
gager dans l'aventureuse expédition de Naples, éprouve la nécessité
de s'assurer des alliés en Italie. La république, inquiète, cherche vai-
nement à lui faire abandonner ses projets-. Charles VIII meurt pré-
maturément au printemps de li98, et sous Louis XII, qui lui succède,
des rapports très suivis se rétablissent^ : une nouvelle alliance est
signée à Blois le 15 avril 1499 contre le duc de Milan, Ludovico Sforza,
dont le roi de France, dans une campagne de vingt jours, conquiert
l'héritage. Bientôt l'horizon politique se rembrunit; l'ambition royale
s'irrite des prudentes temporisations du gouvernement de la Répu-
blique. La ligue de Cambrai, formée secrètement contre elle par Jules II,
1. Baschet, ifjid., p. 297.
2. Ici se placent les deux missions infructueuses de Philippe de Commines, en
octobre 1404 cl mai-novembre 1 i9o, pour assurer au roi le concours des Vénitiens.
3. Il y eut, pendant le règne de Louis XII, quatorze ambassades vénitiennes à la
cour de France, dont sept ordinaires et sept extraordinaires; encore les relations
furent-elles nécessairement interrompues durant les quatre années qui suivirent
la ligue de Cambrai (l."00-I512). De notre part, les ambassadeurs accrédités se
relient à peu près régulièrement les uns aux autres; nous citerons notamment
Accurse Mainier, grand juge de Provence, qui résida à Venise de 1498 à 1503, et
l'illustre Jean Lascaris, qui lui succéda de lo03 au 30 janvier 1509, date de son
départ de celte ville (V. Baschet, ibid., p. 347, et Archives de Venise, p. 420 et suiv.).
VIII INTRODUCTION
Louis XII et Maximilion, avec le concours de Ferdinand le Catholique,
des ducs de Savoie, de Ferrare et de Manloue, se découvre, à peine
conclue, grâce à l'habile pénétration du Conseil des Dix, qui prendra
dès lors une part prépondérante a la direction des affaires extérieures'.
Vers la lin de l.'il2, un rapprochement s'établit pourtant et, le
i3 mars I.')13, un autre traité de paix est signé à Blois.
Deux années plus tard, le 1" janvier 1515, Louis XII mourait à son
tour. Le règne de François I" inaugurait une longue et durable période
d'alliance entre la France et Venise. A part la grande coalition de
15i2 où les Vénitiens furent entraînés contre nous dans le mouve-
ment spontané cjui unissait le pape (Adrien VI), l'empereur Charles et
Ferdinand son frère, Henri VlU, Gènes et Florence, on peut dire que
Venise demeura notre alliée fidèle, ou du moins sut garder constam-
ment celte espèce de neutralité bienveillante à laquelle Charles-Quint,
de son côté, ne put s'empêcher de rendre hommage -. Dans ces condi-
tions, le poste diplomatique de Venise fut occupé, surtout depuis 1525
et la captivité de Madrid, très régulièrement par nos agents. Outre les
envoyés extraordinaires, dont les missions furent de plus ou moins
courte durée, et les résidents, dont le rôle était transitoire, on vit se
succéder à Venise toute une série d'hommes éminenls, également fins
et lettrés : Louis de Canossa, évéque de Bayeux (1525-1528)'; Jean de
Langeac, évéque d'Avranches (15:28-1530); Lazare de Baïf (1529-1534);
Georges de Selve, évéque de Lavaur (1533-1537); et Georges d'Arma-
gnac, évéque de Rodez (153G-1539), le prédécesseur de Pellicier.
L'histoire du développement de la politique française en Italie, et
particulièrement à Venise, est intimement liée, ainsi qu'on le verra
par les documents qui suivent, à celle des progrès de notre influence
en Orient, dont le règne de François I" marqua le véritable point de
départ. Charrièrc, dans ses Négociations de ta France dans le Levant *,
a peint fort justement, en quelques traits, le caractère et le rôle diplo-
matique de ce prince qui, « sans avoir eu précisément aucune supé-
» riorité réelle, nous laisse cependant l'impression d'un grand roi...
» Dès son avènement au trône, la victoire de Marignan le rend maître
» de l'Italie, et il se trouve placé au-dessus de tous les hommes de son
» temps, parmi lesquels on ne pouvait alors lui soupçonner un rival.
» Aussitôt la politique de ce prince fonde sa grandeur sur une double
» perspective, qui en devient le mobile : c'était d'obtenir son éléva^
1. V. Baschrt, Diplomatie vcnilienne, p. 3C5. — Celte ligue, négociée à Cambrai
par le cardinal d'Aml)oisc, pour la France, et par Jlarguerite d'Autriche, sœur de
Maximilien et veuve du duc de Savoie, fut conclue le 10 décembre lo08.
•2. • lo ho per amici i Vcncxiani, per clie se non mi hanno ajutalo, non mi hanno
fatlo maie », dit un jour l'empereur à Andréa Navagero, qui représenta près de
lui la no|)uldiquc, de 1525 à 152« (Ba^chct, ibid., p. 391).
3. Sa correspondance inédite est conservée à la bibliothèque de Vérone.
. 4. T. 1, pp. XIV et XV.
INTRODUCTION IX
» tien à l'Empire, soit dans un but de protection religieuse du côté de
» l'Orient, soit pour assurer sa suprématie politique sur TOccident
» par l'union de la France avec l'Allemagne... Placé à la limite inter-
)) médiaire de deux grandes époques historiques, il y avait en lui le
» conflit des ten'lances qui se comballaient dans la société. » C'est
ainsi que s'expliquent ces inconséquences perpétuelles, ces appa-
rentes contradictions au milieu desquelles ce monarque garde une
fermeté inébranlable, une énergie qui lui fait trouver des ressources
toujours nouvelles et le maintient à son rang en dépit de tous les
échecs et de tous les revers.
Repoussé par les pays voisins, conquis à l'influence de son redou-
table adversaire, le roi se trouva conduit à chercher dans la Turquie
une alliance trop lointaine, mais dont les avantages n'étaient cepen-
dant pas à dédaigner. Bien que cette politique eût des précédents dans
l'histoire des Croisades, et qu'elle eût été pratiquée antérieurement
par les empereurs et les papes eux-mêmes, elle constituait une nou-
veauté inouïe pour l'esprit du temps, accoutumé à considérer les
Turcs, selon les idées chrétiennes, comme les ennemis nés du monde
occidental. En agissant ainsi, la France acquérait, comme l'a fort bien
compris Charrière, que nous suivons ici pas à pas, une sorte de pro-
tectorat à l'égard de la Turquie. Elle y trouvait surtout les moyens de
créer une diversion puissante contre la maison d'Autriche sur les
points où sa domination était le plus vulnérable, dans la région danu-
bienne et principalement en Italie, où cette alliance devait servir à
refréner les t&ndances des divers états, soit en les empêchant de favo-
riser trop servilement les projets de l'empereur, soit en forçant leur
adhésion aux intérêts de la France *. Aux yeux de la Turquie, le sou-
venir des Croisades restait toujours vivant comme une perpétuelle
menace, entretenue par les ligues formées par les papes ou par
l'Espagne, et que l'abstention de la France pouvait atténuer dans
une certaine mesure. Très reprochée au roi par les contempo-
rains, cette alliance n'en excita pas moins leur jalousie, et elle consti-
tuait en fait une œuvre civilisatrice dont les résultats ont été considé-
rables.
Une lettre écrite d'Innsbruck par Ferdinand d'Autriche à Charles-
Quint, le 14 mars 1325, dix-huit jours après la bataille de Pavie, montre
François I" préoccupé dès lors de l'idée de recourir à la Turquie, et
négociant en secret avec le pacha de Bosnie, qui trahit si perfidement
sa confiance. En conséquence de cette intrigue, le comte Christophe
Frangipani, gentilhomme hongrois, devait, avec l'aide des troupes tur-
ques de Bosnie, envahir la Carniole et la Styrie ; mais un gentilhomme ita-
lien de la suite de Frangipani vendit son maître, et le comte, arrêté par
1. Charrière, loc. cit., t. I, p. xvii.
X INTRODUCTION
le gouvcrnour aulrichion tle Marano, fut cuntluit à InnsbrUck et remis
aux inaiijs de FerdiminJ '.
Dans les premiers temps de la caplivilé du roi h Madrid, au com-
menceinenl du printemps de 1oJ.j, la reine-mère envoya vers la Porte
un ambassadeur, dont le nom est demeuré inconnu, cl qui fut assassiné,
eu traversant la Bosnie, avec les dou/x* bommes qui l'accompagnaient,
au n«)njbre desquels se trouvait le bâtard de Chypre. Les présents des-
tinés ii Suleyman.et consistant en un énorme rubis de grand prix, une
riche ceinture, deux chandeliers d'ur ciselé, et une paire de magni-
fiques clievaux, le tout d'une valeur de douze mille ducats, furent pris;
le rubis <iui, d'aj)rés le dire? du grand vizir Ibrahim, avait été au doigt
de Frani.ois I""" quand il lui fait prisonnier à Pavie, se retrouva bientôt
à la main du premier ministre ottoman.
.\ la lin de l.'iJ.'i, un autre envoyé du roi de France, le comte Jean-
Fran(;ois Frangipani, arrivait ix Constanlinojjle, chargé de négocier de
nouveau l'intervention de Suleyman dans les affaires d'Furope, et de
présenter desdoléances au sujet de l'assassinat du précédent ambassa-
deur. II revint en France au iirinlemps de l.'J2G, porteur d'une lettre de
Suleyman au roi, dont l'original est conservé dans le ms, français
!:*1)82 (venu de iJéthune;, à la Bibliothèque nationale, et dont on
a publié le texte -. Le journal de Marine Sanuto fait mention de
l'audience de congé qui fut accordée à l'ambassadeur français. H reçut
à celte occasion un don de dix mille aspres, soit deux cents ducats,
une robe de drap d'or, et une lettre scellée d'une bulle d'or contenue
dans un sachet d'étoffe cramoisie, faveur inaccoutumée pour l'époque.
Le sandjak dt- Bosnie, expressément convoqué, dut comparaître devant
notre ambassadeur et lui oflVir des excuses. C'est à Chàlellerault vrai-
semblablement que François I", rentrant lui-même de sa captivité
d'Espagne, accueillit Frangipani au retour de Constantinople, si l'on
en juge par un intéressant extrait des Comptes de l'Épargne ^ On
était en juillet 15:20.
Quelques semaines plus tard (26 août 152G), Suleyman remportait à
Mohàcs une victoire décisive sur Louis II Jagellon, roi de Hongrie, qui
périt dans le combat. Les Etats de Hongrie lui donnèrent pour succes-
seur un gentilhomme du pays, Jean Zapolya, auquel Ferdinand d'Au-
triche, frère de Charles-Quint et beau-frère de Louis, disputa aussitôt
le trône. Zapolya implora le secours de Suleyman, qui profita des trou-
1. V. Lanz. Coirespoiirlenz des Kitisers Karl V, t. I, p. i'6o.
2. V. de llamincr. llUt'Arc de l'empire olluman, l. V, p. 150, et Charrière, loc. cit.,
t. I, p. IM.
3. • Au S' i/iicur Ji-lia!i-rr.iii<;i)is Fraiicai)cn, ambassadeur du Turc devers le roy,
20J livres, par lellros à Cliaslcllcraull du 18 juillet WrlC), pour luy aider à supporter
les frais i)uis son arrivée, cl en attendant ijue ledit seigneur ait fait response sur
certaines lettres que ledit comte Jean Francapen luy a présenté de la part dudit
Turc . (B. N., ms. Clairambault lilo, f° 65).
INTRODUCTION XI
bles du royaume pour envaliir la Hongrie, s'emparer de Bude sa capi-
tale, et mettre le siège devant Vienne. Forcé de battre en retraite au
bout de quarante jours, il garda du moins Bude avec une partie de la
Hongrie, laissant Zapolya comme tributaire.
En 1528 fut sans duutc envoyée une nouvelle mission française
auprès de la Porte, mission qui n'a laissé d'autre trace qu'une lettre
de Suloyman à François I", relative à des intérêts religieux, et dont
l'original est conservé dans l'armoire de fer aux Archives Nationales'.
François 1"='', en l'>3:i, revint à son ancien projet d'alliance avec les
Turcs. Antonio del Rincon fut dépêché à Suleyman, porteur d'instruc-
tions secrètes, tandis que le roi prétextait officiellement qu'il l'envoyait
vers la Porte pour la menacer de toutes les forces de la France si les
troupes ottomanes franchissaient les limites de la Hongrie. Rincon ne
rejoignit Suleyman qu'à Belgrade, le 5 juillet ly32, après l'entrée eu
campagne de l'armée turque. H fut reçu en audience solennelle, et
partit avec de nouvelles assurances d'amitié du sultan pour son
maître-. Les dépêches de Lazare de Baïf, alors ambassadeur de France
à Venise, recueillies par Camusat^ mentionnent le passage de Rincon
par Venise, et les honneurs extraordinaires dont il avait été l'objet
de la part des Turcs. Les historiens musulmans eux-mêmes ont enre-
gistré minutieusement tous les détails de cette réception*.
Rincon, malade, séjourna plusieurs mois à Venise, et Baïf nous
apprend que les Impériaux avaient « bel attendre à faire le guet pour
lui faire desplaisir ». L'envoyé français, qui échappa cette fois à leurs
embûches, ne devait pas toujours avoir la même bonne fortune ^.
Cependant François 1", qui depuis quelques années n'avait guère
cessé d'entretenir des relations avec la Porte, soit par des messagers
secrets, soit par l'entremise de Kheïr-ed-Din Barberousse, reçut, vers
la fin de l'année 1534, une ambassade turque '^ à laquelle il répondit
par l'envoi officiel de Jean de la Forest, dont les instructions, conser-
vées aux Archives des Affaires étrangères'', sont datées de Paris, le
11 février 1535 (n. s.). Dictées sous l'influence du chancelier Duprat,
elles déterminent d'une façon très nette et très précise le double but
1. Cette lettre, datée de septembre 1328, a été publiée par M. de Ilammer, t. V,
p. 152, et par Charrière, t. 1, p. 129.
2. V. de Hammer, t. V, p. 138.
3. Mélunnes hi.-'torlrjues. Troyos, 1619, in-S".
4. V. Cliarricrc, t. I, p. 207 et suivantes.
5. Ce fut pendant ce séjour de Rincon à Venise qu'eut lieu la première ambas-
sade en cette ville de Yuniz-Bey, envoyé extraordinaire de Suleyman. 11 arriva à
Venise vers le milieu de décembre 1532, suivant la dépêche de Baïf. citée par
Charrière (t. 1, p. 23"), et non au commencement de janvier 1533, comme le veut
Hammer qui s'appuie à tort sur un passage de Marino Sanuto.
6. V. Charrière, t. I, pp. 249-252. — Le prétexte apparent de l'ambassade turque
était un présent de lions et de tigres destiné au roi ])ar Barberousse.
7. Correspondance de Turquie, t. II, P' 47 à 50; copie du xvi° siècle.
Xn INTRODUCTION
de celle négocialion : protosler haulement auprès de Khcïr-ed-Din
conire l'allilude hostile des Génois, qui avaient adhéré à la ligue
formée à Bologne enliv le pape et l'empereur, et l'engager à les com-
battre sur terre et sur mer; insister auprès de Suleyman pour qu'il fasse
agir ses forces navales conire le royaume de Naples, la Sicile, la Sar-
daigne, ou même rKspagnc, et le décidera conclure une ligue avec les
princes chrétiens (Angleterre, Allemagne, Ecosse, Danemark et Suisse),
à l'exclusion de l'empereur, s'il ne rendait toutefois le duché de
Milan et ne consentait à reconnaître la suzeraineté de la France sur les
Pays-Bas. Désormais François I'^'" allait posséder à la cour de Constan-
tinople un agent attitré, véritable résident mêlé activement à toutes
ies négociations p(jliliques *.
Sur ces entrefaites, Charles-Quint accomplit l'expédition et la con-
quête de Tunis (juin-juillet 153.')). Kheïr-ed-Din, repoussé par la flotte
impériale, prit .sa revanche en saccageant Minorquo (septembre 1535).
C'est vers le même temps qu'un gentilhomme ragusain qui avait été
associé aux négociations de La Forest, nommé Seralino Gozzio, fut
arrêté par les Impériaux sur les terres du duc d'Urbin, à son retour à
Venise, puis relâché h la requête du roi de France *.
Fier de ses derniers succès, Charles-Quint reparaissait en maître
dans l'Italie, tandis que Suleyman, afl'ermi du côté de r.\sie par un
récent traité avec la Perse, se disposait à venger l'échec subi par ses
armées devant Tunis. En février 153G, un traité fut conclu par La Forest
avec la Porte, alliance à la fois commerciale et défensive, dont un
manuscrit de la bibliothèque de l'Arsenal nous a conservé le texte
précieux'. Au même moment les troupes françaises, après d'inutiles
tergiversations avec l'empereur au sujet du Milanais, occupaient
presque sans coup férir la Savoie et le Piémont. L'empereur répondit
à cette manœuvre par le double envahissement de la Picardie et de la
Provence, où lui-même vint se jeter en personne (juillet 1536). Vaincu
par la peste et par la famine, il dut d'ailleurs battre en retraite;
simultanément le duc de Guise et Fleuranges délivraient Péronne et la
Picardie des attaques des Impériaux.
Le G août 1536, Jean de Montluc, alors attaché à l'ambassade du
1. On lit dans les Ertraits des Comptes de l'Éparf/ne, B. X., ms. Clairambault
1215, f" 73 v»: «A .M.Jehan de la Forest, notaire et secrétaire du roy, 11260 livres
tournois, par lettres à Paris du 13 janvier lo3i [/ô3ô], pour sa dépense de 563 jours
qu'il pourroit vacquer en Testât et charge d'ambassadeur du roy devers aucuns
princes et seipneurs du pays d'oullremer, à commencer du 13 janvier 1534 [iôSô]»
2. V. Charrière, t. I, pp. 278-279.
3. C'est le ms. 4767, f 10, qui fait partie d'un recueil de pièces relatives à l'his-
loire des relations diiilomaliques de la France avec le Levant, de 1528 à 1640,
recueil en ;i volumes in-folio, copies du xvi' siècle, provenant de la bibliothèque
des .Minimes de Paris. — V. Cat. des mss. de la bibliothèque de l'Arsenal, par Henry
Martin; Paris, Pion, 188:>1896, 7 vol. in-8, t. IV, p. 451. — Ce le.vte a été publié par
Charrière, t. 1, p. 283.
INTRODUCTION XIII
cardinal de Denonville à Rome, fut expédié de ce poste par le roi à
Barberousse avec une mission purement verbale. Il rejoignit en mer le
capilan-pacha, l'accompagna jusqu'à Constantinople, et revint de là
par Ancône et Rome, « pour ne donner suspicion au pape », sans
doute vers les mois de mars ou d'avril 1337 •.
L'important traité conclu avec la Porte avait été rapporté en France
par Charles de Marillac, cousin et secrétaire de La Forest. Comme le
jeune gentilhomme, parti depuis longtemps déjà, tardait à revenir de
France à Venise, l'ambassadeur français, Georges d'Armagnac, s'en
étonne, le 19 septembre 1536, dans une lettre au roi, et commence à
craindre qu'il ne lui soit « advenu quelque meschef ». Cependant
Marillac, qui n'avait quitté Lyon que le 14, arrive le 27 à Venise, et
deux jours après s'embarque pour Raguse et Constantinople 'K
En juin 1537, nouveau voyage de Marillac en France. Une lettre du
cardinal de Denonville mentionne son passage par Venise'. Barbe-
rousse fait de grands préparatifs sur mer, et la flotte ottomane sera
prête à appareiller au premier jour. Denonville, envoyant au grand
maître Anne de Montmorency la liste des vaisseaux dont elle se com-
pose, insiste sur l'impression de terreur que ces nouvelles causent à la
cour pontidcale*.
L'immense armée de Suleyman, qui montait à plus de deux cent
mille hommes, se détournant bientôt de la route de Hongrie, qu'elle
avait paru suivre d'abord, prit le chemin de l'Illyrie et rejoignit le
port d'Avlone, où Kheïr-ed-Din, avec toute la flotte, l'attendait pour la
transporter à Otrante, ayant à son bord l'ambassadeur français, La
Forest, qui assista publiquement à toutes les opérations navales, affir-
mant ainsi aux yeux de l'Europe l'accord de ces deux grandes puis-
sances du Levant et du Ponant. Le roi, d'autre part, devait agir avec
un corps d'armée en Lombardie, et la flotte française, sous les ordres
du baron de Saint-Blancard^, avait pour mission de seconder l'effort
des Ottomans contre le royaume de Naples.
Nos vaisseaux mirent à la voile le 13 août 1537, quittant Marseille,
et rejoignirent la flotte turque près de Patras. Saint-Blancard était
accompagné de Marillac : les deux envoyés français eurent des confé-
rences importantes avec le grand vizir Ayaz-Pacha et Kheïr-ed-Din,
et furent reçus en audience solennelle au camp de Suleyman, non loin
de Corfou, possession vénitienne dont les Turcs faisaient alors le siège,
qui fut levé peu de temps après. Le sultan reprit ensuite le chemin de
1. Lettre de Jean de Montluc au cardinal du Bellay, publiée par Charrière, t. I,
p. 327.
2. Lettre au roi, du 2 octobre 1336. —V. Charrière, t. I, pp. 317 et 320.
3. Lettre au cardinal du Bellay, du 20 juin 1537. — V. Charrière, t. I, p. 330.
4. Lettre du 24 mai 1337. — V. Charrière, t. I, p. 329.
5. Bertrand d'Ornezan, baron de Saint-Blancard, général des galères de France.
XIV INTKOKUCTION
Constanlinople, accompagné de Marillac, tandis que Sainl-Blancard
slalionnait dans le golfe de Patras'. L'expédilion si brillammenl pro-
jelée n'avait eu d'autre résuUal, en somme, que la prise dOlrante et
de Castro, sur la côte italienne, et la vaine tentative sur Corfou, déter-
minée par dos conflits maritimes survenus entre naviros turcs et véni-
tiens. L'indécision du roi de France, que sa femme cherchait toujours
à rapprocher de l'empereur, la peste qui s'était mise à décimer les
troupes musulmanes, la mort soudaine de La Forest, emporté par la
contagion dans les premiers jours de septembre, aux environs
d'Avlone *, toutes ces influences combinées paralysèrent Faction de la
croisière française et coupèrent cours aux hostilités '.
Le 10 novembre 1537, François I"" conclut avec l'empereur, à Monzon
en Aragon, une trêve de trois mois. Vers la même époque, en Hongrie,
les généraux de Sulevman taillaient en pièces j)rès d'Kszek l'armée de
Ferdinand, qui avait voulu profiter du conflit de la Porte avec Venise,
pour réprimer les incursions perpétuelles des garnisons bosniaques.
Paul m, préoccupé des dangers que la guerre multipliait tout autour
de lui, s'offrit comme médiateur entre les puissances, et l'entrevue de
Nice, ménagée le 18 juin 1538 entre le pape, le roi de France et l'empe-
reur, aboutit à la conclusion d'une trêve de dix années.
Cependant le baron de Saint-Blancard, après avoir hiverné dans
l'archipel où Barberousse continuait à guerroyer contre les îles véni-
tiennes, avait été contraint par le manque de vivres et de ressources,
vers le milieu de février 1538, de gagner Constanlinople, où il arriva
le dernier jour du mois. Là, il conféra de nouveau longuement avec
Marillac, Kheïr-ed-Din et .\yaz-Pacha, eut une entrevue avec Suleyman,
après avoir réparé ses navires reprit la mer le 11 avril et revint en
France par les côtes de Grèce et de Barbarie.
Charles de Marillac était demeuré comme résident à Constanlinople. Le
roi lui donna bientôt pour successeur Rincon, qui arriva le 16 mars 1538
à Raguse, venant de France*. Il écrivit de Péra, le 15 juin, è. Villundry^,
pour lui accuser réception des lettres que Vincenzo Maggio, son secré-
\. Charrière a i)ublié (l. I, pp. :J30 à X,2 et 371 à 383), d'après le vas. fr. 12 528 de
la Bibliothèque nationale, le Journal de la Croisière du baron de Saint-Blancard,
rédigé par Jean de Véga, précieux document qui nous fournit l'une des plus
anciennes descriptions <jue l'on possède sur le Levant, et abonde en curieux traits
de mœurs, en détails pittoresques sur les événements du temps.
2. Lettre du cardinal de Denonville à Montmorency, du 28 septembre 1537. —
V. Charrière, t. l, p. 340.
3. Il est question à deux reprises, dans la relation de Jean de Véga (V, Charrière,
t. I, pp. 350 et 351), d'un certain chevalier d'Kaux. compagnon d'armes de Pietro
•S'rozzi, lequel pourrait bien être le même personnage que ce Tassin des Eaux, qui
résidait à Lonato peu d'années plus tard, et dont il sera souvent parlé dans la
Correspondance de Pellicier.
4. Lettre de Georges d'Armagnac à Montmorency, datée de Venise, le 29 mars 1538
(n. 3.). — V. Charrière, t. I. p. 3G".
5. V. Charrière, t. 1. p. 38i.
INTRODUCTION XV
taire, demeuré à la cour derrière lui, avait apportées le 8, et Marillac
rentra en France peu de temps après, porteur de dépêches, pour aller
prendre à son tour possession de l'ambassade d'Angleterre *.
Le rapprochement survenu entre le roi de France et l'empereur
étonnait et inquiétait alors grandement les états d'Europe, notamment
l'Angleterre, la Turquie et Venise. Henri VIII se sentait vaguement
menacé par l'accord momentané des deux souverains. D'autre part
Rincon, chargé primitivement de négocier, entre la Seigneurie et la
Porte, un apaisement susceptible de laisser l'action libre aux forces de
Suleyman contre l'Autriche, allait se trouver désormais paralysé par
le nouvel état de choses. La situation à Constantinople était rendue
particulièrement délicate par les pourparlers entamés depuis Thiver
avec Charles-Quint au sujet du Milanais, que l'empereur ofTrait encore
au dernier fils de François I'^'', Charles, duc d'Orléans, rapproché du
trône par la mort de François, l'aîné, arrivée en 153G. Mais le sultan
absorbé tout l'été par sa campagne en Moldavie , ne parut pas
ressentir trop d'irritation des événements, grâce à l'habileté de notre
ambassadeur.
Au reste Rincon, pour endormir les susceptibilités de la Porte, et,
suivant ses propres expressions, « temporiser et entretenir toujours en
amitié le Grant Seigneur par tous les meilleurs moyens et persuasions» ',
assaisonnait de riches présents le récit souvent exact qu'il faisait des
nouvelles de France et des démarches successives du roi auprès de
l'empereur. Les fragments que nous possédons des comptes de Rincon ^
nous font connaître le détail de ces robes de drap, d'écarlate, de velours,
de damas, de soie et de satin, noires, violettes, vertes ou cramoisies,
offertes à chaque instant, selon la coutume orientale, à Suleyman et à
ses vizirs, comme aux interprètes, secrétaires, agas, cadis et officiers
de toute espèce, pour se ménager leur crédit et leurs bonnes grâces *.
Enfin Venise, voyant son commerce dans le Levant, source princi-
pale de sa prospérité, compromis par les désastres récents éprouvés
1. On peut consulter sur la carrière diplomatique de ce personnage, outre la
Correspondance d'Angleterre (1539-1542), publiée en 1883 par M. Kaulek, le livre de
M. Pierre de Vaissière, Charles de Marillac, ambassadeur et homihe politique sous
les règnes de François /<"•, Henri II et François H {1310-1560), Paris, Welter, 1895,
gr. in-8.
2. Lettre à Montmorency, datée de Péra, le 28 octobre 1538. — V. Gharrière, t. I,
p. 387.
3. V. Gharrière, t. I, p. 474 et suiv., d'après le ms. de la Bibliothèque na'ionale.
4. On lit dans les Extraits des Comptes de l'Epargne, pour cette époque :
« Au sieur Antoine Rincon, chevalier, chambellan du roy, cl de pré;;ent son
ambassadeur au royaume de Constantinople, 13 500 livres tournois, par lettres à Fon-
tainebleau le 20 février 1538 [1539], tant sur son estai, vacation et dépense en ladite
charge d'ambassadeur durant le temps qu'il a vaqué et pourroil vacquer en icelle
charge d'ambassadeur, que pour converser de certaines alTaircs d'imporlance. —
Item, 4500 livres tournois par lettres à Compiègne, le 21 septembre 1539, pour sem-
blable cause. » (B. N., ms. Clairambault 1215, f 77 V.)
XVI INTRODUCTION
dans l'Archipel, en Moroe et k CurnJie. ruinée par la prolongation des
hoslililes avec Harbfrousse.clierchail à entrer en accommodement avec
la Furie, aux meilleurs conditions possibles. Charles-Quint , qui redoutait
de voir se rallumer la ^,'uerre en Autriche-Hongrie, résolut de pousser
François 1" fi seconder les efforts de la Seigneurie pour obtenir une paix
gent'rale où lui-même serait compris. Jenn-J(jachim de Fassano, seigneur
de Vaux, qui faisait l'intérim à Venise depuis que Georges d'Armagnac
était p;u<sé ù, l'ambassade de Home, avait la lâche diflicile. Il n'était
bruit dans toute la région que des armemenis considérables entrepris
par l'empereur en vue d'une expédition contre les Turcs, ce qui ne
l'empêchait pas de poursuivre concurremment des négociations avec
Barberousse. Comment agirefllcacement sur des bases aussi instables?
Le Napolitain Canteimo fut expressément envoyé, en avril 1539, par le
roi de France vers la Porte pour traiter d'un arrangement entre elle et
Venise. Arrivé dans celte ville le 17, il en repartit aussitôt chargé des
inslruclionsde la Seigneurie. Celle-ci acceptait une suspension d'armes
de trois mois dont la proposition avait été apportée par le Vénitien
LorenzoCiritli, agent secret de la république.
La mission de Canlelmo n'eut pas de résultat, du moins en ce qui
concernait l'admission de l'empereur dans l'armistice, et François I*""
fut suspecté d'avoir détourné Suleyman de s'accorder avec ses adver-
saires. Christophe de Siresmes, secrétaire du connétable de Montmo-
rency, fut envoyé par le roi pour rendre compte à l'empereur de
l'insuccès de celte négociation et justifier la conduite de son maître.
Gritti semblait avoir joué en celte affaire un rôle assez louche; aussi
fut-il enjoint à Ilincon à Constantinople, comme à Pellicier nouvel-
lement appelé à l'ambassade de Venise, d'user dorénavant de la plus
grande réserve à l'égard des divers représentants de la Seigneurie *.
Celle-ci, consternée du succès croissant des armes ottomanes, après
s'être vainement efforcée, au cours d'interminables négociations menées
tour à tour par ses envoyés extraordinaires Pietro Zeno, mort en
chemin, Tommaso Contarini, Luigi Badoaro, d'obtenir la paix sans
de trop pénibles sacrifices, allait être obligée de subir la dure loi du
vainqueur.
A la fin de l'automne de 1539, Charles-Quint persuada au roi de
F'rance d'envoyer, de concert avec lui, une ambassade extraordinaire
à Venise pour bien affirmer à tous les regards l'entente qui existait
désormais entre les deux princes. François l" venait alors de per-
mettre à son rival de traverser ses états pour aller réprimer en Flandre
la révolte des Gantois. En effet, le 10 décembre 1539, arrivèrent à
Venise le maréchal d'Annebault, gouverneur du Piémont, représentant
1. Lettre de J.-J. de Passano à Montmorency, du 18 avril 1539. — V. Charrièrc,
t. I, p. 40 i et suiv.
INTRODUCTION XVIl
du roi de France, et le marquis del Vasto, gouverneur du Milanais,
représentant de l'empereur. Cette singulière mission fut accueillie
avec solennité, mais les Vénitiens ne furent point dupes des intentions
de l'empereur, qui voulait berner à la fois la France et la Sérénissime
république. Peu de temps après, cette dernière se décidait à tenter un
suprême effort en vue de la paix, que Badoaro reçut ordre d'obtenir à
tout prix.
De concessions en concessions, desservi auprès du divan par Can-
telmo', qui avait été cbargé d'une négociation nouvelle auprès de la
Porte par François P'" en octobre 1539, et y demeura jusqu'au 13 jan-
vier 1540, Badoaro, arrivé à Constantinople le 15 avril et admis à
l'audience du sultan le 25, établit définitivement le 4 mai les prélimi-
naires d'un traité qui devait couler cher à la République. Par ce
traité, officiellement conclu le 2 octobre de la même année, Venise
abandonnait à la Turquie les forteresses de Nadin et Lavrana, sur les
côtes de Dalmatie, les îles de l'Archipel tombées au pouvoir de Barbe-
rousse, comme Antiparos, Égine, Paros, Pathmos, Scyros, etc., enfin
les places de Napoli de Romanie et Malvoisie, en Grèce, qui avaient
résisté vaillamment à toutes les attaques de la flotte musulmane, et
dont la perte était vivement ressentie par le gouvernement vénitien;
en outre, il devait payer une contribution de guerre de trois cent
mille ducats. Eu retour, la Porte accordait le maintien des anciennes
capitulations, et de nouvelles concessions favorables au commerce
avec la Syrie et l'Asie Mineure. Il eût été fort précieux d'avoir pour
cette époque les dépêches de Pellicier, dont la suite régulière ne
débute dans notre manuscrit qu'en juillet 1540, à l'heure où les diffi-
cultés de Venise en Levant commençaient à s'aplanir.
La grande rivalité de François J*"' et de Charles-Quint, avec ses
alternatives singulières, remplit alors toute la scène politique, et c'est
surtout dans le Midi que se livrent les actions décisives, le théâtre de
la guerre s'élendant sur une zone qui partait du Danube et de la Hon-
grie, embrassait toute l'Italie, en y rattachant le sud de la France et
l'Espagne, avec les côtes barbaresques. Au moment où s'ouvre pour
nous la Correspondance de Pellicier, l'action médiatrice de la France
vient déjà de se faire sentir dans les négociations du traité de paix
entre la Porte et Venise, à la suite d'une longue guerre, pour atténuer
la rigueur des conditions imposées par le vainqueur. De là ces alter-
natives, ces variations fréquentes de la politique vénitienne, oscil-
1. Gantelmo, à l'insligalion de Pellicier el par rentremise de Cesare Fregoso, ami
des frères Gavazza, l'un secrétaire du Sénat, l'autre secrétaire du conseil des Di.x,
s'était procuré la copie des instructions données à Badoaro, et communiqua leur
substance à la Porte. Ainsi notre ambassadeur préludait, par cette manœuvre, aux
intrigues secrètes qui devaient deu3C ans plus tard lui faire perdre son poste et
coûter la vie ou l'exil à ses complices.
Venise. — 1540-1542. 6
XVIH INTRODUCTION
lanl entre Uoiiie, rKmpire ol la France, « ses désespoirs et ses sourdes
fureurs contre celte dernière nation, qiù est à la fois son recours et
son oppression, (jui la lient assujettie aux mouvements d'une politique
qu'elle repousse, par la pression exercée sur elle au moyen de la
l'iMNiuie » '.
Après s'être efTorciM- vainement de détourner la France de l'Orient,
Venisf se trouvait être le point de contact obligatoire, la grande voie
de coinmunicalion entre les deux nouveaux alliés. Ses navires comme
ceux de Ilaguse, république vassale de la Porte, servaient au transport
ordinaire des courriers français. Dans le trajet, rendu fort dangereux
par les pirates musulmans et cbrétiens «jui hantaient les côtes de
r.\<lriali(|ue et de la Méditerranée, comme par les embûches semées
le long des frontières milanaises, le gouvernement de Venise devait
assurer le passage sur son territoire à nos agents, parfois détroussés
ou même assassinés par les émissaires de l'empereur, avant qu'ils fus-
sent parvenus à Turin, centre et quartier général de la puissance fran-
çaise en Piémont. Venise était ainsi pour nous un poste d'observation
des plus précieux, d'où l'on pouvait surveiller tous les mouvements de
rilalie et de l'Espagne, ayant leur contre-coup dans les états limitro-
phes de la Suisse, de l'Allemagne et de l'Autriche.
Parmi les fuorusciti ou bannis que la révolution de Florence et
l'inféodation des villes italiennes au parti de l'empereur avait fait
relluer de toutes parts sur Venise, la famille Strozzi, illustre dans la
carrière des armes, se distinguait par son dévouement à la France et
ses relations assidues avec nos ambassadeurs. Plus loin, la principauté
de la Mirandole, seul point en arrière du Milanais demeuré sous la
protection de notre nom, entretenait à ses frais une garnison française
dans sa citadelle. Dans le voisinage, les cours de Ferrare et de Man-
loue, oii régnaient les maisons d'Esté et de Gonzague, étaient à la dis-
crétion de Charles-Quint, en dépit du mariage d'Hercule II d'Esté, duc
de Ferrare, avec la douce Renée de France, fille de Louis XII, et de ses
secrètes protestations de fidélité. Son frère Hippolyte d'Esté, dit le
cardinal de Ferrare. résidait habituellement à la cour de France, où,
seul Italien adniis aux conseils royaux, il jouait un rôle assez équi-
voque, s'il faut en croire les accusations formelles de Pellicier. La
duchesse sa belle-sœur, plus attachée à la France par les liens du
sang, entretenait une correspondance suivie avec la cour et ses repré-
sentants officiels en Italie; Pellicier notamment se trouva en fréquents
rapports avec elle, comme on le verra dans ce livre, au double point
de vue politique et littéraire. Enfin le duché d'Urbin, dont le jeune
souverain, Guid'Ubaldo II de la Rovère, avait, comme son père, Fran-
çois-Marie, mis ses qualités d'homme de guerre au service de la répu-
1. Ch.irritTC, t. I, p. xi,.
INTRODUCTION XIX
blique de Venise, ne répondait aux avances de notre ambassadeur
que par de vagues promesses, et demeurait avant tout fermement
associé à la fortune des Vénitiens.
C'est dans les limites de ce cadre ([ue se présente à nous l'ambassade
de Pellicier, précieuse par les documents qu'elle nous apporte sur la
partie du règne de François l" la moins connue et la plus critique,
celle qui fut marquée par l'assassinat de Rincon et de Frégose, et par
les conséquences que ce drame entraîna pour l'Europe entière. Cette
correspondance, dont le premier registre est malheureusement perdu,
nous peint sous des couleurs souvent vives et saisissantes les luttes
farouches déchaînées en Hongrie par la compétition de Zapolya et de
Ferdinand d'Autriche, compliquées par les incursions ottomanes, le
meurtre des plénipotentiaires français; l'expédition désastreuse de
Charles-Quint contre Alger; tout le détail enfin de ces agissements
secrets, de ces influences mystérieuses mises en œuvre pour propager
en Italie le crédit français, alternant avec des entreprises ouvertes et
des tentatives à main armée comme la surprise de Marano et la con-
quête des forteresses du Frioul; puis la catastrophe finale : le procès
des révélateurs vénitiens, l'effervescence de la populace, l'attaque du
palais de l'ambassade, le trouble et la fuite précipitée de Pellicier.
La correspondance du prélat diplomate nous paraît offrir un réel
intérêt, non pas seulement au point de vue historique, par les grands
événements qui s'y déroulent et la multiplicité des personnages qui y
tiennent un rôle plus ou moins important; mais encore au point de
vue littéraire, en raison de l'action capitale exercée par Venise, avec
Bàle et Paris, sur tout le mouvement humaniste du xvi'^ siècle, avec
les Manuce et toute la clientèle érudite, italienne et grecque, de notre
ambassadeur; au point de vue artistique, par la protection et les
encouragements accordés à des architectes comme Serlio, des ingé-
nieurs comme Marin et Carrara, qui furent de précieuses recrues pour
la France et rendirent au prince qui les pensionnait les plus signalés
services.
Il y aurait un livre bien curieux à écrire sur les Italiens en France au
xvF siècle. Introduits chez nous vers la fin du siècle précédent à la
suite des expéditions de Charles VIII et de Louis XII, comme ils
l'avaient été déjà deux siècles plus tôt par la domination des papes en
Avignon, accrus bientôt par les bouleversements des cités de Lombardie
et de Toscane et par le mariage du dauphin Henri avec une Médicis,
les réfugiés italiens pullulaient en France et se disputaient âprement
charges civiles et militaires, pensions royales et bénéfices ecclésias-
tiques. Artistes, capitaines, titulaires d'abbayes et de canonicats foi-
sonnent alors à la cour, et pendant plus d'un siècle, de Charles VIII
à Henri IV, les évêques italiens se succèdent presque régulièrement
sur la plupart des sièges de la Guyenne, du Languedoc et de la Pro-
XX INTRODUCTION
vence. Les révolutions de Florence, les persécutions dirigées contre
les partisans de la France à Naples el dans le Milanais refoulèrent
di« l'autre c»'tlé des Alpes, avons-nous dit, une multitude d'émigrés
auxquels la Trance ollril un asile. Un bon nombre parmi ces pros-
crits parvinrent aux plus hautes fonctions de l'armée, de la magis-
trature, du clergé et de la diplomatie. Le Napolitain Giovanni Carrac-
cioli, prince de Melli, en décembre 1544, le Florentin Pietro Strozzi,
dix ar>s plus tard, devinrent n)aréchaux de France. On sait la part
prépondérante qu'eurent les artistes italiens dans le développement
de la Renaissance française; on a moins étudié dans ses détails
l'inlluence considérable exercée à celle époque sur tout noire système
économique par les négociants et manufacturiers venus d'Italie. Déjà
Louis \I, par linslitution de foires trimestrielles qui portèrent un coup
funeste à celles de (lenève, avait commencé à faire de Lyon un grand
centre financier, commercial et industriel. Sous les règnes suivants,
les banquiers et artistes italiens y affluèrent de plus en plus, donnant
aux transactions de la ville et du royaume entier une activité nouvelle.
Un jeune érudit mort prématurément, M. Michel Perret, a publié
sur les fluctuations de la politique française avec Venise, depuis les
origines jusque vers la lin du xv^ siècle ', de remarquables travaux,
auxquels les ouvrages et les copies laissés par Armand Baschet for-
ment, pour la période postérieure, un complément indispensable. Les
inventaires et les transcriptions de documents conservés à la Biblio-
thèque nationale offrent une mine importante à laquelle nous avons été
heureux de puiser, à défaut des sources vénitiennes dont M. Zeller,
plus favorisé, avait pu faire directement usage. Les grandes colb'Clions
historiques étrangères, telles que les Slatr papers, VArcIiivio sloiico,
VArchivio veneto, etc., nous ont fourni maint éclaircissement sur une
quantité de points. Nous avons jugé utile de donner, à la suite de la
Correspondance de Guillaume Pellicier, des extraits de la correspon-
1. P. -.M. IVitlI, llisloire des relations de la France avec Venise, du XIIP siècle à
Vavéncmenl de Charles VIII; Paris, Picard, 1890,2 vol. in-8.
Miclicl Pt-rrcl avail réuni les matériaux pour continuer son travail jusqu'en li98,
à ravêncmenl de Louis XII, et les copies (|u'il avait fait exécuter tant à Venise
(ju'à Milan sont auj(>urdluil déposées à la bibliothèque de l'École des Chartes.
Il serait à souhaiter que la tâche fût reprise et menée à bon terme. — Voir aussi,
du même, La mi.txion de Peron de Baschi à Venise {Bibl. de l'Éc. des Ch., t. lu);
Jfirqurx Galeot et la n'piiblif/up de Vi'iiisf (ihid.); lioffîlte dp .Iitr/e, comte de Castres,
et la république de Venise {An7iales du Midi, l. m); Le maréchal d'E^querdes et
la république de Venise {Annuaire-Bulletin de la Société de l'histoire de France,
I. XXVIIl).
Parmi les divers historiens qui se sont consacrés à l'élude des mêmes époques,
il convient de citer encore M. L.-G. Pélissier : Louis XII et Ludovic Sforza; Paris,
1896, 2 vol. in-S"; et \'Amt)assade d'Accurse Slcynier à Venise (juin-novembre 1499);
Toulouse, in-8' (Extrait des Annales du Midi, I. V et VI); cl enfin, au point de vue
de l'humanisme, la Ihèse latine de M. Henri Vast sur Jean Lascaris (De vita et ope-
rilius Jani Lascaris; Paris, 18'8, in-S") et les savantes publications de MM. Léon
Dorez, Pierre de Nolhac et Louis Thuasne.
INTRODUCTION XXI
(lance de Georges de Selve pendant son ambassade dans les Pays-Bas
auprès de l'empereur (août-septembre 1540) et de celle de Guillaume
du Bellay, gouverneur du Piémont (juin-octobre 1342), avec la Cour,
tirés également des Archives des AtTaires étrangères, où les documents
sont fort rares sur cette époque. On y verra combien la prolixité sou-
vent emphatique, dilluse et toute farcie de latinismes de Pellicier con-
traste avec la décision et la netteté du style sobre de Georges de Selve,
qualités que l'on retrouve à un degré bien autrement supérieur dans
les dépêches de Guillaume du Bellay.
Les trois frères Du Bellay, Guillaume, Jean et Martin, furent les
meilleurs conseillers de François I"-'", qui, malheureusement, ne leur
prêta jamais qu'une oreille distraite et ne suivit pas toujours leurs
sages avis. Les efTorts désespérés de Langey pour sauvegarder nos
possessions en Piémont demeurèrent inutiles, grâce à l'abandon de la
cour, et l'infortuné vice-roi périt à la peine. Martin du Bellay nous
montre, dans une page touchante des Mémoires, son frère malade et
découragé, partant de Turin en litière, « pour la débilité de ses
membres (car il estoit perclus à cause de ses longs travaux), avecques
le congé du roy, pour venir devers luy auquel il désiroit, avant que
mourir, déclarer beaucoup de choses pour son service, qu'il ne vouloit
point mettre en la bouche dautruy, craingnant de faire tort à ceux
qui en lui s'estoient liez; mais il ne luy fut possible d'y parvenir '... »
Guillaume du Bellay mourut au milieu de son voyage; le 9 janvier 1343,
il expirait à Saint-Symphorien de Lay, près de Roanne, emporté par
une attaque de goutte. Il fut inhumé dans l'église cathédrale du Mans,
où l'on voit encore son tombeau-.
II
Guillaume Pellicier » était né, vers 1490, à Mauguio, près de Mont-
1. Coll. Petitot, t. XIX, p. 392.
2. Dans ce monument, érigé par les soins du cardinal son frère, Langey est
représenté à la modo antique, dans le costume de général romain. A demi couché
sur le sarcophage, il lient dans ses mains l'épée et le bâton de commandement;
son casque repose à son côté. La barbe est longue, l'expression mâle et énergique.
Sur les portraits de Guillaume du Bellay, on peut consulter ['Essai d'iconographie
mancelle, de M. Albert Mautouchet (iîei>«e historique et archéologique du Maine,
t. XXXVI, année 1894, a» semestre, p. 254).
3. Le nom de Pellicier a été orthographié de diverses sortes, même par les contem-
porains; mais les formes les plus constamment employées sont celles de Pellissier
et surtout Pellicier. C'est sous celte dernière forme que signe le prélat dans l'unique
document qui porte renonciation de son nom en toutes lettres, les autres écrits
émanés de lui n'ayant d'autre souscription que ces mots : G[uillaunie], E[vesque]
de Montfj[el](['e]r. Cette quittance, datée du 16 février 1541 {n.s.), et conservée
aujourd'hui dans les archives de la Société archéologique de Montpellier, nous est
donc précieuse à cause de sa signature; on la trouvera plus loin, grâce à l'obli-
geance de M. Emile Bonnet, archiviste de la Société archéologique, qui a bien
voulu en autoriser la publication et la reproduction photographique.
XXII INTRODUCTION
pellier'. Son pi.>ro, viguicr du bourg, se iunnuiail Milan l'cUicier, sa
inïTC Marilonne Garnifr '. Un oncle paternel, Guillaume Pellicier
l'Ancien, chanoine et cellérier du chapitre régulier de Maguelonne,
nourri de fortes études théologiques \ parvint en 1 WH au trône épis-
copal de celle ville et 8e chargea dès lors d'assurer l'avenir du jeune
homme, (jui fut élevé sous ses yeux, à l'omhre du cloître de la vieille
cathédrale. (îuillaume Pellicier, de bonne heure, s'adonna passionné-
ment a la culture des sciences et des lettres; les témoignages des
erudils de son temps sont unanimes à rendre hommage à Télendue de
ses connaissances, qui embrassaient à la fois les langues latine,
grecque, hébraïque et syriaijue, le droit, la médecine et l'histoire
naturelle. Joseph Scaliger notamment, après Turnèbe, en fait le plus
pompeux éloge, affirmant que Pellicier était l'homme de France qui
connaissait le mieux la langue latine * : de là sans doute celte com-
plaisance avec laquelle le prélat a bourré sa prose de tant d'étranges
expr<'ssions, directement transportées du latin en français. Docteur en
droit, Pellicier aimait à disserter sur des points de jurisprudence : on
en trouvera une preuve dans la première lettre adressée à Rabelais.
Cujas le cite dans ses œuvres comme une autorité considérable, et
Jean Philippi, président de la Cour des Aides de Montpellier, dans la
dédicace qu'il lui fil en 1560 d'un recueil de textes juridiques, parle
de son savoir véritablement encyclopédique, « eruditionis omnis ency-
clopo'diam ». Le fameux Etienne Dolel, dès 1538, lui consacre un
poème où il le célèbre comme une incarnation nouvelle d'Apollon,
dieu de la médecine ^; d'autre part, le grand naturaliste (îuillaume
Rondelel, au début de la préface de son traité sur les poissons, pro-
clame Pellicier comme son maître, son inspirateur et son conseiller.
Toute sa vie, l'évéque de Montpellier s'occupa de l'histoire naturelle
de Pline l'Ancien, cl ses commentaires manuscrits, impatiemment
1. Maiiguio, en latin Melr/orium, bourg de l'Hérault, à 12 kil. de Montpellier, sur
l'étang (le ce nom; chef-lieu de canton; Jadis le siège du comté de .Melgueil, qui
remonl.iit au x' siècle.
2. Ces renseignements, que nous devons à l'aimaMe générosité de M. Cliarles
Revilloul, professeur honoraire de l'université de Montpellier, sont tirés d'un
registre des actes de l'administration de Guillaume Pellicier, rédigé par le notaire
Darics, ;i .Montpellier, de lo29 <i 1541 : • Novnm acapilum honesta; mulieris Mari-
tona- Garnier, uxoris nobilis Milani Pellicerii, ejus matris... • (Acte concernant
Guillaume Pellicier le Jeune, passé à Mauguio, le 25 janvier 1330 (n. s.). — Archives
de l'Hérault, série G, n" 175).
3. On lui attribue la réforme liturgique de son diocèse et la revision des missel,
bréviaire et rituel. (Degrefeuille, Histoire ecclésinslii/ue de la ville de Montpellier'.
Montpellier, 1"39, in-f", p. 153).
i. • Guillelmus Pelisserius, episcopus Magalonensls, vir totius Galliae linguo'
latiua- usque adèo perilus, ut veleres omnes Homanos facili' superaverit in exactà
illius cognitione • {Prima scaligeriana, Groninp.. 1G69, p. 119)-
5. Slejjhani Doleli Galli Aurelii Carmina, libri quatuor; Lyon. 1538, p. 76. — « De
Guliclmo Pellicerio. episcopo Monlispessuli. carinen xvi. •
INTRODUCTION' XMll
attendus des contemporains, servirent après sa mort à eniicliir les
travaux de plusieurs savants '.
Les principaux biographes de Pellicier, Gariel, au xvii" siècle ^ et
Tabbé de Folard, au xviii'', disent que celui-ci, pour compléter ses
études, visita successivement Paris et plusieurs universités de France,
de Belgique, d'Allemagne et d'Italie. Pourvu, par la sollicitude de son
oncle, de bénéfices ecclésiastiques dont lo revenu devait lui permettre
de se livrer tout à son aise aux travaux d'érudition; nommé tour à
tour chanoine de Maguelonnc, prieur de Saint-Just ^ et doyen de
l'église collégiale de la Trinité, à Maguelonne, il ne larda pas d'ailleurs
à prendre, au moins en partie, la succession de Tévêque lui-même,
déjà sans doute avancé en âge. Ici, grâce au registre du notaire
Darles, découvert par M. Ch. Revillout dans les Archives de l'Hérault,
registre où sont conservés tous les actes de l'administration de G. Pel-
licier le Jeune, de 1529 à 1541, nous pouvons rectifier les erreurs per-
pétuées jusqu'à ce jour par les divers historiens ecclésiastiques de
Montpellier, qui placent la mort de G. Pellicier l'Ancien en 1529, soit
trois années seulement après la résignation de son siège, et semblent
ignorer les circonstances dans lesquelles cette résignation eut lieu.
Le 21 mars 1526, fut délivré le placet par lequel le roi, rentrant à
peine de sa captivité d'Espagne *, sanctionnait la résignation du siège
épiscopal de Maguelonne, par l'oncle, en faveur de son neveu. Le
13 juin de la même année, le chapitre régulier de Maguelonne accep-
tait, sous réserve de ses droits, la résignation de G. Pellicier r.\n-
cien ^, mais élisait pour son successeur le chanoine Antoine Rasselet.
1. Voir, pour tous ces hommages rendus à l'crudition de Pellicier. le livre de
M. Zeller, p. 34 et suiv.
2. Pierre Gariel, Séries pvxsulum Magalonensium..., Toulouse, 1605, in-f, p. 191.
Ses assertions ont souvent besoin d'être contrôlées: il donne d'ailleurs fort peu de
détails sur le séjour de Pellicier à Venise. La dissertation de l'abbé de Folard.
beaucoup plus complète et qui nous fournit un certain nombre d'indications pré-
cieuses, manque aussi d'exactitude sur bien des points; sa chronologie est surtout
très défectueuse, — V. Appendice VII. p. 710.
3. Saint-Just (Hérault), sur le canal de Lunel, arr.de Montpellier, canton de Lunei.
4. François I" fut échangé k Hendaye, sur la Bidassoa, le 18 mars i-:;26, contre le
dauphin et le duc d'Orléans ses fils, remis comme otages entre les mains de l'em-
pereur {Hist. qénérale du Lanrjuedoc, par D. Devic et D. Vaissette; nouvelle édition:
Toulouse. Privât, 1874-1892, ïo vol. in-4"; t. XI, p. 222).
5. « ... Ad utilitatem egregii viri domini Guilîelmi Pellicerii, decretorum profes-
soris, prioris Sancli Justi, ejus nepotis... » {Archives de Vllcruull, Série G, Notai-
res : Antoine Chabaud; registre 114, f° 409. — Par un acte du 9 novembre 1527, le
chapitre de Maguelonne, rétractant déjà sa conduite passée, protestait contre les
violences de son ex-mandataire, le chanoine Secondin de Bonnail, à l'égard de
G. Pellicier, et prononçait sa révocation {Archives de l'Hérault, ibid., Guillaume
Jaymar, notaire : registre 4, f° 202 et suiv.). — Un bref de Clément VII, daté du
9 juin 1529, est adressé à Guillaume Pellicier l'Ancien, « episcopo olim Magalo-
nensi », touchant certains bénéfices vacants par la résignation de Raoul Pellicier,
doyen de la Trinité, à Pierre Pellicier, clerc de Maguelonne, faite le 18 octobre 1528.
Ce Pierre Pellicier se désista, le 19 février 1529, et Pierre Bouquet, prêtre de
XXIV INTRODUCTION
Un procès s'ensuivit, (jui durait encore en 1528; peul-tHre ne fut-il
int'^me terniiné i\uo dans le cours de l'année suivante, car un dissen-
liincnt ayant éelalé entre les étudiants de Montpellier et leurs maîtres,
de \"rH\ à l.'riO, on ne voit pas que Peilicier soit intervenu pour
apaiser les esprits comme il le (it plus tard, en 1534, lors d'une autre
(luerclle universitaire : ce fait donnerait à croire que sa nomination
elait toujours conlestée. Cependant, dès le mois d'octobre lo'lH avaient
été «>\pidiées, de Fontainebleau, les lettres royales contirmant les
privilèges de l'évèché de Maguelonne, en faveur de Guillaume Pelli-
cier ', qualifié dès lors du litre de conseiller du roi.
C'est il lorl que Ton a répété, sur la foi de liariel, que le nouvel
évoque navait voulu être que le coadjuteur de son oncle, et lui avait
laissé, toute sa vie, l'entier exercice de l'autorité épiscopale. Pellicier
lAiicien i:arda le temporel du diocèse, et résida désormais au château
di' MontlV'irand ". i'cllicier le Jeune, au contraire, eut tout le fardeau
du spirituel et, comme temporel, occupa le palais de la Salle-IÉvéque,
à Montpellier % avec le château du Terrai '\ Cette situation se pro-
longea jusqu'il la mort de Guillaume Pellicier l'Ancien, c'est-à-dire
jusqu'à la fin de 1538 ou le commencement de 1539. En effet, dans le
registre du notaire Darlcs, on voit encore, le ilVi août 1538, notre Pelli-
rier agir, à la Salle-l'Evèque, comme évêque de Montpellier et vicaire
général de son oncle, qualifié lui-même d'évêque honoraire en quelque
sorte, comte de Melgueil et de Monlferrand, etc. ^.
Montpellier et procureur de Guillaume Pellicier le Jeune, fui mis en possession, le
20 octobre de la môme année, au nom du nouvel évêque (Arcliives de Vtlérault,id.,
ihid., reiîislre 9, f" 4". — Communicalions de M'" L. Guivaud à M. Cfi. Heçilloiit).
i. Arch. nal., Trésor des Charles, JJ. 243, n" ii08, f" 148. — Cal. des acles de
François 1", t. VI, Suppl., p. do4, n° 19 078.
2. Le rocher de .Monirerrand, situé à rcxlrémité du contrefort oriental du pic
Sainl-I.oup, dan< l'iléraiilt, fnit partie de la commune de Sainl-Martin de Tréviers,
à 19 kiloniL-lrcs de Muntpellier. A peu près inaccessible sur sa face septentrionale,
qui est taillée à pic, on peut atteindre du coté opposé, par des pentes rocailleuses
et embroussaillées, la i)etile plaie-forme qui en couronne le sommet. Là se dressent
les ruines imposantes d'une vaste forteresse féodale dont les tours, mutilées, s'élè-
vent encore à plus de dix mètres de hauteur. Ce château, qui relevait primitive-
ment du puissant comté de Melgueil, futcédé en 1085 à la papauté, qui en 121 ". en
dota revéclié de .Mnizuclonne. Il fut d('inantelé plus tard par ordre de Louis XIII.
On retrouve, aux divt-rs élafres de celte construction, les traces successives d'ap-
pareils romain, roman et f,'olhiquc.
3. Le palais de la Saile-lKvéque, résidence ordinaire des évéqiies de Maguelonne,
à Motit]>eliicr. était situé sur l'emp-lacement actuel de l'hôtel d'Kspous, dans
l'espace compris entre les rues de la Salle-l'Évêque, de Bocaud, de la Vieille-
Aiguillerie et des Jésuites (Louis de la Roque, Les érêques de Maguelonne et de
Montpellier, p. 113).
4. Le château du Terrai, résiflencc d'été des évêqucs de Montpellier, n'est plus
aujourd'hui qu'une simple ferme, située sur le territoire de la commune de Saint
Jean-de-Védas (Hérault;.
5. ■ ... .Vfonspelii episcopus, et vicarius gencralis in spiritualibus et temporalibus
Rcverendi in (".lirislo Patris Guillelmi, in universali ecclesia Dei episcopi, comitis
.Melgurii et Montisferrandi... » (Registre du notaire Darlcs, f 3o).
INTRODUCTION XXV
Présenté à la cour, le jeune et savant prélat ne larda pas à obtenir,
avec les faveurs du roi, la protection toute spéciale de sa sœur, Mar-
guerite d'Angouléme, reine de Navarre, à qui le cardinal de Lorraine,
métropolitain de Pellicier, l'avait chaudement recommandé. Les
diverses lettres adressées à celte princesse témoignent des sentiments
de profonde et respectueuse gratitude éprouvés à son égard par notre
évoque. Pendant Télé de 1529, il avait été désigné pour prendre part aux
négociations qui aboutirent, le 5 août de la même année, à la signa-
ture du traité de Cambrai '. Une occasion décisive n'allait pas tarder à
s'ofTrir pour Pellicier de mettre à profit son récent crédit auprès du roi.
La ville de Maguelonne, établie sur une presqu'île de l'étang auquel
elle a donné son nom, jadis fort importante, était, depuis le vi'' siècle,
le siège d'un évêché. Conquise au commencement du viii" siècle par les
Sarrasins, elle fut reprise en 737 par Charles Martel, qui, pour éloigner
désormais les envahisseurs, détruisit celte place de fond en comble,
au grand profit de Montpellier qui vit s'accroître promptement sa
population et la prospérité de son commerce. L'évéché, transféré
d'abord à Substanlion, non loin de là, fut pourtant rétabli dans son
lieu d'origine quand, après trois siècles d'abandon, Maguelonne essaya
de se relever de ses ruines. Ce fut vers le milieu du xi^ siècle que
l'évêque Arnaud, avec le concours du pape Jean XIX, entreprit la res-
tauration de la cathédrale de Maguelonne, qui fut terminée en lOoi. Il
reconstruisit l'église et le cloître, y ramena les chanoines installés à
Substantion, et leur imposa la règle de saint Augustin,
Cependant la ville ne put jamais retrouver son ancienne splendeur.
En dépit des largesses royales et des nombreuses dotations de ses
évêques, Maguelonne ne fut plus jusqu'au xvi'^ siècle qu'un grand
monastère fortifié, une sorte de vaste aumônerie où les pauvres et les
voyageurs racevaient des chanoines une hospitalité libérale dont les
règlements nous ont été conservés ^ Les évêques y résidaient même
assez rarement, préférant habiter soit Montpellier, où leur palais et le
siège de leur juridiction était à la Salle-l'Évêque, soit le château du
Terrai, à quelques kilomètres de cette ville. La dédicace solennelle de
l'église et de l'abbaye de Saint-Germain (aujourd'hui Saint-Pierre), le
1 i février 1367, par le pape Urbain V, qui en avait été le fondateur ^
porta un nouveau coup à Maguelonne en rendant plus difficile le recru-
tement de son chapitre régulier. Aussi, vers le commencement du
règne de François I", l'idée était-elle généralement admise de la
double nécessité d'une translation du siège épiscopal à Montpelher,
et d'une sécularisation du chapitre.
1. Gallia christiana, t. VI, col. 808.
2. Voir Louis de la Roque, loc. cil., p. xxu et suiv.
3. V. le livre de M"* L. Guiraud, Histoire de Ver/Use et de Vahbaye de Saint-
Germain.
XXVI INTROIjLCTION
(luillaume l'oUicier, qui avait été l'un des plus ardents proinoleurs
de cr projet, jugea le moment favorable j)Our agir, lors du passage du
roi à Montpellier, en août [Tt'.i'A '. L'évêque, assisté de son oncle, reçut
le monarque et toute la eour, le conduisit à Magiielonnc et sut l'inté-
resser à SCS desseins; le roi proniit de charger ses représentants à
Home de poursuivre la résolution de cette affaire auprès du pape.
C'est vraisemblablement en cette circonstance que se place le trait
rapporté par l'abbé de Folard *. Comme le neveu faisait valoir auprès
du prince la nécessité de la sécularisation du chapitre, son oncle, qui
ne partageait pas ses vues, s'écria plaisamment, en faisant allusion à
la réforme du costume de ses chanoines : « Belle lessive, en vérité!
qui de blancs nous fera noirs! » — « Belle sans doute, répliqua le
roi, car noircis vous n'en serez que plus purs. » Les mœurs cano-
niales, en ce temps-là, passaient pour quelque peu relâchées, et Rabe-
lais, durant son séjour à Moal[)ellier, put sinspirer de Maguelonne
pour la description de l'abbaye de Thélème ^
Désireux de hâter l'accomplissement des promesses royales, Guil-
laume Pellicier accompagna la cour à Marseille, y vil Clément VII lors
de son entrevue avec François V' (13 octobre 1533), et assista aux fêtes
qui célébrèrent le mariage de Henri d'Orléans, second fils du roi, avec
Catherine de Médicis, nièce du pontife {'21 octobre). A Rome, où venaient
de résider les cardinaux de Grammont et de Tournon, et où l'évêque
de Màcon, Charles de Hémart de Denonville, allait être bientôt envoyé
comme ambassadeur *, l'instance se prolongea près de trois années,
1. l.i' roi y séjourna prés d'une ili/aine de jours, du 17 au '2") août 1.^133. Pendant
son séjour furent données les lettres royales informant la Chambre des comptes
de'MonlpclIier <lu serment (riiommago prêté le 22 août par Pierre du Mas, cosei-
i^neur de Pignan (Hérault, arr. et canl. de Montpellier), dans le gouvernement de
la ville (V. Cal. des actes de François l", t. II, p. 402. n° 0174). On retrouvera ce nom
dans la Correspondance.
2. V. p. 713.
3. V. Albert Germain, Maquelonne sous ses e'véques et ses chanoines; Montpellier,
1869, in-8°.
'». Gabriel de Grammont, cardinal, évèque de Tarbes, remplit deux missions suc-
cessives à Home, comme ambassadeur du roi; l'une du 2o juin 1529, date de sa
nomination, au 20 novembre 1530, date de son retour auprès du roi; l'autre du
li novembre lo32 au mois de septembre 4533. Gabriel de Grammont, lors de son
serond voyage, était accompagné du cardinal de Tournon. Ils étaient encore
ensemble à Rome au commcruement de juillet 1533. (Y. B. N., ms. Clairambault
I2in, fo* «7 à 72).
En l'absence d'ambassa<leurs, l'ambassade de France élail gardée par un secré-
taire, Nicolas Raince, protonotain- apostolique, « solliciteur du roi en cour de
Rome -, qui occupait ce jioste bien avant 1526. Tombé en disgrâce auprès de Mont-
morency, en juillet 1532, tenu en suspicion par nos agents et finalement révoqué,
il fut remplacé en 1538 par Jean de Monluc.
Le nouvel ambassadeur, Charles de Hémart de Denonville, cardinal-évèque de
Màcon. nommé le 25 novembre 1533, s'attarda dans son diocèse et ne prit posses-
sion de son poste que le 23 mai 153i. Dans l'intervalle, le roi avait envoyé, le
i" décembre, Hervé de Monestry, seigneur de Forges, son échanson ordinaire,
féliciter le pape à son arrivée à Rome, et le •• congratuler des peines et travaux
INTRODUCTION XXVII
maigre les actives démarches du chancelier Duprat auprès du cardinal
Agoslino Trivulzi, protecteur des affaires de France à Rome, en faveur
de Pellicier '. On/ rencontrera, dans la Correspondance, quelques allu-
sions au séjour prolongé du prélat dans la Ville éternelle, notamment
dans la dépêche à Du Cliâtel, du 22 juillet 1540, et dans celle à Langey,
du 14 septembre 1541 '. Le savant humaniste profita naturellement de
ces loisirs forcés pour nouer des relations solides avec les nombreux
érudits qui fréquentaient Rome à cette époque. La mort de Clé-
ment VII, arrivée en septembre 1534, interrompit les négociations.
Elles reprirent sous Paul III, son successeur, et la translation fut enfin
décidée. La bulle, en date du 27 mars 153(5, qui transférait à Montpel-
lier le siège de l'évêché de Maguelonne, décrétait en même temps la
sécularisation de son chapitre '. Le cloître de Saint-Germain fut affecté
dorénavant à la résidence des chanoines, et Téglise abbatiale fut trans-
formée en cathédrale sous le vocable de saint Pierre, comme l'an-
cienne église de Maguelonne qu'elle remplaçait^.
qu'il peut avoir eus à cause du mauvais temps qu'il a fait durant son voyage
dernier fait de Marseille à Rome. » L'évêque de Paris, Jean du Bellay, d'autre part,
rentrant d'Angleterre, avait été expédié par le roi à Rome, du 12 janvier au
18 mai 1534 (V. B. N., ms. Clairambault 1215. f^ 71 V et 72).
Au printemps de l'année suivante, Jean de Lorraine, cardinal-archevêque de
Narbonne et métropolitain de Pellicier, allait à son tour, sur l'ordre exprès du roi,
donné à Sainl-Clief le lo avril 1d30, négocier à Rome, auprès du pape l'impossible
paix avec l'empereur. La tentative échoua. Les événements se précipitaient, la
France était envahie de deux côtés par les Impériaux; Denonville, troublé par les
difficultés de la situation, appela la cour à son aide. L'évêque de Lavaur, Georges
de Selve, partit alors de Venise, le 20 février 1537, pour se rendre à Rome, tandis
que lo cardinal d'Armagnac le remplaçait dans son ancien poste.
Le cardinal de Denonville demeura jusqu'au 31 mai 1538, date de son audience
de congé, et rentra en France, laissant derrière lui l'évêque de Lavaur. Nommé à
l'évêché d'Amiens peu de temps après, il fut intronisé le 9 décembre de la même
année, et mourut au Mans, le 23 août loiO, à l'âge de quarante-sept ans (V. Un abbé
de Saint-Aubin d'Angers, le cardinal de Denonville {1 493- 1 3i0), par le marquis de
Brisay: Vannes, 1891. in-8°; extr. de la Revue historique de l'Ouest. — B. N.. ms.
Clairambault 1215, f' 72 à 77).
1. V. Louis de la Roque, loc. cit.. p. xxxvin.
2. P. 28 et 428.
3. Bulla secidarisalionis ecclesise cathedralis Divi Petrl Monspelii, antea Maf/a~
lonw dictée, a Paulo III, Pontifice marimo, concassa... Lyon, Daniel Gilet, 1599, pet.
in-4'' de 55 p. — Le texte en a été réimprimé par Gariel, p. 199. et Degrefcuille.
p. 153.
4. M. Léon Dorez a publié, dans la Revue des Bibliothèr/ues (l. IV, année lS9i,
p. 232), d'après le ms. 303 de la collection Dnpuy, à la Bibliothèque nationale, une
lettre de G. Pellicier à Jean du Bellay, datée de Rome, le 7 août [1536]. C'est la
seule qui nous reste de sa correspondance de cette époque. Il y est fait mention
de plusieurs humanistes amis du prélat : Fausto Sabeo, l'un des custodes de la
bibliothèque Vaticane; Agostino Steuco, dit Eurjubinus, qui en fut le bibliothécaire;
Christophe Contéléon, Nicolas Pétros, Jean Chapelain, médecin de François I", les
cardinaux Niccolô Ridolfi et Francesco Pisani. Nous reproduisons ici celte lettre
avec le gracieux assentiment de son éditeur.
" Monseigneur, ayant la comodité de me mettre en la compaignie de Monsei-
gneur le Révérendissime cardinal Trivolce, je eusse bien voulu m'en venir
devers vous: mais, obstant que l'affaire de nostre esglise n'estoit encores dépesché
XXVIII INTflOnUCTlON
Notre t'V<'(iue reinplil lionorahlemenl, dans sou diocèse, avec les
soins de radiniiiislralion spirituelle, le rùle que sa silualion lui impo-
sait dans le gouverneinenl des afFaires publiques. Clia(iue année, en
Languedoc, se tenait, à l'arrière-saison, rassemblée des Ktals provin-
ciaux, où la plupart des évêques, en dépit des Iréquenles injonctions
royales et des doléances répétées tics Ktats, négligeaient volontiers de
se rendre. (Juillaume Pellicier semble avoir pris à lùclie d'y assister
plus régulièrement que les autres prélats, sexcusant par lettre lorsque
ses occupations ou sa santé chancelante l'en retenaient éloigné. En
1530, il avait présidé pour la première fois, du '.) au 16 décembre, les
États il .Montpellier : obligé de s'absenter, il fut remplacé pour le reste
des séances, du 16 au 20, par 1 abbé d'Aniane, vicaire général de Nar-
bonne. L'année suivante, l'abbé d'Aniane préside les États à Nîmes, du
io au t\ décembre, et Pellicier figure parmi les cinq commissaires
royaux; il prononce la harangue habituelle en latin. En 153:i, bien
du tout el <|iu> coininc je vous ay cscripl, lo banquier n'eusl voulu en façon ihi
monde «lolilivrcr les deniers de l'expédition sans que nioy en personne luy en lisse
reco^noissance, .suis demeuré jusqucs à présent, où je me allnndoys — pour lanl
de belles promesses que Daciis ille nosler {qui hic turbal onmla) • m'avoit faicles —
recouvrer queUjue partie de ses trois cent/, escuz lesquelz, interposant voslre nom
cl auelorilé. il y a lanlost ung an, il nous corbina; mais ii i)résenl je voy claire-
ment qu il n'y a lieu de plus m'y atlandre. El si fault-il (|ucjc soye ung polit
myeulx fourny d'arf-'ent avant que cnlrc])randre ung si lon|.' voyage, en ce temps
diflicille, par gens et pais incongneuz. Par quoy ay mandé à mes gens y pourveoir,
ce que je allandz au premier jour recouvrer. Ce pandant, ces chauitz se passe-
ront, lesquelz sont plus grandz el fasclieulx qu'on ne veyl long temps yci. J'espoire
que tout pourra avoir esté pour le myeulx; car tout le temps que sommes arreslez
ici, avons faict quelque advancement es bonnes choses que je cognois vous eslre
agréal)les.
- Tous messieurs voz serviteurs el amys de pardeçà font bonne chère el se
recommamlent très humblement à voslre bonne grâce, cl sur tous M. Fauslus,
qui insiste toujours après l'escriplnre de ses épigrammes que luy avez mandés -.
Et aussi fait .M. Augustinus Eugubinus lequel, doublant les chaullz, s'est retiré
aux montaignes en son pais. Ils ont, soubs Dieu, ferme espérance en vous plus
que en tout le di;mourant du monde. Je suis seur avec le temps ils n'en seront
point frustrez.
!• Monseigneur le névércndissimc de Rodolphis a ung honeste home grec, nommé
maistre Oistofle (lontcléon, natif de Malvcsiu in Laconid, lecpiel, environ trois ans
y a, cstoit avec nous à la rourt. et duquel il vous pleut pour voslre génuine huma-
nité porter parolle au lloy grandement favoralilc, jusqucs à luy impétrcr lettres
de naturalité. Il m'a prié le plus fort du monde vous supplier commander à ung
de voz gens les luy faire dépescher. Aussi mondil seigneur le cardinal de Rodol-
1. Cctl<> ritatioii classiquo parait s'appliquer à Nicolas Raincc, que son esprit brouillon finit
par faire rovo(|uer «lu poste de seerctaire «le l'amljassadc de France à Konic. La Bibl. nat.
possède nii eertaiti iionilire de lettres de cet équivoque personnage.
•i. Cette copie des premières èpij.'ranimes de .Sabco est peut-être le nis. 188 des îVoun-lles
Acquisitions île la Hibl. nat., qui i)rovieiit du colié<,'e des Jésuites de Tournon. — Le cardinal «lu
Bellay, penilant son séjour à Uome, avait attiré à lui par sa libéralité la foule bcsoigncusc
des humanistes et <lcs poètes qui célébraient à l'cnvi, en strophes enthousiastes, la grandeur et
la munirtcenco du prélat. Mais après son rappel en France, les épigrammes de Sabeo lui-même
devinrent d'abord élégiaqucs, puis satiriques, et Pellicier, pour avoir une l'ois condamné sa
porte à l'indiscret parasite, fut vise par une malicieuse |)iécctte qu'on retrouvera dans la publi-
cation de .M. Dorez.
INTRODUCTION XXIX
qu'il soit encore au nombre des commissaires du roi, c'est lui qui pré-
side les États ouverts à Montpellier, le 21 octobre. Au Pont-Saint-
Esprit, où les États furent tenus du 13 au 18 novembre lo33, Pellicicr
figure de nouveau comme commissaire royal et prononce la harangue.
Il s'étend sur les événements politiques du temps : l'entrevue du roi
avec Henri VIII d'Angleterre, à Calais et à Boulogne; son récent voyage
à travers la province, où il n'était pas venu jusqu'alors, et où il avait
donné ordre aux aflaires judiciaires, et pourvu aux réparations des
fortifications des places principales; l'entrevue de François I*"" et de
Paul III à Marseille, où ils avaient conféré des intérêts de la chrétienté,
ainsi que de la prochaine nécessité d'un concile. Le prélat, qui avait
été associé de près à ces grandes manifestations, en pouvait parler en
toute connaissance de cause. Aux Étals qui se tinrent à Béziers l'année
suivante, du 26 octobre au l*^"" novembre, Pellicier remplit encore les
fonctions de commissaire du roi. Il n'y parut pas toutefois en 1535, à
IS'imes, non plus qu'à Montpellier même, en 1536.
Les comptes rendus de ces sessions ', où nous pouvons constater la
[ihis m'en a parlé bien afTectiieusement et (comme m'a dil) vous en a escript par
deux l'ois; il est esmerveillé de ce qu'il n'en a eu responce. J'en ay escript a
M. maistre Jelian Chappellain, pour la bonne affection qu'il portoit audit maistre
Christofle; mais, comme je suis adverty, il est retiré à Paris. Je vous supplie,
Monseigneur, I\iy faire ce bien qu'il puisse recouvrer le fruicL de ce bienfaict que
jà luy avez faict *.
« Ces moys passez, M. Nicolaus Petreïus, qui est à monseigneur le Révércndis-
ime cardinal Pisan, me donna quelques cayers d'ting fort singulier libvre qu'il
traduicl de grec, intitulé : Mele/ii patriarche AjiHochenùf de struclurâ Iiominis,
lesquelz je vous ay envoyez pour entendre s'il vous plaira qu'il achève; car il a
v.oulloir le vous dédier et tout ce qu'il est et peult, si vous le trouvez bon. II vous
plaira. Monseigneur, pour vostre bénignité en faire sçavoir vostre bon plaisir; car
il est homme pour sa bonté, bonne érudition mcsmement en grec, et ses aultres
bonnes qualitez, qui mérite d'estre ambrasse de vostre acoustumée faveur 2.
« Monseigneur, je croy que à présent noz bulles pourront cslre arryvées à Lyon.
Il pourra estre que nostre chappitre envoyera quelzcuns là pour les recouvrer '^.
S'ils avoient besoing de quelque placet ou aultre chose à la court, je vous supplie,
Monseigneur, voulloir estre prolecteur et patron de tous nous en cestuy et aultres
nostres affaires, et noz demeurerons tousjours voz très humbles esclaves et, ce
néantmoings, de affection comme filz. Et sur ce (après moy estre recommandé de
tout mon cueur à vostre bonne grâce et baizé voz mains) fairay fin, jiryanl Nostre-
Seigneur vous veille garder, au bien public et honneur sien, en bonne prospérité
et santé avec longue vie.
« De Rome, ce vu" jour d'aoust.
« Vostre très humble et obéissant serviteur,
" G., E. DE Maguelonne. »
1. V. la nouvelle édit. de l'Histoire générale du Languedoc, t. XI.
1. Ces lettres de naturalité no se rencontrent pas dans le Cat. des actes de François I'', où le
nom de Contéléon ne figure point.
2. Cette traduction no parut qu'on 1552 (Venise, in-4°) et l'ut dédiée, non pas au cardinal du
Bellay, mais à Andrea-Matteo Acquaviva, duc d'Atri (V. Emile Legrand, Bibliographie hellvniqiœ,
t. I, pp. ISS-lSl).
3. Les bulles de translation du siège de Maguelonne à Montpellier, on date du 6 des calendes
d'avril (27 mars) 1536, furent notifiées au chapitre de Maguelonne et aux bénédictins de Mont-
pellier aux mois de juin et août de la même année.
XXX INTKOUUCTION
présente presque assidu»* de rév(''que, nous uionlrcnl «jue le voyage à
lloino n'eul lieu sans doute que postf'Tieureinenl à l'année 1534. Celle
présomption est pleinement corroborée par un document précieux qui
lixe pour nous la date du départ de Pellicier pour lllalie. On lit en
effet dans une lettre adressée de Turin, le i2 juillet irJ3o, par Claude
Farci il son frère Guillaume Farel, le célèbre réformateur, alors à
tienève : « Nous avons trouvé en chemyn Monsieur de Paris [Jean du
lifUoy, leijuel s'«'nt va prendra le chappeau rouge' et sera], comme
je crois, légat en France, à cause que les pous ont tué l'aultre *.
L'évesque de Magalone luy fait compaignie ^.. »
\Ai retour d'Italie eut lieu vraisemblablement au commencement de
l."»:{7. L'absence avait duré deux années. Aux États de Pézenas, du
9 au 13 novembre, l'évécjue de Montpellier est de nouveau commissaire
royal et fait la harangue. Le roi, qui s'était rendu en Piémont au mois
d'octobre, passa par Montpellier en revenant, le 21 décembre, et la
reine Marguerite, sa sœur, l'y rejoignit. Au cours de celte même année
1537, Pellicier avait été pourvu dune charge de conseiller au Parle-
ment de Toulouse. Nous en trouvons l'écho dans un passage de la
dépêche (■)(). adressée de Venise, le 8 octobre lo40, à la reine de
Navarre, sa protectrice *. Il rappelle que, trois ans auparavant, le roi
avait promis à sa sœur de le pourvoir d'un office de maître des
requêtes, ainsi que Marguerite le lui fit dire par le cardinal de Lorraine,
archevêque de Narbonne, lui Pellicier « alors estant nouvellement
conseiller de Tholoze »; il ne devint maître des requêtes que quelques
années plus tard. En 1538, aux États tenus à Alby, du 8 au 14 octobre,
l'évéque de Montpellier prononce encore la harangue en qualité de
commissaire du roi, puis il cesse de figurer dans ces assemblées pro-
vinciales pendant une période de cinq années. Le moment était venu
en effet où la fortune du prélat allait atteindre son apogée.
L'humanisme battait alors son plein. A Montpellier même, la floris-
sante école de médecine, dont la fondation remontait au xiiF siècle, et
qui avait été régulièrement constituée en 1498 par Louis XII, faisait de
celte ville un centre important d'activité intellectuelle. On y commen-
tait Hippocrate et Arislote, on y enseignait l'histoire naturelle, la
botanique et l'anatomie. Notre grand Rabelais venait d'y prendre ses
grades universitaires; inscrit pour la première fois sur les registres de
la faculté le 16 septembre 1530, il avait été reçu docteur le 22 mai 1537,
1. Jean du Bellay, évèque de Paris, avait élé fait cardinal le 21 mai do33.
i. Antoine Dupral, archevêque de Sens, et légal du pape en France, était mort
flans son château de Nantouillet (Seine-et-Marne), le 8 juillet 1535, d'une maladie
pcdiculaire (V. \ a Journal r/'jni bourgeois de Parix, édit. Lalanne; Paris, Renouard,
1854, in-8, p. 460.
3. Herminjard, Correspondance des réformateurs, t. Ill, p. 322, d'après les Archives
de Genève.
4. Voir p. 116.
' INTRODUCTION XXXI
au retour de ses voyages à Rome (avec Jean du Bellay), à Lyon el à
Paris. Dans le cours de la même année, Pellicier opérait la translation
des chanoines de Maguelonne dans le monastère bénédictin de Saint-
Germain, occupé depuis par l'Ecole de médecine. Les maîtres de ren-
seignement étaient Rabelais lui-môme, le naturaliste Guillaume Ron-
delet ', peint dans Pantagruel sous les traits de Rondilnlh *, Jeun
Esquiron, qui devint chancelier de l'Université, cl fut l'un des plus
zélés promoteurs de la renaissance littéraire et scientiiique à Mont-
pellier ^ Les propres travaux de Pellicier sur la botanique *, ses com-
mentaires ingénieux sur Pline marquent sans contredit, avec les
études de Jean Ruel ^ sur h^s plantes et de Rondelet sur les poissons,
les véritables débuts de l'histoire naturelle dans notre pays.
Les hautes relations que notre évêque avait su se créer à la fois
dans le monde politique et dans le monde savant, le charme de son
commerce et la courtoise affabilité de son caractère '', la faveur enfin
dont il jouissait auprès de la reine Marguerite, cette muse charmante
de la Renaissance française, protectrice fidèle des artistes et des let-
trés, lui valurent, au commencement de 1539, la nomination au poste
envié d'ambassadeur de France auprès de la république de Venise.
IVous avons dit plus haut l'importance politique attachée à ce poste
d'observation qu'était pour notre diplomatie Venise, état neutre,
ouvert largement à tous les négoces étrangers, intermédiaire obligé
des transactions européennes avec le Levant. Cette cité merveilleuse,
assise au milieu des eaux et reflétant dans le miroir des lagunes,
sous un ciel lumineux, l'éclat oriental de ses palais et de ses dômes
byzantins, n'offrait pas moins de ressources au point de vue artistique
et littéraire. Les chefs-d'œuvre de la peinture, de la sculpture, de
l'architecture s'y multipliaient spontanément, sous la protection d'une
aristocratie intelligente et généreuse; les érudits et les curieux y ren-
contraient en abondance des manuscrits grecs et latins, arabes et
hébraïques, épaves sauvées du désastre de l'empire chrétien de
Constantinoplo. Déjà plusieurs des prédécesseurs de Pellicier à Venise,
notamment Jean de Pins, évêque de Rieux, ambassadeur de 1517 à
1522, et Georges de Selve, évêque de Lavaur, de 1533 à 1537, avaient
1. Guillaume Rondelet, naturaliste et médecin, né à Montpellier le 27 sep-
tembre loin, mort à Réalmont (Tarn), le 30 juillet 1566.
2. Liv. III, ch. 31 à 33.
3. V. Albert Germain, La Renaissance à Montpellier, Montpellier, 1871, in-i";
Ch. Martins, Le Jardin des Plantes de Montpellier; Montpellier, ISoi, in-4° avec
planches. — M. Ch. Revlllout prépare un important, travail sur le rôle d'iîsquiron
dans le développement de l'humanisme à Montpellier.
4. Il a si^,'nalé le premier la linaire qui porte son nom, linaria Pelliceria.
5. Jean Ruel, médecin et botaniste, né à Soissons en 1479, mort à Paris le 24 sep-
tembre 1337.
6. Voir à ce sujet les témoignages unanimes des contemporains (Zeller, pp. 41
et 42).
XXXII 1NTU0I)UCTI0N "
rempli iivec succt'S, concurromnuMit h leurs fondions politiques, les
vérilîiMes missions scienliliiiuos dnnl on les charf^eait ol qui consis-
taient à acquérir ou faire copier, i)our la bibliothèque royale en for-
mation ti Kontaineblean, ces inappréciables trésors, chefs d'œuvre de
l'antiquité classi(iue. Aucun choix ne pouvait être préférable, en ce
sens, il celui de Ouillaume Pellicier, pour continuer heureusement
cette laborieuse tAche.
A Venise résidait alors, depuis 1530, <i titre de secrétaire et de chargé
d'allaires. un gentilhomme génois, employé depuis longtemps au ser-
vice du roi de France, Jean-Joaehim de Fassano, seigneur de Vaux. Il
avait elé déjà chargé antérieurement do j)lusieurs missions impor-
tantes, et sa connaissance des allaires l'avait rendu indispensable au
cardinal d'Armagnac, évêque de Rodez, ambassadeur à Venise. La
nominatiop de Pellicier était décidée au début môme de l'année 1539,
car une lettre de Cornélius Van Schepper à l'empereur, datée de Paris,
les 10 et 11 janvier, et conservée aux archives de Simancas, annonce
que l'évéque de Montpellier ira bientôt prendre à Venise la place de
l'évéque (le Rodez qui est en roule pour revenir '. Désigné ofticielle-
menl par lettres données à Fontainebleau le 3 février, Pellicier retarde
sans doute son départ de quelques semaines, car M. de Vaux dut
rester plusieurs mois encore à Venise, tant pour l'allcndre que pour
le mettre au courant après son arrivée *. Enfin, le 30 juin de la même
année, une dépêche de l'ambassadeur impérial Lope de Soria, adressée
au secrétaire d'État Cobos, annonce que le nouvel ambassadeur fran-
çais a rendu ce jour-là sa première visite à la Seigneurie, et viendra
sans doute chez lui-même le lendemain, « car je suis, ajoute-t-il, retenu
par la fièvre, mon malaise habituel ' ».
Ayant pris possession de son poste, Pellicier se mit aussitôt en rap-
port avec le gouvernement de la république, caractérisé principale-
1. Calendar of Stofe papns-, Spanish, 1ô3S-lô42, jt. 105.
2. - A Jelhin-Joacliim de Passano, seigneur «le Vaux, niaistre d'hoslel du roy et
son ambassadeur à Venise.., l.'io3 1. t. par lettres à Chantilly, le 3 aousl 11539, pour
son estai, vacation cl dcspensc en ladite charge durant 122 jours commencez le
1" avril, et linissa.ns le dernier juillet, jusqucs auijuel Jour il a vacqué ez alFaires
d'icelle charg", tant auparavant et en attendant l'arrivée audict Venise de
l'évcsque tic .Montpellier de prosent y estant amljassadiur, que depuis qu'il y est
arrivé, afin de l'instruire et adverlir, d'iceux afTaires... » (B. N., ms. Clairambault
1215, r 17 y"\
« .\ fiuillaume Pélissier, évesque de Montpellier, conseiller du Roy, et par luy
député pour aller son ambassadeur devers la Sgrie de Venise, 3750 1. t. par lettres
à Fontainebleau le 3 février 1538 (/.539), pour son estai, vacation cl despense en
ladite charge de son aml)assadeur durant deux cent quarante jours commencez
ledit 3 février 1538 (1-'>39) et linissans le dernier septembre prochain qu'il voudroit
vacquer en ladite charge à raison de 10 1. t. par jour. — Item, 1,250 1. t. par lettres
données à Compiègne le 28 octobre 1530, pour sa dépense en ladite charge, durant
cent vingl-cin<| jours commencez le 1" octobre 1539, finissans le 2 février suivant •
(B. N., ms. Clairambault 1215, f" 77).
2. Calendar of Stale papers, Spanisli, l538-15iS, p. 16G.
INTRODUCTION XXXIII
ment parle Sénat et par le conseil des Dix, véritable comité de salut
public, a dit M. Zeller, et qui avait une action prépondérante sur toutes
les aflaires. Pour arriver à pénétrer les secrètes résolutions des Dix
comme à influencer les votes du Sénat, le prélat cherclia audacieuse-
ment à se ménager des intelligences dans les différents groupes poli-
tiques. En dépit des lois sévères qui interdisaient strictement à tous
les patriciens d'avoir aucune relation avec les ambassadeurs étrangers,
Pellicicr parvint à gagner les secrétaires des deux conseils et, par le
moyen de divers aflidés qui lui servaient d'intermédiaires, à surprendre
les décisions de la république, et à déjouer plus aisément les insidieuses
manœuvres des Impériaux '. Nous n'avons garde d'entrer ici dans
l'examen détaillé de ces dangereux agissements, non plus que des
grands faits politiques de l'ambassade, qui ont été déjà indiqués dans la
première partie de cette étude. Entre temps, le savant évêque mettait
à profil ses rapports amicaux avec les humanistes italiens et orientaux,
pour enrichir la bibliothèque du roi et la sienne propre de manuscrits
originaux et de transcriptions exécutées à grands frais par d'habiles
copistes -. Les Manuce, les Asola, ces imprimeurs célèbres, le fameux
poète et pamphlétaire Arétin, alors établi à Venise, partageaient son
amitié avec les Bolonais Romolo Amaseo et Pietro Angelio de Barga,
Girolamo Fondulo, de Crémone ^, les grecs Eparchos et Zenos qu'on
1. C'est à celle diplomalie secrète que se rapporte la quittance du IG février 1541,
document signé en toutes lettres du nom de Pellicier :
« Nous Guillaume Pellissier, évesque de Montpellier, conseiller du roy et son
ambassadeur devers la Seigneurie de Venize, confessons avoir receu comptant de
M" Jehan Duval, aussi conseiller dudict seigneur et trésorier de son espargne, la
somme de deux mil deux cens cinquante livres tournois en M escuz d'or soleil à
XLV sous tournoys pièce, que messire Octavian Grimaldy, aussi conseiller d'icelluy
seigneur, et vice-président de ses comptes, nous a fait tenyr et deslivrer en ceste
ville de S'^enize, et laquelle somme le roy nostredict seigneur a voullu et ordonné
estre mise en noz mains pour deslivrer en cestedicte ville à ung certain person-
nage que ledict seigneur ne veult estre nommé, auquel il en a faict don, en faveur
et recongnoissance de certains bons et recommandables services par luy faictz
audict seigneur qui ne seront cy aultrement déclairez. De laquelle somme de
ii^u'l livres nous .tenons content et bien payé, et en avons quitte et quittons ledict
M« Jehan Duval, trésorier susdict, et tous aultres. En tesmoing de ce nous avons
signé la présente de nostre main et scellé de nostre scel, en la ville de Venize, le
xvr° jour de febvrier, l'an mil cinq cens quarante, pour la tierce quittance. —
G. Pellicieu, E. de Montpellier. »
(Original signé, sur parchemin, conservé aux. Archives de la Société archéologique
de l'Hérault).
2. Des lettres patentes du roi, datées de Bourg-en-Bresse, le 2 octobre 1541, attri-
buent la somme de 225 livres tournois à Jean Privât, de Moulières, serviteur de
l'évèque de Montpellier, « pour le recompenser des fraiz et despenses qu'il a faictes
à cause de la voiture et conduicte de quatre caisses de livres escriptz en grec,
qu'il nous a fait amener et conduire depuis Venise jusques ou lieu de Chavaignes,
où nous les avons receuz pour faire mettre en nostre librairie. » {Cat. des actes de
François I", t. IV, p. 24G, n" 12, 147. — Cf. Delisle, Cabinet des mss., t. I, p. 157,
■note l,et Omont, dans la Revue des Bibliothèques, 1S91, p. 162). François l" était à
Chevagnes (Allier) le 27 août 1541.
3. Voir Zeller, loc. cit., p. 88 et suiv.
Venise. — 1540-1542. C
XXXIV INTRODUCTION
rt'nconlri'rîi maiiilo Cuis au cours de la Correspondance. MM. Léopold
Delisle et Henri Oinunl ont étudié ininutieusemcnl, et d'une façon
délinilive, celte face essentielle de la physionomie de Pellicier ; nous
aurons souvent occasion de renvoyer le lecteur k leurs travaux.
Il serait plus didicile de combler, pour la vie intime du prélat h
Venise, les lacunes de notre manuscrit. Les lourds soucis de la diplo-
matie, les travaux lilleraires absorbaient naturellement la majeure
partie de son existence, avec l'énorme corresp<»ndance journalière
entretenue régulièrement avec la cour, les ambassades de Rome et de
Conslantinople, le gouvernement de Turin, Raguse et les diverses
principautés italiennes en rapports continuels avec notre représentant.
Une anecdote assez piiiuante, relative à une visite de Pcllicier à Fer-
rare, dans les premiers jours de son arrivée à Venise, nous a été con-
servée dans une lettre adressée par Renée à son gentilhomme favori,
Antoine de Pons, alors en France, le 23 juillet 1539. « Je vous dire, lui
écrit-elle dans une orthographe royalement fantaisiste, que ier après
diner (non pas toutefois pour luy; arriva Monsieur de Montpellier à
l'outelerie, qui n'avoit encores desjuné; je lui en envoie. Il estoit si las
que après y voulleut un peu repouser, mais il feut bien resveillé du
gouverneur de nos ambassadeurs qui luy donna l'alarme, luy disant
que Monsieur [le duc] le venoil voir et qu'il estoit desjà au pié du
degré. Y ce leva vitement et y courent, mes y ni trouva rien. On luy
dit que c'étoit un peu plus avant, tant que le conduisirent jusques au
château, à pié et ainsi las, par le plus grant extrême chost que j'aye
encores jamais veu, tant que le propre jour sont tombés malades une
infinité de personnes. Sinapius [médecin de la duchesse] en est... ' »
A part les rares déplacements de Pcllicier à la petite cour de Ferrare,
où la duchesse réservait si gracieux accueil aux lettrés de toute condi-
tion, voire même aux plus hardis novateurs de France et de Genève, il ne
paraît pas que l'évèque se soit beaucoup éloigné de son poste durant
les trois années qu'il y demeura *. Comblé d'abord d'honneurs et de
prévenances par le gouvernement de Venise, favorablement influencé
en faveur du prélat par son universelle réputation de science et d'affa-
bilité, Pellicier. n'avait pas tardé à éprouver, en raison du progrès de
1. Celle leltre, publiée par M. B. Fontana, lïenata di Francia, p. 108, a été citée
par M. Emrn. Rodocanachi, Renée de France, p. liS.
•2. Voici, tirées des Extraits des comptes de l'Épargne, quelques mentions concer-
nant l'amltas-iadeiir :
• A M. (iuillaunic Pélicier, évesque de Montpellier, ambassadeur du roy vers la
Sgrie de Venise, 2043 l.t. par lettres à Noyon le 9 mars 1539 [1340], sur son estai,
vacation et despense en sa charge d'ambassadeur durant 149 jours commencez le
:J février 1539 [loiO], finissans le dernier juin suivant. — A Guillaume Pellicier,
évesque de Montpellier, ambassadeur pour le roy devers la Sgrie de Venise, 2315 1. t.
par lettres à Paris le i juillet 1540, pour son estât, vacation et despense en ladite
charg<^, durant 18 i jours commencez le 1" juillet 1540, finissans le dernier décembre
suivant. • (B. N., ms. Clairambault 1215, f "8 v").
INTRODUCTION XXXV
ses intrigues secrètes, un certain refroidissement dans l'attitude de la
république à son égard. Tous les moyens semblaient bons à notre
ambassadeur pour nouer des intelligences dans les divers rangs de la
société vénitienne : à côté des frères Cavazza, instruments immédiats
des plus importantes décisions du Sénat et des Dix, l'ancien avogador
Malleo Léon, Gian-Francesco Valiero, abbé de Saint-Pierre-le-Vif, les
Strozzi et les Fregoso servaient, concurremment à maints aventuriers
plus obscurs, chacun dans la mesure de ses ressources, les desseins
téméraires du diplomate. Une noble dame même, la signora Camilla
Pallavicina, qui entretenait sodo coperta di santita, dit une chronique
anonyme de la bibliothèque de Saint-Marc *, des relations fort intimes
avec Pellicier, excitait également les soupçons légitimes du gouverne-
ment. La conduite privée de l'évêque, d'ailleurs, en harmonie avec une
liberté de mœurs qui choquait alors infiniment moins les esprits qu'elle
ne le ferait aujourd'hui, laissait beaucoup à désirer, et les médisants
avaient beau jeu contre lui. Tliéodore de Bèze, dans son Histoire ecclé-
siastique des églises réformées -, raconte de lui, non sans raison, que
durant son séjour à Venise, « il s'adjoignit à une femme, comme s'il
l'eût espousée, dont il eut plusieurs enfans, qu'il tenoit auprès de soy
comme légitimes ». Cette femme, que l'abbé de Folard, dans sa biogra-
phie manuscrite % nous présente comme Grecque , eut de Pellicier
trois fils et deux filles, auxquels leur père voulut donner une éduca-
tion Ubérale et solide. Le testament du prélat, qu'on lira ci-après, énonce
leurs noms, empruntés en grande partie à l'antiquité classique, et les
billets en langue latine adressés à son père par Hermione Pellicier
attestent un esprit des plus cultivés *.
Lorsque l'orage qui grondait sourdement sur sa tète, depuis quelque
temps, finit par éclater, l'ambassadeur, assiégé dans son palais, le
21 août 1542, par la force publique, et contraint de livrer les cou-
pables, ne tarda pas à quitter Venise où sa situation était devenue
intolérable '\ Les dernières lettres de notre manuscrit, datées de
septembre, et qui nous donnent le récit de ces dramatiques événe-
ments, émanent d'un agent subalterne de l'ambassade de France,
malheureusement anonyme, et sont évidemment postérieures au départ
de Pellicier. Le protonotaire Jean de Montluc, camérier du pape et
■i. Avvisi notabili ciel inonrlo: Bibi. de Saint-Marc; Mss, cl. vir, codex 1279, p. 26P>.
2. Histoire ecclésiastique des enlises réformées au ro;jaume de France; Anvers
(Genève), 1580, 3 vol. in-8»; t. I, p. 333; nouvelle édit. de Paris, Fischbacher, 1883-
1889; 3 vol. in-8", t. I, p. 379.
3. Voir p. 716.
4. Voir p. 697. — Les ti'ois fds se nommaient César, Hermion et Aslérion ; les
deux filles Antoine et Hermione.
5. La dernière mention relative à notre ambassadeur, dans les Extraits des
comptes de l'Épargne, est celle-ci : « A Guillaume Pellicier, etc., 2515 1. t. par lettres
à Joinville, le 24 "juin 1542, pour 184 jours, finissans le dernier décembre 1542. •
(B. N., ms. Clairambault 1215, T SO).
XXXVI INTRODUCTION
résident do France à Home , fui aussilôl déplacé, le 'M) octobre, et
envoyé îi Venise pour occuper le poste devenu vacant '. Reçu en
audience solennelle par le gouvernement de la république, vers la fin
de novembre de la même année, il obtint du Sénat une réponse offi-
cielle, en date du 7 décembre, pleine de sentiments de gratitude pour
les bonnes dispositions du roi qui avait consenti au retrait de l'ancien
ambassadeur.
Ce changenu-nl, d'ailleurs, ne s'était pas accompli sans diflicultés.
La républiijiu' se plaignait à bon droit des mauvais offices des agents
fran(;ais auprès de la l'orte, ceux-ci ayant instamment invité Tulin à
informer Sulevman des derniers événements, en lui faisant entendre
>• que la cause de tout est pour avoir fait la paix avecques luy, et le
luy faire veoyr, de sorte qu'il cognoysse lotlense qu'on luy a faicte en
cecy '. » Le roi, d'autre part, avait ressenti très vivement l'insulte faite
à son représentant. Longtemps il se refusa obstinément à donner
audience au nouvel ambassadeur de Venise, Gian-Antonio Veniero, et
la première fois que celui-ci put enfin paraître en sa présence : « Qu'eus-
siez-vous fait à ma place? » lui demanda-l-il. — « Sire, répondit le
Vénitien, si quelque traître ou rebelle à Votre Majesté se trouvait dans
ma maison, je le remettrais aussitôt entre vos mains pour subir sa
peine; et je serais sévèrement repris de mon gouvernement si j'agissais
autrement. » Montluc et Veniero, par leur habile diplomatie, réus-
sirent bient«'jt à rétablir l'entente entre les deux étals; dans les pre-
miers jours de l'année 1543, François I""" ordonnait à son ambassadeur
d'envoyer un exprès à Polin pour l'instruire du rétablissement des
relations de la F'rance avec Venise. Le Sénat, toutefois, ne rapporta
point le décret de bannissement qui avait été rendu contre les Strozzi,
mais il consentit à verser entre les mains du roi la valeur des biens
confisqués sur la famille Frégose '.
M. de Hammer, dans son Jlisioire de VEmpire ottoman^ interprétant
à tort un passage de l'historien véiiilien Sagredo *, veut que Pellicier
1. " A Jehan de .Mouline, abbé de llaute-FonUiine, 2475 livres tournois par lettres
à Nérac, le iiénullième octobre 1542, pour son estât, vacation et despense en la
rhar>:c une le roy ln\ a baillée de son ambassadeur devers la Seifînenrie de Venise,
devers laquelle il se doibl de brief rendre en relournaiil de Kome où lors le roy
l'cnvoyoit en dilif-'cnce pour ses alTaires, et ce durant 180 jours conimençans au
jour <|uc leilil .Monlluc seroit de retour dudit Koine audit Venise • (B. N., ms.
Clairanibaull I^Ki. P 80).
2. Vi)ir, p. OÎ'J, la ilépéclie anonyme à l'olîn, du i:! septembre.
3. Voir Zcller, p. 37(1 et suiv., et l'.Vppendice vu, pj». 714 cl 71.;.
4. Giovanni Sagredo, mort vers la fin du xvii<- siècle, auteur des Memorie islo-
riche dei monnrrlii nllumoiii: Venise, i('i77, in-4", p. 28 4. — Une traduction fran(;aise
en a été donnée à Paris, I72é-I732, 4 vol. in-12. — Cliarrière (t. 1, p. i92) a fort jus-
tement reconnu la cause de celle méprise de llammcr. Trouvant dans Sagredo le
nom de Pellicier, nrdinario rninislro, ambassadeur ordinaire (à Venise), rapproché
de celui <le Polin, il a cru pouvoir l'associer à la mission de ce dernier en Turquie
et en faire un autre ambassadeur.
INTRODUCTION XXXVII
ait, en quittant Venise, accompagné Polin à Conslantinople. Tout au
plus aurait-il pu l'y rejoindre; car le capitaine, au mois d'août 1542,
avait déjà regagné son poste. La dernière dépêche écrite de Venise
par l'évêque de Montpellier, le 20 août, tout agitée et troublée qu'elle
soit, contient un posl-scriptum mentionnant un paquet envoyé de
Constantinople par Polin, à l'adresse du roi. Bien qu'une tradition
persistante dans la famille de Pellicier prétende, au dire du chanoine
de Folard, que non seulement l'évêque fît le voyage de Constanti-
nople, mais même y séjourna plusieurs années comme ambassadeur ',
nous ne croyons pas qu'il y ait lieu, jusqu'à nouvel ordre, d'admettre
le fait.
Dans tous les cas, aux États de Languedoc tenus à Béziers, le 2 juin
1544, par convocation extraordinaire, et repris ensuite du 26 novembre
au 4 décembre, nous retrouvons Pellicier commissaire royal, et chargé
de la harangue. L'année suivante, aux sessions extraordinaires tenues
à Pézenas le 8 février 1545, et le 13 mars à Nimes, puis enfin à Mont-
pellier le 26 novembre, la présidence est donnée à notre évêque. Il se
peut que dans l'intervalle de ces réunions, et aussi pendant les
années 1546 et 1547, durant lesquelles nous ne l'y voyons plus figurer,
Pellicier ait résidé à la cour, où ses biographes affirment qu'il fut
comblé par le roi de marques d'estime et de bienveillance. Cependant
tous s'accordent à dire qu'après la mort de François I" (31 mars 1547),
le prélat se retira dans son diocèse, où il trouva son chapitre en proie
aux querelles et aux dissensions, au sujet de la répartition inégale des
revenus entre les chanoines. Il régla ces différends et conserva aux
consuls de la cité, malgré l'opposition des syndics du chapitre, la place
qu'ils occupaient dans l'église Saint-Pierre avant son érection en cathé-
drale; mais il reprit ensuite le chemin de la cour, après avoir visité le
diocèse que tant de motifs, dit Folard, devaient l'engager cependant
à ne point déserter,
A l'assemblée extraordinaire des États tenus à Montpellier les 16 et
17 février 1548, aussi bien qu'aux assises régulières qui eurent lieu
dans la même ville, du 2 au 15 novembre, Pellicier présidait encore;
toutefois, nous apprend Dom Vaisselle, « comme ce fut le seul évêque
qui y assistât, et qu'il tomba malade, le grand vicaire de l'archevêque
de Narbonne présida le reste de la session -. » Ce fut seulement cette
année-là que Pellicier entra en possession du bénéfice de l'abbaye
bénédictine de Lérins, par un échange de son abbaye des Echarlis
quil fit avec le cardinal du Bellay. Malade, il se fit représenter par
son vicaire aux États tenus à Beaucaire, du 21 au 31 octobre 1549. Il
ne parut pas à ceux de 1550, qui se tinrent en octobre à Pézenas.
1. Voir p. "13.
2. Histoh^e générale du Languedoc, ibid., p. 288.
XXXVIII INTRODUCTION
L'aniu-e suivante, les Étals eurent lieu à Montpellier, du 21 octobre
au 3 novembre. L'évéque de Castres présida la première séance du
malin, avant la messe du Saint-Esprit; mais l'évéque de Montpellier
se présenta l'après-midi, et présida désormais comme plus ancien, la
consécration df l'évéque de Castres n'étant que du 14 août 1540'.
Pellicier cesse dès lors de ligurer aux ïitats de Languedoc pendant six
années, et pour cause, les plus cruels malheurs en effet allaient com-
mencer à fondre sur lui.
A cette époque, Honorât de Sav(»ie, comte de Villars, avait remplacé,
depuis le 5 août 1547, M. de liurie comme lieutenant du connétable de
Montmorency, nommé gouverneur du Languedoc, le 12 avril de la
même année. Le calvinisme commençait à se répandre dans toute celte
province, et particulièrement dans la région de Nimes et de Montpel-
lier; ses rapides progrès étaient dus surtout, de l'aveu de Dora Vais-
selle, à la corruption des mœurs, au relâchement de la discipline ecclé-
siastique, à l'ignorance du bas clergé, à la négligence des évéques, qui
pour la plupart, dévorés par l'ambition et la cupidité, cherchaient avant
toutes choses à accumuler les bénéfices, et se souciaient fort peu d'ad-
niinistrer leurs diocèses, dont ils étaient presque toujours absents,
laissant le gouvernement aux mains de grands vicaires ^. Au concile
provincial tenu à IS'arbonne du 10 au 21 décembre lool, nous dit
encore le même historien ', aucun évêquc n'assista en personne; tous
se firent représenter par leurs vicaires et par des députés de leurs
églises cathédrales. L'évéque d'Elne n'envoya même aucun délégué.
Les réunions furent présidées par Alexandre de Zerbinatis, professeur
de droit canon et protonolaire apostolique, grand vicaire du cardinal
François Pisani, archevêque de Narbonne. Le parlement de Toulouse,
après s'être efforcé de sévir par plusieurs arrêts contre ces fâcheux
abus, s'attaqua finalement à Pellicier qui précisément alors revenait de
la cour. Dénoncé au parlement de Languedoc, le prélat se vit, dans le
cours de l'année 1552, poursuivi sous une triple inculpation. On l'ac-
cusait : 1° de tendances calvinistes, à cause de ses relations avec Pierre
Ramus, Guillaume Kondelel, et divers autres érudits dont les doctrines
philosophiques ne laissaient pas d'être suspectes; 2° de mal observer
la règle canonique du célibat, ayant en effet ramené d'Italie cette
1. I). Vaisselle, loc. cit , p. 'j94. — Nous savons par une letlre de Jean Nicol,
adressée de Nimes, le 6 mai 1551, â Pellicier. que ce dernier résidail alors en son
chàleau du TerraiJ-lez-Montpellier, où il vaquail paisiblement à ses éludes favo-
riles, les Commentaires sur l'Histoire naturelle de Pline. M. Edmond Falgairolle,
dans sa récente publication sur Nicot, a consacré quelques pages au.x relations qui
s'établirent entre les ileux savants, dont la correspondance est malheureusement
perdue. V. Edm. Falgairolle, Jean Nicol. ambassadeur de France en Portugal, au
XV If siècle; sa correspondance diplomatique inédite, avec un fac-similé en photo-
typie; Paris, Challamel, 1897, in-8°.
2. D. Vaisselle, loc. cit., p. 280. — Voir aussi l'Appendice vu, p. "lo et 716.
3. Ibid., p. 296.
INTRODUCTION XXXIX
femme grecque avec laquelle il vivait ouvertement en concubinage;
3° de faire passer tous ses revenus à Tentrelien et à l'enrichissement
de celte femme, et lorsque ses ressources personnelles ne sutlisaient
plus, d'y engloutir en outre le bien d'autrui, en extorquant Turgent de
ses serviteurs et de ses fidèles, par toutes sortes de vexations, de vols
et de rapines. Malgré l'exagération de ces griefs, qui furent en partie
reconnus faux par la suite, le parlement de Toulouse n'eut pas de peine
à les admettre d'abord pour vrais, et le comte de Villars fut chargé
d'exécuter l'arrêt qui avait été rendu contre l'évéque. Par son ordre,
Pellicier fut emprisonné dans le château de Beaucaire. Là il passa plu-
sieurs mois enfermé dans un sombre cachot et traité avec la plus
extrême rigueur, privé de toutes les ressources nécessaires à la vie, au
point d'être obligé de mendier auprès de son geôlier la faveur d'un peu
de vin pour réparer ses forces épuisées, d'un peu d'huile pour ali-
menter la lampe qui servait à éclairer ses veilles studieuses. En même
temps, le comte de "Villars avait confisqué ses biens, dont il percevait
les revenus à son profit, dit Folard.
Abandonné de son clergé, l'évéque eût pu languir indéfiniment dans
cette étroite et cruelle captivité, si le chapitre de Narbonne et les évo-
ques de la province, touchés de cette lamentable situation, n'avaient
obtenu, à force de démarches et de supplications, que Pellicier fût
admis à plaider lui-même sa cause. Aisément il parvint à se justifier
des accusations d'hérésie et de péculat; mais il lui était moins facile
de prouver la parfaite pureté de ses mœurs. Il était de notoriété
publique que cette Grecque avait été ramenée par lui à Montpellier et
par lui entretenue dans sa maison. Toutefois maints exemples analo-
gues tolérés par les mœurs du temps pouvaient être invoqués pour
l'atténuation de son crime ' ; cette circonstance lui fit trouver grâce
devant ses juges. Pellicier sortit finalement de ce procès entièrement
absous et rétabli dans sa situation et dans tous ses biens. Le person-
nage assez obscur qui l'avait dénoncé par des manœuvres calom-
nieuses, en subornant contre lui des faux témoins, fut à son tour tra-
duit en jugement, condamné à mort devant le Grand Conseil du roi,
et pendu; sa tête, séparée ensuite du corps, fut fixée à un pieu placé
au sommet de la porte de Lattes, à Montpellier, et exposée à tous les
regards ^.
Cependant Pellicier, malgré cette complète réhabilitation, demeura
profondément atteint dans sa dignité par le coup terrible qui l'avait
frappé. Retiré dans la solitude de sa bibliothèque, il semble s'être
1. Nous avons rencontré dans le Catalogue des actes de François I"' un grand
nombre de légitimations d'enfants d'évêques et de clercs. Pellicier obtint-il pour
les siens la même faveur? il est permis d'en douter, un procès ayant été soulevé,
sans doute à leur occasion, peu de temps après sa mort.
2. V. Zeller, p. 380 et suiv., et l'Appendice vu, p. 716 et 117.
XL INTRODUCTION
absorbé plus que jamais dans ses chères éludes, comme s'il eût eu
lionte de s'exposer doréiiavanl aux yeux des hommes '. Les troubles
civils suscites bienlôl par le développomonl du proteslanlisine ne
devaient pas même le laissiT jouir de celle suprême consolalion. La
situaliun du prélat, ti l'égard des calvinistes, était en réalité fort com-
promise. Non seulement, par ses ferventes amitiés comme par le libé-
ralisme de ses propres doctrines, il s'était mêlé de fort prés au mou-
vement réformateur qui agitait les esprits; non seulement, par la cou-
pable légèreté de sa conduite, il avait paru encourager ouvertement et
fortilier de son exemple les théories condamnées, mais encore il comp-
tait, dans sa famille même, parmi ses proches, des adversaires de l'or-
thodoxie, et des partisans décidés de la religion persécutée. Les
.Mémoires de Félix IMalter, de Bàle, qui étudiait la médecine à Mont-
pellier à cette époque, rapportent que « le 21 mars 1554, on brûla en
efligie, sur la place, la sœur de l'évéque de Montpellier et son mari,
sous la forme de deux mannequins halullés » *. Une pareille condam-
nation ne pouvait guère être prononcée que pour le fait d'hérésie. De
plus, un neveu de Pellicier, Antoine, fils d'Antoine Pellicier son propre
frère, devint ministre de l'église réformée ^.
Dans ces difliciles conjonctures, où des caractères plus fortement
trempés que le sien n'auraient sans doute pas été sans défaillance, le
prélat dut se trouver plus d'une fois en un cruel embarras. Il avait été
d'abord assez bien servi, dans la carrière diplomatique, par certaines
qualités brillantes : un esprit fin, délié; une rare culture intellectuelle,
une compréhension large, une rapide entente des affaires, et une amé-
1. V. Appeiulicc vn, p. 717.
■2. Thomas iind Félix Vlaller, Leipzig, 1878, in-8% p. 221. — Le père et le fils,
Tliomas et Félix Flatter, ont laissé tous deux des Méinoires intéressants, dont une
traduction partielle a été publiée à Genève en 18G6 par MM. Edouard Fick et
Fecliter. — Nous savons par le testament du 3 novembre loG7 que Pellicier avait
un frère marie (Antoine, mort avant l.j67), et quatre sœurs, toutes également
mariées (Jeanne, veuve avant 1307 d'un sieur Rossel; Péronne, femme de Guil-
laume Gaprerié; .Maurice et Jaquette, mortes avant 1567. Cette dernière était restée
veuve d'un sieur Dnranc). Or on trouve, à cette époque, un Duranc et un Rossel
parmi les ministres réformés de la répion. Ce pourraient donc être, dune part,
Antoine Rossel, natif de Toulouse, élu ministre de Mazamet au colloque de Castres
• le 20 février \">f>'i, à la Nativité de Jésus-Christ » ; il y exerçait encore en jan-
vier l.'i'.)4; — de l'autre, un sieur du Ranc, ayant femme et enfants, ministre établi
dans le diocèse d'Uzès en juillet 1568 (Bulletin de la Soc. d'/iisL du protestantisme
français, t. X.XI, p. 133; t. XXll, p. 28; t. XXllI, p. 469).
3. Antoine Pellicier, marié, ayant femme et enfants, servant à Aulas, viguerie
du Vigan, ligure en Juillet l.iOS dans VÉlat f/énéral des 7ninisfres résidant dans les
diocèses de Nimes, Vzès, Mende, etc. {Bulletin de la Soc. d'hisl. du protestantisme
français, t. xxi, p. 132). Antoine Pellicier fut au nombre des principaux fauteurs de
désordres condamnés a mort par contumace, en vertu d'un arrêt rendu en mars
l.ji)9 par le parlement de Toulouse (D. Vaissette, t. XI, p. 493). Nous rencontrons
enfin le même Antoine Pellicier à l'assemblée générale des réfortnés qui fut tenue
à Nimes le 1" décembre 1509 {Bulletin de la Soc. de ildst. du protestant, fr., t. xxvi,
p. 353).
INTRODUCTION XLI
nité parfaite. Mais cet homme orné de tant d'intelligence et d'érudi-
tion avait, par contre, les défauts de ses qualités. Jaloux d'assurer
avant tout la tranquillité de ses chères études, ami d'un doux épicu-
risme que la fréquentation de la cour et ses divers séjours en Italie
avait singulièrement développé en lui, il demeurait parfois sans
défense contre les retours imprévus de la mauvaise fortune, et man-
quait tout à coup de ressort au moment où il eût eu le plus besoin de
toute son énergie. De là des faiblesses regrettables dans la vie du diplo-
mate et surtout de l'homme d'église. L'agitation des réformes allait
s'exacerbant chaque année davantage dans le diocèse, et Théodore
de Bèze reproche amèrement à Pellicier d'avoir, pour recouvrer son
influence perdue, secondé de tout son pouvoir la répression de l'hérésie
naissante. Désormais, dit-il, « pour faire du bon valet, il feit du pis qu'il
lay fut possible à ceux de la religion, jusques à la mort, sans toutesfois
qu'il ait jamais regagné son crédit, estant mort finalement hébété d'es-
prit, et sans aucun honneur ni réputation » '. Le reproche est rude et
le jugement véritablement outré. Cependant les Mémoires de Flatter
nous montrent encore Pellicier présidant, le IG octobre loo3, à la
dégradation solennelle d'un prêtre de Montauban, Guillaume Dalençon,
qui avait rapporté des livres protestants de Genève. Livré à la justice
séculière le G janvier suivant, le misérable fut condamné à mort et
exécuté*. Déjà l'on sentait de tous côtés fermenter dans les âmes un
levain de haine et de discorde. Le massacre des Vaudois (avril 1545),
dont les atrocités doivent peser en partie sur la mémoire du capitaine
Polin, devenu baron de la Garde, en inaugurant l'ère tragique des per-
sécutions et des supplices, répandit la consternation dans tout le midi
de la France, avec le désir fatal de sanglantes représailles.
Aux États tenus à Montpellier, du 24 septembre au 4 octobre 1554,
sous la présidence de Jean Bessoich, vicaire général de Narbonne, on
pria le roi d'ordonner, en vertu de l'édit du 31 mai 1547, que les
archevêques et évêques du Languedoc fussent tenus d'assister en per-
sonne à l'assemblée des États. Le même vœu fut renouvelé l'année
suivante, en septembre, aux États de Carcassonne, où l'entrée fut
refusée au vicaire général de Montpellier, sous prétexte qu'il était con-
seiller au présidial. Comme, malgré les ordres du roi et les déhbéra-
tions des assemblées, la plupart des évêques étaient généralement
absents, on supplia le roi d'obliger au moins deux ou trois des vingt-
deux évêques qui composaient le clergé de la province d'assister aux
États en personne, à peine de cinq cents livres d'amende. Aux États
de Lavaur (26 seplembre-5 octobre looG), on exclut encore le grand-
vicaire de Montpellier parce qu'il n'était pas dans les ordres, in sacris,
1. Hist. ecclésiast. des églises réformées, t. I, p. 333.
2. Mém. de Félix Plaite'r; Genève, Fick, 1866, in-8°, p. 57. — Cité par A. Germain,
La Renaissance à Montpellier : Montpellier, 1871, in-4% p. 91.
XLII INTHÛDUCTION
et l'on prescrivit qu'à l'avenir tous les vicaires qui ne rempliraient pas
cette condition seraient exclus. Le roi avait promulgué, le 24 avril de
celle année-là, des lettres, obligeant au moins deux évêques, à tour de
r(*tle, à assister en perscmne aux ^Jtats ' ; eniin, le 1"" mai 1557, ledit de
Villers Colterels imposait aux archevt'qucs et évêques la résidence
dans leurs héuélices.
Pellicier fut encore absent des États de 1557, qui se tinrent pourtant
à Montpellier du 2G septembre au 8 octobre, sous la présidence de
Tévéque dX'zès, Jean de Saint-Gelais, déposé plus tard comme suspect
de protestantisme; mais à conjpter de la session suivante, on le voit
reparaître avec une remarquable assiduité. Il présidait à Montpellier
les Étals de 1.558 (9-IÎ) novembre); mais comme il tomba malade au
bout de quelques jours, François de Faucon, évêque de Carcassonne,
prit sa place. Pellicier présida encore à Nimes, du 2G octobre au
8 novembre 155'J, la tenue annuelle, puis à Montpellier l'assemblée
extraordinaire ouverte du 21 au 25 mars 1500.
La situation politique et religieuse allait s'aggravant de jour en jour
dans la contrée. A Montpellier même, où la plupart des habitants
avaient embrassé les idées de la réforme, un ministre nimois, Guil-
laume Maugel, vint, sur leur demande, organiser la nouvelle église, en
février 150(). Il était assisté des sieurs Claude Formy, diacre, et Jean de
la Chasse, dit Chassanion, qu'il laissa derrière lui comme ministres
chargés de l'exercice du culte. Chassanion, venu de Genève au mois de
juillet de la môme année, commença par tenir des assemblées secrètes,
puis publiques, que l'autorité civile dissipa. Les religionnaires se sou-
levèrent alors, s'emparèrent de l'église Saint-Mathieu et y établirent
leur prêche. Expulsés par le juge criminel, ils revinrent bientôt en
armes, encouragés par le mouvement populaire 28 juillet). L'évêque
et les olliciers royaux, déconcertés, durent se contenter de garder
l'expectative et d'en référer à la cour -. Les chanoines de la cathédrale
1. 1). Vaisselle, loc. cit., p. 312, 315 el 318. — On enregistra de nouveau, à cette
occasion, l'édil rendu par François I", le 28 mars 1532, à Saint-Marcoul de Cor-
bcny, pour ordonner aux évèqucs, abbés el autres prélats et seigneurs qui avaient
accoutumé d'assister aux États, et qui y étaient appelés par le roi, de s'y trouver
en personne, à moins d'un légitime empêchement, avec défense à l'avenir d'envoyer
des procurations en blanc; on enregistra également l'édil du 31 mai 1547, confir-
mant le précédent, avec pouvoir au président de frapper d'amendes arbitraires les
défaillants.
2. • Messire Guillaume de Pélissier, raconte naïvement Gariel {L'origine, les clian-
gemens de restât présent de l'église de la cathédrale de Saint Pierre de Mompelier
A Mompelier, par Jean Pecli, mu c xxxiv, pet. in-8', p. 119), reçut la triste nou-
velle de ce débordement dans un chasteau [sans doute Montferrand] où il s'esloil
retiré pour ne pas voir les confusions publiques, el pour se divertir après son
Pline. La douleur qu'il en ressentit l'obligea à dépescher aussitost au Roy, à la
Itcyne Mère et au Cardinal de Lorraine, afin de leur en donner advis et les prier
de mettre quelque frain aux séditieux, de peur qu'il ne s'en prinssent aux vies,
lorsqu'ils trouveroient les églises vuides, et que la ville ne devint un cemelière, ou
INTRODUCTION XLIII
fermèrent les portes et placèrent quelques troupes dans le vestibule
qui la précédait; les notables de la ville, inquiets, s'y réfugièrent. Le
8 octobre, les gens de la cour des aides décidèrent de mander le comte
de Villars au secours de leur cité. Villars arrive à Beaucaire à la tête
un charnier de Catholiques. Nous avons trouvé la minute de la lettre qu'il escrivit
à Catherine de Médicis, laquelle nous donnons au lecteur, sans y avoir fait chose
aucune que l'ageancer, d'autant qu'elle esloit toute confuse. Elle est de la sorte :
» Madame,
•• La ville de Mompelier. qui avoit esté durant tant de siècles le Ihrosne de la
« dévotion et les chères délices de la Reync du ciel, est maintenant tombée, par
« It^ courroux de Dieu, dans un cspouvantalile goufre de malheurs. L'hérésie qui
« désole ce pauvre royaume, et qui vous donne tant de peines et de soins, s'y est
« rendiie la plus forte par l'infidélité de quelques apostats, cl sa rage est venue
« jusques à ce point que tout ce que l'histoire harbare a de plus noir est trop peu
« de chose pour l'exprimer. Je vous ne diray point. Madame, ses sacrilèges, ses
« meurtres, ses impudicitez, ses parjures et ses blasphèmes. Vous n'avez que trop
« souvent les oreilles batiies, et le cœur percé du récit de ces crimes, et ce n'est
« pas seulement icy qu'ils se commettent. Je ne vous diray point aussi les maux
• que mon clergé a soufferts, ni les funestes appréhensions qui se sont formées
« dans nos âmes. Vos espines sont bien plus piquantes que les nostres, et quelque
« exposez que nous soyons à la gueule des tigres, nous n'avons pas tant d'ennemis
« à craindre ou à combattre que vous. Seulement, Madame, je vous supplicray très
" humblement, et s'il est permis de vous parler ainsi, je vous conjureray par vostre
« zèle à la foy, jiar vostre afl'ection envers le Roy et la Couronne, par vostre com-
« passion envers les affligez, et par vostre charité envers tous les pauvres Catholi-
« ques. Je vous conjureray, dis-je, Madame, de vous souvenir de nous, et de pro-
« curer un ordre exprès à ceux qui ont l'honneur de commander les armes du
« Roy en la province, afin que nous puissions réprimer les fureurs de ces mons-
« très, qui se promettent d'esleindre la vraye religion, et d'enfermer dans un
« mesme tombeau tous les religieux, pour mettre en nostre place des grenouilles
« de Genève ou des serpens de Zuric. Je prens la hardiesse d'en escrire à Sa
« .Majesté. Vostre intercession peut tout, Madame. Vous estes nostre refuge. Si vous
« ne nous donnez quelques-unes de vos pensées, nous ne pouvons que périr, et
« ce seroit peu de chose que nostre perte, si la foy ne couroit la mesme fortune.
« Faites, Madame, que nous soyons humainement redevables de nostre salut à
'< votre pilié, et que vos veilles rendent à Dieu ses autels, aux Catholiques leurs
« maisons, et à tout le diocèse le repos qu'il a perdu, depuis que les nouveautez
« de l'Ange exterminateur s'y sont glissées, etc. »
Le même Gariel, dans sa Séries prssulum Magalonensium (p. '239), et Théodore
de Bèze, dans son Histoire des églises réformées (t. I, p. 379), ont publié la réponse
du cardinal de Lorraine.
« Monsieur de Montpelier, je n'ay failly de faire entendre très bien au Roy ce
que m'avez escript touchant les scandales et illicites assemblées de ces malheu-
reux hérétiques. A quoy, pour vous y avoir esté amplement répondu par Sa Majesté,
je ne vous feray autre discours par la présente, sinon que je vous prieray avoir
esgard que c'est à nous maintenant de nous delTendre, et à n'espargner aucun de
nos moyens et facultez pour essayer à repousser les injures et les insolences de ces
malheureux séditieux. Et pour cette cause adviserés de suivre et accomplir ce que
Sa Majesté vous a commandé par ses lettres, vous priant sur toutes choses d'avoir
l'œil ouvert à ce que telles assemblées illicites et prédications défendues ne se
fassent en vostre diocèse, dont advertirez d'heure à heure Monsieur le comte de
Vilars, qui aura la force et le moyen d'y remédier et qui a commandement de Sa
Majesté de tailler en pièces tous ceux qui se voudront oublier en cet endroit. Et
sur ce je prieray Dieu de vous conserver en santé.
« Vostre bon frère, Charles, cardinal de Lorraine.
Escript à Argeville, l'an 1560 ».
XLIV INTRODUCTION
d'un corps de troupes et assiste comme principal commissaire du roi
aux États tenus dans celle vill»*, du 1 1 au "il octobre. De là, il envoie à
Monlpellior M. de Saint-André, de la maison de Montdragon en Avi-
gnonnais, qui fiiil son entrée le 15 octobre, comme délégué royal. Les
protrslants cl K-iirs ministres s'enfuient; Pellicicr et son chapitre, le
jug<'-ma,Ke et les princi|iaux catholiciues, qui s'étaient enfermés dans
l'église et le fort Saint-lMerre, en sortent et en retirent la garnison.
Saint-André prend les clefs de la place, en fait murer les portes, à
l'exception de deux où il met une garde. Il fait dresser des gibets aux
dilTérenls points de la ville et apporter toutes les armes. Sur ces entre-
faites, le comte de Villars, de retour d'une courte expédition dans les
Cévennes, entrait à son tour dans Montpellier le samedi IG novembre,
et complétait la paciiicalion. Il n'y séjourna d'ailleurs ([ue deux ou
trois jours.
Au printemps de l'année suivante les troubles se renouvellent : les
prêches recommencent dans les maisons particulières; les enfants,
attroupés dans les rues, chantent des psaumes en langue vulgaire. Le
gouverneur, Pierre de Bourdic, sieur de Villeneuve, tolère celte pre-
mière efTervescence, qui cesse d'ailleurs en mars, pendant la tenue des
États. Celle session extraordinaire (20-:2:i mars 1561) eut lieu sur la
convocation du roi; Pellicier la présidait, comme étant le plus ancien
évéque. Le principal commissaire royal était Guillaume, vicomte de
Joyeuse, gentilhomme ordinaire de la chambre, établi lieutenant-
général en Languedoc depuis le A mars, sur la démission du comte de
"Villars, appelé auprès du roi; après son départ, et à l'issue des fêles
de Pâques, l'agitation se réveille avec plus de violence. Le 13 juil-
let loGl, la prédication fut faite publiquement dans le palais de
l'évèque, qui avait été contraint à s'en échapper '. Quelques jours plus
lard, Pellicier, fort de l'édit récent qui interdisait les réunions des
réformés, se rendit à l'assemblée protestante, tenue alors chez un
I. D. Vaisselle, édil. nouvelle. Notes; l. xii, p. 83. — Pellicier était encore à
Monlpellier le 15 mai; il adressail ;i la reine-mère la lettre suivante :
« .Madame, les troubles sur le faicl de la religion ont esté et sont si grans en ce
pays (|ue le pouvre clergé n'a moyen de respirer pour payer les décymes et faire
leur charge, si ce temps dure; de manière que de ma part je me trouve en telle
extrémité comme aussi fait mon chapitre que n'avons faveur aulcun pour le recou-
vrement des droiz de nos esgliscs, el nous trouvons sans crédit pour recouvrer
deniers. Que a esté cause que n'avons peu fournir les xi' livres qui nous ont esté
demandées par eiuprunipl de la part du Roy, vous suppliant très humblement,
Madame, avoir esganl aux grans fraiz el despens qu'il nous a convenu porter pour
la conservation de nos csglises et résister aux ellorlz des troubleurs de nostre
ordre ecclésiasticiue mesme en mon diocèse où les entreprinses de telle manière de
gens a esté plus grande que en autre diocèse de ce pays, et nous faire tant de bien
que le bon plaisir du Uoy soit de nous descharger dudicl emprumpt; car s'il
ne vous plaist avoir pitié de nous, il nous est jtresque impossible de soustenir le
faix, bien «juc nous taschons à faire ce que nous pouvons pour remédier ausdits
troubles.
« Madame, je suis après à faire amas des graines de ce pays les plus exquises
INTRODUCTION XLV
marchand, nommé François Maupeau. Il s'élail fait accompagner, pour
sa sécurité personnelle, de quelques gendarmes et archers de la com-
pagnie d'Antoine de Lomagne, sieur de Terride; l'insolence de cette
suite, au dii-e de Théodore de Bèze ', amena une collision dans laquelle
le prélat dut se retirer en toute hâle, ayant eu plusieurs de ses gens
tués ou blessés.
Plusieurs témoignages contemporains accusent formellement le
parti catholique d'avoir, par des menaces et des insultes réitérées,
provoqué les représailles des calvinistes. Durant plusieurs dimanches
de suite, en août et septembre, des processions tumultueuses accom-
pagnaient la remise du pain bénit dans les maisons particulières : des
femmes du peuple, portant une grande croix de bois, une crosse et
une enseigne de guerre déployée, suivies d'hommes armés de dagues
et de sachets de pierres cachés sous leurs manteaux, allaient chantant
et criant par les rues, au son des hautbois, des trompettes et des lam.
bours, et affectaient de narguer les religionnaires en passant devant
leurs logis. L'évêque lui-même, les chanoines et le juge-mage auraient
encouragé ces manifestations regrettables en faisant boire et subven-
tionnant les joueurs de trompettes et de tambours -.
Cependant le parlement de Toulouse ne cessait d'adresser, par des
messages successifs, ses doléances à la reine-mère sur les graves évé-
nements qui se précipitaient coup sur coup dans la région. Le 24 sep-
tembre 1561, les religionnaires s'emparèrent à main armée de l'église
Notre-Dame, principale paroisse de Montpellier, qui reçut le nom de
Temple de la Loge ^ Jean de la Chaume, seigneur de Poussan, premier
consul de la cité, et dont la prudence avait déjà su, précédemment,
éviter des troubles sanglants entre les deux partis, fit inventorier les
ornements et reliquaires du trésor, qui fut transporté à l'hôtel de ville.
On prit les clefs de l'église, on en expulsa le clergé, et le soir même
que je pourray recouvrer, soit pour jardiiiaige ou autrement, et les vous envoyer
au premier jour avec quelques autres singularitcz d'herbes de ce pays.
« Madame, je prieray le Créateur pour Teslat, prospérité et santé du Roy, et
vostre, et de tout le Royaume. — A Montpellier, ce quinzième jour de may.
« Vostre très humble et très obéissant serviteur
» G., E. de Montpellier ».
Au dos : « A la Roync ».
« L'évcsque de Montpellier, xv may loGl. » — B. X., ms. fr. 3186, i" 117. Original,
souscription autographe, signé.
1. Loc. cit., t. I, p. 882, édil. nouvelle, p. 970.
2. « La plus infime populace, par trois suyvans dimanches, au nombre de cinq
à six cens hommes, s'en alla avec leurs femmes et enfans, armez de pierres et
autres secrètes armes, les enseignes déployées, tabourins batans, dansant, sautant
comme les Coribandes et Manades du temps passé, criant : <• En despit des liugue-
« nols, nous danserons... » Et pour beau triomphe, l'évesque leur donna de l'ar-
gent, ce qu'il ne fit jamais à un povre. Vray est qu'il semble avoir quelque excuse,
estant bien fort chargé d'enfans et putains... » (Complainte apologique de 1361. —
V. Bèze, ibid.)
3. D. Vaisselle, édit. nouvelle. Xotes; t. XII, p. 85.
XLVl INTKOLiUCTlON
un prùche s'y trouvait inslallo. Kirrayés, les prêtres des aulres églises
déménagèrent leurs meubles précieux et les appoilèrenl dans la
cnlliédiale de Saiul-lMerrc, dont le vestibule et les hautes murailles
formaient une sorte lU; forteresse où les chanoines, avec l'autorisation
de Joyeuse, établirent une garnison.
En présence d'une nouvelle levée d'armes des calvinistes, l'évêque,
le gouverneur et le juge-mage, impuissants à réagii-, prirent le parti
de sortir de la ville, de crainte d'insultes*. Cette retraite enhardit les
rel)elles, (jui assiégèrent bientôt les catholiques dans l'église et le fort
Saint-Pierre, le 10 octobre, pendant les vêpres; puis dans la tour voi-
sine, située il la porte des Carmes, où ils s'étaient réfugiés et avaient
mis garnison. Les assiégeants, au nombre de douze cents, emportèrent
d'assaut la tour pendant la nuit. Ils s'attaquèrent ensuite à la tour du
Colombier, près de la porte du Peyrou, la plus haute et la plus forte
de la ville. Ils mirent le feu aux portes, et les catholiques durent s'en-
fuir h travers les flammes pour aller se réfugier dans le fort Saint-
Pierre, qui fui bientôt pris de même. Les cloches sonnaient le tocsin,
mais sans que personne vînt au secours des catholi(iues menacés. On
négocia par l'entremise des principaux magistrats, et l'on obtint que le
fort serait évacué, et que les délégués des deux religions en auraient
la garde. Le clergé accepta ces conditions, mais la garnison catholique
refusa, et blessa deux religionnaires de deux coups d'arquebuse. Aus-
sitôt les calvinistes se jetèrent dans le fort et, dans le désordre qui
s'ensuivit, une vingtaine de catholiques furent massacrés. La foule
envahit l'église, qui fut pillée et saccagée de fond en comble : les autels
renversés, les tableaux, retables, statues abattus et brisés; toutefois
les notables firent ouvrir la sacristie, et dresser l'inventaire du trésor
et de ceux des autres églises qui y avaient été déposés, pour les pré-
server delà ruine. De là le peuple s'était répandu dans la ville et les
faubourgs, égorgeant les prêtres et les religieux au nombre de plus de
cent cinquante, dépouillant les églises et chapelles au nombre de plus
de soixante. Le culte fut partout interrompu; le conseil de ville, profi-
tant d'une accalmie, députa enfin l'avocat général de la cour des aides,
.laccjiies de Montagne"', à la cour, pour y présenter le procès-verbal des
troubles et soUicili'r main-forte. Pendant ce temps, le pillage conti-
nuait dans la ville et aux environs, et le prêche se faisait ouvertement
à Notre-Dame et à Saint-Firmin. Les catholiques désespérés voulaient
1. Joyeuse n'avail avec lui que trente arquebusiers et une demi-compagnie de
cavalerie, avec lesquels il avait dû assister impassible aux derniers troubles
(Leltre du 30 septembre, à Montmorency. — D. Vaisselle, t. Xll, Preuves).
2. Ce magi!<lral nous a laissé le récit détaillé des événements dans son Histoire
de l'Europe, conservée en manuscrit à la BibliotliiMiuL' nationale. Un fragment en a
été publié du vivant de l'auleur sous ce lilre : llisloire de la Relif/ion et de l'État
de France; li)6î5, in-8.
INTRODUCTION XLVII
abandonner la ville; un règlement du conseil, assemblé le 30 octobre,
le défendit formellement.
Lesreligionnaircs tinrent à MonlpcUier, le 12 novembre, un colloque
général de leurs églises ressortissant de cette ville, pour décider de
demander des temples aux prochains Etals de la province, qui allaient
se tenir à Béziers; mais, le 20 novembre, le vicomte de Joyeuse (il
publier à Montpellier un édit du roi enjoignant aux chefs du parti
réformé de remettre en leur premier état les églises dont ils s'étaient
emparés. Le lendemain, Notre-Dame fut évacuée, et les calvinistes se
transportèrent à TÉcole-Mage et dans les maisons particulières. Pour-
tant les églises demeurèrent désertes, les catholiques n'osant encore
se montrer nulle part; aussi, deux jours plus tard, les protestants
firent-ils sommer le prévôt ecclésiastique et les quatre chanoines de la
cathédrale qui étaient demeurés à Montpellier de leur céder les trois
églises de Notre-Dame, de Saint-Paul et de Saint-Mathieu, qui leur étaient
nécessaires, disaient-ils, à cause de la grande affluence du peuple de
leur religion. Pour éviter de nouvelles violences, les chanoines cédè-
rent, sous la réserve du bon plaisir du roi. Les excès toutefois conti-
nuèrent encore : on exhumait les morts dans les églises et l'on détrui-
sait leurs tombeaux ; les religieuses étaient contraintes de quitter leurs
habits réguliers et d'assister aux prêches.
Le 22 novembre 15G1, les États s'assemblèrent à Béziers sous la pré-
sidence de François de Faucon, évêque de Carcassonne. Les commis-
saires du roi furent : le vicomte de Joyeuse ; Guillaume Pellicier, qui
prononça la harangue; François Chef-de-bien et Pierre de Gheverri,
trésoriers de France. On permit à Pellicier, ou à son grand vicaire,
d'assister à l'assemblée, pour les délibérations qui ne regardaient pas
le roi, et cette grâce fut accordée au prélat à cause de son mérite \
pour cette fois seulement, et sans conséquence. Les religionnaires
présentèrent diverses requêtes, alléguant que le roi les avait ren-
voyés à la décision des États pour obtenir des temples. On écarta
de parti pris ces demandes et l'on conclut de réclamer d'abord du roi
la restitution dès églises et monastères usurpés par les protestants. Le
jour de la conclusion, Pellicier se rendit à l'assemblée, et se plaignit
véhémentement des désordres, sacrilèges, meurtres et impiétés de
toute sorte commis par les réformés dans sa cathédrale, sa ville et son
diocèse -, insistant pour que le roi en fût promptement avisé. Le jour
même, le vicomte de Joyeuse écrivit à la reine-mère.
1. ■< Attendu sa prudence, suffisance, et qu'il est natif du pays. ■> (Archives de la
Haute-Garonne, G. 2281).
2. Le 23 décembre 1561, l'église réformée de Sommières (Gard) demande à Genève
l'envoi d'un ministre qui soit adjoint à Guillaume Grigon. Toute la petite ville
est protestante. Parmi les signataires de cette lettre, conservée aujourd'hui à la
bibliothèque de Genève, se trouve un Pellicié, sans doute le neveu de notre évèque,
(D. Vaisselle, édit. nouvelle, Nofes; t. XH, p. S").
XLVIII INTRODUCTION
Le 10 décembre, le comle Anluine de Crussol était désigné par le roi
pour cointnandor on Languedoc, Provence cl Dauphiné. 11 arriva le
10 janvitT l'M'rl h Vilk'nt'uvt' d'Avignon, et fil puljliur à Ninies, le 14,
dos ordres sévères, qui n'einpéilièreiit pas les troubles de continuer.
Vers la lin de mars, Jacques do Crussol, seigneur de Beaudiné, frère
du comte de Crussol, et qui se faisait appeler le baron de Crussol,
arriva à Montpellier, envoyé par le prince de Condé sous le titre de
« général dos compagnies de gens de guerre levées en Languedoc pour
la défense de la religion ». Toutefois l'édit de tolérance du 17 janvier
avant été publié ii Montpellier le vendredi 7 mars, les religionnaires
s'y soumirent en apparence et tirent leur prêche le lendemain dans les
fossés de la ville, à la porte de Lattes; mais ils levèrent bientôt des
troupes sous prétexte de garder le prêche. Le mercredi 8 avril, le
comte de Crussol ol le vicomte de Joyeuse, commissaires royaux,
entraient dans .Montpellier pour assurer l'exécution de l'édit. Catho-
liques et prolestants, convoqués, s'engagèrent à vivre en paix côte à
côte. Les églises furent rouvertes, et l'office célébré à Saint-Firmin au
milieu des huées calvinistes. Mais ii peine les deux officiers du roi
s'étaient-ils éloignés que les protestants prirent les armes, s'emparèrent
de l'ile et du château de Maguelonne, y mirent garnison, détruisirent
les tombeaux de l'ancienne cathédrale, et confisquèrent les trésors des
églises de Montpellier en dépôt à l'hôtel de ville. Enfin le baron de
Crussol, représentant de Condé, établit dans la place un conseil absolu,
composé de cinq personnes, et remit toute chose à sa discrétion
(mai 1562)'.
Pendant ces désordres, jugeant la situation irrémédiable et déses-
pérée, Pellicier s'était retiré sur son rocher de Montferrand, oîi il
demeura quelque temps, entouré de sa famille et d'un petit nombre
d'amis. Menacé par Joyeuse, qui marchait contre lui, Beaudiné, le
9 août, fit raser tous les faubourgs, avec les vingt ou vingt-cinq églises
et couvents qui y subsistaient encore. En trois ou quatre jours, cette
<Euvre de destruction fut accomplie : on abattit aussi tous les arbres à
portée de canon. Les lieutenants de Joyeuse, Raymond de Rouer,
baron de Fourquevaux, et le capitaine Conas, qui avait longtemps
servi en Piémont, parurent bientôt devant la ville avec une armée
composée de vingt-quatre enseignes, soit quatre à cinq mille hommes
d'infanterie, cinq cents chevaux et une quinzaine de pièces d'artil-
lerie. Ils assiégèrent d'abord le château de JL.attes, à l'embouchure
de la rivière du Lez, dans l'élang du même nom, à une lieue de Mont-
\. Dans la Liste des jiersonnes dont le Parlement de Toulouse a ordonné Varres-
ialion et fait saisir les biens à l'occasion des troubles du mois de mai 1362 on rencontre
Je nom de Sainl-Sévcrin, secrétaire de l'évêque de .Montpellier (arrêt du 25 mai
1562). — (E. Roscliach, Invent. somm. des Archives de Toulouse, registre AA, anc. 196,
'in-4, p. 183; cité dans la nouvelle édition de D. Vaisselle, .\oles; t. XII, p. 21).
INTRODUCTION XLIX
pellier, et le prirent le 4 scplcmbre. Cantonnés dans l'île, ils atta-
quèrent ensuite et prirent Maguelonno, dont la garnison protestante
fut passée au til de l'épée. Devant les renforts qui arrivaient de toutes
parts aux catholiques, Beaudiné, qui méditait une attaque du camp
royal, rentra dans Montpellier. Le dimanche 27 septembre, Joyeuse
parut lui-même à Lattes, mais ne se jugeant pas assez en forces pour
attaquer la ville, après quelques escarmouches il leva le camp et se retira.
Au commencement de novembre, les religionnaires de la province,
assemblés à Nimes, élurent le comte de Crussol pour leur chef jusqu'à
la majorité du roi; Crussol accepta, prenant son frère Beaudiné pour
lieutenant-général, avec un conseil de dix membres parmi lesquels
figuraient les deux Saint-Ravy, l'un président, l'autre conseiller à la
cour des aides.
Les États se tinrent du 11 au 20 décembre à Carcassonnc ; Pellicier
présidait l'assemblée. Sur sa requête, et celle de son chapitre, les États
émirent le vœu du rétablissement de i'évêché à Maguelonne. Ainsi
l'exceptionnelle gravité de la crise entraînait-elle le prélat à souhaiter
le retour de l'ancien état de choses, après avoir eu ce changement si
fort à cœur.
Malgré l'édit de pacification rendu à Amboise le 19 mars 1363, les
troubles civils continuèrent. Montmorency, démissionnaire de son gou-
vernement de Languedoc, est remplacé, le 12 mai, par Henri de Mont-
morency, seigneur de Damville, son fils puiné, âgé de vingt-neuf ans à
peine. Le comte de Crussol, sommé par la cour de désarmer, s'y refuse,
déclarant que les catholiques s'obstinent à brûler et ravager le pays
comme auparavant. Après avoir tenu à Bagnols l'assemblée des reli-
gionnaires, qualifiée d'États de la province, et terminée le 18 avril,
Crussol se rend à Montpellier, où il arrive le 8 mai, avec son frère
Beaudiné et quelques chefs du parti. Il y assemble la noblesse et les
députés des villes du voisinage, le 11 mai, et proclame l'édit de pacifi-
cation. Les réformés s'arrangent pour faire abandonner par le clergé
les églises Notre-Dame, Saint-Firmin et Saint-Paul. A la fin de juillet
Antoine de Lévis, baron de Caylus, gentilhomme ordinaire de la
chambre, désigné par le roi, reçoit de Crussol les places occupées par
les religionnaires. Il est à Montpellier le 12 août : les portes de la ville,
murées jusque-là, sont rouvertes; la tranquillité se rétablit pour un
temps. Le prêche est transféré à l'École-Mage, mais les églises demeu-
rent désertes, par l'intimidation qui pèse sur tout le clergé.
Le nouveau gouverneur de Languedoc, Damville, fit son entrée
solennelle dans la cité le 9 novembre et y demeura jusqu'au 16. Dès
le 10, une messe avait été chantée avec pompe à Noire-Dame des
Tables, et le culte catholique rétabli. Du 10 au 24 décembre, les États
de la province se tinrent à Narbonne, dans le réfectoire des Cordeliers;
Pellicier y présidait.
Venise. — 1540-1542. d
L INTKODUCTION
Eu loG-l, les fitals se tinrent à Heaucaire, dans l'église des Corde-
liers, du 21 au 30 ocloNre. Pellicier présidait encore, comme plus
ancien évéque. Charles IX vint à Montpellier, avec la reine-mère et
toute sa cour, le 17 décembre: un chroniqueur anonyme nous a
transmis tous les détails des félcs qui marquèrent cette entrée et ce
séjour. Le roi tint conseil les 11> et 20, assista le 2(1 à une procession ù,
lai[uelle les pnttestanls furent dispensés d'assister, et repartit le 31.
L'année suivante, les Étals se tinrent au Pont-Saint-Esprit, du
18 au 30 octobre, dans l'église du lieu. Pellicier présidait. Il présida
de même, les 2 et 3 mai irJiiG, à Nimes, l'assemblée extraordinaire, con-
voquée par Joyeuse, des trois députés de chaque diocèse (un du clergé,
un de la noblesse, un du tiers), pour rechercher et abolir l'imposition
établie pour l'abréviation des procès. Il présidait également les Étals
qui lurent tenus à Beaucaire du il au 22 novembre; mais, le 16, il dut
céder sa place au cardinal d'.\rmagnac, archevêque de Toulouse.
La révolte de Condé, à la fin de septembre 1567, entraîna dans le
mouvement Castres, Montpellier, Nimes, Viviers, Saint-Pons, etc. Des
massacres eurent lieu à Nimes, population toujours ardente et vindica-
tive. Le 30, Joyeuse vint publier à Montpellier la déclaration royale
qui maintenait les garanties; ayant fait chasser les étrangers de la
ville, il jugea bon de se retirer du fort Saint-Pierre, d'où il sortit nui-
tamment pour gagner Pézenas. Lui parti, les religionnaires s'empa-
rèrent de la place, assiégèrent le fort, qui malgré les secours envoyés
par Joyeuse' capitula le 18 novembre, après quarante-huit jours de
siège, aux mains de Jacques de Crussol, qui avait quitté le nom de sa
terre de Beaudiné pour prendre le nom de celle d'Assier. Le fort Saint-
Pierre, ancien monastère de Saint-Germain, bâti par le pape Urbain V,
une fois pris par les rebelles, ils pillèrent et ruinèrent la magnifique
église '.
Dans l'intervalle, les États, qui devaient s'ouvrir à Montpellier, sans
les événements, le 18 octobre, s'étaient tenus, à cause des troubles, à
Bé/.iers, du 11 au 17 novembre, sous la présidence de Tévêque de Mire-
poix, Pierre de Villars *. Au même moment, Pellicier, qui tour à tour
avait résidé à Maguelonne, à Aigues-Mortes, à Montferrand, selon les
vicissitudes de la guerre civile, terrassé par la soufîrance, était rentré
dans son logis de Maguelonne pour se préparera mourir. Il succombait
à un cancer de l'estomac, causé quelque temps auparavant par la
faute d'un apothicaire, qui lui administra des pilules de coloquinte
1. En mars I:i69, le parlement de Toulouse rendit un arrêt condamnant à mort
par conluniare les principaux fauteurs de ces désordres, entre autres Antoine Pelli-
cier, ministre de .Montpellier, le propre neveu du défunt évéque (D. Vaissette,
t. XI, p. 493).
2. On agita de nouveau la iiueslion, dans ces lilats de InG", de demander le
transfert des sièges épiscopau.K de Montpellier, Nimes, Montauban, Castres et
autres villes rebelles à .Maguelonne, Aigues-Mortes, Carcassonne, Lautrec, etc.
INTRODUCTION LI
mal broyées, ou plutôt à trop haute dose '. François Vertunien de La
Vau, médecin de Poitiers et humaniste distingué, nous a laissé dans
une lettre adressée à De Thou, le 1" février 1598, le récit de sa rencontre
avec le prélat, qu'il vit à Maguelonne en 1567, au milieu de ses livres,
dans les cruelles affres du mal terrible qui allait bientôt l'emporter *.
Nous nous sommes étendu avec quelque détail sur les discordes
civiles et religieuses qui sévirent si longuement à Montpellier, depuis
1560, afin de faire mieux, comprendre les difficultés extrêmes qui
empoisonnèrent moralement les huit dernières années de la vie de
Pellicier. Après avoir atteint et même dépassé, par la largeur de son
esprit, les limites ordinaires du libéralisme commun à beaucoup de
lettrés de la Renaissance, il eut le tort de se laisser guider au hasard
des circonstances, et son indécision le rendit promptement suspect à la
fois aux deux partis : les catholiques lui reprochant sa modération et
ses faiblesses, les protestants s'irritant de ne pas rencontrer en lui le
défenseur ferme et convaincu sur l'appui duquel ils avaient compté.
Ces inconséquences nombreuses, toutes regrettables qu'elles soient
dans la vie d'un homme d'église de la valeur de Pellicier, s'expliquent
néanmoins dans une certaine mesure par les conditions sociales et
l'effervescence qui régnait alors.
Pellicier eut à soutenir, pendant sa carrière épiscopale, une quan-
tité de procès, soit avec des établissements civils ou ecclésiastiques,
soit avec divers particuliers. Rechercher et étudier en détail les causes
1. Sur l'ordonnance de son ami Guillaume Rondelet, mort le 30. juillet 15C6. Le
mal remonterait donc à plusieurs années. La coloquinte, purgatif drastique
extrêmement énergique, connu de toute antiquité, administrée à forte dose, déter-
mine en effet des accidents tels que selles sanguinolentes, violentes colicjues,
vomissements, etc.; elle peut devenir mortelle lorsque la dose dépasse cinq
grammes. Le remède s'emploie dans l'obstruction et l'occlusion intestinale, la
congestion cérébrale et pulmonaire, la goutte, etc. — L'abbé de Folard s'est fait
avec persistance l'écho d"une rumeur qui fit attribuer la mort de Pellicier à un
empoisonnement. L'apothicaire ou son aide auraient été gagnés par des ennemis
du prélat, intéressés à lui donner pour successeur un certain Pierre de Boulhe,
protégé des Montmorency, que le maréchal de Damville mit en effet à sa place,
en 156S, et qui sans être reconnu ni de son clergé ni de Rome, perç;ut durant
quatre années les revenus du diocèse. — V. l'Appendice VU, pp. 718 à 720.
2. M. Henri Omont a publié cette lettre d'après le ms. 348, f 82, de la collec-
tion Dupuy, à 11 Bibliothèque nationale. Nous en reproduisons le principal pas-
sage : « ..11 mourut à mon avis audit lieu de Maguelonne, non fort longtemps après
l'an susdit, d'une mort cruelle. Car c'est pour avoir pris des pillules ordonnées
par feu Guillaume Rondelet, où il entroit de la colocynthe, laquelle aïant esté
grossement pulvérisée par le serviteur de l'apothicaire, s'attacha à ses boyaulx et
les escorcha, y cvcitant un ulcère et des tranchées si extrêmes qu'il mouroit cent
fois le jour. Même comme nous estions avec luy en sadite estude de Maguelonne,
pleine d'excellents livres manuscrits, il nous dit par deux ou trois fois, sentant
ses douleurs : « 0 mauldite colocynthe, que tu me bailles de quintes! Tu me feras
mourir. » Puis, nous ouvrant son Pline : « J'ay fait, dit-il, mille corrections sur ce
bel autheur, que le monde est indigne de veoir. » J'ay ouy un des trois ministres
qui preschoient à Mompeslier en l'an susdit, qu'on disoit estre son neveu. » [Cat.
des mss grecs de G. Pelicier, p. 10),
LU INTRODUCTION
elli'srpsullals do ces afTaires nous eiH l'iilraînrlrop loin, peut-être sans
grand profil; nous nous réservons d'v revenir ultérieurement, s'il y a
lieu. De 1547 îi loîJU environ, il plaida contre René Gasne, qui avait
épousé une de ses nièces, issue d'une sœur du prélat'. Pellicier en ayant
fait une sorte d'intendant de ses biens, se déclara bientôt mécontent de
celte gestion et déféra son neveu devant le parlement de Toulouse, en
l'accusant en outre d'incliner vers les doctrines nouvelles. Nous ne
connaissons d'ailleurs ce différend que par les extraits de la Corres-
pondance inédite de Claude Haduel, ami intime de Gasne, publiés à
r.\ppendice. L'atFaire languit plusieurs années, et nous ignorons com-
ment elle se termina. En 1552, pendant les poursuites sérieuses aux-
quelles il fut lui-môme en bulle, et durant la captivité qui s'ensuivit,
les moines de son abbaye de Lérins profitèrent des circonstances
pour s'afTranchir de son autorité et percevoir ses revenus. Le prieur
claustral, Denis Faucher, écrivain de talent, mais animé d'une grande
ardeur religieuse, était en désaccord avec l'évêque sur la direction
spirilui'lle aussi bien que sur l'administration temporelle du monastère,
Pellicier dut lui intenter un procès, qu'il gagna du reste devant le
Grand Conseil, mais qui depuis fut encore l'occasion de fréquents
débals *. Les Archives du Parlement de Toulouse gardent également
1. •• Avunculo ejus », dit une lettre de Baduel à Bernard Trainier (V. p. 709).
2. V. Zeller, pp. 3S3-384; Alliez, Histoire du monastère dit Lérins; Paris, 1862;
2 vol. in-8°; t. 11, p. 36o et suiv. — Les moines de Lérins, en 1512, avaient été
réunis à la congrégation réformée de Sainte-Justine de Padoue par leur abbé com-
mondalaire, Agostino Grimaldi, prévôt capilulaire. puis évéque de Grasse; celui-ci
se démit de sacommendc en faisant toutefois certaines réserves qui devinrent par
la suite l'occasion de perpétuels litiges entre les religieux et leurs abbés commen-
dataires.
Dom Barrai a publié, dans sa Chronologia Lerinensis (Lyon, 1613, in-4'') la corres-
pondance et les opuscules en prose et en vers de Faucher dans lesquels il célèbre
les charmes de cette retraite monastique où il était entré jeune encore, au mois de
juillet 1316. Parmi ces lettres, réunies sans ordre, plusieurs sont adressées à Pelli-
cier: la plus ancienne, datée de l.o32. alors que Faucher clail prieur du monastère
de Tarascon, contient des félicitalions sur la récente nomination de notre évéque
au bénélice de Lérins : • Ubi ad me placitum est te Lerinensis monasterii anlislitem
esse factum, scribendi ad te cupido mihi incessit... • Pellicier aurait donc été
d'abord désigné, après la mort d'Agostino Grimaldi (15 avril 1532) pour lacommende
de Lérins. mais se serait désisté en faveur du cardinal du Bellay, qui plus tard,
en 1548, échangea avec lui son abbaye contre celle des Escharlis. Au cours de
cette dernière année, Faucher écrit encore, cette fois de Lérins où il était revenu
en mars 1543, à Pellicier pour lui faire hommage d'un de ses poèmes; il y fait
l'éloge de la rare érudition du prélat.
L'entente parait avoir ainsi subsisté pendant quelques années; mais en 1552
l'évêque, sorti de prison, se plaignit d'avoir été dépouillé par les moines de Lérins
d'une partie de ses revenus. Une décision du Grand Conseil lui attribua diverses
indemnités: plusieurs religieux furent expulsés de l'abbaye, et les autres reçurent
l'ordre de ne plus obéir qu'à l'évêque de Montpellier et à ses ministres; ceux-ci
exercèrent dès lors, semble-t-il, toutes sortes d'exactions contre les réguliers, et le
parlement, sur leurs iloléances réitérées, obligea l'abbé commendalaire à payer
annuellement la somme de douze cents livres pour l'entretien de la communauté
(1532). Cependant les afTaires n'en restèrent pas là. Le 29 août 1556, Pellicier oble-
INTRODUCTION LUI
la trace de différents conflits engagés, de 1550 à 1553, avec des parti-
culiers. Nous ne nous y appesantirons pas davantage '.
Au milieu de tant de traverses, l'infortuné prélat cherchait dans
l'étude la consolation et l'oubli. Sans cesse occupé, jusqu'à son der-
nier jour, on Ta vu par la lettre de Vertunien, de corriger et d'amender
ses doctes commentaires sur Pline, il variait ses travaux en les éten-
dant à d'autres sujets comme à d'autres époques. Le catalogue de sa
bibliothèque nous donne une idée de ses vastes et fructueuses lec-
tures. Guillaume Pellicier avait recueilli tout ce qu'il avait pu trouver
de manuscrits et de livres dans le Midi, si bien que Cujas en 1571 se
plaignait de l'inutilité de ses recherches en Provence, où, disait-il,
« feu Mgr de Montpellier avait tout ravagé -. » En 15G5, il employa
ses loisirs forcés à composer une traduction française de la Chronique
des Albigeois, de Pierre des Vaux-de-Cernay 3. Notre humaniste ne
nait du roi des lettres patentes pour la réforme du monastère, qu'il confia à deux
religieux bénédictins de Montmajour et d'Anlibes. Faucher écrivit alors à l'évéque
pour faire appel à la modération si vantée de son caractère, et tâcher d'arriver
à une conciliation. Les vexations continuèrent. Faucher écrivit une fois encore
au prélat (loo") pour protester cnerpiquement contre les injustes délations qui
menaçaient d'entraîner la ruine de l'abbaye, et réclamer prompte justice. Mais le
1" février iooS, le vicaire général de l'évéque changea tous les officiers du monas-
tère; le il, il fit prêter serment à tous les religieux : quelques-uns refusèrent,
alléguant appartenir au couvent de Sainte-Justine de Padoue,el demandèrent congé.
Pellicier fit rendre une ordonnance expulsant les moines de Sainte-Justine et les
remplaçant par des religieux de Cluny; mais sur les réclamations des premiers, un
arrêt du parlement, en date du 16 juin looS, évoquant l'alTaife au conseil du roi,
les moines de Sainte-Justine furent rétablis, le 28 juillet, dans les mêmes droits
jouissances et revenus qu'avant l'emprisonnement de l'évéque.
Denis Faucher était mort en 1362, à l'âge de soixante-seize ans. Les rapports du
monastère avec Pellicier demeurèrent toujours difficiles. En 1564, l'évéque chercha
vainement à obtenir de Charles IX, lors de sa visite à xVrles, l'expulsion des Cassi-
nistes. Le roi confirma leur union le 11 septembre de la même année. Le synode
d'Embrun, en 1.567, ayant décidé l'établissement d'un séminaire à Grasse, l'abbé de
Lérins refusa de faire participer son monastère à la subvention demandée à tous
les évêques, abbés et chapitres, en invoquant l'exemption de l'abbaye. Peu de
•temps après, il retira même la pension annuelle qu'il devait payer pour l'entretien
des religieux. Le parlement dut mettre sous séquestre les revenus de l'abbaye,
pour assurer le maintien de la pension. Sur ces entrefaites Pellicier mourut.
1. 20 février lob'O («. s.). Confirmation d'une sentence du sénéchal de Beaucaire
concernant Henri de Lacroix, baron de Castries, Guillaume Pélissier, évêque de
Montpellier, et Jean Teinturier, seigneur de Monlmaur (Reg. B. 43, f 21o).
l.'i mai 15o3. Confirmation d'une sentence du sénéchal de Beaucaire concernant
Messire Guillaume Pellissier, évêque de Montpellier, et W Milon Gavauldam, prieur
de Saint-Just [corn, de rilérault, aii\ de Montpellier, cant. de Lunel), avec ordre
audit évêque de pourvoir du bénéfice d'absolution ledit Milon dans les trois jours.
^Reg. B. 46, f 390).
14 août 1553. Confirmation d'une sentence du sénéchal de Beaucaire concernant
les consuls et habitants de VilIeneuve-lès-Avignon, Guillaume Pélissier, évêque de
Montpellier, et Jacques David, docteur es droits, halntant de Montpellier (Reg. B. 46,
f 649). — [Communication de M. Pasgidev, archiviste de la Haute-Garonne).
2. L. Delisle, Cabinet des manuscrits de la Bibl. nal., Paris, 1868-1881, 3 vol. in-4%
l. I, p. 162.
3. « Histoire des prouesses... de noble seigneur Messire Simon, comte de Mont-
fort, faites par luy... contre les Albigeois... depuis 1206 jusques à 1218, première-
LIV INTRODUCTION
faisait-il pas un Irisle retour sur lui-inôme et sur sa mélancolique des-
tinée, alors qu'il se plaisait à mettre en vers cette citation horatienne
faite par le religieux bénédictin :
Les gens de bien, pour l'amour de vertu.
N'osent faillir la largeur d'un feslu;
Mais les meschans de mal faire n'ont crainte,
N'esloit l'horreur d'en avoir gricfve allaintc '.
C'est dans la paisible retraite de Maguelonnc, à l'ombre des arceaux
du cloître où s'étaient écoulées ses plus belles années de jeunesse,
que Guillaume Pellicier dut vraisemblablement exhaler son dernier
soupir -. Nous avons sur ce point un témoignage, celui de Vertunien,
et le testament du prélat, rédigé le 3 novembre loO", moins de trois
mois avant sa mort, est daté de Maguelonne. Comment le vieillard,
épuisé par la maladie, et déjà comme lassé de l'existence, aurait-il
trouvé la force de se transporter une fois encore sur l'àpre sommet de
Montferrand? Chose étonnante, il n'est aucunement question dans cet
acte, d'un intérêt pourtant capital, de la riche bibliothèque de
l'évêque, dont sans doute il avait fait à Dieu le sacrifice, à moins que
quelque codicille aujourd'hui perdu n'ait visé spécialement un dépôt
qui! devait avoir si fort à cœur. Le testament, fort détaillé, exprime les
sentiments de pénitence de Pellicier, désigne l'église de Maguelonne
pour lieu de sa sépulture, et règle la répartition de ses biens entre les
divers établissements civils et religieux, au préjudice des divers mem-
bres de sa famille, qui reçoivent chacun, en tout et pour tout, la somme
de cinq sous tournois, à l'exclusion de toute réclamation ultérieure.
C'était, en somme, une façon couramment usitée dans la région, depuis
ment composée en latin par frère l'icrre, lleligieux des Vaulx de Sarnay, de
l'ordre de Cisteaux, puis traduicte en françois l'an du Sauiveur lu63 par Révérend
Pore on Dieu .Messire Guillaume Pellicier, évesque de Mi)nl|iellier. Le tout au nom
du Créateur, auquel soit (.'loire et honneur es siècles des siècles. » (Ms. 591 de la
Bibliothèque Sainte-Geneviève, à Paris). Cette copie du xvr siècle, qui a été citée
par le P. Leiong, Bihl. hist. de la France, t. I, p. 376, n" 5743, et dans la préface du
l. XIX des Historiens de la France, p. xx, parait avoir appartenu à Catherine de
Mcdicis qui, sans doute, la tenait du traducteur. La reliure, en basane estampée
de larmes, porte à l'extérieur deux médaillons : sur le premier plat sont peintes
les armes de la reine douairière; sur l'autre, un emblème figurant un amas de
chaux vive arrosé d'une pluie de larmes. A l'entour se lit la devise de la reine :
« Ardorcm extincla testantur vivere flamma. » (V. Ch. Kohler, Cal. des mss. de la
Bibl. Sainte-Geneviève; Paris, 1893-1896, 2 vol. in-S», t. I, p. 309).
Le P. Lclong signale également un autre ms. de la même traduction, conservé
aujourd'hui à la Bild. nat., sous le n" 2828 du fonds français.
1. F" 5 du ms. .591 de la Bibl. Sainte-Geneviève.
2. Nous nous écartons, dans celte conjecture, de l'opinion générale des biogra-
phes de Pellicier, qui, sur la foi de Garicl, le font mourir au château de Montfer-
rand. L'abbé de Folard, cependant, indique le bourg de Saint-Mathieu, au pied du
rocher de .Montferrand, ce qui pourrait faire supi)Oser que l'évêque, parti pour se
rendre à son ancienne résidence, aurait été terrassé par le mal avant de parvenir
au terme de la route.
INTRODUCTION LV
des siècles, d'exhôréder ses héritiers naturels '. Celte précieuse copie,
produite en 1590 à l'occasion d'un procès soulevé par la famille au sujet
d'une pareille mesure, a été retrouvée dans les Archives de l'Hérault
par M. Ch. Revillout, auquel nous en devons la très gracieuse com-
munication '.
1. Dans les pays ilc droil écrit, la jurisprudence et la coutume admirent, de bonne
heure, qu'un père pouvait prévenir toute réclamation de ses enfants en leur lais-
sant une somme insignifiante, cinq sous suivant la coutume de Montpellier (Petit
Thalamus, art. 06 et 5"; Montpellier, 1836, p. 30) et celle de Toulouse (art. 123 c.,
édit. Tardif, p. 08). Cette règle, d'application fort ancienne, devait être encore en
usage au xvu'' siècle. L'ordonnance de n3o rétablit, en cette matière, les principes
du droil romain concernant la légitime; le parlement de Toulouse luttait d'ailleurs
depuis un ou deux siècles contre cette disposition de la coutume. Il serait intéres-
sant de savoir si la famille Pellicier obtint gain de cause en cette occurence. —
V. Paul Viollet, Précis de l'histoire du droit français, Paris, 1886, in-8, p. 748.
2. Testament de Guillaume Pellicier. — (Maguelonne, 3 novembre 1561.) — ■< In
nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti, amen. Je Guilhaume de Pelissier, cvesque
de Montpellier, abbé de Sainct-Honnoré de l'Isle de Lérins en Provence, doyen du
collège de la Trinité de Maguelonne, détenteur et tenant la pièce de Villeneufve-
le-Roy 1 dépendant de l'Abbaye des Escharlies léz et au diocèse de Sens, acertainé
et sçachant bien que toute humaine créature vivante doit une fois mourir en ce
monde et qu'il n'est rien plus certain que la mort et rien plus incertain que
l'heure d'icelle, estant détenu d'aucune maladie, néanmoings sain d'esprit et d'en-
tendement, pour obvier à ce que surprins ne soye d'icelle mort intestat, inconfez,
et non pourveu de testament et ordonnance de dernière volonté, en ma pleine
mémoire et santé, en la forme et manière que s'ensuit : Premièrement, je rends
grâces à Dieu, mon créateur, de ma nativité, vie, corps et membres dont il m'a
créé, et des cinq sens qu'il m'a prestes et de tous biens dont il m'a replet et gou-
verné durant ma vie. Après, je recommande mon âme à Dieu, mon Sauveur et
rédempteur, et me confesse à luy et à la glorieuse Vierge Marie et à tous les Saincts
et Sainctes de Paradis, de tous les péchés et mesfaicts èsquels durant ma vie je
suis escheu, suppliant Dieu dévotement et de tout mon cœur qu'il les me veuille
pardonner, en recognoissant et rendant pour ce vraye confession et contrition,
disant ma coulpe une fois, autre fois, et tierce fois, et veux et ordonne que, si rien
est sçeu que d'autruy j'aye, qu'il soit rendu et restitué des biens que je délaisseray
devant ou après ma mort, et si à aucun j'ay melTaict ou mal dict, je luy prie en
toute humilité me vouloir pardonner; aussy, si aucun m'a mefTaict, je luy par-
donne bénignement, suppliant de rechef Dieu dévotement que sa volonté soit telle
et que par sa saincte miséricorde aussi luy plaise me faire et me tenir en sa saincte
grâce et Visitation, jusques au dernier article de la mort, et me defTendre que
l'ennemi d'enfer ne m'empesche de requérir et avoir mercy et miséricorde de sa
clémence et bonté divine, et en sa saincte foy finir, et après par sa saincte grâce
me donner sa gloire.
« Moy mort et expiré, je supplie estre ensepvelly soingneusement, et veux et
ordonne estre enterré dans la grande église du fort de Maguelonne et en tel lieu et
place qu'il plairra aux exécuteurs de ce présent mon testament cy-après nommés
ordonner, remettant à la volonté et discrétion desdits exécuteurs les services et
luminaires qu'ils cognoistront estre à faire pour le salut de mon âme, et sembla-
blement telle honorable sépulture qu'ils adviseront pour mettre mon corps, ayant
esgard à ma dignité.
« Item, je veux et ordonne que tous les arrérages des usages, censives, lods et
ventes, qui me sont deubs du passé jusques à huy en toute ma comté de Melguiel,
toutes les sommes et restes qui me sont deubs par les jadis rentiers de madile
comté et prieuré de Noslre-Dame dudit Melgueil, mesmement ce qui m'est deu par
Guilhaume RulTy, André Vedel et Anthoine Alexy, tant en leur nom que de leur
1. V'illeneuve-sur- Yonne, ch.-l. de cant. de l'arr. de Joigny (Yonne).
LVI INTRODUCTION
(luillîiunu' Pt'ilicior inouiul le "lo janvier I0G8. Le jour même de sa
mort, le chapitre, ilispersé jusque là dans la province, se réunit à
c'iiclc I-Jiiirfiis AIrxy, aussi la sonune de cens ciiuiiianli' livres lournnis qui m'est
donc par Clainic Jean et Pierre d'Assas pL-rc et lils. cl sPiiililaldciMeiil ce que m'est
dcu Innl par les consuls que hahilans dudil Mel^'ucil pour raison des dixmes,
taul de lilfd que de vin, des annt-es des premiers (roubles; le (oui soil mis et
eu)|)li)yé aux rabillemciils el réparations tant de l'église et maison claustrale dudil
prieuré Noslre-Dame dudil Milgueil que du cliasleau dudil lieu, aussi tous les
aclions cjuc j'ay contre M* Jean (Iczelly, président en la chambre des comptes.
• Ilei/i, je vtuix et ordonne aussi que tous les arrérages des usages, censives, lods
el ventes qui nu' sont deus en la terre et jurisdiction de Villeneufve-lez-.Mague-
lonue ', mesmes les sommes cl restes qui nous sont deues par tous ceux qui ont
tenu de nous l'arrenlemcnt dudil Yilleneufve, soient employées aux réparations du
chasieau dudil lieu.
• //ew), j'ordonne que tout ce (|ui m'est deu par les consuls el habilans de Fron-
tignan -, pour quelque cause cl occasion que ce soit, le tout soil employé aux
réparations de l'église el fort de Maguelonne.
- lieu,, j'onlonne que tous les arrérages des usages, censives, lods el ventes qui
me sont deubs à Mcrviel ^, ensemble tout ce qui m'est deu par les rentiers qui ont
par oy-devant tenu tant la seigneurie dudil Merviel que le prieuré dudit lieu, le
tout soil employé aux réparations de l'église el chasieau dudit Merviel.
- llem, je veux et ordonne aussi que toutes les sommes de deniers qui me sont
deues pour raison de l'arrantemenl du Terrai ^, tant par André Raflinesque, Sarrel
el madamoiselle de Sarras, que tous autres rentiers quy ont esté jusques à huy,
ensemble lous les arrérages des usages, censives, lods cl ventes qui me sont deues
audit Terrai el Saint Jean-de-Védas ^, le tout soil employé aux réi)aralions du
chasieau dudit Terrai et chappelle d'iccllny.
• llem, j'ordonne que tout ce qui m'est deu pour raison du revenu de mon
doyenné du collège de la Trinité dudil Maguelonne, soil employé aux réparations
dudil collège el église d'icelluy.
- llem, je vcus et ordonne que tous les arrérages des usages, censives, lods et
ventes, qui me sont deubs en ma comté de Montferrand, ensemble tout ce que nous
doit M« (aiiiliaume Rogier, cappitaine du chasieau de Montferranil, el tous les autres
rentiers qui ont par cy-devanl tenu de nous aucuns arrenlemcns en ladite comté,
le tout soit employé aux réparations de l'église et chasieau dudit Montferrand.
« //e»î, j'ordonne que lous les arrérages des usages, censives, lods el ventes, qui
me sont deubs à Gigcan ^, aussi tout ce que nous doivent les rentiers dudil lieu,
le tout soit employé aux réparations de l'église cl ciiasteau dudit Gigean.
- Item, j'ordonne aussi que lous les arrérages des usages, censives, lods et ventes
qui nous sont deubs à Balaruc ', ensemble les sommes que nous doivent les ren-
tiers dudil lieu, le tout soil employé aux réparations du chasieau dudit Ballaruc.
• llem, j'ordonne aussi que tous les arrérages des usages, censives, lods et ventes,
qui nous sont deubs en la ville et terroir de Montpellier, soient employées aux
réparations de la Salie et maison episcopale dudit Montpellier 8.
• Toutes lesquelles sommes de\ies par lesdits rentiers et autres personnes cy
devant nommées, ensemble lesdits arrérages d'usages, censives, lods, ventes qui
me sont deubs el escheus de tout le passé jusques à huy ez lieux aussi cy devant
déclarés, je veus cl ordonne estrc prises el levées par les exécuteurs de ce présent
1. Villoncuvo-iés-Magucloniic, commune de l'arr. do Montpellier, cant. de Frontignan.
0. Frontignan, ch.-l. de cant. de l'arr. de Montpellier,
:!. Murvi.'l-lès-Monipellier, commune du troisième canton de Montpellier.
•I. Le Terrai, ancienne résidence des évoques de Montpellier, auj. ferme de la commune de
Saint-Jean de Védas.
f>. Saint-.Iean-de-Védas, commune du troisième canton de Montpellier.
G. Gijean, commune du canton de M6zo, arr. de >[ontpellier.
'1. Ualaruc-lc-Vieux, ëcart de la commune de Balaruc-ies-Bains, canton de Frontignan.
8. La Salle, ancien palais des évoques do Maguelonne à Montjicllier. La rue où s'élevait
cette construction s'appelle encore aujourd'hui rue Sallc-rÉvêque.
INTRODUCTION LVII
Fronlignan. Il n'est pas question de lui dans le procès-verbal de cette
assemblée. Le lendemain seulement, on apprenait la mort de l'évêque.
mon testament et ordonnance de dernière volonté, et par eux employées ez répa-
rations dessiisdites le phislot que faire se pourra, selon leur conscience et discré-
tion, voulant néanmoings que toutes les décimes que je puis devoir aussi du passé
jusques au jour de mon trespas, soient préalablement prinses et desduitles sur
toutes lesdites sommes, arrérages et debtes sustlits.
« Item, je veux et ordonne que tous mes serviteurs domestiques soint entière-
ment payés et récompensés de leurs gages et salaires jusques au jour de mondit
(respas par les exécuteurs de mondit testament, si durant ma vie et avant mondit
trépas je ne les récompense moy-mesme de leursdils et bon service qu'ils m'ont
faict, et veus aussi que mesdits exécuteurs puisse[ntj faire tel don et advantagc à
mesdits serviteurs qu'ils auront mérité outre la satisfaction de leursdils gages, et
à leur discrétion et bonne volonté.
« Ilem, je donne et lègue [à] Guillaume, Antoine, Jean et Pierre Pelliciers frères,
mes nepveux, Marguerite, Jeanne et Pierre Pellicières seurs, mes niepces, tous
«nfans légitimes de feu Anthoine Pellicier mon frère ' ; — Jeanne Pelicière, ma sreur,
vefve de feu Rossel, Guillaume et Jean Rossels frères, mes nepveus, Catherine et
Jeanne Rousseiles sœurs, mes niepces, tous enfans de ladite Jeanne ma sœur; —
Péronne Pellicier, ma seur, femme «le M" Guillaume Caprerié, et tous les enfans
qu'a eus ladite Péronne ma sœur, soint masles ou femelles, mes nepveux et niepces;
— Pierre de Canceris et Jeanne de Mourgues seurs, mes niepces, filles de feue
Maurice de Pellicier, ma sœur; — Guilhaumc et Jacques Duranc frères, mes nep-
veux, fils de feue Jaquette Pellicière, aussi ma seur, et mes niepces les filles de
ladite Jaquette ma seur; — César, Hermion, et Astérion Pelliciers frères, Anthoine
et Hermione Pellicières, seurs'-; — Guillhaume et Million Peliciers aussi frères,
et enfans et héritiers de feiie ^ Guérine, femme de feu ...<• Sestiers d'Aygues-
mortes, ma tante maternelle; les héritiers et hoirs de Germain et Raymond
Pelliciers, de Melguel, et Gabriel de Pélissier, de Lunel, et autres descendans
d'eux, et à chacun des susnommés et comprins, je lègue la somme de cinq sols
tournois, moyennant laquelle, et pour bonne et juste cause à ce me mouvant, uni-
versellement je les déshérite et abandonne de tous les droits successifs et hérédi-
taires qu'ils et chacun d'eux en général et en particulier sçauroient avoir et pré-
tendre, tant de droict, de faict que de coustume, en tous et chacuns mes biens,
meubles, immeubles, patrimoniaux, acquesls et autres présens et advenir, géné-
rallement quelsconques, et semblablement tous autres mes frères, seurs, nepveus,
niepces, enfans '^, cousins et parens, quels qu'ils soint, lesquels pourroinl
prélhendre ou quereller aucun droict à madite succession, moyennant pareilhe
somme de cinq sols tournois.
« Item, ']Q fais et institue mes héritiers seuls et universels les pauvres démon dio-
cèse, qui seront choisis et esleus h. la discrétion et bonne volonté desdits exécuteurs
de ce présent mon testament et ordonnance de dernière volonté, ausquels pauvres
je donne et laisse tous et chacuns mes biens, meubles, immeubles, qui resteront
après que mes debtes auront esté payés, si aucuns en y a, et après que ce mien
dit testament aura esté exécuté et accomply.
« Pour lequel testament et ordonnance de ma dernière volonté dcssusdilte enté-
riner et mettre à exécution entière et deue, je prens, nomme et eslis mes exécuteurs
d'icelluy Messieurs M' de Beauxhostes et Jacques de Montfaucon, sieur de Vissée,
présidens en la Cour des Aydes à Montpellier, M* Jean Doumergue. chanoine et
archidiacre de Castres, mon vicaire général, et Frézal Pastre, prieur de Saint-Paul,
mes bons et féaux amis, ausquels je donne plein pouvoir et aulhorilé de faire et
accomplir le contenu en mondit testament au plustôt qu'ils pourront, et des biens
tant meubles que immeubles qui seront par moy délaissés après mondit trespas;
1. Antoine Pellicier avait succédé à Milan son père dans la charge de viguicr de Mauguio.
2. Enfants naturels de Pellicier.
3. Un blanc.
4. Un blanc.
5. La mention est nette et précise.
LVIM INTRODUCTION
Le 20 janvier, le corps de l'évêquo lut enseveli sans pompe et
inhumé, selon son désir, dans son ancienne calhédrule de Maguelonne.
Le ciiapilre élut, comme vicaire capiluUiire, sede vacante, Léonard
Aj^uillon, prévôt de l'église cathédrale de Montpellier'.
Ii'siiiiels l)icns poiir ce faire. je leur côiic. transporte cl mots p/ mains desilits esieus
mes exi'culeiirs, jusques à l'entier acconiplisscnicnt de mundil Icslanienl cl ordon-
nance de «lernière volonté, el révo(]iic et mets au néant Ions aulres leslamens qui
par nioy [poiirroinl] avoir esté faicls auparavant ccsdites présentes, vuulanl (jue
celuy ou ceux ipii oonlrevicndronl h cedil présent mon leslaiacnt soinl privés el
exempts de mon nom, parenté et cognoissance. Je ne veux et n'cnlcnds point aussi
qu'aucuns mafrislrats cl officiers (lu Roy ou autres quels qu'ils soint, fassent aucun
inventaire de mesdits hiens, sans le vouloir et consentement expiés desdits exécu-
leurs, lesijuels prendront el choisiront à leur volonté loi notaire ou clerc qu'il leur
plaira pour faire el parfaire ledit inventaire. Davantage je veux el ordonne (jue
deux desdils esieus cl exécuteurs de cedil présent mon testament, en l'absence ou
rempescliemenl ilo l'ung ou deux des aulres, puisser.t exécuter niomlil testament
en chacun de ses chefs, comme sy tous présens y esloinl, el lequel mon présent
tcslamenl el ordonnance de dernière volonté je veux el ordonne aussi avoir telle
force el vigueur, estant seulement signé *le la main des tesmoings cy-après nommés,
comme s'il avoil esté prins el receu par aulhorité de magistral, notaire n)yal ou
autre personne publique, el en la meilleure forme el manière que ce pourroil faire
el valloir, considéré le lieu, le temps et les troubles présens où nous sommes
réduicts, el tel est mon vouloir leslamentaire el onlonnance de dernière volonté,
contenue ez six feuillets de papier entier cy-devanl cscripls cesluy comprins, que
j'ay faict signer auxdits tesmoings cy-après nommés, nonobstant tous édicls, ordon-
nances, arrcsls, statuts, coustume et privilèges à ce contraires.
•■ Faict à Maguelonne, dans ma chambre, présens mes bons amis M* Ozias de
Mellebost, chanoine en l'église cathédralle de Montpellier et prieur de Saincte-
Croix; Jacques Barbuti, prestre, bedeau de ladite église de Montpellier; Jacques
Nourrit, prestre du Crès; Pierre de Combe, i)restre de Yalergues; Grégoire Fal-
gayrolles, prestre de Maguelonne; frère Laurens Chalvet, vicaire de l'Observance
iludit Montpellier; sire Anthoine Aousl, marchant de ladite ville de Montpellier;
Vidal Pitol, de Sainl-Auban, serviteur du sieur de Moriès; Louis Balmat, de Clias-
saiiaige * en Dauphiné; et Jean Houveral, du lieu de Pérolo, tous lesquels j'ay prié
el requis signer cedil présent mon testament pour la vallidalion d'icelluy, le
lundy malin, troisième jour de nouvembre lan mil cinq cens soixante et sept.
• Ozias de Malbosc; Barbuti, prêtre; P. de Comba, J. Nourrit, G. Falgairolles,
Jean Rouveyrac, L. Chalveli, vicaire, Anthoine Aoust, V. Pitot, L. Balmat, et plus
bas, par commandement de mondit seigneur testateur, Prévost, secrétaire, tous
ainsi signez à l'original.
- Exlraict deuemcnt eollationné à son original produit au procès pendant en la
cour de Monsieur le Gouverneur de .Montpellier, devers le procurer du Roy institué
audit Gouverncm[enlj el par luy, comme demandeur en pul>lication d'iceluy tes-
t-iment el les proches parens dudil feu sieur évesque el autres préthendans
droicls en des biens, par moy Jean Janin, greffier en ladite cour et siège prési-
dial de ladite ville soubsigné, le sepliesme de juillet et l'an mil cinq cens quatre
vingts-dix. Janin, greffier.
« Collalionné par nous. Conseiller du Roy et secrétaire
au Parlement de Thoulouse.
« Delacroix -.
(Archiv. départ, de l'Hérault, G. IV. 193. — Communication de M. Joseph lier-
thelé).
{. Nomination de Léonard Aguillon. prévôt de l'église cathédrale de Montpellier,
1. Sasscnage, Casnaticum (Isère).
INTRODUCTION LIX
On ne connaît pas de portrait de Guillaume Pellicier. Los recher-
ches que nous avons laites à ce sujet sont demeurées infructueuses;
M. Henri Bouchot, l'érudit conservateur du département des estampes
à la Bibliothèque Nationale, si au courant de l'iconographie du
XVI* siècle, nous a déclaré n'avoir jamais rencontré de représentation
figurée de notre prélat. Nous avons peine à croire, cependant, qu'à
une époque où la gravure était déjà si fort répandue, et où le pin-
ceau comme le crayon servirent à reproduire tant d'effigies souvent
moins illustres, quelque artiste, italien ou français, n'ait pas été
tenté de fixer les traits de Tévêque humaniste et diplomate. Aussi ne
désespérons-nous pas de découvrir par la suite une image authentique
du personnage qui nous occupe. Nous pouvons conjecturer qu'il était
de taille moyenne, de tempérament plutôt sanguin, avec une légère
tendance à l'obésité; il devait porter toute sa barbe, suivant la mode
ordinaire des prélats de ce temps. Telle est du reste assez exactement
la donnée du buste qui lui a été élevé, dans les premières années de
notre siècle, au milieu du Jardin botanique de Montpellier. En dépit
de l'exécution assez médiocre, cette œuvre pourrait fort bien, selon
nous, qui n'en pouvons juger actuellement que par un cliché photogra-
phique, avoir été inspirée par des documents contemporains aujour-
d'hui perdus '.
La famille de Pellicier portait pour armes : de gueules, à la fasce doi\
accompagnée en chef d'une larme d argent, et d'un anneau d'or en pointe;
écartelé d'azur au soleil d'or surmonté de trois étoiles de même (Armoriai
de Languedoc, t. 1, p. 397), ou plus simplement : de gueules, à la fasce
d'or accompagnée de trois larmes d'argent en chef, et de trois besants de
même posés 3 et i (J. Renouvier, Monuments du Bas- Languedoc).
comme vicaire capitulaire, sedc vacante, après le décès de Guillaume Pellicier.
— « Le cliappilre estant adverty du Irespas de feu Révérend Père en Dieu Messire
Guillaume de PcUissicr, évesque de Montpellier, que Dieu absolve, et ne s'estant
peu assembler pour procéder à l'élection d'ung évesque, suyvant les sainctzdécretz,
édictz et ordonnances du Roy, et néantmoings pour eslire et nommer ung vicaire
général sede vacante, suyvant ladicte disposition de droict et leur pouvoir, ont
esleu, nommé et faict vicaire général sede vacante audict évesché de Montpellier
Révérend Père Messire M" Léonard Aguillon, prévost de ladicte esglise cathédralle
de Montpellier, absent, à ce que lui soit despéché lettres de vicariat avec telz
honneurs, pu[i]ssance, préhéminances, prerrogatives que les autres vicaires en tel
cas requiez en peuvent avoyr. » {Archiv. départ, de V Hérault, série G. Délibérations
du chapitre cathédral de Montpellier, volume de 1564 à 1575, fol. 286 v». — Com-
munication de M. Joseph Herthelé.)
\. S'il faut en croire les Mémoires et Souvenirs (Genève, Cherbuliez, 1SG2, in-S")
d'Augustin-Pyrame de Candolle, recteur de l'Université de Montpellier en 1815, ce
fut Pierre-Auguste Broussonnet, directeur du Jardin botanique de cette ville, de
1803 à 1807, qui eut l'idée d'orner cette magnifique promenade, relevée de ses
ruines après un long siècle d'abandon, de toute une série de bustes en pierre
représentant les principaux botanistes, illustrations de l'Ecole de médecine et du
Jardin des plantes. Pellicier y avait sa place naturellement marquée à côté de
Rondelet (V. Ch. Martins, Le Jardin des Plantes de Montpellier).
LX INTRODUCTION
On consene au siège de la Sociélé archéologique de Montpellier une
belle pierre sculptée, de lépoque de Louis XII, qui représente les
armoiries de Guillaume Pellicier l'Ancien ayant pour supports deux
anges. M. KmiU' Honnel. archiviste de la société, a bien voulu nous
autoriser gracieusement à (aire tirer une épreuve photographique de
ce monument.
Guillaume Pellicier, avons-nous dit, lut déposé sans grande pompe,
au lendemain de sa mort, dans les caveaux de l'église cathédrale de
Maguelonne. Les temps troublés ne permirent pas de lui élever de
monument apparent, et rien ne marqua, parait-il, sur le dallage du
temple, l'endroit précis où le corps de l'évéque avait été inhumé. De
nombreux pontifes avaient, au cours des âges, été de même enterrés à
Maguelonne; après Pellicier, deux de ses successeurs y furent encore
transportés, malgré la translation du siège épiscopal à Montpellier : ce
furent .\ntoine de Subiet, mort en loOÔ, et Guittard de Ratte, mort
en lOOi. C'est seulement sous l'épiscopat de Pierre de Fenouillet,
en 1633, que Maguelonne, par ordre de Richelieu, fut démantelée et
l'église délinitivement abandonnée*.
1. Louis de la Roque, loc. cil., pp. 123 et 127. — Le propriétaire actuel «lu
•lomaine de .Maguelonne, M. Fabrège, au cours de fouiller minutieuses prati<|uées
en mai 1871 dans le sous-sol de l'ancienne cathédrale, a mis au jour une trentaine
de tombes épiscopales parmi lesquelles il croit avoir retrouvé la sépulture de
Guillaume Pellicier. Entre la tombe de l'évéque Jean de lîonnail, mort en 1487,
située prés du mailre-aulel, et le trône pontifical, le pavage avait été remanié et
les dalles retournées, les unes en long, les autres en large, pour dessiner un carré.
A quatre-vingt centimètres du sol, on mit au jour un cercueil en plomb, rétréci
vers les pieds, orné sur toutes les faces d'une série de cartouches en bossage, tous
identiques et représentant le Crucifiement et la Résurrection du Christ : dans la
partie supérieure, le Christ en croix, ayant à ses pieds la Vierge et Saint-Jean;
dans la partie inférieure, le (Christ sortant de son tombeau pour monter au ciel.
Les deux motifs étaient couronnés par un dais à triple arcature surbaissée. Il y
avait enfin une seconde série de cartouches, tous semblables, olîrant les images
nimbées du Christ et de son Père, séparées par un soleil, figure du Saint-Esprit,
et placées sous un dais supporté par des anges.
Le squelette, intact, était d'assez grande taille; la mâchoire garnie de toutes les
dents, la plupart aurifiées. Ni crosse, ni anneau pastoral, ni inscription; rien que
les vestiges d'un ornement en tissu doré.
La suliordination des lignes du pavage à la largeur du tombeau de Jean de lîon-
nail accusait une sépulture postérieure à 1187; le style du cercueil, le milieu du
XVI* siècle. Ces ossements sont donc vraisemblablement ceux d'un Pellicier, I An-
cien ou le Jeune. D'autre part, le cercueil en plomb, le seul quon ait trouvé dans
le cours des fouilles, prouverait, selon M. Falirège, que le corps a été apporté du
dehors; laurification des dents attesterait les progrès d'une chirurgie qui brillait
alors en Italie de tout son éclat; l'absence d'épitaphe et de monument extérieur
correspondrait bien à l'époque des guerres de religion. On sait qu'en mai 1562
l'église fut saccagée par les calvinistes, et les tombeaux détruits.
Ces renseignements nous ont été obligeamment fournis par M. Fabrège, qui les
a tirés pour nous du tome 111 de son llisloin; de Maguelonne, en cours de publica-
tion. Ce volume, complément des deux précédents, dont le premier a seul jiaru,
compr<;n(lra la description archéologique des ruines de Maguelonne, accompagnée
de nombreuses planches.
INTRODUCTION LXl
111
On connaît jusqu'à ce jour trois manuscrits de la Correspondance de
Guillaume Peliicier, se référant également tous trois à la seconde partie
de son ambassade à Venise.
Manuscr'it A. — Le premier et de beaucoup le meilleur est sans con-
tredit celui que possèdent les archives des Affaires étrangères, copie
contemporaine, exécutée sous les yeux mêmes de l'évèque et qui
demeura évidemment en sa possession jusqu'à sa mort*. Après lui, les
trésors amassés avec tant de zèle furent certainement mis au pillage,
non pas tant à cause des dévastations calvinistes que « par suite du
dérangement des affaires de Peliicier », comme le dit fort justement le
chanoine de Grefeuille. historien de l'église de Montpellier-. Ainsi
distraite en grande partie du fonds del'évêché, cette riche bibliothèque
devait y rentrer dans une certaine mesure, par les soins pieux de quel-
ques érudits, successeurs de Peliicier. Ainsi, le volume dont nous par-
lons paraît avoir été racheté plus tard par l'évèque Charles de Pradel,
à moins qu'il n'ait été conservé dans la bibliothèque des évêques de
Montpellier jusqu'à la fin de l'épiscopat de Colbert de Croissy, à la
vente duquel il fut enfin acquis, en 1741, par le département des
Affaires étrangères, avec divers autres documents diplomatiques de
même provenance. On trouvera dans l'appendice les pièces relatives
à toute cette affaire".
Le manuscrit sur papier, in-folio, comprend 334 feuillets, dont
3 blancs. Le premier feuillet porte au recto, à la suite de quelques
notes du copiste, ces mots d'une bonne écriture du xviii^ siècle, qui
paraît être celle de Colbert de Croissy : Lettres de M. PelÀssiei\ Ev. de
Maguelonne, pendant son ambassade à Venise en 1 540 et i 54i ; le verso
est blanc. Le recto du second feuillet, où commence la première
dépêche adressée à Rincon, porte en marge la mention suivante,
d'une belle et ferme écriture du xviii" siècle, probablement autographe
du prélat qu'elle concerne : Ex libris BibUo[thecœ] D. D. Caroli de
Pradel epi[sco]pi Monspe[liensis]. La copie est en écriture, assez régu-
lière, du milieu du xvi" siècle; pour les dépêches italiennes, une belle
italique remplace l'écriture française et ne paraît pas être de la même
main.
Une reliure moderne, en veau brun, avec le fer officiel des reliures
du règne de Louis-Philippe, a remplacé la couverture en parchemin
l.Un premier volume, relatif à la première partie de l'ambassade, a certaine-
ment existé, et fut peut-être détruit dans les troubles civils du xvi« siècle, après la
mort ou du vivant même de Peliicier.
2. Histoire ecclésiastique de Montpellier , partie II, p. 170.
3. Voir Appendice Vlll, pp. 722 à 738.
LXll INTRODL'CTION
qui prolégeait le inunustril, lors de son acquisition en 17 41 (V. la
noie de l'abbé Sallirr, p. l'Mt}.
Manuscril IL — Le second manuscrit, conservé à la Ribliolliéque
nationale sous le n° 570 du fonds (^lairambault, est un volume petit
in-lolio sur papier, de ti.'iO feuillets, d'une petite écriture ronde qui
semble appartenir à la première moitié du xvn'' siècle. Nous manquons
de renseignements sur sa provenance. .Nous savons seulement qu'en
1070 Henri dAguesseau, intendant de Languedoc, envoya au minisire
Colberl, en vue des acquisitions K faire pour la Bibliothèque royale, le
catalogue d'une bibliothèque où l'on remarquait entre autres manuscrits
l'Ambassade de Fellicier, évéque de Maguelonne. C'est évidemment
notre manuscrit B'.
Le recueil est intitulé : Volume 2"'" des missives de Mes$ire Guilhaume
de l'clicier, évesque de MoiitpoUer, ambassadeur pour le Iîo\i François
premier à Venise, du premier jour de juillet 1540. Un tilre équivalent
a été ajouté, en belle écriture, au xviii' siècle, sur le feuillet qui pré-
cède. Celle copie, fort inexacte d'ailleurs et qui abonde pour ainsi dire
à chaque ligne en lectures défectueuses, est loin de comprendre toutes
les dépêches contenues dans le manuscril des Affaires étrangères. On
n'y trouve que les lettres adressées au roi et au connétable, et une
partie de celles adressées à Rincon et à Langey. Une noie du temps,
placée en haut de la marge du premier feuillet, note : « Au dernier
feuillet, qui est le 248 v°, j'ay remarqué les lettres que je fais estât
d'employer en mon recueil. » Cette mention correspond aux feuillets
24Gv°, 247 el248 v° qui contiennent, à la suite de quelques feuillets
blancs, disposée en deux colonnes, et sous forme de véritable griffon-
nage eu maint endroit à peu près illisible, une sorte de cote ou d'ana-
lyse sommaire des dépêches transcrites.
Le cartonnage, en parchemin blanc, est tout moderne, et porte au
dos le monogramme doré du Second Empire, un N surmonté de la
couronne impériale entre deux branches de laurier.
Manuscril C. — Le troisième manuscril, conservé à Aix sous le
n" 199 de la Bibliothèque M(\janes, est une copie du xvii'^ siècle, in-folio,
sur papier, de 1200 pages, soit GOO feuillets, reliée en veau, avec les
I. L'année s» i van le, le même «IWgucsscau envoyait encore le catalogue des manus-
crits du sieur Pupet, «le Toulouse, et du célohre François de Bosquet, évèque de
Monipellicr (ms. ial. y3ô3, f" 164). Ce prélat, mort Tannée précédente, avait réuni
une bibliothèque importante, mais ses manuscrits ne furent pas acquis par Colbert;
ils passèrent, pour une bonne part, dans la bibliothèque du successeur de Bosquet,
Ch. de Pradel, et après lui dans celle de Ch.-J. de Colbert, à la mort duquel ils
furent dispersés.
La même année (107"), lloudon. trésorier de France à Montpellier, signalait à
Baluze la bibliothèque de feu .M. de Rignac, et le cabinet du chanoine Gariel, mort
vers 10" i, dans lequel étaient réunis beaucoup de documents concernant les évé-
ques de .Maguelonne (Collect. Baluze, ms. 371, f°' I et 10. — Delisle, Cabinet des
mss. de la Dibl. iiaf., t. l. pp. 455 et iSô).
INTRODUCTION LXIII
armes du marquis d'Aubais, sur le dos. Il a pour lihc : Lettres de
Messire Guillaume Pellissicr, évèque de Maguelonne^ ambassadeur du roy
François premier vers la république de Venise.
Ce manuscrit a appartenu à Tévêque de Montpellier C.-J. Colberl de
Croissy, et figure dans le catalogue imprimé de sa bibliothèque, au
tome II, p. 448. Il est permis de supposer que cette copie, à peu de
chose près conforme au manuscrit A ', qui faisait partie de la même col-
lection, fut exécutée par les soins et sous Tépiscopat de Charles de
PradeP. Après la vente et la dispersion de la bibliothèque colbertinc,
le manuscrit passa dans celle de Charles de Baschi, marquis d'Aubais
(168G-1777), érudit et bibliophile, dont il porte l'ex-libris gravé sur la
garde, et les armes sur le dos de la reliure. Il parvint ensuite aux
mains de Jean-Haptiste Piquet, marquis de Méjanes (1729-178G), qui a
écrit sur le feuillet de garde la note suivante : « Ce ms. a été acheté des
héritiers de M. le marquis d'Aubais, par la médiation de M. Séguier,
12 livres, en 1781=^».
En résumé, le manuscrit B nous paraît absolument négligeable,
puisqu'il est incomplet et que son texte fourmille d'erreurs. Le manus-
crit C n'est guère qu'une copie relativement récente du manuscrit A,
qui demeure jusqu'à nouvel ordre le seul texte authentique et contem-
porain. Il comprend dans son ensemble 405 dépêches, qui se décom-
posent ainsi : 82 adressées au roi, 39 à M. de Langey, 35 au maréchal
d'Annebault, 31 au connétable de Montmorency, 31 à Rincon, 31 à
l'évéque de Rodez, 16 à l'amiral Chabot, 16 à Vincenzo Maggio, 11 au
capitaine Polin, 11 au comte de la Mirandole, 9 à la reine de Navarre,
9 à la duchesse de Ferrare, 8 à Cesare Fregoso, 7 à M, de Villandry,
6 à l'archevêque de Raguse, 6 à l'évéque de Tulle, 4 au cardinal de
Tournon, 4 au cardinal de Ferrare, 4 à M. d'Echènay, 4 à M. de Termes,
4 à Formiguet, 3 à Rabelais, 3 à M. de Vanlay, 2 au duc de Ferrare,
2 au cardinal de Boulogne, 2 à M. de Pons, 2 à Costanza Rangona
Fregosa, 1 au chancelier Poyet, 1 à Hippolyte de Gonzague, 1 à la
comtesse de la Mirandole, 1 au cardinal du Bellay, 1 au cardinal Cesa-
rini, 1 à l'évéque de Gissamo, 1 à l'évéque de Sébénico, 1 à l'évéque
de Limoges, 1 à Bochetel, 1 à M. de Boisrigault, 1 au gouverneur de
i. Les dépêches 189, iOl, iO-2 et 403 manquent an manuscrit C; la dépêche 404
est incomplète de la majeure partie du dernier alinéa.
2. Charles de Pradel, qui occupa vingt ans le siège de Montpellier, de 1676 à 1696,
avait réorganisé la bibliothèque de l'évèché, riche des livres et manuscrits de François
de Bosquet, son oncle et prédécesseur, qui avait hérité lui-!ncme de ceux de Jean
de Plantavil de la Pause, ancien évèque de Lodève.
3. Voir Cat. général des mss des /Afjliofhèqties publiques de France; Départements,
t. XVI, Aix, par l'abbé Ali)anès. Paris, Pion, 1894, in-8", p. 122. — Les derniers
cahiers du ms. d'Aix sont (à partir de la page 903) d'une écriture beaucoup plus
ancienne (début du xvii" siècle) que les premiers; peut-être pourrait-un attribuer
cette copie partielle à François de Bosquet.
Le P. Lelonga signalé, dans sa Bibl. hisf. (t. III, p .48) les mss A et C.
LXIV
INTRODUCTION
Lyon, I a l'éla d'Avrauclies, 1 au bailli d'Orléans, 1 au bailli du palais,
1 à M. d'Araimm, 1 à M. d'[Iumiùres, 1 à M. du Peyrat, 1 U M. de
Saiul-Ililairo, 1 à Ciuillauiin' Reverdy, 1 au comlo Melchior Testa, 1 à
Tassin de Lonato, 1 à M. de Sainl-Uavy, 1 ii Pélréio.
Il est sinf^ulier i\\w toutes les dt-pècbes originales de IN-llicier soient
perdues, à l'exception de (jualre conservées dans le manuscrit 2G4 de
la collection Dupuy, Ji la Mibliotlièque nationale '.
Charrière a publié, dans le tome I de ses Négociations de la France
dans le Levant *, d'après le manuscrit des Affaires étrangères, un cer-
tain nombre d'extraits des dépêches de Pellicier. Il est regrettable que
l'auteur de cette publication, fort utile malgré tout, suivant une méthode
arbitraire et dangereuse, ait pris trop souvent la liberté de tronquer
les textes en réunissant deux moitiés de dépêches dill'érentes, en juxta-
posant des membres de plusieurs phrases détachés de leur ensemble,
ce qui entraînait fatalement des altérations du sens, des erreurs de date,
des confusions de personnes, sans parler même des lectures fautives.
On sait au contraire l'excellent parti qu'ont tiré de quelques-unes
de ces lettres, après M. Léopold Delisle dans son Cabinet des manus-
crits de la Bihliothèque nationale, MM. J. Zeller, dans sa remarquable
thèse, et Henri Omonl, dans ses études sur les Manuscnts grecs de
Pellicier '.
1. Fol. Il" à 120. Trois lettres au roi, des 31 juillet et 1" août 1540; une à M. de
Villandry, du 12 décembre 1540. La première des deux lettres au roi du 1" août 1540,
raturée, ne parait pas être l'exemplaire définitif. — V. pp. 36 et 41, pour les lettres
adressées au roi; celle à Villandry, inédile, mais sans grand intérêt, ne figure pas
dans le ms. des Affaires étrangères.
2. P. 418 h 553.
3. CONCORDANCE DES MANUSCRITS DE PELLICIER
Ms. A. Ms. B. Ms. C.
(Aff.étr.). (Bibl.nal.). (Méjanes).
Folios.
Folios.
Pages.
1.
Pellicier à Rincon.
2juilleUo40.
5
1
2.
—
au roi.
10
—
5v".
1
3
3.
—
au connétable.
—
—
1
3vV
8
K.
—
à la reine de Navarre.
—
—
8
10
5.
—
a M. de Tulle.
—
—
8 y".
12
6.
—
à M. de Langey.
—
—
9
4v».
15
1.
—
à Rincon.
12
—
10
5
n
8.
—
à .M. de Raguse.
—
—
11
21
9.
—
à Pélréio.
—
—
—
22
10.
—
à la duch'"de Ferrare.
14
—
11 V».
23 (ISjuill.).
11.
—
au roi.
22
—
12
6 Y».
24 (•23juill.),
12.
—
au connétable.
—
—
13 Y».
9 Y».
30
13.
—
à M. de Tulle.
—
—
14 V.
34
14.
—
à Bochetel.
—
—
15
38
15.
—
à M. de Langey.
24
—
15 V.
40
16.
—
à Rabelais.
—
—
16
40
n.
—
à Rincon.
25
—
16V.
Hv°.
42
INTRODUCTION LXV
Quelques mois nous restent à dire du style et de la langue de notre
ambassadeur. C'a été une tendance commune à presque tous les huma-
nistes du xvie siècle de gréciser et de latiniser surtout le français dans
leurs écrits; mais nul ne l'a fait peut-être autant que Guillaume Pelli-
Ms.A.
Ms. B.
Ms.c.
(Aff. étr.).
(Bibl.nal.)
. (Méjanes).
Folios.
Folios.
Pages.
18.
Pellicier à Rincon.
30
juin. t.Tio
' n
13 V''.
46
19.
—
au roi.
31
—
19
15 v°.
53
20.
—
au connétable.
—
—
âOV.
18
58
21.
—
au roi.
1"
août 1540.
22
20 V.
64
22.
—
à M. de Langey.
2
—
21 v°.
19 V».
62
23.
—
à M. de Rodez.
5
—
22 V».
66
24.
—
à Rincon.
14
—
23 v°.
70
25.
—
à M. de Rodez.
—
—
23
78
26.
—
au roi.
lo
—
25 V.
24 V''.
27.
—
au connétable. .
—
—
27
26 v°.
28.
—
à .M. d'Annebaulf.
—
—
28
29.
—
à -M. de Langey.
17
—
—
28
89
30.
—
à M. de Boisrigault.
—
—
28 V».
92
31.
—
au roi.
19
—
29
28 V''.
95
32.
—
à M. de Tulle.
—
—
30
98
33.
—
au roi.
20
—
31
30
103
34.
—
à M. de Langey.
—
—
31V''.
31
105
35.
—
au bailli d'Orléans.
—
—
32
31 V.
107
36.
—
à Rincon.
21
—
—
—
108
37.
—
—
22
—
33
32 V».
m
38.
—
à ^L de Rodez.
23
—
33 V».
114
39.
—
au roi.
26
—
34 V».
33 V".
117
40.
—
au connétable.
—
—
3(>
36
124
41.
—
à -M. de Langey.
—
—
38
38
128
42.
—
à .M. de Villandry.
—
—
37 v°.
132
43.
—
à Rincon.
31
—
39
39
133
44.
—
—
1" sept. 1540.
41
41 V».
141
45.
—
—
—
—
42
42 V».
144
46.
—
au roi.
10
—
43
43 V.
147
47.
—
au connétable.
—
—
45
46
156
48.
—
à M. d'Annebault.
—
—
47
164
49.
—
à M. de Langey.
—
—
—
48 V.
165
50.
—
au roi.
22
—
48
49 V».
171
51.
—
au connétable.
—
—
50 v°.
52 V".
181
52.
—
à M. de Villandry.
—
—
52
190 (23 sept.)
53.
—
à M. de Langey.
24
—
52 V.
55
192
54.
—
à Rincon.
25
—
54
57
197
55.
—
—
26-27
—
56
60
206
56.
—
—
29
—
58
62 v°.
21.S
57.
—
au connétable.
6 oc
:tob.l540.
61
66
228
58.
—
au roi.
8
—
59
63
209
59.
—
au connétable.
—
—
62
67 v°.
23 'r
60.
—
à la reine de Navarre.
—
—
63
231»
61.
—
à M. de Tulle.
—
—
64
242
62.
—
au cardinal de Ferrare.
—
—
64 V''.
245
63.
—
à M. d'.\nnebault.
—
—
65
248
64.
—
au bailli du palais.
—
—
—
249
65.
—
à Cesare Fregoso.
9
—
58 V.
'J!6
66.
—
à M. de Langey.
10
—
66
69
252
67.
—
à Rincon.
12
—
—
69 V».
253
Vknisk. — 1540-1542.
LXVI
INTRODUCTION
cier, sans doute en raison de la connaissance plus approfondie qu'il
avait du latin, au dire unanime des contemporains, et parce qu'il en
savourait davantage toutes les beautés et le charme. Sous sa plume,
68.
«9.
70,
n.
■2.
73.
li.
75.
76.
77.
78.
79.
80.
XI.
82.
83.
84.
85.
86.
87.
88.
89.
90.
91.
92.
93.
94.
95.
96.
97.
98.
99.
100.
101.
102.
103.
104.
105.
106.
107.
108.
109.
110.
m.
112.
113.
114.
115.
116.
117.
118.
119.
Pellicier à Vincrnzo Maggio.
— a Rabelais.
— au roi.
— au connétable.
— à Du Pt'vrat.
— a Hincon.
— au roi.
— au connotablc.
— au roi.
— au connélalile.
— à .M. d'AnnebauIl.
— au cardinal de Ferrare.
— à .VI. de Langey.
— à .M. de Hodez.
— à la duch"* de Ferrare.
— à Cesare Fregoso.
— à Rincon.
— au duc de Ferrare.
— à .M. de Langey.
— à Rincon.
au roi.
au connétable,
à yi. de Villandry.
à M. de Langey.
à .M. de Tulle,
à M. de Rodez.
— à Rincon.
à la duch"* de Ferrare.
au roi.
au connétable.
à la reine de Navarre.
à .M. d'AnnebauIl.
au cardinal de Ferrare.
à M. d'Iluniiéres.
à M. de Langey.
à .M. de Rodez.
au roi.
au connétable.
à l'élu d'Avranches.
à la tlucli"* de Ferrare.
à .M. de Rodez.
au roi.
au connétable.
au cardinal de Tournon.
à M. de Langey.
.M". A.
M». B.
.Mh.C.
(Aff.elr.).
(Bibl.oal.).
(Mejanes).
Folios.
Folios.
Pages.
12
octob.lSiC
i. 68
262
17
—
—
262
26
—
68 v°.
72
264
—
—
69 V».
74V.
271
—
—
70 V.
277
—
—
71
279
3!
—
71 y'.
77
281
7
nov. irj40.
72
77 V".
283
—
—
73 V.
81 v°.
289
12
—
75
82 v".
2'.i5
—
—
75 V.
79 v°.
299
—
—
76 v°.
304
—
—
77 V».
308
—
—
78
83
310
—
—
78 v°.
312
—
—
79 V.
316
16
—
80 v°.
318
19
—
—
84
321
21
—
82 V.
331
26
—
83
85 V.
332
29
—
83 V".
86
337
—
—
86
88 V.
3i5
1"
déc. 1540.
86 V.
8''v°.
3i7
29
nov. 1540.
87 v°.
90
349
—
—
90
92 v°.
358
—
—
91
364
2
déc. 1540.
91V.
93 v".
365
—
—
U2
367
28
nov. 1540.
93 V''.
372
4
déc. Io40.
94 V.
376
—
—
95
377
5
—
95 V».
94
379
6
—
—
94 v°.
380
9
—
96
94 v°.
381
11
—
97
386
12
—
98
96
389
—
—
99 V.
97 V.
398
—
—
lOOV.
401
—
—
101
403
—
—
102
407
—
—
102 V.
409
15
—
103
99
411
18
—
103 V.
413
24
—
104
99 V.
416
—
—
106
101 V.
424
—
—
106 V.
427
l"j
anv.1541.
—
428
—
—
107
429
3
—
107 V.
102v».
433 (2 janr,
—
—
108 V.
103 V.
437
—
—
109
439
—
—
109 V.
441
INTRODUCTION LXVII
armée se traduit par exercite, défaite par cladc, renommée par /a?ne,
déroute j)ai.rrQutte (du bas-latin < rupta», ital. rolla)^ rames par rèmes,
rivages par lites, vautours par voultres. Il dit couramment atrdier,
Ms. A. Ms, B. Ms. C.
(Afl'.élr.). (Bibl.nat.). (Mejanes).
Folios. Folios. Pages.
I20.PeIlicier à M.d'AnnebauU. 3 janv. i;>; 1 . 110 il3
121.
—
au connétable, ;'i M.
d'AnncbauIl et au car-
dinal de Tournon.
—
—
—
444
122.
—
à Uincon.
9
—
110 V".
103
443
123.
—
au roi.
11
—
1 1 2 V".
107 V".
456
124.
—
au connétable.
—
—
113v".
ll)9v°.
■160
125.
—
—
15
—
IMv».
106 V".
450
126.
—
—
—
—
112
107 V".
i52
127.
—
à Cesare Fregoso.
—
—
—
453
128.
—
à M. d'Annebaull.
IS
—
114
463
129.
—
au roi.
—
—
114 V.
llflv".
463
130.
—
à M. de Langey.
l'J
—
115
1 1 1 V".
467
131.
—
à M. de Rodez.
20
—
115 v°.
469
132.
—
au c'^ de la Mirandole.
24
—
llCv".
472
133.
—
à M. de Rodez.
27
—
117
474
134.
—
à Vincenzo Maggio.
29
—
inv».
477
135.
—
au roi.
31janv.-2fév.
M8
112v°.
478
13G.
—
au connétable.
—
—
llOV.
113
483
137.
—
à la reine de Navarre.
2fé
vr. 1341.
120 V".
488
138.
—
à M. d'AnncbauIt.
—
—
121 v°.
492
139.
—
au cardinal du lîollay.
—
—
122
493
140.
—
au cardinal deFerrare.
—
—
122 v°.
493
141.
—
à M. de Rodez.
5
—
—
497
142.
—
—
10
—
123
499
143.
—
au roi.
15
—
123v".
119
501
144.
—
au connétable.
—
—
123
1 20 V".
306
145.
—
au roi.
20
—
126
121
509
146.
—
au connétable.
—
—
127
122
312
147.
—
à M. d'Annebault.
—
—
127v°.
314
148.
—
à Rincon.
—
—
—
—
313
149.
—
à M. de Langey.
—
—
128 Y".
123
319
150.
—
à Vincenzo Maggio.
28
—
129
522
151.
—
au roi.
7 mars 15 il.
130
123v^
323
152.
—
—
—
—
131 v°.
123v".
333
153.
—
au connétable.
—
—
132
126
334
154.
—
à la reine de Navarre.
—
—
133 V.
5 il
153.
—
au chancelier.
—
—
—
342
156.
—
à M. d'Annebault.
—
—
134
344
157.
—
h Rincon.
—
—
134 v°.
127 V".
346
158.
—
à M. de Yillandry.
—
—
135
348
159.
—
à M. de Langey.
—
—
133v°.
530
160.
au roi.
21
—
136
—
533
161.
—
au connétable.
—
—
137
129
559
162.
—
à M. d'Annebault.
— ■
—
138 V.
564
163.
—
à M. de Langey.
—
—
139
130
565
164.
—
à Rincon.
—
—
139v».
130v".
567
163.
au c" de la Mirandole.
—
—
—
568
166.
—
à M. de Yillandry.
—
—
140
569
167.
—
à la c'"" de laMirandole
22
—
135 v°.
551
168.
à Vincenzo Maggio.
28
—
140
571
169.
—
au roi.
31
—
141 V.
131
374
Lxvm
INTRODUCTION
cavUtcr, coticilcr, se couduxillDir, dunuii/irr, designer, itjs'idrr, sigitler,
pour ennuyer, chicaner, exciler, s'affliger, causer du dommage, avoir
dessein, tendre des ombi'^clK'S, sceller. Financer, se livrer au négoce,
i:o.
ni.
172.
n;{.
ni.
175.
no.
177.
178.
i7y.
iSO.
181.
132.
183.
184.
185.
180.
187.
188.
189.
190.
191.
192.
193.
194.
19.-;.
190.
197.
198.
199.
200.
201.
202.
203.
20i.
205.
200.
207.
208.
209.
210.
211.
212.
213.
214.
215.
216.
217.
218.
219.
220.
221.
l»cllici»;r.i .M. il'AniiobauH.
- a UiiiCDii.
à Ces.ire Fn^^,'oso.
à .M. lie Yillnndry.
à M. «le Rode/.
— à .M. lie L;in'.'(*v.
— a Vin<en/(> .Maj;f,'io.
— à .M. d'Annebauil.
— au connétable.
— an roi.
— au connélable.
— à -M. d'AnnelMult.
— il Cesare Fregosa.
— il Hincon.
— à .M. lie Villandry.
— à M. de Limoges.
— à .M. de Lanpey.
— il la diich"" de Ferrare.
— il Yincenzo Maggio.
— ;i .M. de Raguse.
— au roi.
— il .M. d'Annebault.
— il Cesare Fregoso.
il Vincenzo Maggio.
— il M. de Raguse.
— il .M. de Langey.
— il M- de Rodez.
— au roi.
— au connétable.
— il .M, d'Annebault.
— il Cesare Fregoso.
— il Rincon.
— il M. de Langey.
— il Rabelais.
— a. Yincenzo Maggio.
— il Tassin de Lonalo.
— au roi.
— il M. d'Annei)aull.
— il CL'sare Fregoso.
à Rincon.
— à M. de Langey.
— à M. de Cissamo.
au cardinal Cesarini.
— au roi.
— au connétable.
— à M. d'Annebault.
à M. de Langey.
— à Vincenzo Maggio.
— au roi.
il .M. d'Annebault.
— il .M. de Langey.
M». A.
M». H.
Ms. C.
(Air.élr.).
(Bibl.nal.)
. iMùjaues]
Folio».
Folios.
Pages.
;5i
mars Kiil
L ir»
584
—
—
—
133
585
—
—
lUv\
580
—
—
li5
588
.. î
:ivriH5ll.
145
589
3
—
145v".
ri:;v\
590
9
—
1 4<'.
593
13
—
147
595
—
—
1 17 v°.
13 i
597
r»
--
14S
13 iv".
598
—
—
150
136 V".
609
—
—
lui
612
—
—
—
614
—
—
152
137
617
—
—
153
620
—
—
—
621
15
—
1d3v».
138
623
, 19
—
1 55 v°.
629
23
—
154
626
—
—
155
30
—
156
138 v°.
631
—
—
158 V".
640
—
—
159
642
■i
mai 1541.
159v".
645
—
—
160
647
5
—
IGl
140v».
649
7
—
162
654
17
—
162 V".
141 V".
655
—
—
164 v°.
143v".
665
—
—
1G5
667
—
—
165v'.
669
—
. —
16Gv\
144V.
672
20
—
107 Y".
145
677
—
—
168
679
26
—
168 V.
681
27
—
169
682
31
—
169 V".
145 v°.
685
—
—
173
699
—
—
174
704
—
—
174 V.
148 v°.
707
—
—
175 v°.
149
711
llj
iiin 1511.
170 V".
714
— .
177
717
14
—
177v".
150
718
—
—
178v°.
151
721
—
—
—
—
722
—
—
179
723
—
—
—
151V.
726
19
—
180 V.
728
20
—
181 V".
152
732
—
—
183
739
—
—
184
153 V.
742
INTRODUCTION LXIX
c'est faire faciendes; fallaccs sont synonymes de tromperies, fortune de
tempête. Il accuse la horrende cruauté des Impériaux, il en a lame
pertroicùléc; ailleurs il fait appel à la bonté, miséricorde ei piété (dans
Ms. A.
Ms. B.
M s. G.
(Atf.élr.).
(Bibl.nat.).
(Méjanes).
Folios.
Folios.
Pages.
222. Pc
llicicr au c"= de la Mirandole.
20 juin 1541.
184 V''.
744
223.
—
au duc de Fcrrare.
22
—
185
745
224.
— •
à la ducli"" de Ferrarc.
—
—
—
746
223.
—
à -M. de Kodez.
25
—
183 V".
748
226.
—
. — .
2jui
.Iletl54l
. 189
749
227.
—
à Vincon/.o Maggio.
•4
—
• —
750
228.
—
à M. de liaguse.
—
—
190
752
22'J.
—
au roi.
— •
—
—
154
752
230.
—
à M. d'Annebault.
—
—
193
764
231.
—
au roi.
1
—
193v".
150 v".
765
232.
—
h Costan/.a Rangona
Fregosa.
—
—
194 V".
770
233.
—
au roi.
9
—
195
157 v°.
771
234.
—
à M. de Rodez.
—
—
197 V.
777
23o.
—
à Vincenzo Maggio.
—
—
198
779
236.
—
au roi.
12
—
198 V".
139 V.
781 (13juill.).
237.
—
à M. d'Annebault.
—
—
199 V.
783
238.
—
au gouverneur de Lyon.
19
—
200 \".
786 {20jaill.).
239.
—
au c'" de la Mirandole.
21
—
—
787 (22juill.),
240.
- —
à Forniiguct.
—
—
201
789 (^-'juill.),
241.
—
à M. de Rodez.
23
—
201 V".
789 (24juill.).
242.
—
à Vincenzo Maggio.
24
—
202 v°.
792
243.
—
au roi.
26
—
203 V.
160
795
244.
—
au c"" de la Mirandole.
28
—
207
805
24.Ï.
—
h Formiguel.
—
—
207 v\
806
246.
—
à M. de Langey.
—
—
—
806
247.
— -
au roi.
23
—
208
163
807
248.
—
au cardinal deTournon.
—
—
209
810
249.
—
à M. de Langey.
—
—
209 V.
164
812
2o0.
—
et le capit"" l'oiin au
1
même.
—
—
—
—
813
251.
—
à M. de Rodez.
30
—
210
—
814
252.
—
et le capil. Polin au roi.
5 août \'6ii.
210 V.
164 V''.
816
253.
—
à Vincenzo Maggio.
(■)
—
213
824
254.
—
à M. de Raguse.
—
—
214
827
255.
—
au roi.
'j
—
214V''.
167
828
256.
—
à M. de Langey.
—
—
—
—
828
257.
—
au c'"" de la Mirandole.
10
— •
215V.
—
831
258.
—
à Formiguet.
—
—
216
832
259.
—
à M. de Rodez.
13
—
217
835 (12 août).
260.
—
à Coslanza Rangona Fre-
gosa.
17
—
217 V
836
261.
— ■
à M. d'Aramon.
IS
—
—
837
262.
—
à Formiguet.
—
—
218
839
263.
—
et le capit. Polin au roi.
—
—
218 v°.
168
841
264.
—
au roi.
22
—
219 V".
108 v°.
843
265.
—
à M. d'.Vnnebault.
—
—
222
851
266.
—
au cardinal deTournon.
—
—
222 V».
833
267.
—
à M. de Langey.
—
—
224
171
858
268.
—
à la duclr" de Ferra^'c.
—
—
224 V".
858
269.
—
à .M. de Rodez.
—
—
—
859
270.
—
au c'" de la Mirandole.
l"sei
)t.l5il.
225
861
LXX INTRODUCTION
le sens df piliéj du roi en faveur do la veuve de César Frégose. Plus
loin encore, il plainl le sort de Beltramo Sacbia honleusemenl cl vitu-
péré ineiit chassé de Marano.
Ms. A.
M . U.
Mï.C.
(.VIT.élr.i.
lUihl.ual.i.
(Mej.incs),
Folios.
Folios.
Page».
27i.I»c
■Ilicicrau roi.
6 sept. 1541.
225 v°.
862
272.
._
à .M. <rAiini'liaiill.
r>
—
227
867
273.
h Vin< cnzn .Ma^^'io.
11
—
227 V.
868
274.
;i M. de Hagusc.
—
—
228 V".
871
275.
au roi.
14
—
229
173
872
27C.
^^
nu cardinal dcTournon.
—
—
232 V''.
882
277.
___
à .M. d'Annebauil.
—
—
233 v°.
885
278.
„
à M. (il! Langes .
—
—
234
l"v°.
887
279.
—
au capitaine Polin.
—
—
235
889
280.
à Guillaume Reverdy.
—
—
230
893
281.
_
au capitaine Polin.
23
—
230 v°.
894
2S2.
au roi.
25
—
237 V".
178
897
283.
6 ocl. 1541.
239
1 79 v".
901
284.
—
à la reine de Navarre.
—
—
239 V".
903
285.
—
à Chaliol, à d'Annc-
liaull et au cardinal
de Tournon.
• —
—
240
904
28C.
—
au capilaine Polin.
—
—
—
905
287.
—
à M. de Séhénico.
10
—
241 v°.
909
288.
—
à Melchior Testa.
—
—
242
910
289.
—
au capilaine Polin.
—
—
—
911
290.
—
au roi.
12
—
242v».
180v».
911
291.
—
à M. de Langey.
15
—
243
—
912
292.
à M. d'AnnebauK.
19
^ —
243 V".
914 (20 ocl.),
293.
,
au roi.
26
—
—
181 V".
915
294.
—
—
i:;-27
—
244
916
295.
—
à Chabot.
27
—
247 V".
926
296.
—
au roi.
lOnov. 1541.
248
185
927
297.
à la reine de Navarre.
—
—
250
933
298.
—
à M. d'AnncbauFl.
—
—
250 V.
934
299.
à M. de Langey.
—
—
251
187 v°.
936
300.
—
au roi.
18
—
251 v°.
ISSv".
938
301.
—
à Chabot.
—
—
253
942
302.
—
à .M. d'AniU')»aull.
—
—
253 v°.
943
303.
—
à M. de Langey.
—
—
254
l'.lOV.
943
30 i.
—
au roi.
20
—
254 V".
191
945
305.
—
au capilaine Polin.
—
—
255
946
30C.
—
au roi.
25
—
256
:91v».
949
307.
—
à ('liabol.
—
—
259
955
308.
—
à M d'AnnclMMll.
—
—
—
I94v°.
956
309.
—
à M. de Langey.
—
—
—
957
310.
—
au capilaine Polin.
26
—
260
958
311.
—
1"
déc. 1541
. 260 v".
959
312.
.
au roi.
4
—
261 V".
195 V.
961
313.
—
à Chabot.
—
—
263 V".
966
314.
à M. d'Annebauil.
—
—
—
967
315.
à M. de Langey.
—
—
264
198
968
316.
à M. de Pons.
—
—
—
969
317.
—
à M de Rodez.
—
—
264 v".
909
318.
—
aucardinaldcDoulognc. 14
—
265
971
319.
au roi.
18
—
266
198
973
320.
—
—
24
—
268
201
978
INTRODUCTION' LXXI
Cette affectation à traduire constamment sa pensée en latinismes
savants pourra faire parfois sourire, en évoquant le souvenir du fameux
écolier limousin de Rabelais; mais Rabelais lui-même, en maint endroit
321. Pellicierà Chabot.
322. — à M. d'Annebault,
323. — à M. de Lanj^ey.
324. — à M. de Termes.
325. — au roi.
326. — à M. de Rodez.
327. — à M. de Termes.
328. — au roi.
329. — à Chabot, à d'Annebault
et Langey.
330. — à M. d'Annebault.
331. — au capitaine Polin.
332. — au roi.
333. — à M. de Rodez.
334. — au c" de la Mirandole.
33o. — au roi.
336. — à M. d'Annebault.
337. — au cardinal de Boulogne.
338. — à M. de Rodez.
339. — à la duch"* de Ferrare.
340. — à M. de Rodez.
341. — au roi.
342. — àd'AnncliaultelLangey.
ZV.L — à M. de Pons.
344. — à la duch'" de Ferrare.
345. — au c'° de la Mirandole.
346. — àHippolvtedeOonzague.
347. — à M. de Rodez.
348. — au roi.
349. — à M. d'Annebault.
350. — à Chabot.
351. — à M. de Tulle.
352. — à M. d'Echenay.
353. — au roi.
354. — —
355. — à M. de Termes.
356. — à la reine de Navarre.
357. — à M. de Rodez.
358. — à M. de Saint-Ravy.
359. — à Vincenzo Maggio.
360. — à M. d'Echenay.
361. — —
362. — à M. de Sainl-IIiiaire.
363. — au roi.
364. — à Chabot et d'Annebault.
363. — à M. de Langey.
366. — au capitaine Polin.
367. — à M. de Rodez.
368. — à .M. de Termes.
369. — au roi.
370. — à Yincenzo Maggio.
Mp. a.
Ms. B
Ms. C.
(Air. élr.).
(Bibl.nal.)
. (M'jancs)
Folios.
Folios.
Paires.
24déc. 1541.
269 v°.
982
— —
270
984
— —
270 V".
203
985
— —
271
986
31 —
271 V".
203 V''.
988
ojanv.lDi2.
273 v°.
9<<5
8 —
273
9'.»2
— —
274
200
996
276 V».
1005
— —
277v°.
1009
11 —
—
1010
12 —
279
210
1014
19 —
280 \'°.
1018
— —
293
1058
21 —
2S0v°.
211 v°.
1019
24 —
282 V".
10-25
26 —
283
1026
27 —
283 y".
10-28
30 —
—
1029
2 févr. 1542.
284
1030
5 —
284 V».
214
1031
— —
2SG
1038
8 —
2S7
1039
— —
—
1040
— —
28 7 V".
10 42
— —
288
1043
9 —
258 v°.
10i3
12 —
—
216
1045
— —
—
2'JO V".
io;;i
— —
291
1052
15 —
291 v".
1053
17 —
—
iOU
21 —
293
218v°.
1050
— —
294 v°.
220 v".
1063
■ — —
296
10 '■.5
— —
—
1067
23 —
296 v°.
1068
— —
297
1070
25 —
—
1071
2 mars 1542.
298
1073
7 —
—
1074
9 —
298 v°.
1076
10 —
299
221 v°.
1077
— —
301 V.
1084
— —
302 v".
224 V».
1088
— —
303
1089
15 —
303 v°.
1090
19 —
304
10 ■.>2
20 —
304 V".
—
1092
22-29 —
307 v".
1099
I.XXll
INTRODUCTION
«lo Son (i'uvre iiiiin;rissal)l».', n'a-l-il pas sacrilié à la mode du Icinps,
et ses fantaisies de philologue ne conlrihuent-elles pas l'oiiemenl,
après loul, à la n)a};nili([ue exubérance de son style?
Peu d'années plus lard, le célèbre Henri Kslienne raillait spirituelle-
ment, dans un de ses livres ', l'engouement dont s'étaient pris les
gentilshommes de la rour de France, dans l'entourage de Catherine de
Médicis, pour les mots italiens dont ils « farcissaient » volontiers leur
conversation ordinaire. Cette influence transalpine se nianiCeste déjà
légèrement dans la correspondance de Pellicier. Il emploie, pour parler
3li.
372.
373.
374.
375.
37G.
377.
378.
379.
380.
381.
332.
3S3.
381.
38:;.
380.
387.
388.
389.
.390.
.391.
392.
393.
394.
39o.
396.
397.
398.
3Ô9.
400.
401.
402.
403.
404.
405.
Ms. A.
Ms. lî.
. Ms. C.
(Aff. cir.).
(Bibl. nat.).
Mcjanes).
Folios.
Folios.
Pages.
Pellicier au roi.
23
mars!
1542. 308 V».
228
1101
—
a .M. «l'AnnebauU.
25
—
313
HOC
—
a Cliabol.
—
—
311
1108
—
â la rciiio de Navarre.
—
—
3il>-".
1110
—
à M. (le Lange y.
—
—
312v".
1112
—
au c" de la Mirandole.
28
—
313
1113
—
au roi.
3 avril 1'
512. 3l3v".
230
1115
—
à Cliabol eld'Annebault.
—
—
310
1122
—
—
—
—
310 V".
1123
—
à M. de Vanlay.
4
—
317
1125
—
à M. d'Eclicnay,
7
—
317v°.
1126
—
au c'" de la Mirandole.
—
—
318
1127
—
à .M. de Vanlay.
S
—
318v°.
1129
—
et lecapil. Polin auroi.
iO
—
319
232V''.
M 30
—
à Chabot eld'Annebault.
—
—
322
1141 (11 avril)
—
au roi.
19
—
323
236
1142
—
à .M. de Vanlay.
—
—
—
1142 (bv))
—
au roi.
21
—
323
236
1142 (6is)
—
à M. de Rodez.
22
—
323 V.
1143
—
au roi.
26
—
—
1144
àCliabot,àd'AnnebauU,
au cardinal de Tournon
e l à la reine de Navarre.
au roi.
h Chabot,
au roi.
à M. de Rodez.
cl le capil. Polin au roi.
au roi.
— — 32i
28 — —
29 —
G mai 1542.
9 —
— àChaboleld'Annebault. — —
— auroi. 20août«lo42.
— au capitaine Polin. 13 sept. —
— — [non datée) —
320 Y".
327
327 V".
32Sv".
328
328 v".
330
332 V".
333
333 v°.
334
335
230 v°
238 V''
239
239 v».
241
243
243 V».
1147 (bis)
1147 (ter)
1159
1162
1165
1166
1169
1171
1176
1185
1186
1188
i. Deux dialofjues du nouveau laJigar/e français italianizé; Paris, Liseux-Belin,
1883,2 vol. in-S", d'après l'édition originale cl unique de l'auteur (1578).
\. Le ms. Clairainbault 570 donne à tort la date du 29.
INTRODUCTION LXXIIf
de la populace, le mot popide^de Tital. popolo), scome {de Vilal. scorno)
pour atl'ront, scorie {do rilal. scorla) pour escorte, etc. '.
Certaines traces d'influence romane se décèlent également dans
Torlhographe de Pellicier, ou du secrétaire qui écrivait sous sa dictée.
Nous avons relevé dans notre manuscrit les formes absolut^ aslut (astu-
cieux, rusé), résolut, nrlillicrijc, et baslilhon.
Quant au style de l'écrivain, on ne saurait lui refuser, en dépit de
constructions parfois lourdes et embarrassées, d'amplifications et de
redondances qui sont un peu la caractcristi([ue du temps, une remar-
quable netteté de vues, une imagination vive et une ardeur passionnée
qui animent ses récits et leur donnent à un très haut degré la couleur
et la vie.
Si nous avons cru devoir donner à cette étude un développement
qui semblera peut-être exagéré, l'importance de la correspondance de
Pellicier, l'une des sources les plus riches de l'histoire des relations do
la France avec l'Orient au xvi° siècle, et l'intérêt tout particulier du
personnage en question justifieront, nous osons l'espérer, la latitude
que nous avons prise. Il nous reste, en terminant ce travail, à témoi-
gner notre profonde gratitude aux maîtres éminents, aux savants con-
frères qui ont bien voulu nous accorder le secours de leur expérience
et de leurs précieuses indications : MM. Léopold Delisle, Jean Zeller,
Henri Omont, Léon Dorez, Anatole de Barthélémy; Fécamp, secrétaire
de Tuniversitc de Montpellier; Ch. Revillout, professeur honoraire de
l'université de Montpellier; Berthelé, archiviste de l'Hérault; Pasquier,
archiviste de la Haute-Garonne; Labande, conservateur de la biblio-
thèque d'Avignon; Aude, conservateur de la bibliothèque Méjanes à
Aix; Henri Moris, archiviste des Alpes-Maritimes; L.-E. Desbuissons,
géographe des Affaires étrangères, et Léon Desbuissons, attaché au
même bureau; Louis Polain; Paul Marichal, archiviste aux Archives
nationales; Edouard Rult ; Gergely, professeur à l'Université de
Kolosvar; Eugène Hubert, professeur à l'université de Liège, etc. Qu'il
nous soit enfin permis de joindre à ces mentions un souvenir recon-
naissant pour M. Girard de Rialle, ministre de France au Chili, ancien
directeur des archives des Affaires étrangères, sous la direction duquel
cette publication a été entreprise et menée à terme.
1. Il dit de même ouxent pour osent. Henri Eslienne, dnns sa Retnonslrance aux
courtisans amateurs du français italianizé et autrement desguise, s'écrie :
N'ctes-voiis pas de l)ien grands fous,
De dire ehouse, au lieu de chose?
De dire j'ovse, au lieu de j'ose?
{Loc. cit., éd. Liseiix, t. I, p. H.)
AMBASSADE
DE
GUILLAUME PELLICIER
1540— 1342
Venise. — 1540-1542.
l'ELUCIEIl A RINGON ».
1. — [Venise], samedi 2 juillet 1540. — « Monsieur, par mes der-
nières que vous aye escriptes par Janezin, le xv" du passé, aurez
entendu toutes nouvelles qui se disoyent lors comme les aflaires'd'entre
Leurs Majestés estoyent passez, et par luy l'accord et consentement de
la paix de cez Seigneurs ' avec le Grant Seigneur \ Dont de ce ne vous
feray plus long propoz, car ne vous seroyt que redicte; mais vous
diray comme depuys ay receu les vostres des pénultime de may et
11-^ juin, le dernier du passé, ensemble ung pacquet du roy que luy ay
envoyé le jour d'après pour ce que je dépeschoys à la court. Ausquelles
ne gist vous faire aultre responce, sinon vous dire que je suys en une
merveilleuse et grosse peine pour n'avoir encores receu voz pacquetz
des X et xv'' de may, ausquelz, comme m'escripvez, avoyt une dépesche
pour Sa Majesté. »
Pellicier pense qu'ils sont perdus; il en a écrit à l'archevêque de
Raguse, qui estime qu'il faut s'en prendre « à la bestialité et négli-
gence du courrier ». Celui-ci, en effet, dit avoir apporté tout ce que
Rincon lui avait fait remettre à xVndrinopIe.
Pellicier a reçu trois lettres du roi datées des 4, 6 et 10 juin, qui
sont sans intérêt, sauf la première, où S. M. mande « le bon recueil
1. -. Du premier jour de juillet 1340. - .. Ledit jour fut faicte une dépesche au
roy qui fui dattée du xxvi" du précédent.
" Ledit jour fut escript à M. de Boys-Rigault, dont ne fut faict minutte, et luy
fut mande en substance les nouvelles des lettres de Sa Majesté cy-dessus —
« Escript aussi à M. l'arcevesque de Raguse, le nii« de ce moys, jusques auquel
ceste dépesche avoyt esté retenue à cause du mauvais temps. •
Antonio del Rincon, chevalier, seigneur de Germolles, conseiller et chambellan
du roi et son ambassadeur en Levant depuis 1338. Espagnol et Navarrais de nais-
sance (6V//e;u/«r oZ-Sif//.' p«;^e/•6^ Spaaish Séries, / 3^7-1 3^9, j). 176j, il avait quitté
le service de Charles-Quint pour passer à celui de François I", qui le chargea de
missions diplomatiques en Hongrie (1524-lo29), en Pologne (lo24-1527) en Angle-
terre (1528) et en Levant (lo32). ' ^' b
Le roi, en récompense de ses services, lui conféra la charge de maître d'hôtel de
sa maison, lors du dernier voyage que Rincon fit en France, au printemps de 1541
B. N., ms. Clairambault 1213, f' 67 v°, 69 et 79 v"). Il fut assassiné par ordre de
I empereur le 2 juillet de cette même année. Rincon avait remplacé, dans le poste
de Constantinople, Charles de Marillac, cousin et successeur de Jean de la Forest.
Louis d'Angerant, chevalier, seigneur de Bois-Rigault, conseiller du roi, écuyer
de 1 ecune et maître d'hôtel de sa maison, ambassadeur de France auprès des
Ligues grises', à Soleure, de 1523 à 134*).
Filippo Trivulzi, quatrième fils du sénateur Giovanni Trivulzi, de Milan, arche-
vêque de Raguse, de 1521 à 1543.
2. La Seigneurie ou République de Venise.
3. Suleyman 1-- le Magnifique, empereur des Ottomans. Né en 1494, il avait suc-
cède a son père Sélim I-- en 1520 ; il mourut en 1566.
. AMBASSAIiE DE [jLII.LET loiO]
quVlle a faict au soiKneur Vincenz». (Irimani ', qui avoyt esté mandé
ambassadeur vors luy par ce/ SeÏK'ueuis; en laveur desquel/., et aussi
pour ses bonnes verlus el (luallite/., luy a permis et octroyé qu il
puyssc pi^rler en ses armes une Heur de lys *...
ù Munsii-ur, eslanl lout asseuré que voslre singullier el bon juge-
ment seavt trop nueulx prendre et choisyr ce quil veoyt estre néces-
saire pour le faict de sa charge, par les originaulx mesmes des lettres
et nouvelles que je vous ay tousjours envoyez, ma semblé faire mieulx
mon debvoir vous les mander ainsy que de vous faire aulruns discours
ne jugement là dessus. SeuUement vous diray en conlirmation de la
exclusion d'aultre paix entre Leurs Majestez que la trefve qui y estoyt
auparavant, comme lempereur a escripl au pape, et mys avant excuses
quil navoyt tins^ il luv si la paix d'entre Leurs Majestez n avoyt sorty
son eiïect, en chargeant totallement le roy. Mais je ne faulx à rabbatlre
bien lel7 propoz, et donner à entendre très bien le contraire, comme
il est n la vérité ainsi «lue ung chascun sçayt. Et là dessus Sa Sainteté \
se doublant bien que ces Seigneurs seroyenl adverliz de ceste exclu-
sion et ensemble craignant que avecques lofience que luy el 1 empe-
reur avo vent receue diceulx Seigneurs pour la paix et appo.ntement
faict par'eulx avec le Grand Seigneur contre leur voulloir et intention
et cherchassent se allier avecques S. M., ilz ne se changeassent et enfin
se retirassent eAc. {Comme aux dernières lellres du rot/ du XX\ f^juing,
el unq article des lettres de M. le contestable ' dudit jour ; et aussi les
nouvelles des lettres receues de MM. de Boys Rigault et de Lavaour « des
V et XV" juing^ ».
VoL 2, f" o, copie du xvi= siècle; 1 p. 1/2 in-f».
1 Yincenzo Orimani, d'une famille patricienne originaire de Vicence, ambassa-
deur ê"lraordinaire de la Sérénissime Républuiue auprès ,1e François 1 . exerça
leThauterfoictions de procurateur de Saint-Marc. 11 avait ete reçu par le roi en
, r '.11-, rPin-innr et les dépêches de cet ambassadeur sont malheureusement
';::Mlo(x;^.t:Zl^e!2cnL .le Venise; Paris, Pion 18.0, in-8" pp. 342 et673).
l T)è\\ le 8 iuillet 1492, lors de l'ambassade extraordinaire de Zaccaria Conla-
rin"i et le Francesco Capello auprès de Charles YUl, ce prince leur avait concède
[i m it de porter uni (leur de lis dans leurs armes. (.\. lîaschet, La diplomatie
it uHiu Ml, 1 Vndrea Rosso, secrétaire de ^ enise en
^::T^ t52rkS: o^i^t ^aie^c^-ll^Lme privilège (B. N., anc. l.nd. 1..,
ms T5Ô0 r» 335). - Par la suite, Henri H accorde encore deux fleurs de lis a Gio-
^ann Spello par lettres données à Paris en novembre 15b 4, et Henri I\ en
at^tr"bue trois k Antonio Priuli, en juin IGOl (V. Baschet, Arcinves de Vemse, p. 3d4).
3. Tenu. . ^ , ,..„,,.,„
4 Paul 111 (Alessamlro Fnrnese), qui fut pape de lo3* a lo*9.
o Anne de M.ntmorencv. né le 15 mars 1 4'J2, mort à Pans le 12 novembre lo67 ;
grand maître de la maison .lu roi et gouverneur du Languedoc (1526), connétable
'''6^Ge"orgifd'J"selve. nommé évèque de Lavaur à dix-huit ans (1526) ; ambassa-
deur de France à Venise, du 12 décembre 1533 au 10 février lb3<;a Rome, du
ôo é rierS au 30 juin li>3S ; auprès de rem,>ereur, du 9 octobre 1530 au
l8 novembre 1540 (B. N.: ms. Clairambault 1215, f° 71 v" et suiv.). ReUre dans son
diocèse, il y mourut le 12 avril 1542. à l'Age de trente-cinq ans.
". Ces lettres nous man;iuent.
IjUILLET loi-O^ GUILLAUME PELLICIER
l'ELI.IClER AU ROI.
2. — [Venise]^ 10 juillet 1 540. — « Sire, depuys les dernières lettres
que ay escriptcs à V. M. du xxvr du passé, j'ay receu tout en ung jour
deux pacquetz du sieur Rincon, dattes du pénultime may et ii° juing;
esquelz en avoyt ung pour V. M. que luy envoyé présentement. Mais
les lettres tant attendues des x'= et xv" jours de may, ainsi que dere-
chef il m'a escript, n'y sont point, et suys en fort grant double qu'elles
ne soyent pour se trouver de long temps. Dont je suys merveilleuse-
ment en grant peine; car se remettant du tout à icelles, estimant que
les deubse avoir receues, ne me mande à présent presque aulcune
chose d'importance; et encores de ce peu qu'il m'advertist ne me sem-
bleroytque répétition vous le faire sçavoir, me confiant qu'il ne fault à
en mander aullant à V. M. Bien vous diray que quant à ce que je vous
avoys escript touchant la négociation de Tranquilo ' à Constantinople
— qu'il avoyt esté refl'usé de la prolongation de trefve pour deux moys
et sauf conduict de mander ung aultre ambassadeur, l'ayant ainsi
entendu par advertissement venu à ces Seigneurs de leur ambassadeur
prez du Grant Seigneur -, — ledit sieur Rincon me mande le contraire :
c'est que avant le parlement dudit Tranquilo, il obtint ce que dessus
non seullement pour le roy Ferdinando son maistre, mais pour l'empe-
reur et certains ses alliez et confédérez. Par quoy appert que ledit
ambassadeur de ces Seigneurs n'avoyt pas esté adverty du tout. Et
davantaige m'cscript que ledit Tranquilo, pour acquéryr plus de faveur
et crédit, au nom de son maistre a faict gros présent à Janus Bey ^ et
à aultres, et promys merveilles pour l'advenyr.
« Sire, M. l'arcevesque de Raguse m'a envoyé une lettre que mes-
1. Andronicus Tranquillus, humaniste et diplomate, né en Dalniatie dans le
dernier quart du xv" siècle. 11 avait j^rofessé à l'université de Leipzig et fut en
correspondance avec Erasme. Mêlé aux événements politiques de son temps, il
avait été secrétaire de Rincon en septembre 1527, lors de la seconde mission de
celui-ci en Pologne (Charrière, Négociations de la France dans le Levant, t. 1,
p. 160); en octobre lo31, on le retrouve secrétaire du roi Jean de Hongrie [Let-
ters and papers of Hennj VIII, l. V, 1530-1532, p. 223). Passé enfin au ser-
vice des Impériaux, il hérita plus tard du rôle et de l'influence de Laski à la
Porte.
Siniler lui attribue un discours, imprimé à Augsbourg en 1518 et à Vienne en
1541, par lequel il exhorte les princes allemands à la guerre contre les Turcs.
2. .\loysio Badoaro, envoyé extraordinaire, depuis le 27 décembre 1539, pour la
ratification de la paix entre Venise et la Porte (.Uberi, Relazioni degli ambasciatori
veneti, 3" série, t. III, p. xxni).
3. Yuniz-Bey, premier drogman de la Porte. Suleyman l'avait envoyé de Belgrade,
après la levée du siège de Vienne en 1529, pour notifier à la Seigneurie le succès de
sa campagne. Il revint encore plusieurs fois à Venise, notamment en novembre
1532 et en avril 1542, comme représentant officiel de la Porte (Charrière, 1. 1,
pp. 237 et 541). Originaire de Gorfou, Yuniz-Bey parlait, dit-on, dix-huit langues, et
Charles-Quint fit plusieurs tentatives pour l'attirer à son service.
6 AMBASSADE DE JUILLET 1540]
sire Vinccnzo Mazir» ' liiy avoyt cscriple de Novo-Bazar - le ix' jning,
par laquelle faict entendre seullemenl comme luy el sa compaignie
se debvoyenl parlyr de là ledit jour pour continuer et aciiever leur
voyaige, el que pour la grant ])eine et lïicherye (ju'il y avoyt k trouver
clievaulx sur les chemins, atlin d'aller en meilleure dilligence, avoyent
acheté chascun ung cheval et laissé Ui leurs malles, ayant donné ordre
de les faire porter après eulx. Je pense que hien tosi viendront nou-
velles do Coustanlinople, par lesquelles serons advertys de leur
arrivée Ui.
« Sire, cez Seigneurs ont prins en très bonne part le bon traitement
et amyable propoz qu'ilz ont entendu, par leur ambassadeur messire
Vincenzo Grimani, V. M. luy avoir usés, et que icelle se soyt ouverte-
ment déclairée en afTaires et secretz concernant cez Seigneurs, et, comme
ilz ont accouslumé à dire, s'est laissée entendre. Et pareillement ont esté
bien ayses (}ue aussi luy de sa part vous ayt lait sçavoir leur voulloir
et intenliou. Par quoy le attendent à grant dévotion pour aprez, selon
son rapport, eulx résouldre de ce qu'ilz auront à faire. S'il y aura chose
digne de vous faire sçavoir, de ce que pourray aprendre, ne fauldray
en advertyr V. M. en telle dilligence que ralTaire le requerra.
« Sire, cez Seigneurs ont eu lettres de leur ambassadeur prez de
l'empereur ', par lesquelles ont esté advertiz que, ayant ledit seigneur
empereur entendu leur paix averques le Grant Seigneur, ne avoyt
faict aulcun semblant du monde d'en eslre mal content; maisseullement
sembloyt se doullpir fort de la perte et domaige qu'ilz avoyent souf-
ferlz en ce faisant, disant toutesfoys, puysque ilz n'avoyent sceu faire
aultrement, qu'il estimoyt qu'ilz y avoyent esté conlraiiictz, et faict le
tout pour le moings mal et non point pour se eslongner de son amytié,
en laquelle il estoit tousjours bien délibéré les mainctenyr et garder
1. Vincenzo Mnggi ou Maggio, secrétaire <Ie Rincon, demeura pendant ses
fréquentes absences seul chargé des afTaires de France à Constantinoplc. 11 était
de vieille souche patricienne. •< Les Magi, effrontés », dit une chronique fort
ancienne qui rappelle le nom et le blason populaire des premières familles qui
vinrent s'établir flans les lagunes de Venise (Molmenti, La vie privée à Venise,
Venise, Ongania. 1882, in-8", p. 10).
On trouve un Vincenzo Maggi, de Brescia. ([ui enseignait avec succès à Ferrare el
à Padoue. vers l.")30. Serait-ce le même i»ersonnage? C'est ce qui parait ressortir
d'un document passé en vente chez Gabriel Charavay {Revue des autograp/tes,
mars 1817, n" 48) : « Mandement de payer 675 livres tournois à Vincent Dymagy [di
Maggil, gentilhomme île Brescia, pour son voyage d'Flbeuf à Conslantinople, où il
va porter au sieur de Hincon des lettres de la plus grande importance; Elbeuf,
10 avril 1540 » {Cat. des actes de François I, t. VI, Suppl., p. 594, n" 21990).
En r>n, réduit à la plus grande misère, Maggio sollicita, à plusieurs reprises,
les secours «le la France. L'amliassadeur à Venise, Jean de Morvillicr, écrivit au
roi, le 2i janvier, à ce sujet, en l'engageant à venir en aide à cet ancien serviteur,
dont les révélations eussent été ctuupromettantos (V. Gharrière, t. I, p. 638).
2. Novi-Bazar, ville de Bosnie, située sur la Raschka, importante position straté-
gique.
3. Pietro Mocenigo. Les Codici Foscarini, à Venise, contiennent ses dépêches de
1538 à 1540 (Baschet, Archives de Venise, p. 280).
^JUILLET lo40 GUILLAUME PELLICIER 7
comme ses très chers amys, alliez et confédéré/.. Et par aultres lettres
que le secrétaire Fidèle ', qui est pour cez Seigneurs vers le marquiz du
Guast -, leur a escriptes, ilz sont advertiz que combien que l'empereur
leuraytfaict telle responce et démonstration extérieure, ce néantmoins
ilz se peulvent tenyr pour tous asseurez que secrètement il en estoyt
aussi marry et fâché contre cez Seigneurs que de chose qui luy advint
long temps a; et que quand verroyt luy estre à propoz s'en vouldroyt
ressentyr contre eulx. Et davantaige que ledit empereur avoyt mis en
avant qu'il voulloyt desmembrer la duché de Millau en plusieurs par-
tyes et en faire divers seigneurs, affin qu'on n'eust plus si grant envye
de l'avoir et la quereller. Et de faict que si cez Seigneurs voulloient
fournyr argent, qu'il seroyt pour leur bailler Crémone et toute la Gié-
radade ^ Mais je crois bien qu'ilz ne sont point si soubdains de mettre
la main à la bourse pour faire tel achapt, sçaichant très bien que ce
ne leur seroyt pas seur à l'advenyr. V. M. peult très bien entendre à
quelz lins telz propos se mettent avant.
« Sire, V. M. aura entendu par madicte dernière lettre comme les
coursaires du cousté de deçà avoyent eu commendement du Grant
Seigneur se retirer en Barberye ■*. Et depuys cez Seigneurs me l'ont
envoyé confirmer par ung de leurs secrétaires, disans l'avoir ainsi
entendu par lettres de leur ambassadeur messire Aloysy Badoare. Et
mesmement 'comme les bassaz ^ avoyent mandé à Sala Raiz % cappi-
taine desdicts coursaires, ou lynes ''j qu'il eust à se retirer avecques
1. Yincenzo Fedeli. résident de Venise à Milan. Il avait débuté comme secré-
taire de Carlo Capello, ambassadeur à Florence, de 1529 à 1530 (Âlberi, série 2,
vol. I, p. 322); il y fut envoyé i)lus tard comme négociateur, à l'occasion de la ces-
sion de Sienne au gouvernement de Cosme I" par le traité de Cateau-Cambrésis,
conclu entre l'Espagne et la France en 1559 (Bascliet, Diplomatie vénitienne, p. 135).
Ribier, qui a publié une partie de cette lettre en la remaniant, a pris le nom du
résident vénitien pour un adjectif {Lettres et papiers d'État, Paris, 1GG6, in-f,
p. 53"). — Fedeli était un simple résident, appartenant à l'ordre des secrétaires, et
non à celui des patriciens auxquels étaient généralement réservées les ambassades.
2. Alfonso II d'.\valos, marquis del Vasto, capitaine général, gouverneur impé-
rial du Milanais de 1538 à 1546. Cousin du marquis de Pescaire, il lui avait succédé
dans le commandement des armées de Charles-Quint. Il mourut le 31 mars 1546, à
l'âge de quarante-deux ans.
La famille d'Avalos. d'origine espagnole, s'était établie dans le royaume de
Naples vers le milieu du xv° siècle, et tirait son titre de la ville de Vasto, située
dans l'Abruzze citérieure, près de l'Adriatique, à 70 kilom. de Chieti.
3. La Ghiara d'Adda, district de la Lombardie situé entre r.\dda, l'Oglio et le Pô,
ainsi nommé de la nature du terrain, alluvion composée de galets (de l'ital. (ihiara,
galet, gravier).
4. Barbarie ou États barbaresques.
5. Les quatre grands pachas ou vizirs étaient, par ordre de dignité : Lutfy-Pacha,
Suleyman-Pacha, Mohammed-Pacha, et Rustem-Paclia, gendre du sultan.
6. Salah-Raïs, célèbre capitaine de corsaires, qui devint pacha d'Alger en 1552.
7. On trouve également les formes ligne, lisse, lin, lene et lynne, francisation
ancienne du bas-latin lignum, « bois », désignant, par extension, le navire cons-
truit avec ce bois. Ces termes s'appliquent à une sorte de grand bâtiment à rames
très commun au moyen âge, et mentionné habituellement à la suite des galères
{Cf. Jal, Glossaii'e nautique, Paris, Didot, 1818, in-4°, aux mots précités).
8 AMBASSADE DE JUILLET 1540,
toute sa siiylte on lailiclf Barhcryo, ot que Salim Hassa • et Caia Bogdan '
(lebvoyent entrer avociiues graiit excrcite en la Transylvanie (mais
(lepuys la nouvelle de ce voyaige s'est discontinuée) ; pareillement que le
roy Jehan Vayvauda' avoyt mandé ung homme pour soy excuser s'il
n'avoyt jteu mander encores ambassadeurs devers le Grant Seigneur.
« Sire, je pence (lue aurez bien entendu le décedz du duc de Man-
toue * par ung flux de ventre, avec si très grant rélemption d'urine
qu'il n'a jamais esté possible de la lui faire rendre. J'ay entendu
comme peu auparavant son trespas manda appeler M. le Cardinal son
frère ' et son tilz ', lesquelz prya que soubdain aprez son décedz ilz
mandassent vers l'ambassadeur de l'empereur résident icy, pour luy
faire entendre comme il avoyt tousjoursesté bon et loyal serviteur du-
dit seigneur empereur, et que à caste cause son bon plaisyr fiU luy
recommander sondict filz et l'avoir ensemble toute sa maison en sa
bonne protection et saulve garde ; ce qu'ilz ont fait ces jours passez,
luy mandant ung des principaulx de sa maison. L'on veult faire
entendre iju'il a faict cecy plus pour garder que le marijuisat de Mont-
ferrat, par le second mariage de madame la marcjuise sa femme ^ ou
aultrement, ne vînt à estre hors de sa maison, que pour aulcun
aultre respect. Il a laissé sa maison très bien fournye, mesmement du
1. Siileyman-Pacha, second vi/ir.
•2. • Kara-Bopdan », nom par lequel les Turcs désignaient, au moyen âge, les
princes ninldavcs, héritiers de l'aventurier Bogdan, et la Moldavie elle-même. — Il
s'agit ici d'Etienne YI, élu prince de Moldavie en 1.Ï38 |iar les Turcs. (|ui venaient
de détrôner son prédécesseur, Pierre Raresrh. 11 mourut assassiné à Suceava, vers
la Tin de 1540.
Klienne VI était petit-fils d'Etienne IV le Grand, ]iar son in-re Alexandre.
3. Jean Zapolya, comte de Szepes, voiévode de Transylvanie. A la mort de Lo\iis II
Jagellon. noyé à la défaite de Mohacz, en 1526, il s'était fait proclamer roi de Hon-
grie tandis que Ferdinam'., frère puiné de Charles-Quint et heau-frère du feu roi,
prenait aussi la couronne. Vaincu par son rival. Jean recourut h Suleyman et se
reconnut vassal de la Porte : à ce prix, il obtint l'investiture d'une partie de la
Hongrie, et des secours avec lesquels il se rendit maître de la Transylvanie. Pressé
par les forces de son adversaire, il négocia tour à tour l'intervention des souverains
d'Europe et la méilialion du pape; enfin, en 1530, il conclut avec Ferdinand un
traité secret par lequel il le reconnaissait pour son héritier. Zapolya mourut le
21 juillet 1540, Laissant de son récent mariage avec Isabelle, fille de Sigismond-
Augustc, roi de Pologne, un fils âgé de quinze jours. La naissance de cet enfant,
nommé Jean-Sigismond, en réveillant le parti national hongrois, qui s'empressa de
le reconnaître et «le lui donner Suleyman pour protecteur, remit tout en question
et ralluma les hostilités.
4. Federigo II di Gonzaga, né le 17 mai 1500, mort le 28 juin 1510. Charles-Quint,
pour prix de son alliance, avait érigé, le 25 mars 1530. son marquisat de Mantoue
en duché: il y joignit, en 1536, la princiiiauté de Montferrat.
5. Ercole di Gonzaga, né en 1505, mort le 2 mars 1563. Évèque de Mantoue (1520),
cardinal (1526), il i)ril en main le gouvernement du duché, pendant la minorité de
son neveu, et l'administra avec une grande sagesse.
6. Francesco III di Gonzaga, fils aîné de Federigo H, et second duc de Mantoue»
né le 10 mars 1533, mort le 21 février 1550.
1. Marguerite, sipur de Bonifacc VI Paléologue, dernier marquis de Montferrat,
mort en 1531.
[juillet 1o40j GUILLAUME PELLICIER 9
meilleur meuble, c'est de deux ou troys millions d'or, comme aulcuns
dignes de foy veullent dire, bien que aultres le Ireuvent fort estrange.
« Sire, encores que V. M. pourra estre advertye par M. de Rhodez '
plus amplement que de ce cousté des nouvelles de Rome, néantmoins
ne lairay à vous dire comme l'on a eu adviz que le pape estoyt résolu
d'entendre au recouvrement de Sénégaia -, comme chose appartenant
de tout temps aux généraulx de l'Esglise, et conséquemment au sei-
gneur Pierre Loys ', comme celluy qui à présent en a la charge; mais
l'on entend que le duc d'Urbin * n'est pour la quitter si facillement ne
le mettre en telle dispute qu'il a faict Camarin '. Et se doubte l'on que
pour cest effect son ambassadeur, qui est icy avecques ung sien secré-
taire, ces jours passez estoyent ordinairement à consulter plus qu'ilz
ne souUoyent avecques l'ambassadeur de l'empereur. Et depuys, peu
de jours après, icelluy ambassadeur d'Urbin se partit de ceste ville
pour aller vers son maistre.
« Sire, j'estime que par monseigneur le comte de la Myrandola ^
V. M. pourra avoyr esté advertye comment son beau père, le seigneur
Ludovico de Bosoulo '', et père du seigneur Caguin ^ est déceddé ces
jours passez, et comment ledit seigneur comte s'est mys dedans les
places fortes, et tient tout Testât pour et ou nom de l'héritier, qui est
fîlz du lilz aysné ^ dudict seigneur de Bosoulo. Et par ce moyen a obvyé
à l'entreprinse et tentacion du fîlz du seigneur Petro de Bosoulo, qui
les voulloyt prendre au nom de l'empereur. »
Vol. 2, f" 5 v", copie du xvi* siècle; 3 pp. in-f".
1. Georges d'Armagnac, né vers 1501, mort le 2 juin lo8o. Ambassadeur de France
à Venise, en remplacement de Georges de Selve, évèque de Lavaur. du 3 juin 1536
au 3 février 1539 (B. N., ms. Clairamhaull 1213, T' 74 v° et 77), il fui ensuite nommé
à l'ambassade de Rome, le 8 mars 1540, en remplacement de Jean de Langeac,
évètiuc de Limoges {Id., ibid., î" 79 v"). Georges d'Armagnac fut successivement
évè(iue de Rodez (1529-1562), cardinal (1544), archevêque de Toulouse (1562-1576),
puis d'Avignon (1576-1385).
2. Sinigaglia, ville du duché d'Urbin, sur r.\drialique, à l'embouchure de la Misa.
3. Pietro-Aloysio Farnese, fds naturel du pape Paul III, nommé en 1537 gonfa-
loniiier de l'Église et duc de Castro ; puis, en 1545, premier duc de Parme et de
Plaisance ; mort assassiné le 10 septembre 1547.
4. Guid'Ubaldo II délia Rovere, fils de Francesco-Maria I" et d'Eleonora di Gon-
zaga, duc d'Urbin, de 1538 à 1574, date de sa mort.
5. Camerino, siège d'un duché que Paul III s'était fait céder par. le duc d'Urbin,
en 1539, pour en investir Ottavio Farnese, son petit-fils.
6. Galeotlo II Pico, comte de la Mirandole, s'empara de cette principauté par
surprise, au mois d'octobre 1533, en égorgeant son oncle Gian-Francesco et son
cousin Alberto. Il se mit ensuite sous la protection de François I", et la place de la
Mirandole devint un centre de ravitaillement et de recrutement pour les troupes
françaises en Italie.
7. Lodovico di Gonzaga, seigneur de Bozzolo, mort en 1540.
8. Caguino di Gonzaga, fils du précédent et neveu de Federigo di Gonzaga,
seigneur de Bozzolo, compagnon d'armes de Montmorency, mort à la fin de 1527.
9. Pietro di Gonzaga, seigneur de Bozzolo. La plupart des membres de cette
famille avaient mis leurs armes au service du roi de France.
10 AMBASSADE DE JUILLET 1540j
l'ELLICIER AU CONNETABLE.
3. — ^Vftiise , i 0 juillet l.')U). — Les rocherches faites par PcUicier
ol par rarchoYi'Miup do Uaguse pour retrouver les dépêches de Uincon
des 10 et l.'J mai sont restées jusqu'ici sans résultat.
«< ...Monseigneur, n'ayant à présent aultres meilleures nouvelles pour
vous faire sçavoir que celles que j'escripz au roy, desquelles estant
asseuréqut^ verrez le tout ne vous feray aulcune répétition, m'asemblé
ne debvoir ohmettre vous faire entendre comme messire Vincenzo Gri-
mani, nni^Miières aml)as><a(lenr pour cez Seigneurs vers S. M., leur a
escript la grande amytié et allection que le roy porte à cez Seigneurs,
luy décluiranl avoir à présent meilleur moyen et commodité leur faire
plaisyr que jamais, pour eslre plus fourny d'argent, ses confins et
lymites mieux forliffiées, meilleure chevallerye, et meilleur moyen de
recouvrer gens plus amys, confédérez elmieulx confirmez qu'il n'eust
longtemps a; et si a vingt-sept gallères mieulx en ordre que nulles
aullros qui se sçauroyent trouver. De quoy cez Seigneurs ont eu très
grant plaisyr, et sont tousjours de plus en plus en meilleur espoir et
affection vers S. M. que à l'aventure ne furent de longtemps, attcndans
à grant désyr leurdit ambassadeur, pour entendre inieulx les parlicul-
larités de sa négociation.
« Monseigneur, combien que je ne doubte que M. de Lavaur ne fauldra
à advertyr le roy de tout ce qui appartient à sa charge, si m"a il semblé
ne debvoir obmettre vous faire entendre tout ce quejepuys apprendre
par deçà do tous cousiez, mesmement de ce que cez Seigneurs en ont.
A ceste cause vous diray comme jusques icy le Pellou ' ne cesse de faire
les plus maulvais offices et rypportz, ouUre sa principalle commission,
de l'ordre et conduycte des affaires de S. M. qu'il n'est possible déplus,
1. François ilu Poloiix ou Le Peloux, gcnlilhomme du Yivarais, seigneur de
(lourdan. Passé au service de l'empereur à la suite du connélabie de Bouri)on, il
avait été nommé gentilhomme de la chambre de Charles-Qviint, vers la fin de 1531
[Journal do Jean de Vandenesse; B. N., ms. Dupuy 500, f° 38 v°i. 11 avait été pré-
cédemment chargé, de concert avec l'aljbé de Najera, d'une mission près du duc de
Ferrare, Alfonso d'Esté, en mars loi", pour le compte de l'empereur [Calendar
of S>lalc pnpers, Spanish, lo27-152î), p. 88). Charles-Quint l'envoya en France, au
î»rintemps de loiO. pour accompagner son ambassadeur, François Bonvalot. al)bé
do Saint-Vincent. Les instructions de ce <lernier sont datées de Gand. 24 mars 1540
(Papiers d'Elal de Granrclh, publics par Weiss, t. II, p. 598). Le sieur du Peloux
était revenu en France, au milieu de juin (State papers of Henry VIII, vol. VIII,
5' partie, pp. 341 et 354).
Il avait un frore, demeuré au service du roi de France, et qui fut le compagnon
d'armes de Monlluc.
François «lu Peloux mourut à Bruxelles, au moment où il se disposait à rentrer
définitivement dans sa patrie.
La maison du Peloux (Pilosus), originaire d'AlIcvard on Dnnphiné, remonte au
xii' siècle. Au siècle suivant, une de ses branches vint se fixer à Annonay, où les
membres de la Tamille exercèrent presque héréditairement, pendant trois siècles,
la charge de baillis et gouverneurs de la ville.
[juillet JS40j GUILLAUME PELLICIER {[
faisant bien entendre à l'empereur que le roy n'est pour venyr à chief
ne faire beau faict de ses entreprinses; de sorte que icy Ton estime
qu'il ne va en France que pour servir d'espion, se ingérant d'entendre
par le menu le plus d'affaires, tant d'estat que aullres, de la court qu'il
peult, pour puys aprez en faire ses devis avecques l'empereur et luy
en donner passe-temps que l'on prent voullentiers. Dont, Monseigneur,
vous ay bien voullu advertyr afiin que, si d'aventure il retournoyt vers
le roy et vous, soyez informé de sa façon de faire pour négocier avec-
ques luy, ainsy que sçaurez trop mieulx que ne sçavoys penser. »
Vol. 2, f" 7, copie duxvi« siècle; 1 p. 1/2 in-f".
PELLICIER A LA REINE DE NAVARRE
4. — [ Venisel, / 0 juillet i 540. — « Madame, n'eust esté que me suys
tousjours attendu que veoyez ordinairement le contenu des lettres que
j'escriptz au roy, n'eusse failly à vous escripre plus souvent depuis que
suys icy ; mais, n'ayant eu aultre chose digne de vous faire sçavoir, m'a
semblé ne vousdebuoir ennuyer ne fâcher par lettres inutilles et de nul
plaisyr. Ce néantmoings m'estimant du nombre de voz très humbles et
très obéissans serviteurs, vous ay bien voullu donner adviz en quel
estât je me retreuve à présent avecques cez Seigneurs Vénitiens quant
au faictde ma charge et négociation avecques eulx ; c'est que, suyvant
ce qu'il a pieu au roy me commander leur faire la plus grant démons-
tration de l'amylié que S. M. leur porte, ilz se sont réduictz en telle et
si bonne dévotion vers elle que, de ce que puys congnoistre, l'on les
trouveroyt aultanl prestz à luy faire plaisyr que à l'aventure furent de
long temps. Et les veoy cliascun jour de plus en plus augmenter leur
bon voulloir en cest endroict, ayans merveilleusement agréable le bon
traitement et amyables propos que a pieu à S. M. usera leur ambassa-
deur Vincenzo Grimani, l'acceptant pour ung très grant béneffice. Au
demeurant, Madame, il y a ici ung nommé messire Sebasliano de Bou-
loigne, architecte -, de qui ne m'estanderay vous faire aultre descrip-
tion, me confiant que avez esté très bien informée de luy et de ses
bonnes quallitez par M, de Rhodez ^, lequel estant en cette ville le incita
1. Marguerite rie Valois, sœur de François I", femme de Henri d'AIbret, roi de
Navarre, née à Angoulême le 11 avril 1492, morte à Odos (Bigorre) le 21 dé-
cembre 1549.
2. 11 s'agit du célèbre architecte italien Sébastian© Serlio, né à Bologne le 26 sep-
tembre 14'o, mort à Fontainebleau, vers la (in de loo4. Après avoir étudié la plu-
part des monuments antiques de l'Italie et de la Dalmalie, Serlio s'était étaiili à
Venise. Il y tint, de 1537 à 1540, une école d'architecture, et s'y lia avec de nom-
breux artistes et écrivains, notamment avec le Titien et l'Arétin.
3. Georges d'Armagnac lui servit d'intermédiaire pour offrir à François I" un
exemplaire de son premier livre (le quatriOnic de son œuvre) des Règles de l'Ar-
12 AMBASSADE DE [jlIM.ET i b40j
faire quelques livres do archileclure où il a bien employé le temps,
et enfin les a paraclieve/ et dédiez à S. M,'; laquelle, par sa libéra-
lité et magnanimité, ordonna qu'il/. Iiiy leussent délivrez troys cens
escu/, mais jamais ne luy a esté possible en pouvoir recouvrer ung
denier. Par (juoy, ne sçaichant ii cpii mieulx avr»ir recours que à voslre
clémence et bonté comme conservalrice de lous gens de bien et de
bonnes mœurs et vertus, se retrouvant à présent en très jurande néces-
sité, pour la };ranl cherté des vivres qu'il y a eu icy cesle année, se met
à genot/. devant vous, vous supplyant qu'il vous plaise avoir pytié et
compassion de luy, remémorant à S. M. qu'il luy plaise faire mettre à
exécution sa bonne voullenté. 11 a mis sa clievance et son temps si très
avant à faire imprimer lesditz livres que, se retrouvant despourveu de
tout aullre ayde et support, a esté conlrainct pour grant indigence
laisser son travail et labeur entre les mains de l'imprimeur-, sans
jamais en avoir eu aulcun profficl. 11/ lui ont esté présentez plusieurs
partys, mais pour la grant dévotion qu'il ad'estre au service de S. M. et
de nous n'en a encore voullu accepter pas ung, que premièrement il ne
soyt résolu de ce que plaira au roy estre faict en cestendroict. Je puys
bien lesmoigner qu'il a esté recherché de M. le marquis du Gouast, luy
estant icy', et pareillement de la royne de Pouloigne*, tant à cause
que sa femme ^ a esté une de ses filles de chambre que aussi pour ses-
dictes quallilez, luy voullant donner très bon party. Toutesfois il m'a
dicl qu'il aymcroyt mieulx estre au service de S. M. et de vous pour la
pagnolte ^ seullement que à nulz aultres princes ayant bien gros estât.
"Vous supplyant, Madame, me pardonner si je vous en fays si long
propoz, mais la bonté et la vertu du personnage me le faict faire, me
confiant aussi que ne le prendrez que en bonne part et, se veoyez que
bien soyt, vous supplye m'en faire faire response. »
Vol. 2. f" 8, copie du .\vi« siècle; 1 p. t/i in-f°.
chilecUire, qui venait dètre imprimé à Venise chez Marcolino d.i Forli (lo37, in-P,
fif.'. sur bois). Le roi lui fil allribuer en récompense une somme de 300 écus
d'or.
i. Serlio avait dédié à François 1"% en reconnaissance de sa libéralité, le troi-
sième livre de son œuvre, consacré à la description des antiquités de Rome et de
l'Italie (Venise. .Ma^^•oli^o, loin), et dans lequel il manifeste le désir d'aller étudier
en France les monuments antiques dont lui a i»arlé Pellicier.
•2. Franccsco Marcolino da Forli, imprimeur à Venise, proche de l'église de la
Trinité, <i l'enseigne de la Vérité.
3. La seconde et la troisième éditions italiennes des Règles de VArchitecture
(Venise, Marcolino, loJO et 154i) lui sont dédiées.
4. Bona Sforza, seconde femme de Sigismond, roi de Pologne, qui fit île |fré-
qucnls voyages en Italie, son pays d'origine.
;■). Francesca Palladia ou Pallaude, qui survécut à son mari et mourut à Fontai-
nebleau postérieurement à I.IGO (V. Léon Charvel, Sébastien Serlio (i4"o-lo54),
Lyon, 186'J (in-8°, avec portr^et fig.).
6. Dans la pauvreté, dans la misère.
[juillet 1o40'| GUILLAUME PELLICIER 13
l'ELLlClER A M. DE TULLE '.
5. — [Venise], i 0 juillet 1540. — « Monsieur, il yaassez longtemps
que j'ay receu vostre lettre du viii'^ may, à laquelle avoys tousjours
différé vous faire responsc, jusques à ce que eussions reconneu les mil
escuz contcnuz en icelle, pour nous faire tenyr icy, ce que avons faict
en très bon payement; dont de ma part vous remercye grandement.
Lesquelz ay incontinent deslivrez ez mains du gentilhomme grec * à
qui il a pieu au roy user de sa libérallité et magnanimité. Lequel m'a
pareillement faict apporter à mon logis toute la reste des livres con-
tenuz au cathalogue que je vousay envoyé, et davantaige, car je treuve
beaulcoup de volumes n'ayant que une intitulation seullement où il y
en a plusieurs aultres insérez dedans, ainsi que vous pourrez mieulx
veoir et refl'érer à S. M. Et si a ledict gentilhomme très grant voulloir
mettre à exécution sa deslibération et offre qu'il a faicted'en recouvrer
encores d'aultres, toutes foys et quantes qu'il plaira au roy ■\ Mais
pour ce faire plus aisément, et pour avoir plus de faveur et crédict, luy
seroyt besoing avoir expresse commission de S. M.; et en oultre que,
ne povant vacquer pour tous les lieux où il sçayt qu'il s'en pourra
recouvrer, peust soubz ladicte commission commettre aultres person-
naiges qu'il verra estre idoynes et sulïisans pour ce faire. Et pour ce
que la plus grant part desdicls livres se doibvent recouvrer des pays
du Grant Seigneur où il en sçayt nommément grant quantité, comme
verrez par les mémoyres que je vous en envoyé présentement, affin
L Pierre Du ChàtcL criidit, lecteur de Franeois I", né à Arc-en-Barrois, mort le
3 février l.jo2. 11 fui tour à tour évèque de Tulle (Io39-lo4't), de Màcon (1544-1531)
et d'Orléans (1551-1552). — Cette lettre, ainsi que cinq autres adressées à Du Châtel,
des 22 juillet, 19 août, 8 octol)re, 2 décembre 1340 et 15 février 1542, ont été publiées
par M. H. Oinonl, dans son Catalogue des manuscvils gréa de Guillaume PelUcier
{Bililiothèr/ue de l'Ecole des Chartes, t. XLVI, 1885, pp. 45-83 et 594-624).
2. Antoine Eparchos, né vers 1492, à Corfou, vivait encore en 1370. Réfugié à
Venise, il y professa la langue et la littérature grecques, de 1533 à 1547. Sa pauvreté
l'avait contraint à mettre en vente sa belle bil)liothèque, dont les manuscrits
furent acquis par Françjois T", moyennant celte somme de mille écus (V. Zeller, La
diplomatie française... d'après la correspondance de G. Pélicier, p. 99 et suiv.).
Encouragé par ce succès, Eparchos continua jiar la suite le fructueux commerce
des manuscrits grecs, qu'il lirait en grand nombre des monastères du Levant.
3. François 1", sur les indications du savant Jean Lascaris, avait établi dans son
château de Fontainebleau une « librairie » i)lus particulièrement airectée aux
manuscrits grecs, qu'il faisait acheter ou transcrire, à grands frais, en France et à
l'étranger. Les doctes prélats qui se succédèrent à l'ambassade de Venise pendant
la première moitié du xvi" siècle contribuèrent puissamment à enrichir la bildio-
thèque du roi; ce furent d'abord Jean de Pins, jjIus tard évoque de Rieux, ambas-
sadeur de 1515 à 1319; Georges de Sclve, de 1334 à 1337; Georges d'Armagnac, de
1536 à 1539, enfin et surtout Guillaume Pellicier, de 1539 à 1542.
Guillaume Budé avait été le premier titulaire de la charge de « maître de la
librairie » royale. A sa mort, arrivée le 24 août 1340, Pierre Du ChâloI fut désigné
pour lui succéder (L. Delisle, Le CaOinet des manuscrits de la liitAiolIièque impé-
riale, t. I, pp. 151 et 181).
li AMUASSADE DE 'JUILLET loiOj
que plus seuremenl el avecques plus grani apport il puysse en cher-
olianl pérégriner el recouvrer lesdicls livres, dêsireroyt grandement
qu'il pleust à S. M. escripre h son anjhassadeur qui est à Conslanti-
nople ' (ju'il inipétrast ung sauf conduict du Grant Seigneur pour ce
faire. El ce faisant, je vous ose bien dire qu'il sera moyen d'enrichir
la librairie de S. M. d'aussi bons livres et il moings de fraiz que à
l'aventure sçauroyent faire d'aultres avecques plus grosse despense.
Je suys bien asseuré que daultant que ave/, faicl le plus fort, c'est de
avoir faict recouvrer si bonne somme d'argent, ne lairez ceste entre-
prinse imparfaicte; et pour ce que ledict gentilhomme vous en escripl
ne m'cslanderay vous faire plus longue lettre. Bien vous diray que
incontinent après le parlement de ceste ville de feu M. Fondulus-, vint
à moy ung nommé Demetrio Zeno ', lequel me disl que ledict sei-
gneur Fondulus luy avoyl donné charge d'aller chercher de?, livres
grec/ qu'il disoyt sçavoyr estre à Le/anle *, Courfou ', et aullres lieux
circonvoisins, pour S. M.; auquel feiz response qu'il se debvoyt tenyr
pour tout asseuré de la promesse que lui avoyl faicle icelluy Fondulus,
car avoyl charge de S. M. de ce faire. Lequel ayant accomply sesdicts
voyaiges, s'en est retourné avecques quarante pièces de livres; et sçai-
chant que ledict Fondulus estoyt déceddé, s'est rendu à moy pour me
pryer donner ordre à son afTaire, comme à celluy qui a charge géné-
ralle des affaires de S. M. par deçà. Il m'a semblé que ne povoys
adresser mieulx cedict affaire que à Vostre Révérence, laquelle verra
mieulx ce que sera pour servyr au roy que tout aultre. Il y a aulcuns
livres qui sont idem numéro que ceulx qui se treuvent au calhalogue
de ceulx qui ont esté présentés par messer Eparcho, comme bien verrez
par celluy que je vous envoyé de ceulx dudict Zeno; mais vous jugerez
trop mieulx se ung tel trésor se doibt estimer riche pour n'avoir que
1. Anlonio del Rincon.
2. Hieroiiiiuo ou Girolamo Fomlulo, Italien, originaire de Crémone, et remarquable
humaniste, avait accompagné en France le cardinal Salviali,en io27. Il parvint à gagner
la faveur de Frani;ois I", qui lui fit don d'une pension annuelle de 400 livres (Cat.
des ncle.t de Vrauiois r, t. VI. Suppl., p. 45, n"' 19, 136 et 19, 131) el lui confia
liustruclion de son fils Henri. Envoyé en mission dans la péninsule pour y
recueillir les manuscrits grecs apportes par les réfugiés, il revint en 1529 avec
soixante volumes. .\mi de Hcmbo, de Lascaris et de Dolet, qui lui a consacré une
épigramme, Fondulo mourut à Paris le 12 mars 1540 (V. Delisle. loc. cit., 1. 1, p. 151,
et Zeller, loc. cit., p. Ol). — D'autres membres de cette famille paraissent avoir
porté les armes pour la France, à celle époque. On rencontre en effet dans les
Comptes extraordinaires des guerres, à l'année 1529, la mention de Carlo et Ludovic
Fondulo. lieutenant et enseigne du capitaine Jides-César de Gonzague, à la tête
de 360 hommes de jiied, italiens, et de 3ii arquebusier» au service du roi(13. N., ms.
Clairambault 1215, f" 154 v").
3. Démélrios Zénos, de Zanle, humaniste, professa l'éloquence à Venise. On lui
«loil une traduction de la Iiatrac/io>n>/otnac/iie d'Homère en grec moderne, et une
Vie d'Alexandre le Grand en vers rimes, dans la même langue.
4. Zante, l'une des îles Ioniennes.
a. Corfou, la plus importante des iles Ioniennes, et considérée comme la clef de
r.Vdriatique.
[juillet 1540^ GUILLAUME PELLICIER 15
une seulle pierre précieuse de chascune espèce. Et certes il y a granl
dillerence le plus souvent de volume à volume de ung mesme livre. Uz
ne sont pas pour couster si chèrement que ont faict les aultres, mais à
prys raisonnable. Je vous prye me faire faire responce de ce qu'il
plaira au roy et à vous en estre faict. »
Vol. 2. f*^ 8 v'', copie du Nvi« siècle; 1 p. l/t in-f"^.
PELLICIER A M. DE LANCEY '.
6. — [Venise., 10 juillet 1540. — « Monseigneur, depuys les der-
nières lettres que vous ay escriptes du premier de ce moys, j'ay receu
ung pacquet pour le roy du seigneur Rincon, lequel vous envoyé pré-
sentement. Je ne vous pryeray point le mander en toute dilligence, car
je en suys tout asseuré, faisant selon que avez accoustumé. Et par les
lettres qu'il m'a escriptes n'y a aultre chose, sinon le contraire de ce
que vous ay escript touchant la négociation de Tranquilo en Constanti-
nople; car il a impétré du Grant Seigneur, avant son parlement de là,
prolongation de la trefve pour deux moys, et saulf conduyct de mander
ung aultre ambassadeur non seullement pour le roy Ferdinando son
maistre, mais pour l'empereur et certains ses alliez et confédérez. Et
ledict Tranquilo, pour acquéryr plus de faveur et crédict au nom de
son maistre, a faict gros présens à Janus Bey et à aullres, et promys
merveilles pour l'advenyr. Et m'escript davantaige que nonobstant
quelques jalousyes que on ayt eues où il est du passaige de l'empe-
reur en France *, les affaires de S. M. ne laissent à se bien porter, et
que quelque issue qui advienne feutre Leurs Majesteznous aurons tous-
jours le Grant Seigneur pour amy comme auparavant; et ne sera si
facille audict empereur d'avoir paix ou trefve avecques ledict Grant
Seigneur, comme il pense et qu'il donne à entendre, sans le moyen
de S. M... »
Pellicier attend toujours les lettres de Rincon des 10 et 15 mai, et
les croit plutôt perdues qu'égarées.
« J'estime qu'il y a quelques jours que messire Vincenzo Mazio et
sa compagnye sont arrivez à Constantinople ; car, par lettres qu'ilz ont
1. Guillaume du Bellay, seigneur de Langey, né au château de Glatigny, près de
Monlinirail(Sarthe), en li'.)l.mort h Sain t-Symphorien, près Roanne, le '.i janvier 1543.
Nommé vice-roi du Piémont en 1537, par François I", il y déploya jusqu'à sa mort
les plus grands talents politiques et militaires.
2. Charles-Quint, invité par Franc'ois I" à traverser la France en se rendant dans
les Pays-Bas, en octoiire 1539. avait passé la Bidassoa le 27 novembre, avec une
suite peu nombreuse, dans laquelle figuraient le duc d'Albe et le sieur du Peloux.
11 fut accueilli vers la frontière par le duc d'Orléans, le dauphin et le connétable
de Montmorency, et fit son entrée à Paris le 1" janvier 1540; le roi et toute la cour
l'accompagnèrent ensuite jusqu'à Saint-Quentin.
16 AMBASSADE DE [jUII.I.ET 1 o40]
escriples à monseigneur l'arcevesque de Haguse, ilz esloyenl à Novo-
bazar le ix" Juing, et ne peull esire que bien losl ne viennent nou-
velles de leur arrivée audict Conslantinople... »
Pellicier termine en reproduisant les détails donnés dans la lettre
au roi concernant les c(»rsaircs barbaresques, le comte de la Miran-
dole, la mort du duc de Mantoue et les ailaires du Saint-Siège.
Vol. 2, f» y, copie du .\vi« siècle; 1 p. 1/t in-f".
PELLICIER A RINCON.
7. — Venise, 12 juillet Iô40. — « Monsieur, je vous ay escript par
mes dernières lettres du u" de ce moys comme avoys receu les vostres
despénultimc de may et ir juing, ensemble ung pacquet pour le roy,
lequel luy feis tenyr incontinent. Et depuys en ay encores receu
aullres de vous du xvi" du passé, ausquelles ne gisi vous faire aultre
response, sinon que vous diray quant ad ce que m'escrlpvez de la
fàclierye et passion en quoy se relrouvoyt le clarissime ambassadeur
Badoare, pour avoir avancé les trente mil ducatz. Il a escript des nou-
velles à cez Seigneurs qui les ont mys bien davantaige en plus grant
combustion et peyne qu'ilz n'esloyent de cella. C'est que les bassaz luy
avoyent dict que le Grant Seigneur ne vouUoyt admettre la paix avec-
ques eulx s'ils ne se faisoyent amys de ses amys et ennemys de ses
ennemys, chose qu'ilz treuvent fort estrange et de dure digestion; car
ce faisant, à l'aventure que avecques le temps se pourroyent faire
ennemys de toute la chrestienté, et conséquemment que leurs subgectz
mesmes leur seroyent contraires. Dont je croys que à grant peyne
accorderont ilz cest article. Bien vouldroyent, ainsi que j'ay entendu
d'aulcuns deulx, particuUiers et des plus grans, estre amys du roy et
ennemys de ses ennemys, non point que cella soyt passé par conseil
ne aullrement; mais je vous ose bien assurer qu'ilz sont à présent en
meilleure dévotion vers S. M. qu'ilz ne furent de long temps. Ils atten-
dent à grant désir leur ambassadeur messire Vincenzo Grimani venant
de vers le roy, qui sera ici dedans troys ou quatre jours, pour entendre
mieulx et par le menu les particularités de sa négociation, et après
selon son rapport eulxrésouldre de ce qu'ilz auront à faire...
« Monsieur, je receuz hier au soir ung pacquet du roy qui m'escript
vous le fere tenyr le plus seurement et en la meilleure dilligence qu'il
me sera possible. Ce que ay faict jusques à Raguse; car je y ai envoyé
expressément ung de mes gens, craignant quil ne fut crocheté ou
esgaré. Et pour ce que j'estime que par icelluy entendrez toutes nou-
velles de la court, ne m'esteuderay vous en dire aulcunes... ; mais pour
passer le temps je vous envoyé lesvrays originaulx que j'ay receuz de
certaines responces faictes par les protestans, aultrement luthériens, à
[juillet la40] GUILLAUME PELLICIER 17
l'empereur, et la grâce qu'il a faicte aux Gantoys ', ensemble quelques
petites nouvelles venues de Rome... »
Pellicier continue en donnant à Rincon les nouvelles contenues dans
la lettre au roi du 10 juillet, concernant l'impression produite sur l'em-
pereur par la paix des Vénitiens avec le sultan, la mort du duc de
Mantoue, et les visées du pape sur Sinigaglia.
« Monsieur, le cappitaine de la nave * de monseigneur le duc de
Ferrare ^ est venu vers moy pour faire ses excuses si les promesses
par ledict seigneur à moy faictes avant son parlement d'icy pour aller
al Vollo ''' n'avoyent esté accomplyes, se complaignant fort du seigneur
Pierre Pommart •^ disant que jamais ne les a voUu laisser charger que
premièrement ne eussent forny l'argent de toute la traicte des vingt
cinq mil sestiers que par vostre honnesteté et bonté aviez impétré
pour luy et pour moy. Et ce faisoyt-il affin de satisfaire au payement
qu'estoyt tenu faire le seigneur Sommaia ^ des bledz qu'il avait prins.
Et les tint là quarante-cinq jours avant que le laisser charger, de sorte
que toutes les aultres naves qui arrivèrent là depuys celle dudict sei-
gneur duc furent chargées les premières; mais je pence que plus tost
faulte soyt venue des gens dudict seigneur duc que aultrement. Car
par là encores ne se peulvent excuser qu'ilz ne ayent reffusé tout
oultre de fournyr argent et naves pour tirer ma quotte part ainsi que
ledit duc me avoyt promys et asseuré. El me desplaist plus du dom-
maige ([ue y avez eu, pour le maulvais ordre desdictes gens dudict
seigneur duc, et que vostre bonne voullenté et bien faict soyt ainsi
demeuré inutil, que pour la perte que je y ai eue, qui me revient d'ar-
1. C'est pour aller réprimer cette révollc des Gantois que Charles-Quint tUait
passé par la France. La sentence qu'il rendit contre eux, le 30 avril 1340, consistait
en amendes honorables el profitables. confiscaLiion de biens et matériel de guerre, etc.
(V. Papiers de Granvelle. t. 11. p. 573).
2. Le mot <• nave », de i'ilalion nave et du latin rMvis. exprimait généralement au
moyen âge l'idée d'une nef importante, d'un navire grand et fort, le terme « vais-
seau " désignant tout navire inférieur à la nave (Y. Jal, Glossaire nautique, p. 104).
3. Ercole II d'Esté, duc de Ferrare et de Modéne, fds aine d'Alfonso I" et de
Lucrezia Borgia, né le 4 avril loOS, mort le 3 octobre 1359. 11 avait épousé en 1328
llenée de France, fille de Louis XII et belle-sœur de François 1", et succéda à son
père le 31 octobre 1334. 11 montra le plus grand dévouement à la cause de Charles-
Quint, dont la prépondérance était absolue dans les affaires d'Italie, tandis qu'à
Rome son frère, le cardinal Hippolyte le jeune, s'était placé ouvertement sous le
protectorat de la France.
4. Volo, port de Thessalie.
3. Pietro Pomaro, gentilhomme vénitien, intendant de l'ambassade française à
Constantinople. Il aurait joué un certain rôle dans les négociations du traité de paix
entre Venise et la Porte, et servi de médiateur entre l'ambassadeur vénitien Badoaro
et les vizirs, pour la cession de Napoli de Romanie et de Malvoisie. Le 4 décem-
bre 1346, le Conseil des Dix prescrivit une enquête à ce sujet; on décida de faire
comparaître Pomaro. et au cas où ses explications ne sembleraient pas assez r.etles,
de le mettre en état d'arrestation et de faire saisir chez lui ses papiers {Calendar
of Hlale pajun-s, Venefian, 13:îl-13o4, p. 179).
6. Les Sommaja, banquiers llorentins établis à Constantinople.
Venise. — 1540-1S42. 2
jg AMBASSADE DE 'j^'^'^'^' l»'*»-
«enl cli.lrihué plus de cent escuz. Si csl-ce que je m'en tiens auUant
u"l ohliKé i vous que se je y eusse gaign. dix m.l escu,. ; car , ay en
e aus i «>•'- ap..rceu voslre honne vouU.nlé que se les choses eussent
eu X Or Dieu sovt loué du tout, lequel je supplye vous v.v.ex en
sanlltnn.. .1 longue vye, vous pryanl avoir souvenance du sauf con-
rvUlont vous av ^script pour messire Francesco CharU -, me recom-
Janl tousiours humblement à vostre bonne grâce.
m an
,, /),■ \ruizt'. )'
Vol. 2. r- 10, copie du XW" siècle; 2 pp. in-f'.
PELLICIER A M. DE RAGUSE.
ft _ Venise I 2 inUlei 1510. - « lUuslrissimo et Reverendissimo
Si. .ior. dopo le'mie ultime scritle à Voslra lllustrissima Signona, ho
ri'epulo k vostre del primo del instante per Zannelto Pomaro -, e
insieme un plico del signor Rincone. Et perche non ho -- degna d'
la corle di scrivervi, vi mando certe nuove che sonno venute d Roma,
et oltra di quelle daro aviso a Y. 1. S. come queste di passât, d S.gnor
duca di Mantoa è decesso, da una doglia dt corpo et r.tenuta délia sua
urina laquai non è mai slato possible fargli rendere. E se dice haver
lassato la sua casa mollo ben fornita de gli miglion mobi h che sianno,
doîda doi o tre milioni de scudi, come alcuni degni d. ede voghono
dir Tamen altri dicono dal contrario. Se dice in questa terra che Sua
Sanlilà era risoluto intendere alla récupération de Senega.a, come cosa
pertinente de ogni tempo alli generali délia Chiesia, et consequamen e
al signor Pietro Alluysi come quello che al présente ne ha la charga.
Tamen se dice che il duca d'Urbino non è per quittarlo cosi facilmente
ne metlerla in cotai disputacione che fece Camerm.
« Monsignor il Conteslabile me hascritlo come Cramoel% che era quasi
governalor- di tutta Vlngillerra, è estato messo in prigion m la Torre
Kros.a di Londres, et gia condannato per doi sententie, et gh suoi bem
confiscati, et gli suoi officii distributi ad altri, et si st.ma che presto
sarà juslicialo per gli meriti et cativavita sua. Tamen pur che succéda
, Franroi. Charly, o.. r.harli.M.. -lit Labbé, apparlenail à une famille de népocianls
norentTn" aa 1 sh Lvon et qui .rati.iuaienl avec le Levant, pour le commerce des
IrrïèrLa T/Ze Cordù^re était de cette famille (V. Invenl. somm. des Arclnves de
'^r^nla "uino'pi^i^a^'-lrHer mentionné déjà sous le nom de Janezin, dans la
''"'";?::;;':'1îm:^rt:n. t'::::au p^é. créé comte .l-Essex et grand cham-
3. riioma. i-romNN.ii. '"r' ' r,,, „p,.A,é le 11 juin à Westminster, enferme
terre de /5.« « IÔ42, publ. par J. Kaulek. Pans. Alcan. 1885, in-8 ).
[juillet lb40] GUILLAUME PELLICIER
1 y
un altro in suo luoco meglior francese di luy ' non sarà gran danno
perche era dil tutto inimico délia nostra parte, et questo si è il tulto
vi posso dire peradesso di nuovo.
« 11 portador di questa è homo mio il quale io niando a posta per
port.irvi questo plico clie va al signor Riucone. V. S'^ R'°» si de-narà
mandarlo, secondo il suo solito, con ogni diljigentia et prestessa. Per
il medesimo vi mando un piciol présente anzi un segno daniore-
V. S'= R"^ degnarà goderlo, havendo la mente più alla grandessa de
l'animo mio che alla piciolessa del dono, al quale un altra voila riffarô
con dono di V. R'"" S'» piû degno. »
A'ol. 2, f" II, copie du XVF siècle; 3/4 p. in-^.
PELLICIER A PÉTRÉI0 2.
9. - [Venise], 1 3 juillet 1540. - Pellicier profite de l'occasion d'un
courrier qu'il envoie à l'archevêque de Raguse pour lui renouveler ses
témoignages de vive amitié.
Vol. 2, P II, copie du xvi'- siècle; 1/4 p. in f\
PELLICIER A LA nUCIIESSE DE FERRARE ^
10. — [Venisel 14 juillet 1540. — « Madame, j'ay receu depuys
deux ou troys jours en çà lettres de la court du xxiiii'' du passé; mais
les meilleures nouvelles que vous en puysse dire, c'est la bonne santé
du roy, et que de bryef debvoyt partyr de Fontainebleau pour aller à
Pans et veoir le Landyt; et de là faire ung- voyage en Normandye et
comme m'escript M. de Villandry *, S. M. pourra puys aprez aller à
Bloys, à Amboyse et en Touraine, suyvant cette rivière deLoyre. Mon-
seigneur le connestable m'escript aussi avoir eu nouvelles d'Angleterre,
comme Cramoel, qui tenoyt le seel secret et qui avoyt le gouvernement
n-^-^rT-nr Fitz-WiUiam, duc de Soutliamplon (1.537), ?rand amiral d'AngloLcrre
(!oob-lo40), succéda a Cromwell comme lord du sceau privé
2 En italien. - Nicolas Pétros ou Pélréio, savant humaniste grec, originaire de
Cor.ou e al.h a Raguse, avec lequel Pellicier s'était lié pendant son Séjour 'non e
':!oi::T:i:aS^'''' ' ''-''^^ '^ ^"^'^^- ^^^-^ -^ l'auteur-\run grand
3. Renée de France, seconde fille de Louis XII et d'Anne de Bretagne, née à Rloi.
isst dil^^r- , ' r'J ^ '^^«"^^T^^i^ '« '-^ .)"i" 1"6. On sait que; physiquement
assez disgiaciee de la nature, au dire des contem,.orains, elle possé.laiten revanche
une vive intelligence, un cœur généreux, une érudilion profonde. Peu de princesses
pa>.erent par autant de vaines fiançailles. Orpheline à cinq ans, et successivement
e.tinee en ma nage a Gaston de Foix, à Charles-Quint, à son frère Ferdinan.l, au
lue Lharles III de Savoie, au margrave Joachim de Brandebourg, au roi d.' Por-
tugal Jean III, au connétable de Bourbon, à Henri VIII d'Angleterre, Renée finit par
epouse^r, le 28 juin 1,528, Ercole II .ri-ste, devenu duc de Ferrare en 1534. Clément
Marot lui a consacré un ardent épithalame. L'accueil que Renée donna à Ferrare aux
réfugies français, notamment à Marot et à Calvin, et surtout le prosélvtisme reli-
gieux que ce dernier se mit à faire, déterminèrent le duc. en 1536, à les expulser
(V Uodocana.hi. Renée de France, duchesse de Ferrare, Paris, Ollendorf, 1895, in-8°)
4. Clau.ie Le Breton, seigneur de Villandrv, secrétaire des finances.
20 AMBASSADE DE [JUILLET lotO]
quasi de loulo l'Angleterre, avoyl esté condenné par deux sentences,
ses biens confisqués et pslal/. déparlys; et estimoyt l'on (lUC jà estoyt
exécuté, chose que depuys a esté confirmée par lettres de Flandres,
ayant eu la teste tranchée '; mais que en sa i.lace succède ung meilleur
françoys que luy, ce n'est pas grant dommaige. M. de Langé m'escript
avoir heu nouvelles d'Allemaigne, comme ladyeltedeHagucnaou- s'en
va résoulue en fumée et en grande confusion. 11 ne s'y est trouvé aul-
cuns des princes protestans, aultrement luthériens, et bien peu des
auUres. Le roy des Romains ^ est aprez pour en faire assembler une
aultre, à laquelle scdoibt trouver l'empereur; mais l'on dict qu'il n'y
fairapas le tiers de ce qu'il pence, si les seigneurs du pays ne voyent
qu'il ayl aultre intelligence qu'il n'a pour le présent avccques le roy.
Qui esl tout ce que vous puys dire pour ceste heure, sinon que j'ay
receu vo7. lettres en recommandation du Pyémontoys présent porteur
auquel, pour l'honneur que je doibtz à Votre Excellence, ay faict tout
le plaisyr qu'il m'a esté possible, luy ayant faict retirer son jacque de
maille par ung mien amy et voslre serviteur que bien congnoissez * :
c'est messire Francesco Beltrame, pour aultant que telz affaires ne sont
de ma profession et qu'il ne m'estoyt trop licyte ne honneste m'en
empescher. Mais tant y a qu'il est aussi seurement que entre mes
mains. El m'a promys ledict Beltrame que loulesfoys et quantes que
l'aultre vouldra, il faira porter ledict Jacques de maille à Ferrare ou
aultre part où il vouldra. »
Vol. 2. ï" 11 v°, copie du xvi^° siècle; l p. in-f'^.
PELLICIER AL' 1^)1.
11. __ \Vemse\ 32 juillci 1540.— <- Sire, depuys les dernières
lettres, que ay escriptes à V. M. du x<= de ce moys, ay receu les siennes
1. 11 semble que celte nouvelle fût prématurée, car la correspondance de Marillac
dit posilivcment (lue rexéculion n'eut lieu que le 29 juillet.
•) la dicte, qui avait dû daliord se tenir à Worms. s'était ouverte a Spire le
6 iuîn 1340; eile avait été ensuite ajournée à llaguenau, où elle continua de se tenir
jusqu'au 28 juillet. Kilc fut alors ajournée à Worms. pour le 28 octobre (Slate papers,
^'3 Ferdinanil. ^-eond lils de l'hilii.pe le Beau et de Jeanne la Folle, archiduc
d'Vutriche frère puîné de Gliarles-Quinl, né le 10 mars Vm à .Mcala de llenares.
mort à Vienne le 2.". juillet 156i. 11 avait hérité, à la mort de Maximihen 1", son
crand-père des provinces autrichiennes (1519), devint roi de Boliême et de Hongrie
vn i:'.26, à' la mort de Louis 11 dont ii avait épousé la sœur, et fut élu roi des
Boinains en 1531. ., , ,^ • , - r ua-
11 succéda plus fard (oinnu- cuip.'r.-ur d-AUemairn.- a ( .liarles-Quint, après labrii-
cilion de celui-ci en 1.J5C. . ,,,11:.,
i Francesco-Beltramo Secchia ou Sachia, issu d une tauulle bourgeoise d Udine
oui s'enrichit dans le commerce et conlracUa des alliances avec la noblesse du
l'avs" était entré déjà dans la clientèle de la France, du temps des évêques de
la'va'ur et de Rodez.ll semble avoir redoublé .l'anleur et d'activité pendant l'am-
liassade de l'ellicier. Kn récompense de ses services, Sachia fut anobli par lettres
.lonnées à Villeneuve-le-Comte, le 15 mars 1542 {Cat. des actes de François l". t. IV,
p. 299, n» i2 394).
[juillet 1o40] GUILLAUME PELLICIER 21
(lu xxiiiF do juing le xi« du présent, ensemble ung pacquet pour le
seigneur Rincon, auquel, suyvant vostre commandement, ay donné la
plus seure adresse et en la meilleure dilligence qu'il m'a esté possible.
Car, le jour mesmes, par briganlin ' exprez, dépesché ung de mes
gens pour le porter jusques à Raguse où le patron dudit brigantin m'a
promis arriver au plus tard dedans cinq jours, si fortune ne luy sur-
venoyt et vent contraire. Et l'ordinaire est de aller depuys Raguse jus-
ques à Conslantinople en xvi ou xvii jours, de sorte que ledict sei-
gneur Rincon le pourra recepvoir en vingt-deux ou vingl-troys jours.
Duquel ay pareillement receu lettres du xvi° juing, me donnant adviz
seulement comme, Dieu mercy, les affaires de V. M. se retrouvoyent
en très bons termes là où il est, et mettoyt peyne les maintenyr tous-
jours de bien en myeulx, attendant la venue de messire Yincenzo
Mazio, l'arrivée duquel commençoyt jà fort à ennuyer tant audict sei-
gneur Rincon que aux baschaz. Toutesfoys j'estime bien que peu
aprez sesdictes lettres du xvi juing icelluy messire Yincenzo sera
arrivé là, veu que, comme ay escript à V. M., le viii dudict moys
estoyt à Novobazar, et partoyt ledict jour pour continuer sondict
voyage; et pence que par la première dépesché qui viendra dudict
seigneur Rincon, l'on pourra estre adverty de la venue dudict messire
Yincenzo. Et par lesdictes dernières lettres m'escript aussi comme
l'ambassadeur de cez Seigneurs estoyt en très grant fâcherie et passion
pour avoir avancé trente mil ducatz, lesquelz il a prins à très gros
intérestz, cuydant par ce moyen deslivrer leurs gentilshommes pri-
sonniers qui se treuvent encores en la tour de mer Maieur-, et recou-
vrer toutes les marchandises retenues. Mais les baschatz le meynent à
la longue, luy remettant telle résolution de jour en jour, se rendant
fort durs à consentyr la restitution desdictes marchandises. Mais, sellon
mon petit jugement, je pence plus tost que ledict ambassadeur se
treuve trop plus fâché et estonné de ce que Janus Bey luy a dict de par
le Grant Seigneur qu'il ne vouUoyt consentyr l'accord de ladicte paix
que préalablement cez Seigneurs ne se déclairassent amys de ses amys
et ennemys de ses ennemys, et nommément de Y. M., ainsi que leur a
escript leurdict ambassadeur, que pour aultre chose. Je suys bien
esmerveillé que ledict seigneur Rincon n'en touche aulcune chose par
ses lettres, qui est grant argument, ou qu'il n'en a rien sceu, ou bien
1. Briganlin, petit navire de la famille des galères, à une voile, ayant de huit à
seize bancs à un seul rameur. Très rapides et commodes en ce qu'ils occupaient peu
de place, ces navires servaient surtout-fiour la course. On ne rencontre pas ce nom
avant le xiv" siècle (Jal, Glossaire naulique, p. 342).
2. La mer Noire, appelée par les Italiens mare Maf/giore. — La Tour noire du fort
d'Anatolie, sur les rives de la mer Noire, dont la destination était semblable à celle
du Château de l'oubli des anciens rois de Perse et à celle du Puits du sang du Châ-
teau des Sept tours, sur le même Bosphore, fut longtemps la terreur des Hongrois
et des Allemands (J. de llammer, Histoire de Vempire ottoman, trad. fr. de Hellert;
Paris, 1835-18i:î, 18 vol. in-8'').
22 AMItASSADE DE [jUII.LET 1340]
qu'il en oust jà escripl par ses drpesches perdues des \ et xv uiay,
sçaichanl par aventure pluslosl le vouUoir el deslihéralions du Grant
Seigneur el des baschalx qu'il n'a esté signilIiL' audid ambassadeur de
cez Seigneurs. Lesquol/. treuvenl cesl arlicle l'orl grief el de dure diges-
tion; car, coMinic ils disent, s'il/, venoyenl à consenlyr ce puincl, à
l'aventure seroyenl contraiuct/ quelque jour se porter enncniys de
toute la chrestienlé. Mais, ainsi que j'ay entendu par des plus grans
d'entre eulx, non point que cella soyt encore passé, par conseil ne
aultreinent vouldroyent très bien estre recherchez et comme contrainctz
du Grant Seigneur d'entrer en ligue avecques V. M., délaissant toutes
aultres avecques quelzconques personnes de la chrestienlé, et d'avan-
laige se faire amys de voz amys el ennemys de voz ennemys. Ce (jue
tous ceulx tenant vostrc parly désireroyent d'un commun accord sin-
gullièrcment eslre faicl. Mais, comme les aulcuns m'ont faict dire et
remonstrer, estant leur république encores tant pertroublée et fâchée
de ceste nouvelle paix à eulx si griefve, — laquelle, s'il eusl esté po.s-
sible, ne eussent accordée pour n'avoir leur ambassadeur Badouare eu
puyssance de bailler et rendre les deux places par eulx accordées que par
le conseil de Diexe ', sans de ce avoir riens esté rapporté à louv pregai/ -
ou conseil général, — y auroyt danger que — à cause de ceste playe
qui est encores toute fresche, el aussi qu'ilz sont encores en leur
entier pour n'avoir rien délivré que trente mil escuz, de quoi ne font
pas grant cas, que la pluspart d'entre eulx et de ceulx mesmes qui
feurent cause de leur fere rompre contre le Turcq, qui ayment trop
mieulx leur profficl particulier que de leur républicque, pour eslre
pauvres et souflreleulx, — Icsquelz ilz appellent sgwjsnry^ qui ne de-
mandent aullre chose que guerre, espérant avoir quelques charges,
tant par mer que par terre, — ayant ceste occasion, ne voulsissent
rompre et annuller tout ce que a esté lyssu et faict en ladicle paix, et
1. La niapislraliire des Dix. mentionnée dès le xni* siècle parmi les institutions
politiques de la réiiuliliquc de Venise, re«,'ut, à la suite des afiilations intestines qui
marquèrent la preniière moitié du xiv" siècle, une consécration définitive, et prit ce
caractère de tribunal d'exception à la discrétion absolue duquel était confié le salut
pour ainsi dire matériel de l'État.
Ce conseil, composé de dix patriciens élus dans le Grand Conseil, dont un seul
d'une même famille, était investi d'un pouvoir permanent et illimité; le doge et ses
six conseillers prenaient part délibérative aux séances (A. Baschet, Archives de
Venise, p, 51.'?).
2. Le ï^énat de Venise, appelé Conseil des Pregadi, c'est-à-dire des citoyens priés
de prêter leur assistance au doge ou chef de l'État (doxe, du latin dux, conducteur),
exer(;ait véritablement la haute direction politif|ue. Institué sous le gouvernement
de Domenico Flabanico, en 1032. il compta d'abord quarante, puis soixante mem-
bres, auxquels se joignaient bon nombre de dignitaires et de fonctionnaires (|ui y
avaient légitimement accès. Chaque sénateur n'était élu que pour un an, mais était
toujours rééligible; les fonctions étaient purement honorifiques; une même famille
ne pouvait compter dans le Sénat plus de trois membres. Toutes les grandes déci-
sions de l'État étaient prises dans cette assemblée : résolutions de paix ou de guerre,
élections des capitaines généraux, provédileurs des armées, nominations des ambas-
sadeurs, etc. (A. Baschet, loc. cit.. p. 228).
[juillet IbiO] GUILLAUME PELLICIER 23
renforcer plus que jamais leur ligue contre ledict Grant Seigneur. Car
la ballotte ' d'un chascun d'eulx vault aultant que du plus grant et
saige, et soyt-il le duc - ; et si sont en bien plus grand nombre de ceste
part là que d'aultre, dont seroyent grandement d'adviz que Ton deust
tascher faire supercedderà telle demande, jusques à quelque temps que
le Grant Seigneur fust en possession desdictes places, et qu'ils eussent
fourny les trois cens mil escuz, et aussi que tous eussent commencé à
gouster et sentyr à bon essient le fruict de ladicte paix et receu l'util-
lité tant de trallicque, de provisions, de vivres que de aultres commo-
ditez qu'ilz soulloyent avoyr du Levant, et lors, que sans aulcune con-
tradition l'on pourroyt facillement faire; ce que à grant peyne à
présent peulvent sentyr parler. Mais au contraire plusieurs aultres de
plus grant réputation qui soyent entre tous m'ont faict dire par termes
généraulx que la voye et conduicte que l'on tient à présent est la
meilleure que il eust esté possible, sçavoir adviser s'en congratuUer
avecques moy, et me pryant le vous voulloir faire faire entendre, et
supplyer qu'il vous plaise voulloir continuer ceste entreprise jusques
au bout; car la fin n'en peult estre que à l'honneur et gloire de V. M.,
et à eulx advanlaige et proffict. De quoy. Sire, vous ay bien vouUu
faire cez longs discours comme chose de aussi grand importance à
mon adviz que nulle aultre qui me soyt advenue depuys que suys icy,
affin que par le meilleur jugement de V. M. soyt advisé ce que sur ce
vous plaira estre faict.
« Sire, M. l'ambassadeur du feu duc de Mantoue est venu vers moy
qui m'a apporté lettres de créance de M. le Révérendissime cardinal de
Mantoue et de madame la duchesse; lequel, aprez m'avoir faict
entendre le cas du décedz dudict feu seigneur duc et le bon ordre qu'il
a laissé à sa maison, m'a pryé vous voulloir escripre estre votre bon
plaisyr avoir ladicte maison et le nouveau duc en vostre bonne protec-
tion, ainsi que tousjours icelluy feu seigneur duc a eu grant dévotion
que luy et sa postérité fussent en icelle maintenuz. De quoy m'a dict
vous debvoir envoyer de bryef ung de ses gentilzhommes pour vous
faire entendre amplement le tout. Pareillement j'ay veu quelques
lettres escriptes à Millau le xii<= jour de ce moys, par lesquelles l'on
1. Ribier, corrigé par Charrière, d'après notre manuscrit, avait lu naïvement
■< calotte ». Ballotte est ici synonyme de vole. On désignait sous ce nom les petites
boules de laine qui servaient au scrutin dans les assemblées du Sénat de Venise;
elles étaient de couleur blanche, verte ou rouge, selon qu'elles désignaient l'adhé-
sion, le refus ou le doute. — Joachim du Bellay, dans une pièce satirique sur Venise,
adressée à Olivier de Magny {Regrets, sonnet lxxi), raille cette coutume des Véni-
tiens :
11 fait bon voir de tout leur sénat balloter.
2. Le duc ou doge était alors Pielro Lando, élu le 20 janvier 1339, à l'âge de
soixante-dix-huit ans. 11 mourut le 8 novembre 1545, dans sa quatre-vingt-quatrième
année.
24 AMBASSADE DE [jUIl.LKT lb40
estoyl adverly que Jt'lian-Loys, M. de Salluces ', avoyl esté tué en sa
maison à Millau; mais l'on ne avoyl cncorcs en ce temps làsceu sçavoir
qui avoyl ce laicl.
« Sire, combien que le seigneur Cézar Frégose * h mon adviz vous
ayl faicl sçavoir le congé que le seigneur Aloysy de (ionzagues, son
beau-lrère ', a prins de l'empereur, ce néanlmoins m'ayanl escripl et
pryé en voulloir aussi adverlyr V. M., m'a semblé ne luy debvoir
desnyer vous en dire ce mol, et vous faire entendre ([ue de long temps
il a dévotion à vous faire service. Ce qu'il eust démonslré par effect
longtemps a, si avectiues son honneur il l'oust peu faire; mais que à
présent et à l'advenyr qu'il est quitte de tout aultre service, il est bien
deslibéré d'en faire apparoir à bon essient, vous supplyant le tenyr au
nombre de voz très affectionnez serviteurs. »
Vol :l, f' l'J, copie du xvi" siècle; 3 pp. in-f'.
l'ELLICIEK AU CONNETABLE.
12. — [ Venise], 3.2 juillet 1 540. — « Monseigneur, depuys les der-
nières lettres que vous ay escriptes du x*^ de ce moys, ay receu les
voslres du xxiii" du passé, ensemble ung pacquet adressant au sei-
gneur Rincon que luy ay mandé en telle dilligence et seureté que
verrez par celles que j'escriplz présentement à S. M.; par lesquelles
cognoislrez aussi en quels termes sont cez Seigneurs sur ce que leur
ambassadeur près du Grant Seigneur leur a escript touchant le propos
que luy a esté tenu d'estre amy de l'amy et ennemy de Tennemy.
Dont ne vous feray aulcune répéticion ; seullement vous diray que,
combien que ceulx d'entre cez Seigneurs qui désirent le bien et con-
servacion de ceste républicque soyent tous merveilleusement affec-
tionez à S. M. et voulsissent par quelque bon moyen venyr à accord
et ligues avecques icelle, ce néantmoins vous entendrez trop mieulx
comment en une républicque faicte de tant de pièces comme ceste-cy,
1. Gian-Lodovico de Saluées, abbé de SlafTarda.
i. Cesaro Freposo, fils aine de Jamis II Fregoso, doge de Gênes, exilé avec sa famille
en 1513, et étal)!! depuis lors sur le territoire de Venise. Après avoir servi, comme
ses frères Alessandro et Ercole Fregoso, dans les troupes de la llépublique, il était
passé, vers 1528, au service du roi de France, s'engageant à lui remettre Gênes par
un habile couj) de main, en échange du poste de gouverneur de la fiiace. et d'une
l»ensiondeO.COOécuspourluict les siens, avce unegarnison de 60 lances. La i>aix conclue
avec Charles-Quint, le 5 août 1529, à Cambrai, vint anéantir ce contrat. En 1536, il
encourul la peine de bannissement jiour s'être porté au secours de François I"^ contre
l'empereur, sans l'aveu de la Seigneurie; cette interdiction l'ut d'ailleurs prompte-
ment levée, gràceà l'intervention de l'évêque <lc Rodez, alors ambassadeur de France.
Par la suite, le roi eut encore recours aux services de Fregoso, et le chargea de
négocier avec Ilincon une alliance oITensive et défensive entre la France, Venise et
la Porte. On verra jilus loin comment les deux pléni[iotenliaires périrent ensemble
dans le guet-apens tendu par les Impériaux le 2 juillet loil.
3. Aloysio di Gonzaga, beau-frère de Cesare Fregoso, résidait à Castel-Goffredo,
place forte et seigneurie située à 28 kilomètres de Manloue.
[juillet 1o40j GUILLAUME PELLICIER 2o
les vouUoirs sont si divers et variables, que la meilleure et la plus
saine partye ne l'emporte pas le plus souvent; mesmement là où les
passionnez ont quelque souftîsante coulleur pour contraster, comme
voyrement ils ont tousjours eu ce poinct icy les constraindre estre
amy et ennemy de Tennemy du Grant Seigneur, pour les raisons que
mieulx sçavez, qui sont à eulx si très péremptoires, qui seroyent
plus tost pour les faire despérer et se habandonner à quelque plus
grand mesclief qu'ils ayent jamais esté que par ce moyen estre con-
duictz à quelque bonne entreprinse. A ceste cause, Monseigneur, il
vous plaira par vostre bon sens et prudence adviser, sellon ce que vous
apperra l'aftaire pouvoir estre d'importance à S. M., ce que l'on aura
affaire là dessus; et s'il y aura lieu, vostre bon plaisir sera m'en advertyr.
« Monseigneur, cez Seigneurs ont eu lettres de leur secrétaire Fidel
qui est près M. le marquiz du Guast, par lesquelles ont entendu que
icelluy marquiz, estant à Côme, a eu lettres du Conseil de Millau,
pour ce qu'il y avoyt besoin de trouver argent, estoyt retourné à
Millan; mais n'a esté possible en pouvoir jamais tirer un denier.
Quoy voyant, après avoir le tout faict entendre à l'empereur, avoyt
déterminé s'en aller à Ast ', et laisser la charge de trouver ledict argent
au seigneur domp Lopes^ Et que, par lettres de Gand du xxviii" du
passé, l'on entendoyt comme l'empereur estoyt totallement résolu et
avoyt fiché le cloud de jamais en effect ne voulloir rendre la duché de
Millan au roy ; et qu'il espéroyt de obtenyr la trefve avecques le Turcq,
et que, ce pendant qu'elle viendroyt, il nousdonnoyt tousjours bonnes
parolles sans riens descouvrir. Et monstrant ledict Fidel d'entendre ce
que on faict au conseil du roy, a escript que Vostre Excellence estoyt
d'oppinion avecques une partye du conseil que le roy et monseigneur
d'Orléans' vinssent en Italye; mais que une aullre partye n'estoyt de
cest aviz, disans n'estre encores temps, et que il falloyt attendre
quelque temps. Et ce pendant estoyt besoing mander gens de guerre
devant en ceste Itallie, et d'aultre cousté faire que les gallères * tur-
quesques vinssent à la volte^ de Naple, Gennes, et aullres lieux; et que
1. Asli, ville et duché de Piémont, donnés à Yalentine Visconli lors de son
mariage avec Louis, duc d'Orléans, et cédés en lo2'J à l'Empereur, qui en fit don en
1531 à son beau-frère, le duc Charles III de Savoie.
2. Don Diego Lopez de Zuniga, trésorier impérial au duché de Milan, résidait sou-
vent à Venise, et secondait dans ses négociations l'ambassadeur ordinaire de l'empe-
reur, don Diego Hurtado de Mendoza.
3. Charles, due d'Orléans, second fils de Fran(;ois V et de Claude de France, né à
Saint-Germain-en-Laye le 22 janvier 1522, mort à l'abbaye de Forest-Munlier, près
d'Abbeville, le 8 septembre 1545.
4. Galères, longs vaisseaux munis, au xvi" siècle, de vingt à trente et quarante
bancs de rameurs, généralement secondés par des voiles triangulaires, dites
latines. Armés pour la guerre, ces navires étaient également propres au transport
des marchandises (Jal, loc. cit., p. 752).
5. Volte, vieux mot français (dérivé de l'italien volta, tour, changement de direc-
tion, virement de bord), employé comme synonyme de route.
26 AMUASSADE DE [jL'II.LET la40J
quant S. M. viendroyl en Itallye, fauldroyt qu'il feisl le chemin de la
Tuscane ', Pise, Florence et ses aulires terres. Lesquelles choses ayans
entendues, cex Seigneurs ont levé l'oreille plus (jue jamais, prenans
bonne augure encores de ce qu'il leur escripl louchant lallaire du
chastellain de Carail -, pour avoir esté prins comme mieulx sravez;
disans (jue par telles petites menées se pourroyt dresser ([ueUjue
guerre entre Leurs Majesté/., laquelle ils aymeroyent trop mieulx que
eslre tousjours ainsi en suspens souhz umbre d'une paix fourrée de la
part de l'empereur. Et escript pareillement icelluy Fidel que ledict
marqui/. disoyt que si l'empereur ne mandoyl bientost argent, qu'il
n'y auroyt ordre de tenyr, non seullement Millau, mais nul aultre lieu
quel qu'il soyt de la duché; et qu'il blasmuyl beaucoup la tardilé de
l'empereur. Et aussi comme domp Terrant de Oonzagues^ avoyt dict
à André Doria ', qui voulloyt aller en Levant, (ju'il n'y allast point; car
par advenlure, cella seroyt cause de destourbcr la trefve que de jour en
jour l'empereur attendoyt, et de irriter le Grant Seigneur : le exortant
d'aller du cousté de Affricque, pour n'estre point oysif. Toutesfoys ces
Seigneurs ont eu advys ([u'il s'en revient à Gennes, et ce pour la
jallousye et suspeçon qu'il a eu de la traicle de bledz que le roy a
donné aux Gennevoys^; et les aultres dyent que c'est pour s'aprocher
de l'empereur. Semblablement, cez Seigneurs ont eu nouvelles d'aullre
cousté comme domp Ferrando de Gonzagues, vice roy de Sécile,
n'estoyt en guières bon prédicament avecques l'empereur; et qu'il
estoyt pour se partyr bien tost de son service à cause de quelques mal-
versacions qu'il a usez en l'adminislracion de sa charge en Sécile.
« Monseigneur, par lettres que cez Seigneurs ont receues de leur
ambassadeur prez l'empereur, ont entendu entre aulires choses comme
icelluy empereur, luy tenant propos, a prommys les plus grands
parlys et meilleures asseurances qu'il est possible au monde, pourveu
i. Toscane.
2. Carn;.'lio, l)oiirg du Piémont, siliic sur la Grana. à 10 kilonu-lres de Coni. Le
vieux cliàloau couronne encore aujourd'hui la colline qui domine la ville.
3. Ferdinando 11 di Gonzaga, fils de Gian-Francesco 11 di Gonzaga, marquis de
Mantoue, et disahelia d'Esté, né le 28 janvier 1501. mort à Bruxelles le l" no-
vembre l.">;j7. .\près avoir il'abortl servi sous le connétable de Bourbon, son cousin
germain, et sous le prince d'Orange, il commanda les troupes impériales en Italie,
aux Pays-Bas, en Hongrie et contre les Turcs. Après s'être distingué dans l'expédi-
tion de Charles-Quint contre Tunis, en 1.J35, il fut nommé au retour vi<"e-roi de
Sicile. En 153'.», il avait acquis le comté de Guastalla, que l'empereur détacha pour
lui du Milanais en 1541. Il succéda, quatre ans plus tard, au marquis del Vaste
comme gouverneur <lu .Milanais.
4. .Vndrea Doria, célo!)re amiral, né à Oncglia, dans le golfe de Gènes, le 30 no-
vembre 14G,s, mort à Gènes le 15 novembre 1500. Issu dune des plus anciennes
familles de Gènes, il avait servi dans sa jeunesse plusieurs princes d'Italie. Rentré
dans sa patrie en 1503. il fut tour h tour généralissime des galères de Gènes, de
François I", de Clément Vil, de François I" et de Charles-Quint, au service du(iuel
il entra définitivement en 152S.
5. Génois. On retrouvera plus loin le même mol dans la même acception.
■JLILI.ET i'6io] GUILLAUME PELLICIER 27
que entre eulx ne soyt rien rétracté des capitulacions quilz ont
ensemble pour la ligue faicle par eulx, et nommément quant appartient
au secours de la duché de Millan; et que quant aux pertes, dom-
maiges et intérestz qui, es aflaires de ladicte ligue, leur pourroyent
estre entrevenu/, il en seroyt récompensateur si largement, que ne
leur toucheroyt rien pour leur quote part, et que le tout tourneroyt
sur luy. Et quant au traicté et party de Crémonne et de la Gieradade,
que au premier jour il se résouldroyt et leur en feroit tel party qu'ils
auroyent occasion de s'en contenter.
(( Monseigneur, sur le poinct que voulloys serrer la présente, l'on a
eu icy nouvelles que, nonobstant quelques conclusions de paix que ayent
cez Seigneurs avecques le Grant Seigneur, Barberousse ' avecques
soixante gallères tenoyt assiégée une isle de cesdicts Seigneurs
nommée Thinos *, en Tarchipellago, prez de Gio '. »
Vol. 2, r^ 13 V, copie du xvi*' siècle; 2 p. 1/4 in-f°.
1>ELLIC1ER A M. DE TULLE.
13. — [Venise], 22 juillet 1540. — « Monsieur, par les dernières
lettres que vous ay escriptes du x° de ce moys, vous ay faict entendre
comme avoys receu les mil escuz et baillez à mcssire Eparcho, qui
pareillement m'a deslivrés les livres contenuz au mémoyre que je vous
en ay envoyé, et davantaige; et aussy la responce qu'il m'a faicte pour
en aller chercher. Desquels vous mande présentement ung petit inven-
taire pour vous faire aparoir qu'il ne est si despourveu de telle faculté
qu'il soyt pour aller chercher à l'aventure. Dont ne vous en feray aul-
cune répéticion; seulement vous pryerai nous y faire responce le plus
lost qu'il sera possible et ensemble de ce que auray à faire avecques
messire Demetrio Zeno, duquel vous ay semblablement escript et
mandé l'inventaire, qui avoyt eu charge de feu M. Fondulus d'aller
trouver des livres grecz, car il me recherche fort de luy donner résolu-
cion de la vouUenté du roy. Je ne faulx, oultre tous les livres qui se
1. Kheïr-ed-Din Barberousse, frère aine de Yacoiib-Raïs Aroiidj, et le véritable
fondateur de la régence d'Alger. C'étaient, ainsi que leurs frères Elias et Ishac, en
dépit des nombreuses légendes, les fds d'un potier ou plutôt d'un pêcheur de
Mételin. Pour venger la mort d'Elias, mort dans un combat avec les chevaliers de
Saint-Jean de Jérusalem, les trois frères s'étaient faits corsaires. A la mort
d'Aroudj, tué par les Espagnols en 1518, peu de temps après Ishac, Kheïr-ed-l)in
lui succéda, rendit hommage à Sélim 1" et fut le premier pacha d'Alger jusqu'en
août 1533, époque à laquelle il remit le gouvernement de la régence à son khalifat
lïassan-Aga. En 1535, Suleyman V le nomma grand amiral de la Porte, poste qu'il
conserva jusqu'à sa mort arrivée le 4 juillet 1546. Il était âgé d'environ soixante-
seize ans (H.-D. de Grammont, Histoire d'Alger sous la dominalion turque; Paris,
Leroux, 188", in-8'').
2. Tinos, île de la mer Egée, une des Cyclades.
3. Chio, île de l'archipel grec, près de la côte occidentale de l'Asie Mineure, dont
elle n'est séparée que par un étroit canal. Les Génois la possédèrent de 1346 à 1566,
époque où les Turcs s'en emparèrent.
28 AMItASSADE DE [jlILI.ET 1540
peulvenl avoir pour argent, à faire escripre les aullres que puys recou-
vrer par le moyen de mes amysdes njeilleures librairies de ceste ville;
et pour ce faire je tiens ordinairement à gros gaiges et despence quatre
escrij»vains grec/., de sorte (juc j'espère avecques le temps en taire
amas d aussi bons et rares que à raventure se pourroyent trouver en
plusieurs aultres lieux. Et si suys tous les jours aprez pour me informer
où l'on en pourra recouvrer de siugulliers; d(jnt entre aultres ung mien
amy (jui se tient h Ilaguse, nommé messire Nicolao Pretreo, fort docte
en lettres grecques, lequel, pour la granl cognoiscence et amytié que de
longue main est entre nous deux, mesmement du temps que estoys à
Rome ', m"a escript dcpuyspeu de jours qu'il en faira toute dilligence,
et selon qu'il en trouvera me le fera sçavoir. Pareillement passant par
icy ung prieur * de convenl des chartreulx qui demeure en Calabre,
voysin de la Marjun Clrcria \ m'est venu veoyr pour la bonne cognois-
sence que paravant avions ensemble. Lequel jadiz à Romme, avecques
ledict messire .Nicolao Petreo, qui a aprins son grecaudict pays, m'avoyt
assuré que audict pays s'en pourroyt recouvrer d'aussi rares et en
aussi granl babondance que en quelque aultre pays que ce fusl, me
offrant faire son debvoir d'en recouvrer; qu'il m'a promys. Et si m'a
dict davantaige que entre aultres il y a ung gentil liomme en ce pays
là fort grand serviteur de S. M., qui en est très bien fourny; lequel,
entendant ([ue le roy a plaisyr en telle chose, ne fauldra lui en mander
des meilleurs et en assez bonne quantité. Dont je vous ay bien vouUu
■ adverlyr affin que se voyez que bien soyt et quant vous viendra à
propos en veuillez adverlyr S. M. Et pour ce que je congnoys que icelle
a plaisir de veoyr et congnoistre toutes ciioses nouvelles et rares,
mesmement de arbres et herbes*, trouvant la commodité, n'ay failly
donner charge à aulcuns marchans qui alloyent en Candye ', Surye ^ et
Alexandrye d'Egiple", qui sont mes amys, les pryant m'en envoyer de
toutes sortes qui se treuvenl en ces pays là". Dont de la plus part leur
1. Pellicier séjourna à Rome de 1534 à 1537, alors qu'il était en instance pour
obtenir la translation de son évêchc t\ù Mapiiclonnc à Montpellier, qui ne lui fut
accordée qu'en 1536 par une bulle de Paul IJl.
2. « Soin, qu'il fui baillé audit prieur chartreux une monstre des heures d'or-
loge, pour présenter audit gentilhomme; laquelle fut achaptée quinze escuz. •
3. Grande Grèce. On sait que ce nom fut dunné. par les anciens, à l'Italie méri-
dionale à cause des nombreuses colonies grecques dont ses rives furent couvertes.
4. « Sola, que à cause de ces arbres et herbes furent faictes plusieurs despences. •
5. Candie, ville principale de l'ile de Crète, qui a donné son nom à l'île tout
entière. Venise y faisait un rommeroe très actif de grains, coton, miel, huile et
surtout de vins dits de Malvoisie, qui étaient fort estimés.
(•). Syrie.
T. Alexandrie ilÉgyple, pour la distinguer de la ville d'Alexandrie d'Italie, fondée
en Piémont au xu" siècle en l'honneur du pape Alexandre 111.
8. C'est ainsi que Habelais avait envoyé d'Italie, quelques années plus tôt, à son
ami Etienne Dolet, la recette du Garum des anciens, et à Geoffroy d'Eslissac, évèque
de .Maillezais, des fleurs, des légumes indigènes ou acclimatés en Italie, mais encore
inconnus en France, tels que melons, artichauts, œillets d'Inde.
[juillet ib40] GUILLAUME PELLICIEIl 29
ay baillé mémoyres. Et jà pour oxpérimcnler s'ils pourroyent venyr
en ces pays de deçà, j'ai faict planter plusieurs simples en mon petit
jardin, comme de la colocasia^ et aultres, lesquelz à force d'arroser et
cultiver non seuUcment ontprins, mais se trouvent très bien; et aussi
des plans de malvoisye ^ et aultres singullièrcs espèces de vignes, qui
jusques icy se portent bien. De sorte que si l'automne ne leur faict non
plus de dommaige qu'ils ont eu jusques à présent, ilz se pourront
conserver et en feray apporter davantaige qui seront prins de la meil-
leure et plusparfaicte malvoisye de Candye. Car vous, qui congnoissez
la nature de ce terrain, à mon adviz ne serez hors d'op])inion que
toutes ces choses ne puyssent aussi bien prendre et fructitier es pays du
roy, et en plus grant partye et avecques le temps par adventure le tout,
que icy. Vous verrez, si le trouvez bon, d'en tenyr quelques propoz au
roy, et de tout ce que dessus je vous supplye me faire faire responce
afin de persévérer si S. M. l'a agréable; car, oultre la principalle
charge pour laquelle je suis icy, je m'efforce de trouver tous moyens de
luy agréer et donner plaisyr qu'il m'est possible. »
Vol. 2, f« 14 v°, copie du xvi° siècle; i p. 2 3 iu-f".
PELLICIER A BOCIIETEL '.
14. — ■Venise], 22 juillet 1 540. — Pellicier accuse réception des
dernières lettres du roi et du paquet adressé à Rincon.
« ...VA davantaige ne vous sçauroys dire grant chose sinon que M. Sac-
cus, président de Millau *, s'est trouvé fort esmerveillé que depuys le
XXV" d'ottobre mV' xxxix, environ quatre heures de nuyl, qu'il se assembla
la première foys avecques sa femme, luy ayt produict une tille le
1. Le Colocasiu, de la famille des aroïdées, eini)loyé aujourd'hui comme planlc
«l'ornement. Il est surtout cultivé en Egypte, dans la vallée du Nil, mais on le
trouve également dans d'autres terres méditerranéennes, notamment dans le sud
de l'Espagne, oii iT croît presque naturellement.
2. Ce vin liquoreux, fort estimé dès le haut moyen âge — on se souvient de la
fin singulière et légendaire du duc de Clarence en 1478, — ■ lirait son origine des
célèbres vignobles de Napoli de Malvoisie, en Morée, fondée à l'époque des Croi-
sades, aujourd'hui Monembasia.
3. Guillaume Bochetel, seigneur de Sacy, secrétaire d'État et des finances, greffier
de l'ordre du roi, mort en 1358. Issu d une famille de secrétaires royaux, origi-
naire du Berry, il était fils de Bernardin Bochetel, secrétaire du roi, et pelit-fils du
fameux surintendant Florimond Robertet. Il avait épousé Marie de Morvillier, soeur
de Jean de Morvillier, qui fut plus tard ambassadeur à Venise.
4. Giacomo-Filippo Sacco ou Sacchi, «l'Alexandrie, président du sénat établi à
Milan par Louis XII en vertu d'une ordonnance datée de Yigevano, le 11 novem-
bre l'/J'J. Cette assemblée comprenait un président et dix-sept membres : soit deux
prélats, quatre chevaliers et onze légistes, dont cinq français et six italiens.
Filippo Sacco en était président depuis lo29; il mourut vers l'jii (V. Orazio
Landi, Senatus tnediolcniensis, Milan, 1637, in-4", et Fiollet, Élude historique sur
Geoffroy Caries: Grenoble, 1882, in-S").
30 AMBASSADE I)E JUILLET lo40]
xiiir jour do apvril mv'"\l. Dont :i mandé icy etàHoiilloignn « à consulter
au colliùge des docteurs si ludiclo lille est sienne cl si est pour vivre,
et si doibt estre tenue pour léj^itinie. Lesquels tous, après s'estre bien
travaillez, entin quasi la plus granl partye s'est inclinée à loppinion
que, n'estant de sept moys, ne pourroyl survivre; et daventure qu'elle
survesquist, ne l'estiment point légitime ne de sept moys, ains de neuf.
Je ne vousescriptz ces nouvelles, sinon par faullc d'aullres meilleures,
et aussi que le seigneur méritte bien (juc tous les serviteurs du roy
luy dienl le prof/icitit tout ainsi (ju'il a mérilté et est affectionné à S. M.
Au demeurant, Monsieur, je vous prye bien Tort faire tenyr seurement le
pacquetcjui s'adresse à mon homme le prieur de Sainct-Pol*, car il m'est
d'importance pour aulcuns miens alVaires particulliers. Et pareillemeut
si ledict Sainct-Pol vous chargeoyl de (quelques lettres, il vous plaira
me les envoyer seurement... »
Vol. 2. P lo, copie du .\vi« siècle; 1 p. iii-f'.
PELLICIER A M. DE LANGEV.
15. — l'cnise , 24 juillet 1 540. — Pcllicier accuse réception de ses
lettres des t\ juin et 3 juillet, lui annonce qu'il a reçu la lettre de
Rincon du 1(5 juin, et lui donne les nouvelles contenues dans les lettres
au roi et au connétable, du 22 juillet.
Vol. 2, f" 15 v^, copie du xvi'' siècle; 1/4 p. in-r*^.
PELLICIER A RABELAIS ^.
16. — 1 l'e/Jise], 24 juillet 1 540. — « Monsieur, je ne vous escripviz
point dernièrement, tant pour la presse que j'avoys que aussi pour ce
que ne avoys receu aulcune lettre de vous, ne sçavoys argument méri-
1. Bologne, célèbre par son universilé, la plus ancienne de l'Italie; elle avait été,
disait-on, fomléc en 425 par l'empereur Théodose, et l'on y compta jusqu'à
12 000 étudiants.
2. Le prieur de Sainl-Pol, prolonotaire apostolique, seml>lo avoir joué le rôle
d'intendant auprès de Pellicier; chargé deux ans plus lard d'une mission diploma-,
tique auprès de la Porte, il fut assassiné par les Impériaux. Une déiiêche de William
Papet. résident d'AnpIeterre à Paris, du 10 février 1542, en fait à tort, croyons-nous,
le projire frère de Pciliiier [Stafe paprvx. t. VIII, o° partie. 1537-1542, p. 657).
3. « A Mons'. le docteur Rabotai/. » — François Rabelais, né à Chinon, vers 1495,
niorl à Paris vers 1553. Rabelais résidait alors à Turin, où il était attaché en qua-
lité de médecin et de secrétaire intime à la personne de Guillaume du Bellay, sei-
gneur «le Langey et gouverneur du Piémont. — Cette lettre a été publiée, ainsi que
les deux autres des 17 octobre I5'i0 et 20 mars 1541. par l'abbé Verlaque, dans la
Revue des Socirlés savantes (décembre 1869, t. X) et par .Si. Louis .Moland, au tome VII,
p. Liv, des Œuvres de Rabelais (collection Jannel-Picard. 7 vol. in-16), mais avec
une quantité do contresens cl d'omissions ([ui eu rondont la lecture presque incom-
préhensil)le. M. Marty-Lavcaux, dans son édition de Rabelais (Paris, Lemerre.
6 vol. in-S°), a suivi la même version fautive.
[juillet 1540j GUILLAUME PELLICIER 3|
tant vous faire entendre. Ce néantmoings, pour m'entretenyr tousjours
que puyssions avoir nouvelles Tung de l'aullrc, n'ay point vouUu dis-
continuer de vous escripre ; et pour n'avoir à présent meilleure matière,
vous ay bien vouUu advertyr de ce que nous avons icy, touchant cer-
taine consultation que me semble appartenyr pour vostre proffession
et suflisence à vous. C'est que messer Pliilippus Saccus, président de
Millan, a mandé icy et à Boullongne à consulter aux colliéges des doc-
teurs, si une fille que luy est née est sienne? et est pour vivre? et si
doibt estre tenue pour légitime? et ce d'aullant que, du 1539 le
XXV* d'octobre à quatre heures de nuyct avant la pleine lune, se
assembla la première foys avecques elle : or, du 1540 le 13 d'apvril,
sadicte femme luy a faict una puta; perche si disputa si cest enfante-
ment est de sept moys? et s'il est pour vivre? et est légitime? Tous les
docteurs se travaillent, mais en somme quasi la plus grant partye se
incline à l'oppinion qu'elle ne soyt point de sept moys; par quoy ne
pourroyt survivre, et advenant d'aventure qu'elle survesquist ne l'esti-
ment poinct légitime ne de sept moys, ains de neuf, a la barba del
signor presidenle. A Boullongne sont encores ceulx qui attendent la
résolucion dudit coUiége. Ce néantmoings certains icy treuvent, tant
pour la raison d'Hippocrates comme de Aviceua ' et de Pline, que cest
enfantement peult arriver au septimestre et par conséquemment estre
vital et légitime. Et tous leurs fondemens sont que les anciens, non
seullement Hcbrieux ^, mais Arabes et Galdiens '\ content leurs moys
selon le cours et pérégrinacion de la lune, et selon icelle considéroyenl
le temps de l'enfant. De sorte que toutes et quantes foys que à ung
enfantement se trouvoyent sept lunes, ilzle tenoyent pour septimestre,
comme se peult veoir par ce que Pline en escript en son livre sep-
time au chapitre V *, et en Hippocrates, au livre De seplimesiri parla,
nonobstant que ledict livre soyt courrompu en ce lieu là, et par ainsi
mal traduict par messer Fabio de Ravena °. Je auroys bien à plaisyr
que vous m'en mandissiez vostre adviz, d'aultant que la chose de soy
mesmes est digne d'estre examinée, et le seigneur méritte bien que
les serviteurs du roy lui dyent le proffîciaf, tout ainsi qu'il a mérilté et
est affectionné à S. M. »
Vol. 2, f" 16, copie du xvi'= siècle; 1 p. in-f".
1. Ibn-Sina, vulgairement appelé Avicenne, célèbre médecin arabe, né en août 980,
mort en juin 1037, auquel on doit de nombreux traités dont les traductions hébraï-
(jues et latines abondèrent pendant tout le moyen âge.
2. Hébreux.
3. Chaldéens.
4. Septimo non nisi pridie posterove plenihinii die, aut interlunio concepti nas-
cuntur. )> {Œuvres de Pline l'Ancien, édit. Lemairc. Paris, 1827-1832, 11 vol. in-S";
t. 111, p. 51. — [list. nat., liv. VII, ch. iv).
0. Fabius de Ravenne, traducteur d'Hippocrate.
32 AMBASSADE DE [jUJLLET 1540]
PELUCIER A lUNCON.
17. — [ IV/i/se], 5.5 juillet lôlO. — <> Monsieur, ne voulant jamais
perdre aulcune occasion de vous escripre, ayant trouvé la commodité
d'un briganlin qui se partoyt pour Raguse, vous ay bien voullu donner
advi/ de ce <iui est survenu depuys les dernières lettres (jue vous ay
escriples du xir de ce moys, et envoyé ung pacquet du roy par ung de
mes gens expressément jusques à Haj^use. Depuys lesquelles n'ay receu
aulcunes nouvelles de la court, par quoy ne vous en puys mander;
dont retourneray à vous dire plusieurs discours que on a faict sur le
propoz que vous ay dernièrement escript, touchant amy de l'amy et
ennemy de Tennemy.... »
Pellicier s'étend ensuite, dans les termes de sa lettre au roi, du
22 juillet, sur les incertitudes de In politique vénitienne et les agita-
lions du grand conseil.
« Et si vous diray davantaige que ayant entendu cez Seigneurs
eslre en très grand suspeçon que par vostre moyen et pourchaz
les baschaz leurs feissent telle demande, — ce qui m'a esté con-
firmé par certains propoz non accoustumez que m'a tins ung dez
principaulx d'entre eulx, — me sembla, et aussi à plusieurs aultres
bons serviteurs de S. M. qui sont icy, estre requiz que je allasse à la
Seignorie pour remonstrer à cez Seigneurs qu'ils povoyent estre très
bien asseurez ([ue jamais le roy n'a point faict porchasser cecy, ne vous
ne aultres ministres de S. M. n'en avez faict aulcune instance ne
parolle. Ce que ay faict avecques les plus apparentes causes, raisons
et tesmoingnages que m'a esté possible. Lesquel'/ à l'acoustumée en
termes généraulx n'ont faict responce et démonstré n'avoir jamais
pencé ne doubté en cecy. Je verray par cy aprez d'entendre mieulx
ce qu'ilz en tiennent. Et cependant ne larray à vous dire que qui les
vouldroyt contraindre à ce poinct, il y auroyt danger que ce seroyt
plus tost pour les faire despérir et se habandonnerà quelque plus gros
meschef (pi'ilz ayent jamais esté, que par ce moyen estre conduictz à
quelque bonne entreprinse. A ceste cause, par vostre bon sens et pru-
dence adviserez d'en faire selon ce qu'il vous apperra lafTaire pour
estre d'importance à S. M., et me advertyr de ce que congnoistrez pou-
voir valloir au service de noslre commun maistre. »
Pellicier reproduit alors les nouvelles contenues dans la lettre au roi
du 22 juillet, concernant l'ambassadeur de Venise auprès de l'empe-
reur, le congé de Lodovico di Gonzaga, la mort de M. de Saluées, la
retraite d'Andréa Doria, et « le maulvais prédicament de Gonzages,
vice-roy de Sécile ».
Vol. 2, f" IG v°, copie du xvi^ siècle; I p. Wl't in-f".
[juillet 1540] GUILLAUME PELLICIER 33
l'ELLlCIER AU MÊME K
18. — Venise,. 30 Juillet 1 540. — « ... Eu attendant nouvelles de plus
grant importance, n ay voullu obmettre à vous faire entendre comme
il y a troys jours que receuz lettres du roy escriptes à Meudon,
le vu- juillet; mais les meilleures nouvelles que vous en puysse dire,
c'est sa bonne santé, Dieu mercy, et que au partyr de là, s'en alioyt
faire ung voyaige en Normandye, me donnant charge faire entendre
la grande amour et affection à ceste Seigneurie qui luy porte plus que
jamais; et combien il a esté satisfaict et a eu à plaisyr les bons et
agréables propoz que luy a tenuz M. l'ambassadeur de cez Seigneurs,
mesmement touchant l'obligacion qu'ilz recongnoissent à S. M. pour
le faict de leur paix avecques le Grant Seigneur, se louans grandement
des bons oflices que y avez faiclz. Et en mesme substance m'cscript
monseigneur le connestable. Et M. de Langé davantaige me faict
entendre que le marquiz du Guast se vouldroyt bien saisyr du mar-
quizat de Monlferrat; toutesfoys que ce n'estoyt pas l'intencion de
M. le cardinal de Mantoue, tuteur du jeune duc. Il m'escript aussi que
à la court y avoyt ung ambassadeur du duc de Clèves "- pour le
maryage de son maistre en quelque maison de France que jusques à
présent n'ay encores peu sçavoir. Et, par ce que on povoyt congnoistre,
ne tiendroyt à luy que ladicte alliance ne se feist; et que les estatz
proteslans ne arresteront encores chose quelconque avecques l'empe-
reur que premièrement l'on ne leur ayt osté toute espérance de s'en-
tretenyr avecques le roy. J'ay pareillement receu les vostres des m
et VI" de ce moys le xxviii" dudict moys, me advertissant de l'arrivée
de messire Vincenzo Mazio et du seigneur de Vaulx " à Constantinople,
1. « Escript ccdil jour à M. l'arcevesque de Raguse auquel a esté mandé ne
envoyer le pacquet du seigneur Hincon expressément. »
•1. Guillaume le Riche, fils de Jean IIl, duc de Clèves, de Berg et de Juliers. Né le
28 juillet lolij, il avait été reconnu duc de Gueldres par les Étals du pays, ilu
vivant du duc Charles d'Egmont. le 27 janvier 1538. Jl succéda à son père le 6 fé-
vrier ];î;]'J; épousa, le 18 juillet l.'UG, Marie d'Autriche, fille de Ferdinand \", et
mounU le 2o janvier 1592. Les ambassadeurs du duc de Clèves, chargés de négo-
cier une alliance avec la France, étaient le conseiller intime Jean GogralT, le maré-
chal du palais Hermann de Waclitendonck et le docteur Hermann Kreuzcr. Leurs
pouvoirs sont datés de Dusseldorf, le 21 juin 1540 (V. Ribier, loc. cit., p. 529).
3. Jean-Joachim de Passano, seigneur de Vaux, gentilhomme italien de])uis long-
temps au service de François P^ qui utilisa ses talents de diidomate en lui con-
fiant plusieurs importantes missions. Conseiller du roi et maître d'hôtel de sa
maison, il occupa le poste d'ambassadeur en Angleterre pendant toute l'année
1520; fut envoyé en mission en Italie auprès de Lautrec à Plaisance, Parme, Gènes,
Ancône et Naples (juin-juillet 1528); puis renvoyé de nouveau en Angleterre, du
0 janvier 1530 au 31 janvier 1531. François 1"% par lettres données à Rouen le 27 fé-
vrier 1532, l'expédia encore à Londres pour i)orter une coupe d'or à Etienne Gar-
diner, évèque tle Winchester et aml)assadeur de Henri YllI en France, qui avait
pris congé et quitté Rouen « avant que la coupe eust esté parfaitte ». Enfin, le sieur
de Vaux avait rempli les délicates fonctions de résident à Venise, depuis 1536
Venise. — 1540-1542. 3
34 AMBASSADE DE [JUIU.ET 1540,
et, comme bienlosl aprez debvie/. dépescher ledict seigneur de Vaulx
pour s'en revenir avecques entière salislacinn et contentement de ce
que S. M. vous avoyt mandé : ce que luy leray sçavoir par ma première
dèpesche, que sera demain comme j'espère, qui en aura à mon advi/.
grani plaisyr. Car, ad ce qu'il m'escript, il a grant désyr de s.;avoir des
nouvelles du cousté Ui où vous este/., dont m'a chargé ', soubdain que
en auray, les luv faire sçavoir... » Pellicier présume (lue les dépêches
de Uincon des i(» et 15 mai ont été perdues par le courrier, et non
point retenues par le Sénat de Uaguse, comme le courrier s'en est
excusé à Rincon. Car, « comme m'a dict et assuré M. l'ambassadeur de
Uaguse, ([ui est icy, m'en condollant encores ce matin avecques luy, il
ne se trouvera jamais que le Sénat ayt faicl ...lia; car n'ont telle
ordonnance ou coustume de ce faire, et que, quand tel cas auroyt esté
faict, plus tost seroyt venu par Zenobio Barlholi, llorentin, maislre
des courriers de ladicle nation, que par aullre publicque ou privée
personne de leur estât. El que n'est pas vraysemblable que ceulx qui
oui paix cum oinuibus hominibus, jusques avecques inlidelles, se voul-
sissent si fort mesfaire ne mesprendre contre ung si grant seigneur
et leur bienfaicteur comme le roy ou à ses ministres. El qu'ils auroyent
plus losl commencé à ce faire par le passé que à présent... Sur .[noy
j'ay esté adverly comme messire Francesco Léon avoyt eu lettres de
"Conslanlinople du xvii^ ou xviir juing, par lesquelles avoyt adviz ([ue
entre Andrinopoli ' cl Raguse avoyt esté tué ung courrier venant de
Conslanlinople qui apporloyt plusieurs pacquel/, èsquelz en l'ung y
avoyt grant quantité de joyes =» et pierreries, qui fut occasion de ce.
Dontaulcuns se vouldroyenl doubler que lesdicls pacquel/ ne fussent
esté entre ses mains, et par ce moyen perduz. Si trouvez bon dores-
navant de me faire sçavoir le nom du courrier que vous dépeschere/
pour me faire lenyr voz lettres, et le lieu où il se tient et habille, il me
semble que quant il arriveroyt une aullre foys tel inconvénient, que je
auroys meilleur moyen de pouvoir sçavoir que seroyent devenuz voz
pacquectz.
« Monsieur, quant aux nouvelles de par deçà, je vous diray comme
sont venues icy lettres de la court du roy Ferdinando, du xiii'^ jour de
ce moys, par lesquelles l'on entend que le seigneur Laski ' en estoyt
jusqu'à celle «laie de jinllel lo40, à laquelle il fut envoyé à ConsUinlinople p-iur
traiter du rachat des captifs cl des navires saisis j-ar los Infidèles. (B. >., ms. Ulai-
rambault li>i;>. f" <>:? et suiv.).
1. « Nota, par la lettre du roy du T juillet, à Meudon. ■•
■1. Andrinople. la seconde capitale de ICmpiro ottoman.
3. JovaUX. , ^ , I ; ne 11
4 Jérôme .le Laski, palatin <le S/.iria.l, né à Lask. en Pologne, vers 1 ».)6. Il
.-•lait rainé .le trois frères, .lean cl Stanislas, .p.i jouèrent tous un rôle «lans la
.lipl„malie .le leur temps. Elevé à Cracovie dans le palais de son oncle, archevêque
de Gnesen, primai el chancelier <lu royaume, il étudia successivement aux univei-
[JUUJ.ET i;j40] GUILLAUME PELLICIER o-
party avecques Tranquilo pour retourner en Constantinople pour
suyvre le faict de leur trefve. Et que avant son partement il a laict
démonstration d'espérer tant de sa laveur à la Porte, que non seuUe-
ment il se promettoyt povoir tout en sa oliar^^c principaile et affaire de
son maislre, mais en povoir départir encores à cez Seigneurs présen-
tant à leur ambassadeur faire tous telz offices et eflectz que pour son
propre maistre, comme s'il estoyt tout asseuré en son afiaire, se tenant
et reputant ainsi qu'il disoyt leur subject et serviteur, pour estre né
soubz leur estât de Dalmatia. Pareillement sont aussi venues lettres
de Naples, du xx" de ce moys, par lesquelles l'on entend que André
Doria estoyt party de Sicile pour aller à Tlmnis, pour auitant qu'il
estoyt venu nouvelles que deux cappitainesd'Allarbes ', voysins dudict
Thunis, s'estoyent esmeuz et faictz maistres de tout l'environ du pays
dudict Thunis. Par quoy se doublant icelluy Doria, tant pour leur
grande puissance, qui se monte bien de soixante mil hommes, que
pour le peu de faveur et bénivolence que le roy dudict Thunis a avec-
ques ses subjectz, qu'ilz ne prennent ladicte place, faict bruyct avoir
entreprins ledict voyage. Je ne scay pourtant si ce seroyt pour dissi-
muler et couvryr la jalousye et suspeçon qu'il pourroyt avoir conceue,
ainsi que je vous ay escript par mes dernières, pour la traicte des
bledz que le roy a accordée aux Génevoys, et par ce moyen s'en aller
à la volte de Gennes, et se tenyr aux environs pour assayer de
descouvryr s'il y auroyt quelques intelligences ou à l'aventure tenter
mettre à exécution quelque Iraicté duquel j'ay quelque sentiment que
Dieu garde.
« Monsieur, par lettres de Millau du xx^ de ce moys, l'on entend
sites de Cracovic et de Bologne et prit un instant du service dans les Irounes
vénitiennes, alliées de celles de la France (loll). Au printemps de 1320, le roi Si^is
mond lui confia une mission près de François I" et de Charlcs-Ouint, du duc Je'^.n
Frédéric de Saxe et de Marguerite d'Autriche, tante de l'empereur, régente des
1 ays-iJas; il se fit alors accompagner de ses deux frères dont Fun. Jean entra dans
les ordres et plus tard embrassa le protestantisme, l'autre, Stanislas, se mit au
service du roi de France.
Vers la fin de 1323, Laski eut une seconde mission en Allemaene en France et
en Italie Entré au service du roi de Hongrie, Jean Zapolva, Laski vint à Paris
et a Londres, au commencement de 1327, pour intéresser François l"-- et Henri VHI
à la cause de son maître. Envoyé par Zapolva comme ambassadeur auprès de la
Porte, a son retour de France, il y conclut, le 2y février 1520, le traité par lequel
Mileyman reconnaissait le roi Jean pour son vassal. H revint encore en France à la
lui de l.i31, et a Rome, pour y réclamer la médiation de Clément VII. En 1336, à la
suite d'intrigues de cour et probablement aussi parce qu'il commençait k douter de
sa fidélité, Zapolya fit emprisonner Laski; celui-ci, rendu à la liberté sur les
instances de Sigismond, se retira aussitôt près de Ferdinand et devint désormais
1 ennemi le plus acharné de son ancien maître. Ferdinand, par lettres datées du
3 septembre 1339, l'accrédita comme ambassadeur auprès de Sulevman. et il partit
pour Constantinople accompagné de Tranquillo qui avait quitté, comme lui le ser-
vice de Zapolya. Mal accueilli cette fois par la Porte, il était reparti de Haguenau.
au printemps de l'année suivante, avec de nouvelles instructions de l'Enifiereur'
\. Algarves, corruption du mot Algharb, qui signifie « le couchant ...
36 AMBASSADE DE JIII.LET la40]
comme le conle Philippes Tnuniier ', le inarqiii/. de Musq * et le cappi-
tain(> Sit;oi^;ne ' csloyent relounu'/ de la court, de l'empereur, kMjuel
il leur parlement leuravoyl enchargé qu'il/, se tinssent prestz, afin (jue
s'il esloyl hesoiiig Caire gens, souhdain en peussenl mettre en cam-
paigne tant qu'il en fuuldroyt, se doublant bien qu'il y auroyt guerre
par les approchez (jue S. M, en dcmonstroyt, à cause dez forliftications
et provisions (juil faisoyt faire, tant du cousté de Picardye que de
Piémont; toulefoys, <m"\\ estoyt plus tost résolu de l'attendre que de
nous rendre Testât de Millan, et qu'il estoyt totalloment deslibéré de
jamais ne s'en dell'aire, qui ne luy osteroyt par force, et que Ton
estoyt âpre/ avecques toute dilligence pour mettre vivres et municions
dedans les places où il y en a telle faulte que ladicte duché seroyt
en assez grant danger qui l'assauldroyt de présent. Et escript aussi
que ledict empereur presse faire alliance avecques le roy d'Angle-
terre * et avoir sa fille "' en mariage, puys que S. M. ne vouloyt plus oyr
parler d'aultres partys ne alliances; de quoy le roy avoyt totallement
refusé en oyr plus parler son ambassadeur qu'il avoit envoyé vers S. M.
<( Monsieur, j'ay reçu le pacquet que m'avez envoyé de Jehan
Pairat, cousin du sire Jehan de Farges, vous mercyant bien humble-
ment de la peyne et grande sollicitude que prenez ordinairement
pour la délivrance dudit de Farges, dont à tout jamais non seullement
luy, mais tous ses parents et moy aussi en serons obligés à vous priant
qu'il vous plaise continuer jusques à sa pleine liberté et deslivrance
s'il est possible. »
« De Vt')nzf. »
Vol. 2, f" 17, copie du xvi* siècle; 3 pp. 1/4 in-f".
PELLICIER AU ROI *.
19. — [Venise], 3 / juillet 1540. — Pellicier raconte au roi la
1. Filippo Torniclli. des Tornielli de Novare, comtes de Vallengin, comté réuni à
cchii de Neiirliàlel, en l.ï"9.
2. Gian-Giacomo dci Mcdicis.dil le Medichino, né à Milan en 1 i97. mort dans cette
ville le 8 novemlire lo55. Marquis de Maripnan, châtelain de Mus sur le lac de Ct^me,
il avait été d'abord au service de la France, mais fut bientôt gagné par les offres
de Charies-Qilint. lîrantùme lui a consacré une notice dans ses Grands cajiihiines
étrangers l^Œuvres complètes, édit. L. Lalanne; Paris, 1864-1882, 11 vol. in-S". t. I.
p. 291).
.3. Cifogna, cai>ilaip.e milanais. Le mampiis del Vasto lui confia une nouvelle
mission près de l'empereur, en juillet I5U (V. Calendar, Spanislt. lo3S-lo42, p. 337).
4. Henri VIll, né en 1 i'U. lils de Henri Vil Tudor, lui succéda en 1509, et mourut
en l.">4".
5. Marie Tudor, fdle de Henri Vlll et de Catherine d'.\ragon, née en lol6. Klle
monta sur le trône en l.ïo3, épousa Philippe II flEspagne l'année suivante, et
mourut en 1558.
6. « Escript ce dit Jour à M. Bouchetel. ■•
[juillet 1o401 GUILLAUME PELLICIER 37
démarche qu'il vient de faire pour dissiper certains soupçons de la
Seigneurie sur les vérital)les sentiments du prince :
« ...Sire, troys ou quatre jours aprez avoir faict ce que dessus, je
receu/. lettres de V. M., du \n° de ce moys, faisant mencion des bons
propoz que vous avoyt tenuz M. lambassadeur de cez Seigneurs tou-
chant leur paix avecques le Grant Seigneur, et de la responce que
V. M. luy avoyt faicte tant libéralle et amyable, ce que le lendemain
suyvant vostre commendement feuz déclairer bien amplement à ceste
Seigneurie avecques le meilleur efîoct qu'il me fut possible, et mesme-
ment que en tout ce que toucheroyt à V. M,, non seuUement au faict
de leurdicte paix, mais en tous aultres, elle vous trouvera tousjours
son meilleur amy et prest à luy faire tout le plaisyr que vous pourrez.
A quoy aprez vous avoir très humblement remercyé m'a faict responce
à Taccoustumée qu'ils en sont très bien asseurez, et qu'ils ne sont de
présent à le cognoistre, et expérimenter, et que pour l'advenyr ne se
attendent aultrement, me promettans que de leur costé ne fauldrontà
faire le semblable en tout ce qu'ilz pourront.
« Sire, j'ai pareillement receu lettres du seigneur Rincon du \i° de
ce moys, par ung courrier envoyé à cez Seigneurs de leur ambassadeur
en Constantinople, par lesquelles ne me faict entendre aultre chose
digne de faire sçavoir à V. M. sinon que le xx° du passé messire
Vincenzo Mazio et le seigneur de Vaulx arrivèrent en Constantinople,
se remettant à escripre plus amplement par ledict seigneur de Vaulx
lequel, environ le x ou xii'= de ce présent, debvoyt dépescher pour s'en
revenyr devers V. M., avecques l'entière satisfacion et contentement
d'icelle. Et par celles que cez Seigneurs ont receues de leurdict ambas-
sadeur du iiir dudict moys, s'entend comme icelluy Grant Seigneur
avoyt libérés tous les gentilzhommes véniciens, qui estoyent en la
tour de mer Maiour, excepté quatre; et quant aux robbes, ilz avoyent
promesse des baschaz par laquelle espéroyent les recouvrer. Et sans la
indisposition de gouttes qui tenoyent le Grant Seigneur et Lotphi Bey,
premier basclia, auroyent désja avancé beaucoup ladicte négotiacion;
mais obstant ce, et la longue demeure de Janezin, qui fut rencontré le
ix° de ce moys à Andrinopoly, laquelle començoit jà, non seullement
à ennuyer, ains à donner doubte ausdictz baschaz, n'avoyt rien peu
faire davantaige, combien que le seigneur Rincon et lesdictz Mazio
et de Vaulx ayent employé vostre faveur et pouvoir avecques leurs per-
sonnes pour les affaires de cez Seigneurs tant généraulx que particul-
liers, comme s'ils feussent mandez expressément pour ladicte Sei-
gneurie. De quoy leur ambassadeur se loue et contente si très tant
qu'il n'est possible de plus, ainsi qu'il escript, et dont cesdicts Sei-
gneurs s'en sentent tant attenuz qu'ils sont merveilleusement plus
disposez à vous faire toute chose agréable. Par quoy commencent à ne
trouver si dure et indigestible la demande et condition à eulx proposée
38 AMUASSADK DE [JUILLET lolOj
de atny <ie l'amy t'I ennemy dr reniiciiiy. A ceste cause, ainsi que
suys advcrty, sont à la rcciucste du Orant Soigneur pour accordor ce
poincl ail nom ol protlicl de V. M., pourveu tiiu^ par ce il/, ik- soyent
contrainclz à faire aullrc alliance avecques le (iranl Seigneur que
celle qu'il/, soulloyenl avoir auparavant la guerre avecques luy, cest
d'estre ses alliez et confédéré/., en sorte t(nit('sfoys que pour ce ilz ne
soyent contraincl/. luy donner ayde contre aulcuns clirostiens. Néan-
moins ont mande à Spalalro que s'il y envoyoyl quelques unt,'S pour
recouvrer les cent mil ducat/, chequins ' ainsi qu'ils avoyenl ordonné
et que vous ay jà escript, qu'il/, veissent de les recepvoir, acuillyr et
faire pins grant chère du monde, et les entretenyr jusques ad ce qu'ilz
en l'eussent advertys et eussent receues et approuvées les cappitula-
cions; car ne estoyent résolu/, aullrement bailler plus argent que leurs
choses de ladicte pai.K ne fussent establyes etasseurées.
« Sire, cliarchant ledict empereur tous les mf)yens à luy possibles
de attirer cez Seigneurs à sa dévotion, leur faict faire ordinairement
des plus belles offres par ses ministres dont il se peult adviser;
comme son ambassadeur % qui est icy puys quatre ou cinq jours, entre
aultres a faict le plus secrettemenl qu'il a peu à la Seigneurie, offrant
leur bailler Crémone et laGiéradade ainsy que vous ay escript, traic-
tant de la convention du prys et payement desdicts lieux à leurs
meilleures commoditez et partiz. Toutesfoys, à ce que puys entendre,
cez Seigneurs n'y mettent pas grant foy, estans assez aprins pour
le passé des belles desguyses desdicts ministres tousjours en rien
revenues. Pareillement par lettres que cez Seigneurs ont receues de
leur ambassadeur prez du roy Ferdinando ', ont entendu que le
seigneur Lasky s'en estoyt party avecques Tranquilo pour retourner
en Conslanlinople pour poursuyvre le faict de leur Irefve et qu'ilz
se promettoyent et presque asseuroyent venyr à bout de leur entre-
prinse.
« Sire, par lettres de Naples du .xx" de ce moys, l'on entend
1. Sequins.
2. Diego llurlado de Mendoza, comte de Tendilla. né à Grenade en 1503, mort à
Madrid en ['6T6. Accrédilo par l'empereur comme ambassadeur auprès de la répu-
blique de Venise, en 1538, il y résilia tout le temps de l'ambassade de Pellicier.
A la fois homme de yucrre, liistorien, littérateur et poète, llurtado do .Mendoza
fut successivement ciiargé de missions importantes à Rome, puis au concile de
Trente, et gouverna pendant si.x années, de Sienne, la Toscane avec une extrême
rigueur. Son Histoire de la f/uerrc contre les Muui-es de Grenade, son fameu.v roman
de Lazarillo de Tonnes, ses poésies ont fait de lui l'une des plus grandes gloires
littéraires de l'Espagne.
Rivai lie Pellicier, il recherchait avec une égale ardeur les livres et les manus-
crits, et correspondait avec les savants les plus illustres de l'Italie; Paolo .Manu/.io
lui dédia la première partie de la Philosophie de Cicéron (Venise, loti). Sa belle
collection de manuscrits grecs fut léguée par lui au roi d'Espagne et fait aujour-
d'hui partie de la biiiliothèque de l'Escuriai.
3. Marino Giustiniani.
■"JUII.LKT 1!140] GUILLAUME PELLICIER 39
que André et Janctin Doria' ostoyent partys de Sicile pour aller
à Thuniz, pour aultanl que il estoyl venu nouvelles que deux cappi-
laines d'AUarhes voysins dudic!, Thuniz s'estoyent esmeuz et mutinez
et avoyent faict ung exercite * de soixante à septante mil Ipommes,
lesquelz ayans intelligence avecques le Grant Seigneur sont entrez
au pays de Thunis, duquel se sont faictz maistres. Par quoy, se
doubtant iceulx Doria, tant pour leur puyssence que pour le peu de
faveur et grâce que le roy dudict Thuniz' a avecques ses subjectz,
qu'ils ne prennent ladicte place et aultres terres, a cntreprins faire le-
dict voyage. Et encores par aultres lettres de Naples d'aulcuns parti-
culliers s'entend pour tout certain que le vice-roy de Naples * a faict
publyer et cryer que quelconque personne qui vouldra achepter
dommaine, routes, places, seignoryes et aultres biens deppendens du-
dict royaulme et de Sicile se retirent vers luy, car il a toute ample et
suffisente puyssence pour les deslivrer à priz raisonnable; et par ce
que l'on peult entendre l'empereur cherche de faire par tous moyens
le plus grant amas d'argent qu'il peult. »
Vol. 2, f" 19, copie du xvi° siècle; 2 pp. 3/4 in-f». — B. X., ms. Dupuy 264,
f" t-JO, original signé; 3 pp. in-fo.
PELLICIER AT- CONNÉTABLE.
20. — [Venise], 3 J juillet 1540. — Pellicier rappelle les nouvelles
contenues dans sa dépêche au roi, que la Seigneurie a reçues le 20 de
ce mois de Fedeli, son « secrétaire » à Milan.
...« Monseigneur, j'estime que mieulx sçavez la coustume des ambas-
sadeurs de cez Seigneurs venans de leur commission estre que inconti-
nant eulx arrivez icy s'en vont au sénat faire récit du progrès et succez
de toute leur négociation. Ainsi continuant a faict dernièrement messire
Petro Monsenigo ^ naguières ambassadeur ordinaire vers l'empereur,
1. Gianncltino Doria, fiLs de Tommaso Doria, cousin d'Andréa Doria qui, n'ayant
point d'enfants, l'adopta et lui confia le commandement de vingt galères de sa flotte.
Giannettino Doria se signala notamment, en liiiO, par la jirise du corsaire Dragut,
ou mieux Torglioud, qu'il rencontra sur les côtes de Corse, et pour lequel Kheïr-
cd-Din ilut payer une rançon royale de 3000 écus. 11 périt à Gênes, en 1547, pendant
les troubles qui suivirent la conjuration de Fieschi.
2. Troupes de terre, par opposition à Varméi; ou troupes de mer.
3. Muley-llassen, de la dynastie hafside, avait succédé à son père.Muley-Mohammed
en 1526; chassé de Tunis en août 1534 par les forces de Kheïr-ed-Din, rétabli en
juillet l."i3." par Charles-tjuint, il fut dépossédé par son fds Ahmed-Sullan en 1542
(V. Ernest Mercier, Histoire de l'Afrique septentrionale, depuis les temps les plus
reculés jusqu'à la conquête française (1830); Paris, Leroux, 1888-1891, 3 vol.in-8", t. III).
4. Pedro-Alvarez île Toledo, marquis de Villafranca, vice-roi de Naples de 1532 à
1552, date de sa mort.
5. Pietro Morenigo, ambassadeur de Venise auprès ilc l'empereur de 1538 a 1540.
Les Moncenighi, dit une très ancienne chronique vénitienne citée par Molmenti,
s'étaient distingués de tout temps par leur faste et le nombre de leur domestique.
40 AMBASSADE DE [juiLI.ET lo40]
lequel, après avoir Ijion déclairé le IduI par le menu, en somme par
conclusion est venu aux derniers propo/. que luy tint l'empereur pre-
nant son congé, qui ne sont toutesfois que répélicionsde ceulx que luy
avoyl lenuz auparavant touchant la paix qu'ils avoyent faicte avecques
le Grant Seigneur. De laquelle pour estre à leur si granl désadvanlage
se condolloyt fort, comme ay jà escript, mesmement qu'il ayt faillu
que par nécessité quilz ont eue il/, ayent esté contrainctz à ce faire;
dont de sa part ne se voulioyt du tout excuser s'il ne leur avoyt esté
donné ayde et secours en leur très grant besoing et indigence de
vivres et aultres choses, mais bien leur faire entendre qu'il n'avoyt
tins au bon voulloir et amytié qu'il leur porte, voyre si très grant qu'il
n'est possible de plus, ains à plusieurs troubles et empeschemens qu'il
aeuz ou par adventure à sa disgralia. Nonobstant que pour cella, et
quelque paix qu'ilz eussent faicte, il se promettoyt et fyoit tant d'eulx
qu'ilz ne larroyent à mainctenyr et garder les cappitulations faictes
ensemble. Et mesmement sur la deffension de la duché de Millan, s'il
en est besoing. Et davantaige que quant adviendroyt que le Turcq
vouldroyt assaillyr la chrestienlé, il estimoyt tant de leur bonne foy
qu'ilz se démonstreroyent par effectz trop plus tost chrestiens que
turcqz, les asseurant que à tout jamais il leur sera vray etparfaict amy,
et qu'il a plus de foy à eulx que à nulz aultres princes quelz qu'ilz
soyent. Or, aprez avoir icelluy ambassadeur dict tout ce que dessus,
pour conclusion a dict à cez Seigneurs que, de tout temps qu'il a esté
auprez dudict empereur, il a tousjoursusé de propoz etfaict démons-
Iracion de leur porter bonne amytié, se offrant leur faire tous les plai-
syrs à luy possibles; mais quant audict ambassadeur, que nonobstant
quelques offres qu'il feist, il n'estoyt point d'adviz que jamais de luy
se peussent valloir d'un seul denier, ne moings de gens de guerre ne
aullre ayde, si ce n'estoyt à son grant advantaige, comme d'entretenyr
sesdictz gens ce pendant qu'il n'en auroyt que faire. Et quant est venu
sur le poinct de la quallilé et confiance que ledict empereur avoyt au
Pape, ({uelque alliance et parenté qu'ilz ayent ensemble, que ledict
empereur ne s'en fye pas beaucoup, et ne s'attend de s'en valloir
guyères au besoing.
« Monseigneur, je ne veulx oblyer à vous dire comme le lendemain
que le seigneur Vincenzo Grimani fut arrivé icy, fust faire son rapport
du faict de sa charge au conseil de Diexe seullement, qui a esté tenu
jusques à présent si secret que je n'en ai encores rien sceu entendre
aultre chose. Et, pour ce que le jour d'aprez tomba mallade d'une
fiebvre qui le tient encores, n'en a faict sondicl rapport au pregay. Et,
à ce que j'ay entendu, il se loua merveilleusement des bienfaictz qu'il
a receuz de S. M. et de vous, et du bon traictement qu'il a eu par toute
la France, qui luy a esté tant gryef à laisser que ung chascun estime
que cella a esté cause de sa malladye, pour le changement de vivres
[août 1540] GUILLAUME PELLICIER 41
qu'il y a en France au prys d'icy, mesmement des bons vins qu'il a
lenuz tant chers, que il n'en a poinct beu d'aultres que de celJuy de
S. M. qu'il a faict durer jusques à Bresse'. Monsieur l'ambassadeur,
qui venoyt devers l'empereur -, ayant aussi commencé à gousler cez
bons vins là, incontinent qu'il a esté icy, est tombé mallade. Mais que
ledict seigneur Grimanisoyt retourné en convallescence, j'estime qu'il
ira à la Seigneurie pour achever de faire sondict rapport. Et tins-je
mettre peyne entendre particuUièrement quel il sera, et s'il y aura
chose digne de vous faire sçavoir, je ne faudray incontinent vous en
advertyr. »
Vol. 2, i" 20 V", copie du xvi'^ siècle; 2 pp. 1/1 in-f".
PELLICIER AU ROI.
21. — [Fenise], /" aoiU 1540. — (( Sire, tout à ceste heure, aprez
avoir faicte et close la présente dépesche, j'ay esté adverty que depuys
cinq ou six jours cez Seigneurs avoyent receu lettres de leur ambassa-
deur qui est vers le roy Ferdinando, par lesquelles les adverlissoyt en
chiffre que il avoyt entendu de bien bon lieu que, loutesfoys et quantes
que Y. M. se vouldroyt mouvoir pour entrer en Lombardye, l'empereur
s'estoyt asseuré de telles intelligences et traites dedans deux de vos
villes fortes en vostre royaulme qu'il les tenoyt comme s'il les avoyt en
sa main propre; de sorte que quant il luy plairoyt en pourroyl faire à
gré. C'est Hesdin et Marseille, desquelles advenant le cas estoyt bien
deslibéré s'en saisyr; dont, me semblant ceste nouvelle estre de si grant
importance, j'ay bien voullu différer madicte dépesche, pour m'en
enquérir encore plus amplement, jusques aujourd'huy que ay faict
toute dilligence par tous les moyens que me suys peu adviser, pour
sçavoir s'il estoyt ainsi. Mais en conformité j'ay entendu qu'il estcer
tain que ledict ambassadeur l'a escript; et davantaige qu'il y avoyt
ung nommé Thomas à la court dudict empereur lequel aussi, advenant
le cas de ladicte entreprise d'entrer en Lombardye, ne fauldroyt en
contrechange faire semblable entreprinse sur la Myrandola. Et estoyt
bien deslibéré que s'il y entroyt il la mettroyt en tel estât que pour
l'advenyr on pourroyt dire d'elle aussi bien que de la Concorde : hic
emt; qui sont les parolles propres par lesquelles voulloyt entendre
qu'il la raseroyt. Je ne puys pencer que cedict Thomas^ soyt aultre
1. Brescia. — Les ambassadeurs vénitiens s'accordent dans leurs relations à louer
le vin de France, qu'ils qualifient volontiers de bonissimo (Andréa Navagero, 1528).
Ils le trouvent moins fort, mais plus délicat que ceux d'Espagne et de Candie, et
aussi plus cher (iVIarino Cavalli, 1546).
2. Pietro Mocenigo.
3. Giovanni-Tommaso, second fils de Giovanni-Francesco Pico. seigneur de la
Mirandola, échappé au massacre de son père et de son frère aîné Alberto, lors de
l'usurpation de la principauté par son cousin Galeotto Pico, en 1533.
42 AMIIASSADE DE AOUT l^VO
que lo lilz du l'eu scij^ueur Jcliuii l-raucesco Piclio, jadis uccupalcur
de la Myrandola, lequel y lut lue. J'ai entendu souvent que ledict
Thomas la inenasseoyl, se conllanl beaucoup de la faveur de l'empereur,
auijuel est j^randement serviteur.
« Kl sur ce dernier article chairchanl d'entendre plus au vraytoul ce
que dessus, j'ay eslé adverty que le secrétaire Kidel puys na^uères
avoyt escriiit à ce/. Seigneurs que le marquis du (îuast estoyt depuys
queltiue Icmps âpre/ pour essayer de desrohber ladicle place par
force ou trahison. Je n'ay lailly d'en advertyr le secrétaire du seigneur
conte de la Myrandola qui est en ceste ville, pour le faire sçavoir à son
maislre auquel pareillement j'en ay escript se tenyr sur ses gardes.
« Sire, vous entendez trop mieulx que les ambassadeurs de cez Sei-
gneurs ne faillenl oi-dinairement à escripre entièrement tout ce qu'il/
peulvent apprendre de là où il/ sont, avecques telle foy et religion,
qu'il leur scmbleroyl adviz faire grandement contre leur conscience de
rien receller à leur faire sçavoir; par quoy V. M. pourra trop mieulx
juger (luellc foy et eilicace fault adjouster à cest advcrlissement (jue
dessus. Car, par adventure, luy pourroyt avoir esté baillé d'aulcuns
Impériaulx pirartet à poste, estansasseurez qu'il ne fauldroyt le faire
entendre à cez Seigneurs. Et ce aflin que, iceulx Seigneurs voyans les
merveilleux moyens et grands machinations que ils ontde nuyreàleurs
ennemys, cesdicts Seigneurs eussent doubte et crainte de rien changer
contre culx et se tinssent coy '. »
Vol. 2. f" 22, copie du xvi° siècle; 1 p. la 1».
l'ELLIClER A M. DE LANGE V.
22. — [Wm'se], 2 août 1540. — « Monseigneur, depuys les miennes
dernières du xxiiii" du passé que vous ay escriptes, j'ay receu les
vostres du xx-, ensemble ung pacquet du roy, suyvant lesquelles je ne
faillys le lendemain envoyer vers le seigneur Grimani pour luy départyr
nouvelles que me laides sçavoir par vostredicte lettre; et aussi pour
luy bailler la semence de coucourdes* que luy envoyez. Mais à cause
d'une (iebvre ([ui leprint ung jour ou deux aprez qu'il fut arrivé icy,
n'a esté possible povoir parler à luy. »
Pellicier annonce qu'il a reçu les lettres de Rincon du 6 juillet, et
reproduit les diverses nouvelles contenues dans les lettres au roi et au
connétable.
1. Le nis. Dupuy :2iJi de l.i l$il)l. nat., T' 117 cl 118, renferme une expéililion, cliif-
frée en grande [larlie et signée, de cette dépêche (4 pp. in-f°), mais qui n'est cepen-
dant pas la rédaction définilive envoyée à la cour, car elle comporte des erreurs et
des ratures.
2. Coucounle ou cougourde. du latin cuciirbita, variété de courge.
'agit 1;)40 GUILLAUME PELLICIER 43
« ...Monseigneur, j'ontondz que entre aultreshons propoz généraulx
que le roy a tins dernièrement à M. l'ambassadeur de cez Seigneurs, il
s'est mieulx et plus ouvertement déclairé,et comme ilz disent s'est laissé
entendre qu'il ne avoyt faict par cy devant. Et semblablement cez Sei-
gneurs lui avoyent très bien faict entendre le bon vouUoir qu'ilz luy por-
tent; dont j'espère que par cy aprez en nostre négociation pourra
advenyr quelques meilleurs afTaires, si Dieuplaist. Je ne veulx oblyer à
vous dire que vous faictes très bien de vous tenyr survoz gardes; car,
oultreceque vous sçavez trop mieulx quelle foyet asseurancel'ondoibt
avoir à telz voysins, je vous puysdire que je suys adverty que non seul-
lement ez lieulx de vostre charge, mais à aultres qui ne sont en telle
question et qualité, ne faillent journellement à machiner s'ilz par force
ou trahison en pourroyent surprendre quelqu'une. »
Vol. 2. f"2l v", copie du xvi" siècle; 2/3 p. iii-f".
PELLICIER A M. DE RODEZ.
23. — [Venise]^ 5 août 1 540. — « Monsieur, pour respondre aux
vostres que ay receues du dernier du passé, je vous diray, quant à ce
point que m'escripviez touchant Testât et disposition en quoy nous
sommes de présent avecques cez Seigneurs, qu'il me sem.ble, de ce que
puys congnoistre', qu'ils sont aultant affectionnez et dévotz à S. M. ([ue
à l'adventure feurent de long temps, se tenant grandement tenuz et
obligez audict Seigneur des bons plaisyrs qu'ilz ontreceuz et reçoyvent
journellement de luy et ses ministres. Mesmement au faict de leur paix
avecques le Grant Seigneur, lequel puys naguères a libérez tous les
gentilzhommes véniciens qui estoyent en la tour de mer Maior. Et
quant aux marchandises, ilz avoyent promesse des baschaz par laquelle
ils espèrent les recouvrer. Et sans l'indisposition de gouttes qui
tenoyent le Grant Seigneur et Lotphi Bey, premier bascha, auroyent
desjà beaulcoup avancé ladite négociation, en laquelle le seigneur
Rincon a employé la faveur et pouvoir du roy comme s'il estoyt là mandé
expressément pour ceste Seigneurie, sçaichant e*, congnoissant estre
tel le vouloir de S. M. De quoy leur ambassadeur qui est à Cons-
tantinople se loue et contente si très tant qu'il n'est possible de plus,
ainsi qu'il a escript par deçà; qui fait augmenter de plus en plus le
couraige à cez Seigneurs de chaircher faire toutes choses agréables
au roy, ce qu'ils fairont à mon adviz toutes foys et quantes que l'occa-
sion s'y adonnera. Et d'aultre cousté, ainsy que m'escript ledict sei-
gneur Rincon, les affaires de nostre maistre sont en très bon termes
du cousté de delà; lequel, par sa dernière lettre du vi« juillet, ne m'escript
aultre sinon que dedans cinq ou six jours de là debvoyt dépescher M. de
Vaulx, duquel vous ay escript, pour s'en revenir par deçà avecques
44 AMIJASSADE DE AOIT 1540]
t'iiliîTt> salisfacion et conlenleiniMil tic ce pourfjuoy S. M. lavoyl
inamk'; me remeltanl h. sa venue à me dire i»liis ain[»lemenl des nou-
velles de ce cousté-Ui.
« ... Et cependant vous diray que cez Seigneurs ont bien entendu
quelques nouvelles de ce que m'escripvez touchant (jue ceulxde Napoli
de Romanye ' ont levé eu la ville les enseignes de l'empereur et faict
entendre ([u'ils ne rece|)vront le Grant Seigneur pour maistre. Mais je
suis l)ien de leur ()i)pinion et vostre qui les tiennent pour con-
Irouvées à. rarcouslumoe de ces trahisons; car, s'il en estoyt quelque
chose, Ion peullhien croyre qu'ilz en devroyenteslre advertiz des pre-
miers, comme chose qui leur touche de plus pre/.
«... Monsieur, je vous diray aussy que cez Seigneurs ont entendu d'un
personnaige qui a été aux lieux pour le devoir bien sçavoir que l'empe-
reur, non obstant ({uelque parenté qu'il ayt avecques Nostre Sainct Père,
ne se fye pas beaulcoup de luy ne se attend de s'en valloir guères au
besoing. Toutcsfoys, ainsy que j'ay entendu, le général desObservantins
qui est espaignol- a esté icy, qui a dict avoir lettres dudict empereur,
adressantes à Sa Sainteté. Lequel ce jourd'huy matin debvoyt partyr de
ceste ville pour les luy aller présenter et s'est laissé entendre que,
mais que Sadicte Sainteté les eust vues et entendu ce qu'il avoyt à luy
dire de la part dudict empereur, l'on se pouvoyt asseurer qu'il feroyt
de sorte que Sadicte Sainteté auroyt aussy à cueur et protection les
affaires dudict empereur que les siennes propres, nonobstant quelque
mariage que l'on pourchassast en France : lequel il estoyt aprez pour
essayer d'empescher de tout son pouvoir '. De quoy vous ay bien voullu
advertyr, plus pour vous en donner adviz de bonne heure que pour
chose que j'estime du tout vraye; car sçavez combien il se fault du tout
attendre à ce que sort de tels chappej'ons, mesmement en choses cC estât ^ les-
quelz comme ne leur appartenant ne s'en doibvent mesler pour n'estre
de leur gibier. Dont vous plaira en prandre ce que verrez faire pour
vous. »
Vol. 2, î° 22 yo, copie du xvi° siècle; 2 pp. in-f°.
1. Naiiplici ou Napoli <le Romanie, ville de Morée située sur une langue de terre
au fond du polfc de ce nom (anciennement d'Argos), — par ojiposilion à Moneni-
basie ou Nai)oli de Malvoisie, autre ville de Morée, sur la côte orientale, dont il a
été question jilus haut.
2. Vicentc Liinello [Lunellus), originaire d'Espagne, fut général de l'ordre des
Frères Mineurs de l'étroite observance, de 1536 à 1541. Il traversa effectivement
Venise en revenant d'Alii'magnc oii Paul III l'avait envoyé pour négocier avec l'Em-
pereur. Ce personnage, qui Jnuissait réellement d'un grand créilit auprès de Charles-
Quint, fut chargé par lui, à l'expiration de son généralat, de plusieurs missions
importantes. On lui confia le soin, en Ili40, de réprimer des troubles qui avaient
éclaté dans la province de Murcie, cl il fut délégué comme théologien au concile
de Trente.
3. 11 s'agissait du projet de mariage, caressé par le pape, entre Villoria Farnese,
sa petite-fille, et le comte d'Aumale.
[août 1540J GUILLAUME PELLICIER 43
PELLICIER A RINCON '.
24. — [Venise], 14 août i 540. — Pellicier attend de jour en jour
la venue de M, de Vaux, dont il a annoncé au roi le retour prochain.
Il a reçu de la cour deux paquets, en date des 22 et 2G juillet, dans
lesquels S. M. se plaint de la perte des dépèches de Rincon des 10
et 15 mai et prescrit de nouvelles recherches.
Le roi et le connétable chargent encore Pellicier d'entretenir le
mieux qu'il pourra les bonnes relations avec la république de Venise,
et de faire savoir à quiconque l'en interrogerait la singulière affection
que le prince a toujours eue et porte à cette Seigneurie... « Si elle avoyt
voullenté entrer en ligue avecques luy, il y entendroyt très voullen-
tiers, avecques telles et si bonnes condicions que ce seroyt le commun
bien, prothct et utillité de cez Seigneurs et de luy. Sur quoy vous
povez trop mieulx comprendre le voulloir de S. M. que ne vous sçau-
roys escripre. Bien vous diray que les ministres de l'empereur, à l'ac-
coustumée, ne cessent ordinairement de leur user des plus belles
parolles qu'ilz peuvent pour empescher tousjo'frs à leur povoir qu'ilz
ne se condescendent à ce poinct. Et mesmes à la court de l'empereur
et du roy Ferdinando l'on ne cesse de mettre chacun jour nouveaulx
propoz braves et espoventables en avant, afiin qu'ilz viennent aux
oreilles des ambassadeurs de cez Seigneurs qui sont là, qui ne faillent
à les recepvoir en tout leur efficace et les leur faire entendre; dont,
comme j'ay esté averty, journellement ilz escripvent à cez Seigneurs,
les supplyant plus que Dieu qu'ilz ne se vueillent changer ne mouvoir
aulcunement, ains se tiennent fermes et constans en attendant à veoir
comme les choses de ce monde passeront. Toutesfoys j'ay entendu
d'aultre cousté que il a esté tenu propoz, en une maison de ceste ville
où l'on les peult mieulx sçavoir que en nulle aultre, comme le seigneur
Lasky et Tranquilo n'estoyent point tant allez à Constantinople pour
obtenyr la trefve pour l'empereur et le roy Ferdinando, que pour
empescher la paix de cez Seigneurs, offrant au Grant Seigneur que
toutesfoys et quantes qu'il vouldroyt entreprendre contre eulx, qu'il
luy bailleroyt vivres et passaige par le Friol ^ et ailleurs, et que il y
pourroyt faire trop meilleur acquest que contre nul aultre prince de la
chrestienté. Qui est bien le contraire de ce que vous ay escript par
madicte dernière lettre touchant l'offre et promesse dudict Tranquilo
à l'ambassadeur de cez Seigneurs vers ledict roy Ferdinando, don-
nant à entendre audict Grant Seigneur que, ayant promys et asseuré
1. « E?cript cedit jovir à M. l'arcevesque de Ragiize, auquel fut envoyé le pacquct
expressémoul pour Constantinople, et suyvant la lettre de monseigneur le conues-
table, touchant les mil escuz, et de la diligence que en a faicte Mgr. »
2. Frioul.
46 AMHASSADK ItE [aOI T 1540]
ladic'to Irefvo pour cinq ans, en faveur el contemplacion de S. M., ce
luy seroyt faicl injure de vuulloir muinclenant aller au contraire el de
quoy il se vouldroyt rescenlyr, attendu niesmement que ledict empe-
reur el luy sonl pour cortainenienl faire de brief une bonne et vraye
paix ensemble à tout. jamais. VA au rej^ard de ce/. Seigneurs pour leur
inconstance el variacion qu ilz ont ordinairement use/ envers tous
ceulx ijuil/ ont eu alVaire, il n'y auroyl prince en la cbrélienlé qui se
voulsist mesler d'eux; el par ainsi ledict Grant Seigneur pourroyl
eslre asseuré d<' n'avoir aulcun empeschement venant contre iceulx.
De quoy de tout vous ay bien vouUu adverlyr, alïin que vous qui estes
sur les lieux où lelle farce se doibt jouer, me vueillez donner advi/.
quelle grâce y aur(mt les personnaigos. Monseigneur le conncstable
m'escripl aussi que le roy a faict don à M. l'arcevesque de Raguse de
mil escu/ en attendant qu'il luy ayt faict quelque bien en l'Esglise; les-
quel/ M. de Vaux, aullrement le seigneur Jehan Joachim, a charge de
fournyr. Je suys aprez pour le solliciter de ce faire, suyvant ce que
m'en a escript monseigneur le conncstable, lequel me faict aussy
entendre comme la dyette de Haguenaou s'en alloyt dissolue et en
fumée. Vray est qu'elle en pourroyl amener de brief une aullre, ainsi
que luy avoyt faict sçavoir M. de Bayf ' estant par delà pour le roy,
duquel vous envoyé ung double de lettre qu'il a escripte à M. de Boys
Rigault, el ung aullre en latin dung bon serviteur du roy; par les-
quelz doubles pourrez plus amplement entendre tout le progrez de la-
dicle diette. Et davantaige m'escripl mondicl seigneur le conncstable
que le roy d'Angleterre avoyt répudié la seur du duc de Clèves, qu'il
avoyt dernièrement espousée -, soubz coulleur de ce qu'il dicl avoir
auparavant promys et consommé le mariaige avecques une genlilfemme
de son royaulme ^. El a esté ladicte répudiacion quasi aussitost faicte
que lenvye luy en est venue. Et M. de Langey m'escripl que ledict roy
d'Angleterre a faicl déclarer en son royaulme toutes les oppinions de
Martin Luther héréticques el contraires à l'Evangille, excepté quant à
l'obéyssance du pape et de l'Esglise rommaine.
i. L.i/are «li- Bayf ou lînïf. iliplomale. érmlil. |)oète, fils de Jean, seigneur <le Bayf
en Anjou, cl dé Marguerite Cliastcigner (!<■ la Borlie-Posay ; né vers ll'JG au chàleau
des Pins, près de la Flèche, mort vers 154". il avait étudié le grec à Rome sous le
candiote Musurus, et h son retour en France fut envoyé par François V comme
ambassadeurà Venise, du 25 juin 1520 au 1 mars l">Xi; ])uis en .VUeuiagne, du 16 mai
au li août 1510 (B. N., ms. Clairambaull 1215. f" 07 et suiv.). Une grande partie de
sa correspondance diplomatique est conservée à la Bibl. Nat. (V. Hauréau, Histoire
Ultéraire du Maine, Paris, Dumoulin, 1S"()-18"7, l(i vol. in-12, t. I, p. 243 et suiv.).
2. Anne, seconde fille du duc Jean 111 de Clèves et de Marie île Juliers, née le
22 septembre 1515, morte le 10 juillet 155". Henri Vlll l'avait épousée en quatrièmes
noces, par contrat du 24 septembre 153U, signé à Windsor, sur la foi d'un portrait
exécuté par Ilolbein, son peintre ordinaire. Le 'J juillet 1510. h l'instigation du roi,
le mariage fut déclaré nul, en vertu d'un acte du Parleun-nl, comme n'ayant jamais
été consommé.
3. Catherine Howard, nièce du iluc de Norfolk.
[août liiiOj GUILI-AUME PELLICIER 47
« Monsieur, encores que par deux adviz que j'ay euz de Romme d'aul-
cuns miens amys particullicrs, le double desquelz vous envoyé présen-
tement, vous pourrez entendre nouvelles de plusieurs endroietz, — ce
néanlmoins nay v.oullu obmctlre vous l'aire sçavoir ce que M. de Rhod-
dez ma escript de ce cousté là, par deux lettres que ay receues de
luy. Ktpar la première du dernier du passé me donne adviz que le pape
se relreuve pour l'heure présente aussy bien et mieulx. disposé envers
le roy qu'il fut jamais, comme le tesmoignera, s'il plaist à Dieu, le
mariage de Madame Victoria, sa niepce *, avec M. le comte d'Aumalle -,
filz de M. de Guyse ^, — dont la résolucion estoyt desjà prinse quant
aux personnes, et ne restoyt que venir aux condictions et particulla-
rilez; et qu'il avoyt entendu de bien bon lieu qu'il y avoyt tout plain
de princes d'Allemaigne qui cbairchoyent l'alliance du roy, et que
desjà le frère du conte Palatin avoyt esté retiré au service dudict sei-
gneur, et promys fournyr vingt enseignes de bons lansquenetz, toutes
et quantes foys que on en auroyt affaire. Et oultre m'escript avoir
entendu par lettres de Napples, du xxiiiF juillet, que les Alarbes, qui
debvoyent venyr à Thunys contre le roy de là, n'estoyent encores
compareuz, mais bien faisoyent-ils grandes préparacions. Et par son
aultre lettre du vf de ce moys me faict sçavoir comme il avoyt receu
lettres de la reyne de Navarre du xv^ dudict moys de juillet, ladvertis-
sant qu'il y avoyt eu desjà propos de mariaige de sa lille ^ avecques le
duc de Clèves, et que icelluy duc avoyt envoyé pour cest affaire à la
court ses ambassadeurs, ses chancellier et mareschaP; à quoy le roy
1. Yittoria Farnese, petite-fiUe de Paul III, fille de Pielro-Aloysio Farnese, duc de
l'arme, de Plaisance et de Castro, et de Hieronymc Orsini. Mariée en 15't7 à Guid'
Ubaldo 11 délia Rovcre, duc d'Urbin, elle mourut en 1602. " Nièce ■> est pris ici
dans le sens latin, nepos.
•2. François de Lorraine, fils aine de Claude V de Lorraine, premier duc de Guise,
et d'Antoinette de Bourbon. Né au château de Bar, le 17 février 131'J, il mourut
ilcvant Orléans, le 2i février 1563, des suites de l'attentat de Poltrot.
;!. Claude I" de Lorraine, premier duc de Guise, pair cl grand veneur de France,
marquis de Mayenne et d'Elbeuf. baron de Joinville, gouverneur de Ghampi^igne,
de Brie et de Bourgogne, cinquième fils de René II, duc de Lorraine et de Bar, et
de Philippe de Gueldres, sa seconde femme. Né au château de Gondé le 20 octobre 1496,
il mourut le 12 avril looO. A la suite de démêlés avec son frère aîné Antoine, auquel
il voulut disputer inutilement le duché de Lorraine, il vint à la cour de France et
suivit François l" en Italie. En récompense de ses services, le roi érigea pour lui
la seigneurie de Guise en duché-pairie (1.j27); mais ses intrigues et son ambition
démesurée le firent éloigner de la cour dans les dernières années du règne de
P'rançois I".
4. Sa fille unique, Jeanne II d'Albret, née à Pau le 7 janvier J528. morte à Paris le
9 juin 1572. Elle avait été déjà demandée par Charles-Quint pour son fils, l'infant
don Philippe; mais François V s'y opposa et fiança la jeune fille au duc de Clèves.
Le projet n'eut d'ailleurs pas de suites et Jeanne d'Albret finit |)ar épouser, en 1548,
Antoine de Bourbon, duc de Vendôme, qui hérita par elle du royaume de Navarre.
■K Le chancelier Jean Gograff et le maréchal du palais Hermann de Wachten-
donck. Leurs instructions étaient datées du 21 juin 1540; les ambassadeurs arrivè-
rent à Paris le 3 juillet (V. de Ruble, Le mariage de Jeanne d'Albret; Paris, Labitte,
1877, iu-S", p. 58 et suiv.).
48 AMBASSADE DE [aOUT ir.tOj
et elle de leur pari avoyenl condescemlu, mais du cousté du roy de
Navarre ' s'esloyt trouvée (juelque clillicullé sur les demandes faites
par lesdicts ambassadeurs, lesquelles n'avoyent encores esté vuydées.
Et ainsy (juc ledicl sieur de Rhoddo/ a entendu par aultros, iceulx
ambassadeurs s'en csloyent jk retouruc/. devers leur niaislre pour
entendre son oppinion sur lesdicles dillicultc/.. Kt m'escript aussi que
par lettres de la court de l'empereur l'on enlendoyt (jue le roy des
Romains avoyt pryé ledict seigneur empereur de se voulioir aprocher
d'Allemaif^ne, l'asseuranl ({ue les princes (jui s'estoyent trouvez à la
dielle de lla^uenaou, lesquels n'avoyent rien résoulu, luy accorde-
royent une aultre dietle, en laquelle se pourroyt conclure queWjue
bonne chose pour le bien de la chreslienlé. A quoy ledit empereur
n'auroyt rien respondu, ains monslroyt de poursuyvre ses estât/, de
Braban -, Hollande et Zellande ^, pour y faire son protïict particullier,
chose qui avoyt esté très mal prinse de Nostre Sainct Père, et encores
pys du consystoire, où la matière avoyt esté proposée, de manière
qui! y fiHconclud que ledit empereur ne se voulloyt si avant engaiger
de paour d'interrompre le voyaige qu'il veult faire en Itallye, et qu'il
enlendoyt à assembler deniers i)0ur incontinent aprez se mettre en
chemin et venyr par deçà.
« Monseigneur, je vous prye avoyr souvenance du sauf conduyct
pour Francesco Charli qui est en Alexandrye d'Kgipte, duquel vous ay
escript plusieurs foys, et me faire responce de ce que en aurez faict,
car je suys sollicité par deçà du sien frère *, auquel je désire aullanl
faire plaisyr que à homme de ce monde, de luy mander comme il en
A-a, et ce me sera augmentacion tousjours de plus en plus de l'obliga-
tion que je vous doibz. Il me déplaist grandement que ne puys accom-
plyr votre voulioir et mien avec(iues le père ministre général comme
vous m'avez escript; mais il n'est possible le pouvoir trouver. Car je
envoyé encores hier au couvent de ceste ville pour sçavoir quelle
part il estoyt, aliin de mander vers luy; mais à grant peyne en sça-
1. Henri 11 (lAlbrct. roi de Navarre, jirince de Béarn, comte de Foix, troisième
fds de Jean II d'Albret, roi de Navarre, el de Catherine de Foix. Né en avril lo():{,
il hérita du trône en juin 1516; épousa, le 3 janvier l."J2C, Marguerile d'Orléans-
Anpoulênie. sirur de François l"', cl mourut à Pau le 2o septembre llio.j.
•2. Hrai)ant.
;{. Zélande.
4. 11 semble que ce Francesco Charly, (pii faisait sans doute le commerce en
Levant, fût un frère de Laurent Charles, banquier el négociant en soieries de Flo-
rence, établi à Lyon, (pii y iîl souche, et dont nous trouverons plus loin diverses
mentions. — D'autre part, les Archives muni(ii)ales de Lyon menlionnenl en 1548, à
l'occasion des fêles données pour l'entrée de Henri II et (le Catherine de Médicis, les
2.3 et 2i septembre, un François Charly, dit Lahhc. i)armi « les maistrcs joueurs d'épée,
pour les bateries, armes et fiuerre navalle ordonnée estre faiclc pour donner [plaisir
au roy ». Ce François Charly était jiarenl de Pierre Charly ou Charlieu, ûil Lahôé,
le père de la belle Cordière {Invent, sonunuire des Archives de Lyon, \..\\\,\). 218, col. i).
"août |:)40] GUILLAUME PELLICIER 49
vent-ils rirn, car les ungz dient qu'il est à Crémonne, et les aultres
d'ung aullre cousté. Je ne fauldray y faire tout ce que pourray... »
Vol. 2, f" 23 V, copie du xvi" siècle; 3 pp. 3/i in-f'\
PELMCIER A M. DE RODEZ.
25. — [Venise], 1 4 août Jô W. — « Monsieur,... depuys les miennes
dernières du v« de ce présent, n'est rien succédé ' icy de nouveau, pas
(]ue je aye peu entendre. Bien ay rcceu lettres de la court; mais il n'y
a aullre, sinon que le roy et toute sa compagnye se retrouvoyt, grâces
à, Nostre Seigneur, en très bonne santé; et comme m'a escript M. le
connestable, il n'est rien plus vray que le roy d'Angleterre a répudyé
sa dernière femme ainsi que vous mesmes m'avez faict sçavoir. Je suys
chacun jour attendant M. de Vaulx, et m'esbahis bien qu'il n'est jà
arrivé icy, veu ce que le seigneur Rincon m'en avoyt escript comme
vous ay mandé. Cez Seigneurs l'attendent aussyàgrant dévotion, espé-
rant bien qu'il leur apportera quelques nouvelles; lesquels je veoy de
jour en jour augmenter en la bonne voullenté qu'ilz ont vers S. M. Je
ne sçay comme il va touchant ce que m'aviez escript de Napoli de Rom-
manye; mais si est-ce qu'il sont venues icy lettres de plusieurs endroictz
qui le confirment. Toutesfoys cez Seigneurs n'en veullent rien croyre,
pour ce qu'ilz n'en ont eu aulcunes lettres de là. Quant est du maître
des courrierz de Romme dont m'avez escript, n'en sçaichant rien
aultre que ce que vous mesmes m'en faisiez sçavoir, me sembloyt ne
vous servyr de rien vous en escripre. Je me suys bien enquiz s'il estoyt
venu en ceste ville pour aultre efîect que pour cestuy là, mais j'ay
trouvé que non. «
Vol. 2, f° 23, copie du xvi« siècle; 3/4 p. in-P.
PELLICIER AU ROI ^
26. — [Venise], 15 août lî)40. — Le retard de M. de Vaux, dont la
venue avait été annoncée par Rincon, décide Pellicier à écrire au roi
sans attendre cette arrivée. Il a reçu les deux lettres de S. M., datées
des 22 et 2G juillet, et s'est conformé à leurs instructions relativement
au projet de ligue, « qui a esté très agréable », et au maintien des
bonnes relations avec la république de Venise.
«... En vostre dernière dépesche y avoyt ung pacquet adressant au
seigneur Rincon, lequel ay faict tenyr bien seurement jusques à
Raguse, et ay escript à M. l'arcevesque de là qu'il luy pleust, selon sa
coustume, le mander en toute dilligence. A quoy à mon adviz n'aura
1. Arrivé.
2. <■ E.-cript cedit jour à M. Bouchetcl. »
Venise. — 1540-1542. 4
50 AMHASSALiE DE [aOLT 15401
failly, comme il a faict votre aullrc précécienl pac<iiiel; le messaiger
duquel, que avoys envoyé expressément jusques ù Uaguse pour le
porter, est icy de rt^lour, qui m'a rellVré comme il lut en cinq jours
d'icy audit Raguse, et que mondict seigneur Tarcevesque, comme luy
mesmes m'a escripl, lavoyt faict partyr incontinent, et avoyt faict
marchr au courrier pour le porter jusques en Constantinople en dix-
sept jours, comprins le jour de son partement. Par ainsi ledict
seigneur Uincon le pourra avoir receu de ceste ville en vingt-deux
jours, qui seroyt environ le vu" de ce moys.
«> Sire, chairchant de tous cousle/ l'origine et source de ceste nou-
velle que vous ay escripte en cliillre par ma lettre du premier de ce
moys touchant les intelligences et traictes que on disoyt avoir en deux
villes fortes de vostre royaulme, j'ay trouvé que le général des Obser-
vantins qui est espagnol, lequel venoyt de la court de l'empereur
et avoyt passé par celle du roy des Rommains, aprez estre arrivé
icv, en avoyt menacé aultant, non point qu'il nommast ne décla-
rast si appertement les villes, mais les désignoyt assez, les intitullant
deux des plus fortes et de grant importance villes de vostre royaulme.
Dont, venant de la court desdits empereur et roy des Romains, et
que on avoyt de là mesmes entendue cestedite nouvelle par l'am-
bassadeur de cesdits Seigneurs prez du roy Ferdinando, faict à
pencer que elle est venue d'un mesmes lieu, soyt vraye, que
Dieu ne veuille, ou controuvée à leur accoustumée. Et davantaige
avoyt semez plusieurs aultres propoz, et entre aultres que si V. M. ne
venoyt à se accorder avecques ledit empereur, nonobstant quelque
trefve qui fust entre Voz Majestez, si ne vouUicz entendre aultrement
à faire une asseurée paix avecques luy, combien que de vostre cousté
ne tînt que la trefve ne fust gardée, et que ne donnissiez aulcunement
matière de rompture, ce néantmoins ledit empereur ne fauldroyi de
brief à ce faire, disant avoir les meilleurs moyens de faire guerre qu'il
n'eust. oncques, pour estre plus puyssant d'or et d'argent, alliances et
guère qu'il ne fut jamais, voullant persuader à cez Seigneurs que s'ilz
se mouvoyent ne cliangeoyent en façon du monde, ce seroyt à leur
très grant perte et ruyne lolalle... »
Ce personnage, chargé d'une mission secrète de l'empereur pour le
pape, est parti pour Rome le o de ce mois. «... Et avant son partement
il feist très bien ses menées, sollicitant jour et nuict très secrettement
en particullier les plus grans de ceste Seigneurie. De quoy, Sire, n'ay
failly advertyr de bien bonne heure, avant qu'il peust estre arrivé là,
M. de Rhodez pour y veiller... »
Pellicier a prévenu Rincon du but réel du voyage de Laski et de
Tranquillo à Constantinople.
Vol. 2, f° 23 v'-, copie duxvi* siècle; 2 pp. 1/2 in-^.
i^AOUT lo40J GUILLAUME PELLICIER 51
PELLICIER AU CONNÉTABLE.
27. — [Venise], 15 août 1 540. — Pellicier a reçu les lettres du roi
des 23 et 27 juillet.
(( ...Cez Seigneursont eu lettres de leur ambassadeur prez du roy des
Rommains et par icelles entendu que ledict seigneur roy luy tenoyt
plusieurs propoz, se condollant fort que cez Seigneurs n'avoyent esté
secouruz en leur grant besoing et nécessité, et que par ce eussent esté
contrainctz chaircher appoinctements avecques le Grant Seigneur
donné à leur si très grant désavantaige. Et quant de luy, qu'il avoyt
tousjours prochassé leur bien et accroissement en toutes choses, bien
qu'il avoyt entendu que l'on estimoyt le contraire : dont il estoyt fort
déplaisant, mais que on le povoyt aussi bien accuser de cella à tort
et sans cause, comme l'on faisoyt qu'il eust esté occasion que n'estoyt
succédée une bonne paix entre S. M. et l'empereur, de quoy avoyt esté
adverty S. M. estre mal contente de luy. Et de tout ce appelloyt Dieu
à tesmoing si la faulte estoyt proceddée de luy, ains, comme ledict
ambassadeur povoyt très bien sçavoir, l'avoyt de tout son pouoir pro-
cliassée, et que de luy en estoyt grandement desplaisant, usant des plus
belles et gratieuses paroUes à l'accoustumée audit ambassadeur pour
empescher tousjours à son povoir que cez Seigneurs ne se tournent; ce
que ledit ambassadeur ne fault journellement leur faire entendre, les
pryant plus que Dieu qu'ilz ne se vueillent changer ne mouvoir aulcu-
nement, ains se tiennent en Testât qu'ilz sont en attendant encores à
veoir comme les aflaires passent.
« Monseigneur, longtemps a que n'estoyent venues icy nouvelles
comme ceulx de Napoli de Romanye avoient levé dedans la ville les
bandières ' de l'empereur, ne voulans devenyr subjectz du Grant Sei-
gneur. Toutesfoys, voyant que cez Seigneurs n'en avoyent aulcunes
nouvelles, chascuji les estimoyent plus tost estre artifficielles et con-
trovées que véritables; mais à présent que elles se continuent et qu'il
en est venu lettres de quelque bon endroict, encores que cesdits Sei-
gneurs n'en ayent rien de ce cousté là, je n'ay plus d'aventure, de
paour de faillyr, voullu différer à le vous faire entendre. Et comme
André Doria estant party de Messine pour aller en Africque chaircher
quelque aventure, et trouvant que la ville de Thunise estoyt assiégée
par les Alarbes, comme ay escript par cy devant, estoyt retourné à
Trapani pour lever et embarcquer troys mil hommes de guerre pour
cest effect; mais, ne les y trouvant comme il pençoyt et estant rappelle
par le vice-roy de Naples, s'en estoyt retourné audict Messine, ainsi
que l'on dict pour cest affaire de Napoli de Romanye, à l'emprinse de
1. Bannières.
52 AMBASSADE DE AOUT lliiO]
laquelle clel»voyl iiiaiider (lueliiue nombre suffisanl de gens de guerre
et les faire descliarger eu (juehiue endroiot, comnie seroyl de Cio (lui
est à la dévolion dez «iennevoys plus pre/ de là, allin que âpre/, avoir
tenté et prins intelligence aveeques certains citadins de la ville, ilz
feussent receuz dedans pour desrober silz pctvoyenl la forlresse.
Voylii tout ce que je en ay peu entendre jusques à présent. S'il en
survient rien davanlaige à ma cognoyssence, je ne fauldray incon-
tinent à vous en advertyr. El cependant vous diray, combien que à mon
adviz l'ave/, entendu par la voyc de Thurin, comme ces jours passez
s'est meù ung grant débat et «lucslion entre plusieurs des plus gros de
Millau contre le comte Jehan Ferme Trivullio ' ; desquelz les princi-
paulv sont le conte Tietro et Francesco de Someia *, le jiarly desquelz
suyvenl les Posteruli, Visconli, Magi, et Borromei, Crivelli ^ et aullres
qui ont esté pour ce chassés de ladicte ville de Millan par le marquiz
du Guast. Lequel, ainsi que Ton entend par lettres du gecrétaire Fidel,
a faict faire une crye et ban que tous ceulx qui se trouvoyent à Millan
sansadveu eussent à se retirer le plus tost; et ce, comme il escript, a
esté faict pour on chasser certains François qui estoyent là, lesquelz il
tenoyl y estre mandez pour espyes. Kt a pareillement faict cryer et
publier à Loddes * que sur certaines et grosses peines tous ceulx qui
auroyentbledz sur ce pays-là, quelconques personnes que ce fussent,
qu'ilz ayent à les faire mener etconduyre ou, pour le moings, la moitié
dedans le xv° de ce moys etTaultre moytié dedans le xv^ de septembre;
et s'il y en avoyt en trop grant quantité pour la suffisence du pays, il
eslovt fait commendement de mander le surplus à Millan dedans ledit
terme. Vostre Excellence entendra trop mieux que le meut à ce faire... »
Vol. 2, f" 27, copie du xvr siècle; 2 i»p. 1/2 iii-f°.
PEI.I.ICIER A M. D'.XNNEnAILT ».
I
28. — [Venise], 15 août 1540. — Le maréchal ayant quitté la Cour I
pour aller faire un séjour à sa maison de Bretagne \ Pellicier a différé I
de lui écrire jusqu'à ce qu'il y fiH invité.
« ... Mais estant adverty de vostre voulloir, c'est que je eusse à vous
1. Gian-Firniio Triviilzio. conilc flo Melzi. si-n.iteur de Milan, mort en 1556.
2. Pietro et Francesco Gavazzi délia Somaglia.
3. Toutes ces grandes familles patriciennes de Milan, les Borromei, les Crivelli,
les Triviilzi, avaient ••ontracté diverses alliances de]nus plus de deux siècles, mais
les rivalités étaient non moins fréquentes entre elles, et engendraient sans cesse
des luttes intestines.
4. Lodi. ville de Lonibardie, sur la rive droite de TAdda. à .''.1 Uil. de Milan,
s! « Ao/rt, que la présente n'a esté envoyée que jusques au xx" dudit. »
6. Claude d'Annebault était, par sa femme, Françoise de Tournemine, baron de
Retz et de la Hunaudaye en Bretagne.
[août 1540] GUILLAUME PELLICIER 53
escripre, n'ay voullii faillyr à le accoinplyr, comme à celluy [à] qui je
désire singuUièremenL faire toute chose agréable, ainsi que suys tenu
pour les bons offices que de voslrc grâce avez faictz pour moy à la
court en mes affaires particuUiers, ainsi que mon homme qui est là
m'a faict sçavoir; de quoy demeureray à tout jamais vostre obligé et
esclave... »
Les nouvelles qui suivent sont les mêmes que celles déjà contenues
dans les lettres précédentes au roi et au connétable.
Vol. 2, f"28, copie du xvi'^ siùcle; 1/2 p. ia-f".
PELLICIER A M. DE LANGEY.
29. — [\'t!iiise], 17 août 1540. — Le retard de M. de Vaux décide
Pellicier à prendre lavance. Il reproduit d'ailleurs les nouvelles don-
nées, dans la lettre précédente, au connétable, concernant les menées
de l'empereur et ses projets sur certaines places de France '.
Vol. 2, f" 28, copie du xvF siècle; 3/4 p. in-f".
PELLICIER A M. DE BOISRIGAULT 2.
30. — [Venise], 1 7 août 1 540. — « Monsieur, tenant la voye que M. le
secrétaire Maillart^ m'enseigna, quant il se partist d'icy, pour vous
faire tenyr mes lettres, c'est les adresser à sire Pierre de Bourgoingne
à Lyon*, vous escripviz le premier de juillet; lesquelles à mon adviz
aurez receues, et entendu tout ce que Ton disoyt lors de nouveau en
ceste ville. Et depuys ay receu les lettres du \m.^ dudit moys, ensemble
les coppyes des lettres de M. de Bayf et d'ung aultre bon serviteur du
roy, que m'avez envoyées; dont vous remercye grandement... »
Pellicier rappelle les nouvelles de Venise et du Levant, de Naples et
de Milan.
« Monseigneur, je croy que aurez bien entendu la mort du feu duc
de Mantoue ; toutes foys ne lairay à vous dire comme le Réverendis-
sime cardinal et madame la duchesse de Mantoue m'ont envoyé son
ambassadeur; lequel, aprez m'avoir faict entendre le cas du décedz et
le bon ordre qu'il a laissé à sa maison, m'a pryé voulloir escripre à
1. .< Rem, escripl ledit jour audit seigneur la venue de M. de Vauix par les deux
messagiers qui estoyenl venuz de Tliurin, qui pitrtèrent tous les pacquelz et mes-
mement celluy dudict sieur de Vaulx jusques à Tliurin. ■•
2. ■< Nota, que n'a esté envoyée que jusques au xx" duilit. »
'S. Guillaume Maillart, secrétaire de M. de Boisrigault.
4. Pierre de Bourgogne, agent de Pellicier à Lyon, est qualifié de « contrerolleur •
à la date de l.")37, dans Vlnv. som. des Archives de Lyon, t. III, p. 179, col. 1.
54 AMBASSAPE DE [AOUT 1540^
S. M. eslre son bon plaisyr avoir ladite maison et le nouveau duc en
sa bonne protection; et que lesdits seigneur cardinal et dame deb-
voycnt envoyer uiig de leurs gentilzhommes vers le roy pour lui faire
entendre plus amplement le tout. Je croy que aurez aussi bien esté
adverty (jue Jehan L<jys, M. de Saluées, avoyt esté tué en sa maison à
Millau; mais je n'ay encores sceu seavoir ijui avoyt ce faict '. Je ne
veulx oblyer ii vous dire le congé que le seigneur AUoysi de Gonza-
gues, beau frère du seigneur Cézar F"régoso, a prins de l'empereur.
J'espère que de brief entendrez dire (ju il aura aultrc party... »
Vol. 2, fJ 28 V, copie du xvi'* siècle; 1 p. i/4 in-f».
l'El.I.ICILK Al' ROI -.
31. — [\'enise], i 9 août 1 540. — « Sire, j'estime que par M.deThulles
aurez esté adverty de la deslivrance des mil escuz qu'il a pieu à V. M.
ordonnera ce gentilhomme grec, du(iuel vousay escript longtemps a',
qui vous a faict présent de cez livres grecz; dont il remercye très hum-
blement V. M. d'ung si très grand bienfaict que luy et les siens seront
à tout jamais tenuz et obligés prier Dieu pour vous, car, k dire la
vérité, les avez tirez d'une grant nécessité. Il n"a failly semer la famé *,
en ceste ville, de telle voslre libéralité; de sorte que, pour ce qu'il y
est bien congueu et aymé, ung chascun en a eu très grant plaisyr, et a
esté estimé beaulcoup de tout le monde. Et pour ce, Sire, que pour
l'anticquité desdicts livres qu'il m'a consignez en plus grant nombre
que le rolle qu'il vous a envoyé, — des aulcuns quelques fueilletz sont
gaslez et mangés de vermine, tellement que on ne pourroyt bonne-
ment lire en cez endroictz, avons esté dadviz que avant les vous
envoyer donner ordre de restituer lesdicts fueilletz et lieux que y
faillent. Luy et moy avons esté et sommes tous les jours aprez à chair-
cher tant aux librairies publicques que particullières pour essayer
trouver des exemplaires de mesmes livres, aflin de les amender et
acomplyr; et jà en avons faict une bonne partye, et ne fauldrons à
continuer tant que pourrons rencontrer des livres entiers, jusques ad
1. Gian-Lodovico 11, aliljù de StafTarda. Gian-Lodovico I, marquis de Saluées,
frère aîné et successeur légitime de Michelc-Anlonio, marquis de Saluées, mort en
1529, avait été dépossédé au profit i\c ses frères : Franccsco, qui régna de 132'.) à
lo3~, et Gabriele, de l."i3" à lJ4f>. La France, en 13*8, s'annexa Sahices: Gian-Lodo-
vico céda ses droits à la Savoie en 1560, puis à la France en 1362; il ne mourut
qu'en 156:<.
Le territoire de Sahices comprenait la partie méridionale de l'ancienne marche
d'Ivrée.
2. Cette lettre a été publiée par M. L. Delisle dans le Cabinet des mss. de la Bibl.
imper, (t. 1, p. 134).
3. Antoine Ei)archos.
4. Renommée, du latin fuma.
[août 1540] GUILLAUME PELLICIER 55
ce que on les parfournyra tous, ou qu'il vous plaira me commander
aultrement et les vous mander. Pourquoy faire plus seurement avoys
advisé les vous envoyer, s'il vous plaist, avecques le train du magnif-
ficque misser Matheo Dandnlo\ naguères esleu ambassadeur pour
ceste Seigneurie devers V. M., — en la maison duquel de longtemps
voz ambassadeurs ont acoustumé loger etj:)ù suys encores de présent-,
— qui se doibt partyr d'icy dedans peu de temps, estant asseuré que
pour la grande dévotion que de long temps luy et ses ancestres ont
à vostre couronne^, qu'il les fera conduyre comme chose chère et
agréable à V. M. Et davantaige, oultre l'asseurance que je auray de lui,
je ne fauldray à y mettre ung homme qui y prendra très bien garde,
affîn que par le chemin ne soyent broullez ne gastez; dont vous plaira
sur ce me commander vostre bon plaisyr. Ledict gentilhomme grec
est bien deslibéré de employer, non seulement toute la faculté que luy
avez donnée, mais encores sa personne pour aller chaircher d'où s'en
pourront recouvrer des plus rares. Toutesfoys, cognoissant combien
luy pourroyt servir une patente et commission de V. M. pour la récu-
pération diceulx, il désireroyt singullièrement qu'il pleust à icelle
commander luy estre expédyée, ainsi que j'ay escript à M. de Thulles.
Et pour ce. Sire, que il m'a faict entendre que le vouUoir de V. M.
estoyt que je feisse escripre icy tous les livres grecz qui ne sont point
imprimés ou bien que ne se trouvent en vostre librairie, chose que je
désire grandement acomplyr comme toute aultre chose que je puys
congnoistre vous estre agréable, et daultant plus ceste-cy, pour estre
si honorable, proflîtable, et de mémoyre perpétuelle que non seulle-
1. Matleo Dandolo, fils de Marco Dandolo et de Nicolosa Loredano, élu membre
du sénat de Venise à la fin de 1321, fut amljassadeur en France du 30 juillet 1340
date de sa nomination, au 22 août 1342, date de son retour à Venise. Bibliophile
et lettré, il était propriétaire de la demeure où résidaient les envoyés de France.
Cinq ans plus tard, en 1547, Dandolo revint en France, avec Vetlore Grimani,
en ambassade extraordinaire à l'occasion de l'avènement de Henri II. De 134!^ à
lool, il séjourna à Rome en qualité d'ambassadeur auprès de Paul III. Il y retourna,
en 1333, avec Francesco Conlarini, Carlo Morosini et Girolamo Grimani, pour
l'exaltation du pape Paul lY. Le 29 septembre 1561, il fut envoyé au concile de
Trente, avec Niecolo da Ponte et Bernardo Navagero. Procurateur de i^aint-Marc en
1563, il mourut à Venise, septuagénaire, le 29 juillet 1370.
Les Codici F'iscarird contiennent une partie des dépèches de la première ambas-
sade de Dandolo, du 28 novembre 1340 au G juillet 1342 (A. Baschet, Archives de
Venise, pp. 280 et 673). Albéri, dans son Recueil , a publié la relation de cette
ambassade (série I, t. II, p. 27), ainsi que celles des deux autres (série I, t. II;
série II, t. III).
2. Le palais de l'ambassade de France, propriété des Dandolo, était situé dans la
calle San-Moïsè, non loin de la place San-Marco. On n'avait pas encore adopté le
règlement qui obligeait les ambassadeurs à se logera une certaine distance du siège
du gouvernement de la République. L'ambassade française fut transportée plus tard
dans le quartier du Camareggio (Zeller, loc. cit., p. 361, et Baschet, Archives de
Venise, p. 431).
3. On sait notamment la part que prit Enrico Dandolo, doge de Venise à la fin du
xiie siècle, avec les barons français, à la croisade dirigée contre Bvzance, de 1202
à 1205.
Sd AMIJASSAHE DE [aOUT HUOi
nu'iil il V. M., mais iitout votre royauline et subjecl/. sera bien incom-
l)aral)U' à tout jamais, — loutesloys, Sire, il vous jilaira sçavoir (jue
(lepuys (jue siiys en eosle ville, suyvant voslre (•ommamlemcnt à mon
parlement, j'uy lonsjours eu jns(iues ii cesle heure force escripvains;
et de présent en ay encores linict, comprins ung liébrieu qui m'escript
des choses les plus rares que je puys trouver en ceste lengue là. Les-
quelz ne se peulvent entrelenyr sans bien grant coust, mesmement en
ceste incredible charte de l'année passée; de sorte (jue voyant ceste-cy
en danger de n'estre pas moingdre, et que ay jà despendu tout ce que
avoys peu pour ce assembler avant ([ue venyr icy, — je n'auroys moyen
ne |)ouvoir de entretenyr longuement lesdicts escripvains. Dont suj)-
plyeroys très voullentiers V. M., si son plaisyr est que je continue à
ce faire, ordonner (}ue il soyt faict deslivrer (juehiue somme d'argent
à qui vous plaira par deçà, pour satisfaire et contenter lesdits escrip-
vains; lesquelz, pour estre pouvresel chassez de leurs pays de Grèce,
ne peulvent attendre longuement leur payement. Par quoy les fault
contenter et satisfaire au jour la journée, à tout le moings de douze en
quinze jours, — de quoi vous ay bien voullu advertyr, afiin de sur ce
me commander vostre bon plaisyr, pour l'acomplir de tout mon
povoir... »
Vol. :*, f" 29, copie du xvi« siècle; 1 p. 1/2 in-f°.
PELLICIER A M. DE TILLE.
32. — [Venise], J 9 août 1540. — Pellicier a reru la lettre du 2 juillet
par laquelle Tévèque de Tulle lui demandait d'envoyer les manuscrits
grecs destinés à la bibliothèque du roi : il est occupé à combler les
lacunes des manuscrits endommagés.
« ... Je avoys faict mon desaing, s'il vous sembloyt bon affln de les
mander plus seurement, non pas seuUement de paour qu'ilz feussent
perduz, mais encores pour estre mieulx conservez des eaues et aultres
accidens par les chemins, que, s'en allant de brief ambassadeur pour
cez Seigneurs vers le roy le maistre de la maison où ont logé de long-
temps mes prédécesseurs et où suys encores à présent, les faire con-
duyre avecques son train, et davanlaige pour plus_grande asseurance y
mettre ung de mes gens pour y prendre garde.
« Monsieur, je vous ay escript du x et xxii" juillet des livres de messer
Démélrio Zéno, lequel par commission de feu M. Fondulus a apporté
de Zante et Courfou quarante pièces de livres grecz bien anciens et des
aucteurs et qualitez que pourrez avoir veu par le cathalogue que vous
en ay envoyé. Je vous prye, mais c'est de tout mon cueur, m'en voulloir
faire responce, car il m'est tous les jours âpre/, pour en avoir résolu-
cion. Touchant ce que m'escripvez de faire transcripre les livres qui ne
[août ro40j GUILLAUME PELLICIER ;î7
se Ireuvent en la librairie du roy, jo vous diray que la chose de ce
monde que je désire le plus c'est de luy faire service en toutes choses,
et d'aultant plus en ceste cy, qui est non pas honnorahle seullement,
mais tant proffilable à ung chacun que à tout jamais ce sera ung bien
incomparable et de mémoyro perpétuelle. Touteslbys, Monsieur, vous
sçavez très bien ma portée et que ma puyssance ne pourroyt entre-
tenyr longuement la despense qu'il m'y convicndroyt l'aire, car jusques
à présent j'ay eu plusieurs escripvains et en ay encores à ceste heure
huict, ausquelz j'ay despendu tout ce peu que je avoys peu assembler
avant que venyr icy et davantaige, m'attendant avoir secours de ce peu
de bien que j'ay. Ainsi que mes gens de Montpellier n'ont escript, par
les ordonnances qui ont esté faictes dernières sur la justice ecclésias-
licque, qu'elle ne se pourra plus empesclier des choses layes ', je viens
bien à perdre la quarte partye du revenu de mon évesché; et oultre ce
il me fault cntretenyr aussi bien les ofQciers ainsi que ainsi-, dont je
me voy entrer en grand double comme je pourray eschapper en ce
temps icy qu'il t'aict plus cher vivre ([u'il ne feist il y a plus de vingt
ans en ce pays, excepté l'année passée qui m'a tant mys au bas d'ar-
gent que j'ay belle paour d'en avoir grant nécessité, attendu que je
voy préparer ceste cy d'estre encores plus chère si Dieu n'y met ordre.
Et quant j'eusse pencé avant que venyr icy me trouver en telle inca-
pacité de povoir l'aire service au roy pour ma petite puyssance, j'eusse
bien pencé troys foys avant que de accepter ceste charge. Par quoy, il
vous plaira en faire quelque remonstrance à S. M., et que, si c'est son
bon plaisyr que je continue à faire transcripre lesdicts livres, il est
nécessaire de ordonner à quelque ung par deçà de fournyr argent pour
satisfaire ausdicts escripvains; car, comme sçavez très bien, ce sont
genz qui ne sont point reniez et que fault payer au jour la journée,
vous asseurant. Monsieur, que si j'ay le moyen de pouvoir fornyr, je y
mettre telle peyne et dilligence non seullement en ceulx de ceste ville,
mais encore s'il plaira au roy des librairyes de Romme, Florence et
Urbin, que, avant qu'il soyt ung an d'icy, j'espère qu'il pourra avoir
ung aussi bon commencement de librairye que nul autre que soyt en
Europpe.
« Je en escriptz présentement à S. M. et vous envoyé la lettre pour
luy présenter, s'il vous plaist. Pareillement ledict gentilhomme grec
luy escript ", le remercyant très humblement de sonbienfaict.
« Quand est de ce que m'escripvez que vous envoyé le double de l'in-
1. La grande ordonnance donnée à Villers-Cottcrets. en août i;J39, sur la réforme
de la justice, qui restreignait la compétence des tribunaux ecclésiastii|ues et
créait les registres de l'état-civil, venait de causer un réel préjudice aux évêijues
en diminuant fortement leurs revenus.
2. Tant bien que mal, vaille que vaille.
3. Antoine Eparciios.
58 AMBASSADE DE [aoUT 1d40]
ventaire des livres qui sont en la Itibliothecque de cesle ville, je vous
diray que pour n'y avoir, comme diclesl cy dessus, (jue deux jours que
ay reccu voslre lettre, je n'ay encore eu le loysyr de le recouvrer. Je en
ay bien ung de la librairie de Saincl-Anllioiue do ceste ville ', mais il
est tant mal esrripl que je seray c<mtrainct le faire conférer sur le lieu
mesnjes, et pareillement, mais qu(\jaye recliairché ung peu par mes
papiers, je pence bien trouver des inventaires deslibrairyesde Komme,
Florence et d'I'rbin. Par ma première dépesche, j'espère vous envoyer
cesle là de ceste ville et les aultres avecques le temps...
« Monsieur, s'il plaist au roy que je face transcripre, il vous plaira
me faire mander ungroUe de ceulx que ave/, ut sciam (juiddesitvoOis... »
Vol. 2, f" 30, copie du xvi" siècle : 2 pp. in-f".
TELLICIEU AU Ut>I -.
33. — [Venise], 20 août 1540. — « Sire, comme par ma dernière
lettre du xvc de ce moys vous ay escript que estoys chacun jour atten-
dant la venue de M. de Vaulx présent porteur, hier arriva icy; et pour
ce que depuys madicte dernière n'ay entendu dicy aulcune chose de
nouveau, et aussi que par luy serez advcriy amplement des nouvelles
de Levant, ne vous diray aultre sinon que l'affaire des intelligences et
traictes que on a entendu secretlement avoir en deux villes fortes de
vostre royaulme se continuent encores. El en confirmation de ce, M. de
Loddes ' me feisl hier entendre avoir eu advizpar ung tillet*d'ung dez
plus groz personnaiges et auquel l'on se peultaultant attendre en choses
d'estatque à nul aultre de ceste ville, par telz ou semblables propoz :
c'est en somme que si l'on ne avoyt très bien pourveu à la garde de
Marseille, que on le feist et le plus promptement ; et mesmemenl à la
rocquelte qui est vers le port. Et quant à Hesdin, r[ue l'on y feist
grosses gardes, et par tous les lieux ou environs de là autour. Et sur la
1. l'ar lestament en date rtu 16 août 1523, année de sa mort, le cardinal Dome-
nico Griiiiani. jialriarche dAqiiilée. (ils du doge Antonio Grimani. avait léguô aux
chanoines rcj-'uliers du Sainl-Sauveur, établis dans le couvent de SanfAnlonio in
Caslello, à Venise, sa bibliothèque, qui passait pour Tune des plus riches de ce
temps. Tomasini a donné dans ses BihUothecx Venptx mamisrrlpl/e (Udine. 1G50,
in-i") le catalogue complet des manuscrits de cette bibliothèque, qui fut cntière-
remenl «létruite par un incendie, à la fin du xvu' siècle (V. Zeller, loc. cit., p. 116
à 119).
2. « Sota. qu'il n'a point esté escript cedit jour à Mgr le conneslable. — Envoyé
par M. de Vaulx, venant de r.onslanlinople. »
3. LodovicoSimonetta. évéque de l'esaro de lo3.o â lo37, transféré au sièfi^î de Lodi,
avait dû quitter son diocèse à cause de ses sentiments français. Il séjournait fré-
quemment à Venise, entretenait dans le Milanais tles relations c|ui pouvaient servir
nos intérêts, et jouissait d'un f.'rand crédit à la cour de Home. 11 résigna son siège
en 155", fut créé cardinal en 1567, et mourut le 3U avril de l'année suivante.
4. Synonyme de • billet ».
[août ia40] GUILLAUME PELLICIER LJ9
fin de ce propoz escript davantaige ce mot : « Entre cy et peu de jours, je
vous adviseray plus amplement et de plus grant chose ». Je ne puys
entendre que ad ce qu'il dict, que on prenne garde plus à la rocquette
vers le port, que ce doibve estreaultre plus tostquela tour et [chasteau]
de Yf. Sire, j'estimoys jusques à présent tout cecy estre vonu par le
mesme moyen de ce père révérend duquel vous ay escript -, mais
attendu le long temps qu'il y a qu'il est party de ceste ville, et que le-
dit gentilhomme, pour la dévotion qu'il porte à V. M., ne auroyt tant
attendu d'en donner advertissement, me faict pencer qu'il le peult avoir
sceu d'aultre cousté. Je ne fauldray y avoir l'œil et aussy j'ay pryé
mondict sieur de Loddes de y tenyr la main : ce que, je suys seur, fera
dilligemment de très bon cueur, pour la grant afïection que je congnoys
qu'il porte à vostre service. De quoy, jusques à présent, s'est très bien
employé et me suys beaulcoup vallu de son œuvre. S'il m'en faict
entendre davantaige, suyvant ce que ledit gentilhomme promect par
son tillet, je ne fauldroy sellon la qualité et exigence de l'afTaire, vous
en faire sçavoir en telle dilligence que y sera requise. Et pour aultant
que je entendz que ledict affaire requiert scellerité ' de remedde, m'a
semblé en debvoir escryre à M. de Langey pour, si luy semble expé-
diant, en advertyr M. le gouverneur de Provence* et aultres qu'il con-
gnoistra mieulx servir à cest affaire'. »
Vol. 2, f" 31, copie du xvi® siècle; 1 p. in-f^.
PELLICIER A M. DE LANGEV^.
34. — [Venise], 20 août 1 540. — « Monsieur, pour ce que il n'y a
que troys jours que vous ay escript amplement tout ce que avoys peu
1. Château fort et donjon construits par ordre de François I"', en 1529, sur un
rocher situé k 2 kilomètres de la côte, en face du port. L'ilot tire son nom des
ifs qui y croissaient primitivement en abondance.
2. Lunello, général des Observantins.
3. Célérité.
4. Claude de Savoie, comte de Tende, baron de Cipierre, gouverneur et grand
sénéchal de Provence, né le 1" mars 1507, mort à Aix le 6 avril 1560.
11 était Ois de René, bâtard de Savoie, comte de Yillars et de Tende, qui avait
exercé ces charges avant lui.
La sœur de Claude, Maileleine, avait épousé le connétable de Montmorency.
5. « Escript cedit jour à M. le bailly du Palais touchant son nepveu. » Le bailli du
Palais, qui siégeait à Paris dans l'enclos du Palais de Justice, et connaissait des
causes civiles et criminelles dans l'étendue de son ressort, était alors Nicolas Ber-
thereau (V. Cat. des actes de François 1", t. III, p. 604. n" 10 282).
« Escript auasi cedit jour à Saint-Pol touchant de s'en aller au pays aprez avoir
receu la demye année. ■■
6. " Escript encores cedict jour audit seigneur, Tadvertissant des épistres Ad
Atticum de messer Paulo Manutio. •
Pellicier, qui avait connu à Rome le célèbre imprimeur, l'avait mis bientôt en
relation avec le roi et ses ministres, et lui prêta plus d'une fois, pour ses impor-
60 AMllASSAOE DE [aOIT 1540]
eiUendre icy de nouveau, et aussi que le présent porteur vous pouira
compter bien au long les affaires de Levant, ne vous diray pour ceste
heure, sinon que journellement viennent a moy plusieurs person-
nai^es désirans estre au service du roy. Kntre lesquels vous ay bien
voullu adverlyr d'uiiK nommé messire Jlicronimo de Treviso ', fort
ingenieulx à l'aire insliumentz sur le laicl de la guerre; et mesmement
m'a monstre ung modelle d'ung pont pour entrer en une ville par
force ou à laniblée, fort subtil, et s'il se peult aussi adopérerpar effect
quil démonstre par son idea, s'il vous plaist qu'il aille vers vous, en
m'en advertissant, je le luy feray entendre pour vous aller trouver,
et lors ]>ourrez trop mieulx congnoistre en quoy l'on le pourra
employer et se servir de luy que ne sçauroys escripre. Pareillement y
a icy ung vieil homme qui a ung lilz qui sçait faire le bronze sans y
mettre mixture d'aullres métaulx, (^ui sera aussi bon et qui résistera
contre le ieu mieulx deux foys que l'aullre; lequel semblablement ne
désire que d'cstre employé. Vous adviserez s'il y aura lieu de ce faire,
et,siveoyez que bien soyl, m'en ad vertyr pour luy faire entendre voslre
vouUoir et intencion... »
Pellieier allirme encore de bonne source que l'ennemi a des intelli-
gences dans Marseille et Hesdin, et engage du Bellay à en écrire au
gouverneur de Provence.
Vol. 2. r^ .31 yo, copie du .wi'' siècle; \ p. in-fo.
PELLICIER Al" li AILLI D'oRLÉANS 2.
35. — [F(?/îise], .20 août 1 ô40. — « Monsieur, je suys très aise
lanls travaux, le concours do la vaste érudition qu'il possédait. Il eut en outre
l'occasion de lui rendre un signalé service en faisant accorder un sauf-conduit à son
second frère, Antonio Manuzio, banni do Venise pour une affaire dont on ignore
les détails, et que l'aolo qualilie «rorreur de jeunesse, « juventulis erratum ». En
témoignage de gratitude, P. Manuzio dédia à Pellieier la première édition des
Lelires de Cicéron à Allicus, publiée au mois d'août «le celte année (M. Tidiii Cice-
t'Oiiis Epislolie ud Allicum, ad M, Urulum, ad Quintum fralrem, apud Aldi filios,
Venoliis, MDXL. nniise augiisto, iri-8"j.
1. Biaise de Munlliic, Martin du Bellay elBrantùmc i)arlent, dans leurs mémoires,
d'un « Jéronim Marin, qu'on estimoicl le plus grand homme d'Italie pour assiéger
les places », rpii j>ril part à ralla(|ue de Pei'pignan, en 1312, fut, l'année suivante,
eni|)loyé aux fortilicalions de Luxomliourg cl négocia en ioi4 la capitulation de
Saint-Dizier ; mais du Bellay le dit originaire de Bologne. En elfel, des lettres
de chevalerie furent accordées à Meudon, le 2" février io42, au capitaine Jérôme
Marin, de Bologne, commissaire général des réjjaralions des places de Piémont
{Cat. des actes de François I", t. IV, j). 291, n" 12 3oo). — Girolamo de Trévisc
figure au nombre des correspondants de l'Arétin, qui lui écrit de Venise le
22 mai 1542 (V. Il seconda libro délie le/lere di l'ielro Ai-clino; Paris, ICO'J, in-12).
Les deux désignations peuvent d'ailleurs fort bien se rapporter à un même per-
sonnage.
2. « Adjonction d'une lettre escripte à .M. le bailly d'Orléans, du xx» d'aoust, qui
n'a esté mise en myiiute. » — Jacques Groslot, seigneur de Champbaudoin, con-
[août \]\iO GUILLAUME PELLICIER 61
que avez prins la cognoissence du sire Laurens Charles ' ; car je vous
asseure que c'est ung aussi asseuré et parfaict amy que l'on sçauroyt
désirer. Et de ftion cousté je l'ay très bien congneu en plusieurs mes
afiaircs, m'y donnant ordinairement aultant d'ayde et secours que
parent ne amy que je aye -...)>
Vol. 2, f° 32, copie 'du xvi" siècle; 1/3 p. iu-f".
PELLICIER A RINCON.
36. — [Venise], 21 août 1540. — « Monsieur, vouUant gratiffier ung
chacun et aussi que je congnoys, pour l'entière amytié que me portez,
que n'aurez à desplaisir se tant souvent à la faveur d'aulcuns bons
serviteurs du commun maistre et à présent entre aultres de M. de
Vaulx, aultrement le seigneur Jehan Joachim, et messire Jacomo de
seiller au grand conseil, avait été pourvu de roffice de bailli d'Orléans par lettres
du 30 avril 1537 {Cat. des actes de François I", t, VI, SiippL, p. 454, n° 21 238). Le
14 juin 1541, il résigna ses fonctions, qui étaient héréditaires, en faveur de son
fils, Jérôme Groslot. 11 devint chancelier de la reine de Navarre, mère de Henri IV
(E. Bimbenet, Monographie de l'hôtel de la mairie d'Orléans; Orléans, 1851, in-^", et
Cal. des actes de François I"', t. IV, p. 213, n° 11 979).
l.Les Archives municipales de Lyon nous ont fourni quelques renseignements
sur ce personnage, qualifié en 1533 de ■< Laurent (Iharles, marchand florentin », à
l'occasion de fournitures faites à la Ville, de fil d'or de Chypre, pour la confection
des poêles destinés à l'entrée de la reine Eléonore, femme de François I'"'', du dau-
phin, du duc d'Orléans et du duc d'Angouléme, fils du roi, les 26 et 27 mai (Inv.
somm., t. m, p. ICI). En 1536, des plaintes s'élevèrent de la part des tanneurs
et cordonniers de Lyon contre Laurent Charles, qui accaparait tous les cuirs non
seulement des boucheries de la ville, mais encore des contrées voisines, de sorte
que ces artisans ne pouvaient s'en procurer, « si ce n'est par les mains dudict
Charles qui les vend à son plaisir et plus cher de moytié qu'ils ne souloient
couster » {Inv. som. des archives de Lyon, t. I, série BB, p. 26, col. 1). Néanmoins
des lettres de naturalité furent accordées à Compiègne, en octobre 1539, au même
Laurent Cliarli, marchand florentin, marié et domicilié à Lyon [Cul. des actes de
François I", t. IV, p. 59, n° H 270). En 1550, on voit « honorable homme Laurent
Charles, marchand, citoyen de Lyon, acquérir « une maison haute, moyenne et
basse, avec deux Jardins et une cour entre deux », rue Tramassac, ou de la Mon-
naie, devers Fourvières. Élu pour le roi à Lyon en 1559-1560, il était mort en 1580,
époque où ses héritiers, Jean, qui fut aussi élu du Lyonnais (en 1373-74), et
Alexandre, transigèrent avec la Ville pour l'établissement d'une percée dans l'im-
meuble de la rue de la Monnaie [Arcliiv. dit Rhône, Inv. somm., t. I, série E, p. 65).
L. Charles faisait partie de la grande colonie de marchands florentins, génois,
lucquois, milanais et mantouans, banquiers ou négociants en soieries pour la plu-
part, établis à Lyon au xvi* siècle (V. Inr. somm. des Archives de Lyon, t. III. pp. 223,
254, etc.)
Il ne faut pas confondre celle famille avec celle du dauphinois Geofl'roy Caries ou
Charles, président de Grenoble, puis de Milan, héros de la 36" nouvelle de l'IIepta-
méron de Marguerite de Navarre (V. la notice de l'édition donnée par le regretté
A. de Montaiglon, Paris, Eudes. 1880, 4 vol. in-8°; t. IV, p. 293).
2. « Escript cedit jour deux lettres au sire Laurens Charles, la première le pryant
mander argent le plus tost à Mgr, et par l'aultre de recepvoir trente escuz que
M. de Vaulx luy doibt bailler au nom de mondit seigneur pour les luy avoir
prestez icy. »
02 AMllASSADE DE [aOUT 1;U0]
la Croys ' que bien congnoissez, vous fays pryôres et supplications, —
à ceste heure, estant par eulx très allectueusement pryé vous escripre
la |»résente, ne vous ay voullu desnyer pour vous adverlyr et faire
entendre comme vous, ayant eu licence et congé des Seigneurs de
Raf^use de lever quatre de leurs naves pour aller chercher frommens
al lo/o'el les porter en (piolquc pari «[uil vous plairoyt en la chré-
tienté; et que pour cest elFecl semble que ladicte Seigneurie de
Ra^use ^ vueille accuser que messer Polo de Gradi, Raguseo *, demeu-
rant ix Péra, en avoyt esté cause que à son instance cela aytesté faict.
De quoy se voidlant excuser et i)urger, j'ay esté recharché par ceulx que
dessus et aultres vous pryer donner bonne information de ce au sieur
ambassadeur de Raguze prez du Grant Seigneur. Et pour aultant que
au nombre desdicles quatre naves à vous concédées en fui nollisée une
de Somaio de Florence^ pour Ligorne", en laquelle estoyt participant on
polile quantité ung nommé messer Orsato de Giammagno, de ceste ville
de Venise, laquelle fut par icelluy Somaie conduyle en Florence, et que
à ceste cause lesdicts messer Orsato et Polo de Péra ont esté condemnez
parla Seigneurie de Raguze chascun en deux mille ducalz contre tout
debvoir et raison, s'il est ainsy qu'ilz n'en ayent point de coulpe. Il
vous plaira faire apparoir à la Seigneurie de Raguze de leur innocence
qui est à vous toute noloyre, ainsi que on m'a dict. Et davantaige que
lesdicts Seigneurs de Raguze furent contens que, en lieu de la nave
qui fut menée à bigorne, l'on en print une aullre et la conduyre al V'olo.
Laquelle n'y peust estre chargée, non par faulte et manquement des-
dicts messer Orsato et Polo, mais pour ce que le Grant Seigneur ne
voulust que ledict Somaie en fist charger davantage. Vous pryant
aussi donner bonne justiffication audict seigneur ambassadeur de
Raguze, si ledict Polo de Gradi ou bien ledict messer Orsato ont
aulcunement particippé aux frommens que vostre Seigneurie a faict
charger l'année passée en Levant, afin de leur lever telle culompnies à
eulx imposées et qu'ilz ne soyent injustement, à cause de tout ce que
dessus, mollestez ne oppressez en leurs facultez. Et pareillement j'ai
{. Jean-Jacques de la Croix, agent de l'ambassade française à Venise. Il en est
question dans une lellre de Renée de France, du 23 juillet 1539, â M. de Pons, où
elle dit : « J'cscripré à Jean Jacomo de la Crois pour me faire avoir des pongnars
{poir/nardt) et à M. de Monpelier (l'elticier) » (Fontana, Renata di Francia, duchessa
di i-enara-, Rome, 1S89-1803, 2 vol. gr. in-S").
2. Volo, ville et i)orl de Tuniuie, en Tliessalie, sur un golfe de l'archipel qui porte
également ce nom.
3. Indépendante depuis la rlmte de l'empire grec, Raguse formait une petite
republique aristocrati(jue, qui se maintint pendant plusieurs siècles sous la protec-
tion des puissances voisines.
i. Paolo de Gradis, négociant et banquier ragusain établi à Constantinople.
5. Les Sommaja, banquiers florentins.
6. Livourne, port de commerce fort important de la Toscane, sur la Méditerranée.
Simple bourgade jusqu'au milieu du xni« siècle, les Florentins l'avaient acquise
des Génois, en 1421, afin d'y établir un port et de se créer une puissance maritime.
["août Ia40] GUILLAUME PELLICIER 63
esté pryê vous supplyer qu'il vous plaise donner toute ayde et faveur
à un nommé Jclian do Pahnonte, de Andrinopoli', alin qu'il ayt congé
et licence de povoir lever des pays du Grant Seigneur telle quantité de
uve passé - qui luy sera de besoing, sçavoir est à Lépanto^, Palrasso *,
et aultres lieux circonvoisins. Dont de tout ce que dessus je vous
supplye, Monsieur, mais c'est de tout mon cueur, suyvant vostre
accoustuméo bonté, voulloir donner à cognoistre ausdicts person-
naiges, le plus efficacement qu'il vous sera possible, que ma lettre leur
aura servy en cest endroict; et ce sera pour de tant plus confirmer et
faire apparoir à ung chascun la vraye et entière amytié qui est entre
nous deux, faisant de mon cousté le semblable en tout ce qui me sera
possible. »
Vol. 2, f"^ 32, copie du wi" siècle; 1 p. in-f'^.
PELLICIER AU MÊME ^.
37. — [Venise], 3.2 aoùl 1540. — M. de Vaux est arrivé le 18, appor-
tant les lettres de Rincon des 17 et 18 juillet.
«... Quant ad ce que m'escripvez vous faire responce sur ce propoz que
vous avoys mandé long temps a, touchant la décadence et abaissement
du crédict de S. M. par delà et de ses ministres, je vous diray que à pré-
sent le contraire est tant bien congneu, et a l'on a vu à l'œil et touché au
doy que c'estoyent parolles mises en avant contre toute vérité et hon-
nesteté, comme depuys par plusieurs tesmoingnages des bons et loyaulx
offices que soubz la faveur et crédict dudict seigneur roy avez faict en
cest endroict, ainsi que vous ay escript et que vous mesmes m'escripvez
par vostre lettre dudit xviii*^ avoir entendu. Il me semble n'estre besoing
vous faire aulcune responce sur ce poinct là, sinon que pour le grant
desplaisyr que je avoys de telz biaisons qui n'estoyent vraiz les vous
vouUuz bien faire entendre, ainsi que feray ordinairement tout ce que
pourray congnoistre qui concernera la réputacion et auctorité du roy
1. Giovanni di Palmonle, négociant italien établi en Levant.
2. Uve, du lalin uva. — Uva passa, raisin sec.
3. Lépante, ville forte et port de Grèce sur la côte septentrionale du golfe de ce
nom. Elle appartenait aux Turcs depuis 1498.
4. Patras, port de Grèce situé à l'entrée du golfe de Lépante, dans l'enfoncement
qui prend de là le nom de golfe de Patras. Conquise par les Turcs en 1446, son
commerce florissant y avait fait établir des consuls par les principales nations
européennes, et notamment par les Vénitiens.
5. « Nota, che e stato scritto il detto giorno al signor arcivescovo di Ragusa, dan-
doli aviso de le ultime ne le quali si scriveva degli mille scudi; del plico che va a
Gonstantinopoli per messo non a posta; le acoglienze fatte a lo scapoccino; la excusa
fatta del dolcrsi de l'aviso datoli di quelli di Ragusa, che rapportavano le nuove;
la racommandalio del canonico Dulcigno; la nuova de la morte del re d'Un-
garia, etc. •
64 AMBASSADE DE [aOUT l:i40]
el honneur de vous, estant asscuré que le prendrez tousjours comme
d'ung vostn; el parfaict amy, désirant vous tenyr adverly de toutes
choses. Au demeurant, n'esloyt que je crains que on voullust penccr
que fusse trop enviculx de sçavoir les afTaires, je vous vouldroys bien
pryer, si voyez que bien soyl, rtu; donner adviz quel fruicl et mérite
Ton pourra avoir à la lin sur la conclusion de ceste paix au prolllct et
avantage de nostre commun maistre, pour tant de peynes et travaux
que y ont prins ses ministres souhz sa faveur et crédict; et mesme-
menl vous plus (juc nul aullre, en quoy aussi de mon cousté ne me
suys espargné sellou l'endroict où jii suys. Car s'il est ainsi que de
lonj^temps suys adverly que cez Seigneurs vous ayenl faict entendre,
que d'eulx-mesmes feussenl conlcns condescendre à quehjue parly
pour lequel se voulsissenl rendre neutres, ce ne seroyl, s»tulr/, correc-
tion, grand avantage, comme vous-mesmes sçavez trop mieulx; mais,
j'estime par voslre bonne prudence el dextérité sçaurez si bien con-
dnvre cest afTaire que suys tout asseuré que ce sera au plus grant
lionneur, proflict el advanlage de S. M. Et de ma part n'esloyt que on
me pourroyl accuser de m'empesclier trop avant en cest afl'aire, je
diroys (jue à tout le moings l'on debvroit emporter ce poincl que on se
déclarasl amy du vray amy que bien sçavez, el qu'ilz ne nient point ne
luy estre plus allenuz que à nul aullre... »
M. de Vaux est parti le 20 pour la cour, envoyant d'avance son
paquet à Turin.
« ... Icy sont venues lettres de laTransylvanye, du vii^du présent, par
lesquelles l'on entend que le roy Jehan esloyl si griefvement mallade
que l'on n'y allendoyl vie. S'il est ainsi, j'estime que aurez esté
adverly plus tosl que de ce cousté. »
Vol. 2, fol. ;{3. copie du xvi^ siècle; i p. 1/2 in-f».
l'ELLlCIER A M. DE RODEZ,
38. — [Venise], 23 août 1540. — « .... M. de Vaulx, ainsi que vous
ay cscripl, arriva icy le xviii en très l)onne santé, ayant apporté lolal-
lemenlla résolucion de ce pour quoy il esloyl allé en Constantinople,
avecques l'entière satisfacion el contentement de S. M. ; qui n'est aullre,
ainsi que j'ay peu entendre, que une nouvelle ralificaciou el confirma-
tion de lamytié et bonne voulenlé que le Grant Seigneur porte â S. M.,
laquelle a accordée moult voullentiers et de très bon cueur, avecques
telles promesses et offres que on eust sceu demander. Qui sont toutes
les nouvelles que vous puys faire entendre de ce cousté là, sinon que
le xviF du passé les bassaz tenoyenl propoz au seigneur Rincon qu'ilz
estoyenl en grande expeclalion d'entendre la responce el résolution de
ceste Seigneurie sur les conditions de la paix accordée à cez Seigneurs,
[AOUT 1540" GUILLAUME PELLICIER gj;
s'esbahissans qu'elle tardoyt tant à venyr. Sur quoy ledit seigneur
Rincon l'eist responce tant pertinente et suflisante à ee, par sa bonne
dextérité et jugement, qu'il/, s'en tindrent pour contens. Et le lan-
demainxviii'-^ arriva là Janezin, envoyé par ceste Seignorie, comme vous
ay escript, portant ladicte résolucion de tout sur cest affaire; mais,
pour ce que ledict seigneur de Vaulx avoyt desjà sa dépesche toute
faicte et qu'il se partit ledict jour, l'on n'a sceu encores entendre quelle
conclusion se faira là dessus : laquelle, ainsi que a escript l'ambassa-
deur de cesdicls Seigneurs, debvoyt mander dedans quatre ou cinq
jours de là. Et enfin j'estime que les affaires de cez Seigneurs, pour la
faveur et auctorité du roy qui ne les a pas moings à cueur que les
siennes propres, avec la conduyte et dextérité dudict seigneur Rincon,
se pourteront très bien de ce cousté de là. L'on a eu icy lettres de
Pétovia - et aultres lieux de ce quartier là, du vii" de ce moys, par
lesquelles l'on entend que le roy Joani, vayvoda, estoyt si griefvement
mallade que l'on n'y attendoyt vye; de sorte que à présent Toppinion
est d'un chascun qu'il est déceddé -. S'il est ainsi, vous entendez très
bien quelz mutacions et troubles en pourront sourtyr^ Quand aux nou-
velles de la court, je vous diray que j'en ay ce jourd'huy receu lettres
du xiT et XIII'' de ce moys, escriptes à Watteville \ où le roy se retrou-
voyt en aussi bonne santé que jamais. Dieu mercy, et ses affaires se
portoyentde tous coustez aussi bien que on sçauroyt souhaiter; et, ad
ce que m'escript monseigneur le connestable, S. M. estoyt pour s'en
retourner de brief à Fontainebleau. Et pour aultant que suys bien
asseuré que aurez plaisyr d'entendre le bien et accroissement de messer
Sébastiano Serlio, architecto, je vous diray comme ayant escript en sa
faveur à la reyne de Navarre, il y a environ ung moys, mon homme,
que j'ay là à la court, m'a faict responce là dessus que madicte dame
avoyt tant faict avec S. M. qu'il luy avoyt esté ordonné troys cens escuz,
lesquelz desjà mondict homme avoyt recouvers et mandez à Lyon pour
me faire tenyr icy, affm de les luy bailler pour faire le voyaige en
France avecques sa famille; — et pour l'ad venyr deux cens escuz d'estat
du roy et cent que madicte dame luy donne, et une maison en France,
sans aultres bons advantages que mondict homme m'escript me faire
entendre cy après. Il m'a donné une lettre par laquelle à mon adviz
vous advertist de son voulloir et intencion... »
Vol. 2, fo ,33 v% copie du xvi» siècle; 1 p. 1/2 in-f^.
i. Pcttau, en latin .. Petovio «, ville de Styrie sur la rive gauche de la Dravc, à
30 kilom. de Marbourg.
2. Jean Zapolya mourut, en elTet, le 21 juillet 1540.
3. Valteville, bourg de Normandie, situé dans l'arrondissement d'Yvelot (Seinc-
Inférieure), sur la rive gauche de la Seine. François I" y fit alors un assez long
séjour (V. Catalogue des actes de François I", l. IV, pp. 131 à 137).
Vemsk. — 1540-1542. .S
66 AMUASSAl'E DE AOl T 1540j
l'ELMCIEH Al »(»! '.
39. — \Vruise], 26 août i ,')40. — « Sire, je receuz hier les lettres
qu il vous a pieu m'escripre du xu" de ce moys, les<iu<'llt'sce jourd'huy
suysallé comuiuniqucr à co/. Scij^neurs, eu ce qui laisoyt pour eulx,
mesmemonl que V. M. vnulloyt quo on leur feist 1res bien entendre
que en tous les lieux et endroiclz où vous pourrez faire pour ceste Sei-
gneurie, qu'il ny aura point de faulle que ne le faciez comme le meil-
leur et plus Terme amy qu'elle aura jamais en ce monde. VA pareille-
ment ay dêclairé le contenu de celles que avoys receues du seigneur
Rincon j)ar M. de Vaulx, qui n'estoyt en somme (jue les bons offices
quejournellemenlicelluy seigneur Hincon afaictz et faict pour eulx là où
il est suyvanl voslre vouUoir et commendemenl. Lesquelz, après vous
avoir très atlecUonnèment remercyè, m'ont dict qu'il/, congnoissoyent
les etïecty. et démonstrations eslre si apparens de la parfaicte et vraye
araytié que leur portez; et encores qu'ilz en sont tant bienasseurez par
leurs ministres mesraes, par le rapport de messire Vincenzo Grimani,
et de leur ambassadeur le seigneur Gapello* qui est prez de V. M., que
povez estre certain que réciproquement vous portent telle amytié et
affection qu'ilz sçauroyent faire à leur estât et république mesmes. Et
de ma part me semble que je les veoy chascun jour augmenter de plus
en plus en ceste bonne voullenté, principallement les plus grandz et
apparens de ceste Seignorie, comme ceulx du colliege et conseil de
Diexe. Et aprez avoir dêclairé tout ce que me sembloyl estre bon à leur
dire, les ay priez, s'ilz avoyenl quelque nouvelle digne de vous faire
sçavoir, qu'il leur pleust m'en voulloir faire part, et nommément du
bruictqui estoyt icy du roy Jehan, vayvoda; lesquelz me ont dictqu'ilz
avoyent eu lettres de Pelovia, du vu" de ce moys, et par icelles entendu
pour tout vray que ledict roy vayvoda estoyt déceddé, me disant que
V. M. enlendoyt très bien de quelle importance et conséquence povoyt
estre sa mort, et quelles mutacions et troubles en pouvoyent sortyr.
Et depuysj'ay entendu comment ilz avoyent eu lettres de leur ambas-
sadeur prez du roy Ferdinando, les advertissant que icelluy roy, ayant
sceu le grief estât dudict roy Jehan, se partyt le xxix' juillet de Ilague-
naou et se mistpareaue sur le Danubio pour arriver plus tost à Vienne,
en laquelle, nonobstant quelque peste qu'il y ayt, estoyt résouUu
d'entrer pour pourveoir aux affaires du royaulme d'Hongrye et pays
1. « Nola que la présente dépeschc a été mandée par Formiguet en dilligence. •
— Formiguet, munilionnaire chargé de la solde des troupes et des autres dépenses.
2. Cristoforo Capeilo, ambassadeur ordinaire de la république de Venise auprès
de François I"de 1537 à 1540. Ses dépêches malheureusement nous manquent, aussi
bien que sa relation, qui fut présentée à la Seigneurie, à son retour de France, le
2S avril l.')41 (V. Baschet, Ai-chives de Venise, pp. 342 et G"3, et la dépêche de Pelli-
cier au roi, du 30 avril 1541).
[août 1540] GUILLAUME PELLICIER 67
dudict roy Jehan, le tenant comme pour mort. Par quoy, me recordant
encores des propoz que M. l'arcevesque de Transilvanye, son ambas-
sadeur, me dist, passant par cy au moys de may, comme ay escript
à V. M. le xxix^ dudict moys, touchant le traictement de quelques
affaires de bien grant importance avecques icelle, m"a semblé ceste
nouvelle n'estre nioings d'importance pour estre faicte entendre aussi
tost que celle de la paix de ccz Seigneurs dernièrement et de la prinse
de Castelnove,' dont ay dépesché incontinent expressément et en dilli-
gence jusques à Thurin pour vous en advertyr. Sire, j'ay entendu que
l'empereur, estant adverty par quelque cardinal de Rome que Ton
présume que Mgr le Révérendissime Salviati ' sollicitoyt fort le duc
Cosme - pour l'attirer à la dévotion de V. M. et se deslicr totallement
de l'obéyssencc dudict empereur, en a eu si très grant desplaisyr qu'il
a escript au duc de Ferrare quasi par forme de commendement que s'il
luy voulloyt faire plaisyr et service, qu'il ne laissast ledict seigneur
cardinal résider en ses pays, nonobstant qu'il en soyt évesque; dont
ledict cardinal en debvoyt partir de brief pour s'en aller où sa niepce
est vefve du feu seigneur Gaguin % et deslibôre d'entendre à l'alliance et
mariaige du seigneurSforsin, nepveu du pape \ duquel vous ay escript
cez moys passez.
« Sire, comme j'ay esté adverty, le seigneur Pietro Strocy^ se doibt
partyr de brief d'icy pour s'en aller à Romme traicter avecques Sa Sainc-
teté de l'achapt qu'il veult faire de la ville et conté de Fan **, terre
maritime de assiette pour aisément fortiffier et pour estre voysine des
pays du royaulme de Naples, d'Urbin, et parmy les terres de l'Esglise,
pour avoir là non seullement ung lieu de reffuge, mais très apte et suf-
fisent à faire beaulcoup d'ennuy à ceulx qu'il vouldra. Et m'a bien faict
1. Giovanni Salviati, cardinal (1517), évèqno de Formo (l,")ls-lo23); de Ferraro
(1520-1550); de Saint-Papoul (1522-1538), de Vollerra (1331)-! 532); de Santa-Severina
(1532-1535), légal apostolique en France (1527). Fils de Giacomo Salviati et de
Lucrezia dei Medicis, sœur de Léon X, il était né à Florence, le 2i mars llOO, et
mourut à Ravenne le 28 octobre 1553. Il remplit diverses missions diplomatiques
pour le Saint-Siège et négocia près de (Iharles-Quint la délivrance de François I".
2. Cosimo I"dei Medicis, premier grand-duc de Toscane, né en 1519, mort en 1574.
En 1537, après le meurtre d'Alessandro, il était devenu chef de la répul)li(juc floren-
tine, avec l'aide de Charles-Quint, qui, pour prix de sa protection, obtint de mettre
des garnisons dans les places de Florence, de Livourne et de Pise.
3. Caguino di Gonzaga.
4. Guido Sforza, comte de Santa-Fiore, avait épousé Constanza, fille d'Angelo Far-
nese, frère et capitaine du pape, et d'Angela Orsini.
5. Pietro Strozzi, depuis maréchal de France, né en 1500, tué au siège de Thion-
ville le 20 juin 1558. Issu d'une illustre famille florentine, bannie de la cité par les
Medicis et réfugiée à Venise, il s'était mis en 1336 au service de François 1=';
celui-ci le nomma colonel des bandes italiennes qui guerroyaient en Piémont
sous le comte Lodovico Rangone, lieutenant-général. Après avoir tente vainement,
l'année suivante, de rendre l'indépendance à sa patrie, Pietro Strozzi s'était de nou-
veau retiré à Venise.
6. Fano, sur l'Adriatique, à 11 kilom. de Pesaro.
68 AMUASSAliE I>E FaOUT ItUOj
enlfiulre qu'il n'a culrt'prins faire cesl acquest si n'est pour le service
de V. M., espérant Incn que advenant l'oeeasion en faire aparnir ])ar
l)ons elle cl"/..
« Sire, sur le poincl que voulloys sigiller lu présente, jay l'ulendu
que Janezin venoyl d'arriver, renvoyé expressément par le sieur
Bailouare, ambassadeur de ccz Seigneurs vers le Grant Seigneur; dont,
me attendant bien tju'il auroyl apporté quelques lettres pour nous du
seigneur Rincon, ay superceddé de envoyer cestcdicte dépesche jus-
ques ad ce (jue les eusse receues et entendu si je pourrrjys rien
apprendre digne de faire sravoir à V. M. Mais ledict seigneur Ilincon
ne mescripl aullre par la sienne du .v.v.\' juillet, sinon que de là à deux
ou troys jours nianderoyt la coppie de ses deux dépesches perdues des
X" et xV may, ainsi que luy avoys escript estre nécessaire; et que le
Orant Seigneur ne veult ratiffier la paix, si n'est avecques novitez et
reslrinctions des anciennes cappilulacions que de long temps ont esté
faictes et observées entre eulx à son grant advantaige; et ([ue, nonob-
stant quelques raisons et remontrances pércmptoires que lesdicts sei-
gneurs Kincon et ambassadeur Badouare ayent sceu faire l'ung après
l'aullre, n'a esté ordre povoir jamais deslourner ledict Grant Seigneur
de telz propoz. Et voyant. Sire, que ledict seigneur Rincon m'escrip-
voyt assez briefvement sans me toucher rien de la particullarité des
demandes, m'a semblé estre mon debvoir chercher d'entendre ce que
l'ambassadeur de cez Seigneurs leur escripvoyt pour le vous faire sça-
voyr : qui est que j'ay esté adverty que Lotphibey et les aultres bas-
chatz mettoyent avant, oultre les anciennes capitulacions comme dict
est, (juinzc poinclz; et, entre aultres, les plus importans estoyent que
toutes et quantes foys que le Grant Seigneur armeroyt pour entrer
dedans le goulfe de Courfou ' et de Venize, que les Seigneurs eussent
à se retirer dedans leurs portz et ne se démonstrer aulcunement en tout
ledict goulfe. Et oultre ce demandoyt les moullins de Sébénico *, qui
n'est aultre que le port dudict lieu, plus beau et commode que nul
aullre que soyten la Dalmalia, auquel descend ung fleuve qui s'appelle
la Cliina', qui l'enricliist beaulcoup; voullant davantaige que eesdictz
Seigneurs luy rendissent toutes les places et chasleaulx qu'il avoyt
prins et saccaigez durant la guerre en leur estât et domine, comme est
la Parga*, origine et naiscence d'Ymbrain Bascha^, chasteau en terre
ferme entre les goulfes de Butrinto *, qui est tout au devant de Corfou,
1. Corfou.
•2. Sébénico, ville et port important de Dalmatie, à 60 kilom. de Zara. Possession
vénitienne, les Turcs l'avaient assiégée vainement on 1538.
3. ("/est aujourd'hui le Kerka ou Tizio, qui se jfllo dans l'Adriatique à Sébénico.
i. Parga, ville forte <le l'Albanie, à 80 kilom. de Janina, en face de Corfou.
5. Ibraliiin-Paclia, premier pacha de Suleyman, grand vizir et séraskier ou lieu-
lenanl-j-'i'niTal, grec d'origine, mort assassiné le 5 mars 1536 (V. de Hammer, //i^-
loire de l'empire olloman, t. V, p. 2.32).
6. Butrinto. ville d'.Mhanie, en face de Corfou.
[aOLT 1o40j GUILLAUME PELLICIER 69
et celluy de la Prévésa', et en Tarchipellago les isles de Thinos et
Michon-, retenans encore leurs noms anciens : desquelz cez Seigneurs
s'estoyent remys en possession, n'estant tenuz et gardez par ledict
Grant Seigneur. Mais quant aux deux premiers dictz, c'est des moulyns
de Sébénico, et de l'entrée de l'armée au goull'e, par les raisons desdicts
ambassadeurs cela a esté si bien rabbattu qu'ilz les ont emportez, et
le semblable ont-ilz faict desdictes isles de Thinos et Michon ; de sorte
que desdicts quinze poinctz en somme n'en sont demourez que six
en diflicullé. Sçavoir est que le Grant Seigneur ne veult rendre Nadin^
et Laurana, cliasteaulx du conté de Jarra ^ tout au prez de ladicle
terre, pour aullant qu'il les print du temps qu'ilz rompirent avecques
luy, et conséquemment les avoit acquiz de bonne guerre. Et quant est
de la Parga, ledict ambassadeur escript qu'il estime qu'ilz pourront
conduyre l'affaire en façon que ledict Grant Seigneur se pourra con-
tenter que ledict chasteau soyt desmoly et ruyné, pour ne servyr ne
nuyre à l'ung ne à l'aultre. Et les troys aultres poincts sont de sembla-
bles choses en l'archipellago; et en revanche de ce lesdicts seigneurs
Rincon et ambassadeur ont gaigné le poinct que cez Seigneurs avoyent
de longtemps plus travaillé à obtenyr dudict Grant Seigneur que tout
aultre : c'est qu'ilz seront doresnavant quicles de ne payer les décymes
de toutes les marchandises que ledict Grant Seigneur prant en la Surye '.
Et en tout ce que dessus cez Seigneurs sont après pour se résouldre;
car ledict seigneur ambassadeur a esté plus respectueulx et retenu que
auparavant, et n'a vouUu accorder le nombre d'iceulx sans le sceu et
bon plaisyr de sa Seigneurie, et le messager n'a peu avoir respict pour
retourner à Constantinople que cinquante jours, par quoy on estime
qu'ilz le dépescheront le plus tost.. »
Vol. 2, f" 34 v°, copie du xvi" siècle ; 3 pp. 1/i in-f».
PELLICIER AU CONNETABLE.
40. — [Venise], 26 août 1 540. — La république de Venise continue
à se féliciter des bonnes dispositions du roi à son égard, dispositions
qui lui oui été confirmées par Vincenzo Grimani et l'ambassadeur
Capello qui est à la cour. « Lesquelz en oultre ont faict sçavoir à cez
Seigneurs le roy s'estre déclairé apertement à eulx, et, comme ilz
1. Prévéza, ville et port d'Albanie, à l'entrée du golfe d'Arta, dans la mer Ionienne,
conquise par les Turcs en 4338.
2. Mycons, l'une des Cyeladcs, voisine de Ténos.
3. Nailin, forteresse construite sur un roc très élevé, à dix-huit milles de Zara,
avait été prise par les Turcs sur les Vénitiens en 1538 (V. de Hammer, loc. cil.,
t. V, p. 308).
4. Lavrana, autre forteresse voisine, au comté de Zara.
5. Syrie.
70 AMltASSADE DE lAOLT loiO'
disent, s'est laissé cnli-iidre de voulloir enlror en une bonne ligue lou-
tesfoys et (juaiilos (ju'ilz y vuuldroyont entendre; ce (lue est très
bien accepté ties plus grans et de la meilleure partye de cex Seigneurs
qui y donnent et adjoustenl très bien foy. Mais, comme Voslre Excel-
lence mieulx sçayt (jue en une répuhlicque de tant de pièces que ceste-
e peult eslre qu'il n'yayt beaulcnup de diverses oppinions et fan-
taisyes, j'entond/. (ju'il y en a aulcuus (jui disent (jue si S. M. vouUoyl
à bon essiant entendre ad ce faire, il auroyt donné commission à ses
ministres qui sont par deçà de leur porter telz propoz et les mettre
avant en plain conseil, ausquelz on se pourroyt plus lost attendre que
aux leurs qui ne ont charge ne povoir de y rien conclure....
« Monseigneur, plus tost que à l'advcnture faillyr adverlyr le roy et
vous ainsi qu'il fault de chose qui me semble estre de assez grande
importance pour luy faire sçavoir promptement, ay mieulx aymé
encoryr ce danger de n'estre aprovée cestedicte dépesche faicte expres-
sément en toute dilligence jusques à Thurin, que estre reprins de tar-
dité et négligence : encores que peult estre que pourrez avoir esté
advcrty de ceste nouvelle, plus tost d'ailleurs que de ce cousté, dont
vous plaira me en avoir pour excusé. Et pour ce que verrez plus ample-
ment par les lettres du roy la raison pour quoy ay faicte cestedicte
dépesche, vous diray seullement soubz vostre correction et jugement
que à présent par le décedz du roy Jehan, vayvoda, attendu la bonne
et grant amytié qui de mémoire fresclie est eschauffée que le roy a
avccques le Grant Seigneur, S. M. pourroyt avoir aussi bonne part à
faire desposer du royaulme de Hongrye audict Grant Seigneur que nul
aultre qui le vouldroyt pourchasser, chose qui ne seroyt hors de
propoz, et ne fust seullement que pour garder tousjours que ce pouvre
pays-là ne fust du tout réduict ez mains des inlidelles, le faisant
tumber ez mains de celluy qu'il congnoislroyt luy estre plus amy et
afleclionné, et au contraire garder que ses ennemys et fàcheulx n'en
vinssent à leurs attentes, de sorte que à l'aventure eulx-mesmes
seroyent contrainctz de chaircher de faire le debvoir au roy de la duché
de Millau et qu'ilz peussenl eslre paisibles dudict royaulme. Vostre
Excellence entend trop mieulx telles choses que ne sçauroys pencer;
dont vous pryerai seullement les prendre en bonne part selon vostre
accoustumée humanité et bonté, affîn d'en faire ce qu'il vous plaira
puys aprez, et que congnoistrez estre le meilleur.
« Monseigneur, vous verrez aussi par les lettres du roy la cause de la
venue de Janezin, dont ne vous en feray aulcune répéticion; mais bien
vous diray que le seigneur Rincon m'a mandé, oultre ce que j'escriptz
à S. M. touchant les capitulacions et demandes que le Grant Seigneur
faict à cez Seigneurs, que M. leur ambassadeur Badouare, cuydant
couvryr et excuser son erreur passé, n'a vouUu accepter lesdictes cap-
pitulacions sans premièrement le faire entendre à ceste Seigneurie
[AOLT liiiO! GUILLAUME PELLICIER 71
pour en sçavoir son voulloir et intcncion; et que si, dès le commence-
ment que s'est attacliéc la praticque de ceste paix, ceste Seigneurie et
ses aniIjassadeUrs (ju'elle a envoyez par delà se fussent de tout remi/
et habandonnez à la disposition et povoii- de S. M., et qu'il/ eussent
franchement et sans rétemplion communicqué leur finalle intencion
avecques luy, il est certain que l'apoinctement de ladicte paix ne leur
auroyt esté si cher et ne se trouveroyent mainctenant en ces frivolles
cavilacions et discordz où ilz se veoyent; et qu'il leur avoyt tousjours
dict qu'ilz ne debvoyent jamais permettre ne offrir chose, sinon comme
persuadez el forcez de S. M. Car aultrement jamais le (Jrant Seigneur
ne se contenteroyt; mais ilz ne se sont oncques voullu déclairer à luy,
comme il m'escript faire entendre plus amplement par le double de ses
dépesches perdues des x et xv'''' may qu'il debvoyt mander dedans deux
ou troys jours aprez sa dernière du xxx'' du passé que ay eue par
Janezin; lesquelles receues ne fauldray incontinent les mander en toute
dilligence.
«... .Monseigneur, depuys avoir achevé ceste-cy est venu vers moy
ung des serviteurs du seigneur arcevesque de Transylvania et ambassa-
deur dudict feu seigneur roy Jehan ', qui m'a conlirmé pour tout cer-
tain la mort dudict seigneur; et, comme si la fatalle- du royaulme de
Hongrye ne fust assez déplorée, m'a conté que avant son trespas desjà
les deux vayvodaz de Transylvania, c'est Stéphano Maylac et Ymbric
Valassa', s'estoyent rebellez contre ledict roy, lequel avoyt prins sur
eulx deux places d'importance et sur le temps de son trespas les tenoyt
assiégez tous deux dedans ung chasteau fort appelle Foucaras ^ Lequel
siège aprez sondict trespas u"a laissé de continuer le thésorier dudict
royaulme nommé frère George^, hermite, lequel estoyt ordonné et
prestà se partyr pour aller porter au Granl Seigneur la pension des
années passées qui se montoyt en somme troys cens mil ducatz. Et
entretient ledict siège avecques luy Valentino Thurec, cappitaine
général de toute la Hongrye ''. EL d'aultre part Petro Prigny, l'ung des
1. Jean Statileo. évêiiiie il'Alha Julia on Transylvanie (1o3S-]ûo3). Il avait été
envoyé on Franco à divorses reprises, de lu2S à lo40, pour y négocier les intérêts
lie son maître (V. Charrière, t. 1. pji. 162. 169 el i37; et Ribier, t. J, p. o31).
•2. Destinée, fatalité.
3. Etienne Mailath, et Emerich Balassa, magnats de Hongrie, élus Ions deux
voïévodcs de Transylvanie pour l'empereur, dans une diète tenue à Schôshourg.
4. Fôgaras. en allemand Holz-dorf, l'orteresse et bourg de Transylvanie (V. Ribier,
t. I, p. o31, et X. de Gérando, Lri T.vnsi/lvcuiie et ses hnhitftnts; Paris. 1845, 2 vol.
in-S"; t. Il, p. 39).
o. Georges Martinozzi Uliesenovics, plus connu sous le nom de Frère Georges. A
la suite de la mort de son père et de son frère, tués en combattant contre les Turcs,
il était entré au couvent de Saint-Paul-Ermite, auprès de Bude, où il ne tarda pas
à acquérir un grand renom de savoir et de piété. Après la défaite de Tokay, il
releva lo courage de Zapolya, (pii le récom]iensa par l'évéché de Varad (Gross-
Wardein). dont il occupa le siège de 153ià l.'iol.
6. Yalcntiii Tôrok. magnai hongrois, généralissime de l'armée de Zapolya.
7-2 AMHASSADE l»K [aoUT ln40j
plus ^rans soif^ncurs dudict loyaulrnc', avecques réves({uc de Agria',
Yoysin dudicl genlilliommo qui se lient en Cassovia ', lenoyenl pour
le r(iy Ferdinando. I^a reyne, estant relevée de couche d'ung iilz que
Dieu li'iir av<t\l donné, s'est saisye du trésor lequel, aprez avoir esté
f^randeinenl diminué à cause de ladicli' pension tirée pour lediclGrant
Sei^'ucnr, n'est pas heanicoup riche en argent content, mais en quel-
ques joyeaulx el hagiies. Le roy Ferdinando a envoyé ii ladicte reyne
Nicolas (îrof Fouzohon, et ung nommé Paulo lialogue * en Tran-
sylvania aux barons et seigneurs de delà, et audict arcevesque de
Agria et aullres ung Nicolas Ollah'. Je suys asseuré que n'aurez failly
à entendre combien ledict roy Ferdinando, vivant ledict roy défunct,
a chairché par tous moyens plusieurs foys de avoir l'investiture dudicl
royaulmc par le Granl Seigneur. Il est vraysemblable que à présenl
il est pour plus insister et pourchasser de l'oblcuyr que jamais, el
n'est besoing vous dire combien cella les rendroyt dillicilles el
haullains. l*ar quoy n'en diray aultre sinon que je ne fauldray le plus
tosl à en adverlyr le seigneur Rincon, afiin de y prendre garde de
ce cousté-là. Ledict serviteur m'a baillé ung pacquet adressant audict
arcevesque son maistre, lequel pour l'afTcction que je sçay que S. M.
et vous luy portez n'ay voullu reffuser de mettre en cesle présente
dépesche pour luy faire lonyr. Il m'a dict luy estre de grandissime
importance.. »
Vol. •-', f° :{G, copie du xvi'-' siècle; 3 pp. 1/2 in-f".
l'ELLlClEH A M. l)K LANOEV.
41. — [Venise], 26 août i 540. — « Monsieur, jay receu vostre lettre
du wir de ce moys, ensemble ung pacquet du roy et deux aullres que
aviez receuz de Lyon pour me faire tenyr cl pareillement un petit livre
que m'avez envoyé, dont de tout je vous mercye. »
Pellicier revient alors sur la nouvelle de la mort du roi Jtrn
Zapolya (^ui peut occasionner « plusieurs mulacions el troubles de
grant importance ». Le dernier courrier de Rincon, en date du
1. l'icri'f Pérényi, l'un des principaux magnats de Hongrie, avait été l'un
des compétiteurs de Zapolya: il lutta courageusement, jusqu'à la mort de
ce iirincc, pour l'indépendance nationale, mais se tourna ensuite du côté de Fer-
dinaiiil.
2. Frère Fran(;ois de Frangipani, évéque d'Agria (Filau). de 1539 à 1542. Déjà
archevêque de Coloc/a (Hacs) depuis vy.W. il nuturul dans cette dernière ville en
154:5.
:]. Cassovie, aujouririiui Kascliau, évèclié de Hongrie situé sur le Hernath.
4. l'aulUalogh, genlilliouimc hongrois au service de Ferdinand.
5. Un membre de celle famille, Biaise Olah, avait défendu Belgrade contre les-
Turcs en août 1521 (V. de Hammor, toc. cil., t. V. p. 18).
[août 1540^ GUILLAUME PELLICIER 73
30 juillot, ne lui a rien appris « sinon que le Grant Seigneur ne voul-
loyt raLirticr la paix ->,
« ... Monsieur, j'ay esté adverty que ung frère Léonard ', observantin,
natif de Pyémont et jadiz confesseur do rextrêmc duchesse de
Savoye ", qui puys naguères est passé par icy pour aller à Romme
avecques le général des Observantins qui est espagnol, s'est laissé
entendre que peu de temps après qu'il sera arrivé là, s'en doibt aller en
Pyémont pour tramer à leur accoustumée quelques traictemens. Et
entendez aussi que aprez luy en vient ungaultre de la court de l'empe-
reur et roy des Romains, duquel ne sçay le nom desesaultres qualitez /
ou notes, qui doibt mettre avant plusieurs menées et faulces enlre-
prinses, promesses et espoirs, pour h son povoir essayer de faire
quelques esmotions ez pays de Piémont et Savoye, œuvres voirement
de telle leur religion. Dont vous plaira en estre adverty et mesmement
du frère Léonard, lequel, comme j'entendz de bien bon lieu, en la ter-
rible saison que lempereur entra en Prouvence ", vint à ladicte
duchesse environ la fin de juillet, luy annonceant ceste à eulx piétable *
nouvelle que avant que fust la fesle Nostre-Dame de la my-aoust
ensuyvant, il n'y auroyt de la stirpe du roy ne luy ne aulcuns de ses
enfans survivens : ce que ladicte duchesse, pour sa bonne prudence et
taciturnilé, non seullement le creut voullentiers, mais en fcist part à
plusieurs ([ui l'eurent à plaisyr et les aulcuns à desplaisir, dont s'en
ensuyvist la pitoyable et cruelle mort de feu Mgr le daulphin ^. Je
désireroys, si Dieu le voulloyt, que ce beau père, qui a accoustumé
confesser les aultres de telz cas, fust confessé de cestuy-cy pour
adjouster, avecques celle du conte de Monte Cocullo, la sienne ^. Je
verray entendre le nom et enseignes de cest aultre frère frappart qui
doibt venyr de brief, et ne fauldray vous advertyr de tout ce que en
entendray. Vous congnoissez mieulx leurs portées et combien il faut
peu tenyr conte des menées, non seullement de ces deux icy, mais géné-
1. Leonardo Publicio roiiiplit successiveincnt les fonctions de gardien de la pro-
vince de Gènes, vicaire général de l'ordre et commissaire général de la famille
cismonlane (V. Annriles Mmoriim, t. XVI, pp. 213 eL 395j.
2. Béalrix, fille d'Emmanuel, i-oi de Portugal, et de sa seconde femme Marie d'A-
ragon. Née à Lisbonne le 31 décembre IriOi, mariée à Charles III, duc de Savoie, le
26 mars l;j21, elle était morte le 8 janvier 153S au château de Nice. Son mari, versa-
tile, hésitant sans cesse entre le parti de François 1" son neveu, et celui de Charles-
Quinf, son beau-frère, s'était vu dépouillé par eux d'une bonne partie de ses états.
3. Cliarles-Quinl avait i)assé la frontière, avec son avant-garde, le 25 juillet 1536.
4. Pitoyable.
5. François, dauphin de Yietmois et duc de Bretagne, était mort à Tournon, le
10 août 1536, à l'âge de dix-huit ans, des suites d'un refroidissement suivant les
uns, empoisonné selon les autres.
6. Sebasliano, comte de Montecuculli, gentilhomme ferrarais, écuyer du dauphin,
accusé d'avoir, à l'instigation de Charles-Quint, empoisonné son maître à Lyon, le
S août 1536. Le procès eut un long retentissement; Montecuculli fut exécuté à Lyon
le 1 octobre de la même année. Catherine de Médicis, belle-sœur du dauphin, passa
également pour n'avoir pas été étrangère à ce crime.
74 AMBASSADE DE [aOIT 1540]
ralleint'nl de tous. Je vousav escripl par ma dernière dépesche comme
le tilz d'Aldo ' m'avoyl envoyé le livre .4</ Atlinim lequel, pour n'avoir
eu le temps depuys de le povoir faire rellier, — el aussi, (luant à la
vérité, il esloyt trop fraiz pour battre, — jay remis à le vous mander
par le messat;»M' que m'avc/. envoyé, que je déliens jusques ad ce qu'il
me sovt venu «tccasioii «le faire une aultre dépesche. "
Vol. 2, f^ :}8, copie (lu \vr siècle: 1 p. '.i/'t in-f^
l'ELLIi;iEK A M. DE VILLANDRV.
42. — [l'rnise], 26 août 1540. — Pellicicr a reçu sa lettre du 12 de
ce mois, avec le paquet du roi. 11 a pris plaisir à apprendre le retour
de Villandry à la cour, et compte que celui-ci ne le laissera pas man-
quer de nouvelles « de ce cousté-ià ».
Vol. 2, i° 37 \^, copie du \vi« siècle; 1/2 p. in-f".
PELLICIER A RINCUN.
43. — [ Venise], 3 1 août 1 540. — « Monsieur, par la mienne dernière
du XXII* de ce movs vous av l'aict entendre l'arrivée icv de M. de Vaulx et
son parlement pour aller à la court, et depuys ay receu les vostres par
le lilz de M. l'ambassadeur Badouare, du xxx* de juillet, que Janezin
avoyt apportées qui arriva icy le xxiiii'^ de ce présent moys. Le contenu
desquelles, aveccjues ce que ay peu entendre icy davanlaigc sur le dif-
férend des conclusions de ceste paix, ayfaict savoir au roy, et le demeu-
rant à monseigneur le connestable, desquelz ay pareillement receu let-
tres escriptes à Watteville en Normandye le xiir de ce moys. Desquelles
ne vous puys mander aultre, sinon la bonne santé du roy et de toute sa
compagnye. Bien est vray que à cause des grandes sécheresses et chal-
leurs (jui ont esté là y a eu de grandes malladyes; et entre aultres
madame la daulphine, M. d'Aumalle, avec qui se traicte le mariage de
la niepce du pape, et M. de Boysy ^ y ont esté fort mallades, et M. de
Lautrec ^ aussi, tant qu'il y est demeuré par ung flux de ventre. Dont
est très grant domaige à cause que la maison, quant aux nom el armes,
est perdue; car, quant aux biens, ilz sont tumbez en une aultre maison
non moingdre que ceste-là, «jui est de M. de Laval en Bretaigne, nepveu
1. Paolo Manuccio mi .Manuziu, né ;i Venise en l.";i:2. mort en l-ûl.
■1. Claude rioiiflier, seigneur de Boisy, f-'enlilhomnie de la (liaiiiltre, mort on 1570.
3. Henri de Foix, seigneur de Lautrec, second lils d'Odel de Foix, vicomte de
Lautrec, maréchal de France, mort au siège de Naples en 1528. Le P. .\nselme
{Uisl. f/énéalof)irjue. l. III, p. 380) le fait mourir à lorl le 20 sei)tembre.
[août 1540] (iUILLAUME PELLICIER 78
de M. le connestable, qui a espousé lasœur dudict feu sieur de Laulrec'.
S. M. a faict sa feste de Xostre-Dame de la iny-aoust audict Watteville,
de où devovt part\ r l)ien tost aprez pour venyr droict à Fontaiuel)leau "^
J'ay entendu par aultre voye ([ue M. le maresclial d'Ânne])aulL s'en
doibt venyr de brief à Thurin avecques quatre mil Gascons. Je vous
envoyé ung double de nouvelles venues de Romme, en la fourme que les
ay receues; oultre lesquelles vousay bien voullu escripre celles que me
faict entendre M. de Rhodez par sa lettre du xxi" de ce moys : mesme-
ment comme le soyr auparavant estoyt arrivé vers luy ung chevaucheur
d'escuerye que le roy avoyt dépesché audict Watteville, le xiii% pour
le faict du mariaige de M. d'Aumalle, filz de M. de Guyse, avecques la
signora Victoria, ouquel comme il m'escript ne veoyt tanlost plus de
difficulté. Et arrivé que fust ung gentilhomme que S. M. luy escripvoyt
debvoir envoyer bientost aprez, toutes choses se vuyderoyent, et pren-
droyt l'on tinalle résolution dudict mariaige, lequel oultre le omen du
nom de Victoria trouble plus les cerveaulx des Impériaulx que chose
que leur advint long temps y a, et ce, pour les raisons que pour vostre
bon sens et jugement pourrez bien congnoistre. Et j'espère vous en
faire ung bon discours par mes premières, tout tel qu'ilz l'ont mandé
à l'empereur. Il m'escript aussi avoir eu lettres de Suysse et de Savoye
comme ceulx de Berne et de Genefve estoyent en grant combustion, et
que à Genefve l'on monstroyt ne A'oulloir nulle amytié avecques les
Bernoys; car ilz faisoyent grosses réparations et avoyent mys toute
leur artillerye grosse en leur grant place. L'on présumoyt que les
Ligues s'eslèveroyent pour faire guerre de là le Rin contre ceulx de
Lendeberg ^ et leurs consors, et y a desjà dix cantons qui sont résoluz de
ladicte guerre, n'attendans aultre chose que la responce des princes
d'AUemaigne, ausquelz ilz en ont escript. Et le semblable ont-ilz faict
au roy et demandé secours suyvant le contenu des traictez qu'ilz ont
ensemble. Les princes qui estoyent à Haguenaou ont accordé une aultre
diette qui se ti-endraàlaToussainctz, et a esté dict que le pape s'y trou-
vera s'il plaist à l'empereur; ilz se doyvent trouver ce pendant à Olmes *
pour disputer des choses de la religion. Je vous envoyé ce que M. de
Bayf dist ausdictz princes de la part du roy, et puys s'en retourna
incontinent devers ledict seigneur. Le pape est en propoz d'y en-
voyer M. le cardinal Contarin ' et révocquer M. le Révérendissime
1. Guy, comte de Laval, gentilhomme de la chaiiil)re, neveu <rAnne de Mont-
morency, et marié à Claude, sœur de M. de Lautrec (V. Cnt. des Actes de Fran-
çois I", t. IV, p. 145, n" 11.665).
2. 11 n'y revint que dans la première quinzaine de novembre
3. Hohen-Landenberg, en Brisgau.
4. Worms.
0. Gasparo Contarini. eardinal (J.';3'i). évèque de Belliine (l.")3ri). né ;i Venise le
16 octobre 1483, mort à Bologne le 25- août 1542. Amltassadeur ordinaire de la Séré-
nissimc république près de Charles-Quint, de 1320 à 1525, député de Venise près
'lu AMIIASSADE DE [aOUT 1540]
Marcello ', car il y a assez temps pour ce faire. Le'roy des Romniains
presse l'enipereiir de se trouver à hulicte dielte procliaine, mais il ne
luy a poiuct encore faict de responce altirmative. 11 a esté mallade de
};oultes en llolande et s'en est revenu en Brahant, et encores ne se Irou-
voyl bien; aulcuns veullent dire, — et ce/. Seigneurs en ont lettres de
bon lieu, — que ce a esté morbus qui clespui solel, duquel vous sçavez
qu'il a esté pour le passé touché. Il a laict demander un om|»runcl de
cent mil escu/. a Florence, et que la garnison de la ville, qui est d'Ytal-
liens, fust d'Esj)agnolz, et que parcillfinent la garde de la fortresse,
qui est de troys cens Espagnolz, lust redoublée, le tout aux despens de
la communaulté *. André Doria est retourné à Messine, n'ayant trouvé
le roy de Thunys opprimé des .\llarbes, comme Ton disoyl, et en s'en
retournant a prins ung coursaire avecques trois ou quatre fustes ".
« Monsieur, je vous ay oscripi ])ar madicte dernière lettre comme l'on
avoyt apprins icy que le roy Jehan vayvoda esloyt griefvement mallade;
mais depuys cez Seigneurs me ont laicl sçavoir quilz avoyent lettres
comme il esloyt mort, ce que m'a esté confirmé par ung serviteur de
M. l'arcevesque de Transilvania qui le m'a asseuré pour tout certain.
Dont, me recordant des propoz que me tint ledict seigneur arcevesque
passant par icy en ce moys de may, allant en France ambassadeur vers
S. M. pour ledict roy de Hongrye, pour traicter de quelques affaires de
grant importance, m'a semblé faire à propoz en debvoiradverlyrle roy
en toute dilligence, considérant de quelle importance et conséquence
povoyt estre sa mort et quelles mutacions et troubles en povoyent sortyr.
Et a l'on icy eu nouvelles que le roy Ferdinando, ayant entendu seulle-
mentlagriefve malladye dudict roy Jehan, s'estoyt party le xxix^ juillet
de Hagenaou, et s'estoyt myspar eaue sur le Danubio pour arriver plus
tost à Vienne, en laquelle nonobstant quelque peste qu'il y ait estoyt
résolu d'entrer pour pourveoir aux affaires du royaulme de Hongrye et
pays dudict roy Jehan, le tenant comme pour mort.
Dont vous ay bien voullu adverlyr, afiin que par voslre bon jugement
du duc de Ferrare,.en lo^:, il séjourna à Rome de 1528 à 1530. Paul III le charpea,
de 1538 à i;S33, de diverses négociations auprès de l'Empereur el de la répulilique
de Venise, et, sur la demande de Charles-Quinl, en 1540, le désigna comme son
légat à la (lièle de Halisbonnt-. De retour à Rome en 1541, il z-e(;ut du pape, l'année
suivante, la légation de Bologne (Alberi, Brlazioni, etc., •2° série, t. III, p. 251).
1. Marcello Cervini, cardinal, évéquc de Nicastro, depuis pape sous le nom de
Marcel II. Il était alors légal aposlolicjue dans les Flandres. Né le G mai 1501. à
Monte-Pulciano, il mourut à Home le 1" mai 1555, après vingt el un jours de pon-
tilicat.
2. Voir la note 2 de la page 6".
3. Par le mot fuste, du latin fustis.^,' Itois », on désignait primitivcmenl tout
navire, par métonymie, d'après la matière dont il élail fait (V. la note 7, p. ", pour
le mot ligne, du latin lif/uum). Aux xv' et xvi* siècles, les fustes formèrent, dans
la famille des bâtiments à rames, une catégorie à part, tenant, selon l'organisation
des bancs de rames, soit du brigantin, soit de la galère (V. Jal, Glossaire imutique,
p. -26).
[août lb40] GUILLAUME PELLICIER 77
et dextérité pourvoyez ainsi que verrez les affaires le requérir. Si ne
larray-je à vous dire mon petit jugement là dessus qu'il me semble que
attendu la bonne et grande amytyé qui de fraiz est eschaufée entre le
roy et le Grant Seigneur, S. M. pourroyt avoir aussi bonne part à faire
disposer dudict royaulme de Hongrye audict Grant Seigneur que nul
aultre qui le vouldroyt pourchasser, chose qui ne seroyt hors de propoz
et ne fust seullement que pour garder tousjours que ce pauvre pays là
ne fust du loutréduyt ez mains des gens alliénez de nostre religion, le
faisant tumber en celles que Ton congnoistroyt estre le plus amy et
affectionné du roy. Et encores, à Tadventure, cela pourroyt bien estre
cause que on rechercheroyt S. M. de luy faire le debvoir de la duché de
Millan, moyenant que on les feist paisible dudict royaulme. Vous
entendez trop mieulx cez affaires là que ne sçauroys pencer, et ce que
je vous en dictz n'est seullement que soubz votre correction et bon adviz,
pour vous tenyr adverty de tout ce que me semble estre au proffïct,
advantaige et honneur du roy. »
Pellicier entretient alors Rincon de la révolte qui a précédé la
mort du roi Jean, dans les termes contenus dans sa précédente lettre
au connétable.
« ... Monsieur, je vous renvoyé l'orloge du seigneur Janus Bey,
laquelle a esté si bien racoutrée que ce luy pourra tourner à proffïct
d'avoir esté gasté d'aultant qu'il est mieulx réparé qu'il ne fust jamais
du commencement faict.
« Monsieur, je suys adverty par lettres de M. l'arcevesque de Raguse,
du xv« de ce moys, qu'il y a ung nommé Odoardo qui a esté prins et
mené en Constantinople ; je vous prye y prendre bien garde, car l'on m'a
dict qu'il a faict faire tout cecy à poste pour ce qu'il a voulloir de se
rendre Tourcq. Aussi j'ay entendu que le marquis du Guast depuys
naguères a faict proclamer, dedans Millan, que tout ceulx qui estoyent
à la soulde de l'empereur eussent à se retirer audict Millan dedans peu
de jours, sur peyne d'estre cassez, bannys, et confisquez tous leurs
biens; et davantaige a faict aussi cryer que l'on eust à fortifier en toute
dilligence les villes qui sont lymitrophes à celles que tient le roy en
Piémont, comme Voulpien et aultres ^
« Monsieur, j'ay esté adverty que cez Seigneurs ont trouvé terrible-
ment estrange que le Grant Seigneur recherche chascun jour de leur
mettre avant nouvelles capitulacions et nouveaulx articles, comme de
présent desnyer de leur rendre Nadin, Laurana et la Parga, places qui
luy sont de tant peu d'importance qui ne luy sauroyent en rien servyr.
Et au contraire à eulx elles leur sont tant commodes et proffitables
que bonnement ne se sçauroyent presque de rien valloirde la conté de
Jarra sans lesdictes places; et encores, oultre la commodité et proffict
1. Volpiano, à 19 kilom. de Turin.
78 AMBASSADE DE SEPTEMBRE lo40]
qu'il/, recepvroycnl de les avoir, l'auroyeut à graiil honneur pour avoir
occasion de dire qu'il/, les avoyenl eues en récompense des deux terres
de Napoli de Uomanye et Malvaisye, comme silz se lussent voullu
acommoder desdicfes places les un^'s les aultres. Dont, s'il estoyt pos-
sible que vous peussit'/ employer davantaif^e la faveur et crédict du
roy pour eulx (jne vous aviez faict par cy devant, ainsi ([u'ilz sont très
bien asseure/. que qui leur pourroyt gaigner ce poiuct de avoir les-
dictes places ilz en auroyent telle obligation au roy et à vous que cer-
tainement cela les pourroyt du tout esmouvoir à croyre que la faveur
et crédict de S. M. a lieu envers le Grant Seigneur : de laquelle toutes-
fovs il/, se asseurent tant pour avoir congneu dernièrement que avez
impétré de luy tout ce que avez voullu quant à S. M., que qui l'en
requerra et sollicitera de bonne affection, l'on le pourra impétrer. Ce
qu'ilz espèrent que ferez, attendu mesmement qu'ilz ont congneu par
les dernières lettres que m'a escriptes monseigneur le connestable,
desquelles vous envoyé le double, la vraye et bonne fin que S. M. pro-
cedde en leurs affaires... »
Vol. 2, f" 39, copie du wi^ siècle; 4 pp. 1/-' in-f».
l'ELLIClER AU MÊME '.
44. — [Fe>Hse], 1 ^^ septembre 1 540. — Le roi « est aprez pour fonder
ung colliége à Paris qui sera aussi excellant, mais qu'il soyt parachevé
et fourny de ce qui y est requiz, que fut à l'adventure jamais aultre;
car il sera occasion de faire venyr à lumière toutes les bonnes lettres
qui conmiencent piéçà aultant à floryr en France que en nul aultre
pays '. El pour ce que on ne le pourroyt mieulx douer que d'une
librairie, faict chaircher livres de tous coustez, mesmement grecz, et à
cest effect avoyt envoyé icy expressément M. Fondulus pour en
recouvrer, ce qu'il feist en quelque bon nombre; et, quand je prins
congé de luy pour venyr par deçà, m'en donna charge d'aussi grant
afifection que pour ses aultres affaires d'estat. Dont, luy vouUant obéyr
en toutes choses que luy congnoistray estre agréables et d'aultant plus
en ceste-cy qui est tant ulille et honnorable, et appertenant plus à
i. Celte lettre a été publiée par M. L. Dclisle dans le Cabinet des manuscrits de
la Bibl. Impér. (t. I, p. 150).
2. Pour compléter la création du Collège de France, déjà fondé par lui en 1530,
François I" songeait alors à bâtir sur les terrains de l'hôtel de Nesle, en face du
Louvre, de l'autre côté de la Seine, un vaste établissement où plus de si.\ cents
jeunes gens recevraient l'enseignement des plus illustres maîtres. Par lettres datées de
Villers-Cotterets, le 19 décembre 1539, le roi donnait commission à Guillaume Pru-
dhomme, trésorier de l'épargne, pour faire le payement des dépenses de la cons-
truction de ce collège, qui devait porter le nom de « Collège des Trois langues »
(V. Zeller, toc. cit., pp. 112 et 113, et le Cat. des actes de François I", t. IV, p. 45,
n" 11.208).
[septembre 1540 GUILLAUME PELLICIER 79
mon office et profession, quelque temps aprez que fuz arrivé icy et
que je euz ung peu mis ordre aux affaires de ma principalle charge,
me suys enquiz où s'en pourroyeut retrouver; et entr'aultres j'ay
trouvé ung gentilhomme corfiot ', qui en avoyt ung très beau nombre
de fort bons. Lesquelz ce néantmoins avoyt ofTertz audict Fondulus en
luy en donnant larayson; mais je ne sçay à quoy il tint, ou que ledit
Fondulus ne luy en présentoyt pas assez à son gré ou aullrement, il
ne s'en desfist pour ce coup là : tant y a qu'il a mieulx aymé en faire
ung présent au roy. De quoy ay adverty S. M. qui luy a faict en
récompence ung très beau et libéral présent, c'est de mil bons escuz
que je luy ay comptez en ses mains. Dont plusieurs aultres Grecz, ayant
senty ceste nouvelle, sont venuz vers moy pour en offrir d'aultres à
S. M.; mais il suffist que cecy a faict descouvryr seullement les lieux
où ilz estoyent, car doresnavant on en pourra avoir à meilleur marché.
Et de moy je tiens tous les jours ordinairement huict Grecz qui ne font
aultre chose que en escripre, ainsi qu'il a pieu au roy me commander
encores par la dernière dépesche que ay receue de la court. M. l'éves-
que de Tulles m'escript S. M. luy avoir commandé me faire entendre
que il n'y avoyt chose en laquelle je luy peusse plus agréer que de luy
faire amas des meilleurs et plus grant nombre desdictz livres que
pourray recouvrer. Par quoy m'en enquérant de tous coustez est venu
vers moy ung nommé messer Dimitri Marmoretti, qui m'a dict avoir
ung frère en Constantinople qui s'appelle il signor Jacomo de Marmo-
retti que congnoissez, comme il m'a dict; lequel vous pourra adresser
soixante ou quatre-vingtz pièces de fort bons et rares livres, lesquelz
estoyent à ung de leurs oncles qui les tenoyt bien chèrement. Dont
vous vouldroys pryer donner charge à ung de voz gens de chercher et
faire telle poursuytte avecques ledict Jacomo de Marmoretti, qu'il
puysse sçavoir où ilz sont. Et cela faict, ce ne seroyt pas peu de ser-
vice au roy, et à moy d'obligation, de vous en mander ung cathologue;
à quoy faire vous pourrez ayder dung nommé Chio Jeorges, précep-
teur fort docte en Constantinople. Car, aprez avoir confronté ledict
cathologue avecques ceulx que j'ay par deçà, et en avoir mandé ung
double au roy, s'il s'en trouve aulcuns que nous ne ayons point, je
vous en advertiray pour les recouvrer s'il est possible. Et ce faisant, je
vous puys très bien asseurer que vous ne sçaurez faire chose plus
agréable à S. M. et me obligerez tousjours de plus en plus à vous faire
service, ce que feray de très bon cueur. »
Vol. 2, f^» 41, copie du xvi« siècle; 1 p. 1/2 in-P.
1. Antoine Eparchos.
80 AMBASSADE DE [sEPTEMnUE i;)40j
l'ELLICIER \r MÊME.
45. — [ I V/jj5t'], y "^ se/>trinhro 1 ')40. — ■ Monsieur, encores que
CDiiimc vous ay escripl plusieurs l'oys ce/. Seigneurs eslre très bien
adverli/. et asseurez que le roy et ses ministres se sont totuUement
employez sur le faicl de leur paix avecques le Grant Seigneur, ce
néantmoins IDn s'esmerveille fort icy de ce que .M. l'ambassadeur
Bailouare et aullres ministres de ceste Seigneurie n'ont jamais escript
que ledict Grant Seigneur ne les baschatz ayent aulcunement tenuz
propoz d'avoir faict ladicle paix en contcmplacion et à l'instance du
r(»y, ne en sa faveur donné aulcun soullaigemenl en icelle, et davan-
taige «lue ledict Grant Seigneur ne leur a jamais tenuz propo/ je ne
diray pas d'estre amys du roy, mais seullemen-t de se deslyer de l'em-
pereur. Et voyrement quant je seroys le plus endormy liomme du
monde, ce néantmoins voyant aulcuns bons serviteurs et amys du roy
me advertyr et solliciter des choses de la plus grant importance de
ma charge, ne pourroys faire du nioings que de me esveiller et vous
en informer. Et mesmemenl comme ilz ont advisé de faire escripre au
seigneur Badouare, par un homme qui a aussi bon crédict envers luy
que nul autre, qu'il pence bien à ses afi'aires de se attendre bien et tenyr
la main au propoz que le Grant Seigneur a de luy mettre avant qu'il
n'entend conclure la paix tolalle que cez Seigneurs n'ayent à soy des-
lyer et mettre hors de la ligue qu'ilz ont avecques l'empereur. Aultre-
ment il se peult tenyr pour asseuré que il y a aulcuns de cez Sei-
gneurs, tenant encores leur part impérialle, qui sont si indignez si
ladicte paix se conclud, causans cesle occasion de se plaindre pour ce
qu'il a accordé les deux places au Grant Seigneur, qui sont pour luy
faire faire ung maulvais tour voyre en sa personne, si ceste ligue
demeure en son entier par laquelle ilz se rendroyent si haultains et
terribles. Et au contraire s'ilz se voyent abaissez de leur crédict, ce
quilz seront si ceste Seigneurie se deslye de ladicte ligue, ilz ne ose-
ront rien dire ne entreprendre contre ledict Badouare auquel celluy qui
luy escript propose tels moyens et advantaige que, quant il ne luy
reviendroyt point le danger que dessus, si sont-ilz suffisentz pour
l'inviter et attirer à ce faire. Et ont esté d'adviz que je vous le feisse
sçavoir, et vous envoyé la lettre qu'ilz m'ont baillée pour luy faire
tenyr; et en oultre de nostre cousté vous escripre que vous ne debviez
plus différer de remonstrer au Grant Seigneur, si faict ne l'avez, quel
moyen et advantaige il laisse à l'empereur pour le faire tousjours plus
grant, s'il laisse cez Seigneurs avecques luy en ligue, et qu'ilz luy don-
nent tel secours mesmement contre le roy son meilleur amy, contre
lequel et aussi contre ledict Grant Seigneur ledict empereur entre-
prend journellement, principallement en ceste affaire de Hongrye où
[septembre 1540] Guillaume pellicieh 81
il a jà mandé son frère pour occuppcr tout le royaulme; et pour con-
clusion que ledict Grant Seigneur ne doibt jamais conclure en la paix
qu'ilz ne leur promettent de se déclairer ennemys dudict empereur.
El pour les inviter à cella, si vous, par le crédict et faveur du ro\ , poviez
tant faire que le Grant Seigneur fust content de leur laisser Nadin et
Laurana au conté de Jarra, et la Parga deppandant de Corfou, tous
ce/. Seigneurs en despit dez Impériaux auroient ladicte condicion pour
très bonne et agréable, et la chose se pourroyt faire sans grant contra-
diction ne difficulté. Car aultrement, à vous dire la vérité, combien que
cez Seigneurs dient estre fort affectionnez au roy, si ne sont-ilz tant
recongnoissans ses bienfaictz que ilz soyent pour se déclairer de nostre
part sans leur faire faire par une honneste conlrainctc ou bien forcez;
et si nous perdons à ceste heure ceste occasion et opportunité, je ne
veoy pour l'advenyr qu'il soyt possible de rencontrer telle commodité
et facilité de parvenyr ad ce, quelque discours que je vous aye escript
que aulcuns m'ont faict du xxV juillet. Et quant au demeurant, se
vous povez aussi faire que le Grant Seigneur fust content de leur faire
très bien entendre, s'ilz veullent que les capitullacions demeurent
sellon la teneur des anciennes, qu'il le fera en contemplacion du roy,
pourveu qu'ilz feront, comme dict est, ligue avecques luy et avecques
aultres que bon leur semblera, ce néantmoins non amys ne alliez
avecques l'empereur. Je ne double point que vous ne entendiez trop
mieulx les affaires que ne sauroys pencer; mais si est-il que, passant
les choses comme elles sont, je n'ay peu faire de moings que agréant
à si bons serviteurs et amys du roy vous aye adverty de ce que dessus,
remettant néantmoins le tout lousjours à vostre meilleur jugement. »
Vol. 2, f" 42, copie du XVF siècle; 1 p. 3/4 in-f».
PELLICIER AU ROI •.
46. — • [Venise], 10 septembre 1540. — « Sire, par les dernières
lettres que ay escriptes à V. M., du xxvp du passé, aurez entendu
comme Janezin estoyt arrivé icy, renvoyé expressément par le seigneur
ambassadeur Badouare pour advertyr cez Seigneurs des nouveaulx
poinctz et articles que le Grant Seigneur et ses baschatz vouUoyent
leur estre accordez d'avant que conclure la paix entre eulx; et mesme-
ment touchant Nadin et Laurana, chasteaulx au conté de Jarra, et la
Parga au devant de Corfou, lesquelles places le Grant Seigneur voul-
loyt retenyr ou avoir de cez Seigneurs. Sur quoy ilz ont esté fort trou-
blez, et ont faict plusieurs pregaiz avant que se résouldre là dessus.
1. « \ota, qu'il a esté escript à M. de Villandry ledict jour, qui n'a esté inys on
registre ne mynule. »
Venise. — 1540-1542. 6
82 AMUASSADE DE SEPTEMDHE 1540j
El, ainsi (lue jay esté advorly, la plus f;ranl pari oui presque esté en
propoz dv délaisser lotallcmenl à poursuyvre plus en façon du monde
ladicle paix tjuoy qu'il en peusl advenyr, eslans quasi deniy despérez
de la povoir i)artaire. Toulesloys, aprez avoir bien consulté et faictz
plusieurs discours entre eulx, se sont résoluz en lin, s'il plaist au Grant
Seigneur l'acccpler, de mettre en arbitres de chascune part pour
décider de Thinos el Miclion, ti qui d'entre eulx deux appartiennent; et
s'il ne voullnyl entendre à cella, et qu'il vouUust avoyr lesdicles
places, les luy laisser aller. Mais quant à Nadin, Laurana el la Parga,
ont escript àleurdict ambassadeur ([u'il ne face aulcune démonstracion
de y voulloir en aulcune façon du monde consentyr, et plustost offrir
de (juatre k cinq mil escuz de tribut sur iceulx. Néanlmoins le conseil
de Diexe secrettement luy a mandé et donné povoir ([ue si, à faulte
de ce, veoyt ne povoir oblenyr ladicle paix, veullent plus tost qu'il
passe oullre et accorde le tout, désirant grandement universellement
tous, mais encores singullièrement les dévotz et alfeclionnez à V. M.,
voslre faveur et crédicl leur povoir tant ayder et valloir qu'ils peus-
sent obtenyr lesdictes places, à eulx tant commodes et profti labiés que
bonnement sans icelles ne se sçauroyent presque de rien valloir de la
conté de Jarra, et au contraire sont de tant peu dimportance audict
Grant Seigneur qu'ilz ne luy sçauroyent presque de rien servyr. Et
oultre ladicte commodité et proffict qu'ilz en recepvroyenl, auroyent à
grant honneur, pour avoir occasion de faire apparoir qu'ilz les avoyent
eues en récompence de Napoly de Romanye et Malvaisye, comme s'ilz
se fussent vouUu accommoder desdictes places en contreschange les
ungs les aultres. Et n'eust esté l'espérance quilz ont mise que par
vostre faveur et crédict à l'aventure le Grant Seigneur ne les vouldra
contraindre à passer ce poincl, et estant pryé par le seigneur Rincon
de vostre part, la plus grant partye d'eulx ne se fussent si facillement
submys à ce qu'ilz ont faicl. Mais, ayant entendu certainement que
ledict seigneur Rincon a obtenu dudict Grant Seigneur tout ce qu'il a
vouUu, voyre quasi plus que l'on n'eust sceu demander, au non de
V. M., touchant la dépesche de M. de Vaulx, et par ce congneu vostre
crédict et auctorité estre plus grant envers icelluy Grant Seigneur que
jamais, se sont totallement confiez du bon voulloyr et affection que
V. M. leur a tousjours donné à conj^noistre par bons effectz, se asseu-
rant bien que encores à cestuy leur grant besoing et nécessité ne
fauldra à les ayder et supporter de tout son povoir. Et ainsi, Sire, que
j'ay esté adverty, ont faict plusieurs discours en plein pregay sur
ladicte dépesche obtenue par ledict seigneur Rincon, ne sçachant cer-
tainement sur quoy elle estoyt faicte. Dont enfin sont demeurez en
ceste oppinion et fantaisye que cest une nouvelle intelligence que
V. M. a faicte avecques ledict Grant Seigneur à ce qu'il face descendre
à ce printemps une bien bonne et grosse armée en la Fouille, ou bien
[SEPTEMBIIE lo40j GUILLAUME PELLICIER 83
que le Grant Seigneur ne leur accorde jamais la paix que première-
ment ne se déclairent amys de V. M., s'esmerveillant toutesfoiz les
aulcuns d'entre eulx qui estiment V. M. sçavoir bien comme cez Sei-
gneurs sont esté et seroyent bien encores deslibérez de se déclairer
neutres; et que néantmoins ne de Constantinople ne d'aultre part ilz
n'ont jamais entendu qu'il en ayt jamais esté parlé par voz ministres,
ne qu'ilz en ayent esté recherchez de par vous. Dont ilz présument que
V. M. tend à plus haut party, c'est qu'ilz se déclairent et facent tout
oultre une bonne ligue avecques V. M., et dellaissent totallcment celle
qu'ilz ont avecques l'empereur; chose que tous les gens de bien de
ceste république et qui ayment l'honneur et augmentation d'icelle
désirent et attendent à grant dévocion. Dont aulcuns des plus grans
estans de ceste vollenté ont advisé de faire escripre une bien bonne
lettre audict seigneur ambassadeur Badouare, par ung homme qui a
aussi bon crédict envers luy que nul aultre, tendant affin que si le
Grant Seigneur luy vient à mettre avant qu'il n'entend conclure la paix
totalle que cez Seigneurs ne facent premièrement la ligue avecques
V. M. ainsi que dessus, qu'il ne vueille faillyr à tenyr la main et
entendre. Et pour à ce mieulx l'induyre, luy ont remonstré que aultre-
ment il se povoyt tenyr pour tout asseuré qu'il y a aulcuns de cez
Seigneurs tenant encores de leurs maulvaises humeurs du temps
passé, prenans ceste occasion de se plaindre de luy pour avoir accordé
lesdicles deux places, qui pour ce sont si indignez contre luy qu'ilz
sont pour luy faire ung maulvais tour en le charchant de son hon-
neur, voyre encores jusques à sa personne, si ladicte ligue impérialle
n'est débouttée, par laquelle ilz se rendent si haultains et terribles.
Mais au contraire s'ilz se voyent abaissez de leur crédict, ce qu'ilz
seront si une foys ladicte ligue est abattue, ilz ne oseront rien dire ne
entreprendre contre luy, auquel en oultre celluy qui luy escript pro-
pose telz moyens et advantaiges que, quant il ne luy reviendroyt point
tel danger, si sont-ilz suffisans pour l'inviter et attirer à pourchasser
l'enfraincte et changement de ladicte ligue. Lesquelz, avant que clorre
ladicte lettre, me l'ont faict veoir et en fin laissée pour l'envoyer au sei-
gneur Rincon, affin que luy mesmes la baillast entre les mains dudict
seigneur Badouare : ce que ay faict par ledict Janezin en la plus grant
asseurance que j'ay peu adviser, qui partit d'icy le premier jour de ce
moys ; auquel seigneur Rincon n'ay failly d'escripre bien amplement en
conformité de tout ce que dessus.
« Sire, comme ay jà escript plusieurs foyz à V. M. que l'empereur
ne cesse journellement faire les plus belles offres et partiz qu'il est
possible à cez Seigneurs, encores ainsi qu'ilz ont esté advertiz par leur
ambassadeur qui est vers luy, s'est offert de nouveau à eulx, leur usant
de termes par lesquelz se démonstroyt mieulx ung vray filz de Saint
Marc que retenyr sa majesté impérialle, ainsi que ledict ambassadeur
84 AMItASSADE DE [SEl-TEMlllU-: 1540'
pscripi, — It'iir oflVant les places <iue le roy des Romains tient entre
le Kriol cl riiistri:i ', comme les porlz de Maian " et de Triestz ^ et
pareillement (îuricia*, passaijçes des Allemaif^nes, etOradisca'', lieux de
terre ferme vers la raontaigno; et adjoustant à ce encores que à unjç
bosoinj; il lesenlemlroyt parler des places que leur scrnyenl plus com-
modes et vouldroyi-nt avoir en la Fouille, moyenant toulesfoys priz
raisftnnahle du(juel conviendroyt bien avecques oulx. Sur quoy ce/
Seij^neurs ont faict responce n'avoir point d'argent, se trouvant tant
rehatluz de telz propoz qu'il/, ne font presque semblant de oyr plus
parler de semblables choses. Kt aflin de empescher tousjours le plus
qu'il peut qu'ilz ne se changent de luy et tournent avecques V. M., a
davantaige faict courir ung bruict que le recharchiez de nouveau
encores plus que jamais de faire accorder paix avecques luy, luy pro-
posant nouveaulx partyz, auquel il enlendoyt de sorte que l'on tenoyt
la chose pour faicte et accordée. De quoy son ambassadeur qui est icy
n'a failly d'essayer à faire bien son prol'fict envers cez Seigneurs, leur
confirmant tout ce que dessus; et sur ce adjoustant qu'il entendoyt
très bien qu'ilz estoyent résoluz de avoir amytié avecques V. M. et
faire une ligue avecques icelle, et par ce moyen l'empereur s'attendoyl
bien qu'elle seroyt entre tous troys plus seure et confirmée que jamais.
Et tout cccy briguent-ilz alfin de les tenyr tousjours en craincte et
suspens de ne rien changer, leur disant davantaige et asseurant pour
tout certain que le mariage d'entre luy et la lille du roy d'.\ngleterre "
estoyt presque conclud et accordé, et qu'il n'y auroyt point de faulte
qu'il ne se feist, et que V. M. l'agréoyt et pourchassoyt envers ledict
roy à vostre povoyr; et que pareillement vous troys avecques les
protestais estiez aprez pour faire quelque bon accord et ligue, qui
donne à pencer à beaulcoup de gens pour les secours et commoditez
qu'il pourroyt avoyr par ce moyen de ce couslé là, si les choses pas-
sent ainsi.
« Sire, cez Seigneurs ont aussi eu lettres de leur ambassadeur prez
du roy Ferdinand© ', contenant comme l'empereur avoyt mandé audicl
seigneur roy avoir eu lettres de Nostre SainctPère luy offrant l'acom-
moder de tout ce qui luy plairoyt, principallement d'une bonne grosse
somme d'argent; mais, par aultres lettres que a escriptes depuys
Sadicle Saincteté audict empereur, luy a faict quelques offres ce
néantmoings beaulcoup différentes et loing de celles des premières
1. Le Friolil cl l'Islric.
2. M.irano, place du Frioul. située au fond du polfc de IWdriatique, entre les
bouches du Tagliamcnlo cl celles de l'isonzo, au milieu des laf-'unes.
3. TrieslL>. ville forte et port de l'IIlyrie, sur le golfe de ce nom, dans l'Adriatique.
4. Gorit/, à 35 kilom. de Trieste, sur la rive gaurlie de l'isonzo.
5. Gradiska, place forte située à 9 kilom. de Gorilz, sur la rive droite de l'isonzo.
6. Marie Tudor.
1. Marino Giustiniani.
[SEPTEMBUE 1540] GUILLAUME PELLIGIER gli
lettres : de quoy Tempereui' et son frère sont demeurez en bien peu
de confiance avecques le pape, ainsi que escript ledict ambassadeur.
« Sire, l'ambassadeur de Poulongne qui est icy a esté veoir
M. Tévcsque de Loddos, lequel luy a dict pour tout certain que les
Moschovites et les Tartares s'estoyent accordez ensemble pour venyr
assaillyr la grant duché de Lituania du roy de Polonia, ayant en leur
excercite huict mille Turcz; et ont donné l'assault par troys foys à ung
chasteuu, lequel n'ont sceu avoir : tout le corps de leurdict excer-
cite est de soixante mille chevaulx. Qui sera cause, comme ledicl
ambassadeur luy a dict, que ledict roy de Poulongne ne pourra
prendre la protection du lilz du feu roy Jehan vayvoda ne luy donner
secours contre le ruy des Romains, lequel va moult avant à Temprinse
du royaulme de Hongrye, et se doubte l'on qu'il est pour le gaigner. La
femme dudict feu roy Jehan \ congnoissant le péril où elle se retreuve,
d'ung cousté, du roy des Romains, et de l'aultre, du Turcq, — lequel
l'on tient pour certain que à ce printemps vouldra venyr avecques
grant puyssance pour conquester ledict royaulme et aultres lieux, —
s'en vouUoyt aller, mais les barons du pays ne l'ont voullu laisser
partyr... »
Vol. :2, f" 43, copie du xvp siècle; 4 pp. i/'t in-f'\
PELLICIER AU CONNÉTABLE.
47. — [Venise], i 0 septembre 1540. — Pellicier résume lesnouvelles
du Levant dont il a été question dans la lettre au roi. Ne recevant pas
le double des dépêches égarées des 10 et 15 mai, que Rincon lui
annonçait dans sa lettre du 30 Juillet, il n'a pas voulu différer davan-
tage d'informer le roi et le connétable des derniers événements
survenus.
«... Et pour ce que ne vous seroyt que reditte vous faire auUrement
aulcune répéticion de celles de S. M., vous diray comme puys naguères
ung grant et bon serviteur du roy s'est trouvé par cas fortuyt en ung
lieu où il a veu ung discours et conseil faict à Ferrare par aulcuns
Impériaulx, dont entre aultres l'ung est le cardinal de Ravenne *; lequel
■discours et conseil estoyt escript, ainsi que l'on m'a dict, de la main
d'ung secrétaire de monseigneur le duc de Ferrare. Et encores que, au
lieu où il se lisoyt, ledict servitclir du roy ne le peult veoir sinon à la
desrobbée et en passant, toutesfoys en recueillytla meilleure parlye de
86 AMBASSADE I»E [SBFTKMBUE 1540j
kl sul)slancc d'ici-iilx (jui s'addressoyeni à l'empereur, luj faisant
entendre premièrement qu'il del)Voyt empesclier de tout son povoir
pour plusieurs raisons (jue le maria};e qui se traictoyt entre monseigneur
d'Aumalle et la signora Vitlnria ne se luisl, car succédant porteroyt
audici rnipcreur très granl dommaige, tant es choses de Lombardye
que du royaulme de Naples, auquel avoyt encores plus de danger que
en latlicle Lombardye; et que se ledicl mariage avoyt à venyr à effect,
il failloyt i\w l'empereur pensast à garder beaulcoup de lieux. Et pre-
mièremenl l'eslat de Millau, pour aullant que le roy mcttroyt dedans
le Pyémont sept ou huictmil adventuriers, troys cens hommes d'armes,
et (|ualre cens chevaulx légers', Icsquelzseroyent pour se defîendre de
tout aullre excercite et oHendre sil en estoyt besoing. Dont seroyt
force audict empereur pour la garde dudicl estât de Millan, et aussi
pour avoyr assez plus de lieux à garder que S. M. tenyr uug excercite
trop plus granl. Et davanlaigo ostimoyent losdictz discoureurs que le
roy meltroyt en la Myrandola troys ou quatre mil adventuriers, cent
lances et deux cens chevaulx ligiers, lesquelz liendroyent en suspeçon
et si besoing estoyt offenceroyent les choses de Crémonne, où seroyt
de besoing tenyr une grosse garde. Et oultre es choses de Florence les-
diclz gens de guerre donneront fort d'empeschement audict empereur
en plusieurs lieux, sans que on leur peusse faire aulcun dommaige. Et
par ce moyen conviendroyt audict empereur tenyr et faire trop plus
grosse despence (jue le roy, disans davantaige que s'ensuyvant ledict
maryaige, encore que le pape ne se déclarast en faveur de S. M., que
néantmoings il ne laisseroyt luy donner passaige et ayde secrètement
en tout ce qu'il pourroyt, tenans pour tout certain que oultre lesdictes
gens mis aux lieux cy dessus, le roy feroyt ung fort gros excercite
jusques au nombre de vingt mil adventuriers, cinq cens lances, et mil
chevaulx légiers qui seroyent la force de son armée; laquelle feroyt
aller droicl audict royaulme où indubitablement succédant telz effectz,
1. Des guerres d'Italie «lait; l'organisation do la cavalerie légère prèfêrablemenl
à la grosse ravalcrio. Le tornio de chevau-lér/ers, d'apn-s J. Quicherat {Hist. du cos-
tume en Frunce; Paris, Hachette, ISTo, gr. in-8° avec fîg., p. 34"). se trouve déjà dans
les récits du voyage de Charles VIll à Naples, pour désigner les suivants des
lances, les archers h cheval et en général tous les corps de cavalerie qui n'étaient
point ariné> de pU-in harnais. Louis Xll ajouta à la cavalerie légère les Albanais ou
eslradiols (<lu grec cTpa-ttoTr,?), ■• tous grecs, dit Philippe de Commines, venus des
places que les Vénitiens ont en Morée et devers Duras [Durazzo], vêtus à pied et à
cheval comme les Turcs •■. Hientùt les cavaliers albanais cessèreni d'être armés à
l'orientale pour prendre l'équipement des chevau-légers : le corselet de mailles, la
bourguignole — salade garnie de larges oreillons, dont la mode avait commencé
dans les bandes liourguignonnes — . l'épée large et la lance ferrée aux deux bouts.
Sous François I", les archers à cheval tendirent de jilus en plus à former des
compagnies particulières distinctes de celles des gens d'armes, à limitation de la
cavalerie vénitienne divisée en cnvaW armali elcavall' leggieri. Les gendarmes con-
tinuèrent les traditions de la cauilerie noble, ou troupes de réserve, tandis que la
cavalerie légère ouvrait ses rangs aux aventuriers de toute classe (G'"' Siizane. Uisl.
de la cavalerie française; Paris, Ifeizel. 18"i. S vol. in-18. t. 1. p. 42j.
["SEl'TEMnilE i;)40] GUILLAUME PELLICIER 87
si ledict empereur n'y pourvoyt à bonne heure, pourroyt mettre en
péril tous ses pays de deçà. Et davantaige estoyent asseurez que au
bon temps en faveur du roy l'armée turquesque seroyt es confins
dudict royaulme, avecques les Forussiz * qui sont en France et ailleurs.
Et pour conclusion disoyent que le roy pourroyt entretenyr de son
ordinaire la despence que dessus pour ung long temps, qui seroyt de
trente mil adventuriers, mil lances et mil quatre cens chevaulx ligiers ;
et que l'empereur auroyt double despcnce s'il voulloyt procedder de
cette façon; et que ledict royaulme de Naples estoyt pouvre, dont n'en
pourroyt tirer que bien peu, et le semblable disoyt de Millau. Et plu-
sieurs aultres propoz sont contenuz audict conseil lesquelz, comme
dict est, pour la presse du temps ledict serviteur du roy ne eut loysir
de lire; mais bien disoyent que si les affaires de S. M. alloyent le moings
du monde prospérant, que l'empereur pourroyt estre tout asseuré que
Sa Saincteté les ayderoyt mieulx que nul aultre et d'aultant plus pour
le droict et action que la maison de Lorraine prétend avoir audict
royaulme de Naples, et conséquemment charcheroyt plus cecy, espé-
rant que le mary de sa niepce * pourroyt avoir ung gros estai audict
royaulme et par aventure icelluy royaulme mesmes à son moyen. Et
oultre ce advertissoyent ledict empereur et mettoyent avant la grandesse
en quoy povoyt advenyr monseigneur le Révérendissime cardinal de
Lorraine^. C'est que, advenant que le pape déceddast, indubitablement
et sans contradiction ledict seigneur cardinal seroyt pour estre faict
pape; car il y avoyt jà vingt-deux voix françoyses toutes franches, sans
celles qu'il pourroyt avoir faisant ledict mariage, qui seroyent pour le
moins dix ou douze; et que, oultre tout ce, ledict cardinal de Lorraine
se trouvoyt septante ou citante mil ducatz de revenu : desquelz
voullanl disposer et départyr aux cardinaulx moings pourveuz en
l'Église, il auroyt pour le moings à cause de ce, sans aulcune con-
tradiction, une douzaine de voix davantaige, de sorte que indubita-
blement il seroyt faict pape.
« Monseigneur, cez Seigneurs ont eu lettres de leur ambassadeur
prez du roy Ferdinando *, les advertissant comme lempereur avoyt
1. « Forussiz >>, de l'ilalieti fiiorasciti ou fuora xisciti, émigrés el bannis. Leur
nombre el leur agitation dans les villes d'Italie furent souvent tels qu'ils suscitèrent
de véritables complications diplomatiques.
2. Guido Sforza.
3. Jean, sixième fils de Hené II, duc de Lorraine, né en 1498, mort le 18 mai 1550.
Nommé par Alexandre YI, à (juatre ans, coadjuleur de son grand-oncle Henri de
Lorraino-Vandemont, évêque de Metz, il fut fait cardinal par Léon X en 1518. A cet
évêché vinrent s'ajouter successivement et simultanément les revenus des arciievê-
chés de Narbonne, Reims. Albi et Lyon, des évêchés de Tout, Valence, Thérouanne,
Luçon et Verdun, ainsi que de nombreuses abbayes. Très influent à la cour, [il
avait été chargé en lo3() des négociations de la paix avec Charles-Quint, où il échoua";
en 1542, il fut mis en disgrâce.
4. Marino Giustiniani.
88 AMBASSAOE DE 'SEPTEMUIIE li)40;
onvoyé aiulicl seigneur r(»y Icllres que lo cardinal (k' Manloue luy
avoyl eschplt'S, contenant la^M•ant liddilé et afleclion (]uil luy porloyt
et les ollVcs (iiiil luy faisuyl »!•' tmit l'rslat de Manloue jiour inellre en
armes ji;ens et chevaulx à son pouvoir, loutesfoys et (juantes qu'il
plairoyl audicl empereur l'employer. Voyres encores sa personne
esloyl à. son commt'ndt'mcnt : chose qui a esté fort a}ïr(''al)le audicl
empereur. Lcqut'l roy Ferdinaudo, afiin de publyer ladicte lettre, n'a
lailly iiicniiliiienl (juil l'a eue la faire lire à ung des eslecteurs de
lEmpirr qui se retrouvoyt lors à sa court, et pareillement audicl
ambassadeur de ce/ Seigneurs. Semhlablement escript aussi ledict
ambassadeur (jue ledict roy Ferdinando avoyt lettres que monseigneur
le duc de Ferrare avoyl escriples audicl empereur, se offrant A luy
que, louleslbyz et quantes que l'occasion s'y adonnera, ne fauldra à
démonsirer par effecl l'obligation qu'il tient de luy; nonobstant (juil
sovl beau-IVère du roy, ne larra ce néanlmoings de donner tout ayde,
et secours selon sa puyssance, audicl empereur. Pareillement le
marqui'/. du (îuast a escripl audicl empereur comme Testai de Millan
esloyl fort bien muny de victuailles et municions, non seuUement les
forlresses, mais encores les aultres petites villes, de sorte que avec bien
peu de gens entreprent de les garder; et avecques bien peu de des-
pence, voyre quasi que d'eulx-mesmes, se pourront mainlenyr et
garder.
<( Monseigneur, ledict ambassadeur escript aussi que l'empereur
attend d'heure eu heure ce (jui aura à eslre entre Leurs Majestez,
pour s'il y aura lieu mettre à elTect certainement ce que ay jà escript
au roy et à vous touchant Hesdin et Marseille, Je auroys estimé que
cecy fusl chose faicte à poste; mais il se continue par tant de lettres
que cela me donne à pencer qu'il y ayt quelque chose, attendu mes-
mement que icy est arrivé ung frère Jehan de Pyémont, cordellier
observantin venant de la court de l'empereur, qui a passé par celle du
roy des Rommains. Lequel avions jà entendu debvoir passer pour s'en
aller à Thurin mettre à effect une intelligence et attente qu'il avoyt
donnée à l'empereur, sçavoir est de mettre le feu aux municions de
Thurin pour puys aprez, pendant que l'on se amuseroyt à l'estaindre
et que l'on seroyt ainsi troublez, prendre et desrobber la ville s'ilz
peulvenl; et s'en est parly cez jours passez pour acomplyr son enlre-
prinse. J'espère bien que M. de Langey en aura esté adverly plus tost
qu'il ne sera arrivé là, car il doibt séjourner quelque temps à Millan
pour communicquer le tout au marquiz du Guast et luy pourveoir de
gens et aultres choses qu'il faira besoing. Ledict frater a esté fort
recommandé par ledict ambassadeur de cez Seigneurs, comme chose
qui seroyt 1res agréable audicl empereur et son frère de luy faire hon-
neur etplaisyr. Esdicles lettres se faict aussi mencion de quelques feuz
artifficielz et polz de feuz, fers et aultres telz bagaiges, sans que l'on
[^SEPTEMBRE iuiO] GUILLAUME PELLICIER 89
ayt bien peu entendre à quelz tins; par quoy ne vous en sçauroys
aultrement donner adviz... »
Vol. 2, f-^ io, copie du xvF siècle; 3 pp. 3/4 in-I'°.
l'ELLIClER A M. d'aNNEUAULT.
48. — [Venise], 10 septembre i 540. — Pellicier le met au courant
des nouvelles énoncées précédemment dans les lettres au roi et au
connétable.
Vol. 2, ^ 57, copie du xvi» siècle; 1/3 p. in-fJ.
PELI-ICIER A M. DE I.ANGEV'.
49. — [Venise], i 0 septembre i 540. — Après avoir informé son cor-
respondant des décisions prises par les Vénitiens relativement aux
affaires du Levant, et du conseil secret tenu par les Impériaux à Fer-
rare, Pellicier l'entretient des menées du frère Léonard en Piémont
et de l'entreprise du frère Jean contre Turin.
«... Monsieur, j'ay esté adverty que avez trouvé les Fpistres
famillirres que vousavoys envoyées dignes d'estre mandées à la court;
par quoy m'a semblé vous en debvoir encores envoyer d'aultres avec-
ques celles ad Atticum, qui ont esté depuys parachevées. Si je enten-
dray que lesdictes œuvres vous soyent agréables, je ne fauldray à vous
les mander ainsi que ilz se parfairont...
« Monsieur, j'ay esté adverty par M. Rabellays de l'amyable et gra-
cieuse responce que luy avez faicte, touchant ung personnaige duquel
luy avoys escript pour estre employé au service du roy soubz vostre
charge, vous pryant doncques, monsieur, voulloir continuer en celte
bonne voullenté... Et pour ce que je escriptz plus amplement de ses
quallitez et afTaires à M. Rabellais, de paour de vous ennuyer trop ne
vous en diray aultre, sinon de rechef vous le recommande tant qu'il
m'est possible et moy à vostre bonne grâce... »
Vol. 2. fo 47, copie du \\i' siècle, "2 pp. 1/2 in-f'\
PELLICIER W ROI 2.
50. — [Venise], 22 septembre i 540. — La maladie de Rincon et les
L • jVo/rt, qu'il a esté escripl à ceste dépesche ledictXe jour de septembre à MM. le
bailly d'Orléans, le docteur Rabellays, Saint-Pol, et au sire Laurens Charles. »
2. ■< Nota, que la présente dépesche a estée retardée jusques au xxnii", et a esté
escript à MM. de Saint-Pol, Garrigues, et au sire Laurens Charles, et aussi à M. de
Thulles, ainsi que est contenu à un mémoyre qui est avecques les mynutes. »
Le prieur de Garrigue, un des familiers de Pellicier sur UMjuel nous manquons
de renseignements. — Garrigue est un village du déparlement de lllérault, arron-
dissement de Montpellier, canton de Clarret.
90 AMBASSADE DE SEPTKMHIU: la40J
mauvais leinps avaient rrlardé la vonut' du courrier Janezin, porteur
du double des lettres égarées des 10 et 15 mai; il est enfin arrivé hier
au soir. Par lui Uincon avertit Fellicier (ju'il a reçu le paquetdu 25 juin,
venu de France.
« ... Et aussi touchant lepoincl que luy avoys escripl comme je feiz
à V. M. du xxir jour de juillet, (pie avoys entendu que le Grant Sei-
gneur ne voulloyt arrester la paix de cez Seigneurs s'il/, préablement
ne se déclairoyent amys de ses amys et ennemys de ses ennemys, me
faict responce tel/, propo7. n'avoir jamais esté mys en avant, mais estre
bien vray que les baschatz le voulloyenl faire, si luy-mesmes en traic-
tant de ladicte paix ne leur eust dissuadé, leur remonslranl qu'il suffi-
royt assez qu'ilz l'eussent amys de V. M. Et là dessus en déclairant son
intencion encores me dict estre le moilleurde lesgaigner et attirera soy
par obligacion et béneffice que par conlraincle. Sur quoy. Sire, pour ce
que le propoz s'y offre et aussi pour mon debvoir vous diray que voz
bons serviteurs f[ui sont icy, et encores d'aulcuns de cesdictz servi-
teurs mesmes qui ayment le bien etaccroyssement deleur républicque,
congnoissans que V. M. est celluy qui leur peult et veult le plus ayder
en leurs meilleurs affaires que nul autre, seroyent d'adviz de ne se
arrester point laul aux belles paroUes et aultres démonslracions
d'amytié que cez Seigneurs nous usent journellement, qu'il se faille
attendre que pour tous les plaisyrs ne béneffices qu'ilz ayent
receu encores de vous, et entretien et bons offices que' leur sçaiclient
faire voz ministres, qu'ilz se bougent ne changent aulcunement de la
ligue qu'ilz ont avecques l'empereur pour se tourner du cousté de V. M.
Et ce par plusieurs raisons, mesmement pour paour qu'ilz ont de l'em-
pereur et ses alliez estans voysins et les environnant de tous cousiez
des pays qu'ils tiennent, comme sont sur la marine du royaulmc de
Xapies, et par terre du cousté de Millan et du conté de Guricia * et
Thyrol; qui faict qu'ilz craignent d'aultant plus de les irriter. Et aussi
qu'il y a encores une bonne partye d'entre cez Seigneurs ayans leur
vieille humeur et oppinion vmpérialle, et les aultres pour recepvoir
particullièrement souvent de grandes commôditez dudict empereur,
pour la mesmc vicinité des pays; et ce, parle moyen et des mains de
son ambassadeur qui est icy. Par quoy, Sire, sauf vostre meilleur et
infaliible jugement, vosdictz serviteurs et aultres de telles quallitez
que dessus trouveroyent bon que cez Seigneurs fussent jà ung peu plus
vivement menez et poulcez de se vouUoir déclairer de vostre cousté,
que de allendre qu'ilz le facent pour le de])voir et recongnoissence de
voz bienfaiclz d'eulx-mesmes; car certainement ilz sont tant las et
fâchez de guerre, et desnuez d'argent et facuUez pour l'entretenyr,
qu'ilz ne demandent que repoz et se tenyr coy. Et laisser faire aux aul-
i. fioritz.
[septembre 1d40] GUILLAUME PELLICIER 91
très pour veoir comme les choses passeront et de attendre qu'il/, eussent
totallement obtenue ladicte paix, il y auroyt danger de perdre la com-
modité de Thonneste induction que on leur pourroyt faire mainctenant,
non seuUement'en ayant Toccasion, mais aussi bonne couUeur et raison
que jamais. Dont V. M. en ordonnera ce que luy plaira, et me faira
advertyr bien tost si c'est son bon plaisyr de ce que vous vouldrez estre
faict là-dessus, tant pour le danger qu'il y a que le temps se passe, se
parachevant ladicte paix, que aussi ])our obvier à la poursuyte et ins-
tance que l'ambassadeur de l'empereur i'aict à présent plus chaude-
ment que jamais, que cez Seigneurs se veuillent déclairer s'il/, n'enten-
dent pas garder les cappitulations faictes avecques son maistre, et
principallement de luy donner l'ayde et secours de gens et aultres
choses qu'ilz ont promys pour la delFence de la duché de Millan.
« Sire, quant aux choses de Hongrye, l'on a icy lettres de Vienne
comme le roy Jehan avoyt ordonné tuteur de son filz le Grant Seigneur
et laissé les places et fortresses en gouvernement à frère George,
hermile, et trésorier dudict royaulme. Et pour ce qu'il ne avoyt
gardé au roy des Rommains les cappitullacions qu'ilz avoyent ensemble,
mesmement quant à ce que aprez sa mort le royaulme de Hongrye
deust revenyr audict roy des Rommains, il voulloyt faire l'emprinse
de conquérir ledict royaulme : mais, comme ilz escripvent, y a danger
que ce sera foco d'i pagLia, et ce pour estre la saison bien avant. Par
quoy vouldroyt veoir plus tost de avecques beaulx moyens gaigner le
peuple de là, et ne povant par cesle façon venyr à cez fins, se deslibère
à la prime vère le faire par force*; 11 avoyt cuydé faire quelque bon amas
de deniers pour faire gens, ayant pour ce dernièrement requiz ceulx
des contez de Thirol et Guritia luy faire ayde et service d'argent; mais
s'en sont très bien excusez, néantmoings lui ont présenté bailler des
gens qu'ilz sont tenuz faire pour la tuicion et deffence desdictz pays.
Desquclz aprez avoir esté levez en nombre de quatre mil, en leur don-
nant demy escu contant pour teste, aprez avoir marché une journée
où leur estoyt promys payement, ne le trouvant point, se sont tous
départiz et retirez çà et là. Et pareillement l'on entend aussi qu'il a
demandé secours d'argent au pape pour faire ladicte emprinse de Hon-
grye : de quoy Sa Saincteté s'est excusée, et l'on estime qu'il en aura
bien peu. Et davantaige que le Médeguin ' et le conte Philippes Tour-
nier-, ayant charge lever chacun troys mil hommes au duché de Millan
pour conduyrc à cestedicte entreprinse, n'en ont peu trouver que y
vueillent aller, sans estre plus gros nombre de gens, et avoir aultres
chefz de plus grant réputacion; et reffusent, ainsi que l'on entend,
pour la ennemytié que les Allemans ont contre les Itallicns, à cause des
1. Gian-Giaconio dei Medicis, dit lo Medic/tino. Il avait doux fi-i'-rcs : Giovanni-
Ballista, et Giovanni-Angeln. (jui fut le pape IMe IV.
■2. Le comte Fiiippo Torniello.
92 AMllASSADE DE [SEI'TEMltllF: lliVO
foullos l'I oppressions qu'il/ leur feirenl au retour de Vienne depuys
le dernier voyaf;e que le Granl Seif,'neur y feisl. L'on entend aussi que
ung Christofle de ses Fourres d'Auguste • a eu lettres comme les Terres
franches d'Allemagne ont octroyé audict roy Ferdinando luy bailler
pour ladicti' enlrcprinse, (jui une bandière de gens, et (jui plus ou
moings. Tant y a ipi'il/. se pourroyenl liicn montei" eu tout le nombre
de douze mil hommes de pied.
« Sire, il est venu icy nouvelles par certains brigantins, tant de
Raguse que de Spalatro, comme ledict Janezin, s'en retournant à Cons-
lantinople porter la résolution de cez Seigneurs sur la conclusion de
leur paix ainsi que ay faict entendre â V. M., avoyt esté tué à Clinsa*,
chasteau du (îrant Seigneur estant au millieu du chemin d'entre Spa-
latro et le Serrait ^, à troys journées de l'un et de l'autre. Et ne sçavoyt
l'on si ce avoyt esté faict par certains brigans ordinaires de ce pays là
que on appelle Scoqs *, ou par aultres. Toutesfoys, estant retourné le
brigantin qui Tavoyt conduict â Spalatro, et ayant apporté lettres de
son arrivée là sans faire aulcune mencion de telle adventure, l'on n'en
sçayt que croyre. S'il estoyt ainsi, on estime que pour le moings cela
pourroyt estre cause de retarder assez longuement ladicte conclusion
lolalle de ladicte paix d'entre cez Seigneurs et le Grant Seigneur,
attendu que sans ce elle n'est pour estre trop avancée et eschaufîée, s'il
est vray ce que M. l'arcevesque de Raguse mescript qu'il avoyt nou-
velles que ledict Grant Seigneur n'estoyt pour faire ladicte paix si cez
Seigneurs ne luy accordoyent entièrement toutes les demandes qu'il
leur a faictes dernièrement. Si est-il que ilz n'eurent jamais meilleur
besoing de l'avoir promplement que ilz ont à présent, pour la grant
charte de bledz qui est icy desjà aussi grande qu'elle estoyt l'année
passée environ >'ouël.
« Sire, ayant présentement entendu comme cez Seigneurs venoyent
1. Les Fugger, richissimes bani(uiers d'Aiigsbourg, (jui rendirenl de fréquents el
signalés services à Giiarles-Quinl. Leur forliiiie scandaleuse augmenta en sept ans
de treize millions de florins.
Chrisloplie Fugger, né le 5 février Id20, mourut le 2 avril 1579, el fut enterré
dans réglise des Dominicains d'Aiigshourg.
On a publié dans celle ville, en iOl'.t, un magiiilique recueil pot. in-fol. contenant
les armoiries et les 127 portraits gravés, accompagnés de notices, des dilTércnts
membres de la famille Fugger.
2. Glissa, forteresse construite eu luIH par le pacha de Uosnie, h 9 kilom. <le
Spalatro (l)almatic). Elle fut maintes fois prise et reprise par les Turcs et les Véni-
tiens (V. Charrière. f. I, p. 181).
:). Seraïevo ou Bosna-Seraï, importante ville de Bosnie, qui tire son n(uu du
palais ou serai bàli au xV siècle par Mohammed 11.
l. Uscoques ou UsUoks, association d'aventuriers slaves ipii pour la plu|)art
avaient quitté les provinces de Servie, de Bosnie, de Croatie ou d'.Mlianic sous
[irétexte de religion, Ltablis sur les cotes de l'Adriaticpie. ils exerçaient la piraterie
et s'en prenaient souvent aussi bien aux chrétiens qu'aux infidèles. Les Turcs ne
parvinrent à les détruire ciunplèlement que dans les premières années i.\n .wii*
siècle.
[septembre 1540] GUILLAUME PELLICIER 93
de recepvoir aussi lettres de leur ambassadeur Badouare prez le Grant
Seigneur, du xx'' dudict moys passé, m"a semblé eslre le meilleur
relarder ung jour davantaige la présente dépesche, pour veoir si pour-
roys rien apprendre digne de faire savoir à Y. M. Et ad ce que j'ay peu
entendre il leur escript que les baschatz l'ont recherché et sollicité ne
se arrester point tant à cez petites particuUaritez et difïerends qu'il
laissast pour cella de conclure la générallité de leur paix, car, puys
aprez, tout le demeurant se passeroyt mieulx estant confirmée l'amytié :
et que lesdictz baschatz iuy avoyent donné quelque espoir que des
troys cens mil escuz qu'ilz ont accordé de donner audict Grant Seigneur
se pourroyt desduyre tant que se monteroyt la somme que a esté
estimée la marchandise et aultres biens qui furent prins sur les gal-
léasses en Alexandryc de Egypte, en leur prime rompture. Et en con-
firmation de ce que le seigneur Rincon m'a escript de amy de l'amy et
ennemy de l'ennemy, ledict seigneur Badouare escript que Iuy, estant
allé veoir icelluy seigneur Rincon, il Iuy dist entre aultres propoz que
ces baschatz estoyent si bestiaulx que il y avoyt plus de troys moys
qu'ilz s'estoycnt mis en teste de ne accorder point la paix à cez Sei-
gneurs, sans que ilz se déclarassent amys de l'amy et ennemys de l'en-
nemy; mais qu'il leur avoyt remonstré et pryé que pour rien du monde
ilz ne meissent telz propoz en avant, car jamais cez Seigneurs ne le
feroyent, d'aultant qu'il n'estoyt honneste ne raisonnable, ains seroyt
très mal faict. Chose que cezdictz Seigneurs, quant a esté rapporté à
leur pregay, ont eu merveilleusement agréable. Et là ledict ambassa-
deur ne fault comme tousjours à répéter des bons offices dudict sei-
gneur Rincon, et en quelle sincérité et affection Iuy et voz aultres
ministres secourent journellement ceste républicque. Et sur le propoz
que icelluy seigneur Rincon m'a escript, que aulcuns seigneurs et cap-
pilaines qne le Grant Seigneur tenoyt sur les confins de la Persia s'es-
toyent rebellez, lesquelz aprez avoir faict assez de mal sont avec une
grant force de gens allé rendre au Sophy ', — icelluy ambassadeur y
adjouste, escripvant à cez Seigneurs, que ladicte rébellion et désordre
a esté tel qu'il ne Iuy est demeuré que une seulle place de tout ce qu'il
avoyt conquiz sur le Sophy. Et depuys ay entendu que ladicte terre se
nomme Bagadet - et que le mutinement s'est faict pour n'avoir eu le
payement de leur soulde acouslumé; mais le Grant Seigneur y avoyt
mandé très grant nombre de gens, Escript oultre que pour certain pro-
nosticque de l'astrologue dudict Grant Seigneur, disant que les chres-
tiens forcez et amaistrancés de l'arcenal de Constantinople avoyent à
mettre le feu audict arcenal, ledict Grant Seigneur les a faict tous
ester et tirez dehors d'icelluy et mys en aultres lieux et servitudes.
1. Thamasp I", fils de Schah Ismaïl I*' et second souverain de la dynastie persane
des Sofis, monta sur le trône à l'âge de dix ans et régna de lo24 à 1376, date de sa mort.
2. Bagdad.
04 AMBASSADE DE [SEPTEMURE lti40]
« Siro, loilicl seigneur ambassadeur Hadduare escripl aussi ([ue le-
dict Granl Seigneur avoyl laicl l'aire coujuiandemenl à tous les baschatz
se tenyr prestz, el mesmemenlii Cassin, baschade la Moréa', et aultres
ses voysins, pour avecques vingt mil elievaulx obvier à l'entreprinse de
Ferdinando pour Hongrye. Desquel/ a jà faict avancer cinq mil, et ce
pendant avoyt mandé ii toutte diligence aux princes et barons de Hon-
grye, sur tant qu'il/, craignoyent de l'olTencer ((u'il/. eussent à mainc-
tenyr le party du fil/, du roy Jeban, lefjuel il voulloyt haulser et con-
lirmer roy de Ibjngrye; et que s'il y avoyt homme qui y contrevint,
qu'il y viendroyt à toute sa puissance les destruyre en corps et biens.
I.edict enfant roy, avec la reyne sa mère et frère George, hermitte, et
trésorier dudict royaulme, est en Budde '. »
Vol. 2, r 48, copie du \vi« siècle; 4 pp. in-f\
l'EI.I.ICIER AU CONNETABLE.
51. — [T>»Jse], 22 septembre 1 540. — Pellicier lui annonce l'arrivée
des lettres de Rincon. Quant aux nouvelles qu'elles contiennent, « pour
ce que verrez celles que j'escriptz à S. M., ne vous en feray aultre
répéticion, sinon quelque mot sur la responce que m'a faict le seigneur
Rincon touchant le propoz dont luy avoys escript de amy de l'amy et
ennemy de l'ennemy, et que ce seroyt le meilleur de gaigner et attirer
à soy cez Seigneurs par obligation et Ijéneffice que par contraincte,
chose que nul ne doubte pourveu que l'on fust asseuré que par tel
moyen l'on vint à son intencion. Mais quant ad ce propoz, oultre ce que
j'en escriptz au roy, vous advertys que j'ay entendu par monseigneur le
Révérendissime cardinal Pisan^ qui est serviteur de S. M. tel que sçavez,
que il n'y a propoz de se attendre de y venyr par ce moyen là ; car ilz
ne feroyent jamais de prime arrivée une si grant mutacion d'extrémité
à extrémité, comme est de là où ilz sont alliez avecques l'empereur
contre le roy, que au contraire ilz fussent de leur voullenté pour soy
allier avecques S. M. contre l'empereur. Et de ce j'ay grant conlirma-
cion par le double d'une lettre que leur ambassadeur prez dudict
empereur leur a mandée, respondant à une quilz luy avoyont escripte,
comme appert par icelle de certaine offre qu'ilz ont faicte dernièrement
audict empereur touchant certaines capitulacions sur l'afifaire de Millan.
1. Kasim-Pacha, gouverneur de la Morée.
2. « A. M. de Villandry, dudicl jour. »
3. Franccsco Pisani, vénitien de naissance, cardinal (151"), évêque de Padoue
(lo24 à 1567) et de Trévise (1528 à 1564), mort en 1510. Il occupa également plus
lard les sièges de Narbonne, d'Albano, de Frascati el de Porto.
Il avait reçu du roi, entre autres bénéfices, l'abbaye de Prémontré au diocèse de
Laon (Cat. des actes de François 1'', l. III. p. 365, n" 9193).
[SEPTKMIîRE 1540] GUILLAUME PELLICIER 95
De quoy je vous mande le double de mot à mot, comme Tay l'ecouvert
depuys avoir faict les lettres du roy. Par quoy, Monseigneur, sauf vostre
meilleur jugement, je persisteroys en ceste oppinion que qui les voul-
droyt deslier d'avecques l'empereur, on ne le pourroyt mieulx ne plus
aysément ou seurement faire que par le moyen du Grant Seigneur, et
ce avant qu'ilz eussent conclud la paix totalle. Sur quoy je vous sup-
plye. Monseigneur, m'avoir pour excusé envers S. M. et, en tant que
Lesoing seroyl, me pardonner si j'ay prins la hardyesse de me mettre
si avant comme d'escripre de choses de la plus grant importance de
ma charge si instemment; car la craiucte que j'ay de faillyr à mon
dehvoir si je ne advertissoys le roy et vous de ce que je puys con-
gnoistre touchant tous affaires concernans madicte charge et singul-
lièrement cestuy-cy pour surmonter tous aultres en son importance,
m'y a contrainct, — considérant mesmement que à l'aventure telz
propoz que j'ay escriptz par cy devant touchant les belles paroUes et
grandes démonstracions que cez Seigneurs nous ont faict quelque
temps et font encores d'estre tant disposlz à complaire au roy, pourroyt
avoir faict croyre qu'ilz deubsent libérallement de leur franche voul-
lenté venyr à quelque bonne alliance avecques le roy; à quoy je ne
vouldroys que en s'y attendant ou endormant plus longuement Ton
vint à perdre une si bonne occasion de les y attirer certainement. Dont
pour mon debvoir et ma descharge aussi m'a semblé d'en escripre tout
ainsi que ay faict à S. M. et à vous.
« Monseigneur, cez Seigneurs ont eu lettres de leur ambassadeur '
prez de l'empereur comme icelluy empereur avoyt commencé à se
relever delà malladye qu'il a eue, néantmoings qu'il en estoyt encores
tant desbille qu'estoyt contrainct se aller apuyant d'ung baston; et
avoyt tenu propoz audict ambassadeur que il désiroyt entretenyr et
accroistre toujours de plus en plus la confédération et amytié qu'il a à
cez Seigneurs, pourveu qu'il ne tînt àeulx : ce que les faict pencer qu'il
ne se double de leur voullenté envers luy. Lequel lors se entendoyt
trouver pour tout janvier à Ratisbonne, ainsi que escript ledict ambas-
sadeur, et là faire une diette, pour aprez passer en ceste Italye. Et m'a
l'on dict que cez Seigneurs ont achepté du vice-roy de Naples * la traicte
de troys mil quarres de bled, se montans soixante mil sexliers à six
escuz et demy pour quarre, que revient audict vice-roy vingt mil escuz.
Et ont donné ladicte traicte entièrement à quatre marchans qui seront
tenuz acheter ledict bled et faire conduyre en ceste ville de Venize
et le deslivrer pour unze livres de leur monnoye le sextier, qui val-
lent monnoye de France soixante treize soulz quatre deniers : et par
ce moyen cesdicts Seigneurs viendront à perdre ladicte traicte. Le
1. Pielro Mocenigo.
2. Pedro de Toledo, marquis de Villafranca.
'J6 AMBASSADE DE [SKPIEMBHK Io40]
seigneur domp Diègues icy ambassadeur de l'empereur ', ayant trouvé
la trariicque de bledz de laullre année si bonne que de y avoyr gaigné
mieuK (|ue de un/.e ou douze mil esciiz, a si bien brigué que lesdicts
marchans, pour estre asseurez de la foy espagnolle, l'ont accueilly au
tiers de tout le proftict. Je ne veulx oblycr à vous ilire la dénonciation
que a faicte à cez Seigneurs M. l'ambassadeur prez de S, M., ainsi que
vous ay escriiil par cy devant, les advertissant qu'ilz se vueillent bien
prendre garde, car le roy esloyt mieulx informé que jamais de tous les
principaiilx poinctz que se traictenl icy et nouvelles qui y viennent; et
disoyt l'avoyr sceu par la cavalleria, jargon (jue je n'ay encores sceu
entendre que veult dire ladicte cavullcnju. Qui pourroyt estre cause,
Monseigneur, de renouveller ledoubteet craincte que ont eue les servi-
teurs (lu roy (pii sont icy, et par ce moyen ne pouvoir rien retirer
deulx. attendu mesmement que sans cela il y en a beaulcoup pour ne
se voulloir plus contenter de parolles et excuses que leur ay toujours
usées le mieulx que j'ay pu jusqucs icy, qui commencent fort à s'eslon-
gner, et ne me donner plus nulz adviz et confortz comme ilz faisoyent
de conmiencement, et mesmement de ceulx qui souUoyent avoir les groz
entretiens, du temps de MM. de Rhodez et de Lavaour aussi. Et n'eust
esté l'espérance que j'ay donnée à quelques aultres que j'ay trouvez en
les entretenant, ce néantmoings tousjours par effect, non pas comme la
chose le requiert et méritte, mais selon ma petite puyssance quant à faire
sçavoir au roy choses d'importance, à grant peyne serviroys-je de guères
estre icy. Et ay belle paour que si bientost Vostre Excellence ne faict
deslivrer quelque somme d'argent pour leur despartyr, je me "^erray
du tout inulille et habandonné d'ung chascun ; car certainement je n'ay
plus de quoy leur fournyr pour avoir despendu longtemps a tout ce
que avoys peu amasser avant que venir icy, et suys tous les jours aux
cmprunctz pour subvenyr à la despence ordinaire et extraordinaire
qu'il me convient faire : vous supplyant doncques, Monseigneur, ne
me laisser en telle nécessité que à faulte de commodité et puissance
je laisse de mettre à exécution le bon voulloir que j'ay de faire service
au roy et à vous, — vous asseurant. Monseigneur, que j'ay esté aussi
ayse du présent qu'il a pieu au roy par vostre moyen faire à M. l'arce-
vesque de Raguse que s'il eust esté faict à moy-mesme deux foys plus
grant bien. Dont me semble ne debvoir obmettre à vous en remercyer
très humblement comme aussi faict-il de sa part par une lettre qu'il
m'a escripte, chose qui n'a pas mys en peu de jallousye, — ensemble
les partiz qui ont estez faictz au gentilhomme grec qui a faict ung
présent au roy de livres que sçavez -, et à messire Sébastiano de Boul-
longne, architecte ^, et avoir donné charge au cappitaine Scipio Cons-
1. Diego Hurlado de .Mendoza.
2. Antoine Eparclios.
3. Serlio.
[septembre 1d40] GUILLAUME PELLICIER 97
tance — ', plusieurs aultres Itallicns qui sont icy, lesquels de leur
nature y sont assez subgectz. Et cela a bien aydé à estrc cause de
faire anonchalloyr les dessusdicts, à qui Ton avoyt accoustumé de
donner pensions et aultres bienfaictz du temps de mes prédécesseurs.
Par <iuoy, Monseigneur, n'ayant, comme povez très bien sçavoir, du
mien propre pour y fournyr à la septiesme partye prez qu'ilz avoyent,
je vous supplyc derechef me vouUeoir faire pourveoir pour leur
entrelien, ainsi que l'on faisoyt aux aultres ou aultrement ainsi qu'il
vous semblera bon. Pareillement, Monseigneur, comme vous povez
bien estre recordz, il plust auroy me commander à mon parlement de
luy faire amas du plus grand nombre de bons livres grecz que pourroys
trouver, ce que ay faict etfays journellement; et en trouvant quelques
ungs rares qui ne sont à vendre, pour estre des librairies publicques
ou de personnes qui ne s'en veullent desfaire, les fays transcripre,
quoy qu'ilz couslont : pour quoy faire avoys tenu quatre ou cinq per-
sonnes à groz fraiz. iMais, puys ung moys, M. de ThuUes m'ayant
escript de par le roy y faire toute dilligence, à présent y en ay mis aprez
jusquesau nombre de douze pour gaigner temps; car, quelque foys, on
ne peult avoir les livres lesquelz l'on faict coppier si longuement à son
commeudement. Les fraiz de laquelle chose se montent journellement
mieulx d'ung escu et demy d'argent desboursé, sans la despense que je
fays à six hommes pour cest affaire : vous asseurant. Monseigneur,
([ue cela se monte presque aultant que la moictié de ma dcspence ordi-
naire, ce que me charge beaulcoup et ne sçauroys l'entretenyr lon-
guement sans qu'il vous plust faire envers le roy qu'il ordonne
m'estre avancé argent pour subvenyr à telle despence; car, comme ay
dict, je n'ay point du mien, eteulx, pour estre pouvres gens grecz hors
de leur pays, ne peulvent attendre d'estre payez, sinon au jour la
journée. Du reste, Monseigneur, quant à la charge de l'ordinaire, j'es-
père avecques l'ayde de Dieu, quelque charte ne affaires que je aye, faire
service agréable au roy et à vous, sans vous importuner de plus qu'il
vous a pieu me ordonner; car il me suffira bien assez de demeurer en
ia bonne grâce de S. M. et de vous...
« Monseigneur, je vous envoyé demy douzaine de lettres des lieux que
verrez que ay trouvé moyen de recouvrer, ce que n'a esté sans mistère;
par lesquelles vous pourrez par vostre meilleur jugement congnoistre
mieulx les dispositions et humeurs des principaulx de ce monde, et s'il
vous semble estre au service de S. M., verrons de faire que ceulx icy ne
seront les seulles ne dernières que vous en envoyerons par cy aprez. »
Vol. 2, f° oO v°, copie du xvi^ siècle; 3 pp. 1/4 in-f^^.
1. Scipione Costanzo, capitaine italien au service du roi, et l'un des principaux
officiers de l'armée de Pielro Strozzi, résidait ordinairement à Venise. Le second
recueil des lettres de l'Arétin contient une lettre à lui adressée, de Venise, le
7 février 1540.
Venise. — 1540-1542. 7
98 AMIiASSADE DE [SEI'TEMBRE i:;40j
PEI.LICIEH A M. lU; \ II.I.ANDHY.
52. — Venise^, 22 scptcmOrc iJ40. — Pellicier lui apprend la nou-
velle qui court de l'assassinat du courrier Jane/.in el rt'iilrelicnl des
conséquences que cet événement peut avoir pour la conclusion de la
paix.
Vol. 2, f" 52, copie du \\\° sit-rlo; 1 \). in-f".
l'ELLICIER A M. DE LANGEV '.
53. — "Venise ., 24 srpliinhn' I o40. — Pellicier a reçu les lettres de
Langey des 1" et 14 septembre ; il s'étonne que celui-ci n'ait pas reçu
sa dépêche chiffrée du !2() aoilt, confiée à M. de Vaux.
« ... Et faisoyent mencion de chose à laquelle le roy m'a jà faict res-
ponce y avoir donné bon ordre, c'est que les intelligences et traicte/.
dont vous avoys escript auparavant que faisoyent les Impériaalx
estoyent à Marseille et Hesdin, aflin que vous, comme estant le plus
pro7. du cousté de deçà, advisissie/, selon voslre bon jugement d'en
escripre pour advancer temps à M. le gouverneur de Prouvence et
aultres que trop mieulx congnoistriez estre plus expédiant. Je vous
prye m'advertyr si avez depuys receu mesdictes lettres ou si en aurez
rien entendu par aultre voye; car j'ay sceu que vous avez mandé
Gorge-Noyre * à Marseille, — qui me faict estimer que ce pourroyt
avoyr esté pour cest effect, — et aussi que par certaines lettres de
Nice du xiii" septembre, mandées à l'empereur par ung nommé de
Bellegarde, fort féal d'icelluy empereur, l'on entend comme le traicté
de Marseille avoyt esté descouvert et que soubdainement y avoyt
esté pourveu, non ainsi qu'il escript con impeiu et fnria franceze, ma
site procedulo stringatamente con multa prudencia. Le moyen par lequel
a esté descouvert ilz ne peulvent entendre, chose qui est nouvelle et
fort fâcheuse à l'empereur et de quoy il a merveilleusement grant
desplaisyr; de sorte qu'il luy est échappée cestc parolle que s'il
debvoyt despendre bien grant chose, qu'il estoyt pour sçavoir la per-
sonne, car ceste chose luy importoyt beaulcoup. Ce néantmoins le
Pyémont luy donnoyt grande espérance de son enlreprinse, laquelle
il se attend bien que a de réuscyr, et exhorte l'ambassadeur de cez
Seigneurs prez de l'empereur qui les advertist de ce que dessus. Que
si les Révérendz Pères ^ sont parliz, qu'il va bien ; et se d'adventure
1. .< Notcu que cedicf jour fui cscril <ï M. Rabcllays. ■■
•1. Gorge-Noire, ((îurrier.
3. 11 s'agit toujours ici des sourdes agitations ijue fomentaient en Piémont les
Frères observantins, agents secrets de Charles-Quint.
[septembre 1540] Guillaume pellicier 99
n'estoyent poinct partyz, S. M. Cézarienne pryoyt cez magnifficques
Seigneurs que bien tost, bien tost il/, y aillent, car cela luy importe
assez, et comme il conclud, periculum est in mora. Je désireroys
fort que telles inenées fussent apertement et par effect descouvertes
et touchées au doy, et que cez maistres fratres peussent estrc happez.
Par quoy vous prye faire prendre bonne garde pour quelque bon
temps à ceulx qui entrent, non pas seullement à Thurin, mais encore
en toutes les aultres villes de vostré gouvernement; car eulx estant
bien advertiz du double et suspeçon que Ton a sur ceulx de leur
profession, pour la malignité et meschanceté de quov ilz ont usé par
le passé, ilz seroyent bien gens pour changer leur robbe et prendre
aultre habyt, soyt de aultre religion ou du tout desguisez. Dont est
requiz faire bon guet et ne laisser entrer en ville de vostre charge
homme qui ne soyt bien deffublé et visité de tous coustez quelz gens
ce sont; car s'ilz povoyent une foys estre surprins ilz descouvriroyent
bien le pot aux roses d aultres choses. Vous ne trouverez estrange si je
m'empesche si avant adviscr l'ordre et moyen pour y parvenyr; car ce
n'est point que je ne sçaiche très bien que le sçaurez trop mieu'lx faire
que ne sçauroys pencer. Mais c'est pour l'affection et ardant désir que
j'ay que telles menées et trahisons viennent à lumière et soyent con-
gneues apertement, affin que parla l'on évite si périlleux et irrépara-
bles dangiers, et ensemble on puisse congnoistre le contraire de ce que
l'empereur met avant tous les jours, que S. M. commence à rompre,
faisant plusieurs subornacions et traictez ez Allemaignes, par quoy
dernièrement ayt esté cause que la diette de Ratisbonne n'a sorty
effect; et encores de traicter l'alliance avecques le'grantduc de Clèves,
dont il estoyt fort malcontant et sommes advertiz qu'il s'en plainct
beaulcoup du roy. Je vous prye me donner advertissement de tout ce
que aura esté faict quant ausdictz fratrus; car cela pourra estre pour le
moings cause que je donneray plus de foy à l'advenyr à ceulx qui me
donnent telz advertissements et me guider comme je auray à m'y gou-
verner plus seurementà l'advenyr... »
Pellicier demande une réponse au sujet des ingénieurs italiens qu'il
a recommandés précédemment.
« Monseigneur, Ton a eu icy lettres de l'ambassadeur de cez Sei-
gneurs prez de l'empereur, allégant lettres de Hongrye addressées
audict empereur. Lesquelles advisent que ledict royaulme de Hongrye
est divisé en troys partz : l'une veult le roy des Rommains en toutes
façons et à leur povoyr; la seconde veult ia conservacion de Testât
pour le filz desjà né roy, avecques propos de bien grant efficace; et la
tierce veult le Turcq avecques les armes en main. Toute la doubte que
en ce a l'empereur est que la part turquesque s'accorde avecques celle
de l'enfant roy. Ce néantmoings, comme ilz escripvent, à ce a esté
donnée bonne provision, laquelle croira qui vouldra : c'est que la conté
,00 AMBASSADE DE [SEPTEMBRE i:i40]
il.- Tliiidl luy donnera quinze mil hommes de pied, et pareillement
TAllomaigne luy secourera si bien qu'il faict son compte que advenant
ce besoing il en tirera d'icelle plus de oltante mil hommes; mais,
comme ilz escripvent, il/ ne croyentque le Turcq doibve faire Tenlre-
prinse. El aussi bonnement ne p<uirroyent, pour ce que en tout ledit
pays de Hon^rye a grant nécessité de vivres pour la chevallerye... »
PelliriiT It-nnine sa lettre, en mentionnant la révolte survenue en
Perse dont Uincon lui a transmis la nouvelle.
Vol. 2, f« o'i v". coi»ic du xvi« siècle; 2 pp. 1/2 in-f».
l'ELLICIEK A RINCOX. '
64. _ [Venise], 25 sepfemhrc 1640. — Pellicier a reçu ses lettres
des 15 et 10 août, avec le double des lettres perdues des 10 et 15 mai,
ainsi qu'un paquet destiné au roi. Il s'étend longuement sur les
affaires du Levant et de Hongrie, et sur la santé de l'empereur, à peu
près en mômes termes que dans les lettres adressées au roi et au con-
nétable.
«... Et ainsi que on a eu icy adviz, la praticque d'entre ledict empe-
reur et le Sophy va prospérant; et pour ceste occasion, le xii« de
ce moys, s'esloyt party de la court de l'empereur le Grego Remyro
pour aller vers ledict Sophi \ et, comme il/, escripvent, espèrent qu'il
se employera et fera si bien qu'ilz en attendent l'issue estre très bonne.
Je ne veulx obmettre à vous dire que l'on est adverly que l'empereur
se complainct grandement de S. M.; dont luy a escript que par son
moyen la diette de Ratisbonne, laquelle il charchoyt faire, ayt esté
deslourbée, — et semblablement qu'il traicle alliance avecques le duc
de Clèves et la princesse de Navarre : à quoy le roy luy a très bien
respondu. Ce nonobstant ne prant cela en satisfacion, et sur sa collère
a juré qu'il en feroyt repentir ledict duc de Clèves. Qui est presque
1. . Sola, que la présente .lépeschc fui e.Kpressémenl envoyée par M. deVillega-
«non et en dilligence à Conslanlinople, loqucl pour le maulvais temps [ne] se partyt
ius<iucs au pcnultinie de ce moys, et fut escript à M. de Raguse. »
Nicolas Durand, seigneur de Villegagnon, près Provins, né en ialO, mort le 9 jan-
vier \^H, dans sa commanderie de lîeauvais, ])rès Nemours, où l'on voit encore
son épitaphe. Neveu du grand-maitrc de Ilsle-Adam, il était entré en it>:n dans
l'ordre de Malte.
Ce personnage, qui fait ici l'office de courrier, et dont Pellicier parle du reste
avec une certaine déférence, prit part Tannée suivante à l'expédition de Charles-
Quint contre .Vlgcr et en écrivit une relation; il paraît avoir servi ensuite en Hon-
grie contre les infidèles. Navigateur habile et audacieux, il occupa plus tard le poste
de vice-amiral do Bretagne, et établit au lîré-il, de lo5o à ISiiS. une colonie de
réformés français.
•2. Le grec Uemyro. envoyé de f'.harles-Quint à la cour de Perse. Les premières
relations de l'empereur avec le schah datent de lo2o; elles paraissent s'être conti-
nuées pendant presque toute la durée de son règne.
[septembre I5i0] GUILLAUME PELLICIER 101
tout ce que vous sçauroys dire pour ceste heure; car de France je n'en
ay chose voyrement digne de vous faire sçavoir, sinon que par les der-
nières lettres que en ay reccues, du xxviir d'aoust, escriptes à la Mil-
leraye •, le roy et toute sa compagnye, grâces à Nostre Seigneur, se
retrouvoyt en très bonne santé, et s'en venoyt droict à Fontainebleau.
Ledict maryage du duc de Clèves avecques la fille de la princesse de
Navarre, lequel s'estoyt ung peu reffroydy, s'est remys en train, et en
espère l'on bonne résolution. Quant est de celluy de M. d'Aumalle avec
la signora Victoria, l'on le tient quasi pour faict, et espère l'on que de
brief se consommera, comme est jà celluy du prince d'Orange avecques
la fille de Lorraine -. Et sur ce feray fin à la présente après vous avoir
humblement remercyé des bons offices que avez faictz et faictes jour-
nellement pour mon voysin Jehan de Farges et aultres pauvres chres-
tiens; duquel m'escripvez en brief, me remettant ad ce que messire
Vincenzo Mazio m'en a mandé, mais je n'ay poinct receu ses lettres...
Toutes foys je congnoys assez par les vostres le vray et ardant désir
duquel proceddez en son affaire : à quoy derechefz je vous supplye
continuer.
« Monsieur, depuys avoir conclud et faict du tout la présente
dépesche, voullant serrer mon pacquet, est venu à moy le patron du
brigantin m'advertyr que le temps n'esloyt commode, et que il ne se
partiroyt pour ledict jour. Dont ay esté contrainct supercedder, depuys
hier, et attendre jusques à ce jourdhuy dimenche qu'il m'est survenu
à ce matin ung pacquet du roy, pour vous faire tenyr; lequel m'est
plus recommandé de S. M. et de monseigneur le connestable, voyre
encores de M. de Villandry, que ne fut jamais aultre, — me comman-
dant que vous le mandasse en la meilleure seureté et dilligence qu'il
me seroyt possible, non pas seuUement jusques à Raguse, mais
encores pour l'asseurer davantaige jusques à vous par homme exprez.
Dont n'ayant point de mes gens qui soyent plus praticiens pour faire
tel voyage ne plus suffisans que ce gentilhomme présent porteur, l'ay
dépesche expressément pour cest efi'ect, pour aultant qu'il sçait la
lengue du pays et grecque, et aussi pour ce que l'ay trouvé homme
saige et digne pour servyr à ung meilleur affaire. Lequel, à mon adviz,
mais que l'ayez congneu, l'aurez et trouverez en telle estime que moy.
Par quoy, encores que soye asseuré que telles gens n'ont que faire
d'estre recommandez envers vous, ne laisseray de vous pryer de tout
mon cœur l'avoir en oultre pour l'amour de moy en telle recommanda-
1. La Mailleraye-sur-Seine (Seine-Inférieure), écart de la commune de Guerba-
ville, canton de Caudebec, arrondissement d'Yvetot.
Cette seigneurie appartenait à la famille de Mouy.
2. Uené, comte de Nassau, prince d'Orange, tué au siège de Saint-Dizier, le
18 juillet lb44, à l'âge de 26 ans. Il avait épousé Anne, fille d'Antoine le Bon. duc de
Lorraine.
102 AMBASSADE DE [SEPTEMURF. Io40]
lion que avez acouslumé les serviteurs du roy et gens de si bonne
quallilô que luy... »
Vol. 2, f° 54, copie du xvi" siècle; i pp. 1/2 in-P>.
PEU.1CIEH Ai: MÊME.
55. — l'ciiise, 26 et 27 septembre I .')40. — « Monsieur, par mes
dernières lettres vous serez tant amplement adverty des nouvelles de
de»;à que ne m'cslanderay à vous faire pour le présent longue lettre...
SeuUemont vous diray <jue estant bien certain que, ainsi que estes bon
serviteur de Dieu, encores désirez singullièremenl mettre à exécution
les œuvres que congnoistrez estre selon sa vouUenté, comme derniè-
rement ne tint à vous, par la dilligence et peyne que vous plust prendre
pour me faire avoir la traicle de bledz desquelz si la chose fust venue
à bonne issue, — ce qu'il n'a tins à vous ne à moy, — plusieurs pou-
vres s'en fussent senliz, et eussent eu à juste cause plus grande
raison de se contenter des bienfaictz que j'estoys deslibéré par vostre
moyen leur faire; ce que n'ay peu pour avoir esté frustré de mon
inlencion. De quoy fust cause celluy pour lequel je vous avoys escript,
à qui je m'estoys fyé; mais si je l'eusse aussi bien congneu que je fays
présentement pour aultre cas de plus grant importance, ne me fusse
employé pour luy ne moings addressé à luy ne à gens qui se feussent
meslez de ses affaires. Or, Dieu soyt loué du tout, puys que ceste occa-
sion là a esté perdue. Je me suys advisé de vous pryer, si congnoissez
que la paix d'entre cez Seigneurs et le Grant Seigneur ne soyt pour
estre conclue et accordée plus tost que on ne eust loysir de tirer quel-
ques bledz, qu'il vous plaise me faire avoir une semblable traicte que
l'aultre, et davantaige s'il est possible, et la faire dresser à Lépantho
et aultres lieux illec voysins, et en laMorée. J'enlendz le tout avecques
vostre commodité, sans vous en fâcher aulcunement; et j'ay espérance
(ju'elle succédera à meilleure fin que l'aultre, la baillant à gens de qui
je me tiens pour trop mieulx asseuré et en suys jà rechairché. Il vous
plaira m'en donner adviz de bonne heure. Quant à la reste, messire
Cola ' vous escript, qui me gardera vous en dire aultre, sinon que
pour quelque rescription et recommandation <jue vous aye faicte en
1. Cola Bunello, cai>itainc napolitain originaire de Bénévent, avait pris de bonne
lienre du service dans les troupes du roi de France, qui lui avait confié la garde
de la place de Barlelta, ville et port sur l'Adriatique à 40 kiloni. de Bari. — Par
lettres datées de Fontainebleau, le 5 novembre 1528, François I" lui attribua
f(00 livres tournois en récompense de ses bons offices, notamment pour être venu
de Barletla el y être retourné en toute hâte, porteur d'importantes missives (B. N.,
ms. fr. 10 406, f" 78j.
A l'automne de 1541, il fut désigné par Pellicier pour accompagner Polin à Cons-
lantinople.
[SEPTEMRKE lo40] GUILLAUME PELLICIER 103
faveur de je ne sçay quel/ Ragusoys, je n'entendz que pour cela vous
debviez employer à leur faire aulcun plaisyr si faict ne l'avez; car,
comme j'entendz par vous-mesmes, n'avons occasion de leur voulloir
faire tel plaisyr, et ce que je en ay faict a esté par importunité d'aul-
cuns de qui ne me povoys bonnement deffaire, comme aurez peu
veoir. Il est question de avoir quelques traictes de t^ya passa * et escorse
d'arbres laquelle on dict avclania -. Je trouveroys beaulcoup plus rai-
sonnable et certainement trop plus agréable à vous et à moy qu'il en
revînt le profiict audict messire Cola que à nul autre, comme, ainsi
que j'estime, entendrez mieulx par luy. Ce néantmoings vous en ferez
ainsi qu'il vous plaira; car en rien ne pour rien du monde ne vous
vouldroys faire ne dire chose qui vous deust desplaire.
« Monsieur, je vous envoyé ung petit livre que verrez quant serez
de loysyr, lequel si je eusse peu trouver imprimé n'eusse failly
plus tost vous l'envoyer, et si je cognoistray que ayez telles choses
agréables, ne fauldray à vous en mander davantaige, voyre si je puys
ne laisser aller pacquet sans l'accompaigner de telle marchandise. Et
en ce et toute aultre chose que je cognoistray ma petite faculté se
povoir estendre à vous faire plaisyr et service, je n'attendray d'en
estre sommé de vous, mais de mon propre mouvement le feray tous-
jours et d'aussi bon cueur que je me recommande à vostre bonne
grâce.
« De Venize.
« Aujourd'huy lundy xxviF que, pour la continuacion du maulvais
temps, le brigantin a esté contrainct demeurer icy, et ayant entendu
d'ung nommé messire Jehan Jacomo di Veronna, serviteur de la reyne
de Hongrye, venant devers elle tout mainctenant, des nouvelles de ce
quartier là, vous ay voullu déparlyr ce que en ay trouvé. C'est qu'il a
laissée ladicte reyne avecques son filz enBudde, et pareillement Périm-
peter ^ qui y avoyt quatre mil hommes; lequel, combien qu'il ayt deux
enfans siens en oustaige devers le Grant Seigneur *, ce néantmoings
pour résister à l'entreprinse de frère George, hermitte, et trésorier, —
lequel se porte du Grant Seigneur — , à présent il suyt le party de Fer-
dinando et faict condescendre ad ce ladicte royne. Et avecques eulx
sont les Maylatz, vayvaudes de Transilvania, que le feu roy Jehan
tenoyt assiégez au chasteau de Foucaras avant sa mort, et pareillement
l'évesque d'Agria, de la maison de Francapane ^ Ledict frère George,
1. Raisin sec.
2. Peul-èlre l'avelinier {mu: avellana), variété de noisetier.
3. Pierre Pérényi.
4. Suivant une relation tic Laski, de l'année 1539, les fds laissés par Pérényi en
otage à Constantinople avaient été circoncis et incorporés parmi les pages du serai.
(Ilammer, t. V, p. 331).
0. François de Frangipani, franciscain, chargé par le pape Clément VII d'une
104 AMUASSADL I)fc: [sEI'TKMimE l:i40j
hormittr, a inandù au (irant Seigneur Iroys cens mil cscuz tant en
argent conlanl nionnoyc que en masse et vaisselle d'or (il d'argent, et
ce par les mains de l'thesque de Cinq-Ksglises ' et du granl chancellier
de Hongrye '; ce que aurez peu mieulx si;avoirque moy. Il se treuve à
Varadin en son évpsclié, lieu très fort, et avecques luy la force et le
meilleur de la gendarmerye du royaulme en nombre de douze mil che-
vaulx. Lequel tous suyvenl à la coustume turcquesque. C'est pour
aullant (ju'il a en son povoir le trésor dudict feu roy et la dotte de la
royne, et tous ses joyeaulx et cofTres entièrement. Car le roy Jehan
allant à Temprinsf de Foucaras contre lesdiclz Maylatz, faisant suyvre
la royne, avoyl mandé davant tout son bagaige où estoyt tout son
trésor, et aussi les aultres susdictes choses; et se trouvèrent audict
Varadin sur 1(> poinct que ledict roy devint mallade : lequel frère
George ne faillyt aprez son trespas s'en saisyr, et ne s'en veult pour
quelque chose que l'on ayt sceu faire dessaisyr. Parquoy le seigneur
Périmpeter luy a mandé de grosses paroUes et en somme que s'il ne
rendoyt lesdictes choses, qu'il luy escrasseroyt le scapuchin; auquel
n'a failly de luy respondre aussy félonnemcnt, disant que avant luy
aprocherà sa robbe, qu'il y auroyt beaulcoup de chemises sanglantes
et par adventure la sienne propre. Pour l'enfant roy tiennent quatre
cappilaines, ou plustost, comme l'on veult dire, assassbis; c'est Bara-
gnis Mathias, Simon Dirch, Cornât George, et le proposito dAlbergal ',
lesquelz, pour avoir moyen et coulleur de povoir piller comme ont
acoustumé faire par cy devant, ayant tenu les champs, font semblant
tenyr ladicte part. Ce néantmoins ne sont pour faire grant chose; car
n'ont puyssance de mettre au plus hault de cinq à six cens chevaulx
pour chascun en campaigne. — Disoyt aussi qu'il avoyt trouvé le roy
Ferdinando le xvi" de ce moys à Novestoch, aultrement dicte Cita
Nova *, qui est une journée de Vienne tirant à Budde. Et se debvoyl
partyr le landemain pour aller à Possonya ^, ville de Hongrye, qu'il
mission auprès de Jean Zapolya, avait été député par ce dernier à rassemblée
d'Olmiitz, en juin 1^)27, i)oiir y soutenir ses droits; l'année suivante, il remplit une
autre mission en Pologne. Nommé an'lievêi]ue de Colocza (1530), il fut envoyé
comme amljassadour auprès de Ferdinand (lb36-lo3") et de Charles-Quint (lo38).
En 1539. les Turcs ayant ravagé les terres de son archevêché de Goloeza, le roi
.Jean donna à Frangipani le siège épiscopal d'Erlau; le prélat, peu de temps après
la mort de Zapolya. se rallia au parti du roi des Romains, qui se fit représenter par
lui à la diète de Ralisbonnc, en 15U.
I. Jean d'Eszek.
'2. Le prolonotaire Etienne Verliôczy, remarqnalile jurisconsulte.
3. Le prévôt d'Albe Royale. L'église de l'.Vssomplion rie cette ville servit, pendant
près de cinq cents ans, au couronnement et à la sépulture des rois de Hongrie.
Pellicier compare plus loin celle ville à Saint-Denis en France.
4. Neusladt. ville de la Basse-.Vu triche, située à 53 kilom. de Vienne, résidence
impériale fondée en 1180.
5. Presbourg (en latin Posonium et en hongrois Posoiii/), à 220 kilom. de Rude et
T.) kilom. de Vienne.
[septembre 1540] GUILLAUMI:: PELLICIER lOlJ
tient de là à troys journées, et prez de Budde deux, où il avoyt six mil
hommes de pied et en attendoyt douze mil qui venoyent tousjours
assez prez, tant Allemans que Bohesmes (desquelz y avoyt troys mil à
cheval) et trois mil Espagnolz. En tout peulvent bien arriver à dix-
huict mil, gens assez mal en ordre, mesmement les lansquenelz, et
encores luy plus mal fourny d'argent. Ce néantmoins l'on estimoyt qu'il
pourroyt de présent estre entré dedans Budde, s'il avoyt tousjours
marché avant, pour n'estre achevez deux bastions ne aultremcnt forte.
— Et davantaige disoyt aussi avoir entendu que le sanzacque de Belle-
grade * avoyt desjà assemblé là auprez quarante mil chevaulx prestz à
entrer en Hongrye. Et ledict frère Georges attendoyt à grant dévotion
responce du secours du Grant Seigneur, duquel il faisoyt bien son
compte qu'il n'auroyt faulte, tant pour le party sien qu'il suyt que
pour la faveur d'ung frère sien qui est auprès dudict Grant Seigneur,
ainsi que m'a dict ledict messer Jacomo di Verona.
« Monsieur, pour ce que je viens d'entendre une nouvelle qui me
semble aprez le roy toucher de plus prez à vous et à moy que à nul
aultre, n'ay voullu obmettre à vous la faire entendre. C'est que cez Sei-
gneurs ont eu lettres de leur secrétaire Fidel, estant prez le marquiz
du Guast, du xvii" de ce moys, les advertissans comme ledict marquis
et domp Loppes, trésorier général de Millan, luy avoyent dict qu'il ne
se falloyt point esmerveiller si cesdiclz Seigneurs avoyent esté con-
trainctz faire paix avecques le Grant Seigneur si très désadvantageuse,
car ilz estoycnt certains que avant que le seigneur ambassadeur
Badouare fust arrivé à Constantinople, je vous avoys advisé entiè-
rement de toute la puyssance qu'il avoyt par sa commission; de quoy
n'aviez failly advertyr les baschatz amplement, et par le menu; qui
avoyt esté cause qu'ilz avoyent tenu telle roydeur à cez Seigneurs en
faisant ladicte paix, estans bien asseurezque ledict ambassadeur ayant
la puissance de leur accorder ce qu'ilz demandoyent ne s'en reviendroyt
sans passer le tout, plus tost que revenyr sans l'apporter. Chose que
lesdicts Impériaulx ont mise avant industrieusement et à poste, cuy-
dant par là eslongner tousjours cez Seigneurs de l'amytié qu'ilz ont à
S. M. et les divertyr de la bénivolence et recongnissance qu'ilz ont à
vous de tant de bons offices que avez tousjours faictz au grant bien et
commodité de ceste république, tant en général que en particullier, et
aussi pour les faire esmouvoir contre moy; maisj'ay bonne confiance
que vous par vostre bonne prudence et dextérité y sçaurez très bien
obvier, leur donnant à cognoistre le contraire par la continuacion des
plaisyrs et services que leur ferez cy aprez, comme avez tousjours
faict par cy devant. Et de ma part j'espère faire de sorte du cousté de
1. Bali-Bey, sandjak ou gouverneur de la province de Belgrade, la plus importante
place forte de l'empire ottoman, conquise en 1521 sur les Impériaux.
106 AMBASSADE DE [SEPTEMBIIE 1540]
deçà qu'il/, ne nous rcculloront à cause de ce de la bonne vouUenté et
amylié quilz nous portent; car je les liens si saiges qu'ilz ne sont pour
croyre semblables choses, mesmetnent venant de telle part, desquelles
si clairetnent par bons efTectz sraventet congnoissent bien le contraire.
T(julesfoys si est-ce qui pourroyt sçavoir le personnage qui met avant
lelk'S calompnyos et meschanlos mcntoryes à la Porto du Grant Sei-
gneur, si poinct leur on ont esté mandées; il mériloroyl très bonne
pugiiilion. Je suys tout asseuré que y ferez bon guet.
« J'ay aussy esté adverly que le roy Ferdinando avoyt dépesché le
seigneur Lasky pour aller devers le Grant Seigneur luy faire offre que
s'il luy j)laisoyt le faire et laisser joyr paisible du royaulme de Hongrye,
que non seuUement ledict roy, mais encore toute la maison d'Autriche,
le recongnoistroyont pour père comme bons filz; et qu'ilz luy feroyenl
tel tribut, non seulloment de la Hongrye, mais encore de toute l'Au-
triche, (ju'il auroyl occasion de s'en contenter '. De quoy vous ay bien
voullu adverlyr, estant asseuré que vous ne serez jà tesmoing ne con-
sentant à telle infeudation en faveur d'icelluy seigneur... »
Vol. 2, f' 56, copie du xvi» siècle; 4 pp. 1/4 in-f''.
PELLICIER W MEME.
56. — [Venise], 29 septembre 1 540. — « Monsieur, je vous ay escript
par cy devant en faveur et recommandation du filz du clarissime sei-
gneur Thomas Conlarin *, à ce que vostre plaisyr fust pourchasser sa
libéracion envers le Grant Soigneur. A quoy ainsi que avons entendu
vous estes employé tant qu'il vous a esté possible, vous pryant donc-
quesà présent, mais c'est de tout mon cueur, qu'il vous plaise de con-
tinuer jusques ad ce que en ayez totallement bonne résolucion de
sadicte libéracion. Car je vous asseuré que, oultre l'obligation que vous
1. Le DIS. 107 (In fonds Baliizc, à la Bibliotlièquc Nationale, qui nous a conservé un
Iragmcnl <les comjites originaux de l'ambassade de Rincon à Conslanlinople, durant
cette période, menlionne, à la date du 24 septembre 1540, parmi les présents faits
aux grands officiers de l'entourage de Suleyman, le don à Lutfy Bey, premier vizir,
d'une maiipemonde en forme de sphère, fort belle et riche, confectionnée exprès à
Venise, et apportée à Constantinople avec un livre contenant « l'interprétation
^riceluy instrument », le tout ayant coûté ({uatre-vingt-dix écus et étant estimé plus
de cent cinquante, — • 7)0ur le préparer et confirmer en faveur du roy sur la venue
de Jéromme Lascjui, ambassadeur jmur le roy tles Romains devers le Grant Sei-
gneur » (V. Charrière, I, p. 47".)).
2. Tomma.so Contarini, sorti d'une des plus illustres familles patriciennes de
Venise, avait rempli à Constantinople, du 14 juin au 27 décembre 1.039, les hautes
fonctions d'envoyé extraordinaire de la Sérénissime République. Par ses soins, la
paix avait été conclue entre Venise et la Porte, et son successeur, Aloysio Badoaro,
avait été chargé de la ratification de cette paix (.\lbcri. 3" série, t. III, p. xxu-xxiii).
Maintc-nanl C(jnlarini, de retour dans sa patrie, s'inquiétait non sans raison de
recouvrer son fils, demeuré sans doute comme caution aux mains des Turcs.
[octobre lb40] GUILLAUME PELLICIER 10"
seront attenuz beaulcoup de gros seigneurs et gens de bien, tant de
ceste républicque que aultres, comme mesmes le seigneur Cézar Fré-
gose qui vous en escript, vous ne ferez pas peu de chose pour le ser-
vice de S. M. ; qui à cause de ce plusieurs se inclineront de plus en plus
à icelle... »
Vol. 2, ^ 58, copie du xvi« siècle; 1/2 p. in-K
PELLICIER AU CONNÉTABLE K
57. — [Venise], 6 octobre 1 340. — « Monseigneur, je ne vous sçau-
roys assez très humblement remercyer de la bonne consollacion et con-
fort qu'il vous plaist me donner, me faisant entendre le contentement
que le roy et vous avez de mon petit service et aussi du bien qu'il vous
plaist me pourchasser continuellement, chose qui procedde plus de
vostre bénignité et bonté que non pour mes mérittes. Si est-ce, Mon-
seigneur, que je n'entendz par mes lettres que vous ay escripte en
façon du monde avoir rien charché pour moy ne qui tende à cez fins;
mais tant seuUement pour avoir meilleur moyen de mettre à exécution
ce que congnoys ordinairement estre nécessaire au service de S. M.,
c'est d'avoir subside que l'on puysse entretenyr icy aulcuns siens bons
serviteurs, lesquelz comme vous ay escript ne puys de ce petit de bien
que j'ay. Et pour vous faire entendre, Monseigneur, Testât des affaires
quant à mon endroict et comme ilz sont passez jusques icy lorsque
arrivé en ceste ville, je ne sçay comment ma venue fut agréable à aul-
cuns; si est-il qu'il ne tarda pas quinze jours que je ne feusse délaissé
et destitué de tous, dont feuz contrainct avoir recours et reffuge à
Vostre Excellence et vous supplyer escripre à ceulx que de vostre grâce
plut faire. Et estant aussi le seigneur Valério * indisposé, et je ne sçay
1. « Nota, que la présente fut mise dans le pacquet avec la dépesche tlu vui' du
présent, et ne fut. envoyée que jusques au xi* dudict •
2. Gian-Francesco Valiero, bâtard d'un gentilhomme vénitien de la maison de ce
nom, chanoine de Padoue, abbé de Saint-Pierre-le-Vif de Sens. François I"" avait
récompensé les services qu'il rendait à l'ambassade de Venise en lui accordant des
bénéfices ecclésiastiques. Le duc d'Urbin, en 1542, le chargea d'une mission de con-
fiance auprès du roi, vers lequel il faisait de fréquents voyages (V. Paruta, Uistoria
Vinetiana, 1703, liv. X, 1'° part., p. 450). — V. aussi Cat. des actes de François I",
t. III. pp. 322 et CtO, n"' 9002, 1039 et 1040 : don à Jean-Francisque Valerio d'une
pension annuelle de 2250 livres, pour ses services secrets, du 18 mai 1537; lettres
de naluralité, avec permission de tester et de tenir des bénéfices ecclésiastiques
en France, en Provence et en Bretagne, octroyées à Jean-Francisque Valerio, abbé
de Saint-Pierre-le-Vif de Sens, et à Julio Valerio, son neveu : Chantilly, le 18 no-
vembre 1538.
En avril ou mai 1537, Valiero avait été arrêté et emprisonné par le gouvernement
vénitien pour avoir fait déchiffrer des dépêches impériales, sans doute adressées
à l'ambassadeur Mendoza. Sa détention dura plusieurs mois. On comprend que
cette aventure ait pu refroidir pour un temps son zèle.
A la mort de Jean de la Forest, arrivée en Turquie le 9 septembre 1537, l'abbaye
108 AMBASSADE DE [OCTOBRE loiO]
comment salisfaict, je ne povoys pas bonnement valloir bcaulcoup de
luy; par qiioy, fuz contrainct faire pieil neuf, et eliaircher et me
tourner à tiucNiues autres pour cost ofTccl, si voulloys faire service
à S. M., car de tculx ilu temps de MM. de Lavaour et de Rhodde/
ne m'en povoys presque rien prévalloir. Knlre lesquelz le principal
estoyt ung gentilhomme d'entre cez Seigneurs, duquel ledict seigneur
de Ulioddez h son retour parla affectueusement au roy et à vous,
et il qui de son temps fut ordonné neuf cens escuz pour luy bailler.
Mais je ne sçay comme tout alla : quoy qu'il en soyt, il s'en est
prescjuc ilu tout déporté; qui n'a pas esté petite perle, et, à l'aven-
ture, recuUement des affaires. Car vous ose bien asseurer que c'est
pour estre ung aussi bon instrument au service de S. M., quant à cest
endroict, que homme qui soyt point en toutte l'itallye, et je le puys
hardiment dire, pour ce que puys quinze jours en çà je l'ay veu en
lieu où certainement ay trouvé «lu'il peult et veult aultant que nul
aullre où il veult. Dont, s'il plaisoyt au roy et à vous, je vous puys
affermer que je trouveroys le moyen de le remettre à sa première dévo-
tion et train; et certes, le congnoissant tant commode et nécessaire
pour les affaires de S. M., il me grèveroyt grandement de souffryr que
l'on me peust reprocher que de mon temps se fust allienné du roy, et
aymeroys mieulx engaiger ma croce si aultrement faire ne se povoyt.
Je n'y ay espargné tant que ay eu de quoy fournyr; mais à présent
n'ayant plus le moyen du mien et ne les pouvant plus entretenyr de
parulles et excuses, je me veoy en grant danger d'eslre habandonné de
rechef d'ung chacun. En quoy, Monseigneur, je vous supplye ne me
voulloir faillyr de vostre secours et protection acoustumée; car, comme
vous sçavez, je n'ay aullre meilleur moyen d'entretenyr icy cez Sei-
gneurs que par les bonnes opérations et plaisyrs que le roy leur faict
et présente ordinairement, comme leur fays entendre par chascun
jour; cl encores particullièrement par les bons offices et corloisyes,
desquelles les ministres dudict seigneur leur vallent souvent, et je
m'estudye user envers eulx, pour les gaingner et attirer de plus en plus
à la dévotion de S. M. Et au contraire noz compétiteurs ont tant de
commodilez et moyens pour les captiver particulièrement à eulx, et
joyr entièrement de ce qu'ilz veullent, que toutes nos doulces courtoisyes
de Sainl-Pierre-le-Vif, dont il avait la commende, fut demandée à la fois, de Rome,
par Georges de Selve et Héinard de Denonville. pour Charles de Marillac, parent et
secrétaire de La Foresl et son successeur à Constantinopic, — et de Venise, par
Georges d'Armagnac, pour Valiero, qui obtint la préférence.
V.n octobre 1337. Valiero eut son bénéfice et recouvra la lii>erté; mais, entraîné
par son zèle au service de la France, il devait bientôt se compromettre encore, et
l'on verra plus loin quelle fut sa fin tragique (V. AfT. étrang., Rome, Coi'respon-
dance, t. III, f* i>6 v°, 233 et 3G3 v°).
Après la mort de Valiero, en dot2. ral)baye de Saint-Pierre-le-Vif fut attribuée à
Jean de Monlluc {Gallia christiana, t. XII, coll. 144).
[octobre 1540] GUILLAUME PELLICIER 109
et bons offices ne sont à s'y opposer ne comparer en façon du monde.
Et ce, tant pour estre cez Seigneurs voysins de tous coustcz des terres
de l'empereur, et du roy Ferdinando, où l'ambassadeur de l'empereur
a moyen de leur faire beaulcoup do plaisyrs, comme en traictes de
marchandises et aullres commodité/, et proliictz que cez Seigneurs ne
prisent pas peu, — ains en font très bien leur proffîclz, — que aussi
pour avoir la bourse garnye d'ung, dix ou douze mil escuz pour l'extra-
ordinaire que lempereur luy donne moyen de recouvrer. Et davantaige
icelluy ambassadeur a l'amytié et intelligence avecques tous les ambas-
sadeurs qui sont icy, pour la suitte et affection que leurs maistres ont
à l'empereur, et mesmement de celluy du pape jusques à présent: je
ne sçay pas à Tadvenvr que ce sera. Quand est de celluy d'Urhin, c'est
son grant cousteau pendant, duquel il se vault beaulcoup à tous affaires;
car il a plusieurs praticques avecques cez Seigneurs, qu'il a prinses du
temps du feu duc d'Urbin, à cause de l'auclorité et crédit que comme
général de ceste république ' avoyt avecques cez Seigneurs, ainsi que
sçavez très bien. De ceulx de Mantoue et de Ferrare, ilz n'y font pas
moingsleur povoiret effort. Et dernièrement, pour n'avoir faulte d'ung
seul d'eulx,ung Sismond Arrouel, solliciteur du roy d'Angleterre et se
portant pour son ambassadeur ^ a commencé pratiquer fort estroicte-
ment avecques ledict ambassadeur de l'empereur, — chose que, avec-
ques le bruict que les Impériaulx ont espendu icy de l'amytié et ligue
de l'empereur avecques ledict roy presque faicte, donne beaulcoup à
penser et faict aller plus retenuz cez Seigneurs. Je ne veulx aussy oblyer
à vous dire comme le cardinal de Ravenne ^, — lequel ne cesse jamais
de machiner quelque chose à nostre désadvantaige et ne fault à en
advertyr et solliciter ledict ambassadeur de l'empereur, — dont suyvant
son bon zelle cez jours passez envoya icy ung sien serviteur, nommé
Angulo, vers ledict ambassadeur pour lui porter quelque message, qui
ne peiilt estre sans quelque grant importance pour la dilligence qu'il
feist, ainsi qu'il luy estoyt commandé user, et aussi parla démonstra-
tion que ledict ambassadeur faisoyt des longues consultations, peynes
1. Giiid' UbaMo II délia Rovere, diK- d'Urbin, n'obtinl définitivement le titre de
gouverneur général de la milice vénitienne, dont son père Francesco-Maria avait
été investi, qu'en lo4o (Parula, loc. ciL, p. 434).
2. Edmond, aUàn Sigismond Harwell, négociant (Lef^ers rt«(/pape/\«. t. IV, Impar-
tie, n° G 192), ministre d'Angleterre à Venise, de lo3.j à 1550.
Une décision prise par le conseil des Dix, à la date du 11 mai loiO, porte que
pour honorer l'ambassadeur anglais, quatre de ses serviteurs résidant avec lui.
salariés et entretenus jiar lui, seront autorisés à porter des armes, leurs noms une
fois désignés expressément selon la coutume. Par une autre décision du 15 mars 1542.
cette mesure fut étendue à neuf autres personnages de sa maison, Anglais et
Italiens [Calendar of slate papers, Venelian, 1534-1554, pp. 83 et 112).
Harwell mourut à Venise, étant en fonctions, au commencement de janvier 1550,
et ses funérailles solennelles eurent lieu dans l'église dominicaine des SS. Jean et
Paul (W., jhid., p. 201).
3. Benedetto Accolti.
HO AMn.vssADi: di: [octobue 1540.
et grans occupations qu'il y uieltoyt avecques lesdicts ambassadeurs
d'Urbin et aulires ses secquacos. Je n'ay peu entendre aultrement que
c'estoyt; dont, pour empescher telle menées et machinations, il sein-
bleroytà aulcuns personnaiges de bon jugement que si le roy mandoyl
au seigneur diu- de Fcrrare (ju'il deust faire retirer ailleurs ledict car-
dinal de Uavenne, comme homme qui est tel que le pape a faict appa-
roir il tout le monde, et qu'il semble s'empescher par trop des all'aires
des plus grans seigneurs du monde que à luy ne alliert, — il ne seroyt
trouvé incivil ne impertinant comme l'on a faict de luy avoir esté
mandé quasi en façon de commandement par celluy seigneur que aurez
entendu, qu'il ne laissast résider monseigneur le Révérendissime car-
dinal Salviati en son évesché et y faire son office, et ce à cause qu'il
se soulcyoyt des afTaires de son nepveu le duc Cosme et les addressoyt
ainsi qu'il congnoist mieulx pour luy.
« Monseigneur, je vous supplye prendre tout ce que dessus en telle
boune part que vous, par vostre bonté et magnanimité, avez toujours
faict tous mes honnestes discours, et excuser mon importunité d'aul-
tant plus que, soubz Dieu, je n'ay en ce monde seigneur à qui je sçaiche
et puysse plus seurement ne franchement me rendre et faire sentir
mes nécessitez, qui me sont assez plus fortes, à cause que les affaires
très importans du roy en peulvent despendre.... »
Vol. "2, f° Gl, copie du xvi*= siècle; 2 pp. 1/4 in-f».
PELLICIER AU ROI '.
58. — [Venise , 8 octobre J 540. — « Sire, depuys les dernières let-
tres que ay escriptes à V. M. du xvii'' du passé, ay receu les siennes
du XIII' et xxvi*-' dudict moys, ensemble ung pacquet addressant au
seigneur Rincon, lequel ne fut possible mander jusques au xxviii" pour
le maulvais temps qui faisoyt lors... » Pour éviter la perte du paquet,
qui est de grande importance, Pellicier a dépêché un exprès à Cons
tantinople, « homme », dit-il, « selon mon jugement, le plus ydoyue
et suffisant pour faire telle charge que aultre que j'aye peu recouvrer
par deçà. Car oultre ce, qu'il est homme à qui l'on se peult fyer gran-
dement, sçayt parler la langue turquesque et grecque, et a toutes aul-
tres qualitez à ce requises *. S'il a eu le temps prospère d'icy à
Raguse, il y aura esté en cinq ou six jours, pour estre en ung bri-
gantin mieulx fourny de rames et équippé de toutes aultres choses
nécessaires que nul aultre qui exerce les voyaiges de Raguse icy; et
1. " Nota, que celle dépcsclie fut mamlée le xi" octobre; et fut cscript ii MM. de
Villandry, Saint-Pol et Ciarritrues ensemble, et au sire Laurens Charles. >•
2. Il s'agit de Durand de Villegaguon, dont il a été question dans la dépêche à
Rincon, du 25 septembre.
[OCTOBUE 1540] GUILLAUME PELLICIER 111
m'a bien promys que de Raguse ne mettra que seize jours pour aller
en Conslanlinoplc moyennant Tayde de Dieu. Par ainsi ledict soigneur
Rincon le pourra recepvoir environ le xx" ou xxF de ce moys. Duquel
ay pareillement receu ung pacqucl pour V. M. que luy envoie présen-
tement. J'ay aussi receu celle qu'il vous a pieu m'escripre par M. Tarce-
vesque de Trassilvania, qui arriva en ceste ville le iii*^ de ce moys, et
entendu de luy les propoz que V. M. luy avoyt ordonné me dire. Pour
lequel suysallé voir la Seigneurie, pour faire entendre le plaisyr qu'elle
feroyt à V. M. de le avoir en bonne recommandation et saulvegarde,
et la requérant de luy octroyer ung sauf-conduyt ainsi qu'il désiroyt :
ce que libérallement m'a accordé. Et ne fauldray à faire ce que vous
plaist me commander touchant les pacquetz et aultres choses concer-
nans telz affaires que congnoistray estre pour vostre service.
« Sire, cez Seigneurs ont eu lettres de leur secrétaire Fidel prez du
marquis du Guast, de si longue teneur que ilz ont esté plus de quatre
ou cinq heures en pregay pour les lire ; de sorte que il eust esté bien
difficille de povoyr retenyr tant de propoz qu'ils conlenoyent. Ce
néantmoings j'ay trouvé le moyen d'en avoir le sommaire et substance,
par laquelle m'a semblé valloir bien de le vous faire sçavoir. C'est que
ledict marquis, ayant appelle ledict Fidel à manger, luy bailla à lyre
lettres que l'empereur luy avoyt escriptes, contenant entre aultres
choses que ledict seigneur empereur estoyt mieulx forny de bons cap-
pitaines et gens de guerre qu'il ne fut oncques; et estoyt mieulx obéy,
craint et aymé de tous ses subgectz que jamais; et si avoyt plus d'or
et d'argent deux foyz qu'il n'eut oncques, et plusieurs aultres moyens
par lesquelz allégoyt avoir plus grant puyssance de faire guerre qu'il
n'eut jamais : faisant les plus belles offres et partiz à cez Seigneurs
qu'il n'est possible de plus, disant qu'il avoyt leurs affaires en aussi
grande affection que les siennes propres, et qu'il ne tiendroyt qu'à
eulx qu'il ne leur donnast à congnoistre par bons effectz, — estant
fort desplaisant du si très désadvantaigeulx accord qu'ilz traictent faire
avecques le Turcq. Et qu'il ne tiendroyt que à eulx qu'ilz ne gardessent
de faire d'eulx tous ses desaings; car il estoyt bien deslibéré de sa
part faire ung plus groz exercite par terre qu'il ne fut veu longtemps
a, et pareillement armer mieulx que jamais ne feist. Dont s'ilz voul-
loyent de leur cousté faire leur debvoir ainsi qu'ilz estoyent tenuz, il
espéroyt bien donner plus d'affaires au Turcq qu'il ne se veid long-
temps y a : à quoy il les confortoyt et pryoyt de ne voulloir faillyr,
attendu mesmement la bonne occasion et opportunité qui se montroyt
à présent, pour estre ledict Turcq plus embesoigné et troublé que
jamais pour la rescente playe qu'il avoyt dernièrement receue du
Sophi telle qu'ilz sçavoyent, et de ce cousté pour avoir perdu Jehan
son vayvauda de Transilvania, qui faisoyt teste en Hongrye pour luy.
Leur remonstrant que s'ilz perdoyent ceste occasion, à peyne se
112 AMItASSADE DE [oCTOnUE 1540]
relrouveroyenl jamais l'avoir si bonne, et qu'il ne failloyl quil tint à
argent ne aullre chose; car s'il/, n'en avoyenl point pour en avoir beaul-
coup despendu, il leur en presteroyl tant qui! en feroyt besoing, car
il en avoyl assez pour tous : le semblable feroyl-il de gens de guerre,
municions et aullres choses à cesle enlreprinse nécessaires. Kl pour
mii'uU leur persuader ce <iue dessus, ledicl marquis leur debvuyt
mander de brief ung gentilhomme. Toutesfoys, il l'uuldra bien qu'il
soyl \>ni\ orateur s'il peult faire que cez Seigneurs y donnent foy, car
aveccyies ce qu'ilz sont tanl reballuz de telles belles promesses, encores
les dernières lettres qu'ilz ont receues de leur ambassadeur Badouare
y ayderont beaulcoup; car par icelles ilz entendront très bien ce que
le seigneur Hincon m'a escript, comme j'estime qu'il a faict aussi à
V. M., touchant lenlreprinse que les Impériaulx avoyent faicle de faire
révolter Napoli de Komunye et aultres lieux de cez Seigneurs en
Levant, — ainsi que desjà vous avoysadverty du moysd'aoust, comme
depuys a esté descouvert par la prinse du cappitaine Petro Siculi, qui
a esté mené à Constanlinople. Lequel a confessé qu'il avoyt esté
dépesché par le vice-roy de Napples pour cest effect; et plus grant
confirmation de ce ont donné les instructions, lettres à ceulx de Napoli
de Komanye et aultres susdicts lieux, et patentes dudict vice-roy,
desquelles a esté trouvé saisy. Et escript aussi que ledict Grant Sei-
gneur avoyt libéré messire Francesco Suriano, gentilhomme de ceste
ville, pour venyr, avecques ung chaoulx ' dudict Napoli de Romanye,
entendre la vérité de TafTaire avecques les habitans de là. Et avoyt
icelluy messire Francesco Suriano charge dudict seigneur ambassadeur
Badouare de advertyr très bien, non seullement ceulx dudict Napoli de
s'y prendre garde, mais encores le général de l'armée de cez Seigneurs,
et qu'il meist bon ordre aux aultres places et ysles de ce cousté là, se
doublant que André Doria, soubz colleur d'aller donner secours au
roy de Thunys, vousist prendre d'assault ou à l'emblée aulcunes des-
dictes places de cez Seigneurs. Lequel Doria, comme l'on entend par
lettres de Napples, debvoyt partyr de brief pour aller à Palerme lever
le vice-roy de Napples, pour en compaignye aller à l'emprinse dudict
Thunys, ayant trente six gallères, dix naves, et ung gallion *. Si ledict
gentilhomme que doibt envoyer Icy ledict marquis du Guast viendra,
ou en entends aullre chose, je ne fauldray s il y aura lieu en advertyr
en toute diligence V. M.
« Sire, ledict seigneur ambassadeur Badouare continue plus que
jamais d'escripre à ses Seigneurs du contentement qu'il a des bons
1. Chnouch, messager d'étal.
2. Galion, navire en usage dès la seconde moitié du xv' siècle, d'une construction
mixte, tenant de la nef ou vaisseau rond par la forme générale, et de la galère par
sa longueur plus grande que celle de la nef (V. Jal, loc. cil., p. 757).
[octobre 1540j GUILLAUME PELLICIER H3
offices que journellement le seigneur Rincon faict par delà pour eulx;
leur faisant sçavoir comment ieelluy Rincon, entre aultres remonstra-
cions qu'il avoyt faictes aux bassatz, leur avoyt donné à entendre la
grant tidellité et sincérité de cez Seigneurs, allégant combien l'empereur
leur avoyt présenté et présentoyt journellement de grands partiz pour
les tenter et faire retirer de l'accord d'entre eulx et le Grant Seigneur,
mais qu'ilz n'en avoyent jamais voullu sentyr parler. Et que ledict
Badouare, estant allé veoir ledict seigneur Rincon, entre aultres
propoz luy avoyt dict ({ue l'amytié d'entre V. M. estoyt tant estroicte
avecques ceste Seigneurie que c'estoyt comme ung aneau dedans le
doy. qui ne se povoyt ouster sans le tailler. A quoy ledict seigneur
Badouare luy avoyt faict responce que de ceste si estroicte amytié n'en
estoyt pas adverty. Bien estoyt vray que pour la grant obligation que
ceste Seigneurie a à V. M. seuUement et à jamais, qu'elle vous sera
toujours complaisante et, comme il dict, obséquentissime. Lequel
propoz et encores plus la responce ont esté grandement agréables et
acceptées de tous ceulx qui entendent et ayment ce qu'il faict pour le
bien de ceste républicque. »
Suivent les nouvelles de Hongrie contenues dans les précédentes
lettres adressées à Rincon.
«... Sire, par lettres du xix"^ du passé de l'ambassadeur de cez Sei-
gneurs prez dudict roy des Rommains, Ton est adverty que ledict roy
avoyt mandé son second filz ' à la court de l'empereur, le pryant et sol-
licitant instemment qu'il luy voulsist donner la douairière de Millan -
avecques la duché, pour par ce moyen l'incorporer et asseurer à la
maison d'Autriche à perpétuité. J'estime que par M. de Lavaour pourrez
avoir esté mieulx adverty de la vérité.
« Sire, quant ad ce que le seigneur Rincon m'a escript que le Grant
Seigneur avoyt respondu au messaiger envoyé par le chancellier et
évesque de Cinq-Esglises, ambassadeurs désignez par le roy Jehan pour
aller vers luy, que à leur arrivée leur déclareroyt ce qu'il veult entere-
ment estre faict louchant l'administration du royaulme de Hongrye,
là dessus ledict seigneur Rincon adjouste qu'il ne sçayt si ledict Grant
Seigneur se vouldroyt contenter de l'eslection faicte dudict nouveau roy ;
car auparavant la mort du feu roy avoyt destiné de usurper ledict pays
pour luy et y mettre pour seigneur ung sien filz. Chose qui m'a semblé
estre à propoz et très expédiant en toucher quelque mot, par façon de
m'en enquéryr comme de moy-mesme, à M. l'arcevesque de Transilvania,
1. De son mariage accompli en 1521 avec Anne, fille de Ladislas. roi <Ip Hongrie
eL de Bohême, morte en 1547, Ferdinand I" avait eu deux fils : Maximilion II, qui
lui succéda, et celui dont il est question ici, Ferdinand, comte de Tyrol. marquis
de Burgau, né en 1529, mort en 1595.
2. Christine de Danemark, mariée en avril 1534 à Francesco-Maria Sforza, dernier
duc de Milan, mort sans postérité le 24 octobre 1535.
Venise. — 1540-1542. 8
1,', AMBASSADE DE [OCTOUKE 15iO]
luy disant en avoir senly quelque chose. Ma diel estimer que ledict
Granl Seigneur n«' seroyl jamais pour faire semblable chose, pour aul-
tanl (juo ce seroyt conlre leur coustume inviolable, qui ne veull qu'il
V avl à la foiz que ung de la casa otlomane survivant en estât de prince,
pour éviter les divisions et ruynes de leur monarchie; et aussi que
ledict tirant Seigneur vi tout son conseil sçayt très bien que jamais
lachrestienté ne souflriroyt, — et moings les Hongres, qui sont d'assez
mal à renger et suppéditer, — qu'ils fussent réduicl/. du tout à son
obéyssence, et tant moings il seroyt seur à ung qui n'eusl aultre force
(juc ledict royaulme. De (juoy vous ay bien voullu advertyr afhn que
V. M., par son meilleur et infaillible jugement, advise là-dessus ce que
luy en semblera; car il pourroyt estre que, comme il advient souvent
aux plus saiges, que ledict seigneur arcevesque ne creust pas vouUen-
liers ce que il ne vouldroyt qui advint et que Dieu ne veuille... »
Vol. -', f» 59, copie du xvi» siècle; 3 pp. 1/2 in-f".
PELLICIER AU CONNETABLE
1
59. _ [>«ise^, S octobre i 540.— L'attente d'un paquet de Rincon
a retardé l'envoi des lettres de Pellicier. Il a reçu celle du connétable,
du 12 septembre, ainsi que le paquet à l'adresse de Rincon, qu'il s'est
empressé de lui transmettre.
« ... Monseigneur, cez Seigneurs ont eu lettres de leur secrétaire
Fidel, qui est prez le marquiz du Guast, les adverlissant comme ledict
marquis et domp Loppes, trésorier général de Millan, luy avoyent dict
qu'il ne se failloyt point esmerveiller si lesdictz Seigneurs avoyent esté
contrainctz faire paix avecques le Grant Seigneur, si très désadvanta-
geusement; car ilz estoyent certains que avant que le seigneur
Radouare fust arrivé en Constantinople, je avoys advisé ledict seigneur
Rincon entièrement de toute la puyssance qu'il avoyt par sa commis-
sion : de quoy icelluy Rincon n'avoyt failly advertyr les bassatz
du tout par le menu. Qui avoyt esté cause qu'ilz avoyent tenu telle roy-
deur à cez Seigneurs en faisant ladicte paix, eslans bien asseurez que
ledict ambassadeur, ayant telle puyssance de leur accorder ce qu'ilz
demanderoyent, ne s'en reviendroyt sans passer le tout : chose que
lesdictz Impériaulx ont mise avant industrieusement et à poste, cuy-
dant par là allienner lousjours cez Seigneurs de l'amytié qu'ilz ont à
S. M., et les attirer à la dévotion de l'empereur le plus qu'ilz peuvent,
à quoy faire cherchent tous les moyens à eulx possibles; et que pour
ceste cause ledict marquis du Guast, ainsi que l'on dict cez Seigneurs
estre advertiz, doibt mander de brief icy ung gentilhomme avecques
1. - Envoyée avec la précédente. »
'oCTOnRE J54()] GUILLAUME PELLICIER 1 | li
bien ample commission. S'il estoyt vray, ce ne me seroyt pas moindre
béneffice que le voyaige icy de M. d'Hannebault. Si le roy en contre-
poys en mandoyt icy ung aiiltre, et si mon souhait estoyt digne d'ostre
oy, estant monseigneur le Révérendissime cardinal de Lorraine par deçà
comme l'on attend, s'il plaisoyt à S. M. luy donner charge que en s'en
retournant passast par cy pour exposer à cez Seigneurs ce que l'on
verroyt estre à faire, me semble que ce ne seroyt pas peu faict pour les
aiTaires de S. M. Si je entendray par cyaprez mieulxdela venue dudict
gentilhomme, je ne fauldray à vous en advertyr, et de sa commission si
je en pourray rien sçavoir. Ce pendant, je ne faulx ne fauldray à rab-
battre le mieulx que me sera possible leurs menées et enlreprinses.
Dont, pour ce faire, les lettres dudict seigneur Rincon seront jà bien
venues à propoz, pour avoir esté cez Seigneurs advertiz de la machina-
tion des ministres de l'empereur à faire révolternon seullementNapoli
de Romanye, mais encores toutes les aultres isles et terres de cez Sei-
gneurs en Levant, ainsi que j'estime entendrez plus amplement par
lesdictes lettres dudict seigneur Rincon : chose que a mis cez Seigneurs
en merveilleux trouble et effroy. Et ont par là cogneu la vérité et vertu
de l'advertissement que je leur en donnay ou moys d'aoust dernier
passé, comme lors vous escripveiz; et ce plus clairement, d'aultant que
par les instructions et la patente que Petro Seculi avoyt du vice-roy de
Xapples, a part par les dattes que desjà l'entreprinse estoyt faicte ou
moys de juillet auparavant. De quoi cez Seigneurs, se recordans du bon
office qui leur fut faict en ce, sçavent merveilleusement bon gré à S. M.
et l'en remercyent infiniment. Leur ambassadeur escript davantaige
que ledict Grant Seigneur avoyt libéré messire Francesco Suriano, gen-
tilhomme de ceste ville, pour aller avecques ung chaous à Napoli de
Romanye sçavoir s'il estoyt vray que ceulx de ladicte ville eussent telle
vouUenlé. Et a mandé ledict ambassadeur Badouare au cappitaine
dudict Napoli et aussi au général de l'armée de cez Seigneurs prendre
bien garde et veiller à cest affaire.
« Monseigneur, cez Seigneurs ont esté advertiz parleur ambassadeur,
qui est prez du roy Ferdinando, que l'empereur avoyt suspeçon sur
quelque ung de sa court qu'il ne ayt destruict l'intelligence etlraicte de
Marseille; et aussi escript que pour ceste heure l'entreprinse et
desaings qu'ilz avoyent faict sur le Pyémont n'est pour se mettre à
eflect, mais que le tout se fera avecques le temps; et pareillement que
en la court dudict roy s'est semé bruyt de donner une de ses filles au
nouveau duc de Mantoue, et donnoyt ledict roy quelque espérance qu'il
se debvovt faire... »
Vol. 2, f» 62, copie du xvi'' siècle; 2 pp. iii-f°.
,,,. AMllASSADK HK OCTOBUE liliO.
l'Ki.uciKH \ i.\ nr.wv. i»i: n\v\kue.
60 -Vrnisr s nrluhrc I .rU). - " Madame, jay .Trou la leltiv
,.ail vous a pl.u .urscripr.., ù laqucll.. si plus losl u'ay laid responce
je vous supplv. in-avoir pour excusé; car je lay eue ung peu b.en lard,
de sorte que uel'av p.u faire plus «ostque par ceste présente depesche.
Par ic.lle jav veu la provision qui a esté donnée à mess.re Sehasl.ano,
archilori;; dont je me sens et tiens aultant attcnu et ol.li^'é à \oslre
Excellence <iue si ce fust esté h moy-mcsmes, estimant que ma sollici-
tation envers vous luv avl s.-rvi en ccst endroict; vous asseurant,
Madame, «lue oullre le" bien et libérallité que ave. faict à ung person-
naiKO qui le merilte aultant que nul aultre de sa qualilé (lue je con-
Kuoisse deçà les mont/, vous u'a^ey. pas peu donné de réputacion et
commodité'aux alVaircsde S. M. Car, à dire la vérité, il y en avoyt ja
qui murmur<»vent beaulcoup de ce qu'il y avoyt si longtemps que on
luy avovt promis quelque provision, sans que on meist 1 eflect a exécu-
tion; et^en disovenl mesmement quelques ungs de ceulx qui ne sont
pas beaulcoup "aiTectionne/. à noslre party ce que bon leur sembloyt,
mais cecv leur a faict du tout clorre la bouche de tel/ propo/.. 1 est tous
les jours aprez pour mettre ordre à ses aflaires de par deçà; lesque es
mises, qui sera de brief, ainsi qu'il m'a dict, se partyra pour vous aller
trouver, comme verre/, s'il vous plaist par ce qu'il vous en escript. Au
demeurant, Madame, je ne vous sçauroys assez très huml>lement remer-
cverdubien qu'il vous plaist me présenter ou vrayemenl faire par
vostredicte lettre. Et ne suys à présent à congnoistre par bons eilectz
que de vostre bénigne grâce m'avez tousjours supporté et ayde en tous
mes affaires, de sorte que je n'ay jamais rien eu en ce monde que je ne
le tienne soubz Dieu de vostre bonté, ne encores espère avoir qui ne
vienne par vostre faveur et libérallité. Dont comme l'ung de voz 1res,
humbles et afTeclionnez serviteurs ne doubteray à vous recorder que il
V a environ trois ans que le roy, de sa grâce et propre mouvement,
Vous tint propoz, afin que j'eusse meilleur moyen et occasion desuyvrc
la court de me pourveovr d'ung office de maislre des rcquestes a.nsi
„ue dès lors il vous pleut me le faire entendre par monseigneur de INar-
bonne', alors estant nouvellement conseiller de Tholoze. Et de faict
depuys, à mon partement pour venyr icy, m'en a faict expédier lettres
de la première vaccance, me prefférant à tous aultres. ^éanlmolngs
depuys le temps de sa première voullenté, il en est jà vacque Iroyj,
sans que par quelque souvenance et propoz que luy ayt este tenu de
moy j'en ave esté pourveu. A ceste cause, Madame, sçachani combien
vous avez tousjours mon meilleur bien en bonne recommandac.on et
t. Jean de Lorraine, canlinal. archovè.iue «le Narbonne.
[octobue i:i40' Guillaume pellicier ht
proleclinn, vous supplye que si congnoissez que je ne soye encores ou
bien jamais pour y parvenyr, — et par ce moyen que cecy fust pour
donner à parler de moy comme de celluy qui est si ambilieulx et con-
voicteulx de biens et honneurs de ce monde que à chascune occasion
que advient de vaccation, je me porte et présente compétiteur ordinaire
de telz offices contre tous, chose qui seroyt pour escandalliser à l'ad-
venture beaulcoup de gens qui n'entendent bien l'affaire comme il
passe et peut-cslre ne me congnoissent pas bien, — je vous supplye.
Madame, faire faire qu'il ne s'en parle jamais plus; car j'aymeroys
mieulx. l'honneur de Dieu et la bonne odeur de mon petit nom, soubz sa
grâce, que tous les biens du monde; vous asseurant, Madame, que de
ma part je me liens aullant contant de ceulx qu'il a pieu à Dieu et à
voslre grâce et bonté me donner que homme qui soyt en ce monde, et
n'en chairche davantaige sinon tant que fera besoing pour faire meil-
leur service au roy et à vous. Sur quoy vous diray que ayant employé,
tant pour le service de S. M. que pour luy faire transcripre et achepter
livres, tout ce peu que avoys peu amasser de tous coustez avant que
venyr icy, je me veoy en bien grand peyne où je en pourray trouver
daultre, de quoy fournyr à la grosse despence qu'il me convient faire
ordinairement, pour la grant charte qu'il y a icy de toutes choses, et si
extrême que ce qui ne valloyt du temps de mes prédécesseurs que ung
escu en vault bien à présent troys.... »
Vol. 2, r 63, copie du xvi" siècle; i p. 1/2 in-f».
PELLICIER A M. DE TULLE.
61. — 'Venise], 8 octobre 1540. — « Monsieur, j'ay receu la lettre
que m'avez escripte du iiii'= septembre et ne vous sçauroys remercier
assez humblement delà peyne qu'il vous a pieu prendre pour moy et
faveur que m'avez donnée, présentant mes lettres au roy, et pareille-
ment celle du gentilhomme grec, lequel n'est encores de retour de
Romme. Toutesfoys, si m'aurez envoyé son sauf conduict et lettres
patentes, je ne fauldray l'en advertyr, affin de s'apprester le plus tost
pour faire le voyaige ; mais estant jà si avant en hyver, à grant peyne y
aura il ordre departyr jusques au nouveau temps. Et cependant j'espère
que nous ne perdrons point temps, car il nous pourra ayder à rescru-
tier et recouvrer livres de cez seigneurs particulliers avecques lesquelz
il a très bonne pratique et crédict, chose que je n'estimeroys pas
moings que d'en recouvrer beaulcoup qui pourroyent estre incertains
de quelle quallité seroyent. J'ay receu le cathalogue de la librairye du
roy S de quoy j'ay esté bien aise pour povoir entendre quelz y fault en
1. 11 s'agit apparemment du premier catalogue de la bibliothèque royale de Fon-
tainebleau, conservé aujourd'hui en tête du [ms. grec 3064 de la Bibl. nat. (Oniont,
■Cal. cle< mss. f/recs de Guillaume Pellicier).
118 AMHASSADi: DE OCTOBKE l.'J40]
icelle et quelz désirerie/. avoir les premiers, ce que je me allendz bien
quo m'adverlirez par le premier pouravoir receu le calhahjgue de ceulx
de Sanlo Aullionio, pour leijuel je ne vous envoyé point en contres-
change aulcun cathalogue des aullres librairyes d'icy, pour ce que ilz
n'ont esté encoros rescrutiez ne correclz, ainsi qu'il fault pour le vous
présenter. Mais en lieu d'iceulx, je vous en ay bien voullu envoyer ung
de deux cens vingt pièces ', telz que verrez, lesquelz je ne craindray
de dire que, si nous les povions recouvrer, pourrions dire avoir Ircjuvé
la lleur et paragon des livres du monde. J'ay doubte que pour la singul-
larilé d'iceulx que ce fust une pencée joyeuse que on me voulsisl
doimer : par quoy ay pryé celluy qui le m'avoyt donné me vouUoir dire
à bon essiant si il sçavoyt bien que ledict cathalogue contint vérité et
que lesdicts livres lussent en estre etpovoir de la main d'ung homme,
lequel m'a asseuré et promis estre tout certain et vray, et que si je voul-
loys il en l'eroyt apparoir par effect. Et mesmerveillant encores de ce,
luy ay demandé comment se povoyt faire que au povoir d'ung homme
s'en Irouvast si grant nombre, non ailleurs sceuz ne attendu/., m'a res-
pondu en somme que c'est la garde-robbe et despouille de toute la
librairye des empereurs Paléologucs. Je ne vous ose bailler encores
avec tout cecy ceste chose pour certaine, doublant que ce ne soyt ung
traict de foy grecque; mais si pencé je que il en soyt quelque chose,
nous verrons de faire s'il est possible quelque preuve de cecy, et ne
fauldrons vousadvertyr de jour en jour de ce que en trouverons, vous
asseurant que, pour recouvrer semblable marchandise, l'on ne pourroyl
pencer combien la libérallité du roy que il a faicte à ce gentilhomme des
mil escuz est pour servyr à faire sortyr livres que l'on ne pourroyt
croire qu'ilz se trouvassent de ce temps icy en tout le monde. Mais,
quelque chose qu'il y ayt, ne se faict rien sans force argent ; à ceste
cause vous supplye que si vouliez que je puisse continuer de faire ce
service au roy et à vous, qu'il vous plaise donner ordre faire deslivrer
quelque argent pour employer en telles choses, comme desjà vous avez
obtenu du roy le commendement. Et ce me sera très grant accroisse-
ment des obligacions que je vousay pour tant de bonsplaisyrset bénef-
fices que journellement en cecy et aultres miens affaires pour vostre
humanité me exhibez; dont à perpétuité je vous resteray très affec-
tionné serviteur, et ensemble tous les gens de bien et estudieulx de la
France vous recongnoistront ce bien perpétuellement à l'ayde de Dieu. . . »
Vol. 2, fo 65, copie du xvi'' siècle; 1 p. 1/4 in-r\
1. La lettre du 2 décembre, adressée au même personnage, accuse un envoi de
deux cens vingt deux pièces de livres ».
[octobre 1540] GUILLAUME PELLICIER 119
PELLICIER AT- CARDINAL DE FEHH \UE.
62. — [Venise], 8 octobre i 540. — « Monseigneur, j'ay receu les
lettres qu'il vous a pieu m'escripre, ensemble ung pacquet qui s'adres-
soyt à inessire Francesco Bcltramo; et ne vous sçauroys assez très
humblement remercyer de la bonne afîection qu'il vous plaist de vostre
bénigne grâce me porter, et des bonnes offres que me faictes par vostre
rescription audict Beltrame, ainsi qu'il m'a récité et déclairé bien au
long, les acceptant et recepvant comme chose qui me peult ayder et
subvenyr grandement quand l'occasion s'y ofl'rira. Et pour ce, Monsei-
gneur, que entendez et sçavez très bien quelle despense il convient
faire estant au lieu oîi je suis pour entretenyr les serviteurs du roy, me
suys bien voullu adresser à vous, pour vous supplyer me voulloir ayder
de vostre faveur et crédict envers S. M. et monseigneur le connestable,
affin que vostre bon plaisyr soyt leur donner bien à entendre qu'il est
impossible sans quelque bonne provision que je m'en puysse aulcune-
raent valloir ne ayder. Car ce ne sont gens qui se veuillent plus
repaistre des belles parolles et excuses que leur ay tousjours baillez
jusques icy, en entretenant ce néantmoings aulcuns avecques ce peu
qu'il m'a esté possible de fournyr par effect jusques à présent, selon
me petite puyssance. Je ne vous diray point combien ledict seigneur
Francesco Beltramo est bon et dévot serviteur de S. M., estant certain
que vous le congnoissez aussi bien que moy ; mais bien vous asseu-
reray que je me vaulx aultant ou plus de luy pour le service dudict
seigneur que de nul aultre qui soyt icy, sans qu'il en ayt jamais eu
depuys que y suys aulcune récompense. Il luy avoyt esté ordonné du
temps de M. de Rhodez quelque pension; mais, ainsi que je entendz,
jamais n'en a receu ung tournois : dont il commence fort à doubler que
l'on ayt oblyé du tout le mérite de son service, et y a danger qu'il ne
s'en retire. Par quoy, Monseigneur, s'il estoyt besoing que pour luy je
vous deusse supplyer, je le feroys de très bon cueur; mais, sçaichant
qu'il n'en est nécessité pour luy estre Vostre Révérendissime Seigneurie
aultant affectionné que moy mesmes, vous supplye avoir les aultres
pour recommandez. Car j'estimeray le bien que on leur fera plus que
s'il estoyt faictà moy-mesmes; affin que si pour le moings l'on ne me
veult bailler de quoy en povoir acquéryr de nonveaulx, l'on ne me
puisse accuser d'avoir laissé perdre les anciens de mon temps. Je en ay
escript à mondict seigneur le connestable, et fays encores à présent là
où je ne metz en dernier lieu ledict seigneur Beltrame, le supplyant
très humblement y voulloir faire mettre ordre. Si Vostre Révérendissime
Seigneurie se treuve à propoz, ce ne me sera pas peu d'accroyssement
de l'obligacion que je vous doibz, si c'estoyt vostre bon plaisyr de luy
120 AMBASSADE DE 'oCTOItriE 1540]
on dire quelque mol; de quoy de rechef très liuinblemonl je vous
supplye... »
Vol. 2. f'^ Ci V, copif thi W!" sièclt", 1 [i. in-f".
l'ELUCIEK A M. I)" ANNEBAUI-T.
63. — [W'Hise], s uclobre JôiO. — Pellicier le lelicile de son retour
à la cnur et le remercie de la continuation de ses bonnes grâces. Il lui
transmet les nouvelles contenues dans .sa lettre au roi, concernant les
menées des Impériaulx, les atï'aires de Hongrie et d'Italie, etc.
Vol. 2, r» g;'), copie du xvi« siècle; 1/3 p. in-f°.
PELLICIER Al" HAILLI Or 1"ALA1:>'.
64. — [Venise], 8 oclobr-e 1540. — « Monsieur, j'ay receu vostre
lettre du .\if septembre et veu le contentement que avez de moy tou-
chant M. vostre neveu, chose que certainement procedde plus tost de
vostre courtoisye que de mérite ne louenge qui m'en soyt deue. Si est-
ce que vous diray bien ce petit mot que quant ce eust esté mon propre
frère, je n'eusse sceu me employer davantaige que j'ay faict à luy pour
l'amour de vous, comme suys bien deslibéré faire en toutes aultres
choses que cognoistray vous estre agréables pour l'obligacion que je
vous doibz. Toutesfoys vous diray que j'ay trouvé très bon vostre adviz
duquel ma adverty le prieur de Saint-Pol, c'est de faire doresnavant
deslivrer à Ihomme de M. de Vaulx qui est à la court l'argent qui con-
viendra pour Tontretien de vostredict nepveu, affin de le faire tenyr
entre les mains de son maislre qui le fournyra de toutes ses commo-
ditez et nécessitez. De quoy, comme j'estime, pour estre ainsi que
sçavez trop mieulx tant vostre amy etaflectionné, prendra très voullen-
tiers la charge : laquelle à dire la vérité pourra faire à présent, pour
estre sur le lieu, mieulx à propos que moy; car il le pourra veoir et
entendre chacun jour, et luy subvenyr d'heure en heure de ce qui luy
sera besoing : chose que ne sçauroys faire si commodément, pour ce
1. Ce Nicolas Bcriliereau, nolairc et secrétaire du roi, bailli du Palais, seigneur
de Villiers-lc-Sec, au neveu du(|ucl, étudiant à l'université de Padoue, Pellicier
promet ses bons offices, semble avoir eu des attaches lyonnaises. Il existait à
Lyon, à la même dati-, un imprimeur nomme Thomas Berthereau (hiv. somm. des
Ârchiv. de Lyon, t. 111, p. 20G, col. 2).
Nicolas Berthereau était mort en février l.jo'J, laissant une veuve, Marie de Saint-
Mesmin, et un neveu, Aignan de Saint-.Mesmin, chevalier, seigneur du Breuil près
Orléans, qui pourrait être le personnage visé dans cette lettre (V. Bibl. nat.,
ms. fr. 20,797, C' 4 et 5).
[octobre 1o40j GUILLAUME PELLICIER 1 :i 1
qu'il y a une journée d'icy à Padoue ' et une auUre à revenyr, et aussi
que dedans peu de jours je perdray la commodité que j'avoys de le
taire visiter. C'est du prieur de Vérargues, mon maislre d'hôtel *,
lequel je envoyé au pays pour aulcuns miens afTaires, qui vont tant de
ce couslé là que ailleurs comme Dieu veult. Je luy avoys du commence-
ment donné la charge de se employer pour vostredict ncpveu, pour en
estre homme plus suflisant et apte que nul aultre (jue j'aye en ma
maison. Et les avoys mys coucher ensemble, mais jamais vostredict
nepveu ne voullut ce faire ne prendre chambre à mon logeis, disant
que ne me voulliez donner tant de charge. De quoy me suys esmer-
veillé que eussiez tel respect envers moy; car ne me sçauriez charger
aulcunement, ains ce ne m'est que plaisyr de vous faire chose agréable.
Et me déplaist bien que ne ave gens qui m'y peussent faire tel service
que ledict prieur de Vérargues; car je n'ay pas beaucoup de person-
naiges ne serviteurs à ma maison qui soyent par trop pralicques et
sut'fisans pour entendre à telle chose, ne en qui je me voulusse trop
repouser en tel/, all'aires, — comme aussi, à dire la vérité, n'ay-je pas
le moyen ne povoir de entretenyr gens de telle quallité, ne moings de
puyssence de leur donner espérance à l'advenyr, me voyant moy-
mesmes en danger d'avoir assez affaire d'eschapper, sans que soys con~
Irainct avoir recours à mes bons amys. Pséantmoings je ne larray tous-
jours pour l'amour de vous luy faire tous les plaisyrs qu'il me sera pos-
sible. Au demeurant je ne vous sçauroys assez remercyer des bons
plaisyrs et offices que faictes journellement pour moy à la court, tant
de mon estât de la maistrise des requestes, de laquelle je ne me tra-
vailleray pas beaulcoup, me confyant que comme vous avez très bien
commencé et là mise si avant où elle en est, que vous y mettrez
([uelque bonne fin. Bien vous diray que plustost que on deust donner
matière à plusieurs de parler de moy comme par trop convoicteulx et
ambilieulx, et l'on ne deust point parvenyr à noz attentes, j'aymeroys
mieulx, si ainsi vous sembloyt, quejamais ne s'en parlast plus. Au fort,
je vous enlaisseray entièrement faire, sans vous dire aultre... »
Vol. 2, f" 65, copie du xvi" siècle; 1 p. in-f".
1. Le sénat de Venise, en date du 14 mars loli, avait interdit tout enseignement
acadénii(iiie ailleurs (iii'â Padoue, dont l'université se trouvait placée sous son
entière proteelion. Trois réformateurs, résidant à Venise, avaient la régence et
l'administration de tout ce qui concernait l'université; ses professeurs de méde-
cine et de droit touchaient des émoluments princiers pour les mémoires qu'on
leur faisait rédiger sur des questions médicales ou juridiques. Aussi les étudiants,
dont le nombre atteignit jusqu'à dix-huit mille, affluaient-ils à Padoue de tous les
points de l'Europe (V. Molmenti, loc. cit., et J. BurckhardI, La civilisation en Italie
au temps de la Renaissance, Irad. fr. de Schmidt; Paris, Pion, 188:;, ■?. vol. in-8°).
2. Le prieur de Vérargues, maître d'hôtel de Pcllicior. — Vérargues est un vil-
lage de l'Hérault, arrondissement de Montpellier, canton de Lunel.
122 AMBASSADi: DE [OCTOBRE 1 ntOj
l'ELI.ICIER A CESARE FREGOSO.
65. — [ \'i'nisr,, i) octobre i 1)40. — La dernière lettre que Pellicier a
reçue de Frej^oso est du HO septembre. Pellicier le félicite de sa conva-
lescence et l'informe des dernières nouvelles arrivées de la cour.
"... Les meilleures nouvelles que je en ay eues, c'est la bonne santé
du rny, et (juil s'en venoyt à Fontainebleau, continuant tousjours de
plus (Ml |ilus laiiiytié qu'il porte ii cez Seigneurs, chose que je ne oblye
point à leur faire très bien entendre. — Et quant est de celles de
Levant, encores que je pence bien que aultre que moy vous le pourra
mander, je n'ay voullu laisser à vous dire comme il a esté prins une
frégatte par les coursaires turcqs, en laquelle estoyt ung cappitaine
ancien de l'empereur, nommé Pietro Seculi, que a esté mené en Cons-
tantinople, où il a confessé avoir esté dépesché par le vice-roy de
Naples pour aller faire révolter non seullement Napoli de Romanye,
mais encore toutes les aultres terres et isles de cez Seigneurs en Levant,
chose de quoy ilz ont esté fort estonnez et troublez, et cella pourra
divertyr grandement la créance que l'on cusl peu donner aux belles
lettres que l'empereur a escriptes au marquiz du Guast expressément
pour monstrer au secrétaire Fidel, estans asseurez qu'il ne fauldroyt
en faire récit à cez Seigneurs, ausquelz ledict empereur faict les plus
belles offres que jamais ne feist, comme de leur fournyr gens et argent,
s'ilz en ont besoing, et qu'il a leurs affaires en aussi grande recom-
mandation que les siennes propres, ce que ledict Fidel n'a failly leur
faire entendre très bien, et que dedans peu de jours ledict marquiz du
Guast manderoyt icy ung gentilhomme avecques bien ample commission
pour leur faire entendre le tout amplement et par le menu. — Des
nouvelles de Hongrye, je vous diray comme le roy des Rommains a
quelque amas de gens autour de Strigonia • et de Neustat, une journée
de Vienne, et qu'il estoyt allé en Moravia faire une diette, laquelle se
doibt tenyr à Olmulz, principaile terre de ladicte province de Moravia,
pour chaircher de faire argent. Le Grant Seigneur a mandé lettres à
tous les seigneurs et peuple de Hongrye qu'ilz obéysenl à l'enfant roy,
et avoyt desjà mandé en Ézijk *, à quatre journées de Budde, le
sanzacho de Bellegrade avecques vingt-mille chevaulx turcqs, qui ne
attendent sinon que le roy Ferdinando monstre de se bouger. Tous les
estatz de la Transilvania se sont accordez ensemble qu'ilz ne se mou-
veront ne déclaireront de nulle partye jusques ad ce que les Hongres '
1. Gran, l'ancienne Slrif/onhwt. située sur la rive droite du Danube, à l'embou-
chure de la Gran, et à 37 kiloni. de Bude; siège de l'archevêché primatial de Hongrie
et patrie de saint Etienne 1".
2. Eszek, place forte de l'Esclavonie, située sur la rive droite de la Drave, à
218 kilom. de Bude.
3. Hongrois.
[octobre 1o40J GUILLAUME PELLICIER 123
auront ordonné quel({ue chose du laict du royaulme. Et que les pré-
latz et barons de ladicte Transylvania estoyent venuz avecques toute la
maison dudict feu roy Jelian, conduysant sou corps à Budde, pour
aprez à la première occasion le porter à Albe Régal, l'ensevcUyr là
selon la coustume des roys ses prédécesseurs, et aussi pour bapli/.er
et couronner là ledict enfant roy. Périmpeter et l'évesque de Agria
branslent, mais ne se osent déclairer; ains faignent de faire office de
médiateurs entre le roy Ferdinand o et ceulx qui tiennent le party du
jeune roy. L'on a icy aultres nouvelles que le roy Ferdinando n'estoyt
pour faire force cest y ver, mais avecques intelligence d'aulcuns de
dedans Budde s'attendoyt d'avoir une ou deux portes pour entrer en
icelle... »
Vol. 2, f« 58 yo, copie du wi"^ siècle; 1 p. i/i in-^.
PELLICIER A M. DE LANGE V.
66. — [Voiise], 10 octobre 1540. — Pellicier a reçu ses dernières
lettres datées du 19 septembre, avec le paquet du roi. lia attendu pour
lui répondre l'arrivée d'un jiaquet annoncé par Rincon, qu'il lui envoie
présentement, pour le faire tenir à Sa Majesté.
« ... J'ay détenu le gentilhomme que avez envoyé avecques monsei-
gneur l'arcevesque de Transylvania qui est arrivé icy en très bonne
santé, Dieu mercy, pour par luy vous envoyer ma première dépesche
quant l'occasion s'y adonnera... »
Pellicier termine sa lettre en donnant les nouvelles de la Hongrie et
de la cour impériale contenues dans la lettre au roi du 8 courant.
Vol. 2, f° 66, copie du XVF siècle; 1/3 p. h\-P.
PELLICIER A UINCON *.
67. — [Venise\, i .2 octobre i 540. — « Monsieur, j'espère bien que
avant que ayez receu la présente, le gentilhomme que vous ay dépesche
le pénultime du passé pour vous porter ung pacquet du roy sera arrivé
vers vous; par lequel pourrez avoir esté amplement informé des occur-
rances de deçà. Dont vous pryeray seullement m'advertyr, si jà ne l'aurez
faict, de sa venue et du temps, affin que je le face entendre à S. M. et
à monseigneur le connestable, suyvant ce qu'ilz m'ont commandé de
1. « Nota, qu'il fut escript cedict jour o monseigneur l'arcevesque de Raguse, à
messer Francesco Cliarli en Alexandrye d'Egipte, à M. de Villegagnon, et à messer
Pelro Pomar, en Gonstantinople.
« Item, le landemain Xlll' dudict moys fut escript aux seigneurs conte de la Mi-
randola et Hippolito de Gonzagues, dont n'en fut faict minute. »
12» AMBASSADE DE OCTOBUE loiO.
l'airo. El depuys ay recou les vosires des xxiiii'' d'aoust elv" septembre
lout en un}^ inesme jour, enseiultle un pacquel pour S. M., lequel le
lendemain luy envoyé i)ar la voye ordinaire de Tlmrin. Kl pareiilemenl
ineonlinant fei/. distribuer celluy de ceste illu'^lrissime Seigneurie, et
aussi ay mandé celluy (jui s'adressoyl à M. de Kliode/, et donné bon
receple à tous les aullres paciiuel/. encbjd/ en vostre pacquet. Jay
esté très ayse que ayez, congneu telles faulces calompnyes dont vous
avoys escript louchant des amys des ennemys ayent certainement
esté eslevées et mises sus par aulcuns qui ne peulvent estre sinon ceulx
«jue vous et moy croyons estre eulx-mesmes ennemys de leur bien
publicque. Et pour ce que telz propo/. sont mainctenant assouppiz et que
ce/. Seigneurs sont bien asseurez du contraire, je ne m'estendray à vous
en faire aultre discours... » Pellicier enlrclient Rincon des bonnes nou-
velles qu'il a reçues de l'ambassadeur Badoaro, des entreprises des
Impériaux et des aflaires du Levant, dans les termes de la lettre au roi
du 8 courant.
Quant aux nouvelles de France, Pellicier n'en saurail dire grant
chose, « sinon que M. de Lavaour ayant gousté de la doulceur et bien du
repo/ chez soy, a si bien sollicité son congé qu'il l'a obtenu; cl est allé
pour estre en sa place M. de Vueiliy ' une aultre foiz. Et par ce que cez
I. Claude Dodieu, scigiuiir de Vély ou Velly, alibé de Saint-Riquier. maître des
requil'les, mort ii Paris le 4 avril lo.iS. Dodieu, qui fut pourvu i'anuéc suivante,
en récompense de ses sersices, de révèclié de Rennes, (juil conserva jusqu'à sa
mort, avait déjà été chargé d'une mission diplomatique, en lo37, auprès de Tempe-
rcur, a\ec lequel il avait conclu la trêve de Mon(;on. Les lettres qui le désignaient
comme successeur de Georges de Selve à la cour de Charles-Quint furent datées
de la Roche-Guvon, le il septembre 1510 (B. N.. nis. Clairambaull 121j, f" ~l'>.
78 V, et 79).
Les Dodieu, noblesse de robe et d'épée. étaient d'origine lyonnaise. On trouve
à Lyon, ilés 14o8, entre autres titulaires de ce nom, un Jean Dodieu, prévôt de>-
maréchaux de la province de Lyonnais (Inv. sotnm. des Archiv. de Lyon, t. 11.
p. 09, col. I).
En loi;',, Jean Dodieu, fds de Jacques, laissa pour héritiers Claude, conseiller au
Parlement de Paris, qui parait être notre ambassadeur, et Guillaume son frère,
courrier de la poste à Lyon [Inv. somm. di's archiv. de Lyon, t. H, p. 38, col. 1).
Ce Guillaume fui chargé d'une mission i)rès de Francesco-.Maria ïrforza, fluc de
Milan, dans les premiers mois de 1529 (V. Cui. des actcfs de François 1", t. VL
Suppl., p. 168. n" 19,753). Claude Dodieu, seigneur de Rivaz en Forez, hérita de-'
importantes propriétés que son père possédait, tant à Lyon qu'à Saint-Just.
Millery, Tassin, Nuelles et l'Arbresle (V. Inv. sojynn. des Archiv. de Lyon, t. II.
pp. 38 et 47, col. 1).
Claude Dodieu avait un neveu, Claude Dodieu, seigneur d'Epcrcieux, qui fut
chargé de diverses missions diplomatiques à la cour de l'empereur, à Rome, eu
Ecosse et en Italie, de 1535 à 1511 (B. N., ms. fr., 281C, f° 57, et Cal. des actes de
François I", t. II!, p. 091, n" 10,070, et t. IV, pp. lOi et 220, n*" 11,475 et 12,015).
Epercicux-Sainl-Paul est un village du déparlement de la Loire, arrondissement
de Montbrison, canton de Feurs.
Enlln, le même Catalogue mentionne un autre Claude Dodieu, • cousin » de
l'ambassadeur, venu de Madrid à Evrcux pour j»orler des nouvelles au roi de la
part de son parent, en mars 1535 (t. III, p. 44, n" 7664). Ne serait-ce point le même
que le précédent?
OCTOBUE lo40j (iUILLAUMli PELLICIER 125
Seigneurs (jnl onteudii de leur ambassadeur prez dudicl empereur, le
roy ne vouUu\ t plus sentyr parler d'aultres parti/ si en premier lieu
icelluy empereur ne luy envoyoyt en une carte ' clairement la resti-
tution de Testât de Millau, et que chascun le sçeut et Tentendist. De
<juoy l'empereur avoyt laicl entendre à tout le monde que à luy ne
avoyt tenu que la paix ne se feist, mais que le roy n'en voulloyt plus
sentyr traicler ne parler. p]t que depuys S. M. avoyt mandé audict
empereur que le marquiz du Guast journellement faisoyt contreven-
tions directement à la trefve, et qu'il s'en deschargeoyt devant Dieu à
tout le monde si elle ne se tenoyt plus; car il n'en avoyt esté cause. A
quoy ledict empereur avoyt respondu que si ledict marquiz et ses gens
avoyent faict chose contre icelle, n'estoyt de son sceu ne intencion, et
qu'il avoyt voullenté de la garder à présent mieulx que jamais. Par
lettres de l'ambassadeur de ce/dictz Seigneurs prez du roy des Rom-
mains, du xix" du passé, l'on entend que ledict roy avoyt mandé son
second filz à la court de l'empereur, le pryant et sollicitant instemment
qu'il luy voulsist donner pour femme la douairière de Millau avecques
la duché, pour par ce moyen incorporer et asseurcr ladicte duché à la
maison d'Autriche à perpétuylé, et que ledict roy donnoyt quelque
espérance de faire le mariage d'une de ses filles avecques le nouveau
duc de Mantoue -. »
Pellicier s'étend ensuite sur les événements de Hongrie, dont il tient
le récit de l'archevêque de Transylvanie récemment « arrivé icy de
retour de France » et les relate dans les mômes termes que ceux de sa
lettre à Cesare Fregoso, du 9 courant.
... <( Monsieur, je vous mercye très humblement tant qu'il m'est pos-
sible de la peyne qu'il vous a pieu prendre pour faire deslivrer Jehan
Petro, et aussi de la faveur, support et ayde que faictes ordinairement
à ceulx desquelz vous ay escript; et mesmement à mon pouvre voysin
Jehan de Farges% lequel tousjours de tout mon cueur je vous recom-
mande, et surtout le gentilhomme que vous aydépesché dernièrement,
n'oblyant jamais de vous supplyer vouUoir obtenyr le sauf conduyct
duquel vous ay escript pour le seigneur Francesco Charli, marchant
résidant à Âlexandrye d'Egipte, comme de nation florentine et non fran-
çoise ne aultre. Et ce me sera merveilleusement grant accroisssement
de tant de plaisyrs que journellement me faictes : dont si en récom-
1. Charte.
2. Franscesco III di Gonzaga, second duc de Mantoiie ol marquis de Montferraf,
épousa en effet, quand il eut atteint sa dix-septième année, Catherine, tille de
Ferdinand, roi des Romains. Né en 1533, il mourut le 21 février 1550.
3. On trouve dans VTnr. so7»m. ries Archiv. de Lyon, t. III, pp. S2, col. 1, et S4.
col. 2, un Jehan de Farges, de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or (Rhône), maitre carrier
ayant fait des fournitures de pierres de taille pour la réfection du pont du Rhône,
à Lvon. de 1508 à 1510.
1-JO AMDASSADK DK [OCTOBRE 1540]
pense je puys quelque chose pour vous, en m'en adverlissant le feray
d'aussi bon cueur... »
Vol. »*, 1" GCi, copie ilu \vr siècle: ;f pii. l/^J iii-r».
l'KI.I.ICIEH A VINTENZO MAGCIo'.
68. — I Venise ., 12 octobre I ôlO. — Pelliciera reçu ses deux lettres,
la dernière datée du -4 septembre, avec un paquet à l'adresse de l'am-
bassadeur de .Mantoue, ([u'il lui a fait tenir. Dès qu'il aura reçu la
réponse, il la retournera à Maggio.
Vol. 3, 1° 08, copie liii \vr siècle; i/ip. in-f».
l'ELLICIEU \ HAHEI.AIS -.
69. — Venise], SI octobre lôiO. — « Monsieur, pour n'avoir point
receu lettres de vous depuys que vous ay escript, et aussi à vous dire
la vérité pour la presse et occupation que je euz faisant la dernyère
dépesche de Thurin, n'eu/, bonnement loysyr de vous escripre. Si est-ce
toutefois que si j'eusse eu chose digne de vous faire sçavoir, n'eusse
demouré pour rien du monde à vous le faire entendre. Et à présent
mandant le porteur de cestes, mon maistre d'hostel, jusques au pays
pour mes affaires, ne l'ay vouUu laisser passer sans vous présenter
mes bonnes et affectueuses recommandations, et faire offre que n'es-
pargne/ aulcunement tout ce que congnoistrez estre commode en ma
maison, tant pour M. de Langey que pour vous; car luy en donnant
charge, il a commission de moy de l'accomplyr, et pareillement de
vous dire de ma part quelques propo/. touchant le gentilhomme messer
Anthonio Ter/o, duquel depuys la bonne espérance qu'il vous plut
m'en donner, laquelle luy feiz entendre, m'a sollicité grandement de
luy en tlonner la totalle résolucion. Et de faict, ainsi que j'ay entendu
daultres que de luy, il a délaissé depuys de beaulx parti/, ausquel/,
n'a voullu entendre jusques ad ce qu'il ayt eu responce de monsei-
gneur de Langey et de vous, laquelle je vous prye me faire sçavoir le
plus tost qu'il vous sera possible. Et m'esbahis bien que nous sommes
si longuement sans avoir aulcunes nouvelles de vous; dont je suys
entré en double que n'ayez quelque indisposition, que Dieu ne veuille.
De rechef je vous recommande ceste alfaire; car ce me sera entre les
aultres obligations que j'ay à M. de Langey et à vous l'une des plus
grandes ainsi que vous dira ledict porteur. Quant aux nouvelles de
!. En italien.
2. " A Monsieur le iloi^tcur Uabellais. •
[octobre 1o40j GUILLAUME PELLICIER 127
deçà, il n'y aaultre sinon que maislre Martin ' et moy, avecques quatre
aultres collateurs, sommes tousles jours aprezàrescrutier livres gréez,
et mesmement les œuvres de Gallien, les meilleurs comme vous feray
entendre, mais que les ayons parachevez, suyvant ce que M. de Thulles
m'a dernièrement escript par commandement de S. M. Et pour ce
faire, a ordonné qu'il sera baillé quelque provision; je ne sçay quelle
elle sera, mais si est-il que avec la despense qu'il fault faire pour faire
transcripre livres, se montera à peu prez aultant que ma despense
ordinaire, si ne suys-je encores pour ({uicter le jeu, quelque avance-
ment que je y face, tant que je treuveray moyen par moy et mes amys,
que je n'aye avancé plus en l'œuvre.
Je attend/- en grant dévotion des racines de la nardus cellica et de
Yanthora avecques leurs terres dedans (juelques petites boystes, pour
s'il est possible les faire alumnes et citoyennes en nostre jardin de
ceste ville; et avecques ce des aultres telles pour la médecine, comme
m'avez mandé vouUoir faire -... »
Vol. 2, f» 68, copie du xvi" siècle; 1 p. in-r\
l'Ei.uciEn \y noi :;.
70. — ' Venise , .26 octobre Io40. — Pcllicier a reçu les lettres du roi
du 20 septembre « en attendant lettres du Levant. Lesquelles doibvent
venyr bien tost, ainsi que j'estime, pour ce que le seigneur Rincon,
par ses dernières du xvic septembre, m'escript n'avoir eu loysir faire
responce à vostre pacquet du xxviie de juillet, pour la presse du mes-
sager dépesché à cez Seigneurs par leur ambassadeur Badouare; mais
1. Ce maître Martin, (ju'on retrouvera [ilus loin, dans une lettre adressée à Du
(^hàlel, le 2 (lécen>l)re de la même année, semble jiuuvoir être identifié avec le
célèbre Martin AkaUia, ou Sans-Malice, médecin, éditeur de Galien, et lecteur royal
au Collèj;e <le France. Il publia le De curandi ratione à Paris, en 1538, et à Venise.
en 1547; et YArs medicandi à Paris en 15i3, et à Lyon en 1548. Né à (Ihàlons-sur-
Marne, dans les dernières années du xV siècle, il mourut à Paris en looi.
A la même époque vivait un certain Jean Martin, parisien, qui fut secrétaire de
Maximilien Sforza, relire en France après la cession de son duché de Milan à
Franrois I". A la mort de son maître (1530), il entra au service du cardinal de
Lenoncourt, près duquel il demeura jusqu'à la mort de celui-ci (lljS^). Lui-même
mourut entre 1550 et 1553. On lui doit de nombreux ouvrages d'érudition, et des
traductions de l'.\rioste, de Sannazar, de Hembo, etc. C'est ce J. Martin qui tra-
duisit notamment, à la prière de Serlio, Le premier et le second livre d'Architecture,
j»ubliés il Paris en 1545, in-f".
2. Nard celtique, ainsi nommé parce qu'on le recueillait autrefois dans les mon-
tagnes de la Gaule celtique: on en trouve encore aujourd'hui dans les Alpes ita-
liennes. Celte plante aromatique, célèbre déjà du temps de Dioscoride, a de gramles
analogies avec la valériane. — Anthora, variété d'aconit.
Ce dernier alinéa a été totalement omis dans le texte publié par .M. Jannct.
Alumnes, « élèves », du latin alumna.
3. - yiola. que la présente dépeschc fut envoyée le xxix'= dudict moys, et fut
escript à M. de Langey ledict xxix<=. »
128 AMBASSADE DE [oCTOnUE 1540J
»jue bien tosl il fiToyt enlendre ainpleinenl di; ses nouvelles, el espère
qui' par la proiiiièr»' dépesclio qui viendra du couslé de delà, l'on sera
atlvcrly do la tolallc conclusion el résolucion de la i)aix denlre ces-
dicl/. Seigneurs fl le (iranl Si'igneur. Car ledict messaj^cr venu à ce/.
Sei^'iu'urs m'a dicl iju'il rencontra le vx*" dudict moys de septembre
.laneziu à troys journées de Conslaiitiiiople, lequel portoyl la responce
(jue cez Sei^neu^s avoyenl faicte sur les nouveaulx articles que le
Granl Seigneur et ses bascliat/. avoyent mys en avant, ainsi que ay
escript à V. M. Kl, comme m'escript ledict seigneur Rincon, on atten-
doyt par delà ledict Janezin à grant dévotion, ne me faisant entendre
a\illre, sinon (jue ung des ])lns gr<i7, et principaulx seigneurs des (îéor-
gians ', (jui est une nation grcccpie cijnliiiant d'une bande avi'cques la
Persia, a mandé à la Porte du (îrant Seigneur, ung ambassadeur du
Soi>lii, homme d'assez belle présence *, lequel ledict Sophi avoyt envoyé
devers luy pour le faire voulter ' de son cousté, comme puis naguères
avoyt faict plusieurs aultres subject/- dudict Grant Seigneur. Et se pré-
sumoyt qu'il auroyt la genne * pour sçavoir plus oullre de sa charge
et commission; et estimoyt l'on encores qu'il seroyt payé de la mesme
monnoye que l'aultre qui fut desfaict avecques le cappitaine Petro
Siculi, duquel ay escript à V. M. que avoyt commission du vice-roy de
Naples d'aller suborner Napoli de Romanye et aultres pays et terres
de cez Seigneurs. Et me enquérant par le menu des nouvelles de delà
audicl messager mandé par ledict ambassadeur de cez Seigneurs, m'a
dict que Barberosse avoyt preste à icelluy ambassadeur deux mil du-
catz pour payer quelques choses qu'iLdisoyt le Grant Seigneur luy
demander, lesquelles ne m'a sceu aultrement donner à entendre, mais
bien disoyt que le tout se pourroyt accorder avecques argent. Et m'a
dict aussi (juil avoyt trouvé auprès de Philippopuli ' les ambassadeurs
de Hongrye, qui alloyent vers le Grant Seigneur avecques force groz
présens; et qu'il avoyt aussi rencontré prez de .\ndrinopoli cinq cens
chameaulx qui alloyent en Constantinople pour lever le bagaige du
Granl Seigneur, lequel de ceste heure debvoyt estre par chemyn pour
venyr faire son yver audict Andrinopoli, et que l'on faisoyt besoigner
en fort grant presse à l'arcenal de Constantinople. Qui est tout ce que
puys dire pour le présent à V. M. du cousté du Levant.
« Sire, quant aux nouvelles de Hongrye, M. Tarcevesque de Transil-
vania, qui est icy, m'a dict avoir entendu comme le roy Ferdinando
estoyt encores le xi" de ce moys à Neuslat, et son armée à cinq milles
4. Depuis 1.")20, la Géorgie orionlalc était dovonuc vassale «les souverains <lo la
Perse, et la Géorgie occiilenlale. des empereurs ottomans.
■2. Prestance.
:(. Voiler, tourner.
i. Géhenne, torture.
■j. Pliilippopoli fie Uoumélie, sur la rive tlmite rie la Marilza. à 160 kilom. d'An-
drinople.
foCTORUE lairO] GUILLAUME l'KLLltlHR 129
de Vienne, qui est de environ le nombre de quinze mille hommes; et
que la reyne de Hongrve estoyt toujours en Budde, où estoyent entrez
l*elro Vie, conte de Themesfar, proche parent du deiï'unct roy ', avec-
ques cinq mille Ratziens -, Thurec Valente ^ avecques deux mil, et
frère George, trésorier, avecques mil; lesquelz Thurec et frère George
avovent faict venvr des environs de la Transilvania et aultres lieux
voysins seize mil Turcqs qu'ils avoyentconduictz àhuict mil de Budde,
et n'atlendoyent sinon l'occasion de venyr aux mains. Ledict seigneur
arcevesque attend de jour en jour ung sien serviteur qu'il avoyt envoyé
en Hongrye, par lequel l'on pourra plus amplement et au vray estre
informé de ce qu'il se faict de ce cousté là : de quoy ne fauldray
advertyr incontinent V. M. si la matière le requiert.
« Sire, par lettres que cez Seigneurs ont receues de leur ambassadeur
prez du roy des Rommains, ont entendu que ledict roy estoyt jà
pourveu de dix mille aventuriers et de quatre mil chevaulx pour aller
au recouvrement du royaulme de Hongrye. Dont, voyant que son con-
seil estoyt fort destourné et allienné de ceste entreprise, a voullu
entendre leurs oppinions et les raisons pourquoy; lesquelz luy ont
respondu et remonstré troys choses : la première, que S. M. se advise
qu'elle donne commencement à une grant et longue guerre, laquelle
pour beaulcoup de respectz seroyt contrainct mainctenyr avecques
merveilleux frai/, et qu'il failloyt pencer la mode de ce povoir faire.
Âllégoyent en oultre que la Hongrye se retrouvant divisée en troys
partyes,- en quels affaires pourroyt venyr S. M. s'il se retrouvoyt au
meilleu de ses discordz; car les deux se pourroyent unyr ensemble,
sçavoir est celle qui veult le jeune enfant roy, et laultre qui demande
le Turcq, et que toutesfoiz et quantes que le Turcq vouldroyt venyr, ce
ne auroyt à estre sinon avecques grosse puissance. Dont falloyt bien
pencer comment tout iroyt, voullant conclure icelluy conseil que
S. M. feroyt as.sez de conserver ce qu'il tenoyt et print garde de ne le
mettre à l'aventure, pour voulloir conquérir ce qui est es mains
d'aultruy. Mais, ainsi que escript ledict ambassadeur, S. M. n'est pour
entendre à ce que dessus, et ne laissera de poursuyvre ladicte entre-
prise, se fondant et confyanl sur les forces du Sophi, pour avoir supé-
dité jusques à présent la plus grant partye de la Persia, et encores
donné assez d'affaires à la Babilonia ^; et oultre, pour ce qu'il s'at-
tendoyt dedans peu de jours nouvelles que quelques ungs des plus
grans, voire à l'aventure quelque bassa, se auroyenl à rebeller contre
1. Le magnat Petrovirs, comte do Téme^^var. ,
2. Les Rasci ou Raïtzi, ancienne population de la Bosnie {Rascia) dont il ne reste
plus que quelques vestiges dans les environs de Novi-Bazar. Ces montagnards
étaient employés comme troupes irrégulières.
3. Vaienlin Tôrôk.
4. La Babylonie.
Venise. — 1540-1542. 9
130 AMBASSAUi: DK ^OCTOBRE lo40j
le Grant Seigneur. Et espéroyl heaulcoup S. M. de la bonne amytié
qu'il avoytavcciiucs Icdicl Sdplii.
« Sire, ce jourd'luiy en rai>aiil la préseule dépesche, M. l'ambas-
sadeur de l'empereur, qui est icy, m'a envoyé adverlyr (ju'il avoyt eu
lettres d'Kspai^ne du seigneur Cours ', comme domp Bernardino, frère
dudict seigneur ambassadeur ', avecques douze gallères, estoyt allé
trouver les fustes des Mores qui avoyent sacaigé Giballar ^ ; lesquel/.
s'esloyent relire/, en une petite isle prez de la Barbarye qu'il ne m'a
sceu nommer, où pour se reffraiscliyr avoyent mis les poupes en terre,
et estoyent en nombre quatre gallères, huict galleotles, et quatre
fustes. Et voullant ledict domp Bernardin, aprez avoir esté descouvert
par iceulx Mores, les attirer en la baulte mer, feist semblant de prendre
la fuyle. Quoy voyant lesdictz Mores le poursuivirent jusques environ
vingt cini[ mil, où soubdain ledict domp Bernardino leur tourna le
visaige et se attacha avecques eux. Et combatirent fort et ferme
ensemble, de sorte qu'il y eust bien environ troys cens Espaignolz
tuez. ïoulesfoyz euflin lesdictes fustes eurent le pyre et furent prinses
ou mises à fous de ladicte armée moresque. Les quatre gallères, sept
galleoltes et laultre avecques les quatre fustes beaulcoup endoni-
maigées eschappèrent. De quoy ledict ambassadeur n'a failly en
donner des nouvelles Irionphalles à cez Seigneurs, adjoustant là-
dessus à iceulx que André Dorya, avecques cinquante gallères el
trente naves qu'il avoyt assemblées en Sicille, et douze qu'il avoyt
prinses à Naples, et auitres d'ailleurs, jusques en tout faisant le nombre
de cent voilles, estoyl allé au royaulme de Alegier, et avoyt desjà si
bien exploiclé qu'il avoyt prins Monaslerio \ ville de Barberosse, des-
libéré de poursuyvrc bien plus avant sa victoire; choses que, ainsi que
l'on n'a pas pour trop certaines icy, l'on ne croyt point totallement.
J'ay aussi entendu tout à cesle heure comme cez Seigneurs avoyent
eu lettres de leur ambassadeur prez du roy des Romains, les adver-
tissant comme ceulx qui tiennent son party en Hongrye luy faisoyent
entendre qu'ilz ne se déclareroyent ne mouveroyent aultrement jus-
ques ad ce que luy avecques son armée fust au devant de Bude :
chose que luy a grandement agréé, donné espoir et accreu le couraigo,
ensemble se confyant de ce que le Grant Seigneur pourra estre bien
embesoigné àl'aflaire du Sophi, et pareillement qu'il se pourra amuser
et différer de mettre ordre à la deffence dudict royaulme, soubz l'ombre
I. Martin Corlez de Monroy, marquis de Guaxara. lils de Fernan Cortez, le
fameux conquérant du Mexique. Il avait épousé sa cousine germaine, Anna, tillo
de l'edro, comte dAt-'uilar, el d'Anna d'Arcllano, héritière du comté d'Aguilar.
■2. Bernardino Hurlado de Mendoza, frère puiné de l'ambassadeur à Venise, capi-
taine général des galères de Sicile, tué à la bataille de Sainl-Quenlin en 1557.
3. Gibraltar.
». Miiiifisiir, port de Tunisie, à 10 kilom. de Sousse.
ÎOCTOnUE do40] GUILLAUME PELLICIER 131
et colleur des ambassadeurs h luy envoyez par les Hongres; et cepen-
dant icelluy roy fera toute diligence de mettre à exécution son entre-
prinse. »
Vol. "2, f"' 68 v», copie du w [f^ siècle; 2 pp. 1/2 in f'^.
PELLICIER AU CONNETABLE.
71. — [Venise], .26 octobre i 540. — « Monseigneur, vous avez bien
peu congnoistre par cy davant comme aulcunes foiz les occurrences
et nouvelles viennent en ceste ville par undées; car quelquefoiz il
adviendra que Ton demeurera quinze et seize jours sans avoir chose
digne de faire sçavoir au roy ne à vous, et puis aprez, tout en ung
coup, il en viendront tant de toutes pars que l'on est presque conlrainct
en laisser de telles qui pourroyent bien servyr à ung bcsoing quant
I'du en est si mal pourveu pour mander celles qui sont de plus grant
importance. Comme à présent depuys les miennes dernières que ay
escriptes à S. M. et à vous du viii'= de ce moys n'estoyt rien sur-
venu, sinon depuys deux jours, et encores hier fuz adverty de tout ce
que j'escriptz au roy et à vous. Sauf que ce jourd'huy les Espagnolz
ont apporté nouvelles comme les fustes de Mores qui avoyent saccaigé
Gibraltar, ainsi qu'il vous a pieu m'escripre par la vostre du v° de ce
moys, ont esté prins, ainsi que verrez simplement par ce que je en
escriptz au roy. Dont ne vous en feray aulcune répéticion, mais bien
vous diray que, voullant accomplyr le commandement qu'il vous plaist
me faire ordinairement de advertyr le roy et vous de tout ce que
puys apprendre de tous cousiez, n'ay voullu obmettre à vous escripre
ung article d'une lettre que l'ambassadeur de cez Seigneurs prez de
l'empereur leur a escript en semblables parolles : « Messeigneurs,
« quant aux choses de Testât de Millan , de quoy Vos Seigneuries
« m'ont escript, je vous prye ne prester foy à aulcunes personnes,
« car ce sont toutes bayes \ ainsi que tousjours vous ay escript;
« ains plus tost l'empereur consentiroyt de bailler l'Espaigne au
« roy de France que Testât de Millan. Vray est que les praticques et
« demandes avecques grandes offres, haultz priz et partys ne faillent;
« mais certainement ledict empereur demeure ferme et non muable,
« et escoutte bien ung chascun gracieusement, mais puys aprez S.
« M. faict ce qu'il luy semble estre le meilleur, et ne veult tant de
« divers conseillers à résouldre ses affaires. »
« Monseigneur, par aultres lettres que l'ambassadeur de cez Sei-
gneurs leur escript, leur faict entendre icelluy empereur luy avoir
dicl par fourme de complaincte que le roy luy avoyt faict faire en
Allemagne tous les plus maulvais offices dont il s'estoyt peu adviser,
1. Sottes, niaises.
J32 AMIiASSADE DE foCTOBRE 1 540]
ot foroyl encore de présenl s'il liiy esfoyl possible; mais qu'il y
donncroyl telle |>rovisi()n que a ladvcnvr les desaings de S. M.
ue sorlirovent à eircel. Doiil il se déuionstrovl tant l'àclK' cl, comme
il dicl, instinu'if/fito ' (ju'il n'csloyl jiossihle de plus, demandant au-
diet ambassadeur en (|uel/. larmes se relrouvoyl la paix de cez Sei-
gneurs avecques le Tiircq. A (iu<iy ftisl responce que dcpuys qu'il
hiy avoyl présenté lettres de sa Seigneurie, n'en avoyt rien entendu.
Sur qnoy icelluy empereur luy dist froidenu'ut : << J'ay congneu et
« congnoys la Seigneurie avoir trop creu aux parolles et persuasions
« franroises, et nommément pour donner cez deux terres; altentlu
<i mesmemenl que ce sont lieux de telle importance qui se debvroyenl
« tenyr et deiTendre avecques le propre sang. Car, moyennant icellcs,
(( d'heure en heure le Turcqse pourra faire seigneur de toute la Candye
« et plusieurs aultres pays, et venyr jusques en llallye, sans aultre
(' contraste, eu façon que ta Seigneurie en pourroyt porter grant
.' dommaige et pcyne, ensemble les autres seigneurs de la chrestienté. »
<( Escript aussi icelluy ambassadeur que dedans peu de jours l'empe-
reur mettra tel ordre en Allemaigne qu'elle luy portera obéyssance,
non seulement en sa présence, ains en son absence. Et davanlaige
escript aussi icelluy ambassadeur que icelluy empereur debvoyt man-
der le seigneur de Granvelle ^ à la diette de Wormes; et depuys avoyt
dict en voulloir faire faire une aultre en Ratisbonne, où se retrouve-
royt pour donner commencement à moult de choses. Et entre aultres
choses là verroyt-il si l^sçavoir du duc de Clèves seroyt pour Tempes-
cher, disant ledict seigneur empereur que icelluy duc de Clèves le
povoyt bien prolonger, mais fuyr non : menassant que la monstre n'en
seroyt moingdre que celle de Gand, sçavoir est la pugnicion et ensemble
tous ses secquaces, Dict aussi qu'il a laissé le gouvernement de
Flandres, comme d'avant., à la royne Marie ^; disant aussi en aprez
icelluy empereur que si les affaires de la Ilongryc ne le détenoyent
par grant nécessité, il prendroyt son adresse pour venyr en cestc
Ilallie pour la festc des Roys, où il demeurera pour donner fin à plu-
sieurs choses qui sont nécessaires. Et sur ce propoz icelluy ambassa-
deur escript que le roy, ayant entendu ce que dessus, dist : « Si Tem-
« pereur ira en llallye, et moy à Lyon pour Thurin. »
« Monseigneur, j'ay puis naguères receu lettres de M. Tévesque de
1. Estomaqué.
■2. Nicolas Perronot de Granvelle. liianrelier de l'empire, né à Ornans en liSti,
mort à Aiigsbonrg le l.-i août I.'IDO. il avait eu de son mariafre avec Nicole, sœur de
François Bonvalol, ambassadeur de Charles-Ouint en France, onze enfants, dont le
plus célèbre fut Antoine, cardinal de Granvelle.
Le chancelier présida en efTi'l, en i5i0. les dictes de Worms et rie Ratisbonne.
3. Marie d'Autriche, fille de l'archiduc Phili|>pe le Beau, et sœur de Charles-Quint,
née en I;j03, morte en 1558. L'empereur lui avait confié, depuis l.";3I, le gouverne-
ment des Pays-Bas, dont elle s'acquittait avec une fermeté rare.
[octobre ioiO] GUILLAUME PELLICIER 133
Loddes ', qui est allé à Romme, pour aulcuns siens affaires qu'il a
avecques dame Constance -, me faisant entendre que le pape luy voul-
loyt parler, désirant comme il estoyt adverty sçavoir si cez Seigneurs
Véniciens se accordcroyent avecques le roy, et si leur accord ou paix
avecques le ïurcq alloyt avant, pour aultant qu'il avoyt eu ung adviz
de Constautinople que ledict accord s'en alloyt troublant. Et que Sa
Saincleté certainement en son secret se relrouvoyt non seuUement en
quelque mal contentement de l'empereur, mais encores en craignoyt
beaulcoup, me disant avoir entendu de bon lieu que Sadicte Saincteté
désireroyt fort parachever le maryage en France. Il m'escript aussi que
incontinent qu'il aura entendu plus amplement de tout ce que dessus,
qu'il ne fauldra de me le faire entendre. Et sur ce propoz de ladicte
paix et accord de cez Seigneurs avecques le Grant Seigneur, il y a
quelques ungs icy qui se doutent qu'il ne vienne avant. Ce néant-
moings je ne sçày entendre, ne veoys pourquoy, ne sur quoy ils se
puissent fonder, car les affaires survenuz audict Grant Seigneur, tant
du cousté de Levant que de la Hongrye, le doibveront plus esmou-
voir et haster à le parfaire que auparavant.
« Monseigneur, je croy que aurez bien entendu par M. de Rliodez la
jallosye et supeçon en quoy sont entrez les villes de Plaisence et
Crémonne, se tenant sur leurs gardes les ungs des aullres, et pour cest
effect estoyent entrez deux cens souldars espaignolz audict Crémonne ;
mais je n'ay sceu sçavoir les raisons qui sont cause de ce. Pareillement
le duc de Florence fortiffye sa ville et a faict porter dedans toutes les
victuailles de delà les Alpes, et aulcuns ont voullu dire icy qu'il avoyt
faict pendre troys courriers du pape; toutesfoiz la nouvelle n'en est
encores bien certaine. Vous aurez aussi peu entendre la mort de quel-
ques cardinaulx espaignolz; dont ne m'estanderay à vous en faire plus
long propoz ^. »
Vol. 2, f-^ 69 v°, copie du xvi'= siècle; 2 pp. in-f°.
PELLICIER AU MÊME.
72. — [Venise], 26 octobre i 540. — « Monseigneur, ne voullant rien
obmettre à vous faire entendre de ce que congnoys appartenir au faict
de ma charge, me confyant que Vostre Excellence prendra, selon son
accouslumée bonté, tousjours le tout en bonne part, m'a semblé vous
debvoir averlyr séparément de ma lettre comme cez Seigneurs ont eu
1. Lodovico Simonetta.
2. CûsLinza Farnese.
3. Celaient Enrique de Borgia, évêque de Sqiiillace, cardinal (15.39), morl le
10 septembre 1540, et Pedro Manrique de Aguilar, évèque de Cordoue. cardinal
(1538), mort le 1 octobre 1540.
13+ AMBASSADE DE [OCTOIUIE 1540j
nouvelles, — mais ne m'a esté possible avoir peu entendre par qui, —
que le roy, si Dieu pur sa grâce n'y pourveoyl bien losl, estoyt en dispo-
sition de tomber en quelque grosse malladye incurable; et veuUent
dire de ydropisye. Dont, Monseigneur, vous ay bien voulu donner
advi/, affin que par les moyens (jue sraurez trop mieulx advisor l'on
face congnoislre le contraire il cez Seigneurs; car, à vous dire la vérité,
il semble que cela les pourroyt faire dianeurer plus retenuz beaulcoup
«lu'ilz ne feroyent envers nous. El me semble, soubz correction de voslre
meilleur adviz. que ce ne seroyt que bien à propoz de faire telles démon-
strations du contraire à leur ambassadeur qui est prez de S. M. qu'il
eust bonne matière de les cerliffyer de la bonne santé et prospérité en
quoy. Dieu mercy, il se retreuve de présent et en laquelle je le supplye
le voulloir mainctenyr. Et encores à son retour par deçà, qui sera
de brief comme je puys comprendre, car celluy qui doibt aller en sa
place m'a dict se debvoir partyr la sepmaine qui vient, ne seroyt que
bon luy en tenyr quelques propoz, pour les oster du tout de telle cré-
dulité, me remettant toutesfoiz du tout à vostre singuUier et bon
jugement.
« Monseigneur, j'ay parlé au seigneur Francesco Bellrame, qui est
celluy serviteur du roy duquel vous avoys escript pour sçavoir la
séquelle des conseilz ainsi que m'avez mandé touchant le cardinal de
Ravenne avecques ses secquaces, qui m'a promys y tenir l'œil et m'en
advertyr au jour la journée. Il est vray que il est résidant icy, et sans
se transporter sur les lieux ne pourroyt bonnement trouver bien le
secrets de telz affaires. Par quoy luy est nécessaire y employer temps
et argent, chose qu'il ne reffusera, pour la dévotion qu'il porte à S. M.
Ce néantmoings, Monseigneur, il vous plaira d'estre adverly que M. de
Rhoddez estant icy, pour avoir faict entendre au roy les bons services
dudict seigneur Beltrame, luy avoyt faict donner provision de quelque
pension et charge; de quoy en avoyt eu les lettres, toutcsfoyz il n'en a
jamais joy. Dont s'est trouvé quelque temps plus retiré de nous que
n'estoyt sa coustume; mais, le trouvant grandement nécessaire pour
le service de S. M., par bons entretiens Tay remys en son premier
estât, luy donnant quelque espoir que 'Vostre Excellence ne l'oblyera
point envers S. M. Monseigneur, le cardinal de Ferrare vous pourra
mieux advertyr de ses bonnes quallitez et services qu'il faict et est
pour faire journellement à S. M. »
Vol. 2, f" 70 v°, copie du xvi'' siècle; 1 p. in-f°.
! OCTOBRE lo40] GUILLAUME PELLICIER 135
l'ELLICIER A DU PEVn AT *.
73. — [Venise], 26 octobre io40. — PcUicier le remercie de « la
bonne souvenance » qu'il lui plaît avoir de lui, par les trois lettres qu'il
en a reçues, « dont la dernière est du xxviiio du passé ». Les nombreuses
occupations de sa charge l'ont empêché jusqu'ici d'y faire réponse.
On s'attend à Venise à la conclusion prochaine de la paix avec le
Grand Seigneur; « car jà, pour la grant confyance que l'on en a en
caste ville, se sont parlycs deux naves pour reprendre la traflique du
Levant, dont l'une est allée en Allexandrye d'Egypte et laultre à
Constantinoplc : chose à mon adviz qu'ilz n'eussent mys au hazard,
s'ilz n'eussent très bien congneu avoir quelque bonne issue de ladicte
paix ». Rincon s'y emploie également de tout son pouvoir, et Pellicier
avertira Du Peyrat, dès que la nouvelle certaine en sera parvenue.
Il termine en informant Du Peyrat des affaires de Hongrie, dans les
termes de la lettre à Rincon, du 12 courant.
Vol. 2, ^> 7!, copie du xvi"^" siècle; 3/i- p. in f°.
PELLICIER A RINCON -.
74. — [Venise], 3 J octobre 1540. — Pellicier a reçu, outre sa lettre
du IG septembre, des nouvelles de la cour et un paquet du roi à
l'adresse de Rincon, qu'il lui envoie présentement.
Le roi est d'avis « de ne laisser entièrement obtenyr le béneffice de
la paix à ces Seigneurs sans en recepvoir quelque commodité » et
pense que dès maintenant l'on en peut toucher à Rincon quelque
parole. Quant à Pellicier, on a remis à la prochaine dépêche à lui en
écrire plus au long, « pour l'ennuy et facherye oîi se retrouvoyt S, M.
pour la malladye de Mgr le daulphin, lequel a esté griefvement mallade
d'un flux de ventre, etc. — Comme aux lettres receues du roy du xv°
octobre '.
1. •< .\ monsieur Du Perat, dudicl XXVI" jour d'octobre. »
Jean Ou Peyrat. conseiller du roi, lieutenant général de la sénécliaussée de Lyon,
mort le 15 Janvier \Y>V.). C'est à lui que le médecin lyonnais Pierre Tolcf dédia.
en lo42. sa traduction française de la Relation de l'expédition de Charles-Quint
contre Alirer, rédigée en latin par Yillegagnon (V. la publication de H.-J). de firam-
inont, citée plus haut). Du Peyrat était en relations suivies avec les princii>aux
humanistes de son temps; Etienne Dolet, Nicolas Bourbon l'Ancien lui ont adressé
lies poésies latines.
2. .< Sota. qu'il fut esciipt ccdict jour à M. de Raguse, auquel fut portée ceste
dépesche asec un pacquet du roy par La Bove, expressément ]»<)ur le faire tenyr
audict seigneur Rincon. »
La Bove, courrier.
3. Ces lettres manquent, comme on l'a pu voir précéilemmcnl.
Les Ib et 16 octobre, le roi et Montmorency écrivaient également, de Saint-Prix
136 AMBASSADE DE [OCTOIIUE lîiiO]
» Monseigneur, aukuns de cez Seigneurs se doublent fort que le
Granl Seigneur ne lace diriicullé de s'accorder, et ne sçay dont ilz ont
tel suspeçon; mais si est-il (jue le pape a esté adverty de Conslanti-
noplt' (jue lodicl accord s'en alloyl Irouhlanl, chose que l'on Irouveroyt
bien l'slraiige, ayant W. (Irant Seigneur tel/, allaircs à luy survenuz
nouvrllenienl, tant du couslê de la Persia «lue de Hongrye, et estant
advenue la delFaicte de ceste armée de Barberye par le seigneur domp
Bernardin de Mendoça, et s'il est vray ce que l'on a de divers lieux icy,
que André Doria, avecques une très grande armée, ayt prins Monas-
terio en At'rica, et poursuyve tousjours plus avant, comme vous enten-
drez cy aprez — l'on Irouveroyt, dis-je derechef, bien estrange que
le Grand Seigneur feisl relfus et délay pour peu de chose de parachever
ladicle paix et accord, vous asseurant qu'il y auroyl grand danger que
avecques les menées des Impériaulx et ministres de l'empereur qui
sont en Itallye, cez Seigneurs ne se retirassent pour toutes cez choses.
Et à ce/, lins l'on entend icy que l'empereur est pour mander gens tout
exprez, les meilleurs ouvriers et le plus secrettement qu'il pourra, pour
essayer de remettre sus ses alliances avecques cez Seigneurs. Par quoy
est bien besoing que vostre prudence veille en ce, et s'y porte si
dexlrement que, s'il est possible, ilz ne recullenl point de ce qui a esté
accordé entre eulx, et s'il est possible que avecques ce le roy y ail telle
commodité que vous ay escript. Et pour induyre miculx ces seigneurs
bassalz, leur pourrez mettre en avant les nouvelles de la deffaicte des
lustes de Barberye... »
Pellicier reprend alors le récit qu'il en a fait dans sa lettre au roi, du
26 octobre.
« L'empereur doibt estre icy pour l'Epiphanie, mais non pas sans
premièrement avoir tenu une diette à Ratisbonne, où il est bien des-
libéré de se trouver et par toutes voyes faire qu'il puysse avoir accord
quel qu'il soyt avecques les luthériens.... Le pape le doibt aller trouver
à Boulongne *, lequel, comme cez Seigneurs ont nouvelles, s'en vient
tout chargé d'or de la Flandre qu'il a eu pour son Péroux * à ce
où se tenait alors la four, à Charles de Marillac. ambassadeur de France en Angle-
terre, que le daiiiiliiu avait été atteint, depuis onze jours, « d'un flux de ventre,
avec excoriation et une frrosse fièvre dont il est quasi du tout délivré » (J. Kaulek,
Corresp. de MM. de Ca.itillon et de Marillac, pp. 231 et 232).
L'ami )assadeur anglais Wallop transmettait, dès le H, les mêmes nouvelles à
son maître : « In wriliii^' Ihis my leller, I was advertised tiiat, the same niglit tlie
Frenehe King came to Ihe Dolpliyn, lie was merveylus soor syck et feable, in .so
muche that he sowndyd Ihe sayd nyght thrce lymes; and dyvers be of th' opynion,
yf he es(af)e, liyt sh.ilhf very liardly, Hc halhe had a gret flux de ventre, and
hath avoided grêle abundaunce of blode at his nose, havyng a fevre with ull;
whiche now hath left hym, whercupon Ihey hâve some hope • (State papers of
Henry Vlll, vol. VIII. p. "449j.
1. Bologne.
2. Le Pérou venait d'être exploré et conquis i)ar Almagro el Pizarre, de 1526 à
1533, et sa richesse était aussitôt devenue proverbiale.
[nOVEMBUE 1o40] GUILLAUME PELLICIER liJl
vovaige. Toutes lesquelles choses donnent grandement à penser à cez
Seigneurs et les rendent grandement estonnez et retenuz... »
Pellicier conclut avec les nouvelles de Hongrie et du Milanais dont
il a été question dans sa lettre au connétable, en date du 20.
Vol. -, f" ~1 V, copie du xvi" siècle; 1 p. 1/4 in-f'^.
PELLICIER AU ROL
75. — [Venise], 7 novembre 1340. — " Sire, depuys les dernières
que ay escriptes à V. M. du xxvi"= du passé, ay receu celles qu'il vous
a pieu m'escripro du xv^ dudict, et par icelles entendre la grâce que
Dieu par sa pitié nous a faicte de la convallescence et presque assurance
de guérison de monseigneur le daulphin, chose que n"ay failly incon-
tinant faire entendre à cez Seigneurs et aultres voz bons serviteurs et
affectionnez de deçà, qui en ont eu merveilleusement grant plaisyr et
consolacion, estimant bien quel béneffice est, non seuUement pour le
royaulme de France, mais pour toute la chrestienté, sa longue vye et
prospérité; remcrcyant très humblement V. M. de ce qu'il luy-apleu
m'en adverlyr de bonne heure, car peu de jours aprez en sont venues
très maulvaises nouvelles icy, qui eussent peu mettre beaulcoup de
gens en grant trouble et fâcherye, pour ne sçavoir la vérité, et mesme-
•ment moy davantaige, pour ne sçavoir que respondre, si par vostre
bonté n'eusse eu pour leur satisfaire et les rendre consolez.
« Sire, quant aux occurrances et nouvelles de deçà, je vous diray
comme cez Seigneurs ont receu lettres de leur ambassadeur prez de
V. M., les advertissant d'aulcuns propoz que icelle luy avoyt tenuz, et
de la requeste et supplicacion qu'il vous avoyt faicte à ce qu'il pleust
à V. M. voulloir bien escripre au seigneur Rincon en faveur de cez
Seigneurs, affin qu'il sollicilast plus vivement que jamais en vostre
nom leur paix et accord envers le Grant Seigneur. A quoy V. M. avoyt
faict si très bonne et amyable responce, que cez Seigneurs en ont esté
merveilleusement aises et coûtons; mais encores plus pour avoir
entendu comme passent voz affaires avecques l'empereur, et aussi pour
avoir faict entendre audict ambassadeur, comme il escript, vostre
meilleur advys et jugement touchant les affaires de l'empereur
avecques les Allemans qu'il prétend et faict courir le bruyct qu'il est
pour toutallement faire selon son desaing à ceste prochaine dyette;
et semblablement pour avoir entendu de V. M. l'exploict et issue qui
est pour avoir le roy des Romains en son entreprise de Hongrye.
Desquelles choses cez Seigneurs ont esté plus confirmez et asseurez
bien tost aprez avoir receu lettres de leur ambassadeur prez de l'em-
pereur, du xvii" du passé, disant touchant les affaires dudict Seigneur
avecques les Allemans qu'il se promettoyt assez et voulloyt bien faire
i:\H AMBASSADE DE NOVEMURE in'tO
à croire (ju'il accordoroyt cl foroyl tout ('c (|uil voiildroyl es AlU'mai-
};iu's; mais que, à ce qu'il povoyl cognoislrc, il sen fauldroyt l)eaul-
c'oup : chose ([iii a esté escripte encoros d'aultre pari ii cez Seif^neurs.
Kt paroillement , (juand csl de rentiopriuso du roy dos Roinmains,
<»nl entendu par le nia^Miiriicciue Marin Jiislinian, — qui puis naj^uères
i'stanl do relour de sou ambassade devers iodicl roy, faisant le rapport
de sa cliar}j;e' — , que en somme il n'eslimoyt ne veoyt le moyen qu'il
fust pour rien advancer audicl aflaire, pour ce qu'il n'a point d'obé-
diance, arj^ent ne cappilaines, ou aultres facuUoz pour venyr à chef de
ladicto ontroprinso. Parqu(jy no veoyt qu'il fust en cecy, sinon pour
esmouvoir les honneurs du corps de Hongrye, sans rien vuyder ne
proflilor d'icelluy à soy ne audict royaulme, sauf de inciter le Turcq
aproz (jue luy et lodiet royaulnio se soroyent assez cassez et ruinez à
venyr subjuf;uer entièrement ledict pays et y mettre bassatz pour le
gouverner : chose qui tourneroyt à grant perte et meschef de toute la
chrostienté. et mesmement à ceste Soigneurye, pour la grant vicinité
d'icelluy pays avecques les leurs. Et ad ce que povoyt cognoistre
icelluy ambassadeur, ladicte Seigneurie ne se pourroyt pas beaulcoup
collauder ne valloyr dudict roy, advenant que ledict royaulme lui
demeuras!, pour l'affection qu'il veoyt avoir à icelle, et mesmement
s"il vcnoyt à ses desaings d'avoir le duché de Milan, ce qu'il sou-
haitoyt et pourchassoyt tant qu'il n'est possible de plus.
« Sire, sur le propoz de ladicte entreprinse, les Impériaulx, cong-
noissans que on entendoyt bien icy que ledict roy n'estoyt pour faire
grant chose, ont semé ung bruict que nonobstant «lue les Hongres
désirassent et voulsissent plus tost avoir pour seigneur icelluy roy que
nul aultre qui y prétende droict, ce néanlmoings qu'ilz n'estoyent
pour l'accepter, pour aullant qu'il n'estoyt assez puissant pour résister
aux forces du Grant Seigneur; mais qu'ils cherchoyent de se donner
il l'empereur, pour par luy estre maintenuz et gardez comme celluy
qui est assez puissant pour ce faire. Toutesfoys l'on met icy telle
nouvelles au nombre des aultres à l'acoustumée par eux controuvées.
« Sire, j'ay esté adverty par ung bien bon et loyal serviteur de V. M.
comme ces prochains jours passez, aprez que cez Seigneurs eurent tenu
leur grant conseil, au sortir de là, quelque nombre d'entre eulx se
réduyrent ensemble en ung lieu foi-t secret, d'où ilz feirent retirer tous
les secrétaires et aultres qui n'estoyent de leur conseil eslroict, où
furent jusques à troys heures de nuict. Je n'ay peu sçavoir au vray
quelz affaires ilz traictèrent là; mais si est-il que au départyr ilz fai-
-soyent démonstracion d'estre fort joyeulx et allègres. Seullement ay-je
I. OIte relation manque. On ne possède de cet ambassadeur que celle quil pré-
senta en 1">.'53, à son retour de France (V. Tonimasco, t. 1, jt. 41, et Alberi, série i.
t. 1. p. I loi. Marino Giusiiniani eut iioiir successeur Francesco Sanulo.
[novembre i;i40j GUILLAUME PELLICIER 139
entendu par ung homme digne de foy qu'il avoyt oy quant ung des
plus grans d'entre eulx dist à ung des procureurs* de Sainl-Marcq le
plus secrettement qu'il peull, « que les affaires de ceste républicque ne
povoyent mieulx aller qu'ils faisoyent, car ils estoyent adverliz que le
Grant Seigneur leur remetloyt les troys cens mil escuz qu'ils ont
accordé lui bailler, et se contenteroyt des deux places de Romanye et
Malvaisye, pourvu qu'ils se desliassent de la ligue qu'il/, ont avecques
l'empereur et ne lui baillassent aulcune ayde ne secours, ou bien que
ledict Grant Seigneur se contenteroyt des trois cens mil escuz sans les-
dictes deux places, s'ilz voulloyent faire ligue avecques V. M. et vous
donner ayde et secours contre tous, chose que ledict gentilhomme
monstroyt croire que ladicte Seigneurie accepteroyt voullentiers. Je ne
sçay, Sire, dont pourroyent estre venus telz advertissemens; car il y
a longtemps qu'il n'est venu icy nouvelles quelconques de Constanti-
nople, de Raguse ne aultre lieu du cousté du Levant. Et ne puyspencer
que ce soyt d'aultre part que par la voye de Rome, pour aultant que,
comme vous ay escript, l'on entendoyt à Rome que le pape avoyt esté
adverty de Constantinople que les affaires d'entre cez Seigneurs et le
Grant Seigneur s'alloyent prolonguant et engarbouillant-. Et depuys
peu, auparavant ledict conseil, est venue icy aultre nouvelle de Rome
par laquelle j'ay esté adverty particulièrement de M. de Loddes, qui
m'escript de là, qu'il avoyt entendu d'ung ambassadeur qui y est
comme les choses de ceste Seigneurie estoyent conclues, de sorte qu'ilz
ne bailleroyent point au Grant Seigneur Napoli de Romanye et Mal-
vaisye. Je m'efforceray d'entendre mieulx, s'il est possible, de ce qui
en est, pour puys après le faire sçavoir à V. M., combien que je m'at-
tendz bien qu'il ne peult plus guères tarder que l'on n'en ayt les plus
bonnes nouvelles de Constantinople, car pour le long sesjour desjà
chascun demeure icy estonné qu'ilz ayent tant arresté... »
Vol. 2, f'' 72, copie du xvi« siècle; 2 pp. i/2 iii-f».
PELLICIER AU CONNETABLE.
76. — [Venise], 7 novembre 1540. — « Monseigneur, encores que
lorsque receuz les vostres du xvi« du passé, qui fut le dernier d'icelluy,
n'y eust icy aulcun bruyct de la maladye de monseigneur le daulphin,
1. Les procurateurs de Saint-Marc, dignité considérable, la première dans l'État
après celle de doge. Les procwatori di soprà avaient l'administration de l'église de
Saint-Marc et de la place de ce nom; les procwatori di ullrà e citrà géraient les
tutelles ordonnées par les testateurs en deçà et au delà du Grand Canal (Baschet,
Archives de Venise, p. 670). La vénalité des charges modifia souvent le nombre des
titulaires de celle-ci, qui régulièrement était de neuf (V. Amelot de la Houssaye,
Histoire du gouvernement de Venise).
2. Embarbouillant.
1 iO AMHASSADE L»E [nOVEMIIUE 1o40]
ce Déanlnioings puys tiu'il avoyl pieu à Dieu qui- nous eussions eu
aussilost nouvelles de sa convallescenee el presque asseurance de
entière ^uérison (juc de son mal, ne faillys inconlinanl l'aller dénoncer
el faire entendre à ce/. Seigneurs, qui feirent dénionslracion d'en
avoir graiil plaisyr el consollacion ; et suyvant ce qu'il vous a pieu
m'escriijre, de faire tenir le pacquel qui s'adressoyt au seigneur
Rineon le plus seurenient el le plus losl qu'il nie seroyt possible,
ledict jour inesmes (pie le receuz,qui l'ut le dernier du passé, dc'pesché
expressément ung hriganlin avec(jues ung de mes gens dessus pour
cest effect jusques à llaguse. Dont ay receu lettres depuys les dernières
que vous ay escriptes, du x.vvr oLlobre, de M. l'arcevesque et de celluy
que avoys dépesché expressément jusques à Conslantinoplc, pour
porter l'aultre précédent pac<iuet au seigneur Kincon, suyvant ce ([u'il
avoyl jtleu au roy et à vous me commander, ainsi que vous ay escript
cy davanl. Lequel, pour le maulvais temps ([u'il eut à aller juscjues
audict Haguse, nonobstant que ledict briganlin fust très bien équippé
mist liuict joursà y arriver, qui fut le vu' dudict moys passé, d'où se
partist le viir, ainsi que m'escript ledict seigneur arcevesque, et luy
estant bien délibéré de faire si bonne dilligence qu'il mettroyt peyne
de recouvrer par terre une partye du temps qu'il avoyt demeuré sur
mer; et l'avoyt accompaigné ledict seigneur arcevesque d'une bien
bonne guyde et seure.
« Monseigneur, l'ambassadeur de cez Seigneurs prez de l'empereur
escript que icelluy empereur estoyt pour entrer de brief eu Allemaigne,
et que à ceste cause le duc Loys de Bavières ' s'en estoyt party de la
court pour aller donner ordre en quelques lieux de son pays par les-
quelz icelluy empereur debvoyt passer, et que M. de Grantvelle se
debvoyt partir de brief de la court dudict empereur pour aller faire
ung voyaigc à la maison elle revenyr trouver à la dietle de Ratisbonne
où, s'il ne lient (jue aux choses de la foy que l'empereur ne s'accorde
avec(|ues les luthériens, icelluy ambassadeur dict qu'il n'y aura pas
granl différend ne difficulté. Disant aussi que le duc Philippes de
Bavières * luy a faict sçavoir que quant il seroyt bien ainsi que l'empe-
reur et le roy s'accordassent, et que cela deust tourner au dommaige de
ceste républicque, qu'il ne fauldroyt jamais à la secouryr avecques tous
ses aniys et alliez, de sorte qu'ilz ne seroycnt pas trop pressez de leurs
Majeslez. El là dessus allègue icelluy duc de Bavières eslre peu contant
de l'empereur, et occullement le haylt grandement, el que lesdictz
ducz sont mieulx aymez et ont plus granl crédict es AUemaignes que
1. Louis V le Pacifique, duc de Bavière, comte palatin et électeur, né le 2 juil-
let 1 118, niurl sans postùrilé le IG luars 15H.
2. PliilijipL' 11 le Belliqueux, duc do Bavière, comte palatin, chevalier de la Toison
d'or, né le 12 novembre 1503, mort sans alliance le i juillet 1548. C'est lui qui défen-
dit Vienne contre les Turcs el for(;a Suleyman à lever le siège en octobre 1529.
[novembre 1540] GUILLAUME PELLICIER 141
nul aiiltre prince, et qu'il estime pour tout certain que si l'empereur
venoyt à faillyr, que l'ung d'eulx auroyt meilleure part à l'empire que
nul aultre. Et certes, Monseigneur, ad ce que je puys veoyr et con-
gnoistre, cez Seigneurs ont grant amytié et confiance à iceulx ducz.
Je ne veulx aussi oblyer à vous dire que icclliiy ambassadeur escript à
cez Seigneurs que l'empereur debvoyt mander vers le roy le Pellou,
pour débattre et faire apparoir que les querelles et plainctes que M. de
Langey avoyt faict entendre touchant les contreventions et enfrainctes
de la tresve que faisoyent le marquiz du Guast et aultres ses ministres
n'estoyent telles qu'il avoyt faict sçavoir.
« Monseigneiir, journellement viennent à moy plusieurs cappitaines
et ingéniers pour entrer au service du roy, lesquelz, suyvant ce qu'il
pleut au roy et à vous m'en commander longtemps a, ay tousjours
entretins jusques icy de parolles le mieulx que j'ay peu, leur donnant
espoir en somme que, advenant l'occasion, S. M. s'en vauldroyt et les
appoincteroyt de sorte qu'il/, auroyent cause de s'en contenter : ce
que les a jusques à présent mainctins en la bonne dévotion quïlzontà
S. M. ; mais voyans qu'il est temps de se pourveoir et d'estre asse'urez
de ce que en a à estre, m'en sollicitent plus que jamais. Entre lesquelz
y a ung ingénier nommé misser Jhéronimo de Treviso qui, par l'adviz
et conseil de M. de Lavaour, du temps qu'il estoyt icy ambassadeur,
fut en délibération d'aller trouver le roy lorsque l'empereur fut en
Prouvence; mais, ne trovant les passages ouvers, et pour estre desjà
tard pour y povoir servyr, demeura pour ce coup là, persistant tous-
jours depuys en icelle voullenté d'estre au service de S. M. plustost,
pour beaulcoup moings qu'il ne feroyt avecques quelconque aultre
prince. L'ambassadeur de l'empereur, qui est icy, le faict rechaircher
journellement pour l'appointer au service de son maistre; mais jamais
n'y a voullu entendre, sans premièrement avoir sceu l'intencion de
S. M. et de vous. Et pour vous déceler de ses quallitez, vous diray
comme entre aultres choses m'a monstre ung modelle d'ungpont, pour
entrer en une ville par force ou à l'emblée, fort subtil; et entendz
qu'il a encores plusieurs aultres secretz servans à cest affaire. Mais
quant il n'en auroyt point d'aultres que celluy dudict pont, et qu'il le
puysse aussi bien adopérer par effect en sa grandeur comme il dé-
monstre en sondict modelle, chose qu'il promet faire sur sa vye, il me
sembleroyt qu'il vault bien d'estre escoutté parler et examiné son
affaire comme seuUement il désire estre faict d'arrivée. Si vouliez
qu'il se retire vers vous, il vous plaira m'en faire advertyr, affîn de lui
en rendre responce. Pareillement y en a icy ung aultre qui sçayt faire
le bronze avecques cuyvre seul, sans y mettre mixture d'estaing, léton,
ne aultres métaulx, ne chose qui ne soyl commune à recouvrer partout
et à petit priz; lequel, mis en artillerye, sera aussi bon et résistera
mieulx contre le feu, pour tirer plus de foys beaulcoup que celle qui
142 AMiiAssAiii; Di; [novemiiue 1540
est faictc du bron/.e commun. Lcijuol scmblaMomcnt ne désire que de
ufl'ryr son secnl au roy el csirc employé, s'il plaist à S. M. Kl pour ce,
Monsci^'iu'ur, ijue comme mieulx sçave/. cslre le debvoir graliilieràung
cliascun eu leurs requesles civilles, «(ui est de vous adverlyr seulle-
menl du voiilloir (ju'il/. ont d'cslre au service du roy, vous ay bien
voullu mt'Urc avant cuire aullres unf; cappitaine nommé Bello di
Belli, (jui Cul lieuleuaul du feu seigneur couLe (juydo Uengon', pour
aullaut (juil m'a esté témoigné, par le seigneur Cé/ar Krégoze et aullres,
homme lidèle el pour faire de bons el grans services au roy, el comme
tel le peull asseurer pour l'avoir congneu en bons aflaires oii il a faicl
très bien son debvoir. Kl, comme il m'a dict, Voslre Excellence pourra
encores entendre plus amplement de ses bonnes (luallilez par le sei-
gneur Camillo Ursin* el aullres cappilaines ilalliens qui sont à la court.
Semblablement il y a icy uug genlillinmme qui m'a parlé, s'il plaist au
roy et à vous y entendre, de bailler entre les mains de S. M. ung des
plus lors passaiges qui soyl aux environs de Tliurin, lequel est au
povoir dudict personnaige pour en estre le seigneur; mais, comme
Voslre Excellence entend très bien, il ne met avant telz propoz sans en
espérer quelque bonne récompence. Et si m'a dict qu'il a ung sien frère
qui a sa part en ladicte place, qui pareillement pour éviter que la
chose ne fust descouverle et aussi pour puys aprez que l'on en seroyl
en possession la tcnyr à plus grande raison, el seurement, seroyt
besoing luy user de quelque party honneste. El davantaige, ainsi que
j'ay entendu, ledict personnaige est l'ung des plus grans et mieulx
apparentez de son pays; par le moyen duquel l'on pourra avoir beaul-
coup d'intelligence et aullres commodilez. Par quoy si veoyez qu'il
1. Guidu 11, cuiiile i{;m^;une. des Uangoni du Mudéiie, cinquième lils de Niccolo
Ranjîone el de Biaiica Henlivoglio, de Bologne, fameux condollière qui servit suc-
cessivement le roi de France el la réi)ubli(jue de Venise. Sa sœur Coslanza avait
épousé en secondes noces Cesare Fregoso.
Des lettres de naluralité avaient été données à Saint-Quentin, le o octobre 1538,
en faveur du comle Giuj de Ranr/one, en récompense de ses services {Cal. des actes
de François I". t. 111, p. 017, n" 10 :î38 , qui lui avaient valu pensions et seigneuries.
Il mourut au commencement de lo3'.i. Sa terre de Belleville-en-Bcaujo!ais, qu'il
tenait entre autres du roi, fui donnée, le 23 février 1539, au duc Andréa d'Alri
(ihid., p. 728, n" 10 841), de qui elle passa bientôt à Pierre Slrozzi. Enfin, le 26,
des lellres de retenue au service du roi étaient accordées à son fils, Balthasar
Rangone, avec mille livres de pension annuelle à dater de la mort de son père
(ibid., p. 733, n° 10 863). Le même avait obtenu déjà des lettres de naturalilé le
18 sepli'ml)re 153S. (luelciues semaines avant son propre père (ibid.. p. 606, n" 10290).
Le même recueil mciiliiume il. V, Siiiipl.. p. 734, n" 18494) des lettres de nalu-
ralité accordées par la régente, Louise de Savoie, à Mathieu Bello, chevauclicur
d'écurie du dauphin, natif de Sicile, marié à Valence en Dauphiné (Tournon,
septembre 1525). l'eul-ètre serait-ce le même personnage.
3. Camillo Pardo (trsiiii. comle de .Monopollo, marquis de Tripalda, seigneur de
la Menlana, capitaine général de l'Église, né en 1491. mort le 4 avril 1559.
11 reçut en don du roi, le 3 février 1541, la chàtellenie, terre et seigneurie de
Marmande en Agenais (Cal. des actes de François l'\ l. IV. p. 178, n° M 81 9).
iNOVEMBRi: i:iiOj GUILLAUME PELLICIER 145
soyt bon de y entendre, il vous plaira m'en faire adverlyr le plus lost;
et pareillement de tout ce que dessus me faire sçavoir vostre voulloir
et intencion, al'lin que je sçache comme je auray à me gouverner à
Tadvenyr en telz affaires, et que ce/, gens, s'ilz estoyent agréables,
pour trop tarder ne prennent ailleurs party.
(( Monseigneur, le gentilhomme duquel vous ay escript est le
magister Augustin Spinola, genevoys', et le lieu de passage est Sarra-
valle, entre iMillan (;t Gennes -, lequel ensemble ledicl passage M. de
Saint-PoP et aussi M. d'Hanncbault congnoissent et sçavent très bien,
ainsi que j'ay esté adverty '*. »
Vol. 2, f'^ 73 V", copie i\u xm« siècle; 3 pp. in-f".
PEI.LICIER AI' ï\o\'\
77. — [Venise], 12 novembre 1540. — « Sire, depuys vous avoir
escript le vif de ce moys, ce jourd'huy Janezin est arrivé icy de retour
de Constantinople, avecques la conclusion de la paix et accord d'entre
cez Seigneurs et le Grant Seigneur", lesquelz ont esté si ayses d'en
avoir eu la nouvelle qu'il n'est possible de le croyre, et m'en ont
mandé congraluUer et remercyer V. M. très affectueusement par ung
de leurs secrétaires. Ledict Janezin ne m'avoyt apporté aulcunes
lettres du seigneur Rincon, me disant qu'il avoyt dépesché par aultre
voye; mais à ce soir est arrivé ung brigantin avecques son pacquet,
ouquel y en a ung pour V. M. que luy envoyé présentement dépesché
expressément en toute dilligence jusques à Thurin. Et pour ce, Sire,
que j'estime bien que ledict seigneur Rincon ne fault advertyr entière-
1. Agostino Spinola. çrc ni il homme génois.
2. Serravallc. On comptait alors en Italie sept places fortes appelées de ce nom,
synonyme de •< défilé ■>. (^elle dont il s'agit ici est un bourg du Piémont situé sur la
^îJrivia, à " kilomètres de Novi, et (|ui ferme une gorge resserrée entre deux mon-
tagnes et donnant accès dans la plaine.
3. François H de Bourbon, comte de Saint-Pol, né le (3 octobre 1491, mort le
1'^ septembre ViVi: frère du duc de Vendôme, depuis roi de Navarre.
4. « Nota, ce que dessus a esté escript dans un petit billet de papier et mys dans
la précédente lettre duilict seigneur le conneslable. Et le semblable fut aussi faict
à M. d"Annebault dans sa lettre du xu' novemijre. >-
a. « Nota, que la précédente dépesché du vu" de ce moys fut envoyée avecques
ceste-cy par le genlilhonune qui avoyt conduyt M. l'arcevesque de Transylvania icy
depuys Thurin, cjui fut dépesché expressément en dilligence. Et ce jourd'luii xri«
fut escript au sire Laurent Charli. dont n'en fut faict mynute. »
6. Le ms. 8.980 du fonds Bélhune, à la Bibl. nat., contient une copie de la tra-
duction italienne de ce traité. Les documents turcs, à savoir le texte du traité
remontant au mois de juillet l.'jio, et celui de la ratification, qui n'eut lieu qu'en
avril lui!, sont conservés dans les archives de Venise. La Sérénissime République
y perdait Malvoisie et Napoli de Romanie, les forteresses de Nadin et Laurana sur
les côtes de Dalmatie, les îles de l'Archipel conquises précédemment par Khcïr-ed-
Din : Scyros. Pathmos, Paros, Antiparos, Egine, etc., et trois cent mille ducats
«l'indemnité de frais de guerre (V. Hammer, loc. cit., t. V. pp. r.17 et a3C).
444 AMBASSADE DE [novemiiur i:i40^
menl V. .M. ilc Imit ce qu'il m'est ripl. lu' m'cstenderay à vous en
faire aultre répélicion. Sciillcinenl vous (iiray ce que ay entendu davan-
laige de cez Seigneurs oullre ce qu'il me laicl sçavoir. C'est que le
(îrant Seigneur doiM mander icy Janus Bey ambassadeur; et avecques
luy uuf:^ aullr(> jusques à Sél)t'nico, pour diClinir le difTérend qui est
demeuré indéci/. de Nadin et Laurana au conté de Zarra, et de quatre
petit/, cliaslcaulx de peu d'importanre qui sont au terrouerde Sébèniro
en la Dalmalia. Le seigneur ambassadeur liadouare juge que la venue
iey dudict .lauus liey ne boyt pour aultre efrcct que [)uur, de la part
du (^irant Seigneur, faire avecques cez Seigneurs qu'ils veuillent faire
eslroicle amylié et ligue avecques V. M,, allin que quant se mouveroyt
guerre contre Espaigne, il/ voulsissent prester faveur et ayde à icelle,
et quant il/, ne le vouldroycnt passer si avant que du moings ne voul-
sissent donner ayde, ne secours de deniers ne de gens publicquemenl
ne en secret à l'empereur. Et la chose qui le meut à juger ainsi, c'est
que tous les seigneurs bassaz luy dirent après avoir déterminée et
conclue ladicte paix que, ayant V. M. et voz ministres faict tant de
continuel/, et bons offices pour ceste Seigneurie, et étant icelle frère
de leur Seigneur, ils désiroyent grandement que ladicte Seigneurie
fusl conjoincte et tout d'ung vouUoir avecques vous. Et Lotphi Bey,
conduysant ledict seigneur ambassadeur Badouare devant le Grant
Seigneur, avant que Tintroduyre, se tourna à luy, et avecques
semblables et longues paroUes que dessus luy dist en somme que le
(Irant Seigneur estoyt allié avec V. M., et que s'il advenoyt que
Charles d'Espaigne fust pour avoir guerre avecques vous, il estoyt
besoing du moings que cez Seigneurs fussent neutres et ne s'empes-
chassent d'entre vous dculx, mais seullement fussent à veoir; et ce,
luy dist-il, avecques grant efficace. Dont ledict seigneur ambassadeur
luy respondit assez largement, et à l'aventure plus que, comme j'en-
tends, cez Seigneurs ne vouldroycnt qu'il eusl faict alors. Cez Seigneurs
ont eu une lettre sur ce dudict Lotphi Bey, bassa; mais pour ne l'avoir
encores traduyte ne leue, je n'en ay rien peu entendre. Toulesfoiz
chascun d'culx estime qu'elle continue encores beaulcoup plus tou-
chant ceste matière de guerre entre voz deulx Majestez, que ce qu'il
dist en parolles audict ambassadeur.
« Escript aussi que les ambassadeurs de Hongrye esloyent arrivez à
la Porte du Grant Seigneur en bien grant triomphe le ix", et ont faict
présens pour plus de huict mil cscu/. '. Et le xi*" eurent audience, en
laquelle demandèrent deux choses : la première, que le filz du roy
1. Le chancelier Klienne Verbôczy et le conseiller Cerczeky, envoyés d'Isaljellc de
Pologne, reine <!c Hongrie. Admis à l'audience de Siileyman, ils déposèrent au
pied (lu trône, avec de riches présents, le tribut «le la Hongrie, qui s'élevait au
chilTrc de trente mille ducats (V. de Hammcr. loc. cil., f. V, p. 32'*).
[novembre 1540] GUILLAUME PELLICIER 143
Jehan, nommé Estienne ', soyt conlirmé roy en la forme et manière
que estoyt le père; la seconde, que, mourant ledicl lilz sans héritiers,
les barons du pays eussent liberté de pouvoir eslire ung aultre roy.
Quant au premier poinct, a esté concédé, donnant cent mil ducatz pré-
sentement pour satisfaire ce à quoy estoyt tenu le père, et depuys
qu'il eust à payer tous les ans cent mil ducatz pour tribut. Et au second
a esté respondu que le temps conseilleroyt ce que Ton auroyt à faire :
lequel est cncores assez long à venyr. Disent aussi lesdictes lettres
que le Sophi presse assez le (irant Seigneur; mais pour le peu d'ap-
pareil que Ton veoit faire du cousté dudict Grant Seigneur, ne s'en
faict pas grant compte : ains l'on a entendu du médecin du Grant
Seigneur qu'il debvoyt aller à la fin de ce moys à Andrinopoli, et puys
devers la Hongrye, mais Janus Bey dict du contraire. »
Vol. 2, i° 73, copie du xvi« siècle; 1 p. 1;2 in-f".
PELLICIER Al' CONNETABLE.
78. — [Venise'], 12 novembre 1540. — « Monseigneur, pour n'avoir
que cinq jours que vous ay escript ne m'est rien survenu depuys guères
de chose digne de vous faire sçavoir, sinon la nouvelle de la paix
d'entre cez Seigneurs et le Grant Seigneur qu'il m'a semblé debvoir
faire sçavoir en toute dilligcnce au roy, et y avoir lieu de dépescher
un poste jusquesà Thurin, trop mieulx que à l'ambassadeur de l'em-
pereur troys, comme pour ce il a faict en ung jour en divers lieux. Et
pour ce. Monseigneur, que suys bien asseuré que verrez le tout, et
aussi que n'ay voullu retarder le pacquet du seigneur Rincon qui
s'adresse à S. M., ne me suys voullu estandre à vous en faire aulcune
réplicque. Tant seuUement vous diray que Janezin dict avoir trouvé
en Sophia-, environ douze journées de Constantinople, le seigneur
Laski, envoyé par le roy Ferdinando devers le Grant Seigneur, menant
en sa compagnye plus de cinquante chevaulx. Et auparavant, à quatre
journées près de Constantinople, avoyt trouvé ung homme sien à
quatre chevaulx ; et disoyt l'on que il conduisoit quelques grans
présens, pour mieulx pouvoir exploicter sa commission. Ledict Janezin
ma dict aussi que l'ambassadeur du roy de PouUongne debvoyt entrer
en Constantinople, le jour ensuyvant aprez que celluy de Hongrye y
fût arrivé, lequel y estoyt allé pour poursuivre et solliciter l'affaire du
lilz du feu roy Jehan. Et que ledict roy de PouUongne avoyt mandé au
1. On verra plus loin que, bien que ce nom d'Etienne lui eût été imposé par le
pape, l'enfanl rerut en fait ceux de son père cl de son aïeul maternel, et fut appelé
Jean-Sigismond.
2. Sofia, capitale actuelle de la principauté de Bulgarie, située sur la Bo;,'ana, a
570 kilom. de Constantinople.
Venise. — Io40-lo42. 10
,.^,5 AMBASSADE DE [^ovemDUE 1 IHO]
secours d.' Biuld.- Irovs mil hommes, et que l.icn tosl aprez y eu
debvoyt mander dix mil. J'ay veii lellivs par lesquelles l'on entend
que le (Irant Seigneur avoyt mandé ung nommé Signan' devers ceulx
de Transvlvania, av.'cques lettres par lesquelles il leur faisoyt sçavoir
qu'ils estoyenl tous ses esclaves pour avoir gaipné ledicl pays, et que
à ceste cause il voullovl qu'ilz obéyssenl à Stephano Maylal-, jadi/.
vayvoda d'irelluv pavs soub/. le roy Jehan, duquel vous ay escript
seslre rebellé contre ledicl roy Jehan, chose que tout le pays tenoyl
grandement grief et en esloyl merveilleusement estonné. Hz avoyenl
demandé cinq mois pour adviser là dessus et mander leurs ambassa-
deurs devers luv, ce qui leur a esté accordé. Je pence que aurez entendu
le bruvcl qui a esté icy touchant quelque buflon espaignol qui a vouUu
tuer le duc Cosme de Florence; mais, estant secouru de ses serviteurs.
ledict buffon a esté blessé à mort, et luy a Ton trouvé Iroys cens
escuz, qui ayde beaulcoup à soupçonner, oultre la cause de sa nation,
que ledict argent luy eust esté donné pour ce faire. Semblablemenl
l'on a faict icy groz bruyct que les forussiz^ de Péruse estoyenl
rentrez dedans' la ville et l'avoyent révoltée contre le pape; mais l'on
ne trouve point fondement en ceste nouvelle.
« Monseigneur, suyvant ce que dernièrement il vous plut m'escripro
que j'eusse lœil avecques ce bon serviteur du roy de apprendre tout
ce qu'il se feroyt et diroyt du cousté de deçà pour vous en advertyr,
ay entendu de luy que les Impériaulx ne chairchant ou pençant, sinon
aux choses que peuvent revenyr au bien et grandeur de Tempereur.
luy ont faict discours et conseil que son sesjour en Allemaigne leur
sembleroyt beaulcoup plus commode et utille pour le présent que de
s'en veny'r en Itallye. Et ce pour plusieurs raisons, entre lesquelles les
principailes sont^que, s'y arrestant, il tiendra les seigneurs de là
mieulx à sa dévotion et en contraincte; à tout le moings gardera il
qu'ilz n'oseront si tosl rien entreprendre contre luy. Et pourra par
ce moyen mieulx pourveoir à son aise aux choses de Hongrye; main-
tiendra aussi en suspens les choses de France, car en cas que on luy
voulust faire la guerre en Itallye, il s'en pourroyt revancher en France
du cousté de la Picardye ; gardera en oultre que la Flandre ne
s'émeuve ne ose dire mot; et si fera ses affaires plus à son plaisyr en
Itallye que s'il y estoyt présent, pour aultant qu'il les tiendra en telle
suspension et craincte que s'il y estoyt, en monstrant y debvoir venyr
de jour en jour; et si en tirera plus d'argent et de secours que honnes-
tement il ne pourroyt en sa présence; et plusieurs aullres raisons que
1. Sinan-Apa, frère «lu i)ii,itniMiio vizir, Riistem Pacha, gendre de Suleyman. Il se
(Ustingua plus tard comme liomme de guerre dans la campagne de Hongrie (juillet-
anût i;343). —(V. de Hammcr, loc. cit.. l. V. p. :ni.)
■2. Klienne Mailalh.
3. Les bannis de Pérouse (V. la noie 1. p. 8").
[nOVEMURE 1540] GUILLAUMt; PKLLICIER 147
semblablemeiit sont assez apparentes et péremploires. Ce néantmoings
l'on estime que tout ce n'y vauldra rien ne souffira à garder qu'il n'y
soyt à ce moys de febvryer, ainsi que par plusieurs lettres de divers
endroictz l'on est adverty icy. Ledict serviteur du roy est aprez jour-
nellement à entendre quelque chose dp nouveau de semblable impor-
tance; et pour ce faire s'est party ce soir pour aller au lieu que vous
ay escript, pour à ceste nouvelle de la paix veoir s'il pourra entendre
quelque leur desaing. J'estime bien, Monseigneur, que serez recordz
et entendrez que c'est le seigneur Francesco Beltramo, lequel vous
asseure, à ce que puys cognoistre, est homme de grant service en
tous endroictz, et est merveilleusement fort afTeclionné à S. M, de long
temps, comme de ce et aultres siennes bonnes quallitez et mérittes
monseigneur le révérendissime cardinal de Ferrare vous pourra mieulx
testiflier que tout aullre.
« Monseigneur, vous entendrez par ce que j'escriptz au roy comme
Janus Bey doibt venyr icy en ambassade, et, comme s'entend, il y vient
aultant pour l'advantage et commodité du roy que pour aultre chose;
vous congnoissez et entendez mieulx la nature et coustume de cez
gens là, et comment ne leur fault point resserrer ne espargner rien de
ce que honnestement on leur peult offrir et valloir, comme l'on feist du
temps de MM. de Lavaour et de Rhoddez qu'il fut pour pareille chose
en ceste ville'. De quoy vous ay bien voullu advertyr, affin de m'y faire
pourveoir, s'il vous plaist ; car vous promectz, Monseigneur, que en ay
très bon besoing, et ce, pour avoir tousjours fourny à l'extraordinaire,
tant des brigantins, postes et aultres telles choses, que aussi aux servi-
teurs du roy qui nous donnent icy les adviz, et avoir assemblé livres
grecz sans en avoir rien recouvert. Lesquelles choses vous puys bien
asseurer sur mon honneur se montent plus de mil escuz, lesquelz me
viendroyent grandement à propoz s'il vous plaisoyt les me faire rem-
bourser, afin que j'eusse de quoy fournyr à l'advenyr pour continuer
le service du roy ^.. »
Vol. -'. f° 73 yo, copie du xvF siècle; 2 pp. 1/4 in-f".
1. V. la noie 3, p. o.
2. M. de Vaux pai-aît avoir fait les frais de la subvention réclamée par le prélat.
On lit dans les Extrulls des comptes de l'éparffne, année 1541 (B. N.. ms. Clairam-
liault 1215, P 79 v") :
« A Jehan-Joachim de Passan, conseiller et maislre d'hostel du roy, 900 livres
par lettres à Fontainebleau le 8 février lotO [ISil], pour pareille somme qu'il a
lait fournir comptant au mois de novembre dernier en la ville de Venise, ez mains
de M. Guillaume Pélissier, évesqne de Montpellier, ambassadeur du roy, pour
employer au payement de certains livres et choses antiques par liiy retenues pour
le roy. —Item, 675 livres par lettres à Blois du 5 mars suivant, "pour semblable
cause, et pour le salaire et payement de six personnages employez par ledit
ambassadeur à escrire certains livres que le roy désire avoir » (Cité par M. L. Delisle,
Cab. des itiss., t. I, p. 155).
148 AMBASSADE DE [NOVEMBRE lliiO]
I>EI.LICIER A M. D'aNNEHAILT.
79. — [rcJHSf', /? novemhrc l.ïlO. — PellicuM* profile de la pro-
cliïiine venue de M. d'Annel)aull à Turin pour lui recommander divers
pcisouiiagcs désireux de servir le roi de Ki-anee, riugénieur Girolamo
de Trévise, les capitaines Hello di Belli et Agostino Spinola, dont il a
été parlé dans la lettre au connétable du 7 courant.
11 conclut eu lui envoyant les nouvelles de Constautinople, touchant
la paix avec les Vénitiens, ^ue Rincon vient de lui transmettre.
Vol. 2. f' TCi v°. copie du \vi'= siècle: i ji. t,2 in-f"^.
l'Ki.i.icirn \r cAnnisM, de feiuiaue '.
80. — [Venise]^ 12 novembre 1540. — Pellicier remercie le cardinal
de la l)onne nouvelle qu'il lui a transmise de la convalescence du dau-
phin. La Seigneurie s'en réjouit fort, ainsi que de la conclusion de la
paix avec le Grand Seigneur. Le cardinal a dil d'ailleurs en être informé
par Francesco-Beltrauio Sacliia, que Pellicier lui recommande vive-
ment comme tout dévoué aux intérêts du roi de France.
Vol. 2, f' 77 v», copie du xvi'^ siècle; 3/4 p. in-f'^
PELLICIER A M. DE LANGEV.
81. — \ Venise], 12 novembre 1540. — «Monseigneur, depuys les
miennes dernières que vous ay escriptes du xxviii" du passé, ay receu
le pacquet que «l'avez envoyé le xxix% et suys fort esbahy de ce que
m'a esté dict que à Padoue a esté veu ung Alternant dépesché par vous
pour m'apporter ung pacquet il y a deux jours. Je ne sçay s'il est vray
ou non; car, l'ayant faict chaircher par toute cette ville, n'en ay sceu
trouver nouvelles. Je suys encore contraint retenyr l'homme de pied
que m'avez envoyé dernièrement, pour ce que la présente dépesché est
de telle importance qu'elle a bien mérité d'estre mandée en toute dili-
gence; ce que ay faict par celluyqui avoyt conduict ici M. l'arcevesque
de Transilvania, car aussi n'avoyt-il bon moyen de s'en retourner
i. Ippolito d'Esté, fils d'Alfonso V, duc de Ferrare, et de Lucrczia Borgi.i, et
frère du duc régnant Krcole H. Né le 2i août 1500, il mourut à Rome le 2 décem-
hrt 1372. Accueilli de bonne heure à la cour de France par François I" qui le fit
entrer dans son conseil et obtint pour lui le chapeau de cardinal, le ;i mars lo39.
Hippolyte d'Esté occupa successivement les évècliés de Ferrare (1503-1520) et d'Au-
Iun(loi6-do50), les archevêchés de Milan (1520-1350), de Lyon (1339-1330), de Narbonne
(1350-1551), d'Auch (1551-1551) et d'Arles (!56i-1567). Ce prélat, ami des lettres et des
arts autant qu'habile diplomate, fut constamment mêlé, de François 1" à Charles IX..
aux affaires de l'État dans lesquelles il eut une action prépondérante.
NOVEMBRE lb40^ GUILLAUME PELLICIER 149
aultrement. Il porte la paix de cez Seigneurs avecques le Grant Sei-
gneur, de quoy je vous mande amplement tout ce que le seigneur
Rincon me laict sçavoir par sa lettre du x» du passé : c'est que le
Grant Seigneur linallemenl a accepté la paix, etc. — Comme aux lettres
veceues dudict seigneur Blucon, dudkt x° d'octobre '...
« Monseigneur, par lettres de l'ambassadeur de cez Seigneurs l'on
est adverty que les bassatz se sont très bien faictz entendre à luy que
le Grant Seigneur s'attendoyt bien que, pour les bienfaictz du roy
envers ceste Seigneurie, icelle du moings avoyt à se tcnyr neutralle
entre le roy et l'empereur; et de ce estime l'on que Lotphi Bey, pre-
mier bassa, leur en a escript une très bonne lettre. Et, ainsi que
escripi ledict ambassadeur, le Grant Seigneur doibt mander en ambas-
sade JanusBey, son grant Iruchemant, qu'il n'estime estre pour aultre
eflFect que pour ce faire. Si je en auray aultre chose, je ne fauldray
vous en advertyr... »
Pellicier termine par les nouvelles de l'ambassade de Hongrie à
Constantinople, dont il a été question dans la lettre au roi.
Vol. 2, f° 78, copie du xvi'' siècle; 1 p. iu-f\
PELLICIER A M. DE RODEZ.
82. — [Venise]^ 12 novembre 1 540. — « Monsieur, j'ay receu toutes
les lettres que m'avez escriptes jusques à celle du iir de ce moys,
ausquelles povez estre très bien asseuré que eussiez eu plus tost res-
ponce de moy, se eusse trouvé la commodité. Car non seuUement je
cherche de ne perdre pas une occasion de vous escripre par les cour-
riers dépeschez de ceste Seigneurie, mais encores par aultres dépes-
chez secrètement quelquefoiz par aulcuns marchans. Et ne sçay par
quelles voyes ont esté portées lettres de cette ville à Romme, du
xxvF du passé, ainsi que m'escripvez; car si je en eusse esté adverty,
ce n'eust esté sans que en eussiez eu des miennes. Au fort pour le peu
de nouvelles et occurences que vous eusse sceu mander lors, n'y a pas
eu grant intérest. Et encores pour le présent ne vous sçauroys quasi
dire chose, sinon que ce que vous mesmes m'avez escript touchant
André Doria et domp Bernardin 2, saulf qu'il y a grant danger que
pour faulte de victuailles et pour estre la saison bien avancée, que
icelluy Doria soyt contrainct s'en retourner, et laisser l'entreprinse
de la Mahommetta ^ et d'Algerbe '\ qu'il eust peu faire, comme l'on
L Ces lelires manquent dans noire manuscrit.
1. Bernanlino de Mendoza.
3. HauiMianiel, ville et port situés sur la côte de Tunisie, à 72 kilom. au sud de
Tunis, dans le golfe du même nom. !^a fondation datait des premières années du
ivi* siècle.
4. Djerba, grande ile située sur la cote de Tunisie, au sud du golfe de Gabès, et
j;;0 AMBASSADE DE [NOVEMIiUt: 1540j
oscript. Quunl aux choses de Hongrye, Je vous diray comme dejniis
lieux Jours est arrivé icy unjç serviteur de M. l'arcevesque de Tiansil-
vania, veuaut tout droicl de Ikule, lequel m'a dicl que lorsqu'il se
partyl de là, qui fut le xx' du passé, le roy des Romains estoyt à Neuslat
avecques bien peu de gens. El pour le plus ne povoyent eslre que de
six à sept mil hommes, m'asseurant pour loul certain que la ville de
Ilude estoyt tant bien garnye de vivres et aultres municions, et mes-
memenl de bons cappitaines et gens de guerre, qu'il ne failloyt
doubler- que Icdict roy leust pour y faire aulcune chose. Nous s(jmmes
tous les jours atlendans nouvelles de Constanliuople, car par la der-
nière que en ay receue du seigneur Rincon, du xvi'' septembre, me
promet de là à deux ou troys Jours me faire une bonne dépesche; et
ne m'escripl aullre sinon quilz attendoyent à grant dévotion Janezin,
mandé par cez Seigneurs pour parachever la paix el accord d'entre
eulx et le Grant Seigneur : laquelle ung chascun espère avoir bonne
issue. De quoy vous advertiray incontinent que l'aurons sceu icy, trou-
vant la commodité de ce faire. Et cependant vous diray ([ue ledict
seigneur Rincon m'escript comme ung des plus groz el principaulx sei-
gneurs des Géorgians, qui est une nation grecque confinant d'un cousté
avecques la Persia, a mandé à la Porte du Grant Seigneur ung ambas-
sadeur du Sophi, homme d'assez belle prestance; lequel ledict Sophi
avoyt envoyé devers luy pour le faire voulter de son cousté comme
puis naguères avoyt faict plusieurs aultres subgectz dudict Grant Sei-
gneur. El présumoyt l'on qu'il auroyt la genne pour sçavoir plus oullre
de sa charge et commission, et estoyt à craindre qu'il ne fust payé de
mesme monnoye que a esté Petro Siculi, qui fut prins par aulcuns cor-
saires dedans une frégatte allant de Missine * à Napoli de Romanye,
mandé par domp Ferrando de Gonzagues, vice-roy de Sicille, veoir
s'il estoyt vray que le peuple fust mutiné et en dissencion, comme
l'on disoyt, de non voulloir rendre la terre audict Grant Seigneur; et
pour animer le peuple de là, et conforter par toutes asseurances pos-
sibles voulloir persévérer en une tant saincle oppinion de non haban-
donner jamais une telle fortresse, (jui est le bastion et le rempart de
toute la chrestienté aux ennemys de notre foy, ains la voulloir retenyr
i|ii'un ponl romain ou plutôt une dipuc iili.iit jailis h la terre ferme. Célèbre dans
ranli(iuitc honiériiine ^^l)us le nom d'ile des Lolujdiafres, inenlionnée dans les docu-
menls du xiu' siècle sous celui de Girba, elle est encore aujourd'hui couverte de
ruines nombreuses qui attestent sa prospérité à cette époque. Les marchands espa-
frnuls, ilaii''ns et pnivcnraux ([ui la fréquentaient la nommaient Los Gelves. Vers
l.'ilO, Kheïr-od-l)in s'y établit el DJorba joua un rôle important dans les luttes entre
les Turcs et les Espat;nols. Kn 1560 notamment, ces derniers y essuyèrent une défaite
sanglante que pcriiélua jusqu'en ISoO une pyramide de crânes édifiée par les vain-
queurs.
L'île, d'une fertilité extraonlinairo. est encore aujourd'hui l'un des centres com-
merciaux les plus importants de la Tunisie.
1. Messine.
i NOVEMBRE 1540^ GUILLAUME PELLICIER loi
et verluèiiseineiit deffendre au nom de rompcreur, — lequel pronipte-
ment leur manderoyt tel secours de gens et municions de vivres, qu'ils
ne se devroyent doubler de personne, et que André Doria viendroit en
personne avecquès toute l'armée àlesdeffendre et asseurer contre tous
que besoing seroit. Et oultre déposa ledict Petro Siculi que aprez avoir
faict bon office audict Napoli avoir commission de se retirer en
Candye. le Zante, et auUres isles de cez Seigneurs pour leur proposer
le semblable et essayer par tous moyens de l'attirer à la dévotion
dudit empereur, comme il a apparu par lettres dudicl vice-roy escriptes
aux habitants de Naples, et aussi par ses instructions que on luy a
trouvées à doz. Dont ledict Grant Seigneur, ayant entendu tout ce que
dessus, luy a faict trancher la teste. Voyelà tout ce que vous puys dire
pour le présent quant aux nouvelles; car de France, à ce que m'es-
cripvez, vous en avez lettres plus fraisches que moy. Et ne me reste
sinon à vous remercyer de l'advertissement que m'avez donné du rap-
port que l'on a faict à M. le général' duquel m'avez escript, touchant ce
que avoys faict entendre au roy de luy; mais si est-il que je n'ay escript
à S. M. ne à aultre ce qui est comprins au double de la lettre que
m'avez envoyé, et ne sera trouvé que tels escriptz soyent jamais sortiz
de ma main, ainsi qu'il se peult veoir par mes lettres... »
Pellicier termine en donnant les nouvelles ,tant attendues de la con-
clusion de la paix, qu'il vient de recevoir à l'instant de Gonstantinople.
Vol. 2, f'^ 78 v^, copie du xvi'' siècle; 2 pp. 1/4 in-f".
PELLICIER A LA DUCHESSE DE FERRARE.
83. — [Venise], 12 novembre 1540. — Pellicier lui annonce la
conclusion de la paix entre les Vénitiens et le Grand Seigneur, ainsi
que la convalescence du dauphin.
« ... Quant est du livre dont Madame de Pontz- m'a escript, je suys
après pour le recouvrer le plus dextrement qu'il m'est possible; car
cez gens se rendent difficilles pour la singuUari-té de telles choses tant
singuUières. Si est-ce que je en feray tout ce qu'il me sera possible. »
Vol. 2, f» 79 v°, copie du xvF siècle; 1 '2 p. in-f".
1. Le général des Observanlins, Vicente Lunello.
•2. Anne de Parlhenay, fille de Jean V de Parthenay, seigneur de Soubise, et de
Michelle Saubonne. Elle avait épousé en lo34 Antoine de Pons, comte de Marennes.
baron de Mirabeau, premier valet de chambre du roi. qui fut dès lors attaché, ainsi
que sa femme, à la maison de la duchesse de Ferrare. Madame de Soubise, ancienne
fille d'honneur de la reine Anne de Bretagne, et gouvernante de Renée, était rentrée
en France au commencement de 1536; M. de Pons ne fut rappelé qu'en 1539, et
retourna à Ferrare dans les derniers mois de l'année suivante (V. E. Rodocanachi,
Renée de France).
152 AMnASSADH DE [NOVEMimE 1540]
l'EI.r.ICIER A CESARE KREOOSO.
84. — [Vrniso], 16 novembre lôiO. — « Monsoignoiir, la lonj^iie
oxpiTionce qiio avez lousjnurs donné â congnoislrc à ung cliascun de
l'ardiMil (*l jtarfaicl désir que j)orlc'7. à S. M. m'a tant asscuré de voslre
fidélilé qu'il me senihleroyt, usant de belles et longues paroUes, entrer
en sérimonyes aullres que nostres. Dont tant seullenient vous en
remercyeray très affectueusement, et vous diray que si mon souhaict
avoyt lieu, je désireroys que toutes les récompences et bienfaietz que
le roy a faict à ses serviteurs feussent aussi bien colloquez et employez
que en vous. Car je pence que ce seroyt l'une des plus grandes fellicitez
(jne on sçauroyt désirer à S. M., congnoissanl de combien telz instru-
mcnlz luy peulvent servyr en ccst endroict, ayant telle affection à icelle
que tousjours j'ay trouvé, mais encore dernièrement plus que jamais,
])ar la lettre qui s'adressoyt es partyes de Levant. Laquelle eust peu
grandement valloir et proffitter si plus tost eust esté mandée; mais,
comme pourrez veoir et congnoistre présentement, pourroyt estre
mandée ung peu bien tard, estant les choses au poinct qu'elles sont.
Bien vous diray que, ainsi que ay esté adverly, l'aultre lettre qui fust
envoyée par cy d'avant fut présentée où elle s'adressoyt; mais jamais
on n'en ieist aulcun semblant, ne n'en fut oncquos parlé ne commu-
nicqué, ains a l'on faict les choses le plus secrettemenl que l'on a peu
sans appeller aulcunement ses amys en ceste conclusion. Toutesfoiz l'on
me donne bonne espérance des affaires, lesquelles ne sont à l'aventure
comme ung chascun les pence, et a esté remis la recongnoissence des
bons offices et bienfaietz à l'honnesteté de ceulx qui les ont receuz. Au
demeurant, je vous envoyé ung double des articles du traicté de la paix
ainsi que l'ai peu recouvrer, où est contenu tout ce que s'en peult
sçavoir. Pareillement vous envoie ung double d'une lettre escripte à
M. le marquis de Languillare' par ung nommé Philippo, qui est sur
l'armée de Barberosse, par laquelle pourrez veoir le progrez et succez
de leur entreprinse, en conformité de ce que m'en avez escript. Et
pour ce, Monseigneur, que suys bien asseuré que serez amplement
adverty d'aultre que de moy de toutes les aullres nouvelles et occur-
rences de dei;a, ne m'estenderay à vous en faire plus long propoz;
mais viendray à vous parler de mes affaires particulliers, comme
celluy qui les a aussi à cher comme chascun a accoustumé d'avoir les
siens propres, et vous remercyer très humblement de la cure et solli-
citude que je congnoys que en avez, vous sujiplyant tant qu'il m'est
1. Don Juan Fornandcz Manriqiie, (lualrième comte de Castanerla et second mar-
quis d'Agnilar, avait remplace à Rome, comme ambassadeur de Charles-Quint, le
comte de Cifuentes, en novembre 153C. Il y demeura Jusqu'en 1541 {State papers,
Spanish, lo38-lo42, pp. xxiii à xxvii).
[novembre 1540j GUILLAUME PELLICIER 133
possible me faire ce bien de me voulloir hardiment et sans aulcune
rétencion advertyr de ce que en entendrez. Car il y a si longtemps que
ne receuz aulcunes lettres de la court, fors du roy et de monseigneur
le connestable, sans en avoir eu de mon solliciteur ne amys de là, que
je m'en Ireuve grandement esmerveillé et pence que la faulle peult
estre procédée pour Tabsence de mon agent de Lyon à qui ils les soul-
loyent addresser pour me faire tenyr. Par quoy, Monseigneur, de
rechef je vous supplye si en avez rien m'en voulloir faire part; car,
comme l'on dict, ung homme adverty en vault deulx, et cela me pourra
servyr contre cculx qui me pencent nuyre et desplaire, sans que
jamais je aye eu tant de loysyr de pencer bien ne mal d'eulx. Je ne
sçay quelz ilz sont, sinon que je me doubte de quelques ungs. Des-
quels, Dieu mercy, je ne me soulcye pas beaulcoup de tout ce qu'ils
sçauroyent faire; car me suys de longtemps deslibéré et confirmé de
ne despendre point de l'appétit de telles gens. Aullrement, je seroys
par trop esclave de servyr à leurs plaisyrs, et me souffira bien d'avoir,
soubz Dieu, la bonne grâce du roy et de ses meilleurs serviteurs. Si
Voslre Excellence trouvoyt bon m'advertyr qui sont ceulx là, je l'en
supplyerois de tout mon cœur affin de me donner de garde d'eulx. La
grande hardiesse que je prends vous en escrire si instemment est la
bonne et vraye amytié que j'ay tousjours congneue que de vostre grâce
me portez, et la cure qu'il vous plaist avoir de mon honneur... »
Vol. 2, f" 80 v°, copie du wi" siècle; i pp. in-f".
PELLICIER A RINCON '.
85. — [Venise], i 9 novembre 1 540. — « Monsieur, le xii^ de ce moys
arriva icy Janezin, avec une petite lettre de vous seuUement en recom-
mandation des facteurs de Azamo * qui sont icy, me disant que aviez
dépesché ung courrier expressément auparavant qu'il se partyt de
Conslantinoplc pour nous apporter les nouvelles de la paix d'entre
cez Seigneurs et le Grant Seigneur; dont feuz en quelque doubte, pour
ce qu'il n'estoyt arrivé aussi tost que ledict Janezin. Mais comme Dieu
vouUut ledict jour sur le soir, comme j'estoys aprez pour faire une
dépesclffe au roy pour l'importance de la nouvelle, arriva ung brigantin
avecques vostre pacquet, ouquel en trouvé ung pour S. M., que ne
faillys incontinent en toute dilligence mander jusques à Turin pour luy
faire tenyr, ayant bien vu et noté tout ce que m'avez escript, tant sur
les poinctz et articles de ladicle paix que aussi sur la diversité des
1. « Escript ce dict jour à M. l'arcevesque de Raguse et messer Petréio, et aussy
à M. de Villegagnon en Constantinople. »
2. Demctrios Azanio ou Azani, comme il est appelé plus loin (dépêche 98), était
probablement un négociant grec établi à Constantinople.
iTii. AMBASSADE DE rnoYKMBnF. 1540
lettres <jue vous en uy par cy devant escriptes. Et quant ad ce que
M. do Vaulx vous avoyl escripl avoir perdu et oblyé par cheniin le
pac<[uet que le seigneur lîadouare luy avoyt baillé pour apporter à
cesle Seigneurie, il est vray qu'il le pensoyl ainsi, et m'en misl en nou
petit pensier'; loutesfois je ne m'en liaslé que bien à poinct. Dont
depuys en attendant à voir silz en feroyent aulcune plaincte, je luz
advcrty ([u'ils lavoyent receu, et que luy niesmes l'avoyt baillé, non
si;aicliant ([ue ledict paifjuet s'adressoit à la Seigneurie, pour ce qu'il
estoyt subseripl seiiUemeiit au duc de cesle ville -. Et le bailla ainsi
souldain qu'il fust arrivé icy, sans m'en advertyr; parquoy n'y eust eu
lieu que je fusse allé excuser ladicte chose, comme aulcuns esloyent
d'advi/.. Quant est du plaisyr et contentement que cez Seigneurs ont
eu de ladicte nouvelle, je vous diray que il/ ont faict démonstration
d'en eslre merveilleusement salisfaictz et consoliez. Lesquelz m'en-
voyèrent le jour mesmes ung de leurs secrétaires pour m'en con-
gratuller, et remercyer bien afl'ectueusemenl S. M.,sçacliant très bien
que sans la faveur d'icelle, et les bons offices que ses ministres y
ont faictz, mesmement vous plus que tous ensemble, encores qu'elle
leur soit chère, ne l'eussent obtenue à si bon marché : ce que je ne
faulx à faire très bien entendre partout où il est besoing. Toutesfoiz
je ne dictz pas que pour cela, continuant tousjours en mes derniers
propoz, ilz soyent pour se déclarer de nostre cousté, ne aultrement
faire que ainsi que m'escripvez. Je verray avecques le temps de
quelle voullenté ilz seront. De quoy ne fauldray à vous advertyr au
jour lajournée, et sur ce propoz vous diray que à mon adviz ne fault
point trouver par trop estrange si en ay escript selon la diversité des
temps et propoz diverses lettres; car, comme vous sçavez trop mieulx,
ce monde icy n'est pas tousjours en une mesme oppinion, et ce que
vous en ay mandé journellement a esté selon la saison dudict temps
et que entendoys passer les affaires, tout ainsi que je vous ay escript
d'aultres choses : mesmement comme cez Seigneurs du commencement
se faisoyent entendre qu'ilz se fussent plus lost habandonnez en proye
et buttin quelconque fust, que de bailler Napoli de Romanye et
Malvasye. Toutesfoiz, pour en avoir veu depuys le contraire, n'ay
trouvé absurde de vous l'escripre et changer d'adviz. Pareillement
a esté ung temps que l'on espéroyt les affaires d'entre Leurs Majestez
passer aultrement qu'ilz ne sont en termes maintenant. Par quoy sem-
blablement suys esté contrainct de vous en escripre choses différentes,
desquelles si les affectionnez serviteurs de S. M. qui sont icy estoyent
en telle délibération que vous avoys escript auparavant que eussiez
receu mes lettres par Janezin, et depuys pour bonnes causes ilz ayent
1. Inquicliide.
2. Pietro Lando.
■ NOVEMBRE lb40 GUILLAUME l'ELLICIER lai>
cliaiigé d'adviz et conseil, et que desprincipaulx d'eulx-iufsnics eussent
esté de ceste oppinion d'escripre la lettre à celluy que vous ay faicl
entendre, m'eust semblé faire une très grande erreur et faulte de ne
vous en advertyr, comme n'ay failly pareillement faire S. M., remettant
toulesfoiz tousjours le tout à vostre meilleure prudence et jugement à
pourveoir es choses selon et ainsi que le temps et les affaires le requé-
royent. Eu quoy vous vous estez tousjours conduict et porté tant
saigement et dextrement que certes, à mon adviz, n'est possible de
plus... »
Pellicier donne alors à Rincon les nouvelles qu'il tient de la conver-
sation qu'eut, à Constantinople, l'ambassadeur vénitien Badoaro avec
Lutfy-Bey, avant l'audience du sultan; de la convalescence du dau-
phin, des agissements du roi Ferdinand en Hongrie et de l'empereur
en Allemagne, dont il a été question dans les lettres au roi et au con-
nétable, à la date du 7 novembre.
« Monsieur, j'ay veu ce que m'avez escript, touchant les livres que
l'on m'avoit donné icy espérance de pouvoir recouvrer là où vous
estes. Et certes, n'eust esté que l'on m'en avoyt presque asseuré, ne
fusse entré en ceste délibération de vous en requéryr ne fascher. Et
ce que m'y a aussi incité davantaige est qu'il y a plusieurs personnaiges,
lesquelz aprez avoir entendu et cogneu la voullenté de S. M. estre d'en
recouvrer et faire amas quoy qu'ils coustent, qui ont deslibéré s'en
aller fournyr par delà, vous remercyant de très bon cueur de la dilli-
gence que en avez faict. El vous supplye, suyvant ce qu'il vous en a
pieu m'escripre, me faire envoyer ung inventaire de ceulx qui sont
entre les mains de messire Jacomo Marmorotti', et aussi faire bonne
information s'il s'en pourra recoupvrer d'aultres à Constantinople ou
ailleurs là auprez ; car je vous puys bien asseurer que c'est l'ung des-
plus agréables services que l'on sçauroyt faire à S. M., après les choses
d'estat. Et de ma part je vous en resteray grandement obligé, comme
aussi suys-je des bons plaisirs etbienfaictz qu'il vous a pieu faire pour
Tamour de moy à mon pauvre voysin Jehan de Farges, duquel ayreceu
puis naguères lettres escriptes à Chio le xxvii= de septembre, me faisant
entendre la grande obligation que luy et tous ses parens vous auront
à jamais, comme estant celluy seul qui serez cause de sa libération
bien tost s'il plaira à Dieu; et qu'il vous avoit escript pour avoyrsauf
conduyt du Grant Seigneur, ce que je vous supplye faire, si jà ne
l'avez faict, pour achever de mettre fin à ung tant sainct œuvre que
cestuy là, vous asseurant, Monsieur, que si Dieu me donne jamais la
grâce de me trouver au droict où je puisse vous faire quelque plaisyr
I. r.e Giacomo Marmoretti, qui tiabitait Constantinople, avait un frère à Venise,
Demt'triu Marmoretti, qui s'était mis en n.'lalions avec Pellicier et lui avait signah;
la collection de manuscrits précieux réunie par Giacomo (V. la lettre à Rincon du
1" septembre 1540).
136 AMHASSADE DE [nOVEMBUE i:i40l
e\ service, je n'ittiendray don eslrc re(iui/., mais de moy-mesmes m'y
4'midoieray d'aussi bon cucur, etc.
« Monsieur, il y a a Rome deux relif^icux de Sainl-François, avec
lesquelz j'ay eslroicle et ancienne amylié, qui m'ont mandé une lettre
pour faire lenyr es partyes de Surye, soit en Jherusalem, Damasclio',
ou aultre pari de ce/ couste/. lii. Je vous prye luy faire donner telle
Adresse qu'elle puisse venyr entre les mains de cculx où elle s'adresse,
et nie faire entendre de ce qui aura esté fait du sauf-conduict du sire
Krancesco Cliarli, lequel je vous recommande de tout mon cueur... »
Vol. 2, r* 80 v", copie du .\vi« siècle; 4 pp. ij't in-f".
l'EU.ICIEn AI' nrc de KEHriARE.
86. — [Venise], 21 novembre 1540. — « Monseigneur, vous pourrez
congnoistre par les lettres que vous escript présentement monseigneur
le daulphin de quelle affection il vous prye en faveur du seigneur Paulo
Andréa de Orti, afiin que voslre plaisyr soyt luy voulloir pardonner,
et conséquemment faire abbattre et osier les tableaux qui ont esté
penduz contre luy, tant en vostre ville de Ferrare que ailleurs. Et
encores m'en ayant aussi escript Son Excellence, me donnant charge
vous envoyer sa lettre par homme exprez, cela me fait croire davan-
taige qu'ila ceste matière en singullière recommandation, et qu'il auroyl
merveilleusement agréable d'estre en ce gratifié. Dont, pour accomplyr
son commandement, vous envoyé ce porteur expressément pour cesl
effecl, vous suppliant. Monseigneur, qu'il vous plaise le relenyr le
moings qu'il sera possible, et m'envoyerpar luy la responce qu'il vous
plaira faire à mondict seigneur le daulpliin, affin que je luy puisse
tesmoigner de ma dilligence et du voulloir que avez de luy faire plaisyr,
me tenant bien asseuré que désirez luy complaire et gratiffier en plus
granl chose que ceste-cy. »
Vol. 2. fo 82 yo. copie du xvi^ siècle; 1/2 p. in-f°.
l'EI.LlCIER A M. DE LANGEV.
87. — [VcHîsc], 25 novembre 1 540. — « Monsieur, estant grande-
ment occuppé aprez une dépesche que j'espère faire au roy dedans
quatre ou cinq jours, laquelle, n'eust été quelque résolucion que
j'atlendz touchant (juelque affaire de M. l'arcevesque de Transilvania,
et aussi le temps prospère pour mander le pacquet au seigneur Rincon
que m'avez dernièrement envoyé par les voslres du xvii® de ce moys,
aftin d'en advertyr Sa Majesté je n'eusse failly par ce porteur à faire et
1. Syrie, Jérusalem, Damaï^.
[nOYEMDUE 1540] GUILLAUME PELLICIER 157
parachever madicte dépesche pour la court; mais altendu aussi que je
n'ay matière de présent de grant importance qui requière aulcune
scellérité, ay bien voullu diflerer pour quelque peu de jours. Néant-
moings cependant, considérant que pourriez avoir affaire de ccdict
porteur pour envoyer en aultres parts, lequel avoys tousjours retenu,
pensant luy donner quelque dépesche, ce que eusse faict n'eust esté
que ccUuy qui avoyt conduyt M. l'arcevesque de Transilvania luy osta
son tour, pour estre la nouvelle qu'il porta de telle importance qu'elle
méritoit bien d'être faict courir jusques à vous, à présent je vous le
renvoyé et détiens celluy qui est venu le dernier, pour bien tost vous
porter madicte dépesche. Et pour ce, Monsieur, que je sçay très bien
l'amytié que portez au seigneur Pietro Stroci, et le désir et affec-
tion que avez de luy faire plaisyr, pour estre tel serviteur du roy
que sçavez, ayant esté pryé par i\l. le prieur Stroci ' son frère, et aussi
par le seigneur Francesco Corboli, leur facteur et agent, qui est
homme qui s'est toujours employé totallemcnt à faire plaisyr et ser-
vice aux ministres du roy par deçà, comme moy-mesmes en puis très
bien testiliîer, — de vous adresser ce gros pacquet pour faire tenyr à
Lyon, et qu'ils me l'ont si affectueusement recommandé comme chose
que leur importe grandement, ainsi qu'ilz m'ont dict, estant certain que
par vostre bonne dilligence, tant pour envoyer à la court les lettres
que recepvez de toutes pars, et aussi pour y mander des vostres, vous
avez accoutumé d'y dépescher souvent, je me suys bien osé aventurer
de vous l'adresser, estimant bien que trop plus grant plaisyr désirez
audict seigneur Stroci que d'espargner la peine d'un poste pour le
porter jusques à Lyon avecques la commodité, si elle s'y adonnoit bien
tost, comme dedans ung jour ou deux; ou bien, s'il falloit tarder
davantage, ils aimeroyent beaulcoup mieulx payer ce qu'il cousteroyt à
le faire couryrdepuys Thurin jusques à Lyon. Et de la despence qui s'y
feroit, si aultrement ne se povoit faire, je vous en respondz, vous asseu-
rant bien que si je pençoys que mes prières et supplications vous
poussent augmenter le voulloir d'y donner bon ordre, je le feroys de
tout mon cueur; mais, estant asseuré que pour l'amour dudict Stroci
vous en ferez tout ce qu'il s'en pourra faire, je ne m'estendray à vous
en dire aultre chose... »
Vol. 2, f° 83, copie du wi^ siècle; 1 p. 1/4 in-fo.
1. Leone Strozzi, chevalier de Malte, prieur de Capoiie. Nommé lieutenant général
des galères du roi, sous le baron de la Garde, le 31 mai lo4:i, il lui succéda en
juin 1j47, et fut tué au service de la France, au siège du château de Scarlino, près
de Piombino, en 1354 (V. la notice de Brantôme, édit. Lalannc, t. IV, p. 120).
i:;S AMiîASSADi: i»E Novr.Muui: [:\'t{\\
l'EI.I.lCIEn A niNCdN •.
88. — ^^Vvllise^, JiJ iKjitmbrr i .')40. — « Monsieur, par les dernièros
letlres que vous ay escriples du wx" de ce moys, vous ay laid
enlendre la ii'ci'pliou des vosires du X"' octobre, faisant mencion de la
paix de cez Seigneurs avecques le Cirant Seigneur, auxquelles nie
semble vous avoir faict ample réponce, et davantaige adverty de tout
ce que avuys lors. Dont, pour aullant (jue j'espère que les recepvrez
avant la présente, ne vous en ieray aullre répéticion; mais vous diray
comme depuysay receu ung pacquet du roy pour vous laire tenyrseu-
rcmenl. Dont, suiyvant ce que m'avez escript par cy davant, que s'il
se présenloit quelque dépesche pour vous envoyer, que je la voulsisse
donner à maître «iuillaume l'orloger, s'il voulloyt aller par dellà, à
présent s'cstant offerte la commodité, la luy ay bien voullu bailler. Et
n'eusteslé qu'il craignoyt tousjours d'aller sans sauf eonduict, je n'eusse
tant demeuré à ce faire; mais l'ayant cerlillyé et asseuré qu'il n'y
avoyt point de danger s'est mys à l'aventure; vous priant, oultre l'as-
seurance que j'ay qu'il nesçauroyt avoir que bon traiclement en vostre
maison, l'avoir pour recommandé, comme homme certainement qui
le mérite, ainsi que j'espère bien qu'il vous pourra donner à congnoislre
par sa conversacion. Et pour ce que l'on ne m'escript rien de la court,
sinon à mon advis chose que l'on vous faict aussi entendre, c'est la
santé et entière guérison de monseigneur le daulphin, ne vous en
sçauroys rien dire davantaige, fors que j'ai esté adverty d'aullre part
que M. de Sainct-Pol a esté villainement blessé par ung serf estant on
ruth, qui luy a perse les deux joues et couppé la moytié de la lengue :
dont il a esté en trèsgrant danger de sa personne. M. de Lavaour arriva
à la court environ le xii^' de ce moys, assez mal de sa personne, à cause
d'une fiebvre quarte qui le tient dès le moys d'aoust - ; et M. de Vueilly,
qui doibt aller en sa place, avoit demandé congé au roy pour se retirer
en son al)baye de Sainct-Recquier pendant le temps que l'empereur
1. « Escript cedici jour à M. de Villegaignon; ilem, à M. l"arceves(|ue de Ragiiso et h.
messt'i- Pélréo. Et séjourna la préseiile dépesche à cause du maulvais temps jusque»
au premier décembre, laniielle M" Guillaume Reverdy porla en Constanlinople. »
GiiiliaMiiu! Reverdy, horloger, sans doute lyonnais et d'origine italienne, étant
données les attaches nombreuses ([ue Pellicier avait avec Lyon, et l'existence dans
cette ville, à la même époque, de divers personnages de ce nom, et notamment
d'un cerUiin Jean Reverdy, notaire et fermier des gabelles (V. Invent, sommaire
des archives de Lijon, t. III, p. 130, col. 1).
2. " A Georges de Selve, évesque de Lavaur, conseiller du roy et naguc'res son
ambassadeur devers l'empereur, 920 livres par lettres à Fontainebleau le 22 novem-
bre l'IiO, iM)ur le parfait payement de son estât, vacation et dépense en ladite charge
d'ambassadeur durant i(i jours commencez le II octobre lliiO cl finis le 18 novembre
suivant, qu'il a esté de retour devers le roy à Fontainebliau. à raison de 20 livres
par jour • {Comptes de l'épargne: R. N., ms. Clairaml)nun l2lo. f" 70).
[novembre d340j GUILLAUME PELLICIER 159
seroyt au pays d'Arlhoys où il estoyt encores le vr" de ce moys '.
Lequel, après s'estre trouvé à ceste diette que l'on doibt faire à
Worines, — où néantmoings le un" n'estoyent encores compareuz ung
seul des protestants ne catholicques, fors M. l'évesque de Feltre, l'ung
des principaulx deppulez et envoyez là par le pape *, — s'en doibl
venyr en Itallye, que Ton estime estre à ce moys de febvrier, ayant tiré
de lout ce pays là et de la Flandre, ainsi que disent les Impériaulx,
bien deux millions d'or ; mais il le croyra qui vouldra. Noslre Sainct Père
s'en ira au devant l'attendre à Boullongne, lequel faict acquisition des
principaultez de Altemura " et Tarenta en Calabre, pour l'infeuder au
seigneur Ottavio et à madame Marguerilte, fille de l'empereur et à
leurs enfans masles et femelles ', d'aultant que n'avoyt infeudé Camarin
que pour les enfans masles, et que l'empereur a voullu (jue Ton pour-
veust aussi de quehiue honnestc estât pour lesdictes filles. L'acquisi-
tion sera de cent cinquante mil escuz qui viendront entre les mains de
l'empereur. Et desjà en a envoyé cent vingt mil à Naples. Par ainsi la
maison Farnèze se essayera de faire grande ^ ; car desjà n'aura pas
moings de soixante mil escuz de rente. M. de Langey a esté à Poyrin *
avecques le chancellier de Millau et aultres officiers de l'empereur
pour y décidder quelque différend qu'ilz ont par ensemble; mais,
comme j'entendz, il n'a guères bonne oppinion des Impériaulx.
« Monsieur, pour vous faire part des nouvelles de Hongrye telles que
les avons icy, encores que en povez à l'aventure estre adverty plus
souvent et mieulx que nous, vous diray comme puis naguères est
arrivé icy ung des serviteurs de M. l'arcevesque de Transilvania venant
de Budde, lequel, pour plusieurs raisons qu'il a alléguées à son
maistre, a donné très bonne espérance que le roy Ferdinando n'estoyt
pour prendre Budde ainsi que les Impériaulx avoyent mys avant,
1. !1 semble que le roi ne l'y ait guère laisrié (lavaiila|j:e si l'uu en juge par le
mandement donné au trésorier de l'épargne, à Fontainebleau, le 15 novembre 1540,
de payer 31 livres 10 sous tournois à Guillaume I?asille, ehevaucheur d'écurie, chargé
de porter à Saint-ISiquier, h Claude Dodiou, ambassadeur auprès de l'empereur, des
lettres du roi (B. N'., original, ms. fr. 25722, n" 606).
•2. Tommaso Campcggi, évèquc de Feltri, de 1520 à 1559, mort à Rome le 21 Jan-
vier 1561, à l'âge de soixante-quatre ans.
Paul III l'envoya, en novembre loi0,en qualité de nonce à la conférence de Worms,
qui fut presque aussitôt rompue que commencée. 11 assista plus tard à l'ouverture
du concile de Trente (1545).
3. Bologne. — .Vltamura, ville de la iirovince de Xa|iles, à 45 kilom. de Bari.
4. Ottavio Farnese, second (ils de Pietru-Aloysio Farnese, duc de Cameriuo, puis
de Parme et de Plaisance, né le 8 octobre 1524, mort le 21 septembre 1580. Il avait
épousé en 1538 Marguerite d'Autriche, veuve d'Alessandro dei Medicis, et fille natu-
relle de Charles-Quint.
5. Les Farnese, originaires du château de Farneto, près d'Orvieto, connus dès le
xiu" siècle, fournirent plusieurs généraux aux petits États de l'Italie, un pape,
Paul m, et de nombreux cardinaux <à l'Église, et régnèrent sur Parme et Plaisance,
pendant près de deux siècles, de 15i5 à 1731.
6. Poirino, bourg du Piémont, à 9 kilom. de Chieri, sur la Bonna.
IGU AMBASSADE DE [NOVEMBRE 1 lUOj
pour tuillanl qnc la ville esloyt bien fournye de gens et toutes muni-
cions nécessaires; bien que ledict roy des Homains ayt prins la pailye
de maison (jui est au bas du cliasteau de Vicegrado ', laquelle néant-
moings il a aclRq)té bien chère pour luy avoir couslé mioulx de troys
cens honiuu'savanl (juc leniporlcr, et aultrc chose n"a dudicl cliasteau.
Toutesfoys j'ay entendu d'aultre cousté, par la voye de Homme, d'ung
personnaigi' qui ni'escripvoil telles choses trop voullenliers pour eslre
bien proche pjirciit de la royne de Poullongne, c'est (jue lévesque
d'Agria s'cstoyt retiré vers le roy des Romains avecques mil cinq cens
chevaulx et deux cens gentil/.hommcs, et avoyl escripl à Sa Saincleté,
protestant voulloir vivre et mouryr avec les chrestiens, donnant très
bien compte de soy, remonstrant que en toutes ces choses n'avoyt
jamais l'ailly audict roy Jehan jusques à sa mort, tant en son adversité
que en sa prospérité; et que ledict roy Jehan, aux conventions qu'il
feist avecques le roy des Romains et l'empereur, vouUut et consentit
que le royaulme de Hongrye après sa mort relournast audict roy des
Romains, et ses enfans se contentassent du patrimoine et du conté de
Slcscia -; et que luy ayant comme conseiller soubscripl Icsdictes capi-
lullacions et promys de non conlrevenyr, voyant que son roy avait
plustost preniis l'amour du fils que le béneffice du royaulme, que
comme prélat et chrcstien ne povoit mancquer à sa foy, mesmenient
pour ce que aulcuns contre tout debvoir de raison, soubz colleur de
voulloir pour roy ledict enfant, s'efïbrçoyent de faire que ledict
royaulme pour leurs intérests particuliers pervint es mains du Turcq,
et que faire aultrement estoyt ung voulloir ruyner du tout ledict
royaulme. Et adjoustoit là-dessus celluy qui escripvoit ladicte lettre
que pour estre noble et de grande auctorité, sa venue pourroit estre
de non peu d'importance aux choses du roy des Romains, lequel ja
avoit esté demandé en Budde, et frère Georges, trésorier, debvoit
pareillement estre à parlemanter avecques le roy des Romains; et que
non venant à temps les secours du Turcq demandez par ceulx qui favo-
risent le tils dudict feu roy Jehan, seroit facile chose que la plus grant
part de ceulx dudict royaulme pervint es mains du roy des Rommains,
et au temps nouveau l'on verroit qu'il se allumeroit une grosse guerre.
Vous povez trop plus certainement juger ce qui en aura à estre du
cousté là où vous estes que ne sçaurions pencer par deçà. Dont ne
vous en diray aultre.
« Monsieur, quant à l'armée de Doria, vous diray comme j'ay veu
1. Visefîrad, bourg de Hongrie situé au sommet d une montagne escarpée, sur la
rive droite du Danube, entre Gran et Wailzcn (Vacz), au nord de Bude. On y voit
encore aujourd'hui les ruines de l'ancienne résidence royale, où fut conservée
pendant longtemps la fameuse couronne de saint Ktienne.
2. La Silésie autrichienne, en hongrois Slezia, dont les centres principaux sont
Troppau et Teschen.
NOVEMBRE loiOj GUILLAUME PELLICIER 101
ung cliappilre duuo lellre venue de ludicte armée, contenant comme
le vice-roy de Napples avecques vingt-sept gallèi-es estoyt allé à la
Mahommelte où estoit le roy de Thuniz avecques son exercite; et soub-
dain que ceulx de la Mahommette veirent le matin se présenter les
gallères avecques la voillo, se rendirent audict roy, et ainsi en print la
possession. Et dedans estoycnt seullement cinqTurcqs, qui se meirent
en la gallère dudict vice-roy; et furent libérez douze ou treize chres-
liens qui estoyent dedans. L'on fut là deux jours jusques ad ce que
ledicl roy eust donné son filz et trois aultres enfans de ses principaulx
en ostaige, jusque ad ce qu'il eust payé les soixante mil escuz lesquelz
estoyt obligé payer. Et que s'estoyent recouvers cinq lieux sur la
marine, et en niancquoyent encores deux, sçavoir est la Calibia ' et
Sfax ', qui sont de peu d'importance, lesquelz toutesfoiz ilz espéroyent
les recouvrer, et puys l'on verroit ce qu'il se pourroit plus faire; l'on
n'avoyt encores résolu de aller al Cnrouan *, y ayans en eflect assez de
diflicultez. De la Maliommette manda ledict vice-roy les quatre gal-
lères delà religion à la Calibia, et le roy y manda sept cens chevaulx
pour veoir s'ilz se voudroyent rendre; lesquelles gallères retournè-
rent bientost, et ont relîéré qu'ilz ne s'estoyent voullu rendre : par
quoy Ton avoil deslibéré y aller avecques toutes les gallères pour la
battre. Et depuys j'ay entendu comme André Doria avecques ladicte
armée arriva environ le xii'~ de ce moys à Palerme en Sicille où il désem-
barcqua les Espaignolz qu'il avoit menez avecques luy; puys s'en vint
accompaigné seullement de vingt-une gallères, et arriva à Napples
le xim" ou xv°. Et le lendemain sur la nuict feist voille pour Gennes,
ayant dix gallères des siennes, et debvoit passer dès le xix* du présent
à Civita Vechia. Tout ce qu'il a faict a esté la prinse des deux places
de Suza* et Monasterio. 11 a perdu au voyage ung sien parent nommé
Jehan Baptiste Doria, conducteur des gallères de Anthoine Doria '% qui
V est déceddé de mort naturelle.
« Monsieur, puis naguères cez Seigneurs ont eu nouvelles comme
deux de leurs gallères, ayant rencontré deux fusles de Mores venans
de AUexandrie d'Egypte, non sçaichans quelles gens c'estoyent, les
salluèrcnt de quelque pièce d'artillerie sans boullet; mais lesdictes
fustes leur rendirent ung aultre salut trop plus mal gracieulx, car
tirèrent à l)on essiant force artillerie contre lesdictes gallères. Quoy
1. Kelil>ia ou Klil)ia, aujourd'hui simple bourgade située sur la côte de Tunisie,
sur reiiiplaremcnt de l'antique Clypca. Andréa Doria avait déjà soumis ces villes du
littoral en IK:?'.) cl y avait placé des gouverneurs de la dynastie hafside.
2. Sfax, ville ot iiort de la Tunisie, située à 225 kilom.'au sud de Tunis, sur le
golfe de Ciabès, importante par son industrie et son commerce.
:5. A Kairouan, importante place de Tunisie, à 58 Kilom. de Sousse et 107 kilom.
de Tunis, ancien chef-lieu des possessions des Khalifes en Afrique.
l. Sousse, ville et port de Tunisie, située dans le golfe de Jlanimaniet, à liO kilom.
de Tunis, importante par son commerce.
o. Gian-Ballisla Doria, fils d'Antonio Doria, cousin d'Andréa.
VtMSE. — 1540-1542. 11
i02 ambassadp: de [novkmbfie ib40]
voyant se meirenl en dcircnco, cl fcirenl de sorte quilz prindrenl
Icsdictcs fustes et sans rémission aulcune nieirent à mort tous ceulx
qui estoyent dedans sans ((uil en récliapasl pas ung. Et se montoyent
bien en nonil)re de, ainsi (jne l'on estime, deux cens cinquante. Dont
ce/. Seigneurs, ayans entendu ce, en ont eu très granl dcsplaisyr et
maUontenlemeiit contre reulx qui ont faict ce désordre, attendu mes-
menuMitque ce a esté l'aict sur le i)i)incl que se hrassoit la conclusion
de la paix d'entre eulx et le Granl Seigneur; et de faict, pour donner
à congnoislre qu'ils en ont estez très mal contens, ont ordonné que
ceulx ({ui rmil l'aict soyent très bien cliastiez : pour quoy faire les ont
mandez venyr icy.
« Monsieur, ([uaut ad ce que vous ay escript touchant l'ambassadeur
que doibt mander ici le Grant Seigneur, j'ai depuys entendu que cez
Seigneurs, après avoir bien pencé et considéré qui ce pourroyt estre,
ont commencé à doubler et changer d'advis que pourra estre que ce
ne sera Janus Bey, pour ce quilz ont entendu depuys qu'il est creu et
monté en crédict du Grant Seigneur. Et que ilz luy avoyenl mandé
dix mil rliequins, sçavoir est trois mille de présens et les six mil pour
ses intérestz, qui pourroit estre chose qui luy suffiroil pour ceste
fois la pratique et propine de cez Seigneurs. Or, soit qui se vueille, je
ne double point que n'y faciez tout ce que s^auroz très bien adviser par
voslre bonne prudence et saige jugement. Si est-il que estant si fort
persuadé, etsi jeosois dire pressé d'aulcuns bons et parfaictz serviteurs
du roy, vous en escripre leurs adviz me sembleroyt leur faire tort, et
aussi ne faire mon debvoir si ne vous en adverlissois : c'est que vous
plaise de ne laisser parfyr, s'il est possible, celluy qui viendra icy,
sans lascher qu'il ayt commission de remonstrer et insister envers cez
Seigneurs de faire ligue avecques le roy, ou pour le moings s'ilz ne voul-
loyent passer ce poinct là, qu'ilz se déclarassent neutres, se tenant
bien asseurez que l'empereur, se voyant délaissé et habandonné d'eulx,
ne se pourroyt tenyr de leur faire très bien entendre combien il s'en
ressenliroyt. Par quoy, bon gré qu'ilz eussent, seroyent contrainclz
de prendre nostre party : à quoy faire gist toute l'enlreprinse, après
vous, audict ambassadeur qui doibt venyr icy.
<(■ Monsieur, j'ay esté instemment pryé par M. de Langey vous
escripre et supplyer que voslre bon plaisyr soit luy faire avoir ung
saufconduicl du Grant Seigneur en la forme que je vous en envoyé le
mémoire. Par quoy, si mes pryères et supi)lications peulvent rien
adjousler au voulloir el all'ection que je suys bien asseuré que avez
de luy faire plaisyr, je vous en supplye de tout mon cueur. El m'a
escript qu'il désireroyt avoir Icdicl saufconduicl en son nom, mesmes
si d'adventure ne le sçaviez, c'est Guillaume du Bellay '. Et ce qu'il
I. 11 lirait son nom de la terre el seigneurie de Langey-en-Dunois, commune du
département d'Eure-et-Loir, arrondissement de Châleaudun, canton de Cloycs.
[novembre 1o4U] r.UILLAUME PELLICIER 163
conviendra desbourser pour cest effect, en m'en advcrlissant, le fera
rembourser à qui il vous plaira, ainsi qu'il m'a escripl. Et de rechef je
vous suppiye, s'il est possible, qu'il vous plaise nous le faire avoir.
« Monsieur, n'ayant à présent chose qui me semble plus digne de vous
présenter que ung orloge faict par le présent porteur, pour vous faire
apparoir de son ouvraige, vous l'ay bien voullu envoyer par luy, vous
pryant l'accepter d'aussi bon cueur que si c'estoyt chose de plus grant
valleur et estime. »
Vol. 2, f" 83 v°, copie du .\vi° siècle; o pp. in-f". ^
PELLICIER AU MÊME.
89. — [Venise], 29 novembre / 540. — « Monsieur, quant M. l'évesque
de Transilvania vint en France par commandement du feu roy Jehan,
au moys de may dernier, comme vous ay escript, oultre le saufcon-
duict qu'il avoit obtenu auparavant du roy des Romains, en impétra
encores ung aultre de la royne sa consorte ' en son absence, pour ce
qu'il estoit allé devers l'empereur en Flandres. Mainctenant, ne se
voulant asseurer d'iceulx quant il fut arrivé icy de retour de France,
dépescha ung de ses gens vers ledict roy veoir s'il pourroyt obtenyr
de luy conlirmation desdictz saufconduictz, ce qu'il n'a peu faire; ains,
nonobstant iceulx, icelluy roy n'a failly de faire retenyr ung sien
secrétaire et son maistre de court et aultres ses serviteurs qu'il avoyt
mandez de là. Dont, voyant tel empeschement, et qu'il n'y avoit ordre
de passer par ce cousté là, congnoissant que sa présence est grande-
ment requise et nécessaire tant pour le bien et proflict dudict royaulme
que encores pour complaire et obéyr à S. M. qui de ce l'a pryé, et le
tout estant pour revenir au bien et commodité du Grant Seigneur qu'il
arrive là avant le retour des ambassadeurs de Hongrye qui sont allez
vers ledict Grant Seigneur, — aprez avoir ensemblement consulté et
chairché tous les moyens que avons peu pencer les meilleurs, enlin
n'avons trouvé plus expédiant que dépescher ung homme expressé-
ment jusques à vous en toute dilligence. Et voullant satisfaire ad ce
que m'avez escript de donner une dépesche à maître Guillaume
l'orloger, le trouvant disposé et deslibéré de faire ce voyage, vous ay
envoyé par luy le pacquet du roy avecques la présente, vous pryant par
icelle voulloir impétrer du Grant Seigneur un saufconduict pour le-
dict seigneur évesque, adressant aux sanzacques de Bellegrade -,
\. Anne, fille de Ladislas Vi, roi de Hongrie et de Bohême, et sœur de Louis le
.leune, également roi de Hongrie et de liohème, tué en lo26 à la bataille de Mohacz.
. Mariée en 15:21 à Ferdinand, elle lui donna quinze enfants et mourut le 27 jan-
vier Io'm.
■2. Belgrade, capitale de la province de Serbie, conquise par Suleyinan sur les
impériaux en 1521.
lO't
AMBASSADE DE [dÉCEMURE io40^
Bo.,Ki ', Sa.ula Saba ou Cod.a \ et à Moralli vayvoda ^ et à tous
aullrcs olliciers duclicl (iraut SciKn.'ii.- par où il aura à passer, allant
;t retournant; .t s'il sera possible i.npélror lettres dudict Seigneur,
par lesquelles il lace entendre aux princes et barons de a 1 ongrye
qui!/ \u^ r.-roul bi.-n sMant plaisyr et service s d/. se attendront et
gouverneront par le conseil et instructions dudict évesque, lequel a
charg.. et entend très bien ce que est pour le bien, l^anqmhle et
adv^udaige de tout le royaulme. Je vous envoyé le double desdictz
.anfconduiU du roy Ferdinando et de la lettre que le roy a escnpte
ansdicl/. princes et barons dudict royaulme en faveur et honneur
a.dict seigneur évesque, pour vous en ayd.r si est ou besomg sera.
Et vous plaira, incontinent que aurez recouvers leschctz saufconduœt/.,
les mander en toute ddligence par homme exprez jusques a Raguse a
M rarcevesque, où le seigneur Cola liunello les attendra, et de la
déspence «lui sera faite, ledict seigneur arcevesque en sera remborse,
vous prvanl au surplus avoir le personnaige qui s en va par delà
avecque; ledict maître Guillaume Torloger, duquel led.ct seigneur Cola
vous escripra plus à plain, en singullière recommandation. »
Vol. 2, f 86, copie du xvi" siècle; 1 p. 1/4 in-f".
l'EI.I.ICIER AI' MÊME ^.
90 - f Venise], 1" A'cemhre 1540. - « Monsieur, sur le poinct que
messire Cola el .nallre Guillaume l'orloger voulloycnl partyr s esleva
une lourmenle si très grande .,uil n'y eut ordre, e, a f^l u a 1 "d
iusques ad ce jourd'liui. Dont, ayant entendu quelques nouvelles
depuys, n-av vouUu oh.nettre à vous les faire entendre : et mesmement
comm l'on- a iev advis de bien bon lieu que rempereur n est pour
toe chose du n.onde aveeques les prolestants touehant ce qu d pen-
rraire à ses diettes; quoy voyant, a faiet les plus estro.eles ordon-
nances et édict. contre eut. en ses pays de Flandres qu .1 navet
jamais fa.ct, ainsi que pourrez venir par ung double que je vous e
envoyeré par la première dépesche que je vous feray. bt n eust esU
aueTe n'ay eu le lovsir de la faire coppier, pour l'avoir encore reeeue
'eut ^cestl heure, j-e vous l'eusse envoyé présentement. Dont lesd.ctz
I Bosna.^icraï, ca„ilalc .le la Bosnie, proviacc hongroise conquise par les Turcs
S^réï^^'è^'^"!?^'^" ir^a'TNÔ'In^n.a, ,.„nt ,n s.pnUure es. v.n.-ec dans ■•.«,.»
'X'^::\^'^VtS>^:::^^ --^.a. pas,, au service aes T„.c.
''■; "ceu" lôurê éia'n.le'soKeTtsl-riptum des précédentes, nous avons cm
dévoir la laisser à leur suite, maigre sa ilale.
[novembre loiO" GUILLAUME PELLICIER 163
protestants, se doubtans de quelque chose, sont aprez pour faire amas
de gens plus qu'il/, ne feirent \ona; temps a. Qui ne donne pas peu à
pencer audict empereur, lequel l'on dict debvoir estre à ccz Pasques
en ceste Itallye; et jà faict-on mettre ordreàMantoue pour le recepvoir,
et aux lieux circonvoisins la genilarmerye, et sur le Ferraroys pour
les gens de pied. Quant est de Hongrye, Ton avoit tous cez jours icy
nouvelles de Rome que la première nouvelle qui viendroit de là ne
seroit pas moindre que la prinse de Bude; mais ce jourd'huy l'on a
bien entendu icy le contraire, car l'on a eu adviz comme l'armée du
roy Ferdinando, tant pour la peste qui s'estoit mise dedans que pour
les grans froictz qui sont là, s'estoit levée et dispersée d'ung cousté et
d'aultre, et que une partie de ceulx de dedans sortirent dessus à ce
mouvement qui leur donnèrent très grande estroicte. Je ne sçay qu'il
en sera, mais si est-ce que l'on ne a plus icy telle réputacion de ladicte
entreprinse que l'on avoit auparavant.
« Monsieur, comme je vous ay escript par mes aultres lettres, ayant
trouvé la commodité de vous envoyer maître Guillaume l'orloger ainsi
que vous mesme m'avez mandé plusieurs foiz, luy ay baillé ceste com-
mission, laquelle, bien qu'il y ait pacquet du roy, si la faict-il, a aultres
despens, comme vous entendrez. Par quoy. Monsieur, si veoyez que
bien fust, il me sembleroyt advis que l'on ne feroit point de tort à
S. M. s'il vous plaisoit luy faire donner aultant que l'on eust peu faire
à ung aultre, si ceste commodité ne se fust adonnée présentement.
Dont pour le désyr et plaisyr que j'ay de son advancement, vous en
vouldroys bien supplyer, si comme dict est voyez que bien soit; sinon,
vous en ferez ainsi que verrez estre le meilleur. >>
Vol. -2, f'^86 Y", copie du xvi^ siècle; 1 p. 1/4 in-f".
PELLICIER AU ROI '
91. — "Venise], 29 novembre 1 540. — « Sire, j'ay receu la lettre
qu'd vous a pieu m'escripre du x'' de ce moys, ensemble ung pacquet
pour faire tenyr au seigneur Rincon; lequel, pour le maulvais temps
qu'il a faict, ay esté contrainct de garder jusques à hier. Et encore, pour
ce qu'il n'y avoit point icy de brigantin, à cause qu ilz n'estoyent
sceu venyr pour ledict temps, a faillu prendre une barque à poste pour
le porter jusques à Raguse; le patron de laquelle m'a promis y estre
dedans cinq ou six jours, s'il n'a bien fort le temps contraire. D'où
ordinairement l'on va à Constantinople en xxi ou xxii jours quant l'on
veut user de telle dilligence que l'on a acoustumé faire à porter les
aultres paquetz, qui ont esté envoyez par cy d'avant, ce que je pryeray
{. • Escript cedicl jour à M. le prieur de Garrigues.
160 AMBASSAIIE I)E [NOVEMimt l.iiO]
M. raiicve.s(iue do Ragiiso faire fairi', el encore meilleure s'il esl pos-
sible. Kl pour ce, Sire, (lue |»ar la diMiiière (léi<esclie que vous ay l'aide
du xii" dr ce uioys, ave/, peu entendre, tant par les lellres du seigneur
Rincon (pn' par les miennes, le succès de la paix de ce/. Seigneurs
aveciiues le (îranl Seigneur, el que depuys n'en est venu aullre chose,
vous diray tant seullement (jne comme suyvant ce que avoys escript à
V. M. cez Seigneurs avoir receu lettres de Lotplii Bassa, lOn m'a dict
davanlaige qu'ilz en ont aussi eu du Granl Seigneur en semblable sub-
stance : (jui est en somme pour se allégrer et congraluUer avecques
eulx de la paix et accord faicl entre eulx. Dont ledict (îrant Seigneur
avoit merveilleusement granl plaisyr, estant bien deslibéré de la
mainctenyret garder de son cousté, les confortant et exhortant aussi
que de leur part il/. i)rinssent bonne garde et enchargeassent bien à
leurs ministres de ne donner occasion de rompture, ains vouUoir faire
de bons voisins et porter bonne amytié, non seullement à luy, mais à
ses amys. Et en oullre m'a l'on dict (jue en ladicle lettre ledict Granl
Seigneur parle de V. M. tant honnoriflîcquemcnl, el tient propoz qui
expirent tant laflection et amour qu'il démonstre porter à icelle que
cez Seigneurs, aprèz l'avoir leue, en sont tous demeurez grandement
esmerveillez et presque eslonnez. Qui les faict croire que l'ambassadeur
que doibt envoyer icy le Granl Seigneur, qu'ils estiment debvoir estre
Janus Bey, comme vous ay escript, soit pour les exhorter et conforter
de faire estroite amytié et ligue avecques V. M., ou pour le moings de
ne donner aulcun ayde à personne contre vous. Et ne peulvent par
quelques discours qu'ilz sçaichent faire se adviser que ce soyt pour
aullre chose; el pour ce. Sire, que ledict seigneur Rincon ne me faisoit
rien entendre par les siennes dernières de la venue dudicl ambassa-
deur, je luy en ay escript par le brigantin mesmes qui les m'avoil
apportées, el que s'il advenoil ainsi que le Granl Seigneur y en man-
dasl ung, pour ne obmetlre rien à le recorder de tout ce que nous
povons adviser par deçà estre pour servyr à sa charge, nous a semblé
debvoir advertyr qu'il regardasl selon son meilleur adviz el jugement
s'il seroyt bon que ledict ambassadeur eust très expresse charge et
commission d'exposer el faire instance à cez Seigneurs de ce que
dessus, et semblablement de leur dire et déclairer ce que par les
ministres de V. M. luy seroyt proposé.
« Sire, puis naguères esl arrivé icy M. le duc d'Urbin, pour obtenyr
de cez Seigneurs, ainsi que j'ay entendu, une déclaracion sur certaines
préhéminences, qui esl d'avoir la congnoissence des gens de guerre
qu'il a soubz leur estât, affin de les choisyr, mettre et lever ainsy que
bon luy semblera; ce qu'ilz luy ont octroyé. L'ambassadeur duquel de
par luy m'est venu vooir, qui m'a tenu plusieurs propoz, et entre aultres
comme son maistre, congnoissant la bonté et verluz de V. M., désireroit
trop plus tost lenyr son party que de nul aullre prince, estant aussi
[NOVEMnRE 1340] GUILLAUME PELLICIER 167
bien certain qu'il en pourroit recepvoir trop plus grand bien. Et mes-
mement ayant très bien apperceu en la duché de Canierin quel espoir
il pcult attendre de ceulx (jue il se fyoit et suyvoit, et voyant, Sire,
qu'il avoit mandé vers moy sondict ambassadeur et que pour sem-
blable chose ceulx du pape et de l'empereur l'estoyent allé vooir en son
logeis suyvantl'ancienne coustume, me sembla debvoir faire la pareille,
et ce par le conseil et adviz d'aulcuns voz bons serviteurs qui sont icy.
Lequel, oultre ce que sondict ambassadeur m'avoit dict, s'efTorça me
faire encore bien entendre davantage pour combien de raisons il dési-
roit grandement vous faire service; à quoy luy foiz response en termes
généraulx la plus pertinente qu'il mo, fut possible, de laquelle feist
démonstration de demeurer bien salisfuicl, monslrant s'en asseurer
encorcs davantage pour les propoz qu'il en avoit entendu de la part
de M. le cardinal de Ferrare... »
Pellicier raconte au roi l'embarras dans lequel se trouve l'évéque de
Transylvanie, en l'absence de ses sauf-conduits, et comment il on a fait
demander à Constantinople. « ïoutesfoiz à grant peyne y sçauroyt l'on
user de si bonne dilligence qu'il ne soit l'Epiphanie avant que le mes-
sagiersoit icy de retour, nonobstant qu'il seroit bien nécessaire que le-
dicl seigneur évesque fut à Budde avant que les ambassadeurs de
llongrye, qui estoyent allez vers le Grant Seigneur, y soyent arrivez
pour beaulcoup de raisons que V. M. entend trop mieulx.
« Sire, l'on a eu icy nouvelles comme l'empereur esloit bien hors de
sesdesaings de faire en Allemaigne à ses diettes tout ce qu'il pençoit,
et mesmement avecques les protestants : dont avoit faict les plus
eslroites ordonnances et édicts contre eulx en ces pays de Flandres
qu'il n'avoit jamais faict. Lesquelz, se doublant de quelque chose,
sont plus aprez pour faire amas de gens qu'ils ne feirent longtemps.
Et dict l'on aussi que ledict empereur ne s'en vient tant chargé de
millions d'or de ce cousté là que les Impériaulx avoyent semé icy
le bruict; car, si ainsi estoit, ne chaircheroit en tout le pays de
Flandres de remettre les deniers qui luy ont esté accordez par les gens
du pays à quarante-cinq pour cent, si on les voulloit advancer, ne
aussi à Millan de bailler vingt-quatre pour cent à ceulx qui luy voul-
droyent avancer argent. Et les assuroit sur les meilleures entrées du-
dict duché, comme le sel et telz aultres prinses, mais n'en a sceu trouver
pas ung qui ait voullu ce faire. Il a déjà faict remettre deux cent mille
écus d'Espaigne. Et pareillement ont esté portez à Naples cent vingt mil
escuz que le pape luy a baillez en desduction de l'achapt que a faict
Sa Saincteté des contez de Altamura et Tarento en Calabria ' qu'il a
achetez cent mil escuz pour inféoder au seigneur Ottavio et à madame
Margueritte, et à leurs enfans masles et femelles, d'aultant qu'il n'avoyt
1. Le texte porte par erreur : Calibia.
108 AMUA.sSAi»E m: [novemuki: i:i4oJ
infrodé Camciiu <iuc' pour les cufans masles. L'on s'allencl m ccsle
llalk' (juc It'mpori'ur y sera environ Pastjucs, et jà à Manlouc a l'on
faicl préparer pour sa personne, et sur les lieux circonvoisyiis pour la
gcndarnierye; et en aulcuns lieux du Ferraroys ou enlendoil que l'on
voulloil faire les logeis pour les gens de pied.. ».
Pellicierraconle comment deux galères vénitiennes ont pris, près de
Chypre, <» deux fustes mores » et en ont massacré l'équipage, sans
excepter les chrétiens ni les femmes qui s'y trouvaient. Les Vénitiens
s'en excusent près du Grand Seigneur « en luy mandant par ung de leurs
secrétaires cent quarante mil ducal/, chequiiis, qui peulvent valloir
cent quatre vingt mille escuz, en desduclion des trois cens mil escu/,
qu'ilz sont tenuz luy bailler.
« Sire, depuys avoir faict la j)résente, M. l'évesque de Transylvania
m'a envoyé dire qu'il attendoit de jour en jour ung de ses gens venant
de Hongrye, par lequel Ton pourroit estre certainement adverty des
nouvelles de ce quartier là; dont m'a semblé debvoir diflërer jusques
ad ce qu'il fust arrivé. Et ainsi latlendanl de jour en jour, la présente
dépesche a esté retardée jusques à ce jourd'huy W décembre qu'il est
arrivé. Lequel est passé par Pest ', au devant de Bude, et dict que
jamais l'exercite du roy Ferdinando n'a aproché de Bude nove de
quatre grans lieues, ne passé Bude vieille -; et que tant s'en fault qu'ilz
soyent jamais venuz assaillyr ceulx de ladicte ville de Bude; qu'ilz
ont eu assez afl'aire à se defTendre contre les issues et venues que
Valentino Turec, quelquefois à cheval et aultres fois à pied, leur a
souvent données, de sorte qu'ils ont bien entendu qu'il ne failloyt qu'ilz
s'adressassent à vouUoir assiéger Bude. Et ainsi sont tournez en arrière,
et entend l'on qu'ilz ont reprins à assiéger Vicegrade, chasteau ou plus
lost maison de plaisance des roys de Hongrye, auquel en allant à Bude
avoient faict quelques assaulx, et avoient prins certaine tour laquelle
est au bas en la closture dudiet chasteau, qui leur fut vendue bien cher,
pour y estre demeurez plus de cinq cens hommes. L'exercite du roy
des Ilommains n'arrive pas à neuf mille personnes, combien qu'ilz font
couryr le bruict d'eslre xvi mil. Le conducteur duquel est Léo-
nard Felx ". Et entend l'on que ledict roy est mal content contre
Périmpeter * et l'évesque d'Agria, qui s'en estoyent fuiz vers luy, pour
l'avoir conseillé et conforté de mander à ceste entreprinse, n'ayant
trouvé ce qu'ilz luyavoyent donné à entendre : dont ledict Périmpeter
1. Pcslh, sur la rive gauche du Danube, en face de Bude. C'est aujourd'hui la
jilus belle, la plus riche el la plus industrieuse cilé de la Hongrie.
2. Bude (en allemand Ofen), capitale de la Hongrie, située sur la rive droite du
Danube, au penchant d'une colline en amphithéâtre.
Le Vicux-Bude (alleni. All-Ofen, hongr. 0-Buda), forme une sorte de faubourg
au nord de Bude, sur la même rive du Danube.
.'{. Léonard Fcls, généralissime de l'armée de Ferdinand devant Bude.
4. Pierre ou Peter Pérénvi.
[novembre liiiOj GUILLAUME PELLICIKfl ' 169
s'estoit retiré à sa maison. Dedans Bude estoyent quatre mille arque-
busiers, desquels y en avoil mil cinq cens Ratziens, bons gens de
guerre, que le seigneur Pelro Vie ' avoit amenez; et outre lesdictz
quatre mil y avoit deux mille vassaulx ou souldars que les aultres
barons y avoyent conduictz. Dict aussi que le jeune roy a esté baptisé,
et l'ont tenu sur les fonls Vallentino Thurec et M"" frère George, évesque
de Varadin; et luy a esté mys le nom de feu son père, combien que on
eust escript de Rome qu'il avoit nom Estienne. Ledict messaiger a
rencontré ung Sirec Vayvoda -, homme de grant répulacion en la cour
dn Grant Seigneur, lequel disoit que les ambassadeurs de Hongrye
s'estoyent partys de Constantinople, mais que sur la venue de Laski le
Grant Seigneur les avoit faict rappeller. Et disoit en oultre ledict Sirec
que estant arrivé à la Porte ilespéroitde remonstrerau Grant Seigneur
les bons portemens dudict Laski, lequel, cependant que son maistre et
les siens font toutes hostillitez contre les alliez du Grant Seigneur, va
faire semblant de chaircher paix etamytié, de sorte qu'il espéroit bien
qu'il ne s'en retournera jamais. Ledict messaiger dit oultre avoir entendu
que autour de Bellegrade estoyent ordonnez, et en plus grant partye
assemblez, environ le nombre de cinquante mil ïurcqs, lesquelz n'at-
tendoyent sinon que l'exercite du roy Ferdinando arrivast autour de
Bude pour les venyr veoir. » ■
Vol. -\ f'' 87 \°, copie du xvi<= siècle; 5 pp. inf'^.
PELLICIER AU CONNÉTABLE.
92. — [Venise], 29 novembre 1 540. — Monseigneur, vous verrez par
les lettres que j'escriptz présentement au roy l'ordre qui a esté donné
pour envoyer le pacquet au seigneur Rincon, que je rcceuz avec celles
de S. M. et les vostres du \° de ce moys, et le tardement d'icelluy à
cause du maulyais tem.ps; qui me gardera vous en faire aultre répéti-
cion; ne pareillement de ce que luy escriptz touchant l'ambassadeur
que l'on dict debvoir mander icy le Grant Seigneur. A quoy cez Sei-
gneurs se attendent tousjours bien; mais, pour ne m'en avoir rien
esté mandé par le seigneur Rincon, je ne sçay que en pencer, cong-
noissant mesmement la coustume de leurs ambassadeurs estre de les
advertyr de tout ce qu'ilz peulvent entendre et conjecturer d'eulx-
mesmes. Or, Monseigneur, en advienne comme se vouldra; si n'ay-je
voullu obmettre de vous en advertir de bonne heure, affin que s'il en
vient ung, voslre bon plaisyr soit me faire advertyr de ce que je auray
à faire. Je suys tant asseuré que Vostre Excellence, congnoissanl mieulx
1. Petrovics.
2. Sirak Vayvoda.
170 AMUASSADK DE [noVEMUKE 1,",40,
11! iialuiL'l de Icllos pous i\n'\ ne fonl Icoi» voiillentiers les choses s'ilz
ne se voyenl adiaiesse/. par présens, fera j)ourvcoir tant bien à tout ce
qu'il sera requis, qu'il ino sembleroil vous estre importun de vous en
rien dire; seullenicnt m'en recommande humblement à vostre bonne
gnïce.
« Monseifrncur, quanl aux nouvelles de Honprye, l'on en est icy si
très mal ailverty, et encores ce peu que l'on en entend est lant incertain,
que l'on ne S(;ait bonnement que en croire. Toulesfoi/ je ne ^array de
adverlyr Voslre Excellence comme l'on en a eu icy semblable adviz
que à Homme; c'est que deux bandes d'AUemans estans entre/ en Bude
avoyent estez deffaictz. Et semble qu'il en soit quelque chose; car
certains AUemans, desquels y a icy grant nombre, dont les aulcuns
sont miculx advertiz parlicullièrement de ce cousté là que aultres de
deçà, voullans excuser cecy, le desguisent, disans qu'il en avoit esté
dellaiclz quelques ungs par traînées de feu que ceulx de la ville
avoyenl faicles, et non aultrement par faictz d'armes de ceulx dedans.
El si a l'on davanlaige que pour les grants froictz qui sont là, et aussi
pour quelque peste qui s'est mise au camp du roy Ferdinando, et
faultes de municions, l'exercite s'est levé d'autour de ladicte ville et
s'est dispersé et allé d'un cousté et d'aultre. Quoy voyant, ceulx de la
ville sortirent en assez bon nombre, et à ce mouvement leur donnèrent
une bonne estraincte. Qui est bien pour faire perdre l'espérance de
l'enlreprinse que les Impériaulx avoyent mise icy avant, que la première
nouvelle qui viendroit de ce cousté là ne seroit pas moindre que de la
prinse de Bude.
« Monseigneur, il y a cinq ou six jours que ung des faulconniers du
roy, nommé Theodoro Brassa, de Mayne ', arriva en ceste ville avecques
une assez bonne quantité de faulcons. Dont le lendemain fuz vers la
Seigneurie pour avoir ung saufconduict ainsi que l'on a accoustumé
faire ordinairement; et le jour d'aprez se partyt d'icy pour s'en aller
vers S. M.
'< Monseigneur, j'ay veu l'article qu'il vous a pieu m'envoyer touchant
ce que M. de Rhodez vous a escript de la plaincle que M. le général de
l'ordre Sainct-François luy avoit faicte de moi; dont je vous mercye
très humblement de la bonne affection et protection que en ce et en
toutes aultres choses il vous plaist me démonstrer. Je n'eusse pas
estimé que moy à qui la chose touche, je ne diray pas à aultre, eust
deu vous donner cest ennuy de vous faire entendre telles choses,
sçaichant très bien les importantes et infinycs occuppacions que avez
1. Maina ou Magne, région de la Moréc comprenant nne partie <lc l'ancienne
Laconie, entre les golfes de (]oron cl de KoloUylliia. Les Maïnotes, fort braves, mais
indiseiplinaldcs, ont été de tout temps adonnés au i)nganilagc et à la piraterie.
La fauconnerie royale se recrutait alors en grande partie parmi les Grecs et les
All)anais (V. Cat. des actes de François I").
[novembre 1540] GUILLAUME PELLICIER 171
à meilleurs affaires; à tout le moiugs j'eusse trouvé raisonnable que
on vous eust faict entendre le tout comme la chose est passde, et
mesmement comme la nouvelle est venue à la notice dudict seigneur
général : car là on eust peu voir qui est cestuy là des deux, c'est de
moy ou de celluy qui Ta descouverte, qui a faict le mal office. Or,
Monseigneur, puys que de vostrc grâce il vous a pieu m'en advertyr, et
que la chose en est si avant, me semble que ne sera inconvéniant que
je vous donne compte dudict affaire comme il est passé. Si en premier
lieu je premottray que je prieray toujours à Dieu ne me laisser vivre
jusque là que je soys ainsi délaissé de sa grâce, que je vinsse à calom-
pnier ne dénigrer contre le debvoir homme du monde, tant moings
ung chef de tel ordre; mais si est-il. Monseigneur, que pour le ser-
ment que j'ay à Dieu et au roy, et pour le debvoir de la charge qu'il a
pieu audict seigneur me enjoindre, je ne doibz ne puys espargner en
ce que touche le bien, honneur et repoz de S. M., selon que j'en puys
estre deuement adverty, que je ne luy face sçavoir. Aultrement, Mon-
seigneur, vous sçavez mioulx combien je mcsprendroys contre icelle.
Dont, Monseigneur, ayant esté adverty d'ung personnaige lequel, non
seullement de mon temps, mais de mes prédécesseurs, a acoustumé de
donner telz advertissementz que quant à mon endroict il m'a semblé
tousjours les trouver aussi seurs que de nulz aultres que soyent par
deçà, ay escript en telle sincérité, et m'ont estez baillez sans y changer
rien, ce que je n'eusse laissé à faire ne feray quant seroit bien contre
mon propre frère. Ce néantmoins. Monseigneur, vous entendez trop
mieul.v sil affiert à ung domesticque de court et homme de tel degré
comme est frère Jehan Fabri, évesque de Auren. *, de non seullement
réveller les secretz du roy, mais les donner à entendre aultrement et
plus agravez que en vérité ilz n'ont esté escriptz; car ne se trouvera
jamais que j'aye escript qu'il ayt mesdict du roy ne moings qu'il ayt
esté en colliège ne aultre lieu publicq, queledict Fabri l'a rapporté par
sa lettre dont je vous envoie le double. Quant à moi, il m'a faict bien
peu fralernel office de mavoir indicqué à son général, que pleust à
Dieu qu'il eust eu de meilleurs occupations; car j'en avoys et ay encores
assez sans m'aller attacher au principal d'entre eulx, que je reffuseroys
aultant d'avoir affaire au moindre que à quelconque aultre bien grant et
puyssant seigneur. Je suys adverty que ledict seigneur général me
menace du cousté du pape, de l'empereur et du roy, comme povezveoir
par ce que .M. de Rhodez vous en escript. Ce néantmoings, ayant la
vérité et la sincérité pour mes deffenses, je ne m'en travailleray aul-
cunement qui ne m'y attirera davantaige; mais tant seullement vous
1. Frère Jean Fabri, franciscain, évèqvie in pnrfibus- d'Aiiria ou Aureipolis, dans
la province d'Eplièse, devenu coadjutcur de Nicolas de Gaddi, cardinal évoque de
Sarlal (V. Annales Minorum, t. XVI, p. 471).
17> AMBASSADE Di: [nOVEMBIIE i540]
siipplyt', Monscif^noiir, nie inainclcnyr loujiMirs en voslro bonne pro-
t('cti<»n cl saulvt'gardi'...
« Monscij^nonr, dcpuys avttir laid la présiMilo, M. ICvcsque de
Transylvania m'a dicl ([uo ayant entendu que l'évesque d'A{;ria s'estoit
retiré vers le roydes Uouiains avecques mil cinq cens chevaulx et deux
cens j^entilzhommes, et (}u'il avoyl escripl au pape, prolestant voulloir
vivre et mourir avccciues lesclirestiens, et remonslrant que en toutes ses
choses n'avoit jamais faiily au feu roy Jehan de Ilongrye jusques à sa
mort, tant en son adversil»'; quen saprospéi'ité; mais, voyant que ledict
roy Jehan avoil plus lost premys l'amour du filz que le bêueilice du
royaulme, que comme chrestien et prélat ne povoit manquer à sa foy,
ayant soubscript les cappilulacions de l'accord que feist ledict feu roy
Jehan avecques celluy des Romains, consentant que aprez sa mort ledict
royaulme tournastàicelluy roy des Romains, et que ses enfants se con-
tentassent du patrimoine et du conté de Slezia : dont, pour toutes ces
causes, ledit seigneur évesque avoit escriptà M. le cardinal Verulanus ',
ainsi que Vostrc Excellence pourra veoir, s'il luy plaisl, par ung double
de sa lettre qu'il m'a baillé pour vous l'aire lenyr. »
Vol. -2. fo 90, copie (lu wi^ siècle; 2 pp. 3/4 in-f'^.
PELLICIER A M. DE VILLANDRV.
93. — []'enise], 29 novembre '/ô40. — « Monsieur, je ne vous feray
aulcunc répéticion de tout ce que j'escriplz présentement au roy, estant
bien certain que ce ne vous seroit que redicte; mais tant seuUement
vous diray comme puis naguères est party d'icy le magnillicque messire
Malheo Dandolo, patron de la maison oii de longtemps ont acoustumé
loger les ambassadeurs dudict seigneur, et où suys encore de présent,
ayant esté mandé par ceste Seigneurie ambassadeur vers S. M., comme
ay escript par cy davant. Et pour ce qu'il est homme qui s'est de tout
son temps trop plus adonné aux lettres philosophiques que en aultre
chose, et aussi qu'il est de sa nature assez solitaire, aulcuns bons ser-
viteurs du roy, le congnoissant tel, m'ont faict entendre qu'il seroit bon
de le faire entretenyr et acharesser mesmement par gens de lettres et de
sçavoir, luy démonstrant plus de bennevollence que faire se pourra;
car cela certainement luy augmentera grandement le voulloir qu'il
pourroit avoir à S. M., et par ce moyen faire tel office en sa charge
que, comme sçavez très bien, les affaires du cousté de deçà ne s'en
pourront que mieulx porter. J'ay puis naguères esté adverty que S. M.
vouUoit qu'on luy escripvist entièrement toutes nouvelles; dont m'a
1. Ennio Filonardi, évoque de Véroli (1503-1546), de Monlefellro (1538-1549),
d'Albano (15i6-15i9), cardinal (1538), iiiori à Rome le 19 décembre 1549.
11 avait été l'ami cl le correspondant d'Erasme.
DKCEMniu: i;)40J Guillaume pellicier 17;{
convenu faire ma lettre ungpeu plus grande que de coustumc. Je vous-
supplyc me faire tant de bien do m'advertyrsl je auray à continuer, ou
de ce que je en aurai à faire doresnavant... »
Vol. 2, 1"'' 91, cupif du wi" -siècle; 1 [). iul".
l'ELI.UaEU A M. UE LANCEV.
94. — [Ve7iisc], .2 décembre 1540. — Pellicier lui fait part des nou-
velles énoncées dans la lettre au roi du 29 novembre. Il lui envoie en
outre une lettre « pour le magnifficque messire Matheo Dandolo, qui
sen va ambassadeur en France «.
« Je vous supplye, poursuit-il, si d'adventure, lorsque la recepvrez,
voyez le moyen de la luy faire lenyr avant qu'il fust arrivé à la court,
([uil vous plaise de ce faire ; sinon la luy envoyer seurement la part où
il sera...
w Monsieur, il y a icy ung gentilhomme lequel, ayant preste ung
cheval au dernier messaiger qui s'en est retourné vers vous, nommé
Raymond Ilaslaris ', à l'aultre voyaige en s'en retournant de cestc
ville, tant pour eslre affectionné au service du roy que aussi pour
avoir cogneu ledict Raymond en ma maison, — je désirerois grande-
ment que la raison luy en fust faicte, attendu mesmement qu'il y a
tesmoing comme il a mené ledict cheval jusques à ïliurin, bien qu'il
nous eust dict qu'il estoit mort par chemin. A cesle cause, je vous
supplye en faire telle justice que congnoistrez trop mieulx estre le
debvoir; car, à dire la vérité, ce n'est pas la raison que ledict gen-
tilhomme perde sondict cheval, et plus tost vouldroys l'en satisfaire et
contenter. »
Vol. 2, f'^ 01 V", copie du wi" siècle: 1 p. iii-i".
PELLICIER A M. DE TULLE.
95. — [Venise], 2 décembre 1 540-. — « Monsieur, depuys la vostre
du m" septembre, à Rouen, je n'en ai receu aulcunes de vous, sinon
une escripte à Saint-Pry^ et l'aultre à Paris, du pénultième octobre,
lesquelles j'ay receuz tout en un pacquet; qui me faict pencer que
celle, où m'escripvez estre l'ordre et provision que de vostre grâce
m'avez faict donner pour les escripvains en grec, ait esté égarée, vous
1. Raimiintlo Uastaris, courrier. Il est appelé plus loin Hostaris (dépêche du
20 mai loi), à M. de Larij,'cy).
2. Le copiste a écrit par erreur « II' novembre ».
:L La cour séjourna à Saint-Prix, alijjayc bém-dicline située au diocèse de Noyon
(.\isne). du 10 au il octobre. Le roi s'y trouvait encore le 2'k et ne rentra à i'àris
que dans les derniers jours du mois (V. Catalofjue des actes de François l", t. IV,.
p. 146 et suiv.).
17+ AMHASSAItE DK OÉCKMIîUE 1540]
asseuranl, Monsieur, (fue j'ay eslé j^raiidemtMit en soucv pour n'avcjir,
loni;lcnipsavoil, ou de vo/. nouvelles, me ilouhlanl, (jue Dieu ne vueille,
ne fussiez, demeuré nuillade comme enlendious icy eslre heaulcoup
daullres seij<ueurs au voyage de Normandye'. Pareillement je n'ay
point receu la commission que le roy a donné à ce gentilhomme grec*,
comme semble m'escripve/. par ladicle vostre du pénultième octobre.
Lequel csl rrvciiu de Rouune, et luy ay tenu le propoz tel que me
semble que trovez meilleur touchant ladicle commission; qui m'a faict
entendre (ju'il ne vouldroit<iu'il fust estimé voulloir faire marchandise,
pour eslre homme ([ui a vesru jusques icy honorablement comme sa
lignée a faict jusques à présent, et tant moings vouldroit-il advancer
ung tournois, faisant service à S. M., de laquelle il se tient esclave et
les siens éternellement, ains luy servyr de sa propre vye, non seulle-
ment de ses faculté/.. Ce néantmoins, s'il vous semble que par ce moyen
que m'escrivez ou aultre il doibve faire service plus agréable au roy,
il ne relTusera rien qui lui soit commandé à son possible. Par quoy,
Monsieur, il vous plaira en disposer et, me mandant la commission et
lettres au seigneur Riucon pour avoir son saufconduict, m'envoyer
vostre dernière résolution ^.
« Nous continuons tousjours l'œuvre à faire escripre, et avons entre
aultres escripvains dedans Sainct-Anthoine mesmes ung religieulx*,
lequel je congnois depuys que estoys à Romme pour m'avoyr escript
quelques pièces de livres. Lequel painct * aussi bien et aussi correct
que nul aultre que soit icy, qui, pour gouverner la librairie dudict
Sainct-Antlioine, plus aisément nous pouU servyr de ce ([ue vouldrons
faire transcripre d'icelle que tout aultre; car aultrement n'y a ordre
de deschesner *• et tirer les livres d'icelle de là dedans, si n'est par la
1. Les «léplacements de Franrois 1", durant son long rèijrne. furent conlinnels.
onlrainant forcément ceux de la conr et des ambassadeurs qui étaient tenus alors
d'accompagner le roi dans ses voyages. Matteo Danilolo nous montre, dans sa rela-
tion de l."jl2. Franrois I" « vagando sempre per tu lia la Francia « (V. Baschct,
Diplumnlie vénitienne, p. 403).
2. Antoine Eparchos.
3. La lettre par laquelle François V accrédilait Eparchos auprès de Rincon est
datée de Fontainebleau, le 13 novembre loiO; elle a été publiée, d'après une copie
de la Hibliothéque Vaticane, par M. Léon Dorez, dans les Mélanf/es d'archéologie
et d'histoire de l'École française de Rome, t. XIII (.l«/0!ne Eparque, recherches sur
le commerce des }>iss. i/reca en Italie; Home, l><'.t3. in-cS", p. "). Déjà précédemment
Eparchos avait re<;u du cardinal Hcmbo, cnnservaleur de la bildii)lliè(|ue de t^aint-
-Marc à Venise, — lors de son départ jiour Uume, — une lettre de recommamlation
pour le cardinal .Messandro Farnese, en date du 7 octobre loiO (V. Emile Legraml.
Bibliof/raph/p hellénique. XV'-XVI" ss.. Paris, i vol. in-S", t. I. pi>. CC.X-CCXXVII).
4. Sans doute s'agil-il ici de Valeriano Albini, de Forli, chanoine régulier du
Saint-Sauveur, au monastère de San Antonio de Venise, qui copia dans celte ville,
de lolO à 1.Ï13, un certain nombre de manuscrits grecs (V. H. Ouiont, Cal. des mss.
f/recs de G. Pellicier).
5. C'cst-h-dire calligraphie.
6. On sait que, durant tout le moyen âge, les manuscrits précieu.v étaient enchaî-
nés dans les bibliothèques, par mesure de précaution.
[décembre 1d40] GUILLAUME PELLICIER |7;;
licence et commandement de monseigneur le révérendissime cardinal
Grimani, lequel est à Uomme'. Par quoy, s'il vous sembloit bon et
vous plaisoit luy en faire escripre par le roy une bonne lettre et la
m'envoyer icy, je suys asscuré que, pour la dévotion qu'il porte à S. M.,
nous serions patrons de toute ladicte librairie, laquelle, comme bien
sçavez, est douée non seullement de bons livres grecz, mais aussi de
très rares en hébrieu, et cncores en latin de telz que pour leur anticquité
Ton peult amender beaulcoup de bons lieulx es meilleurs et plus
anciens aucteurs en icelle lengue; et en oultre par ce moyen l'on pour-
roit à Tavenlure recouvrer de trop plus excellans et rares livres grecz
que, comme j'entendz, ledict seigneur cardinal a arrière soy.
« J'ay recouvert ce beau monument danticquité de Juslinus philo-
sophus et marlir^; cez commentateurs grecz que j'attendoys de Millan
sur les Proverbes, Ecclésiasticques et Job ^ ne sont point encores arrivez
icy, mais cependant en son lieu j'ay recouvert L'ustatius sur la Odissée,
escript de la main de M. l'arcevesque de Malvoisie*, lequel j'estime
que avez congneu et pour sa souffisence povcz juger la bonté et cor-
rection dudict livre. J'ay aussi acheté quatre livres de l'Iliade^ et en
fays escripre jusques à neuf; c'est aultant que jusques à présent s'en
treuve en ceste ville, mais j'espère les faire parachever d'une mesme
main en Boullongne^ oii elle est, comme j'entendz, tout entière, s'il
plaira au roy que je continue quelque temps l'ouvrage. Par le premier,
j'espère vous envoyer le cathologue de tous ceulx qui ont esté escriptz
tant de Sainct-Anthoine que d'ailleurs; à présent ne vous envoyé que
1. Marino Grimani, évêque de Cénéda (Io08-loi7, Io32-1o40, 1545-1546) et patriarche
d'Aquilée (15n-lo29, 1533-1545), cardinal (1528), mort le 28 septembre 1546. Neveu
<lu cardinal Domenico Grimani. qui avait fondé la bibliothèque de San Antonio,
et théologien distingué, il publia, pendant le séjour de Pellicier <à Venise, des com-
mentaires latins sur les épitres de saint Paul aux llomains et aux Galates (Venise,
Aide, mars 1542, in-4"). Le pape Paul 111 lui avait confié le commandement des
galères de TEglise dans la dernière guerre contre les Turcs, cl le chargea de missions
importantes auprès de François \" et de Gharlcs-Quint.
2. Sans doute le ins. grec 450 de la Bibl. Nat. (V. H. Omont, Cat. des }nss. r/recs
de G. Pellicier).
3. Peut-être le nis. grec 151 de la Ribl. Nat. (V. H. Omont, loc. cit.).
4. Peut-être l'un des volumes <lu n" 3tJS de la Ijiidiothèque de Clermont (V. II.
Omont, loc. cit.), ou le ms. grec 2703 de la liibl. Nat.. selon M. Zeiler (loc. cit..
p. 123).
.\rsène Aposlolios, lils du célèbre érudit grec Michel Apostolios, réfugié en Occi-
dent après la prise de Constantinople. .Vrchevêque de Malvoisie, aujourd'hui Mo-
nembasie. il a transcrit lui-même plusieurs manuscrits grecs fort précieux; on a de
lui quelques lettres adressées à Antoine Eparchos, aux papes Léon X, Clément VII
et Paul m. 11 mourut à Venise en 1535 (V. Zeiler. loc. cit.).
5. C'est le ms. grec 269S de la Bibl. Nat., également copié par Arsène Aposlolios,
comme l'indique une note en écriture italienne, du xvi° siècle, ajoutée sur l'un
des feuillets de garde de ce manuscrit, qui contient le commentaire d'Euslalhe sur
les chants X à XIll de l'Iliadt; (V. H. Omont, loc. cit.).
L'édition princeps des Commentaires d'Eustathe sur l'Iliade et l'Odyssée parut
à Rome chez Antonio Bladi, en 1542 (V. Zeiler, loc. cit.).
6. Bologne.
|7t; AMDASSADE DE DKCK.MnilK lillOj
le calholoj^iio de la liljrairie de l'iorence ', lequel à mon advi/ ne trou-
verez desj;arny de assez, bons livres, et ne vous envoyé point eelUiy de
Sainct-Marctj -, pour ne lavoir aullrenienl recouvert que ainsi qu'ilz
ont esté porU'/. ployez, dedans leurs collres, lequel jay depuys qu'es-
toys à Uonie. Si Je ne le puys av(»ir en aullre ordre, le vous inan-
deray ainsi (pie l'ay. J'ai bien aussi celui de Itonie et dUrbin';
mais je attend/, de jour tu Jour celluy de Rome*, lequel M. le hiMio-
Ihécaire du pape ^, mon sin^ullier frère et amy, me doibt envoyer
mieulx en ordre au premier jour. Si Je ne les vous pourray mander
tous 'i un}; coup, ce sera pour eslre occupé, comme sçavez,, à aultres
alViiires. Ce uéantmoins ne larray Jamais aller messaiger de là sans
vous en envoyer au moings ung à la loi/., jus([ues ad ce que ayez le
tout.
« Quant au calliologue, des deux cens vingt-deux pièces de livres,
que je vous ay mandé par la mienne du viii« octobre, Je verray de
entretenvr lairaire et le personnaige, que, s'il est vray et y a moyen
de les recouvrer, aultre, s'il plaist à Dieu, n'en aura l'advantaige que
le rov. Je suvs adverty que lesdiclz livres sont bien avant en la Natolye ",
et comme par bonne advenlure sontjusques dedans la Gallatia'', qu'est
bon ome», s'il plaisoit à Dieu de espérer qu'ilz deubsent venyr en la
meilleure Galaiia^, de tout ce que j'en pourray trouver davantaige ne
fauldray à vous en tenyr bien adverty.
(( Monsieur, je ne vous sçauroys assez remercyer de la bonne provi-
sion, qu'il vous a pieu me faire donner tant pour le seigneur Démélrio
Zéno que pour les deux pièces de livres que vous ay mandé et aussi
pour les escripvains grecz, vous asseurant que l'argent ne sçauroit
venvr si tost qu'il ne soit mieulx à propos pour le contenter. J'ay
cependant retiré ledict Démétrlo en ma maison avecques ung sien
1. La liililiollièque do Florence, l'une des ])lus célèbres de toute lltalio, avait eu
pour fondateurs Cusinio et Lorenw dei Medicis.
2. La bililioliiéque de Saint-Marc de Venise, fondce par le cardinal IJcssarion, cl
riche en ouvraj:es précieux.
3. La l)iMinllH"'f|uc d'Urliin. constituée au siècle précédent par Federif.'o de Mon-
tefeltro. premier duc dUrbin, qui i-égna de IV3i à 1182 (V. Zellcr, /oc. cit., p. 12!).
4. La bibliothèque du Vatican, que les papes Sixte IV. Jules II. Léon X et Paul l\\
contribuèrent le plus à former.
•■;. ,\Rostino Steuco, «lit Ewiubinus. né à Guldtio au duché d'Urbin, chanoine
rétrulier de la confiréf-'ation <lu Saint-Sauveur, ancien bibliothécaire du couvent de
San Antonio, à Venise, avait, depuis 153X, la ^arde de la bibliothèque Vaticane
(V. Tiraboschi, Sloria délia Ulteratitra ilaliana, t. Vil, pp. 221 et 225). Évêque in
pitrlibus de Cissamo en Candie, il a composé divers commentaires sur l'Écriture
sainte.
6. L'Analolie, province de l'Asie Mineure.
7. La fialalic. ancienne contrée de l'.Vsie .Mineure correspondant aux sandjakats
<r.\.ngourieh 'Aniiora) et de Kian^ïari en .\nalolie.
8. Pellicicr, équivoqiiant sur les mois, voit un bon présaire dans ces livres qui,
d'une Galalie, ont chance de parvenir bientôt dans l'autre, meilleure encore, qui
est la Gaule ou France.
[décembre loiOj GUILLAUME PELLICIER 177
neveu, lesquelz, ensemble ung aultrc grec doclissime ' et M. Martin-,
tous siiHisans à meilleures cntreprinses, sont journellement à rescrutier
et corriger bons aucteurs grecz avecquesle plus d'exemplaires que l'on
peult trouver. Et d'aultre part y a céans quatre qui rescrutient Pline
avecqucs trois bien anciens exemplaires dudict Pline ^, labeur qui je
pense pourroit estre non moings fruclueulx, si l'on a le temps d'y con-
tinuer, que de quelconque aultre œuvre que l'on sçauroit entreprendre
en semblable chose.
« Monsieur, il me desplaist, aultanl que de chose qui m'advint en
ma vye, qu'il ne m'a esté possible de trouver le moyen l'aire porter
seuremont les livres du seigneur Eparcho avecques les coflres du
magnillicque seigneur Matheo Dandolo à S. M., lequel ne se altendoit
de partyr si tost; mais lui fui commandé, sur certaines grans peynes,
qu'il eust à se partyr soubdainement, de sorte que luy-mesme ne
povoit pencer comme faire conduyre les siens, si n'est par sufTraiges
mendiez, et ne sçay encores comme il en aura faict. Je vous supplye
m'en tenyr excusé, si besoing sera, envers S. M., et j'espère que pour
avoir esté délayé quelque temps il ne se perdra rien, ains se gaignera
tousjours quelque chose ; car depuys, rechairchant lesdicts livres, avons
trouvé certains commentaires sur Aristote, De parlibus animalium et De
generalione, sur Parva iiaturalia, — innominalo auctore, qu'ilz estoyent
i\c Philoponus, aultrement Joannes grammaticus\ lesquelz, sauf /?e
ijenevatione, l'on tenoit pour totallement perduz et désirez de tous
ceulx qui congnoissent l'excellence dudict aucteur. Nous verrons tant
de ceulx icy' que aultres les baptiser et restituer en leur entier, afiin
qu'ilz puissent comparoir estre dignes d'un si grand prince... »
Vol. 2, f*^ 92, copie du xvi" siècle; 3 pp. 1/4 in-f*^
1. Probablement Nicolas Sophianos, de Corfou, copiste fort habile, employé au
service de l'ambassadeur impérial à Venise, Diego Hurtado de Mendoza, et qui
travailla également pour le compte du roi de France (V. Delisle, Cab. des Mss., t. 1,
p. 153).
■2. Martin Akakia, sans doute.
3. L'érudit évèque de Montpellier s'occupa toute sa vie à étudier l'Histoire uni-
verselle de Pline, sur laquelle il rédigea de précieux commentaires, conservés
autrefois dans la bibliothèque des Jésuites de Paris, et dont la Bibliothèque Natio-
nale possède encore aujourd'hui une copie partielle dans le ms. latin 680S (V. ZcUer,
loc. cit., pp. 3o à 38).
4. Les Commentaires de Jean Philoponos, grammairien d'Alexandrie, mort vers
6G0, sur le De qeneralione d'Aristote, avaient été imprimés à Venise, dès 1526, par
les frères de Sabio. Ceux sur le De parlibus animalium et les Parva naturalia son\,
contrairement à l'opinion de Pellicier, de Michel d'Ephèse et ont été publiés, le
premier à Florence en 1548, chez Giunta, le second à Venise, en 1527, chez Aide
(V. Zeller, loc. cit., p. 124).
Vemse. — 1540-1542. *2
178 AMBASSADE DK [nOVEMURE 1540,
PELLICIEIl A M. DE HODE/ '.
96. — ^Vrnisc], 2 S nov»-mbrc 1040. — « Monsieur, par les miennes
dernières du xir de ce moys, vous ay adverly amplement de tout ce
que avois louchant la paix de ce/ Seigneurs avesques le Grant Sei-
gneur, et pareillement de toutes aultres occurrencos que avois lors;
dont, pour nr m'eslre presque rien survenu dcjKiys, ma revanche sera
bien maigi'O pour cesle heure aux nouvelles que m'avez escriples par
la voslredu xx-' du présent. El vous diray tant seuUement comme j'ay
entendu ce?. Seigneurs avoir receu lettres du Grant Seigneur, de Lolphi
Bey et aullrcs bassalz, se congratulans et allégrans avecques eulx de
ladicte paix et accord. De quoy ledict Grant Seigneur avoit merveilleu-
sement grant plaisyr, estant bien deslibéré de la mainctenyr et garder
de son couslé, les confortant et exhortant aussi que du leur voulsissent
faire le semblable, et prinsent bonne garde et enchargeassent bien à
leurs ministres de ne donner occasion de rompture, ains vouUoir faire
de bons voysins et porter bonne amytié, non seuUement à luy, mais
encore à ses amys. Et estime Ton que lambassadeur que doibt envoyer
icy ledict Grant Seigneur sera Janus Bey, lequel y avez veu de vostre
temps, et peu congnoislre de quel voulloir il estoil envers les amys
de son maistre. Cez Seigneurs sont aprez pour dépescher ung de leurs
secrétaires pour porter les cent cinquante mil ducatz avecques plu-
sieurs aultres gros présens. Touchant ce que m'escripvez que les
Impériaulx ont semé ung bruict là où vous estes que Bude ne peult
eschapper au roy des Romains, je vous diray comme puis naguères
est venu de là encores ungaultre des serviteurs de M. l'arcevesque de
Transilvania, qui est en ceste ville; qui dict bien le contraire, et que
quant l'exercite dudicl roy des Romains seroit deux fois plus groz
qu il n'est, il ne sçauroil que y faire, pour estre la ville tant bien
garnye de toutes municions qu'il n'y fault rien : et de ce mondict sei-
gneur l'arcevesque de Transilvania m'en veult asseurer par bonnes
causes et raisons. Et de faict les Impériaux, congnoissans que l'on
entendoit bien icy que ledict roy n'estoit pour faire grant chose, long-
temps a qu'ilz ont mys en avant que, non obstant que les Hongres
désirassent et voulsissent plus tost avoir pour seigneur icelluy roy que
nul aultre que y prétende droict, ce néantmoings qu'ilz n'estoyent pour
l'accepter, d'aultant quil n'estoyt assez puissant pour résister aux
forces du Grant Seigneur, mais qu'ilz chairchoyent de se donner à
l'empereur, pour par luy estre mainctenus et gardez comme celluy qui
est puissant pour ce faire... »
Pellicier rapporte ensuite les nouvelles de l'expédition de Doria sur
1. . Nota, que la présente fut envoyée le IIII' décembre, avecques l'aultre suyvante. •
'DÉCEMBRE 1 o40i GUILLAUME PELLICIEK ^-q
la côte de Tunis, comme dans sa lettre à Rincon du 29 novembre; et la
prise de deux fustes maures par les Vénitiens non loin de Chypre, comme
dans sa lettre au roi du même jour.
« ... Monsieur, quant est de M. Gillius ', il y a environ ung moys ou
six sepmaines qu'il se partit d'icy, sans se déclairer à homme que
Je sçaiche la part où il alloit; et depuys de luy n'ay eu aulcunes nou-
velles. Si je le veois premier que vous, ou sçay où il est résident, je
ne fauldray luy faire entendre le contenu de ce que m'en escripvez.
J'ay envoyé la lettre qui s'adressoyt h messire Quintian - à Bresse \.. »
Vol. 2. f° 93 yo, copie du .wi^ siècle; 2 pp. in-f^.
PELLICIER AU MÊME.
97. — Venise, 4 décembre J 540. — Pellicier rapporte les aflaires de
Hongrie comme dans sa lettre au roi, du 29 novembre.
« ... Monsieur, le roy m'ayant commandé faire tous les plaisyrs qu'il
me seroit possible audict seigneur arcevcsque de Transylvania, je ne
faulx m'y efforcer en toutes choses, tant pour accomplyr le comman-
dement de S. M. que aussi pour laffection que je congnois ledict
seigneur évesque porter à icelle, et qu'il est voirement digne que l'on
s'employe pour luy. A ceste cause, vous ay bien voullu envoyer une
lettre qu'il m'a baillée pour adresser à M. le cardinal Vérulanus,
laquelle je vous supplye luy faire tenyr seurement...
« De Venize, ce III'' jour de décembre M V^XL. »
Vol. 2, fo 9i- V", copie du xvi^ siècle; 1/2 p. in-f».
PELLICIER A RINCON.
98.— Venise, 4 décembre / 540. —Pellicier envoie à Rincon le double
des ordonnances faites par l'empereur contre les protestants, l'informe
des nouvelles apportées de Bude par un serviteur de l'archevêque de
•I. Pierre Gilles, naturaliste, érudit, voyageur, né à Albi en liOO, mort à Rome en
1535. Il se rencontra, au cours de ses pérégrinations, en 1549, à Jérusalem, avec un
autre célèbre érudit de ce temps, Guillaume Postel, tous deux en quête de manus-
crits grecs et hébraïques. Le principal ouvrage de Pierre Gilles est une description
en quatre livres îles antiquités de Constanlinople, publiée après sa mort {De iopo-
fjraijhid Constanliaopoleos et de illiiis antiquilalihus libri IV, 1561, in-8°).
Gilles laissa la plupart de ses manuscrits à l'évêque de Rodez, Georges d'Àrmagnac,
son protecteur (V. Zeller, loc. cit., pp. 131 et 132).
2. Gian-Francesco Conti, dit Quinzano {Quinlianus Sloa), du nom de Quin/ano,
bourg voisin de Brescia, dont il était originaire, humaniste et poète latin, né en
1484, mort à Quinzano le 7 octobre 1557. Il avait été précepteur de François I",
professeur de belles-lettres à Padoue et à Pavie, et Louis XI 1 l'avait couronné
comme poète à Milan. 11 a publié à Venise, en 1537, des Suppléments à Quinte-Curce.
3. Brescia.
180 amiussam; 1)E décemuhe i:;40J
Transylvanie, ollni promet sos services on faveur <!<" Donn^lrids A/any '
pour liMpiel |{iii(<»n lui avait n-ceninieut écrit.
< /A \ fiiizc^ etc. »
Vol. 2, 1" y"), copie liii wi" siècle; 3/4 p. in-f".
PELI.ICIEIl vr .MLME.
99. — : IV»Js«'j, .) décembre J-'tfO. — « Monsieur, pour aultanl que
les enfans du feu seij^neur Philipo Strocy * sont f^randenient inté-
ressez en certaine inarcliamiise qui est entre les mains de Nicolas di
Castrati en Surye\ à quoy les povez beaulcoup ayder, ainsi qu'ilz m'ont
faict entendre, désirant grandement leur graliflier en tout ce qu'il
m'est possible, pour estre tant alTectionnez serviteurs du roy, et mes-
menienl le seigneur Petro Strocy ainsi que sçavez très bien; vous ay
bien voullu faire la présente pour vous pryer, mais c'est de tout mon
cueur, voulloir donner toute faveur, ayde et support à messire Paulo
de Gradi en ce qu'il vous requerra touchant cest affaire; de sorte que
oultre le voulloir que avez de faire plaisyr ausdiclz seigneurs Strocy
pour eslre telz qu'ilz sont, encores que l'on puisse congnoistre que
l'amytic d'entre nous deux a tel efîect que, estant requiz l'ung l'aultre
de faire plaisyr à nozamys, désirons de nous y employer... »
Nul. 2. fo Oi) V», copie du Wl*^ siècle; i/i p. in-f\
PELLICIER AU MEME.
100. — [Venise], 6 di'cembre 1540. — « Monsieur, congnoissant
vostre naturelle bonté estre tant encline à faire plaisyr à ung cliascun,
et encores ayant esté pryé par ung vostre et mien amy, qui est messire
Fédérigo Grimaldo*, vous faire la présente en faveur et recomman-
dation (l'ung messer Petro Pompeo^ duquel à mon adviz avez bien oy
parler, qui fut prinsde Barberosse dernièrement à Gastelnovo et mené
1. Demetrios Àzani.
2. Ciinn-Rallisla, dit Filippo Slrozzi, issu d'une oiiulenle famille de banquiers
florentins ruinés en 1534 par rarrèl de confiscation rendu contre eux i>ar les Medicis.
Emprisonné en 153", .à la suite d'une tentative pour surprendre Florence et secouer
le joug des oppresseurs, il se poignarda dans son cachot, le 18 septembre 1538.
Filippo Slrozzi laissait, de sa femme Glarissa dei Medicis, nièce de Léon X, quatre
lils : Pictro, ne en l.'iOO, qui devint général des galères du roi, puis maréchal de
France, et fut tué en 1558 au siège de Tliionville; Leone, né en 1514, chevalier de
Malte, prieur de Gapoue, qui commanda les galères de France et périt en 1554 au
siège de Scarlinn: Roberto, qui dirigeait la banque établie à Venise par sa famille,
et Lorenzo, cardinal, archevè(iue d'Aix. mort à .\vignon en 15" 1.
3. Niccolo dei Castrati, banquier italien établi en Syrie.
4. Fcderigo Grimaldo, des Grimaldi de Gênes.
5. Pietro Pompeo.
[décembre 1340] GUILLAUME PELLICIER 181
en la loui' de mer Maiour; à ceste cause, el aussi désirant suhvenyr à
tous pauvres chresliens sans avoir aultres affections particulières de
ce monde, mais seuUement à celle de nostre foy et religion, vous ay
bien vouUu supplyer qu'il vous plaise luy faire tous les plaisyrs, et
donner toute laveur et ayde que estes accoustumé faire à cculx qui
de par moy vous ont esté recommande/.... »
Vol. 2, f"' 9o v°. copie du xvi" siècle; 1/2 p. in-f".
PEI.LICIEK ai: même '.
101. — l^Venise'^, 9 décembre 1540. — « Monsieur, depuys les
miennes dernières que vous ay escriptes du iiii" de ce moys ay receu
les voslres du dernier octobre le \\° de ce présent, et le duplicata de
celles du x^ dudict moys d'octobre, ensemble le pacquet qui s'adres-
soit au roy; lequel incontinent nay failly luy envoyer en bonne
diligence, suyvant ce que m'en aviez escript, et aussi pour ce que, à
mon adviz, S. M. aura très grant plaisyr d'entendre les nouvelles que
luy escripvez, comme j'ay eu pareillement, et aussi tous les bons ser-
viteurs du roy qui sont icy. Ausquelz m'a semblé ne debvoir obmettre
faire soavoir telles advantaigeuses et si bonnes nouvelles, et mesme-
ment de ce que le Grant Seigneur s'esloyt montré tant affectionné
envers S. M. que d'avoir tenuz si haultz propoz en sa faveur au claris-
sime ambassadeur Badouare. Lequel toutesfoiz en avoit bien escript
quelques propoz par cy davant à cez Seigneurs, comme vous ay faict
entendre par les miennes du dernier du passé, mais non si amplement
ne apertement que me faicles entendre; et n'espéroys pas moings de
vous que bientost n'en eussions advertissement, sçaichant très bien
que telle chose de si grande importance et apertenant trop plus à
vous ne vous povoit estre cachée longuement.
« Et pareillement ce nous a esté une grande consolation d'avoir
entendu que par vostre bonne dextérité les ambassadeurs de Hongrye
d'eulx-mesmes ayent demandé au Grant Seigneur que, advenant le
décedz du jeune enfant roy, les princes du royaulme eussent puissance
de povoir eslire pour leur roy monseigneur d'Orléans. Sur quoy vous
diray que peu auparavant que aye receu vosdictes lettres, aulcuns
d'entre eulx avoyent faict porter parolles au roy que, s'il luy plaisoit
donner en mariage mondict seigneur d'Orléans à la royne vefve de
Hongrye, qui est d'eaige compétant, qu'ilz l'esliroyent et mettroyent
en possession dudict royaulme; mais le roy, pour sa charité et équité,
n'y a voullu entendre, ne voullant pour quelque bon droict qu'il y ayt,
comme mieulx sçavez, que le droict de nature n'ayt tousjoursjlieu en
1. « Pacquet du roy. »
182 AMUASSADE DE rDÉCEMBUE la40l
son cndroicl, cl aussi pour donner à congnoistre à Dieu clan monde
clairenuMit i[ur iii f.içon quelconque S. M, ne veuif faire chose qui
puisse eslre cause (jue l'empereur et son frère se puissent à bon
droict plaindre di' luy, ne j^rélendre aulcunemenl matière de rompture.
«(... M. de Langev m'escript ([iw l'eniix-reur ne se trouvera pointa
Wormes, et (^ue les dippulaleurs sont desjii sur les prolestes, qui l'ont
pencer que le tout se résouldra en fumée. El aussi que Christophle de
Landeherg, avecques Iniil mil hommes de pied et mil chcvaulx, s'est
mys aux champs pour courir sus à M. de Rolville '. Les cantons,
exceplé Basic, ont envoyé quarante Intmmes pour canton dedans la
ville, et, si ledict Christophle marche, envoyeront vingt-deux mil
hommes de secours et (juaranle pièces d'arlillerye. On susi)e(;onne que
secrètement le duc l'Irich de Werlemherg '^ et le landgrave de
Hesse ^ lavorisent ledict Christophle, elles ducz de Bavières ceulx de
Rolville.
« Monsieur, l'on acuicy adviz du xxiiir du passé, de pcrsonnaige à
qui Ton peult donner foy, estant à la court du roy des Romains, en
conlirmalion de ce que vous ay escripl comme, à cause de quelque
peste et aultres deflaulx qui esloyent survenu/ au camp dudict roy,
avoit eslè contrainct se lever d'auprès Bude et tourner en arrière. El
davanlaige que, voyant ledict roy ses aU'aires n'aller selon ses desaings
et entreprinses, rechairchoit la royne de Hongrye, par belles et gra-
cieuses paroUes, de faire accord; laquelle luy fisl response que s'il luy
plaisoit rendre et restituer à elle et à son lilz tout ce qu'il lenoit du l'eu
roy Jehan son mary, qu'elle verroit de se soubmeltre à la reste de faire
chose qui luy seroit agréable. Sur quoy a respondu que quant à cela
il lavoit desjà allienné à aullres et qu'il luy esloit impossible de ce
faire, mais que si elle voulloit prendre aultre chose en récompense,
qu'il esloit contant de le luy bailler, voyre presque la valleur de deux
foiz aullatit : chose à quoy elle n'a voullu entendre, disant qu'elle n'en
feroit jamais aullrement si on ne luy resliluoit ce que est de son feu
mary; qui sont les termes sur lesquelz sont demeurez ensemblemeut.
1. 11 y a .sans doute ici une erreur du copislc, et il faut lire ■■ .M.M. de Rolville ».
Ildlliweil. place du Brisfrau, située sur la rive gauche du Neckar, el (jui a conservé
Jusqu'à nos jours son enceinte du moyen âge, était l'une des villes les plus consi-
doiables de la ligue de Souabe. Pendant près de deux siècles, jusqu'à la guerre de
Trente .Vns, elle fut la constante alliée des cantons suisses confédérés, el devint
ensuite ville imi»ériale jusqu'à la date de 1S02.
Menacés en lb40 par un seigneur des environs, Christophe de Holien-Landenberg,
les membres du conseil de vilk- appelèrent les Suisses à leur secours.
2. Ulrich V, 3» duc de Wurtcuilterg, né en lis", mort le 0 novembre loiiO. Élu
en 149S après la déposition de son oncle, Eberhardt VI, il avait épousé Sabine, fille
du duc Albert IV de lîavière, et nièce de l'empereur Ma.ximilien.
3. l'liilii>pi' 1 ' II' Magnanime, né le 11 novembre i;iOl, mort le 31 mars 1567, avait
succédé à son père (iuillauuie II en l."iO;i. 11 partagea en mourant la Hesse entre ses
quatre lils, d'où les divers landgraviats de Cassel, Darmstadt, liombourg, etc.
[décembre liviO] GUILLAUME PELLICIER 183
Je VOUS envoyé ung double d'une lettre escripte par M. l'évesque
d'Agria à M. Tévesque de Transilvania, qui est en ceste ville poui* les
causes que vous ay escriptes par cy davant. Et par icelles lettres
pourrez congnoistrele progrez de la mort dudict feu roy et succès des
alïaires jusques audict jour, à laquelle donnerez telle Iby en ce que
congnoistrez estre escript sans aulcune passion ou perturbacion. Je vous
ay aussi escript comme André Doriaestoit arrivé de retour de Barberye '
à Messine. A présent l'on entend qu'il est à Gennes, ayant laissé en
ladicle Barberye deux mil Espaignolz pour la garde des places.
« Monsieur, je ne veulx aussi oblyer à vous advertyr comme Ton
entend icy que le Grant Seigneur arme, et ce, ainsi que ont esté
advertiz secrcltoment cez Seigneurs, est pour mander à Messine en
laveur et advantaige du roy. S'il est vray, je suis tout asseuré que le
sçaurez...
« Monsieur, je vous envoyé une lettre adressant au fils de messire
Marco Anthonio Cornaro-, laquelle je vous supplye luy faire lenyr; et
n'estoit la crainte que jay de vous estre par trop importun, je vous
supplyeroys d'aussi bon cueur pour luy que pour homme que je vous
aye encores escript, vous asseurant que le père est de telle quallité
qu'il pcult beaucoup en ceste ville où il veult... »
Vol. 2, f-^ 96, copie du wi^ siècle; 2 pp. 3/4 in-f'.
PELLICIER A I.A DUCHESSE DE FERRARE K
102. — [Venise], 1 I décembre 1 540. — « Madame, je envoyé pré-
sentement le porteur de cestes expressément vers monseigneur le duc
de Ferrare pour luy présenter une lettre de monseigneur le daulphin
en faveur et recommandation d'ung gentilhomme ; et pour ce. Madame,
que je congnoys mondict seigneur le daulphin estre fort affectitmné
en cest affaire, ainsi que entendrez s'il vous plaist par cedict porteur,
j'ay bien osé prendre la hardiesse vous supplyer l'avoir pour recom-
mandé, vous advertissant au surplus que pour n'avoir aultres nouvelles
de la court dignes de vous faire sçavoir, sinon la bonne santé du roy
et de monseigneur le daulphin, vous diray de celles de Levant. Et
mesmement comme le Grant Seigneur faict très bien entendre et
congnoistre apertement à ung chascun la très grande affection et
bonne amour qu'il porte à S. M. Et, de faict, les ambassadeurs de
Hongrye, pour impétrer plus facillement dudict Grant Seigneur ce par
1. Barl>arie.
2. Marco-Antonio Cornaro.
3. " Par M. de la Rocque. ■■ Le Cat. des actes de François I" (t. H, p. 50, n" i(l03)
mentionne un don fait an sieur de la Rocque, ccuyer ordinaire de l'écurie du roi,
à la date du 15 juin 1331.
i84 AMBASSADE l>i: DÉCEMBRE liJiO
qiioy il/, esloionl allez vers luy, n'ont sceu trouver ineillour moyen que
de s'aydcr du nom et faveur du rny, qui leur a tant vallu qu'il/ ont
obtenu tout ce (juil/. demanduyenl, sravoir est (jue le jeune entant lil/
du feu roy Jeliaii de llonj^rye fust maintenu en la possession du
royaulmc, en luy payant tel tribut que faisoyt le père, qui est de cin-
quante mil eseuz; et encores ont eu eon^é de les payer à meilleur»'
condieion (jue ledict dellimct roy, car il cstoit obligé de les bailler
monnoyez, et à présent se payeront «{uinze mil en dra[)s d'or et de
soye, dix mil en lingots d'or, et le reste eu ducatz, à la cliarge que
ledict (iraiit Seigneur le doibt mainlenyr et garder contre tous qui luy
vouldroyenl donner enipescliemenl. Dont voyant lesdicl/. ambassadeurs
la faveur du roy leur avoir en ce si grandement aydé, ont fait une
requeste audict Grant Seigneur que si le cas advenoil que Dieu list
son plaisyr duilict jeune roy, qu'il luy pleust permettre que les princes
de Hongrye peulsent eslire pour leur roy monseigneur d'Orléans, ce
que ledict (îrant Seigneur leur a très libérallement et allègrement
accordé. Quant est de cez Seigneurs, j'estime bien que avant qu'il soit
peu de temps l'on congnoistra par etfect en quelle vouUeulé ilz sont
vers S. M.
« Au demeurant, Madame, je vous asseure que je cbairche tous les
moyens qu'il m'est possible de povoir recouvrer le livre dont ma
escript madame de Ponlz; mais comme vous ay faict entendre, c'est
une chose brigue', car celluy à qui l'on m'avoit adressé, nommé
Augustin*, demeurant chez les Jonta\ a esté tousjours mallade. Et
1. Uciicalc, diflicile.
2. Nous avions pensé d'abord (|ue ce personnage pouvait être Agoslino Nifo.
pliilosojihe cl commentateur italien, né à Japoli en Calahre, en I i"3, mort à Sessa
vers le milieu du xvi" sièeie (V. Tirabosclii, loc. cit., t. Vil, '2' partie, |). 029). Il
ensei;.'na la philosophie successivement à Naples, à Rome, à I*ise, à Bologne et à
Salerne, et lut l'un des itrincipaux collaborateurs des Junta (V. Handini, De Flo-
renti)ià Juiitriru»i lypor/rapliiù : Lucques, l"yl, in-8"); mais Pellicier, qui devait
lavoir connu h Rome, en eût certainement parlé en termes plus explicites.
Un trouve encore à Venise, à cette épocjue. un érudit nommé Ag(jslino Agostini.
inscrit sur les registres de prêt de la Marcienne en lui! (V. Omont, Les registres
de prêt (le la Bibliolli^qiie de Saint-Marc, à Venise, dans la UibUollièqiie de VÉcole
des Charti'i, année is.sT, t. XLVUl, p. GGi). Peut-être est-ce de lui qu'il s'agit ici?
3. Les Junta, (iiuula, (liunti ou, selon le dialecte vénitien, Zonta ouZonti, célèbre
famille d'im|)rimeurs originaires de Florence, où l'on rencontre dès le xiv siècle
lie ricliL's négociants eu laine de ce nom. Us avaient jjour marque et pour enseigne
un lys rouge. Le fondateur de la maison de Florence, Fili|)po, né en 14o0, était
mort le 10 septembre 1317, aj)rès avoir exercé l'imprimerie depuis 1497, laissant la
maison à ses Dis, dont Bernanlo, l'aine, mort en 1551, dirigea seul la maison
depuis l.")3l.
Le frère de l'ilippo, Luc-Anlonio, ajirès avoir exercé (pielcjucs années à Florence,
vint à Venise, vers 1480, y fonder une librairie et commença d'imprimer en 1503.
Après sa mort, en l"(:J,S, Tommaso, l'un île ses trois lils, continua la maison sous la
même raison commerciale : les liérilii'rs de Luc-.Vntonio Junta, ou simplement : les
Junta. Tommaso mourut en 156".», et l'imprimerie passa aux enfants de ses deux
frères .Mariotto et (iian-.Maria.
Un troisième frère de Filippo et de Luc-Antonio, Francesco, né en 1448, était le
roÉCEMBUK lo4U] GUILLAUME PELLICIER 185
encores je ne veoy pas bien que par son moyen nous en puissions avoir
tïicille issue, et fault y aller par auUre voyeet de longue main. Car c'est
une joie tant précieuse que ledict livre, que si ceulx qui l'ont entre
mains veoyent que l'on ait si grant envye de l'avoir, ilz le vouldront
survendre si très cher qu'il n'y aura point d'ordre, et mesmcment s'ilz
entendent que je m'en mesle; dont ay advisé estre le meilleur mener
ces te affaire par tierce personne et avecques le temps, sans faire
démonstracion d'en avoir si grant envie. Quant est du seigneur de
(Iradis, dont Vostre Excellence m'a escript plusieurs fois, je en ay faict
ce que j'ay peu envers messieurs les advocateurs, lesquels semblent
n'avoir trop grant envie de s'en empescher, me respondant que quant
à eulx, il/, ne luy font point de partye, mais qu'ilz ne voullcnt reffaire
ne entreprendre sur ce que leurs prédécesseurs ont faict. Et de faict,
Madame, il y a bien affaire à faire rotraicter une sentence de cez Sei-
gneurs quant elle est donnée. Toutesfois je en feray tout ce qu'il me
sera possible; et pour ce, Madame, que j'ay donné charge audict por-
teur vous dire encores quelques aultres propoz de ma part, de paour
devons atédier feray fin, aprezm'estre humblement recommandé, etc. »
Vol. 2, f" 'J7, copie du xvi*^ siècle; 1 p. i/2 iu-f'\
PELLICIER AU ROl'.
103. — [Venise], 12 décembre 1540. — Pellicier a reçu la veille au
soir un paquet de Rincon à l'adresse du roi, avec prière de le faire
tenir de suite, ce qu'il a fait. On a reçu de l'ambassadeur vénitien à
Constantinople des lettres témoignant des bonnes dispositions du
Grand Seigneur à l'égard du roi; or, poursuit Pellicier, « ad ce que
j'ay entendu par quelque ung qui a donné bon ordre de le sçavoir de
quelques ungs des plus grans de cez Seigneurs, ilz eurent ceste nou-
velle si agréable que d'affection en eslevèrent les mains au ciel, pryant
Dieu que jà fust arrivé icy ledict messaiger, pour si bonne et désirée
chose; et qu'ils s'attendoyent bien, quelque contradiction qu'il y
peult avoir pour la variété des oppinions, que l'affaire ne fauldroit à
avoir bonne issue.
M Sire, l'on entend que cez Seigneurs ont eu advertissement de leur
père de Jacopo, dit Francesco Junta, qui fut imprimeur-libraire à Lyon et y mourut
en iooG.
D'autres membres de la famille exercèrent la même profession en Espagne, ii
Burgos, puis à Salam.inque et à Madrid, pendant les xvi' et xvu" siècles.
Enfin, le fameux auteur comique Pierre de l'.Arrivey était un Pietro Junta, venu
de Florence à Troyes, où il enseigna l'astrologie et fit imprimer divers almanachs
(V. Ant.-.\ug. Renouard, Notice sur la famille des Junte, à la suite des Annales de
V imprimerie des Aide (Paris, J. Renouard, 1834, in-8° de xvi pp.).
1. « Escript cedict jour à M. le prieur de Sainct-Pol, Garrigues, et au sire Laurens
Charles, du xv. »
186 AMBASSADE Dli [dÉCEMDRE lolOj
ambassadeur qui est îi Conslaiitinople comme le Grant Seigneur faisoil
armer à grant dilligence el secrellement cent voilles pour voslre
service, et, eomme escripl ledicl ami)assadcur, l'on estimoil que ce
seroit pntir mander à la voit*; de (îennes. L'on faisoil l>ien auparavant
liruit iey (juc kdicl (iranl Seigneur arrivoyl; et ce ([ue le l'aisoit plus
croire estoyenl quelques lettres escriptcs de ce cousté là, el ung.luyf
qui en est venu, qui Tasse u ro i t ; cl si en donnoil qucljues bonnes
enseignes, mais ou eslimoyl que ce fusl pour l'adresser à Messine.
« Sire, j'ay entendu d'uiig personnaige à qui l'on peull donner foy
qu'il a scou de bien bon lieu comme le pape et l'empereur menoyent
une pralicque ensemble fort sccrette, et ce à l'instance du seigneur
Pierre Aloysy ', tendant ad ce de faire un eschange de F^arme et Plai-
sence avecques Florence el la Tuscane, pour en faire seigneur le sei-
gneur Oclavio*. El pour ce que lesdictes terres de Parme el Plaisance
avecques leurs contés rendent de profficl mieulx de cent mil escuz,
l'on Iractoil que l'empereur retourneroil vingt mil escuz de rente sur
le royaulme de Naples pour la plus vallue. Et estiment quelques ungs
que pour cesle cause se soit faincte la vérité du conté de Altamura
audict royaulme, de laquelle vous ay escripl... »
Pellicier entretient ensuite le roi des revers essuyés par le roi des
Romains devant Bude et de ses vaines tentatives auprès de la reine
de Hongrie, dans les termes de la lettre à Rincon du 9 décembre.
« Sire, cez jours passez le magniflico Paulo Justinian ^ m'est venu
veoir, lequel m'a lenuz plusieurs propoz par lesquel/ se monstre fort
afTeclionné à V. M. Et entre aultres, devisans des grans moyens et
commoditez que peulvent avoir ceulx qui sont puissans sur mer, et
concluant que qui en est le maistre est tousjours supérieur et va pros-
pérant en toutes ses entreprinses, enfin m'a bien osé dire qu'il se faicl
fort d'avoir le moyen de vous faire avoir douze gallères de celles qui
suyvent le party de l'empereur, ainsi qu'il donneroit très bien à
entendre, après avoir sceu la voullenlé de V. M. De quoy l'ay très fort
remercyé du bon voulloir et alï'ection que je veoys qu'il avoit à voslre
service, et que très voullentiers je vous en advertiroys, ce que foys
présentement. Et m'a dict davantaige que mainctenant à Gennes en y
a plus de ceulx qui sont affectionnez à V. M. que à nul aultre seigneur.
Et oultre ce m'a aussi dict que non obstant que le pape se soit faicl
apparoir afl'ectionné à l'empereur, il sçavoit très bien, pour eslre à
son service, que ce qu'il en faisoil estoit plus pour quelques respectz
que de frariche voullenlé; car il estoit bien asseuré que Sa Saincteté
dedans son cueur vous estoit affectionné. Et sur ce propoz j'ai receu
1. l*iclro-Aloysio Farnese.
2. (Ulavio Farnese, fils do Pietro-Aloysio.
3. Paolo Giusliniani.
[décembre 1540] GUILLAUME PELLICIER 187
lettres de M. Tévesque de Lodes', lequel j'ay tousjours trouvé grande-
ment adonné à vostre service et ayant bon accedz envers Nostre Sainct
Père, et aultres des plus grans de sa court, m'a faict entendre que
lorsque Sa Saincteté eust les nouvelles de la paix de ce/. Seigneurs
avecques le Grant Seigneur, en demeura merveilleusement eslonné,
craignant que cela ne advanceast une grande guerre entre les chrcstiens
par laquelle en fin TYtallye n'en fust ruynée, de sorte qu'il demeura
en telle perplexité que, ainsi qu'il escript, si Sa Saincteté eust esté sur
ce poinct sollicitée et conduicte, l'on l'eust trouvée trop plus facille à
l'attirer de vostre part.
« Sire, j'ay escript à V. M. comme après le décedz du feu duc de
Mantoue, M. le cardinal son frère envoya ung gentilhomme vers l'em-
pereur pour luy faire entendre la grant dévotion que ledict deffunct
avoit tousjours eue à son service, et que semblablement suyvant lin-
clinacion du père le filz seroit tousjours de telle voullenté. Dont le sup-
plyoit le vouUoir mainctenyr et garder en son estât; mais depuys j'ay
entendu que oultre ce il le pryoit très instemment prendre son hom-
maige et luy enféoder ladicte duché ainsi que son feu père la tenoit.
Sur quoy l'empereur ne leur a jamais voullu faire meilleure responce,
sinon qu'il y manderoit ung homme pour adviser et se prendre garde
des aflaires dudict duché. Et ad ce que l'on a peu entendre Ion estime
qu'il en veult faire comme de Florence et y mettre le seigneur domp
Ferrand de Gonzagues affin de la tenyr tousjours plus à son comman-
dement; de quoy Ton estime que ledict cardinal n'a esté contant. »
Vol. 2, f" 98, copie du .wi" siècle; 3 pp. in-I".
PELLICIER AU CONNETABLE.
104. — [Venise]^ 12 décembre 1 540. — « Monseigneur, ayant receu
un pacquet du seigneur Rincon et sçaichant combien le roy et vous
avez agréable d'entendre des nouvelles du cousté de Levant, ne lay
voullu retenyf et ne différer à le vous mander; ains m'a semblé vous
le debvoir envoyer incontinent avecques ce que ay peu apprendre
depuys les miennes dernières du xxlx*" du passé, retenues jusques
au ir- de ce moys, sans attendre aultrement si pourroys rien entendre
davantaige que ce que j'escriptz présentement au roy. De quoy ne
m'estendray à vous faire aultre répéticion, estant asseuré que ce ne
vous seroit que reditte. Tant seullement vous diray que cez Seigneurs
estant rechairchez par aulcuns de faire chose au désavantaige de
M. le duc d'Urbin, quelques ungs fort affectionnez à S. M. seroyent
bien d'aviz que cela seroyt cause de luy faire quitter et habandonner
1. Lodovico Simonetla.
188 AMBASSADE I>E [dÉCEMBUE 1540^
du tout lo parly «ju'il a aveciiues eulx; el quo par ce moyen l'on le
pouiToit facillemonl alliror à la dévotion de S. M., à ia(iuc'lle, ainsi que
ay cscri|)l à ce ([lu- ay peu conj^noislre' par les ])ropo/. que son
amliassadt'ur nie tint el luy |)areillernenl par deux lois, je le trouve
l)ii'ii alleclioniié. I"]l leur senihle que le inesines pourroit l'on espérer
du duc Cosuie de Florence, pour les praticciues et menées qui se font
par .NDslrt" Sainct Père averques l'empereur pour essayer de faire
seigneur de Florence el de la Tuscane le seij^neur Otlavio ainsi que
j'ay escript au roy. Semhlablemenl sont-il/. d advis (jue l'on pourroit
gaij^'iu'r le seigneur Ascanio Colonne', principal d'entre les Coulon-
noys- pour certain desdaing que il a conceu, ii cause d'une sentence
qui a esté donnée contre luy par le pape en faveur du lil/. du feu
vice-roy de Naples, Charles de la Noya ^, à l'instance de l'empereur,
qui lui est dintérest plus de cent mil escu/. De quoy m'a semblé vous
dehvoir advcrtyr, allin dadviser seullement là dessus ce qu'il vous en
semblera bon.
« Monseigneur, l'on a eu icy nouvelles, lesquelles l'on ne lient pour
trop certaines; ce néanlmoings, pour ne rien obmettre à vous faire
entendre, n'ay vouliu faillyr à les vous faire sçavoir. C'est que le roy
de Thunis vouUaiil rclournor de Monastcrio* audict Thunis, estant en
chemyn accompaigné de quatre mil Arrabes el de troys mil Espaignolz.
que luy avoil laissez André Doria, fut assailly près d'une ville appelée
Carouan\ par ses cnnemys, estans au nombre de sept ou huict mil
chevaulx arrabes qui feurenl très bien recueilliz par ledict roy, avecques
l'ayde d'iceulx Espaignolz, tellement que lesdiclz ennemis feurenl
contrainctz tourner le dos et se mettre en fuille. Ce que voyans lesdiclz
Arrabes de la part dudict roy se révoltèrent subitement el s'allèrent
1. Ascanio Colonna, duc de Paliano et de Tapliaco/zo. çrrand connétable du
royaiinie de Naples, né vers li9;J, mort le 24 mars loo". H avait [épousé Jeanne
d'Aragon, lille de Ferdinando, duc de Montalto etfils naturel de Ferdinando l", roi
de Naples.
2. Les Colonna, illustre maison italienne originaire de Colonna, bourg de la
campagne romaine, <iui a donné un pape, Martin V (Otto Colonna), et de nombreux
cardinaux à l'Eglise. Leur énergie était proverbiale. Selon Paul Jove, quand
Alixandrc Yl les bannit de Rome en 1 i'J'.t, les Colonna iirirent pour devise : « Flec-
timur, non frangimur. •
3. Ciiarles de Lannoy, seigneur de Sanzelles, prince de Solmona, comte d'Asli
el de la Roche-en-Ardennc, né vers 1170, mort à Gaéte en io27. Issu d'une des plus
illustres familles di; Flandre, il était fils de Jean 111 de Lannoy et de Philippe de
Lalaing. Vice-roi de Naples pour Charles-Quint (1522-1524) et généralissime des
troupes impériales en Italie (1523) après la mort de Prospero Colonna, il se signala
notamment à la bataille de Pavie (1525) où François 1" ne voulut rendre qu'à lui
son épée.
Ferdinanrl de Lannoy, son fils, né en 1510, mort en 1.579, se distingua également
comme homme de guerre et comme savant. On lui doit de bonnes cartes de Bour-
gogne et de Franche-Comlé, el l'invention de l'artillerie de montagne.
4. Monasterio.
5. Kai rouan.
■DÉCEMBRE 1 •i40 ' GUILLAUME l'ELLICIER 1H<_)
joindre avecques les ennemys qui vindrcnt recliaircher hidid roy et le
myrent en l'uyle, ayant esté blessé en deux endroictz; et les Espaignolz
se resserrèrent ensemble en ung bataillon, et, recullant petit à petit, se
saulvèrent avec peu de perte des leurs. Toutesfoiz, l'on a icy d'auUre
cousté que ledict Doria n'en avoit laissé en ce pays là au plus que
deux mille, pour la garde des places y conquises nouvellement, et mil
cinq cens qu'il a admene/ à la volte de Gennes pour la Lombardye,
ainsi que Ion estime, et le reste de ladicle armée estoycnl Itallyens ou
Sicilliens.
« Monseigneur, je suys attendant à grant dévotion nouvelles de ce
qu'il vous a pieu de m'cscripre que, à la première occasion qui se
trouveroit au conseil, Voslre Excellence feroit pourvcoir aux serviteurs
du roy qui sont icy, desquelz vous ay escript si souvent que j'ay belle
paour d'estre estimé fàcheulx et importun. Ce néantmoings ne sçai-
cliant plus de quoy les entretcnyr, pour leur avoyr fourny tant que ay
eu ung seul denier, et ne se voullans contenter de parolle comme ilz
ont faict en partye jusques icy, avecques ce peu que leur ay baillé, qui
est beaulcoup pour moy, suys contrainct vous requéryr de reclief y
faire mettre ordre; car je vous asseure. Monseigneur, que aultrement
je ne veoy pas que je sceusse faire icy le service requiz au roy ne y estre
à son honneur. Et entre aultres il y en a ung duquel vous ay escript,
nommé le seigneur Francesco Bellrame, qui ne cesse ordinairement de
faire telz meilleurs offices qu'il est possible pour S. M., me donnant
tous les advertissementz qu'il peult apprendre, comme a faict présen-
tement ceulx que j'escriptz au roy des menées secrettes du pape et de
l'empereur touchant Parme et Plaisence, en contreschange de Florence
et la Tuscane; et aussi de la responce de l'empereur sur le faict de
l'inféodation de Mantoue. Et pour ce faire ledict seigneur Beltrame ne
fault d'employer, oultre sa peyne et le temps de luy et de ses amys,
beaulcoup du sien, affin de entretenyr ceulx de qui il les peult tirer;
car il a bien la puissance de ce faire, n'ayant besoing de cent ne deux
cens escuz, et la récompense qu'il en chairche avoir de S. M. tend plus
à l'honneur qiie au proffict. Et luy suffiroyt qu'il peult faire apparoir à
ses amys et ennemys que on l'a en mémoire et estime l'on ses services,
vous asseurant, Monseigneur, que s'il plaisoit au roy et à vous l'on
auroit le moyen d'entendre des nouvelles de toutes pars, voire des plus
grandes importances, et à l'adventure plustost et mieulx que de ceulx
qui seroyent sur les lieux mesmes; mais l'on ne peult avoir telles intel-
ligences sans fournyr la main, ce que de moy-mesmes ne puys faire.
Je en advertys Vostre Excellence, affin de y donner tel ordre que bon
luy semblera... »
Vol. 2, fo 99 v", copie du xvi® siècle; 2 pp. 1/2 in-f».
190 AMUASSADi: i>i: DÉCEMnnE 1540]
l'EI.UCIEIl A LA HEINE DE NAVARUE.
105. — [ IV/K.st'j, I J di'ccmhit' l.')U). — « iMiidanip, ayant messer
Sébasliano' cnlendii le conleiiii delà voslre, fiuil vous a pieu m"es-
cripre ilu dernier oclobre, a esté gramlemenl consolé pour l'asseu-
rance qu'il a eu de Voslre Excellence de povoir achever de mettre
ordre h quelques siens alFaires sans (jue icelle en soit aulcunement
desplaisanle, craignant aussi que en se mettant en cliemyn cest yver
ne luy advint quelque malladyc ou à sa famille, mesmement à son
petit enfant, (jui n'est encores pour endurer en ce temps icy tel
voyaige *. Toutefoiz en ce pendant il ne part point le temps qu'il ne
s'eniploye à laire chose pour vous povoir faire apparoir de ses labeurs
à son arrivée vers vous, qu'il espère estre aprez ce/. Pasques, ainsi
que j'estime qu'il vous escript. Et quant h la responcc qu'il vous plaist
me faire touchant ce que vcjus avoys escript, elle est tant pleyne d'af-
fection par sa bonté et courtoisye qu'il n'est possible de plus : dont
très humblement l'en remercye. Si est-ce. Madame, que je vous voul-
droys bien supplyer que si congnoissez que cela deust importuner
personne du monde, de n'en mettre jamais propoz en avant, car de
moy je n'en feray aulcune instance; mais vous en larray faire ce que
congnoistrez estre le meilleur, estant bien asseuré que s'il a de s'en
ensuivre bien tost quelque bonne lin, ce ne sera par aultre moyen que
le vostre... »
Pellicier conclut par les nouvelles relatives aux bonnes dispositions
du Grand Seigneur à l'égard du roi de France, et aux négociations
entre le pape et l'empereur dont il a été question dans la lettre au
roi.
Vol. 2, r° 100 V, copie du xvF siècle; 1 p. in-f\
PELLICIER A M. D'aNNEBAULT.
106. — [Venise], 12 décembre 1540. — « Monseigneur, la cerlai-
neté que ay toujours eue que ne faillez de sçavoir amplement toutes
les nouvelles que j'escriplz ordinairement au roy m'a gardé de vous
en escripre plus souvent })arlicullièrement, estimant que ce n'eust esté
que redicte; et d'aultant plus à présent (|ue j'ay esté adverty comme
le roy vous a retenu de ses affaires privez, chose que m'attendoys bien
que ne povoyt tarder longuement dadvenyr, ne m'estendray à vous
1. Sébasliano Serlio.
i. Serlio amena avec lui sa femme, Francesca Palladia ou Pallaiide, et ses enfants,
qui étaient nombreu.\. Ils furent logés à Paris, au palais des Tournelles (V. Charvet,
Sébastien Serlio, p. 18).
[décembre 1540] GUILLAUME Pl-LLICIER 191
faire longue letlre. Tant seullement vous diray que pour le grant
plaisyr et désyr que j'ay d'enlendre l'exaltation de vostre honneur et
crédict, ce m'a esté aussi grande consoUacion que de chose qui m'eust
sceu advenyr, sçaichant très bien quel support et appuy ce sera en
cest endroict là pour vos afl'cctionnez serviteurs, desquelz avez tou-
jours esté et estes vray protecteur, comme de ma part j'en sçauray
très bien testiffior. Dont je me sens tant tenu et obligé que à tout
jamais à vous et aux vostros resteray et les miens voz très humbles et
obéyssans serviteurs. Et pour ce. Monseigneur, que bonnes nouvelles
ne semblent jamais superflues, si bien quelque foiz on les veult répéter
à ceulx qui y prennent plaisyr, comme suys asseuré que feray à celles
que verrez par les lettres du roy, m"a semblé ne debvoir obmettre à
vous en faire ung sommaire par la présente. Et mesmement de la
bonne disposition en quoy se retrouvent à présent les affaires de
Levant, et principallement de la déclaration que a faicte le Grant Sei-
gneur de l'affection et bonne amylié qu'il porte à S. M., ayant faict
entendre à M. l'ambassadeur de cez Seigneurs la grande obligation
qu'ilz ont à icelle sur le faict de leur paix. Laquelle n'eut jamais
accordée sans qu'ilz se fussent premièrement déclarez amys de Tamy;
mais que à la dissuasion de S. M. il avoit laissé ce poinct là arrière,
entendant toutesfoyz que à tout le moings s'ilz ne se voulloyent déclairer
totallement pour icelle, qu'ilz ne peussenl donner aulcun ayde ne secours
à l'empereur ne aultres. Mesmement à la récupéracion de la duché de
Millau et royauime de Napples, ce qu'il n'avoit voullu coucher par
escript es articles de ladicte paix, vouUant pour plus grant efficace en
bailler le commandement à part à celluy qu'il doibt envoyer icy, pour
la ratifficacion de ladicte paix : à quoy faire, ainsi que l'on peult con-
gnoistre, cez Seigneurs sont en assez bonne disposition. Dont voyans
les ambassadeurs de Hongrye la faveur et crédict du roy estre si grans
envers ledict Grant Seigneur, n'ont failly de leur en servyr et ayder,
ne congnoissant meilleur moyen de povoir parvenyr à leurs fins que
cestuy-là; luy requérans d'eulx-mesmes que son plaisyr fust voulloir
permettre aux princes de Hongrye de povoir eslire monseigneur d'Or-
léans pour leur roy, advenant le décedz du jeune enfant, filz du feu
roy Jehan : ce que très libérallement et allègrement leur a accordé,
sans qu'ilz en peulsent eslire aultre estranger, mesmement de la maison
d'Aultriche, ainsi que plus au long pourrez veoir par lesdictes lettres
du roy. Par lesquelles pourrez aussi congnoistre comme à cause de
quelque peste qui est prinse au camp du roy des Romains, et aultres
nécessitez, a esté contrainct se lever d'auprès de Budde et tourner en
arrière, chairchant à présent de faire quelque bon accord avecques la
royne d'Hongrye, laquelle n'y veult entendre, sinon à bonnes en-
seignes... »
Pellicier termine sa lettre en réclamant l'intervention du maréchal
192 AMBASSADE DE 'oÉCEMnili: lri40j
crAnnobauIt en faveur des gens «luil emploie au service du roi, car il
est lui-même à bout de ressources.
Vol. 2. ['■' loi. copie ilii wi" siècle: I p. .{ 4 iii-f'.
l'KI.MCIi:» AC CAllDINAL OL KKUIIAIŒ.
107. — \'enise], 12 décembre 1540. — Pellicier a reçu la lettre du
cardinal en date du lil oclobre, avec celle qui était adressée U Francesco-
Beltramo Sacliia. 11 a lait pari à ce dernier des bons sentiments du
cardinal à son égard et Ta recommandé de nouveau au ccmnétable.
Pellicier donne ensuile au cardinal les iliverses nouvelles du Levant
(jui Taisaient l'objet de la lettre à M. d'Annebault.
«< ... Monseigneur, Anllnjnio Brucioli', tlorentin, homme, ad ce que
ay peu congnoistre, docte et plain de bon zelle à nostre religion, pour
la dévotion qu'il porte à Vostre Révérendissime Seigneurie, a composé
quelque chose sur la Saincte Escripture, de laquelle il m'a pryé vous
envoyer le livre *; ce que je foys. Ce sera vostre bon plaisyr de le
recepvoir d'aussi bonne alFection qu'il vous le présente. »
Vol. 2, f" 102, copie du xvi*^ siècle; 1 p. in-f°.
1. Antonio lîriicioli. Le Saint-Siège adressa, en <o48, de vifs reproches au duc de
Ferrarc, y:\r rinlerniédiaire <lo l'ambassadeur ferrarais à Rome, au sujet de l'asile
et proleclion accordés par Renée à cet écrivain llurenlin, nuluirement hérétique,
un de ces f'uoriscili comme l'Italie en comptait alors en grand nombre, coupable
d'avoir exprimé trop librement ses opinions en matière religieuse.
Par une singulière |)rédeslination, ce nom de Brucioli signifiant • copeau », le
peuple ne manquait pas d'y faire des allusions inquiétantes, dis-'nt que les Brucioli
n'étaient bons qu'à brûler.
Sa traduction de la Bible en langue vulgaire, dont il est sans doute question ici,
avait eu un grand retentissement; certaines parties étaient dédiées à Fran<jois 1",
au cardinal de Ferrare, à Renée et à sa lillc Anne. L'ouvrage linit pourtant par être
brûlé à Venise, en place publique, de la main du bourreau; l'auteur fut jeté en
prison, jugé et condamné à une amende de cinquante écus. La devise favorite île
Brucioli était celle-ci : « Chi dice il vero, non dice maie. » On le lui lit bien voir
(V. E. Rodocanachi, Renée de France, p. 207, et Bartolommeo Fontana, Renata di
Francia. p. 45).
Brucioli, quoique jeune encore, avait composé <le nombreux ouvrages. En 1542,
l'Arétin lui écrivait plaisamment : « E non vi basla egli, mio compar Brucioli. haver
compost! piii volumi che non haveteanni? ■ On trouve de lui des poésies religieuses.
Rime sacre, dans le ms. 897 de la Bibliothèque de l'.Vrsenal, à Paris.
Il parait avoir eu des parents établis à Venise comme imprimeurs, à cette époque,
car il y publia en 1543 un Traité de la sphère, imprimé chez F'rancesco Brucioli et
ses frères (in-4'', avec fig.).
2. Peut-être l'édition aldine de 1."'39, qui est des plus rares : La Biblia, quale
contiene i sacri lihri del Vecchio Teslamenlo tradoUi de la Hehraïca verila in linrjua
loscana, per .\nlonio Brucioli, agf/inntivi duoi libri di Esdra et piu capiloli in Daniel
et in Ester nuovamente trovati, et il libro terzo de' Mac/tabei; Co divini Libri del
yuovo Tcstamento di Christo Giesu sir/noi-e et saliadore nostro, trad. del greco, del
med°. In Venetia, per Barlolomeo de Zanetli da Bressa, nel MDX.X.XIX, del mese
di agoslo (Renouard, Annales de l'imprimerie des Aide, p. 480).
[décembre ]b40] GUILLAUME l'ELLIClER 193
PELLICIER A M. D"IIUMIÈRES '.
108. — [Vetiise], 12 décembre 1 540. — « Monseigneur, j'ay receu la
voslre du xxV du passé, et par icelle cogneu comme de vostre grâce
et l)énignitê avez eu agréable le petit service que ay présenté à M. de
Saint-Quentin vostre tilz à son arrivée en ce pays-. En quoy le voulloir
a esté plus grant que l'efïect, comme en toutes choses par bonne
expérience pourrez congnoistre, advenant l'occasion qu'il vous plaira
ou à luy de l'essayer. Et quant au poinct que m'escripvez que je
veuille prendre esgard à son gouvernement, je vous asseure, Monsei-
gneur, que je l'ay trouvé et treuve par le rapport d'ung cliascun tant
bien moriginé et si bien accompaigné que l'on peult bien espérer de
luy ce que désirez. Ce néantmoings je ne larray, pour aultant que je
congnois assez la praticque des gens et du pays, de l'adviser là où il y
aura lieu, et donner tel conseil que je vouldroys prendre pour moy.
J'espère de le veoir à ce Noël pour ce que les estudes auront vac-
^ations, et ne fauldray luy faire la meilleure compagnye que me
pourray adviser, et présenter tous les plaisyrs et services qui seront
en ma puyssance de luy povoir faire, désirant lui gratifiier et servir
d'aussi bon cueur que je vouldroys faire à mon frère aisné. Et atten-
dant sa venue, je l'ay envoyé visiter et porter votre lettre par ung de
mes gens expressément, lequel n'est encores de retour; mais j'ay
donné charge expresse au courrier que ay dépesché pour Thurin
de ne pas faillyr en passant par Padoue de l'advertyr s'il luy voulloyt
rien commander, bien que l'eusse jà advisé de ladicte dépesché deux
jours a : vous asseurant, Monseigneur, que le voulloir que j'ay de vous
faire plaisyr et service ne me laissera attendre que me advertissez
de ce faire, ains de moi-mesme où verray que y seray bon m'y
employeray d'aussi bon cueur que je vousremercye très humblement
de l'offre qu'il vous plaist me faire, que je accepte pour m'en ayder et
valloir advenant l'occasion, laquelle pour vostre grant faveur et crédict
se peult présenter de jour en jour à ceste court où j'ay besoing de tous
mes bons seigneurs et amys, au nombre desquelz je vous tiens et
réputte, s'il vous plaist, en me recommandant humblement à vostre
bonne grâce. »
Vol. 2, f° 102 v°, copie du xvi° siècle; \ p. in-f".
1. Jean II d'Humieres, gouverneur de Péronne, Montdidier et Roye (lol9), ambas-
sadeur de France en Angleterre (lo27), gouverneur du dauphin (1535), lieutenant
général en Italie (1537), né vers 1485, mort à Saint-Germain en juillet 1550.
2. Charles d'Humieres, second fils de Jean II d'Humieres et de Françoise de Contay,
né vers 1510, mort à Baveux le 5 décembre lo"I. Destiné à la prêtrise, il était alors
abbé commendataire de Saint-Quentin de Beauvais, et étudiait à l'université de
Padoue. Il devint plus tard aumônier du dauphin (2 février 15 t3), évèquede Bayeux
(1548) et grand aumônier de France (1559-1560).
Venise. — 1540-1542. 13
19* AMn.VSSADK DE [ùÉCEMItllK l.iiO]
l'El.l.lClEH \ M. DK l.ANOEY.
109. — [ Vcnisf], I .') (li'rrmbri' i .')40. — Fcllicier a reçu, depuis les der-
nières lettres du t octohrtî, un iinporlanl paquet de Hincon. à l'adresse
du roi, (ju'il prie M. de I^angey de faire suivre le plus diligemment
possible, attendu « que S. M. aura plaisyr d'i'ntendre les nouvelles
qui sont dedans », ta savoir les bonnes dispositions manifestées par
lu Grand Seigneur à l't'gard du roi de France, lors du baisemain
accordé à Taml^assadeur vénitien Badoaro. Ces nouvelles el celles de
Hongrie sont fournies, comme celles des dépèches précédentes, par les
lettres de Uineon du .'M octobre'.
PKI.MCIER A M. DK RODEZ.
110. — Venise, i S drcernbre l.')40. — « Monsieur, par les miennes
dernières du xxviir du passé, retenues jusques au iii'= du présent, aurez
entendu la réception des voslres et par là peu congnoistre qu'il ne se
fault point esmerveiller si, à cause qu'il n'y a point de portes en celle
ville, les courriers ^c partent pour Rome sans que l'on en soyt adverty
quelques foys, ce qu'ilz ne feroyent, comme j'estime, si j'estoys logé
avecques l'ambassadeur du pape pour le seavoir. Et depuys j'ay receu
les vostres du x", et veu les nouvelles de l'assault laict par les Arrabes
au roy de Thunys. En coulrescliange desquelles vous diray comme le
seigneur lîadouare, au)bassadeur pour cez Seigneurs en Constanti-
nople, allant selon l'acoustumée baiser la main du Grant Seigneur,
et le remercyer de la paix et amytié qu'il s'estoyt daigné octroyer à
sa Seigneurie, luy avoyt faict dire et déclarer en audience publicque
que icelle n'avoit à en remercyer aultre que S. M., el que sans l'inter-
vention et pryère dudict seigneur roy ne l'eust jamais faict, si bien
luy eust voullu cedder la moytié de tout son estât, tant griefvement
esloit indigné contre elle. Dont se persuadoit bien que en recongnois-
sance du bien et proflict qu'elle avoil receu en faveur de luy, que
avecques le temps voullontairement viendroit à condescendre el
adhérer au party du roy, et laisser toutes aultres lygues. Ce qu'il avoil
bien déterminé mettre avant, premier que la recepvoir à appoincte-
menl; mais que à la dissuasion et instance de S. M. s'en esloil
déporté. Par quoy entendoit et voulloil expressément que si elle ne se
voulloyt du tout déclarer pour le roy, au moings qu'elle ne peust donner
aulcun secours ne faveur à prince du monde contre ne au préjudice
d'icelle, el espéciallement à l'empereur à la defl'cnsion de Napples et
Millau; aultrement qu'ilz luy feroienl desplaisyr, et s'en vouldroyt res-
1. Ces lettres ne se trouvent malheureusement pas dans notre manuscrit.
ToÉCEMBRE 1540] GUILLAUME PELLICIER 195
sentyr... » Les ambassadeurs de Hongrie ont profité de ces bonnes
dispositions, avec l'aide de Rincon, pour obtenir des conditions plus
douces, qui sont celles dont il a été question dans les lettres précé-
dentes : reconnaissance du jeune roi, et acceptation de l'éventualité
de succession au trône en faveur du duc d'Orléans; enfin moditication
de la forme de paiement du tribut imposé.
La nouvelle vient d'arriver à Venise « comme sept fustes de Mores
estoyent abordées en l'isle de Gourfou, et non sçaichant la paix ou
aultrement pour leur publicque inimytié à tout le monde, n'ont laissé
de prendre et emporter tout ce qu'il/, ont peu, et entre aultres choses
ont bien emmené quatre ou cinq cens personnes...
« De Venize. »
Vol. 2, f*^ 103 v°, copie du xvi" siècle ; 1 [). 1/2 in-f'^.
PELLICIER AU RiH *.
111. — [Venise], .24 décembre 1340. — « Sire, depuys les dernières
lettres que ay escriptes à V. M. du xif de ce moys, ay receu les
siennes du xxvir novembre, ausquelles me suys réservé faire responce
jusques ad ce que eusse exposé et faict entendre le contenu d'icelîes
à ceste Seigneurie suyvant vostre commandement. Ce que ay délayé
quelques jours, pour aultant que le prince de ceste ville et quelques
aultres affectionnez de V. M. estoyent mal disposez, de sorte qu'ilz
n'entroyent point en colliége; dont, par l'adviz et conseil d'aulcuns
voz bons serviteurs qui sont icy, superceddé de ce faire jusques ad ce
qu'ilz feussent en meilleure disposition. Et incontinent que jeuz entendu
le duc y estre en assez bonne pour s'y poulvoir transporter, envoyé
vers luy pour luy faire entendre que avoys aulcunes lettres de V. M.
de grant importance pour communicquer à la Seigneurie; mais que,
sçaichant très bien le bon zelle qu'il a vers vous, et aussi que quant je
alloys en colliége, et qu'il n'y estoyt point, me sembloit proprement
veoir ung corps sans chef, pour ne sçavoir quasi à qui debvoir adresser
ma parolle, m'avoit semblé estre à propoz attendre qu'il peust avoir
la commodité de s'y povoir trouver. De quoy le supplyoys très hum-
blement de me faire avoir le conseil le plus secret qu'il seroit possible,
ce que très libérallement et de bon cueur a faict. Et n'y avoit que des
plus principaulx d'entre eulx, ausquelz déclairé le plus efficacement et
dextrement qu'il me fut possible le contenu de vosdictes lettres, qui
me feirent à l'accoustumée une responce en termes généraulx la meil-
1. uNota, que ceste dépesche fut envoyée avecques celle du m" janvier, en dilligence
par La Bove jusques à Thurin. »
l'H) AMUASSADE I>i: DÉCEMUKK i:i40]
k'iire, plus aireclioiinée et rt'congiioissanli' tlus Ijons plaisyrs cl dflices
qui par V. M. leur ont esté laid/., (luil n'est possible de j)lus, sans ce
néanlnioings rien descendre à la i>articullarité de ce (|Uf Imir avoys
exposé. Et voullanl entendre en (luelle part ils auroyenl prias les
propnz à eux tenu/, et ce ([ue il/, auroyenl raisonné ensemble, ay
trouvé ipie pour en avoir aussi eslé adverli/ par leur ambassadeur
bien amplement, se collaudanl beaulcctup des bons et amyables oflres
que V. M. luy avoyt faict/., ce néantmoiuf^s concluant que ieelle ne fai-
soyl demonslracion queleitn<iue de s'esmouvoir ne faire aultre aprest
(jue par cy davanl, et (jne lousjours la pralieque de l'empereur envers
vous par ses partys et offres continuoyt de jour en jour, ainsi ([ue suys
adverly à pcyne seront-ilz de leur franche voullenté pour faire aultre
jusques ad ce qu'il/ voyent esmouvoir anllremenl V. M. et le Grant
Seigneur, se doublans que vous, Sire, el l'empereur ne ayez enfin à
vous accorder ensemble el que le tout ne ayl à tourner à leur dora-
mai £,'P.
« Sire, je vous ay escripl l'ordre que avoys donné pour luire lenyr
le pactiuel au seigneur Rincon que m'avez mandé avecques votre
lettre du x'^ novembre, qui parlyt d'icy le xxviii» dudict moys. Et pour
ce qu'il plaisl à V. M. sçavoir en combien de temps il peull eslre
arrivé à Raguse, vous diray que ay receu lettres de M. Tarcevesque de
là, et de celluy que y ay envoyé expressément pour cest efTect, comme
il arriva là le xi" du présent, n'ayant eslé possible, pour le maulvais
temps, y arriver plus tost; et soubdainement à une heure ou deux
de là, mondicl seigneur l'arcevesque le feist continuer son chemyn
en la meilleure dilligence qu'il fut possible, ayant promys le courrier
estre à Constantinople en vingl-ung ou vingt-deux jours. Je allendz
pareillement nouvelles de l'arrivée de l'aullre pacquet que ay receu
dernièrement avecques celles de V. M. du xxvii'^ du passé, lequel ne
faillyz mander par briganlin exprez selon vostre commandement.
J'espère qu'il n'y aura pas moings de dilligence à le faire lenyr au sei-
gneur Rincon que les aullres précédans; duquel ay receu une petite
lettre, me confirmant seuUement ce que m'avoyt escript auparavant
touchant le bon et brief exploict queavoyent faict les ambassadeurs de
Hongrye avecques le Grant Seigneur, et les propoz qui avoyent esté
tenuz à M. l'ambassadeur de ces Seigneurs, en faveur et exallacion de
V. M., m'adverlissant aussi de la réception de vostre pacquet que luy
envoyé par homme exprès jusques en Constantinople. Auquel me
remeltoit à vous faire responce à quand le seigneur Lasky auroyl eu
résolucion de sa commission, qui debvoil eslre dedans sept ou huict
jours, pour ce que l'on n'esloil point deslibéré de lui accorder rien de
ce qu'il estoyt allé demander; et, comme cez Seigneurs ont esté
advertiz, on luy a donné si bonnes gardes à son logeis qu'il n'en peult
pas sortyr quant il veult, et aulcuns estiment qu'il est en grant danger
[dÉCE.MBUE 1540] GUILLAUME PELLICIER I97
de sa personne '; voulans venyr sur le propoz que ay escripl à V. M.
par la mienne du xxix'^ novembre, que ung Sirec Vayvoda avoit tenu
à ung des serviteurs de M. l'évesque de Transilvania que ledict Lasky,
cependant que son maistre elles siens faisoyent toutes hostilitez contre
les alliez du Grant Seigneur, faisoyt semblant de chaircher paix et
amytié. J'ai aussi escript à V. M. comme le Grant Seigneur faisoyt
armer à grant dilligence et secrètement cent voylles pour respect
de voz allaires, chose qui se continue. J'eslime bien que par les
premières lettres du seigneur Rincon qui, à mon adviz, ne tarderont
guères à venyr, l'on en sçaura la vérité plus au long; et pareillement
ce que cez Seigneurs ont entendu, et qu'ilz tiennent pour tout certain,
c'est que celuy qui doibt venyr icy de la part du Grant Seigneur, qu'ilz
attendent bientost, leur doibvo offryr Nadin et Laurana, et une traictc
de cent mil septiers de bledz, à la charge qu'ilz renonceront de donner
secours à l'empereur, au recouvrement de la duché de Millau et
royaulme de Naples.
« Sire, l'on a eu icy nouvelles de la court de l'empereur comme aprez
avoir entendu le maulvais exploict faict par l'exercite du roy des
Romains en Hongrye, et que, en se retirant ou auparavant, y en sont
demeurez de cinq à six mil, en a eu si grant desplaisyr qu'il en est
devenu presque mallade. Et par lettres du secrétaire Fidel s'entend
que icelluy empereur avoyt mandé au marquiz du Guast qu'il escrip-
vist au pape, comme de soy-mesmes, qu'il estoyt adverty que Sa Sainc-
teté faisoyt quelque trouble au duc Cosme sur ses confins, luy faisant
entendre qu'il ne le vouUoyt souffryr, pour ne mettre en mouvement
l'Itallye, et qu'il le pryoit de s'en déporter; aultrement qu'il luy don-
neroit à congnoistre qu'il n'estoyt pour l'endurer. Ce néantmoings l'on
tient pour tout certain à ceste heure plus que jamais ce que ay escript
à V. M. par mes dernières lettres touchant l'eschange de Parme et
Plaisence avecques la Tuscane, et que la chose est entre eulx arrestée.
« Sire, puis naguères M. le conte de Sainct-Seconde * m'a escript
lettres de créance que m'a présentée ung de ses gentilzhommes qui
1. Laski fut retenu, pendant l'hiver et le printemps de lo40-loii, prisonnier
dans le palais du grand vizir, Lutfy-Pacha, où le premier drogman, Yuniz-Bey, vint
le visiter, l'assurant qu'il n'avait rien à craindre, puisque le sultan trouvait fort
beaux les faucons dont il lui avait fait présent. Le vieil eunuque Sulcyman-Pacha,
second vizir, avait bien conseillé de lui couper le nez et les oreilles, mais le sultan
s'y était refusé. Laski avait d'ailleurs la faculté de sortir le dimanche pour aller
entendre la messe dans l'église du patriarchat grec, et une somme était alTectée à
son entretien et à celui de ses gens (Y. de Hammer, t. Y, p. 324 et suiv.).
2. Pietro-Maria Rosso, des Rossi de Parme, comte de San-Secondo, l'un des capi-
taines les plus renommés de l'Italie, qui avait successivement servi et ai)andonné
la France, l'Empire et le Saint-Siège. Sa petite place de San-Secondo, située sur le
Taro, non loin de Parme, était bien fortifiée et le concours de ses armes pouvait
être précieux au roi. Rosso obtint en lci43 la chù"ge de colonel général de toutes
les bandes italiennes au service de la France, et servit en Piémont jusqu'en 1547.
11 avait épousé Camilla, fille de Giovanni di Gonzaga.
198 AMBASSADE DE [DÉCEMBRE lo40]
m*a l'xposé de sa part que, pour riuclinalion que a toujours eue sa
maison à la dévotion de V. M., avoyt grant désyr et voullenlê d'entrer
à son serviee. Kl incsinenient, ayant entendu des propoz que luy a tins
monseigneur le cardinal de Ferrarc et lasseurance (ju'il luy a donnée
de vostre honne vouUenté et du bon Iraictement quil pounoyl avoyr
avecques icelle, me pryant le vous faire entendru; et que si cesl
votre bon plaisyr de l'aecepler, que luy et tous les siens n'espargneronl
jamais ne corps ne biens à vous faire service. Et pour ce, Sire, que
s'estant tousjours employé aux armes, et que le temps aproche de
s'asseurer de ce que l'on aura ti faire en telles choses, ma faict dire
que désireroyt grandement entendre de bonne lieure la vouUenté de
V. M., allin que suyvant icelle il veist ce qu'il auroyt à faire pour y
pourveoir, me faisant bien entendre qu'il aymeroit mieulx eslre à
vostre service pour beaulcoup moindre avantaigc qui! ne feroit
avecques nul aultre prince. S'il semble bon à V. M., il luy plaira m'en
faire faire responce de ce que je auray à lui dire. Le semblable, me
venant veoir, m'a faict le seigneur Sigismonde Malatcste ', lequel pour
avoir honneste appoinctement avecques cez Seigneurs est en bonne
réputacion par deçà; et de moy je treuve que pour leage en quoy il est,
qui ne arrive à vingt-cinq ans, fort accord, et si a ainsi que j'ay entendu
bien bon crédict en la plus grant partye de la Romanye, et mesme-
ment es principalles villes comme sont Ilavena, Rimyny, Fayance,
Ymola et Cézena *, de sorte qu'en peu de temps est pour faire deux
mil hommes de pied et, à ung besoing, cent chevaulx ligiers : m'ayant
pryé fort affeclionnément escripre à V. M. que, nonobstant quelque
appoinctement qu'il ayt avecques cez Seigneurs, il désire grandement
eslre au service d'icelle; à quoy il vous plaira. Sire, me faire faire
pareillement responce. »
Vol. 2, f" 104, copie du xvi" siècle; 3 pp. 1/4 in-f\
PELLICIER AU CONNÉTABLE:
112. — [Veiiisc], 24 décembre 1510. — « Monseigneur..., l'on a
lettres icy que le pape estoit en bonne vouUenté de faire le mariaige
de la signora Vittoria avecques M. d'Aumalle, combien que comme
1. Sigismondo et Rol)erlo Malatcsta, après avoir vainement défendu contre les
papes leur seigneurie de Uimini, avaient dû se retirer avec leur père Pandolfo IV
Malatesta, depuis 1528, dans la ville de Ferrare. Le premier avait une immense
notoriété dans toute la Romagne: le second obtint, en lo4i, la charge de colonel
dans l'armée de Pietro Strozzi. - Un traité avait été conclu dès le 16 avril 1529, à
Florence, entre François 1", représenté par Claude Dodieu, et Pandolfo Malatesta,
ses fils et son neveu, qui s'attachaient au service de la France (Original conservé
aux Archives nationales, Suppl. du Trésor des Charles, J. 090, n" 4).
2. Ravenne, Rimini, Faënza, Imola et Cesena, places de la Romagne sur laquelle
s'étendait, depuis plus de trois cents ans, la puissante influence des Malatesta.
^DÉCEMBRK liUO] GUILLAUME PELLICIER 199
l'on présumoit on ne luy donnast point occasion de se lournci- du
party de S. M. pour luy avoir relardé, comme ilz disent, trois ou
quatre pacquetz de son ambassadeur, lequel pour aulcuns respectz a
révocqué, et y doibt mander ung secrétaire jusques ad ce qu'il y ayt
pourveu de quelque prélat. Et entend Ton qu'il ne lient pour para-
chever ledict mariaige que à ving mil escuz et à faire quelques cardi-
naux; mais quant aux escu/., Sa Saincteté, ainsi que Ton estimoyt,
n'estoyt pour en faire difficulté, et des cardinaux encore moings. Car
il en fer<)yt plus tost dix, si tant en plaisoit à S. M.; et espéroyt bien
recouvrer lesdictz vingt mil escuz pour la vaccation des offices du
patriarche d'Alexandrye, déceddé puis naguère à Padoue, qui estoit
aussi évesque de Malège en Espaigne, qui vault sept ou huit mil escuz *.
Dont Ton estime que M. l'ambassadeur de Tempereur estant icy n'aura
pas perdu sa peyne d'en avertyr icelluy empereur en toute dilligence,
pour ce qu'il sera pour lavoir; et dict l'on davanlaige que l'empereur
faisoyt tout son pouvoir pour essayer de gagner le roy d'Angleterre, et
accorder son affaire avecques le duc de Clèves affm de nous donner
jalousye, et à tous noz amys et alliez.
« Monseigneur, j'escriptz présentement au roy touchant M. le conte
de Sainct-Seconde et le seigneur Sigismonde Malateste, qui désirent
grandement estre au service de S. M., ainsi que verrez plus au long
par lesdictes lettres. Dont ne m'estenderay à vous faire aultre descrip-
tion de la quallité desdictz personnaiges; tant seullement vous sup-
plyeray. Monseigneur, qu'il vous plaise me faire faire responce de
ce que je auray à leur dire, affin que pour le moins ils congnoissent
que on ne met en obly ceulx qui se viennent offryr au service de
S. M. »
Vol. 2, f° 106, copie du xvi° siècle; 1 p. i/'t in-f°.
PELLICIER A l'élu D'aVRANCIIES 2.
113. — Venise^ 24 décembre 1 540. — « Monsieur, il ne fault que
vous attribuez la faulte que n'ay faicte responce aux deux vostres,
sinon à la confiance que ay eue que le seigneur lieutenant du seigneur
Cézar Frégose vous aura respondu à celles que m'avez adressées pour
luy mander; lesquelles ay baillées entre les mains du seigneur Augustin
1. Cesare Riario, patriarche d'Alexandrie, évêque de Malaga, de 1519 à loiO, date
de sa mort; Gaiiiï; {Séries episcopoi-um^ p. 40) le fait mourir à Rome.
2. Christophe de Siresmes, maître d'hôtel et secrétaire du connétalde de Mont-
morency, élu d'Avranches, fut mêlé à diverses négociations avec Henri VIII et
Charles-Quint, de 1338 à 15i0 (V. Ribier, t. I, pp. 4b2 et 467-468). II avait reçu, le
16 octobre 15 iO, des lettres de provision pour l'office de vicomte et receveur ordi-
naire de Baveux (C«<. des actes de François r% t. IV, p. 148, n" 11678).
200 AMBASSADE DE [JANVIEU |o4l]
Altomly ', (jui m'a dict Ips luy avoir envoyées seuremonl. Car, quant
j'eusse pencé que mes lettres vous eussent peu servyr ou que eussiez
désiré d'en avoir, je n'eusse demeuré si lonj^uement à ce faire; mais
n'ayant eu malièie (jui le mérilast, m'eust semblé vous estre plus tost
importune (pie aiillreiinMil...
(( />«• \riiizi'. »
Vol. 2, f" lue» V, copie du \vi" siècle; 1/2 p. in-K
l'EM.ICIEIl \ l.\ DICIIESSE DE rEHRARE*.
114. — [Venist']^ i'^' janvier 1541. — <f Madame, mandant présen-
tement le porteur de cestes vers M. le conte de la Mirandola pour
(juelques miens alTaires, m'a semblé ne dcbvoir obmeltre à vous
adverlyr des occurences et nouvelles du cousté de deçà; et mesmement
comme cez Seigneurs ont eu lettres de Conslantinople; par lesquelles
ont entendu que le seigneur Rincon en esloit party le xxviir' novembre
pour venyr vers le roy, et que le Grant Seigneur l'avoyt vestu fort
richement et faict signe de bien grande bénévolence, lui ayant faict
promettre de retourner vers luy dedans quatre moys; dont ledict sei-
gneur Rincon a laissé là la plus part de son train. »
Pellicier termine sa lettre en citant à l'appui de cette nouvelle une
lettre de l'archevêque de Raguse, du 19 décembre, dont on trouvera
la mention dans la dépêche qui suit, adressée à l'évêque de Rodez.
Vol. •-', f» 106 V", copie du xvF siècle; 1/2 p. in-f».
PELLICIER A M. DE RODEZ.
115. — [Fe»îse], 1'^'' janvier Jo4i. — « Monsieur, les dernières
lettres que ay receues de vous sont du xix'^ du passé, ausquelles ne gist
aultre responce fors vous remercyer des occurences que me départez
de votre cousté, et aussi de la bonne et seure adresse que avez donnée
aux lettres que vous avoys envoyées de M. l'évesque de Transilvania,
qui a esté bien aise d'en avoir eu responce. Et le semblable vous sup-
plyeray faire faire par ung de voz gens bien seurement des lettres
1. Afîostino Abondio. Ce personnage, aj^rès avoir fait partie de la maison de
Cesare Fregoso, était devenu le j)rincipal a^'ent, le facteur, comme on disait alors,
de l'ambassade de F'rancc, et recevait dans sa maison, à Venise, les gentilshommes
italiens de la clientèle de François \". L'Arétin mentionne à ce titre Abondio dans
ses lettres (Il secondo libvo délie lelt';re. Paris, 160'.), p. 30.o), et Pellicier se loue
en divers endroits du zèle qu'il apportait dans son service. Ce zèle lui coûta cher,
comme on le verra par la suite.
2. - Par messer Jlieronimo Guer/o. »
[janvier 1o411 GUILLAUME PELLICIER 201
qui s'adressent ù M. le conte de Languillare *, beau-père du seigneur
Jehan Paulo de Gère', car elles sont de bien grant importance pour
le service du roy, que luy mande un boa et très grant serviteur de
S. M. qui est icy. Dont, pour lasseurance que j'ay que avez telles
choses en aussi grande recommandation que moy-mesmes, ne vous
prieray d'aultre sinon m'advertyr s'il vous plaist de ce qui en aura esté
faict pour ma descharge. Et au demeurant vous diray que j'ay receu
lettres de M. Tarcevesque de Raguse, du xîX'- du passé, qui me faict
entendre comme Icdict jour estoyent arrivez à Raguse deux courriers
de Constantinople, partiz de là le xxviii" novembre, qui luy avoyent dict
de bouche que le seigneur Rincon seroit dedans deux jours audict
Raguse pour s'en venyr vers le roy... >>
Les nouvelles qui suivent, concernant les affaires de Levant, se
retrouveront plus au long dans la dépêche au roi du 3 janvier.
« L'on a icy lettres que l'empereur, ayant entendu le maulvais exploict
faict par l'exercite du roi des Rommains, et que en se retirant ceulx
de Bude en ont deffaict environ de cinq à six mille, en a eu si grant
desplaisyr qu'il en est devenu presque mallade. Qui est tout ce que
vous puys dire pour ceste heure, fors que le xx^ du passé Napoli de
Romanye fut consignée ez mains du Grand Seigneur; et le xxiV^ le
semblable fut-il faict de Malvaisye, et des personnes dedans environ
mille des principaulx sont allez habiter en Candye, en Zante et aultres
lieux de ceste Seigneurie... »
Vol. 2, f» 107, copie du wi^ siècle; 1 p. 1/2 in-fo. ,
PELLICIER AU ROI '.
116. — [Venise], 3 Janvier 1 541 . — « Sire, dcpuys avoir escript à
V. M. le xxiiiF du passé, j'ay entendu comme cez Seigneurs avoyent
receu lettres de leur ambassadeur prez du Grant Seigneur; et pour
n'en y avoir aulcunes du seigneur Rincon pour V. M. ni pour moy, les
■I. Virginie Orsini, rdmte dell' Anguillara, général des galères de l'Église, mort
dans l'expédition de Djerba en 1360. Il était fils de Carlo Orsini, comte deli' Anguil-
lara, tué au service de François 1", et avail épousé Maddalena Strozzi, sœur des
quatre frèros Strozzi.
2. Giovanni-Paolo Orsini da Cerri, gentilhomme employé au service^e la France.
C'était le plus influent des Orsini. Dès 1533, il avait été chargé de négociations à
Rome, avec François de Dinfeville, évèque d'Auxerre. François I" le nomma
gentilhomme de la chambre, à la fin de l:J3.y, et, peu de temps après, colonel
général des bandes italiennes. — Son père, Lorcnzo ou Renzo Orsini, seigneur de
Cerri, avait déjà servi longuement et fidèlement le roi de France en Italie, et
rempli les fonctions de lieutenant général au royaume de Naples.
3. « Nota, que la présente dépescheavecques celle du xxnu décembre furent man-
dées expressément en poste par La Bove jusques.i Thurin; et fut escript cedict jour
à M. de Villandry, Garrigues et au sire Laurens Charles : dont n'en furent faictes
mvnutes. »
202 AMDASSAnn DE [jANVIKIl lo4l]
envoyé pryer, s'il/, avoyenl (luelques nouvelles qu'ilz me peulsenl com-
nninic(iuor, iii'cu faire pari, afiin (.le les faire sçavoir ii V. M. Qui
feirent responee ne les avoir encores veues, pour n'avoir eu le temps
de les déchillrer, mais ce jourd'luiy m'ont envoyé quéryr j)ar unj^ de
leurs secrétaires, oii suys allé. \i[ m'ont dict que par lettics des xv,
xvi et xxvr' novend>re et premier décendire, avoyenl entendu comme
le xvi« novembre ledict seigneur ambassadeur rencontra le seigneur
Hincon allant vers le Grant Seigneur par son mandement, pour estre
veslu à l'acouslumée des and)assadeurs (juant se partent de la Porte,
et que le xxviir dudiel nioys s'en partyt de là pour s'en vcnyr vers
V. M. El le xxx« dicelluy moys ledict Grant Seigneur, ayant entendu
les cfl'ort/. du roy Kerdinaudo en Hongrye, s'en partyt aussi de Cons-
tantinople pour aller en Andrinopoli où avoit mandé la souldane sa
femme, auparavant, en merveilleuse pompe et attirail. Et que ledict
Grant Seigneur, longtemps auparavant son parlement, avoit com-
mandé estre mys en ordre de cent cinquante à deux cens gallères;
pour quoy plus lost et mieux faire avoit mandé en INégroponte ', Cio et
aullres lieux cliaircher de maistres de cest art là.
« Pour lequel ouvraige avancer et haster s'estoyt transporté plusieurs
foys à l'Arcenal, chose que n'avoyt jamais acouslumé faire. Et avoit
aussi ordonné estre mys sur le Danubio cinq cens vaisseaulx qu'ilz
appellent 7iassadcs * pour Tentreprinse de Hongrye. Et par aultrcs
lettres de quclques-ungs particulliers de ceste ville, escriptes par ledict
seigneur ambassadeur de cez Seigneurs, j'ay veu comme ledict Sei-
gneur Rincon en estoyt party ledict xxviif et que ledict Grant Sei-
gneur l'avoit veslu fort richement et faict signe de bien grant bénivol-
lence, s'en venant avecques une partye de son train seuUement, ayant
laissé son secrétaire ^ avecques le reste à Constantinople. Et que ledict
ambassadeur l'avoit accompaigné Iroys mil hors Péra; mais avant son
parlement il a si bien faict qu'il a impélré que les marchandises de
messire Mapheo Bernardo * luy ont esté restituées : qui fait beaul-
coup espérer que cez Seigneurs pourront avoir le semblable de la leur.
Et en confirmation de ce que ay escript à V. M. par le second article
de mesdicles dernières lettres touchant le seigneur Laski, M. l'arce-
vesque de Raguse m'a escript que aprez qu'il eut eu audience du
1. Négrepont, l'ancienne Eubéc, ile de l'Archipel très proche tic la cùlc, dont
elle est séparée par le détroit de l'Euripe. Elle avait été reprise par les Turcs sur
les Vénitiens en 1470.
2. Sorte de navires ou haleaux de Iraiisport (jiic nous n'avons pu parvenir à
déterminer. De llammer parle, dans son Histoire de l'empire olloman (t. V, p. 27 1),
<les matelots nassadistcs employés pour la navip-'ation du Danube.
3. Vincenzo Mafrgio.
4. Mairco Bernardo, riche armateur vénitien trafiquant avec le Levant. Membre du
conseil des Dix, il fut mis ]ilus laril en accusation sous le chef d'avoir révélé les
secrets de la République, prit la fuite et fut assassiné sur le territoire de Ravenne
en novembre loiO [(Ca/eH(/ar of State papers, Venetian, lb34-15iJ4, p. 17C et suiv.).
[janvier l.'iil^ GUILLAUME PELLICIEII 203
Grant Seigneui-, soubdainement lut mené en ung logeis avecques
tous ses serviteurs, où Ton luy avoit donné si bonnes gardes que per-
sonne ne povoit parler a luy, ne moings nul des siens ne peult sortyr
hors de ladicte maison. Dont, se voyant ainsi resserré, envoya s'excuser
aux bassatz, disant qu'ilz ne se debvoyent esmerveiller s'il avoit parlé
si hardiment au Grant Seigneur, car ne l'avoit faict de soy, mais par
le commandement son maistre, et que s'il esloit encores à dire ce
qu'il a dict, n'en vouldroit retirer une seule parolle; toutesl'oys que
s'il plaisoyt audict Grant Seigneur le laisser retourner devers sondict
maistre, qu'il feroit de sorte avecques luy que dedans peu de temps
ledict Grant Seigneur et luy seroyent bons amys, et si seroyt satisfaict
et content de luy. Néantmoings, pour tout ce qu'il a pou dire ne
alléguer, l'on ne l'a aulcunement eslargy, ne mys en liberté.
<( Sire, sur le poinct que faisoys la présente dépcsche m'est survenu
ung pacquet du seigneur Rincon, qui m'escript le vous faire tenyr en
la plus grande dilligonce que faire se pourroyt. Dont, à une heure de
là, ay dépesché ung homme expre/ en poste jusques à Turin. Et m'es-
cript seuUement ledict seigneur Rincon que, incontinanl âpre/ qu'il
fut arrivé à Sophia ', survint commission du Grant Seigneur au
chaoux * qui le conduysoit qu'il ne le laissast passer plus oultre
jusques ad ce qu'il lui eust mandé et ordonné aultre chose. De quoy
ledict seigneur Rincon restoit non peu estonné, et ne povoit pencer
la cause de telle rctardacion, présumant qu'il luy fauldroyt plus tost
retourner à Andrinopoli retrouver ledict Grant Seigneur que de pour-
suyvre son encommencé voyaige •'. J'estime bien qu'il adverlist ample-
ment V. M. des occurrences de delà. Dont feray fin à la présente. »
Vol. 2, f'' 107 v°, copie du xvi'' siècle; 2 pp. in-f".
1. Sofia.
2. Chaouch, ou messager d'étal. Ces fonriionnaires du divan s'élevèrent parfois
aux rôles plus importants dlntroducleurs des ambassadeurs ou mêaïc d'ambassa-
deurs officiels.
3. Les mêmes renseignements sont confirmés dans une curieuse dépêche de sir
John Wallop, alors aml)assadeur de Henri YUl à la cour de France, adressée de
Melun à son maître, le 26 janvier : " ... The TurUe dothe make for this yere grcle
préparations, aswel by see as land, intending to cumme in person with a gret
puissance into Hungarye, and is alrcdy cumme Ihetherward as farrc as Andreano-
pole, bringing with liym liis wife and wifTes, not accustomed heretofore so to doo,
but ever left them at Gonstantynopoll. Furthermore he dayly makith a grete
nomber of vesselles for Ihe ryver of Danubyne, putting meii into liiem for to
learne to rowe for that navigation. The said ryver ys swifte. and h.itlie Ihe grctist
currant of ail other of Cristendome, specially towards Hungarye and Almaigne.
The said Turke sent hetherwarde Capitayne Rynckorne, the Frenche Kinges amlias-
sadour, leaving his secretary ^vith hym uniil his returne, who, after that he
was wel forwarde in his journey, rcvoked hym with ail spede. And assone as
he had sufliciently communed with hym, he was dispached with ail dilligence,
and is loked for hère, being thought that he bringeth suche grêle and secret
maliers of importance, that the said Turke wol nol trust to send by wriling... »
{Stale impers, vol. VHI, p. 514).
204 AMBASSADE DH [JANVIER I ii H ]
l'El.LICIEH AI' CnNNÉTAlU.E.
117. — l^jijs»']. 3 janvirr i f) 4 1 . — Pellicicr annonce au conné-
table lo paquel do Rincun cl If dépail de celui-ci de Conslanlinople.
« ... Pour n'entendre du seijçneur Hincon aultrement la cause de sa
venue, pour ne inrn avoir rien escripl, je ne puys adjouster aultre du
mien, et aussi j'estime bien (ju'il n'aura failly le faire sçavoir au roy;
mais quelque chose que ce soit, si ne furent jamais si estonnez et
niarrys les Impériaulx qu'il?, sont de ceste nouvelle. Et se tiennent
pour dicl que à ce coup on yra à bon essiant et du tout, faisant là
dessus mille tliscours que le Grant Seigneur, se voullant asseurer du
couslé du roy, a voullu envoyer en personne ledict seigneur Ilincon. Et
principallement pour ceste entreprinse qu'il faict, ([u'ilz entendent très
bien estre faicte tant par mer, terre que sur le Danubio, la plus
grande et terrible que de nostrc temps fut jamais oye; mesmement du
grant nombre des vaisseaulx, qu'il/, appellent nassades, qu'il appreste
sur le Danubio, qui sont suffisans pour pouvoir charger quinze mil
hommes. Depuys les miennes dernières que vous ay escriptes le xxiiii'
du passé, est arrivé icy de retour le seigneur Contarin, providadeur '
de l'armée de cez Seigneurs, lequel, voullant à l'acoustumée aller
au sénat refférer et rendre compte de sa charge, aulcuns d'entre eulx
s'y sont opposez et, comme ils disent, l'ont entremys; et ce, pour
aultant que luy, estant en l'absence du général faict providadeur
général de l'armée, donne plus d'occasion de la rompture contre le
Turcq que tout aultre. Demain l'on doibt veoir ce qu'il en sera. »
Vol. 2, f" 108 vo, copie du xvi= siècle; 1 p. in-f".
PELLICIER AU CARDINAL DE TOURNON '.
118. — [T'enise], 3 janvier 1 541 . — « Monseigneur, l'assurance que
ay tousjours eue -que ne faillez à veoir ordinairement les nouvelles
d'estat qui s'escripvent au roy de tous coustez m'a gardé de vous en
escripre par cy davant; dont je vous supplye, si en ce n'ay faict mon
debvoir, m'en avoir pour excusé, car je m'en suys plus tost retenu de
\. Provédileur. — Les Conlarini, venus de Concordia, « bienfaisants et de bon
conseil », dit une très ancionnc chroni(]uo. blasonnant ainsi d'un trait les plus
vieilles familles étaldies sur le sol vénitien (.Mohncnti, loc. cit., p. 16).
2. François de Tournon, second lils de Jacques H de Tournon et de Jeanne de
Polignac, né à Tournon en li8',t, mort à Paris le -22 avril 1362. Successivement
archevêque d'Embrun (loi"), de Bourges (lo2o), d'Auch (1537) et de Lyon (1351);
évèque de Sabine (1330), d'Oslie et Vellctri (I5ij0): cardinal (1530), ministre d'Étal,
il prit une part active au.\ négociations des traités de Madrid (1526), de Cambrai
(1329) et de Nice (1538). Henri II l'eloigna des affaires et l'envoya comme ambassa-
deur à Rome.
[janvier 1d41] GUILLAUMI:: PELLICIER 205
paour de vous importuner, sçaichant les occupations que vous avez
chascun jour, que pour faulte de bon voulloir et affection que j'ay à
vous faire service. Toutesibis à présent s'estant offerte l'occasion, m'a
semblé ne debvoir obmcttre à vous faire le présent pour vous advertyr
comme j'ay receu la vostre par M. le prothenotaire de la Rochefou-
cauld ' vostre nepveu, et vous remcrcyer bien humblement de l'hon-
neur qu'il vous a pieu me faire de la charge que luy avez donnée de
me venyr veoir, vous asseurant, Monseigneur, que en tout ce qu'il me
sera possible ne fauldray à luy porter toute faveur, et faire tous les
plaisyrs et services qu'il me sera possible. Et pour ce qu'il arriva icy
trois ou quatre jours devant Noël,^le pryé de demeurer avecques moy
pour passer ces festes, ce qu'il feist, où a assisté à toutes les sérimonies
et bancquet qu'y ont acoustumé faire cez Seigneurs cez jours là; lesquelz
pour l'amour de Vostre Révérendissime Seigneurie, luy ont faict toute
l'honneur et entrelien que se peult faire. Et pareillement luy ay faict
veoir toutes les choses plus singulières dignes de veoir de ceste ville,
en attendant que ung de ses gens qui estoit allé davant à Padoue pour
prendre ung logeis fust de retour; et s'en partyt d'icy le jeudy d'aprez
Noël. J'estime bien, ainsi qu'il m'a dict, qu'il me viendra veoir à ce
caresme prenant, que ne fauldray lui faire la meilleure compagnye dont
me pourray adviser. Et cependant envoyeré veoir à son logeis de
Padoue comme il se porte, et si moy-mesmes avoys loisyr de y povoir
aller, je le feroys d'aussi bon cueur que je désire vous faire service... »
Vol. 2, fo 109. copie du xvi'^ siècle; 1 p. in-f°.
PELLICIER A M. DE LANGEV.
119. — [Fenise], 3 janvier 1 54 1 . — Pellicier remercie M. de Langey
de sa lettre du 12 novembre, et de l'envoi des doubles de ce qui a été
fait entre lui et le marquis del Vasto. En revanche, il lui donne les
1. Jean de la Rochefoucauld, seigneur de Blanzac, troisième fils de François II.
comte de la Rochefoucauld, prince de Marsillac, baron de Verteuil, et d'Anne de
Polignac, dame de Randan. Il devint maître de la chapelle du roi, abbé de Mar-
mouliers, de Villeloin et de Cormery, et mourut à Verteuil en 1583.
En France, l'office de protonotaire apostolique s'obtenait assez aisément par
un rescrit en cour de Rome, à fort bon marché, et n'emportait aucune obligation.
Brantôme nous dit que « c'estoit la coustume en ce temps là des prothenotaires,
et mesmes de ceux de bonne maison, de n'estre guères savans, mais de se donner
du bon temps, d'aller à la chasse, de jouer, de se pourmener, faire l'amour, et la
pluspart du temps faire cocus les pauvres gentilshommes qui cstoient à la guerre ».
Et il cite ce début d'une chanson à la mode :
Passcrez-vous toujours par cy,
Protenotaire sans soucy ?
{Œuvres, édit. Lalanne, t. III, p. 47.)
II semble par la lettre de Pellicier que le jeune La Rochefoucauld, allant étudier
à l'université de Padoue. s'accommodait fort bien de ces faciles traditions.
200 AMBASSADE Di: [jANVIEU 1541]
nouvelles (ju'il a de Uiiicun et de la cour impériale, nouvelles dont il
a été question dans les lettres au roi du 3 janvier et du 24 décembre.
« \'i\\ aussi entendu comme l'empereur avoil faict ung inipost sur
le royaulme de Naples de troys millions d'or, payables en Iroys ans ;
desqnc»!/. les barons du pays ntil ;i priyer la moictié et le peiijde le reste;
mais l'on estime (ju'il pourra avoir ledicl payi-ment en six moys, pour
aullanl (juil en fera vendicion et eschangement avecques quelcjnes
marchans comme il est acoustumé faire '. Et ce a esté accepté et con-
lirmé par tous ceulx du pays le xi' octobre, soubz coulleur de faire la
guerre contre les Inlick-lles... »
Vol. •_', 1" lo'.i V". copio <lu \vr sicclo: 1 p. in-f'^
i'Ei-i.ii;ii:n A M. d'annehailï.
120. — [Venise], 3 janvier lo4l . — Mêmes nouvelles que dans la
lettre précédente.
Vol. -, f' llu, copie du .Wi-^ siècle; 1/3 page in-f^
PEI.LICIEU AI" CONNÉTABLE, .\ .M. D'aNNEBAULT ET AU CAHUINAL OE TOURNON ^.
121. — [Venise], 3 janvier 1541. — « Monseigneur, pour avoir
fourny tout le temps que ay esté icy jusques à présent tout l'extraor-
dinaire, tant pour les brigantins mandez ou venuz d'icy et Raguse, et
les postes et aultres messaigcrs de toutes pars, et aussi entretenu du
mien propre les serviteurs du roy qui sont icy, pour continuer mieulx
le service dudict seigneur, me trouve si despourveu d'argent que ne
sçay bonnement que faire, si de vostre grâce ne m'y est pourveu en
me faisant deslivrer l'ordinaire comme me a esté ordonné pour la
demye année qui est desjà escheue au premier de janvier. Et ce pen-
dant que les comptes dudict extraordinaire seront veuz et allouez, je
me pourray ayder dudict ordinaire comme la raison veult. Par quoy je
vous supplye très humblement me voulloir faire ce bien de me faire
ordonner et deslivrer ledict ordinaire de la demye année, affin que je
me puisse l'aire changer aux payemens de la prochaine foyre des Trois-
Roys •'; qui me sera double commodité. »
Vol. •-'. 1" 1 10, copie du xvi" siùcle; 1/2 p. in-f\
\. Témoin les fameu.x marchés passés avec les Fiigger.
2. <■ Cest article a esté mys en billet dedans les lettres de MM. le conneslable,
d'Annebault et cardinal de Tournon, en la dépesche précédente diidicl lu" janvier ».
3. Une des foires de Venise les plus importantes par les transactions commer-
ciales auxquelles elle donnait lieu.
[janvier i54i] GUILLAUME PELLICIER 207
l'El.MCIER A RINCdN '.
122. — [ T'en/se], .9 janvier 1 541 . — « Monsieur, j'ay voii tout ce que
m'avez, escript par la vostre du ix'= novembre, et mesmement touchant
celluy que vous avoys envoyé expressément porter ung pacquet. A quoy
n'eusse demeuré si lonj^uement à vous faire responce, n'eust esté
l'espérance que j'ay de vous donner à entendre de bouche les raisons
qui me meuvent de ce taire. Lesquelles à mon adviz ne trouverez si
estranges que l'on vous a vouUu à l'aventure faire entendre. Or, Dieu
soit loué que pour le moings il n'en est arrivé aulcun inconvénient,
sinon que ung peu de retardement en son voyaige, qui peult cstre,
comme pourrez avoir entendu, n'ont esté par son defï'ault, car telz
empesehemens sont bien arrivez à aultres. Et par adventure si je y
eusse envoyé ung des miens, en feust peu advenyr pys, pour n'en
avoir aulcung qui entende la lengue ne mode de faire du pays de delà,
comme luy. Et pour ce que me remectz à vous en dire davantaige à
nostre entreveue, je m'en déporte pour ceste heure, et me tourneray
au propoz que je congnoyz plus vous appartenyr que à tout aultre. Et
vous diray comment quelque temps auparavant que eusse receu voz
lettres escriptes à Sophia, le seigneur ambassadeur Badouare avoyt
escript à cez Seigneurs le xxviii'= novembre, les advertissant du jour
de vostre parlement de Constantinople, et de toutes aultres choses
plus au long que ne m'avez escript. Et principallemenl des grandes
carresses et démonstrations de bénivollence que le Grant Seigneur et
tous les bassatz vous avoyent faictes, et entre aultres choses comme
icelluy Grant Seigneur vous avoit tenu à parlementer avecques luy
environ de deux à troys grosses heures, chose qu'il n'avoit jamais
faicte à homme du monde, fust chrestien ou de sa loy. Mais des
propoz que eustes ensemble n'en a rien peu sçavoir; dont cela avecques
vostre venue en personne faict estimer que c'est pour chose de bien
grant importance. Et mesmement les Impériaulx en sont demeurez
merveilleusement estonnez et marrys. Et quant est de la commission
mandée par le Grant Seigneur au chaoux qui avoyt charge vous con-
duyre, je vous advise que plus de vingt-quatre heures auparavant que
eusse receu vosdictes lettres de Sophia du xi"' décembre, avecques le
pacquet du roy que luy dépesché incontinant en dilligence jusques à
Thurin, par ung de mes gens, aulcuns Ragusoys qui sont icy en
avoyent esté advertys; et ne faillyrent à en semer bien tost la nouvelle,
car le soir, avant que arrivast icy vostredict pacquet, M. Févesque de
Transilvania me l'avoit mandé à dire par son secrétaire. Je ne vous
1. « Nota, qu'il fut escript à M. de Rodez, le vin' de ce moys. dont n'en fut
faicle minute. »
208 AMBASSADE DE [JANVIER 1541]
diray «Je quelle voullenlé sont lesdiclz Inipériaulx envers eesl affaire, et
ordinaireiin'iil i-ii l«tiiles v<r/. enlrepiiiises, car voslre prudence lentend
el cougnoisl Irop iniculx. Mais si ne larray-je à vous dire comme j ay
esté adverly par un^? qui se lient ^randrmenl tenu à vous, et que bien
co^noisse/. pour vous avoir conduict aullrefoi/. jusques à Raji:use, (jue
des |)rincipaulx d'entre eulx estant icy iu\ ont tenu tel propo/, de voslre
passai^e (jue, quant il n'y auroit aullre. il sulliroil bien à vous donner
que pencer et à vous pourveoir de sorte que en vostredict passaige de
Kaguse icy vous soyez le plus seur que faire se pourra, et pour très
bonnes causes que j'espôre vous dire à vostre arrivée icy. Quant à moy,
pour ne avoir eu advertissemenl de vous, ne sçavoir quel chemin
voulle/. tenyr, et aussi pour le r(;tardenieiit de vostre voyaige, ne sçavoir
([uant serez pour venyr, je me suys retenu y faire rien. Par quoy, si
la prcst'ule arrive entre les mains de M. larcevesque de Kaguse avant
que y soyez arrivé, je luy escriplz la faire tenyr en toute dilligence la
part où que serez, aflin que s"il vous semble bon, en ce pendant que
vous repouserez quelques jours audict Raguse, m'advertyr de ce que
je aurav à faire, je ne fauldray le plus tosl à m'employer de le mettre
à exécution envers cez Seigneurs que suys asseuré ne nous desnyeront
chose qui soit pour vostre scureté et service du roy.
« Monsieur, je ne vous sçauroys dire à présent aultres nouvelles de la
court, sinon que tout le monde s'y porte bien. Il est bien vray que la
reyne de Navarre a esté malade d'ung tlux qui a grandement régné
ceste année en France, mesmement à la court, sur plusieurs groz
personnaiges; mais grâces à Noslre Seigneur, elle est de présent en
très bonne santé. Et que le roy s'en debvoit aller aprez cez Roys à
Bloys; néantmoings, que si l'empereur passoit en Itallye, S. M. s'en
viendroit droict à Lyon : lequel empereur, comme l'on a entendu,
estoil fort malade. Et disoit Ton que les festes de Noël M. l'admirai'
arriveroit à la court à ung festin que debvoit faire M. d'Orléans ', où
il seroit le bien venu ^ Qui est tout ce que vous puys dire pour ceste
heure '... »
Vol. 2, fo 110 v°, copie du xvi^ siècle; 1 p. 3/4 in-fo.
1. Philippe Chabot.
2. Charles, duc d'Orléans.
3. Allusion aux bruits avant-coureurs de la disfrràce momentanée encourue par
lamiral, grâce aux intrigues du connétable de Montmorency et du chancelier
Poyet. Les lettres contenant l'arrêt des commissaires chargés d'instruire le procès
de Chabot sont datées de Fontainebleau, le 8 février loil (n. st.). — (V. Catalo'jue
des actes de François I", t. IV, p. 180, n" 11,827).
4. " A esté escript à M. de Vaulx à Padoue le xu' janvier, dont ne fut faict
mynute.
Item, le xnn' janvier fut rscriid à Madame la duchesse de Ferrare, et n'en fut
faict mvnule. «
[jANVIKR 1541] GUILLAUME PELLICIER 209
PELLICIER AU RUi'.
123. — [Venise], Il janvier 1541 . — « Sire, par les miennes der-
nières du 111° de ce moys vous ay envoyé ung pacquet du seigneur
Rincon, faisant mencion de la retardacion de son voyaige vers V. M.
par commandement du Grant Seigneur. Et néantmoings que depuys
n'aye eu aulcunes lettres de luy, bien qu'il m'escripvist que dedans
deux ou troys jours de là me feroit sçavoir la raison pour quoy il avoit
esté retardé; toutesfoys, ayant entendu d'un personnaige venant de
Raguse, que il estoit venu jusques à deux journées prez de là avecques
ledict seigneur Rincon, m'a semblé ne debvoir attendre davanlaige à
vous en advertyr, en l'attendant ou pour le moings lettres de luy, et ce
pendant vous faire entendre ce peu de nouvelles que ay peu apprendre.
Et mesmement comme l'on a entendu icy par lettres venues à Francesco
Belzer, qui faict icy pour les Foucres d'Auguste-, que le camp du roy
Ferdinando s'estant arresté à Papa% ville de Hongrye, luy estoyent
couruz sus ung bon nombre de chevaulx turcqs venans de la Vallac-
quie% lesquelz le tenoyent de si prez et contraignoyent que l'on ne
veoit moyen qu'ilz peussent pour le moings saulver l'artillerye.
« Sire, par lettres du secrétaire Fidel, du viii* de ce moys. Ton
entend que l'empereur, ayant entendu le grand appareil du Grant Sei-
gneur pour la Hongrye, estoit devenu fort pensif et soUitaire en soy
promenant dedans sa chambre, disant telz ou semblables propoz, si
aprez que les Véniciens ont faict la paix, laquelle leur a cousté si
cher que d'avoir baillé deux telles terres, comme Napoly de Romanye
et Malvaisye, et si grosse somme d'argent, et que, nonobstant ce, sont
encores en grant suspeçon et double pour ledict aprest, que doibvent
faire ceux-là contre qui tout le grant appareil se faict? Lesquelz Sei-
gneurs, ayans aussi entendu la grosse armée que faisoit icelluy Grant
Seigneur, ont révocqué leur commandement qu'ilz avoyent faict de
désarmer, et sont plus aprez que jamais pour chaircher tous moyens
à faire argent pour entretenyr leur armée qu'ilz ont jà dehors et y en
mettre plus grant nombre, ainsi qu'ilz ont acoustumé faire toutes et
quantes foiz que ledict Grant Seigneur arme.
« Sire, suyvant le commandement qu'il vous a pieu me faire de
1. ■< Nota, que cesle dépesche fut enserablemenl envoyée avecques celle du xviii"
de cedict moys par messire Jehan, expressément en dilligence jusques à Thurin.
Et a esté escript à M. de Yillandry sans en faire mynute. »
2. Francesco Belzer, facteur ou représentant des célèbres banquiers d'Angsbourg,
les Fugger, qui avaient de grandes propriétés à Venise (V. la correspondance de
l'Arétin, et Pierre Gauthiez, l'Arétin (l492-loo6); Paris, Hachette et G'% 1895, in-8%
p. -216).
3. Papa, bourg de Hongrie situé à o3 kilom. de Veszprim.
4. Yalachie.
Venise. — lu40-1542. 1*
210 AMBASSADE DE [JANVIER lail]
advertyr V. .Nf. de tout ce que je pourroys apprendre de tous cousiez
toucluiut voz affaires, m'a semblé ne debvuir ubmellre à vous advertyr
comme j'ay veu par lettres du vi' di* ce moys d'ung bien Ixjn serviteur
de V. M. qui est en Alleinaigne, qui' l'on prinl bien garde aux terres de
l'yém<inl et de la Myranduhi, en laquelle l'on voulloil faire enlreprinse
daultre sorte que celle (}ue Ion avoil machinée par cy davaiil, d(jnt il
dict avoir escript, et que donij) Ferrando de Gonzagues et aullres y
avoyent la main : de quoy n'ay failly advertyr le conte de là, afiin de
se lenyr lousjours sur ses gardes, l'areillement escript que l'on a faict
fort grandes promesses au duc de Savoye de le remettre en ladicte
duché, et que tant que V. M. se monslrera amve de l'empereur, voz
amys de ce couslé là ne se déclareroyenl ennemys d'icelluy empereur.
El (jue l'on faisoil laire provision de toutes sortes de niunicions en tous
cez pays la, escripvanl davantaige que l'empereur esloyt adverly que en
vostre conseil et entre les princes il y a grand discord, et que voz servi-
teurs s'en alloyent tous mal contens, — et que tous ces adverlissemens
donnoit ung llallyen qui est auprès de vous à l'ambassadeur de l'em-
pereur prez de V. M. sans aultrement donner à congnoistre le person-
naige'. El oultre escript que le pape cherche fort de faire aller l'empe-
reur en Ilallye, et qu'il ne lui fauldra point d'argent, mais toutesfoys
qu'il n'estoyt pour se partyr encores de là, pour aultanl qu'il n'avoit
encores appaisée toute l'AUemaigne, à cause que nul des principaulx
de là ne vouUoyent croire en sa foy comme l'on a faict, et que la diette
se feroil comme il avoyt esté conclud.
« Sire, j'ay escript à V. M. comme M. le conte de Sanseconde m'avoit
mandé ung de ses principaulx pour se offrir au service d'icelle. Et
depuys m'en a escript et faict parler encores plus vivement, offrant,
oultre que luy et ses amys etadhérans vous seront bons et affectionnez
serviteurs toutesfoiz et quantes qu'il plaira à Y. M., douze bonnes
pièces d'artillerye avecques leurs municions nécessaires, et de cinq à
six mil septiers de bledz, quelque faulte et nécessité qu'il y en ail ceste
année en Ilallye. De quoy, Sire, vous ay bien voullu advertyr, vous
supplyant me faire sçavoir vostre bon plaisyr, affîn que je luy puisse
faire responce... »
Vol. 2, r 112 v», copie du xvF siècle; 1 p. 3/4 in-f".
1. Pellicier s'expli(]>iera plus clairement dans sa lettre au roi du 12 juillet 1541,
et désignera nettement le cardinal de Ferrare. 11 ne parait pas du reste que ces
accusations aient diminué en rien la faveur dont jouissait le prélat à la cour de
France. Il fut, suivant la relation pronDUcée le 20 août 1342 par Malteo Dandolo,
au retour de son ambassade, le seul Italien admis au Conseil secret depuis Gia-
como Trivuizio, et son crédit se maintint, après François 1", sous les règnes de
Henri II et de Charles IX (V. .\lberi, 1" série, t. IV, p. 33).
[janvier l-iUj GUILLAUME PLLLICIER 211
l'ELLICIER AU CONNÉTABLE.
124. — [Venise], I I janvier io4l. — « Monseigneur, encores que
à présent n'ave chose de grant importance pour faire sçavoir au roy
et à vous, ce néantmoings, ayant entendu comme le seigneur Rincon
estoit arrivé à deux journées prez de Raguse, ainsi que verrez par
celles que j'escriptz présentement à S. M., n'ay vouUu tarder davan-
taige à en advertyr ledict seigneur et vous, en attendant plus certaines
nouvelles de luy, et cependant vous advertyr de ce peu de nouvelles
que ay peu apprendre depuys les miennes dernières du iii*= jour de ce
moys; mesmemcnt comme par lettres d'ung serviteur du roy qui est en
Allemaigne, duquel povez avoir eu très bonne informacion par Tassin
de Luna', ainsi qu'il ma escript. Et par icelles ion entend que, incon-
tinant que Tempereur fut adverty que cez Seigneurs estoyent accordez
avecques le Grant Seigneur, luy manda ung gentilhomme secrettement
en toute dilligence avecques ung grant povoir et liberté de négocier;
mais que, environ six jours auparavant ses lettres du vi"' de ce moys,
estoit arrivé vers l'empereur ung courrier de Constantinoplc qui
n'avoit apporté trop bonnes nouvelles, disant que l'ambassadeur du
roy, qui estoit vers le Grant Seigneur, se debvoit partyr de jour en jour
avec bonne expédition pour aller vers S. M. : dont ledict empereur se
retrouvoit très mal contant.
i< Monseigneur, je ne veux oblyer à vous dire, sur le propoz du pas-
saige dudict seigneur Rincon, comme les Impériaulx usent icy de fort
grandes menaces, et entre aultres choses j'ay esté adverty que l'am-
bassadeur de l'empereur se laissoit entendre avoir dépesché quelques
barcques armées pour le cuyder surprendre, s'il estoit possible; mais
je me confye tant, soubz Dieu, en la prudence dudict seigneur Rincon,
que avant de s'embarquer il donnera si bon ordre avecques les seigneurs
Ragusiens, ou îivecques les officiers de cez Seigneurs, que moyennant
l'aide de Dieu ilz ne luy feront rien, et de mon cousté, en cet endroict
là, je doubteray plus par terre que par mer. Je n'ay failly, entendant
telles entreprinses desdictz Impériaulx, jaçoit qu'il sçayt très bien de
quelle amour ilz l'ayment, d'en escripre de bonne heure audict seigneur
Rincon, affin que estant adverty de telles choses, il préveust encores
de bien en mieulx en son affaire.
« Monseigneur, je pence que soyez bien records de ce que ay escript du
magniflicque Paulo Justinian * touchant faire avoir au roy tel nombre
1. Tassin de Luna ou Lonato, alins Tassin des Eaux (dalle Acque?), agent par-
ticulier de la France, dans la Haute-Italie, pour les alTaires de l'Empire. Il résidait
à Lonato, place forte de Lombardie située à 22 kilom. de Brescia, non loin du lac
de Garde, sur le chemin de Trente, et de là entretenait des relations suivies avec
l'ambassadeur de France à Venise et le gouvernement du Piémont.
2. Paolo Giustiniani.
2il AMDASSADE DE [JANVIER lb4l]
de gallèrrs que aurez entendu, el aussi de l'offre du seij;neur conte
de Sanseeonde, les<[uel/. n'ont failly depuys à nous en solliciter et voul-
loir entendre quelle responce nous en avons eue; par quoy, s'il vous
semble, Monseigneur, qu'il y ayt lieu, nous ferez entendre ce que avons
à leur dire.
.< M(»nseij;neur, l'on a icy lettres de Naples par lesquelles l'on entend
que l'empereur a mandé à domp Ferrand de Gon/agues qu'il ait à faire
faire force provision de biscuyt pour l'armée qu'il prétend faire ceste
année, laquelle l'on entend pourra esire grosse de (jualre vingt/, gal-
1ères, el de nef/, davanlaige : dont l'on enlendoit à Homme, comme
j'av veu par une lettre du conte de Languillare, que le pape y cootri-
bueroil pour sa part douze gallères... »
V.)l. -J. t 113 v°, copie du xvr siècle; \ p. 1/2 in-f».
l'EM.IClER W MÊME.
125. — [l'enise], 13 janvier 1o4i. — « Monseigneur, le seigneur
Cézar Frégose, présent porteur, cherchant tous les moyens à luy pos-
sibles de faire service au roy, ainsi qu'il a tousjours faict, comme
sçavez trop mieulx, avant son parlement pour aller à la court est venu
en ceste ville pour se informer et enquéryr, tant de moy que des bons
et anciens serviteurs de S. M. qui sont icy, comme passoyent les affaires
dudict seigneur; desquelz vous pourra donner aussi bon compte, el
pareillement des aultres pars de TYlalIye que nul aultre, de sorte que
pour le passé ce me sera ung grant soullaigement, estant asseuré que
par luy en serez si bien satisfaict qu'il ne sera besoing vous en faire
aultre récit. Et pour ce. Monseigneur, que congnoissez trop mieulx de
quelle affection et bonne voullenté il est serviteur de S. M., me sem-
bleroit chose inepte et superflue vous en dire davanlaige. Si ne me
pourray-jo tenyr de dire que je l'ay congneu tant dévot et affectionné au
service d'icelle que.j'eslime, si le roy avoyt une demye douzaine de telz
serviteurs en l'itallye, l'on pourroit espérer que ses affaires n'en
yroyent que de mieulx en mieulx. Il luy a pieu aussi sçavoir de mes
affaires particulliers, desquelz amplement et longuement luy ay
communiqué. Dont je vous supplyc, Monseigneur, non seulement l'en
escouter parler, mais luy donner foy en ce qu'il vous en dira. Et
mesmement touchant la despence extraordinaire qu'il me convient
faire icy, tant pour fournyr aux serviteurs du roy qui me donnent les
adviz que j'escriptz ordinairement à S. M., que pour faire couryr les
dépesches selon le commandement du roy, et advertissement du
seigneur Rincon ou de M. de Raguse. Pour quoy faire ay jà baillé
plus de mil ou douze cens escuz, ainsi que l'on pourra veoir par mon
compte. Et pour ce, Monseigneur, que je doibz presque tout cela, et que
j^JANVIER lo4l] GUILLAUME PELLICIER 213
les affaires soat pour eslre plus pressez et dillicillos qu'il/, n'ont esté,
et conséquommont en danger d'estre subgectz à plus grant despence,
s'il plaisoyt à Vostre Excellence m'en faire rembourser bien tost, et
oullre cella me faire advancer quatre ou cinq cens escuz pour ayder à
fournyr à telle despence, comme l'on avoit acoustumé faire à mes
prédécesseurs, ce me seroit une très grande commodité et obligation,
vous asseurant, Monseigneur, que si n'cstoit la grande nécessité où
J'en suys ne m'en trouveriez si solliciteux. Dont je vous supplye.
Monseigneur, m'en avoir pour excusé et me mainctenyr tousjours en
vostre protection et bonne grâce... »
Vol. 2. f" m V", copie du xvf siècle: i \). ia-f^
l'Ei.LiciEU ai: même.
126. — • [Venise], I o janvier io4l . — « Monseigneur, oultre ce que
le seigneur conte Ludovico de Rangon ' m'a déclairé de bouche tou-
chant le grant désyr et affection qu'il a de faire service auroy, encores
puys naguères me l'a confirmé par lettres qu'il m'a escriptes. Dont
n'ay voullu obmettre à vous advertyr et vous dire mon adviz suyvant ce
que en ay entendu de plusieurs bons serviteurs de S. M., c'est qu'il
semble que advenant le cas que on eust besoing de l'employer, il
seroit apte et suffisant pour faire en assez d'endroictz beaulcoup de
bons services au roy, ainsi que pourrez entendre plus au long par le
seigneur Cézar-; qui me gardera vous en faire plus grant discours.
Tant seullement vous pryeray, si veoyez qu'il y ait lieu luy faire res-
ponce, me faire advertyr de ce que je auray à luy dire. »
Vol. 2, r° 112, copie du xvi"^ siècle: 1/3 p. in-f".
PELLICIER A CESARE KREGOSO.
127. — Vetiise, 15 janvier 1 54't . — « Monseigneur, pour aultant
que depuys vostre parlement de ceste ville avoys esté adverty par ung
personnaige qui venoit de Raguse, et estoit passé par Anconne, comme
il estoit venu avecques le seigneur Rincon deux journées prez Raguse,
ay tousjours supperceddé de vous mander vostre homme, attendant
ledict seigneur Rincon de jour en jour, affm de vous faire sçavoir sa
venue, laquelle, grâce à Nostre-Seigneur, a esté ce matin avecques une
fuste de cez Seigneurs et ung brigantin de conserve fort bien en ordre,
voullant avant son parlement d'icy pour la court aller vers cez Sei-
1. Lodovico !"■, comte Ilangone, frère aîné de (Juido RaiiKone. Il avait une maison
à Venise (V. Pietro Aretino, H seconda libro délie letlere, Paris, 1009, p. 305).
2. Cesare Fregoso. beau-frère des deux Rangoni.
214 AMBASSADE DK ''jANVIEIl lo4l]
gnouis, ansquelz apporte lettres de créance du (jrant Seigneur qui
entre aullrcs choses leur pryc qu'il/, ayent à faire si bien accompaigner
Icdict seigneur Rincon sur leurs terres qu'il ne luy arrive quelque
inconvénient, et qu'il?, l'ayent à conserver sur leurs testes. Dont l^dicl
seigneur Hincon, se confyant en la bonne garde qu'il espère avoir
d'eulx, a deslibéré s'en aller gaigner par sur leurs terres le pays des
Tirisons. non voullanl en façon du monde passer par sur le pays des
Iiupériaulx. Et de moy, si j'estoys suflisant pour vous présenter si bon
que tidel conseil, et vostre commodité s'y adonnoyt, je désireroys gran-
dement que Vostre Excellence prinl tel party, et, s'il estoit possible et
commode à tous deux, que feissiez ensemble ledict voyaige. Si l'on aura
loysir, il vous plaira m'advertyr de ce que vouldrez que je y face; car
me trouverez lousjours aullant prest à vous obéyr en toutes choses
que serviteur et amy que ayez. Et comme à la vérité suys grandement
tenu et obligé faire, au demeurant, Monseigneur, je vous envoyé la
lettre adressant à monseigneur le connestable, laquelle pourrez veoir;
mais, quant aux instructions pour mes affaires particuliers, m'a semblé
n'estre licite ne convenable vous donner telle charge, ains scullement
les mander à mon homme à la court qui est le pryeur de Sainct-Pol ', ou
bien à ung aultre qui n'est moings affectionné à mes affaires que luy,
aftin de vous aller trouver et vous en solliciter. Je suys si asseuré que
vostre prudence advisera si bien la commodité et temps opportun de
mettre avant mon aff'aire, que il me sembleroyt grandement faillyr de
vous en advertyr ne supplyer, ne moings de avoir en recommandation,
estant certain de la bonne et vraye amytié qu'il vous plaisl de vostre
grâce me porter. Tant seullement vous supplyeray advertyr mes gens
de la responce que l'on vous aura faicte là dessus, afiin qu'ilz sçaichent
ce qu'ilz en auront à faire. Et ce me sera tousjours de plus en plus
augmentacion de l'obligacion que je vous ay.
<« Monseigneur, il m'a semblé mieulx à propoz de faire une lettre à
part à monseigneur le connestable pour le seigneur conte Ludovico
Rangon. laquelle verrez, et si ne la trouvez bonne ainsi, adjoustez-y ou
diminuez ce que bon vous semblera et me la renvoyez. Je ne fauldray
vous la mander par la voye de Thurin, et à l'adventure pourra estre à
la court avant que vous. Je ladresseray à mes gens, qui sont là, pour
la vous bailler, aftin de la présenter quant bon vous seml)lera...
« De Venize. ■>•>
Vol. 2. r^ 112. copie du .wi^ siècle; 1 p. i/4 in-f\
1. Li- prionr rie ?ainl-Pol jouissait ;i la roiir il'iine oertainc influence, car il esl
qiialilif plus loin d'aumônier orilinairc du roi et d'auii particulier du cardinal de
Lorraine.
[janvier Jiiil] GUILLAUME PELLICIER 215
PELLICIEU A M. d'aNNEHAULT '.
128. — [Venise], I S janvier i o4i . — Pellicier donne au maréchal
les nouvelles contenues dans la lellre au roi, du 11 janvier.
Vol. '2.. f" 114, copie du \vi'= siècle; 1 p. in-f^.
PELLICIER AT' ROI '.
129. — [Venise], 18 janvier I54i . — « Sire, tout ainsi que ay
escript à V. M., le xi" de ce moys, comme ung personnaige avoit dict
astre venu de Constantinople jusques à deux journées prez de Raguse
avecques le seigneur Rincon, et que pour ceste cause espéroit qu'il
seroit do brief icy ou pour le nioings auroys lettres de luy, le xiiii" de
ce moys est arrivé en ceste ville en une fuste de cez Seigneurs
avecques deux brigantins de conserve fort bien équipez. Et pour avoir
esté grandement vexé et travaillé du maulvais temps qu'il avoit eu en
son voyaige, tant pour se repouser ung peu que aussi pour se trouver
indispousé à se povoir transporter devers la Seigneurie, et pareille-
ment pour avoir quelque temps de adviser et communicquer luy et
moy ce que cognoistrions estre besoing faire entendre à cez Sei-
gneurs, nous sembla estre bon qu'il superceddast quelque jour, et
cependant debvoir envoyer vers eulx pour faire entendre sa venue, et
sçavoir la commodité de ladicte Seigneurie pour aller vers icelle. Ce
que nous feismes le xvi° où il proposa le plus succinctement qu'il peult
les principaulx poinclz et tout le progrez de la négotiacion qu'il avoit
faicte envers le Grant Seigneur, touchant leur paix, ainsi qu'il avoit
pieu à V. M. luy commander, leur faisant très bien entendre comme
il avoit leurs affaires en aussi grande recommandation et charge que
celles mesmes de V. M. Et le landemain xvif, pource qu'il ne leur
avoit faicl aulcune mencion de la cause de son voyaige vers V. M.,
nous sembla, pour ne les laisser en quelque suspeçon ou doubte, leur
[debvoir] aller déclairer les raisons que luy et moy advisames faire plus à
1. « Escript cedict jour à M. le chancelier tout ainsi que audict seigneur d'Hanne-
bault. »
Le chancelier est Guillaume Poyet, né vers 1474 aux Granges (Maine-et-Loire);
mort en avril L548. Avocat au Parlement de Paris, il plaida pour Louise de Savoie
contre le connétable de Bourbon, ce qui lui valut d'être nommé successivement
avocat général (1531), président à mortier (1534) et enfin chancelier de France
(1538). L'animosité qu'il déploya, de concert avec le connétable de Montmorency,
contre l'amiral Chabot, en février 1.541, se retourna bientôt contre lui et entraîna
sa chute et sa propre condamnation l'année suivante (août 1342).
2. « Escript cedict jour au sire Laurens Charles et à M. de Garrigues. Et fut
dépesché expressément messire Jehan en dilligence jusqu'à Thurin, qui y porta
ceste dépesché et celle du xi" de ce moys ensemble. »
216 AMFJASSADE DE ^JANVIKR |;i4l]
juojHi/.. Kl, oulli-o ce, 110 faillyl leur lairi' Iri-s l)ii'n entendre de combien
vostre amvlié et allianro leur soroil trop plus utille et nécessaire que
celle de nul aullrt", leur inrltanl davant les yeulx les grand/, préparalif/
que f'aisoit le tirant Seigneur contre cculx (jui vouklroyent estre voz
ennemys ol limrs adhérans. De quoy, Sire, certainement, ainsi que
avons esté adverli/., cez Seigneurs demeurent grandement eslonnez
et pensif/., et croy que relia leur aura donné fort à pencer, et adviser
à ce que fera pour leur meilleur. Le seigneur Hineon est icy en
attendant de mettre ordre et avoir asseurancc de son passaige, suyvanl
ce que le Grant Seigneur a mandé h cez Seigneurs qu'ilz ayent à luy
faire avoir le plus seur passaige qu'il leur sera possible sur leurs
terres. El encores pour plus grande seureté de sa personne, cognois-
sanl le seigneur Cé/.ar tant grand serviteur et dévot à V. M., lavons
adverty el pryé se vouUoir trouver à son chasteau de (îarde sur le lac,
aftin que là, oultre l'ordre que la Seigneurie y aura donné, puissent
adviser de plus grant seureté, mesnicmenl sur les contins de cez
Seigneurs, où Ion veoit y avoir plus grand danger. »
Vol. 2, f*^ lit v", copie du .wi'' siècle; l p. 1/i in-f'^.
PELLICIER A M. I>E L.VNGEV.
130. — [Venise], J 9 janvier 1541. — Pellicier annonce à M. de
Langey l'arrivée de llincon à Venise, et l'entretient des agissements
de l'empereur, dans les termes de sa lettre au roi du 11 janvier.
Vol. 2, f" 11 j, copie du xvi« siècle; i p. in-f*'.
PELLICIER A M. DE RODEZ.
131. — [Ke»jse], 20 janvier 1541. — « Monsieur, depuys les
miennes dernières du viir de ce moys ay receu les vostres des vii'^ et
xiiiF jours du présent, ausquelles ne gist grant responce. Et vous diray
seullement ce petit mot quant aux premières touchant la venue icy du
seigneur Rincon en ce que m'escripvez, qu'il eust esté besoing n'avoir
esté tant divulguée : ce qui est véritable, s'il eust esté en votre povoir et
le mien garder que l'ambassadeur de cez Seigneurs et aultres qui sont
en Constantinople ne l'eussent escript icy, et semblablement les Ragu-
siens, tant de Constantinople que de leur ville, de sorte que on en a
eu icy la nouvelle plus de dix jours avant moy; car n'en ay riens eu
de luy qu'il ne fusl arrivé à Sophia, et ne le povoys croire si n'eusse
veu lettres du seigneur ambassadeur Badouare escriptes au magnif-
ficque Mapheo Bernardo, et que depuys la Seigneurie ne me l'eust con-
firmé. Pour quoy faire m'envoya quéryr pour me le dire, et voylà
[JANVIKR la41j GUILLAUME FELLICIKR 217
comment je ne eusse sceu que y avoir f'aict pour garder de le divul-
guer; car la famé en esloit si grande en ceste ville qu'il n'estoit ignoré
de personne. Et pour ce que ledict seigneur Rincon vous escript pré-
sentement, ne m'estenderay à vous en dire aultre, sinon que nous
sommes aprez pour adviser la plus grande seurelé de son passaige
que nous pourrons. A quoy faire cez Seigneurs sont bien deslibérez
nous donner bon ordre sur leurs terres. Quant aux nouvelles de deçà,
je en suys à présent fort mal garny et mesmement du cousté de
Naples pour vous en départyr, comme m'escripvez; car nous n'en
avons aultre, sinon que l'on entend l'empereur avoir mandé à domp
Ferrando de Gonzagues qu'il eust à faire faire force provision de bis-
cuyt pour l'armée qu'il prétend faire ceste année ^.. Touchant ce que
m'escripvez Sa Saincteié estre entrée en suspeçon pour le rapport que
on luy avoit faict que en la Myrandola se faisoyent quelques secrettes
entreprinses et menées au désadvantaige des terres de l'Esglise, vous
m'en dictes les premières nouvelles, car je vous asseure qu'on n'en
entend rien icy; et me oseroys bien promettre qu'il n'en est rien, et
Dieu veuille que l'on ne chairche plus de fâcher ladicte Myrandola
qu'elle ne faict aux terres de Sa Saincteté ne d'aultres. L'on a entendu
icy par lettres venues d'Allemaigne que le camp du roy Ferdinando
s'estant arresté environ Papa, ville de Hongrye, estoyent couruz sus
ung bon nombre de chevaulx turcqs venans de la Vallacquye, lesquelz
le tenoyent et contraignoyent de si prez que l'on ne veoit moyen qu'ilz
peulsent pour le moings saulver l'artillerye. Dont aulcuns veullent
dire que l'empereur, ayant entendu le peu d'exploict que ledict exer-
cite dudict roy des Romains avoit faict en Hongrye, avoit esté en
partie cause qu'il estoytde facherye presque devenu mallade, avecques
ce que ses affaires en Allemaigne ne vont pas si bien qu'il vouldroyt.
Et mesmement ne s'est rien faict en ce concilie de Wormes; car, au
premier article qui fut mys avant, demeura jus sans passer plus
oultre. J'ay receu ce jourd'huy lettres de France du xiiii« de ce moys
par courrier mandé expressément, mais l'on ne me mande aultre
chose sinon que le roy et toute la cour est en très bonne santé. Dieu
mercy, et que les affaires vont de tous coustez de bien en mieulx, et
monseigneur le connestable estoit retourné de Chantilly. Qui est tout
ce que vous puys dire pour ceste heure, sinon que je vous remercye
bien fort de la lettre que m'avez envoyée pour le magnifique Paulo
Justinian, faisant responce à la sienne que vous avoys adressée par
cy d avant. »
Vol. 2, foUo yo, copie du xvi° siècle; i p. 1/2 in-f.
1. V. la lettre au rui, du 18 janvier.
2I.S AMBASSADE DE [jANVIKR ll»41j
PELLICIEH \V CMMTK HE LA MlllANDOLE '.
132. — IV/j/.s-e, 'J4 jriiirler I .') / 1 . — Pellicior annonce au comte
l'arrivée de Uincon h Venise, «4 lui parle de la nouvelle entreprise
projetée i)ar les linpériaulx contre la Mirandole, dont il a été ques-
tion dans les précédentes lettres.
« ... Sono ussiti fuora di Milano dodt'ci liuomini mollo bene armati
con una massa et cortelle coltelli' alla sella del cavallo, et la magior
parte dt-gli cavalli sono Turchi; iiiuali huomini sono passati sopra il
Mantoano, et non stiano mai insieme, an/.i separati l'uno da l'altro,
et vanno cosi d'una banda et de l'altra, senza allermarse, et sono Spa-
gnioli et Haliani... »
Pellicier, se souvenant que le comte de la Mirandole avait manifesté
l'intention de se rendre en France, lui propose, pour faire avec plus
de sécurité le voyage, de se joindre à Rincon, qui doit partir avec une
suite de serviteurs du roi et une escorte nombreuse fournie par le
gouvernement de Venise.
« Du Veiii'fia. »
Vol. 2, f^ 1 IG v°, copie du XYi*^ siècle ; 1 p. t/4 in-f".
PELLICIER A M. DE HODEZ.
133. — []'enise], 27 janvier 1541. — « Monsieur, vous ne vous
esmerveillerez point si par le dernier courrier de ceste ville n'avez eu
lettres de nous; car, ainsi que pourrez veoir présentement, ne tint au
seigneur Rincon ne à moy que n'eustes de noz nouvelles, pour ce que
y feismes nostre debvoir. Mais la faulte est procédée du maistre des
courriers de ceste ville, lequel refusa nostre pacquet, allégant certaine
telle quelle nouvelle ordonnance faicte par les signori savii sopra la
merchanl'ia -, qui estoit de payer douze soldes pour once, pour le port.
Dont, n'ayant celluy qui luy porta nostredict pacquet commission ne
charge de payer aulcunc chose, pour ne l'avoir jamais faict, nous rap-
porta nostredict pacquet. Et ainsi, allant et venant de l'un à l'autre, le
courrier se partist sans nosdictes lettres; par quoy vous nous en aurez
pour excusez. Et le lendemain ne faillys à mander mon secrétaire
devers cez Seigneurs pour en avoir raison; lesquels trouvèrent ladicte
1. En italien.
2. Les Cinque Savii alla Mercanzia ou les Cinq Sages préposés à ladminislralion
(lu Commerce constiluaicnt une maj-'istrature fort importante dont les archives
olTrent le plus grand intérêt au point de vue de l'histoire du commerce et de
l'industrie de Venise. Ces magistrats étaient en correspondance directe avec les
ambassadeurs et résidents étrangers; ils traitaient avec eux de toutes les afTaires
commerciales et industrielles et délivraient les permis de navigation (V. Baschet,
Archives de Venise, p. 668).
l'.IANVUill lo41_ GUILLAUMi; PELLICIER 219
ordonnance bien estrange, et envoyèrent qnéryi' le rnaistre des cour-
riers auquel feirent ung grant rebuire d'avoir ainsi délaissé nostredict
pacquet, luy enchargeant doresnavant de ne faillyr à le conduyre
comme ceulx de la Seigneurie. Et pour ce que verrez par nosdicles der-
nières lettres tout le discours du voyaige dudict seigneur Uincon, ne
m'estenderay à vous en faire aultrement aulcune répéticion, mais tant
seuUement vous diray comme il est encore en ceste ville, d'où,
j'espère, se partira de brief pour aller vers S. M., ce qu'il eusl faict
plus tost, n'eust esté la responce qu il attendoit de cez Seigneurs pour
avoir l'asseurance de son passaige. Lesquelz luy ont ordonné en pregay
pour Taccompaigner sur leurs terres cinquante hommes d'armes def-
frayez aux despens de la Seigneurie, lesquels seront prins sur le
Padouan, sçavoir est : trante de la compagnye du seigneur conte Mer-
curio Bua', et vingt du seigneur Rodolphe Campegio*, qui seront tous
soubz la conduicte du lieutenant dudict seigneur Mercurio, pour avoir
plus grande asseurance en luy, à cause qu'il est gentilhomme véni-
cien. Et vous diray que le consentement et faveur dudict pregay a
esté de sorte que de cent trente-huict ballottes n'y en a eu que cinq
qui n'ayent assenty à ladicte provision; et encores des cinq n'y en a eu
que deux qui soyent formellement contre; car les troys aultres ont
esté non syncères. De quoy les Impériaulx sont entrez en une grande
fâcherye, et demeurez fort estonnez et presque confuz, sçaichans très
bien que cestedicte provision se faisoit directement contre eulx, pour
aultant que l'on n'avoit à se garder en cest affaire que d'iceulx. Et
oultre ladicte provision et secours que nous donnent cez Seigneurs,
encores le seigneur Cézar Fregoso ne fault à s'y employer comme ung
bon et loyal serviteur du roy, ainsi que S. M. luy en a escript. Je ne
sçay si aurez entendu des nouvelles que les Impériaulx ont faict
couryr icy que les gens du roy des Rommains ont prins Albe Régal; ce
néantmoings, pour non estrc lieu muny ne gardé, qui n'a jamais ref-
fusé les portes à qui y est vouUu entrer, ce ne seroit pas grant cas,
car ce n'est aultre paralelle en Hongrye que Sainct-Denys en France, et
1. Le comte Mercurio Bua, aventurier albanais au service de Venise. On comptait
alors un certain nombre (l'Albanais attachés à la cour par diverses fonctions :
capitaines des gardes, fauconniers, etc. (V. Cat. des actes de François l", passim).
Le capitaine Bua, arrêté à Turin, en loiG, pour fait de malversations (V. State
papers, vol. xi, p. 3o8, et Germain Lefèvre-Pontalis, Correspond. d'Odel de Selve,
ainl)assadcur de France en Anç^leterre (1546-1.^49); Paris, Alcan, 1888, in-S", p. 50),
était un autre condottiere, également albanais d'origine, et qui pourrait être iden-
tifié avec •■ le seigneur chevalier Giovanni Bua», sans doute parent du comte, et
qu'on trouvera mentionné plus loin. Le comte Mercurio Bua, en elTet, périt assas-
siné à Trévise, en 1.j4.5 (V. Calendars of State papers Venetian, i;j34-lo.Si, pp. 141
et 143).
2. Rodolfo Campeggi, fils aîné de Lorenzo Campeggi, de Bologne, et de Francesca
Guasla-Yillani. Son père, jurisconsulte distingué et professeur à l'université de
Padoue, devenu veuf, entra dans les ordres, et devint cardinal, puis nonce en
Allemagne et à Milan. Rodolfo était colonel dans les troupes vénitiennes.
220 AMUASSADK DE [jANVIKR 1541^
quant tout est dicl, csl plus losl pour sépulture des roys et chose de
religion que lieu de guerre. Mais je vous puys bien plus eerlainemenl
dire que l'on a icy [nouvelles] ({ue sept sanzacques turcqs se assem-
hloyent avec(|ues toutes leurs bandes pour aller veoir les gens dudicl
roy Terdinando, et faisoyent l'amasse en Bellegrade. Oui est tout
ce que je vous puys dire pour ccslc heure. >>
Viil. 2. f" 117. C'opie (lu wi" sièclf : I \>. 1/2 in-f'.
PELLICIER A VINCENZO MAOCIO".
134. — ]'i-nisc, 2i) janvier l Jll . — Mêmes nouvelles que dans la
lettre précédente, concernant l'arrivée à Venise de M. de GernioUes
[Rincon'] *, l'escorte que la Seigneurie lui a accordée pour son voyage,
et les agissements des Impériaux et du roi des Romains.
« Di Vrnelia. »
Vol. 2. f" 117 yo. copie du xvi" siècle; 1 p. in-f".
PELLICIEU AU ROI ^,
135. — [Venise], 3i janvier-2 février 1541. — Pellicier a reçu les
lettres du roi des 6 et 14 janvier, presque en même temps. Rincon
et lui se sont chargés de confirmer à la Seigneurie la bonne amitié
du roi.
« ... Et quant ad ce que m'escripvez de la provision qu'il vous a
pieu ordonner mil escuz pour faire présent à celluy qui de la part du
Grant Seigneur pourroit venir icy, luy arrivé, je ne fauldray à en faire
tout ainsi qu'il vous a pieu me commander. Et quant au magniflicque
Paulo Justinian , ledict seigneur Rincon et moy luy avons faicl
entendre voslre voulloir et intencion, et sommes informez de luy des
moyens qu'il a de parfaire ce qu'il a mys avant et de quelz person-
naiges; mais pour ce, Sire, qu'il désire grandement n'estre découvert
de certains personnaiges et que V. M. pourra mieulx entendre le tout
du seigneur Rincon, nous a semblé estrc le meilleur remettre le tout à
luy. »
Rincon a retardé de quelques jours son départ de Venise, pour
attendre Cesare Fregoso et assurer la sécurité de son passage par le
pays des Grisons, où il a le plus à redouter. Le sénat de Venise a voté
1. Eli italien.
1. Rincon avait rci;u du roi, en don, la cliàlellenie royale de Germolles-lès-
Chalon (Saône-eL-Loirej, par Icltrcs datées de Fontainebleau, le 8 novembre 1528
{Cal. des actes de François I", t. VI, Supple'm., p. loi, n" 19 G83).
3. « Nota, que caste dépesche fut envoyée expressément en dilligencc jusques à
Thiirin par La Bove, et fut escript à M. de Villandry, à Saint-Pol et Garrigues. »
[janvier 1541] GUILLAUME PELLICIER 221
une escorte de cinquante hommes d'armes destinée à protéger les
voyageurs. Pellicier annonce cette nouvelle au roi, dans les termes
de la lettre à l'évêque de Rodez.
«... Sire, cez Seigneurs ont escript cez jours passez au Grant Sei-
gneur et aux bassatz que, ayant consigné les terres et les deniers
qu'ilz avoyent à bailler, qu'ilz voulsissent aussi de leur costé, tout
ainsi qu'ilz ont restitué les robbes et marchandises à messire Mapheo
Bernardo par votre respect et faveur, rendre celles des autres gentils-
hommes de cestc ville et mettre fin à toutes les aultres choses, comme
de Nadin et Laurana, et remettre leur baille * et aultres prisonniers de
leurs subgectz en liberté ; et de ce ont aussi escript à leur ambassa-
deur Badouaro, aflln de solliciter d'en avoir briefve expédicion.
<( Sire, les Impériaulx ont faict couryr icy [le bruyct] que les gens du
roy des Rommains ont prins Alberegal -...
« Du W febvrier.
« Sire, depuys avoir faict la présente, nous avons advisé, le seigneur
Rincon etmoy, ne debvoir attendre à vous advertyr de son partement
jusques ad ce qu'il fust en seureté et hors des dangiers; ains, pour ne
laisser V. M. trop longuement en doubte ne souspeçon, vous advertyr
en dilligence comme tout à ceste heure est monté en barque avec le
seigneur Cézar Fregoso très bien accompaignez, prenans leur chemin
par les Grisons, pour se retirer vers vous, où j'espère que à bon saul-
vement seront bien tost, moyennant la grâce de Dieu... »
Vol. 2, f^ 118, copie du xyi^ siècle; 2 pp. 3/4 in-f".
PELLICIER AU CONNÉTABLE.
136. — [ Venise], 3 I janvier-2 février 1 541 . — Pellicier attend encore
les dépêches confiées par le roi à M. de Pons.
« ... Et pour aultant, Monseigneur, que le courrier envoyé devers nous
pour le passaige du seigneur Rincon fut adverty par M. le lieutenant du
seigneur Cézar Frégozo, qu'il trouva à Thurin, de ne passer par Castel-
Geoffroy ^, estimant qu'il le deust trouver en ceste ville, — le lendemain
qu'il feust arrivé icy, nous le dépeschàmes en toute dilligence vers luy
audictCastel-Geofroy,pourluy porter les lettres de S. M. Lequel ne faillyt
1. Le ■< baile » ou bailo, du latin bajulus, tuteur ou défenseur des nationaux en
pays étranger, était le titre officiel que portaient les représentants de Venise
auprès de la Porte, depuis le xm" siècle, et que les diplomates ou écrivains français
avaient couramment adopté pour les désigner (V. Baschet, Archives de Venise,
p. 282). Jacopo Canale, élu baile le 8 octobre 133G, fut remplacé le 19 novembre
1342 par Girolamo Zane (Albéri, 3" série, t. III, p. xxu).
2. V. la lettre à l'évêque de Rodez du 27 janvier.
3. Castel-GoITredo.
222 AMUASSAhE I>E JANVIER loil]
incontinent de venyr en tel ordre et si bien aceoinpaigné que tel allaire
requiert; et n'esto\ t que suys asseuré que congnoissez trop mieulx com-
hiun ledict seigneur r,('/.ar est grandcinenlafleclionnéet bon serviteur du
roy, nie si'uil)i('r(iyl ne faire mon del)voir taire son mérite et louange de
s'estre employé en cest endroict tant bien «juil n'est possible de plus.
Toutesloi/. pour ne vous user de superlluilé, me déporteray de vous en
dire davantaige; car aussi plus amplement en pourrez, estre informé
parle seigneur llincon, durjuel, à son arrivée, pourrez entendre toutes
nouvelles, fc'l pour ce que avons advisé que aprez qu'ilz seront réduictz
en seureté et hors des dangiers, alliu d'en adverlyr S. M. et vous en
toute dilligence, estre bon dépesclier ledict courrier, à cause qu'il
pourra estre plus test k la court que eulx, en attendant leur venue
vous ay bien voullu advertyr comme depuys qu'il est icy avons receu
ung pacquet de messire Vincenzo Magio <iu'il a laissé en sa place vers
le Grant Seigneur, du xxi'' el xxiiir décembre, m'cscripvanl comme le
premier de janvier il se debvoit partyr de Constantinople, pour aller
trouver le Grant Seigneur en Andrinopoli. qui y arriva le x^' dudict
moys de décembre. Et ne se fut si tost party ledict Grant Seigneur de
Constantinople, n'eust esté qu'il luy estoil survenu quelque malladye
accoustumée. Et estoyent allez en sa compaignye ses enfans, et le
premier et quart bassa qui est son gendre'. Et m'escript aussi que le
iiir' de décembre estoit arrivé là ung courrier de Bude mandé par la
royne de Hongrye au Grant Seigneur, pour avoir secours. Lequel
courrier avoit rencontré, le xvii" novembre, les ambassadeurs du jeune
enfant roy, à douze journées prez de Bude, delà de Samcndria *, en
ung lieu appelle Chiazi. Et disoit icelluy courrier avoir laissé Bude
environnée des gens du roy des Romains, mais que dedans Bude
estoyent liuict mille hommes de guerre et victuailles pour plus de
deux ans; et qu'ilz avoyent espérance que, à l'arrivée d'ung peu de
secours qu'ilz attendoyent du Grant Seigneur, le camp se lèveroyt de
ladicte emprinse. Pour laquelle chose le Grant Seigneur avoit ordonné
au vayvoda Moldavo et Vallacho^ et aux sanzacques de Samendria,
Bossnia, Belgrado-, Serayo, Svornich, SilistraetNicopoli* qu'ils allassent
au secours de Bude; lesquelz, si l'iver ne les empeschoit, qui estoit
1. Ruslcm-P.icha, qualrièine vi/ir. 11 avait épousé Mihrmah. lillc de Suleyman, en
novembre 1530 (V. Charrière, t. 1, p. 41", et de Ilanimer, t. V).
2. Semendria (en allemami Sanct-Andreas), ville de Serbie, située à 43 kilom. de
Belgrade, au conflueut du Danube et de la Je^sawa, ancienne résidence des rois de
Serbie.
3. Le voïévode de Moldavie ici désigné est Pierre Raresch. dépossédé naguère
par les Turcs et rentré en grâce auprès de Suleyman, qui venait de l'opposer à
l'intrus Alexandre Cornea.
Le voïévode de Valachie était alors Radu IV, qui régna de 153o à lo+ii.
4. Semendria, Bosna-Seraï, Belgrade, Serajewo, Zwornik, Silistria et Nicopolis.
Yahya-l'acha-Ogidi était gouverneur de Semendria, Oulama-l'acha gouverneur de
Bosnie, Bali-Bey gouverneur de Belgrade, et Ahmed-Pacha gouverneur de Nicopolis.
[janvier 1541] GUILLAUME PELLICIER 223
fort grant en ce pays là, comme disoit ledict courrier, feroyent lever
les ennemys. Toutesfoiz, Monseigneur, attendu que cez nouvelles sont
si vieilles comme d'avoir mis tant de temps que de Hongrye à Cons-
tantinople, et de là icy, Ton estime que ce n'est aultre chose que ce
que en ay escript par cy devant, touchant l'approche de Foxercite du
roy Ferdinand jusques à Buda-Vechia ', d'où depuys s'esloit retiré à
Vicegrad. Et m'escript davantaige que ledict courrier disoytque quand
le pays sçauroit que le Grant Seigneur auroit consenty que le jeune
enfant fust roy de Hongrye, les seigneurs du pays se unyroyent. Et
que la cause de la mutinacion a esté pour avoir esté divulgué que le-
dict Grant Seigneur ne voulloit qu'il y eust roy, ains y mettre ung
begliarbey, sçavoir est un cappitaine en son nom\ Périmpeter^
avecques aultres affectionnez audict roy Ferdinando estoyent de ce
temps là en une cité appellée Pest ', delà la rivière du Danubio, au
davant Bude, et Thomas Nadasdin, cappitaine dudict roy Ferdinando ^,
lequel estoit allé en Transylvania, avecques sept mil hommes de pied
et quatre mil chevaulx, pour l'occupper, comme dist ledict courrier,
y a faict peu de profTict, pour aultant que les terres et chasteaulx
estoyent gardez de gens iidelles. Le iilz dudict Périmpeter, qui estoyt
à Bellegrade en hostaige, ayant esté conduict devant le Grant Seigneur,
l'interrogea s'il se voulloit faire Turcq, qui feist responce qu'il voulloit
tout ce qu'il plairoit audict Grant Seigneur; et ainsi a esté mys au
serrait, et estime Ton que s'il eust faict aullrement, qu'il luy eust
cousté la leste.
« Monseigneur, j'ay veu par vosdicles lettres la bonne souvenance
qu'il vous plaist avoir de moy. Dont très humblement je vous remercye,
vous supplyant. Monseigneur, qu'il vous plaise me mainclenyr tous-
jours soubz vostre bonne protection; car, soubz Dieu, mon espoir gist
en vous plus qu'en nul aultre, et n'estoyt depaour de vous importuner
ou fascher, vous supplyeroys me faire secourir, en mon grant besoing
et nécessité où suys plus extrêmement que ne fuz jamais, pour n'avoir
plus de quoy fournyr à faire ma despence ordinaire ne l'extraordi-
naire. Et encores moings pour ne savoir plus quelz propoz tenyr aux
serviteurs du roy qui sont icy, pour les avoir tousjours entretenuz de
parolles jusques à présent, lesquelles ne peulvent plus prendre en
payement; et, pour aultant que en pourrez plus amplement estre
informé par les seigneurs Cézar Frégose et Rincon, ne vous en atté-
dieray davantaige... »
1. Le Vieux-Bude.
2. Beglierbey, c'est-à-dire « prince des princes », dignité assimilable ici à celle
d'un gouverneur de province.
3. Peter Pérény.
4. Pesth.
o. Thomas, comte de Nadasty, gentilhomme hongrois du parti de Ferdinand.
224 AMHASSADi: DE 'FÉVRIER i li 4 1 ]
Par une noie datée du 2 février, Pellicicr informe le connétable du
départ do Kincon et de Krcgoso.
Vol. -J. l" I II» v**, copie du wi*^" siècle; J pp. I '2 in-f".
l'ELI.ICIEK A I.A HKINE DE NAVAHHE '.
137. — [W'niso], 2 ft'vricr I ,')4 / . — « Madame, j'ai receu la bonne
lettre (ju'il vous a pieu m'escripre le premier jour de l'an, qui m'a esté
aultanl consollative que cliose de ce monde qui m'cust sceu arriver,
pour avoir entendu les atlaires de S. M. aller de tous costés tant bien
prospérant (jne jjroprement semble qu'ilz soyent guidez et conduictz
de la main île Dieu, comme certainement je pence (}ue aussi sont-ilz.
Et de ce cousté vous puys bien asseurer que depuys que vous ay
escript, encores que auparavant ilz y feussent en bon estât, à présent
y sont plus que jamais; et à ce la venue du seigneur Uincon pourra
encores avoir augmenté l'afTection de cez Seigneurs envers S. M.,
pour par luy avoir entendu la bonne voullenté que icelle leur a tous-
jours jiortée et porte. Bien que les en eusse assez bien informez et
quilz en l'eussent asseurez, ce néanlmoings pour avoir esté aux lieux
de povoir mettre à exécution le commandement de S. M., ce qu'il leur
a très bien déclairé, y ont d'aultant plus adjousté foy, pour en avoir
cerlifficacion de celluy qui l'a mandé. Et s'en sont tenuz tant contans
et satisfaictz que par bonnes et efficaces causes l'ont bien donné à
cognoistre; car, pour ce que ledict seigneur Rincon avoit à bon droict
quelque double pour se retirer seurement vers le roy, luy ont donné
pour la seureté de son passaige cinquante hommes d'armes à leur
despens, pour le conduyre sur leurs terres -...
« Madame, je croy que aurez bien entendu comme le Grant Seigneur
estoit party de Constantinople pour aller en Andrinopoli ^... »
Pellicier termine en recommandant ses intérêts à la reine.
Vol. 2, fo 120 \°, copie du Wl^ siècle; 1 p. 3/4 in-f".
PELLICIER A M. d'aXNEBAULT.
138. — []'enise], 2 février 1 541 . — Pellicier remercie le maréchal
de sa bienveillante intervention auprès du roi, lui communique les
nouvelles reçues de Constantinople, et se recommande à lui de nou-
veau.
Vol. 2, f° 121 yo, copie du xvi^ siècle; 3/4 p. in-f°.
1. • Kscripl cedicl jour à MM. de Tliullcs et Villaiidry, dont n'en fui faict minute,
et au sire Laurens Cliarle^. //e//!,àM.M. de Sainct-Pol olde Garrigues, ainsi que est le
contenu à ung sommaire qui est entre les minutes. »
2. V. la letlrt^ au roi, du 31 janvier.
3. V. la lettre au connétable, du 31 janvier.
[février ]o41J GUILLAUME PELLICIER 225
PELLICIER AU CARDINAL DU BELL \Y'.
139. — [Venise], 2 février i 541 . — <( Monseigneur, il y a quelques
moys que vous avoys escript par un chevallier Udoardo, lequel avez
peu veoir à Rome, où il fut blécé par aulcuns facteurs entremetteurs
du roy de Portugal -, pour quelques sollicitations et menées qu'il fai-
soit là contre leur gré; mais depuys naguères j'ay entendu que
n'aviez receu mes lettres; dont m'a semblé ne debvoirplus demeurer à
vous escripre, ce que n'eusse délayé si longuement, n'eust esté que je
pençoys bien que mesdictes lettres vous eussent esté données, et
aussy que avoys esté adverty que Vostre Révérendissime Seigneurie
n'estoit à la court pour quelque temps. Toutcfoiz à présent qu'ay
entendu que y estes de retour, quant ne vous auroys jamais eu aultre
obligacion que celle dont mes gens qui sont à la court m'ont adverty,
mesmement du bon office qu'il vous a pieu faire pour moy, ayant mes
affaires en telle recommandation et protection que d'avoir voullu
prendre ceste peine de rapporter ma requeste au conseil privé, pour
avoir le payement de demye année de ma pension ordinaire et de tant
d'aultres amyables offres que de vostre grâce leur avez tousjours faictes
pour mes affaires, si ay-je à présent bonne matière de vous escripre
pour vous en remercier très humblement, et vous supplyer qu'il vous
plaise de continuer, comme pour l'ung de voz bien humbles serviteurs,
du nombre desquelz je me tiens etréputeray toute ma vye, ainsi que
par effect congnoistrez, si en aulcune chose de ce monde je puys rien
pour vous. Et pour ce que je me suys tousjours confyé et asseuré que
voyez et entendez toutes nouvelles, tant de ce cousté que d'ailleurs,
que on escript ordinairement au roy, m'a semblé que ce ne vous eust
esté que reditte de vous en faire aulcune répéticion; et encores pour
ceste heure ne m'estenderay à vous en mander, pour aultant que,
oultre ce que en pourrez veoir par les lettres de S. M., en pourrez
aussi astre adverty bien amplement par le seigneur Rincon, à la suffi-
sance duquel m'en remectz pour le présent. Tant seullement vous diray
1. Jean du Bellay, second fils de Louis du Bellay, seigneur de Langey, et de Mar-
guerite de La Tour-Landry; frère puiné du gouverneur de Piémont, Guillaume du
Bellay. Né en 1492, il mourut k Rome le 16 février 1560. Successivement évoque de
Bayonne (lo26-lo32), de Paris (1532-1531), de Limoges (1541-luii). de Bordeaux
(1544-1533), d'Albano (1330-1533), de Tusculum (1553), de Porto (1333-1535) et d'Ostie
(1555-1560), cardinal le 21 mai 1333, lieutenant général en Champagne et en Picardie
(1536), il fut chargé de plusieurs missions diplomatiques en Angleterre (1527 et
1533), et prit part encore, en 1533, à Marseille, aux négociations avec Clément VU
pour le mariage de Henri II, alors dauphin de France, avec Catherine de Médicis,
nièce du pape. Envoyé plus tard comme ambassadeur auprès de Paul III, il aban-
donna les affaires après la mort de François I", el se retira à Rome (1347).
2. Jean III, roi de Portugal, né le 6 juin 1302, succéda à son père Emmanuel
le Grand en 1521, et mourut le 2 août 1537. Il avait épousé, en 1525, Catherine
d'Autriche, sœur puînée de Charles-Quint.
Venise. — 1540-1342. 1^
226 A M MASSA DE DE [FÉVRIER 154lJ
que les aflfaires de S. M. sont en aussi bonne disposition envers ceste
république qu'ilz lurent longtemps y a, et croy bien qu'il/, ne sont
en aultre qualité du costé de Levant; de sorte que je veoy à présent
le christs et temps décrétoire des affaires, non seuUement de S. M.,
mais de tout l'Estat de la chrestienté, lesquelz je prye à Dieu qu'il
vueille adresser ainsi qu'il srait faire mieulx pour la prospérité
d'icelle. S'il vous plaist par cy âpre/ que je vous donne avertissement
des occurrences de derii, en me le commandant, je mettray peine de
vous y obéyr... »
Vol. 2, 1" t-'2. copie du xvi'' siècle; 1 p. in-f".
l'ELLlClEU Ai: CARDINAL DE 1-ERHARE *.
140. — [Venise], 2 février i54i. — Pellicier annonce au cardinal
le départ de Rincon pour la France et lui recommande Francesco-
Beltramo Sacliia, en faveur duquel Rincon, instruit des services
qu'il a rendus à la cause du roi, doit aussi porter la parole, en cas de
besoin.
Vol. 2, f" 122 \^, copie du xvi® siècle; 1/2 p. in-f''.
PELLICIER A M. DE RODEZ.
141. — [Kenîse], 5 février 1 541 . — Pellicier a reçu les deux lettres
de l'évêque, en date des 22 et 29 janvier. Rincon a quitté Venise le
2 février, fort bien accompagné, tant des cinquante hommes d'armes
que la Seigneurie lui a donnés pour la sécurité de sa route, << que
aussi du seigneur Cézar Frégose et sa compaignye, qui estoit de plus
de deux cens hommes, de sorte que en tout à Padoue se trouvèrent
bien troys cens personnes, tellement que moyennant la grâce de Dieu
pourront aller trouver le roy à bon saulvement ».
Suivent les nouvelles venues du Levant, par Vincenzo Maggio, rap-
portées dans la lettre au connétable, du 'M janvier.
Vol. 2, f" 122 v°, copie du xvF siècle; 1 p. 1/4 in-f'.
l'ELLlGIER AU MÊME"-.
142. — [Venise], 10 février 1 54 1 . — « Monsieur, par les miennes
du v® de ce moys aurez peu veoir le parlement de ceste ville du sei-
gneur Rincon, pour s'en aller vers le roy, et en quelle compagnye;
1. •' Escript cedict jour à M. de Langey, dont n'en fut faict minute. •
2. « Escript cedict jour à M. l'arcevesque de Raguse et à messer Vincenzo Mazio,
en Constantinople. dont "n'en fut faicte minute. »
[fÉVIUER lo41J GUILLAUME PELLICIER 227
dont à présent vous diray comme depuys cez Seigneurs ont escript
une lettre à S. M. la plus gracieuse et recongnoissante qu"ilz n'ont i'aict
longtemps a, remercyant icelle des bons offices que par son comman-
dement ledict seigneur Rincon avoitfaictz pour eulx, dont en estoyent
succédez les efîectz tant proffitables à ceste républicquc que à tout
jamais elle luy en auroit obligacion, l'en remercyant fort afï'ec-
tueusement. Et comme vous sçavez qu'il est fort difficile que en une
répuhlicque de tant de i)ièces ilz puissent estre tous conformes en
oppiuions, quant se vint à lire ladicte lettre en pregay pour la ballotter,
comme à Taccouslumée, y en eut quelques ungs qui furent d'adviz de
ne la debvoir mander si afTeclionnée; ce néantmoings, quelque con-
tradiction qu'il y ait eu, a esté conclud la debvoir envoyer, et n'y eut
que trente -cinq ballottes contraires et six non sincères, et cent
quarante-une furent d'adviz de la debvoir mander. Je vous escriptz
cecy affin que congnoissez quelle vouUenté cez Seigneurs ont envers
S. M., lesquelz et leurs subgoclz peulvent mainctenant trafficquer et
praticquer eu Levant comme ilz faisoyent auparavant la guerre rompue
contre le Grant Seigneur ; car, par tous ces pays-là, la paix a esté publiée,
comme je pense que pourrez avoir entendu. Qui est tout ce que vous
puys dire pour le présent. »
Vol. 2. fo 123, copie du xvi'^ siècle; 3/4 p. in-f».
l'ELLlCIER ai; roi ^ .
143. — [Venise], 15 février 1ô41. — « Sire, pour aultant que
depuys le partement de ceste ville du seigneur Rincon, qui fut le if de
ce moys, comme nous vous feismes sçavoir, ne avoys entendu de ses
nouvelles, et me attendant de jour en jour estre adverty de son pas-
saige et en quelle seureté, affin de vous le mander, avoys tousjours
différé de vous escripre depuys les miennes dernières dudict ii'^ de ce
moys. Et bien que l'aye sccu ung peu bien tard, et que V. M. en
pourra par luy estre mieulx informée, ce néantmoings n'ay vouUu
laisser à vous faire entendre comme par lettres que receuz encores
hier de luy, escriptes à Thiran- le x" de ce moys, me faict entendre
comme ilz y arrivèrent ledict jour, luy et le seigneur Cézar Frégose, à
l'heure de disner, en très bonne santé et saulveté, Dieu mercy, ayant
renvoyé de là tous les arcquebusiers que ledict seigneur Cézar y avoit
conduictz, leur semblant bien n'avoir plus besoing de grant scorte^.
1. <• Ao/fl, que ceste dépesche fut mandée avecques celle du xx' de ce moys
ensemblenient, par ung des gens du seigneur Sipion Constance jusques à Tluirin
en poste. »
2. Tirano, bourg de Lombardie situé à 31 kilom. de Sondrio, sur l'Adda.
3. Escorte.
228 AMBASSADE DE 'FÉVRIER 1d41]
Et si avovLMil pareilk'inenl dès Yzée \ deçà le lac, licencié la com-
pagnye que cesle Seigneurie luy avoit donnée, laquelle, comme il
m'escripl, avoil faict 1res bien son dehvoir envers luy. Dont n'ay lailly
en aller remercyer très alleclueusemenl cesledicle Seigneurie, qui
m'a faict rosponce ({ue, ayans cogneu toujours la sincère et parlailte
amour de V. M. envers leur répuhlicque, et mesmement par les bons
efTectz que le seigneur Rincon et voz aultres ministres ont tousjours
faiel/. pour icelle, il/, estoyent attenu/ et désiroyent le recognoislre et
agréer à icelle; par quoy avoyent mys le meilleur ordre pour le sauf-
conduyt et seureté dudict seigneur Uincou qu'ils s'estoyent peu
adviser. Mesmement, attendu qu'il en estoit besoing, se resjouyssoyent
merveilleusement qu'il eust occasion de se contenter et se coUoder de
la bonne compagnye que leurs gens luy avoyent faicte.
« Sire, j'ay entendu que depuys le parlement dudict seigneur Rincon
cez Seigneurs vous ont escript une lettre la plus ample quilz ne
feirent longtemps a, remercyant V. M. des bons et fruclueulx. offices
qu'il/, avoyent entendu avoir esté faicts par icelluy Rincon par vostre
commandement, et des bonnes et gracieuses offres que nouvellement
leur faisiez faire : dont à tout jamais ceste républicque vous en auroit
obligacion. Laquelle lettre voullant ballotter, comme est leur cous-
tume, avant que la mander, y en eut aulcuns tenans encores de leur
vieille humeur. El entre aultres leur ambassadeur, qui est revenu der-
nièrement devers l'empereur-, qui, comme ilz disent, arenga au con-
traire, aliégant pour ses raisons que icelle lettre ne se debvoit mander
si alTeclionnée, pour ce que cela seroit pour irriter l'empereur, dont
pourroyt arriver grant ruyne à ceste républicque de voulloir ainsi peu
estimer l'empereur; adjouslant estre bien vray que V. M. estoit ung
grant prince et puissant, mais que la saigesse de l'empereur estoit
telle qu'elle faisoit plus à estimer que sa puissance, laquelle ce
néanlmoings estoit telle qu'ilz veoyent par bons effectz qui avoit par
ce moyen en sa main le povoir de vous faire faire une bonne partye
de ce qu'il vouldroit, moyennant le duché de Millau, et toutesfoiz
qu'il lui plairoit demeureriez bons amys et d'accord ensemble. A ceste
cause, exortoit cez Seigneurs ne voulloir escripre ladicte lettre, mais
bien une générale de non si grant affection. Enfin fut ballotté si
ladicte lettre se debvoit mander ou non. Et premièrement fut mys
avant l'oppinion dudict personnaige, qui n'eut en sa faveur que
trente-cinq ballottes, et six non sincères. Au contraire y en eut cent
quarentc-et-une d'oppinion de la debvoir mander, ce que a esté faict,
ainsi que on m'a asseuré. Et sur ce propoz m'a l'on dict davautaige
\. làco, bourg de Lombardie, situé à 10 kilom. de Brescia, sur le lac du même
nom.
2. Pietro Mocenigo.
[février 1o41j GUILLAUME PELLICIER 229
que cez Seigneurs, en Iraictant de leurs affaires au conseil de Diexe, et
parlant de plusieurs propoz, mesmcment des grans bénel'lices qu ilz
ont receuz de V. M., et congnoissans la vraye amytié qu'elle porte à
ceste républicquc, ayans aussi en considéracion le grant aprest que
faisoit le Granl Seigneur pour venyr sur la chrestienté, qui ne seroit,
comme ilz cstimoyent, sans que Tltallye s'en ressenlist en quelque
endroicl, et voyans clairement le grant crédict et povoir que V. M. a
avecques ledict Grant Seigneur, avoyent mys avant d'escripre au pape
d'estre médiateur envers l'empereur de vous faire faire le dcbvoir de
la duché de Millau. Et pareillement en debvoyent aussi escripre à leur
ambassadeur auprez dudict empereur. Toutesfoiz, Sire, je ne vous
baille pas cecy pour certain, car l'ay seullement entendu de quelques
ungs particuUiers voz serviteurs, qui ce néantmoings ont accoustumé
me donner quelques foiz de bons et certains adviz.
« Sire, cez Seigneurs ont eu lettres de leur ambassadeur prez du roy
des Rommains ^ des xvio et xx'= du passé, faisant entendre par celles
du xvr que le roy Ferdinando se retrouvoyt en grant extrême néces-
sité de bledz, dout supplyoyt ceste Seigneurie ne luy vouUoir faillyr
de l'en secouryr de la plus grande quantité qu'il seroit possible,
comme il feist cestedicte Seigneurie l'année passée, à son grant
besoing; et, oultre ce, qu'ilz vueillent donner franc passaigc, si de
quelques aultres princes luy estoit concédé traicte de bledz, et adve-
noit qu'il fust besoing passer sur leurs terres : pour aultant qu'il a
pryez lesdiclz aultres princes clirestiens de luy donner semblable
secours qu'il a requiz cez Seigneurs. Laquelle lettre n'a esté leue en
pregay, pour y avoir aultres chefs de plus grant importance, lesquelz
n'ay encores peu sçavoir. Et par celle du xx^ s'entend ledict roy Fer-
dinando avoir eu Albe Régal, à condicion que tous les biens et les
personnes qui estoyent dedtius seroyent saulves et que en la court
dudict roy Ferdinando y avoit plusieurs mallades, et entre aultres ung
sien iih et troys des damoyselles de la royne, et ne sçavoit l'on
encores si c'estoit de peste, laquelle est grande en ce pays-là, et
jusques en ladicte court. Et a l'on encores entendu icy du fondique
des Thudesques * que l'ambassadeur de cez Seigneurs prez dudict roy
ï. Francesco Sanuto.
2. Il y avait à Venise, outre les constructions privées, quelques édifices appelés
albergarie {d^albergo, albergheria, auberge, hôtellerie), que la République aban-
donnait aux étrangers, à qui elle laissait la faculté de se gouverner d'après les
lois de leur pays. Tels étaient les Maisons neuves, dans le Rialto neuf, assignées aux
Toscans, et les magasins des Turcs et des Allemands, fondaco dei Tiirchi, fondaco
dei Tedescki. Le nom même comme la chose étaient d'importation toute orientale
(cf. l'arabe fondouk). Venise, du reste, possédait ces établissements dès le haut
moyen âge: les Vénitiens, en revanche, occupaient à Byzance tout un quartier.
Le fondaco des Allemands, construit entre 1450 et 1530, ainsi que les l'rocuraties
vet l'escalier des Géants au palais ducal, était un grand bâtiment situé sur la droite
du Grand Canal, au levant du pont du Riallo. Le Giorgione et le Titien travaillèrent
230 AMUASSADE DE KÉVIllER lo4l]
Fcrdinando, nomnu' messiro Francesco Saniili, estoil mort de ladicte
pesle; loulesfoiz oesdicl/. Seigneurs n'en ont rien eu de certain '.
« Sire, par lettres du xxi" du passé, escriplcs à Spira» par l'ambas-
sadeur de cez Seigneurs près de l'enipereur, l'on entend que M. de
Grantvelle csloil retourné du collocque de Wormes à la court dudict
emper(>ur, qui disoit n'y avoir esté rien faict, s'estant reniys à la dielte
de Uatisbonne, laciuelle ne se feroit si tost que l'on pençoit ù. cause
de la peste, et se remi'ltroit à ung aultre temps; escripvant aussi que
ledict empereur s'en venoit de hrief en cesle llallye : lequel luy faisoit
grande clière, disant qu'il aymoit fort la Seigneurie de Veni/.e et qu'il
ne désiroit sinon sa grandesse, comme il le leur démonstreroit par
efl'ect avecques le temps. Et sur ce propo/,, cez Seigneurs ont aussi
receu lettres de li^ur secrétaire Fidel des x et xf* jours de ce moys, les
advertissant que M. le marquiz de Guast luy avoit dict que le retar-
dement de l'empereur pour venyr en Itallye cstoit seullement pour
aullanl qu'il s'en alloit journellement gaignant et parfaisant amytié
avec(iues les princes d'Allemaigne; et que jà avoit tiré à sa dévotion
le duc de Saxonia ' et quelque aultre, et que le duc de Clèves* s'accor-
deroit aussy avecques luy. Et pareillement que le duc de Lorraine ^
avoit aussi recherché ledict empereur de luy donner la duchesse de
Millan'' pour son lils"^ : de quoy estoit contant, mais que premièrement
en voulloit faire porter parolle à V, M. Et que le roy d'Angleterre luy
offroit sa fiUc avecques deux millions d'or, luy disant oultre ledict
marquiz du Guast, quant l'empereur et son frère vouldroyent avoir
tresve avecques le Turcq, que ilz estoyent bien asseurez de l'avoir par
le moyen de V. M.; mais qu'ilz ne s'en soucioyent point. Et que si
à en décorer la façade. Avanl de recevoir celle destinalion. il avait servi, dit-on,
d'habilalion aux Iribuns. Les Allemands y cxerçaienl leur commerce sous la sur-
veillance de trois magistrats ou visdomini, percepteurs des droits de cet entrepôt
général, et le contrôle ilcs emballeurs, poseurs et courtiers choisis par l'Etal
(V. Molmenli, la Vie privée à Venise, passiyn). La douane est aujourd'hui installée
dans cette consiruclion, dont les fresi|ues sont maiheureiisemonl détruites.
1. La nouvelle était peu fondée; nous possédons la relation de Sanuto, qui eut
pour successeur, le 4 octobre 15ii, Marino Cavallo (V. Alberi, 1'* série, t. III, p. 90).
2. Spire.
3. .lean-Frédéric le Magnanime, duc de Saxe de lo32 à 13i7. Né le 30 juin 1303, il
mourut le 3 mars ioot. Soutien ardent du prolestaiilisme en Allemagne, il fut
dépouillé de ses Étals par Charles-Quint, après la bataille de Mûhlberg, où il fut
fait prisonnier, le 2i avril loi".
4. Guillaume Ir Riche, duc de Cléves de 133'.) à 1392.
5. Antoine le lion, fils de René II, duc de Lorraine et de lîar. et comte de Vaude-
mont, de 1508 à 1341. Né le 24 juin 1490, il mourut le 14 juin 1344. Il avait épousé
Renée de Bourbon, daine de Mercœur.
6. Christine de Danemark, veuve de Franccsco-Maria Sforza, dernier duc de Milan.
Le contrat fut signé à Ratisbonne, le 20 mars 13 41 (V. B. N., anc. fds fr., ms. 2146,
r 191).
7. François, marquis de Ponl-à-Mousson, imis duc de Lorraine, lîls aine d'Antoine
le Don, né le 15 février 1317, mort à Remiremont le 12 juin 1343.
[février 154 il GUILLAUME PELLICIER 231
bien cez Seigneurs ont faict la paix avecques luy, laquelle louoit gran-
dement, néantmoings pour cela jamais ledict empereur ne se sépare-
roit de Tamytié et affection qu'il porte à ceste républicque, et que
quant ledict empereur se vouldroit accorder avecques V. M. pour
venyr contre cez Seigneurs, che l'esta in suo peUo\ mais qu'il ne le fera
jamais, et qu'il congnoissoit ceste républicque tant saige qu'elle ne
escoutteroit ne aj,tcnderoit point aux partys qui luy sont proposez, car
il cognoist cez Seigneurs estre tant plains de foi et fermeté qu'ilz ne
sont pour leur moulvoir aulcunemenl, sçaichant très bien que si
V. M. a vouUu prendre cest apport en faveur du Turcq, que enfm
cela seroit à vostre ruyne. Et plusieurs aultres semblables propoz luy
disoit, estant bien asseuré qu'il ne fauldroit les faire entendre à cez
Seigneurs, lesquelz toutesfoiz estans rebatuz de tels propoz, ainsi
que j'ay entendu, n'y attendent pas beaulcoup.
« Sire, j'ay entendu d'un personnaige qui disoit sçavoir pour tout
vray monseigneur le duc de Ferrare avoir lenuz propoz que l'empe-
reur voulloit mettre deux mil hommes dedans Mantoue, pour s'empa-
troniser d'icelle, et tenyr cez Seigneurs Vénéciens en crainte, et par là
garder de ne se remouvoir et aussi pour ne se asseurer trop du car-
dinal de Mantoue. »
Vol. 2, i" 123 v", copie du xvr siècle; 3 pp. in-f^
PELLICIER ATT CONNETABLE.
144, — [Fenwe], 15 février i54i . — « ... Monseigneur le cardinal
de Ravenne* est persévérant en son oppinion, dont vous ay escript
par cy davant, c'est que, advenant le Saincl-Siége vacquer, la partye
françoise estoit pour avoir meilleur droict et part à disposer de l'élec-
tion que nulle aultre. Et, à ce que j'ay entendu de bonne part, ledict
cardinal se tient peu satisfaict de l'empereur, pour ne luy avoir attendu
beaulcoup de promesses qu'il luy avoit faictes, et entre aultres de ne
l'avoir pourveu de l'évesché de Messine, laquelle il cherchoit plus pour
avoir esté jadiz de sa maison que pour la valleur d'icelle; de sorte que,
s'offrant l'occasion, il ne fauldroit d'en faire démonstracion. Et, comme
l'on a entendu par lettres du iiii^ de ce moys de M. l'ambassadeur de
cez Seigneurs prez dudict empereur, icelluy empereur avoit conféré
aulcuns beneffices, qui puis naguères estoyent vacquez jusques à la
somme de quarante à cinquante mil escuz, à plusieurs de ses servi-
teurs et entre aultres, comme l'on entend par lettres de Millan du x" de
cedict présent moys, en estoit venu par pension sur aulcuns desdictz
beneffices à leur part à domp Loppes, trésorier de Millan, mil quatre
1. Benedetto Accolti.
232 AMBASSADE DE [FÉVRIER 15il]
cens L'scu/., d ilninp Diego, son ambassadeur en cesle ville, la somme
de cinq cens escu/-.
« Monseigneur, l'on est adverly de la maison de lanihassadeur de
l'empereur que le roy d'An^delerre a mandé en ceste Ilallye douze gen-
lilzliommes \H\ur, soub/. lilli»' et colleur d'apprendre et veoir, estre
adverly de toutes les choses qui se font et s'entendent en cesledicte
Ilallye. Desquel/, gentil/.hommes en a mandez Iroys en ceste ville,
deux à Rome, à Millan aultanl, à BouUoigne, Florence, et pareillement
aux aultres bonnes villes; desquelz ceulx qui sont icy l'agent dudict
roy d'Angleterre', pour estre grant impérial, les attire à sa fantaisie,
et les a laict si domesticques de l'ambassadeur de l'empereur qui est
ici, que journellement sont avecques luy, ([ui leur baille telles nouvelles
qu'il veult et luy sont plus advantageuses, estant certain que iceulx ne
fauldront à les escripre à leur maistre.
« Monseigneur, cez Seigneurs ont eu lettres de leur secrétaire Fidel
près le marquiz du Guasl, du xii* de ce moys, par lesquelles les
adverlyst ledict marquiz luy avoir tenuz telz propoz qui s'ensuyt :
« Monsieur le secrétaire, je entendz que plusieurs vont disant et dis-
courant que l'empereur vient en Ilallye pour vouUoir suppéditer tous
les princes d'icelle et s'en impatronniser; maisaffin que vous congnois-
siez le tout estre au contraire, je vous monslreray une lettre dudict
empereur. » Ce qu'il feist, par laquelle il lui escripvoit qu'il venoyt
en Ilallye, non pour supéditer les princes ne pour s'en impatronniser
d'icelle, mais qu'il y venoit en la mode qu'il avoit tousjours faict, c'est
pour la paciftier, et non pour y mettre guerre. Dont cez Seigneurs ont
escript à leurdict secrétaire qu'il doibve bien garder ladicte lettre
affin que si jamais il entrevenoit au contraire, qu'ilz la peussent tous-
jours monslrer audict empereur, escripvanl aussi que certainement
ledicl empereur seroit sur le commencement d'apvril en Ilallye. Et par
lettres de Rome s'entend que le pape, ayant entendu la si proche
venue dudict empereur en Ilallye, avoit changé d'oppinion de venir à
Boullongne à la my-caresme, et qu'il avoit déterminé s'en parlyr la
seconde sepmaine, pour venir à la volte de Camerin, pour attendre à
certaines choses, et delà s'en venyr audicl Boullongne, pour parle-
menter avecques l'empereur*. »
Vol. 2, f" 125, copie du xvi«' siècle; 1 p. 1/2 in-f".
1. Ilarwell.
•2. « Nota, que le xvi' febvricr ut escript à M. de Rodez; dont n'en fut faict
mvnutc. »
[février 154 Ij GUILLAUME l'ELLICIER ' -233
PELLICIER AU ROI ' .
145. — [Venise]^ 20 février 1541. — « Sire, ayant entendu que
M. l'arcevesque de Raguse me avoit dépesché expressément un bri-
gantin avecques lettres de messire Vincenzo Mazio, touchant le sauf-
conduicl de M. l'évesque de Transilvania, et aultres nouvelles de ce
cousté là, ay retenu mon pacquet du xv^ de ce moys de jour en jour
jusques à ce jourd'huy que est arrivé ledict brigantin; ce que n'a esté
cependant sans estre en quelque peine, pour estre advertys que, à
cause de la grant tormentc qu'il a faict cez jours passez, s'esloit péry
ung brigantin venant de Raguse, doubtant que ce ne fust celluy
dépesché par ledict seigneur arcevesque. Toutesfoys, par la grâce de
Dieu, est arrivé à bon port, l'ayant eschappé aussi belle qu'il feist
jamais, car de l'auUre brigantin péry ne se peult saulver une personne.
Par lesquelles lettres dudict messire Vincenzo, de Andrinopoli du xiiiF
du passé, me faict sçavoir seuUement comme ledict jour estoit arrivé là
et qu'il avoit faict la révérence au bassa, le supplyant pour ledict saulf-
conduict dudict seigneur évesque de Transilvania; qui lui avoit faict
responce que ledict jour le demanderoit au Grant Seigneur qui à son
advis n'en feroit aulcune difiiculté. Lequel soubdain aprez l'avoir
obtenu manderoit audict seigneur arcevesque de Raguse, pour l'envoyer
icy en toute dilligence audict évesque de Transilvania qui l'attend à
grant dévotion, pour s'en aller en Hongrye où, ainsi que m'escript
ledict messire Vincenzo, le Grant Seigneur a mandé fort grant compa-'
gnye turquesque. Et que le Bogdan, — c'est le vayvoda de Moldavia — ,
estoit mort-, au lieu duquel le Grant Seigneur avoit remys Petro
Bogdan, qu'il en avoit déchassé''; et comme m'a dict ceste Seigneurie,
c'est moyennant qu'il en payeroit tribut de douze mil escuz par an; et
avoit ordonné ledict Grant Seigneur estre acompaigné de cinq cens
chevaulx qui debvoyent demeurer là à la garde du pays avecques luy,
lequel debvoit mander son iilz à la Porte en hostaige. Il baisa la main
au Grant Seigneur le xiiii" du passé et s'en debvoit partyr le xvi".
M'escripvant aussi avoir entendu que le roy de Portugal avoit priiis
la Balserade*, qui est, ainsi que cez Seigneurs m'ont dict, une islc au
1. « Geste dépesché fut mandée avecques la précédente, qui est du xv° de ce
moys, par ung des gens du seigneur Sipion Constance, jusques à Thurin en dilli-
gence. Et fut escript cedict xx" febvrier au seigneur Cézar Fregoso et à M. de
Villandry; dont n'en fut faict mynute. »
2. Alexandre III Cornea. Simple portier de la ville de Suceava en Moldavie, il
avait pris part à la conspiration qui coûta le trône et la vie à Etienne VI, à la fin de
loiO, et lui avait succédé. Mais Pierre Raresch, rentré en grâce auprès des' Turcs,
ne tarda pas à le vaincre et lui Ot trancher la tête dans les premiers jours de
février 1541.
3. Pierre Raresch.
4. Pellicier semble avoir été mal informé; car l'expression de Baisera désignait
234 AMBASSADE DE [fÉVUIKII loti]
devant de la bouche du goulfe de la mer Rouge, qui lient le passaige
en telle subgeclion que l'isle de Orinus' faict la bouche et entrée
du goulfe de la mer Persicque; car, à rentrée ou issue de chascun
desdict/ goulfes faull faire l'estape ausdictes isles respectivement. El
que h* <îrant Seigneur sesjourncroit audict Andrinopoli encores jusques
à la mv-mars, ainsi (lu'il disoil. Toulesfoi/. par aultres lettres du
xvm" janvier j'ay entendu que, dedans ung mois de là, s'en debvoit
parlyr pour retourner à Conslanlinople veoir comme Barberosse avoit
faict mettre en ordre son armée de mer, qu'il avoit là laissé expres-
sément pour cest efTect, afiîn de y faire la plus grant dilligence qu'il
seroit possible, comme ay escript à V. M.; laquelle seroit de deux cens
gallôres, sans les fustes et aultres vaisseaulx. Qui est tout ce que vous
puys dire de ce costé là, sinon que par les lettres que cez Seigneurs
ont eues de leur ambassadeur prez dudict Grant Seigneur, du xvi" du-
dicl moys de janvier, sont adveitiz comme icelluy Grant Seigneur leur
a promys et octroyé une Iraicte de bledz de soixante mil septiers, sans
quelque aultre petite quantité qu'il a accordé au nom de leur ambas-
sadeur et son secrétaire; leur donnant bonne espérance de la restitu-
tion de Nadin et Laurana. De quoy cez Seigneurs ont eu merveilleuse-
ment grant pluisyr et consollacion, espérans bien que à la deslivrance
des deniers qu'ilz ont mandez audict Grant Seigneur par ung de leurs
secrétaires et Janezin, qui n'estoyent encores arrivez là, icelluy Grant
Seigneur leur en fera quelque bonne démonstracion. Hz ont aussi
envoyé une nef à Napoli de Romanye et Malvaisye, pour lever les
souldars et aultres habitans de là qui n'y vouldront demeurer.
« Sire, l'on a entendu icy comme ung gentilhomme arménian avoit
esté envoyé à Cippre par le Soplii, pour sçavoir comme les affaires de
la chrestienté passoyent avecqucs le Grant Seigneur; lequel gentil-
homme, ayant entendu que cez Seigneurs avoyent faict la paix avccques
le Turcq, et la grande alliance qu'il avoit avecques V. M., s'en est
retourné grandement desplaisant, et, par ce que l'on a peu comprendre,
ledict Soplii n'est pour faire aulcun empeschement ne encombrier
ceste année audict Grant Seigneur.
« Sire, pour aultant que les personnaiges qui s'estoyent olTertz à
vostre service comme vous avoys escript, — desquelz il a pieu à V. M.
me faire responce, par la vostre du xxiir" du passé, de ce que je auray
le port fort important de Bassora, sur !a rive droite du Chal-el-Arab, au Tond du
golfe Persiquc, tandis que la désignation Iros nette du site géographique de cette
île, défendant l'accès de la mer Rouge, correspond évidemment à Périm, au milieu
•lu détroit de Dab-el-Mandeb, <iui fut en effet occupée à cette époque par les Portu-
gais.
l. L'ile d'Ormus, ou mieux Hormouz, pour sa position, qui en fait la clef du golfe
Persique, et pour l'importance des riches pêcheries de perles dont elle était alors
le centre, avait été occupée en lol't par Albuquerque, qui en lit une des premières
stations des Portugais en Orient.
[février l;i4l' GUILLAUME PELLICIER 233
à lour dire, — ne sont dernourans en ceste ville, ne que n'ay veu pas
unj^de leurs agens, ne leur ay peu encores dire vostre voulloir et inten-
cion; mais je me attendz bien que de brief ne fauldront ù, m'en rechair-
cher, et lors leur feray très bien entendre ce que m'en avez escript, et
les entretiendray en ceste bonne voullenté le mieulx. que je pourray,
comme le semblable feray aux aultres qui se viendront olTryr au ser-
vice de V. M. »
Vol. 2, f'^ 120, copie du xvi'' siècle; -' pp. iu-C".
PELLICIER AU CONNÉTABLE.
146. — [Venise], 20 féorkr 1 54 1 . — « Monseigneur, vous verrez
parla lettre que j'escriptz présentement au roy le retardement jusques à
ce jourd'huy de ma dépesche du xv'^ de ce moys; dont ne m'estenderay
aultrement à vous supplyer, si ay demeuré trop longuement à escripre
à S. M. et à vous, m'en avoir pour excusé. Tant seuUement vous diray
que depuys lediclxv", ainsi que jay receu lettres de messire Vincenzo
Maggio, cez Seigneurs en ont pareillement eu de leur ambassadeur
prez du Grant Seigneur. Lesquelz suys allé veoir ce matin pour
sçavoir s'ilz avoycnt rien de nouveau davantaige que ce que j'escriptz
au roy, pour luy faire sçavoir et à vous. Mais ilz ne m'ont rien dict de
plus, sinon que le Grant Seigneur relourneroit bientôt ca Constanti-
nople où esloit Barberosse, qui ne fréquentoit pas trop l'Arcenal;
et que pour cesle année ne armeroit que quatre- vingtz gallères et
soixante fustes qui estoyent comme gallères, bien que j'aye escript au
roy, comme verrez, deux cens gallères sans les fustes, ainsi que m'a
escript ledict messire Vincenzo. Me disant oultrc que le Grant Sei-
gneur ne faisoit aulcune préparation de l'exercite par terre davantaige
que ce qui estoit desjà mys en ordre, et qu'il avoit ordonné aux
bassatz aller vers la Hongrye; et en somme comme j'ay de bien bonne
part qu'il n'estoit pour rien faire davantaige jusques ad ce qu'il eust
advis et responce de S. M., suyvant laquelle il en feroiL tout et ainsi
que le roy vouldroit. Et, comme j'ay entendu par aultres, ont aussi eu
adviz que le roy de Polonia ' se monstroit incliné à la dévotion du roy
des Romains, pour la conservation de sa fille -, eslans cesdictz Sei-
gneurs en bonne espérance de ravoir ÎN'adin et Laurana au desbour-
sement des deniers qu'ilz avoyent envoyez audict Grant Seigneur par
ung de leurs secrétaires et Janezin; et que toutes leurs aultres choses
prendroyent bon chemyn.
« Monseigneur, vous verrez aussi par les lettres que j'ay escriptes
au roy le xve en quel estât sont les affaires de S. M. envers cez Sei-
1. Sigismond I".
2. Isabelle, reine de Hongrie.
236 AMBASSADE DE [pÉvniEU lo4l]
gncurs, et ronipeschemont que voulloyenl faire aulcuns d'entre eulx,
pour ne luy debvoir escripre si anVctueusemenl qu'il/, ont faict, ainsi
que l'on m'a asseuré; dont aulcuns veullent dire que ce porsonnaige
qui proposa ses raisons pour ne debvoir mander ladicle lettre, se trou-
vant tant de ballottes contre son oppinion, en print si grand dcsdaing
et des|iicl t\n"i\ en tomba mallade si grielvemenl que jamais n'en est
relevé, dont est mort ce jourd'liiiy. »
Vol. 2, f'J l'-'T, copie <lu .\vi« siècle; I p. in-f».
PELLICIER A M. n'ANNEHAl'LT.
147. — [Tew/s^l, 20 février 1 54 1 . — Pellicier entretient le maré-
chal du voyage de Rincon et de Fregoso, et lui annonce les nouvelles
reçues d'Andrinople, dont il a esté question dans les lettres au roi
des 15 et 20 février.
Vol. 2, f» 127 v", copie du xvi« siècle; 1/3 p. in-f°.
PELLICIER A RINCON.
148. — [Vetiise], 20 février 1 54 1 . — « Monsieur, j'ay receu voslre
lettre escripte à Thiran * le x^ de ce moys, laquelle non seullement
à moy fut grandement agréable et consolative, mais encores à plu-
sieurs aultres bons serviteurs du roy et voz amys qui sont icy, aus-
quelz ne faillys incontinent le faire entendre, comme le semblable
feiz-je le lendemain que la receuz à ceste Seigneurie, la remerciant
très affectueusement, de la part de S . M. et de la vostre, de la si
bonne compaignye qu'ilz vous avoient donnée, laquelle avoit faict si
bien son debvoir que vous en estiez merveilleusement contant et
satisfaict et leur en restiez obligé. Et pour ce que je suys adverty que
le seigneur domp Diégos, aprez que vous en fustes party, ayant
donné à congnoistre à cez Seigneurs qui vous estez, et dont estiez issu,
avoit tenu propoz en plein colliége que vous n'aviez point cherché le
saufconduyt et seureté pour danger ne paour que vous eussiez de
luy ne aultres ministres de l'empereur, mais seullement pour vous
donner réputacion; et que vous saviez bien que de tout ce n'y avoit
lieu, car eussiez esté aussi seur en sa maison que en la mienne propre,
■et plusieurs aultres propoz ausquelz je ne faillys de respondre sur
chascun poinct, de sorte que je pence que la responce povoit satis-
faire à sa proposition, où je ne oblyay de mettre avant et m'ayder du
tesmoignage d'une lettre envoyée de Millan, de laquelle vous envoyé
le double, pour monstrer le contraire de ce qu'il disoit n'y avoir lieu,
1. Tirano.
[fÉVIUER 1u41' GUILLAUME PELLICIER 237
et faire entendre à cez Seigneurs combien leurs gens avoyent esté bien
à propoz et nécessaires. Lesquclz me feirent faire responce par la
bouche du magniftique Thomas Contarin ' que, ayans congueu tous-
jours la sincère et parfaicte amour du roy envers eulx, et mesmement
par les bons effectz que incessamment avez faictz pour ceste répu-
blicque et singullièrement pour la bonne offre que luy avez faicte et
qu'elle s'attend que vous ferez mesmes oftices envers S. M., comme
ils estoyent altenuz, désiroyent en toutes choses le recognoistre et
agréer à S. M. et à vous, et estoyent très aises que leurs gens vous
ayent donné occasion de vous contenter et colloder delà bonne com-
paignye qu'ilz vous ont faicte, mesmement sçaichans pour vray que
sans ce vous eussiez peu passer grand danger; lesquelz n'eussent
voullu pour rien au monde, principallement là où ilz vous eussent peu
garentyr, et qu'ilz en remercyoyent et regratioyent Dieu... »
Le reste de la dépêche est consacré aux nouvelles du Levant, déjà
mentionnées dans les précédentes lettres.
Vol. 2, f^ 127 Y°, copie du xvi^ siècle; 1 p. 3/4 in-f-^.
PELLICIER A M. DE LANGEY 2.
149. — [Venisel 20 février 1541. — Même sujet que dans les dépê-
ches précédentes.
Vol. 2, fo 128 r", copie du .\vi« siècle; 1 p. 1/2 in-f».
PELLICIER A VINCENZO MAGGIO 3.
150. — Venise, 28 février 1541 . — Pellicier a reçu ses lettres des
14 et 16 janvier. Mêmes nouvelles que dans les lettres précédentes.
« In Venetia. »
Vol. 2, f° 129, copie du xvP siècle; 1 p. in-f°.
1. Tommaso Contarini. Il avait été chargé, à l'automne de 1539, malgré son grand
âge — il avait alors quatre-vingt-quatre ans, — d'une négociation avec la Porte.
2. « Le XXP de ce moysfut escript audict seigneur de Langey, par ung homme de
pyed qu'il avoit mandé icy, et fut mandé audict seigneur un pot de gingembre
vert et un autre de... [le mot est resté en blanc].
« Item, le XXIIlPfebvrier fut escript à M. de Rhtjdez, dont n'en fut faict mynute. •
3. En italien. — « Escript cedict jour à M. l'arcevesque de Raguse, à la Seigneurie
dudict Raguse, et à maître Guillaume l'orlogier. Et sesjourna ceste dépesche à cause
du maulvais temps jusques au VIP mars; auquel jour fut escript à messer Petreo
en Raguse, et lui furent envoyez deux livres grecz.
« Nota, qu'il a été escript à M. de Rodez le III" jour de mars, dont n'en fut faicte
mynute. »
238 AMUASSADE DE ^MARS lo4l]
PEI.LICIER W n<il*.
151. — [ W'tusr], 7 nuirs 1 !)4i . — « Sire, depiiys les dernières lettres
quf ay escriplos ii V. M. du wdu passt!', rez Seigneurs ont eu lettres
de leur anibassad«'tir pre? de l'empereur, et peu auparavant d'aultre
bon lieu, en semblable substance, contenans quant à la dielle faicte en
Wormes, [comme] l'on povoit avoir entendu la niaulvaise résolucion
qui en a esté entre les princes d'Allemaigne; lesquelz ont use/, d'es-
tranf^es parolles, niesmeuH'iit les agcns des duc/, de Saxonie, de Vir-
tember^*, de Clèves et du landgrave •', renionslrans avecques évidantes
raisons le inaulvais vouUoir de l'empereur contre iceulx, en luy mettant
avant plusieurs bienlaict/ par luy à eulx promys. Desquel/, n'en a
poinct attendu/, aulcun, ains au contraire cherché tous les moyens
qu'il a peu de oster l'auctorité qu'il/, ont, luy recordant aussi le récent
exemple de Gand, qui soubz sa foy a réduicl au terme que on le veoit
mainctenant*, allégans aussi l'observation qu'il a faicte et tenue de
tout ce que a promys à V. M.; non qu'il ait ce faict pour le droict et
bien de l'empire, mais pour quelque desaing qu'il a en fantaisye,
lequel il/, jugent (juc ne soyt aullre que pour saparticullière grandesse,
et beaulcoup d'aultres paroUes que comme escript ledict ambassadeur
seroyent superflues à réciter, jusques à dire qu'il a cherché de mettre
à mal leur vye et àme; et enfin la conclusion a esté que s'il voulloit
ainsi se faire grand et monarcque, qu'il le cherchast par aultre voye
que par la leur, car ilz se doulloyont que par leurs œuvres et moyens
il soit si grant, et qu'il/, ne le veullent faire davanlaige. Et quant ad ce
qu'il demandoit secours et subside pour le roy Ferdinando aux choses
de Hongrye, ont respondu non estre leur inlérest, mais que quant ilz
verront eslre besoin deffendre leurs choses et de l'empire, ilz y pour-
voyeront. Enfin escript ledict ambassadeur que la diette n'estoit pour
se faire aultrement et que les choses alloyent tant mal qu'ilz ne
povoyent estre pys pour tous respectz. Et cstimoit-on là que icelluy
empereur passeroit en Itallye le plus tost qu'il pourroit avecques
quelque nombre d'Allemans vouUenlaires pour se asseurer de ladicte
Itallye, en les mettant à lencontre de voz gens qui sont en Pyedmont;
et que sa personne marcheroit avant vers IN'aples, faisant le chemin
vers la Tuscane, et du tout se asseureroit, en y laissant puyssantes
gardes, et en menant avecques luy les suspectz; et qu'il chercheroyt
1. « Escripl ccdicl jour à MM. les cardinaulx de Tuiirnon, du Bellay, et de
Ferrarc, et au soigneur Cézar Fregoso, et aussi à Sainct-Pol et Garrigues, au sire
Laurens Charles. Et fut mandi': l'c-xtraordinaire en court avecques certaines ins-
tructions. Dont n'en fut faicte niynutc. »
2. Ulrich V, duc de Wurtemberg.
3. Philippe le Maqnanime, landgrave de Hcsse.
t. Allusion à la répression cruelle exercée par Charles-Quint sur les Gantois
révoltés, en avril 1.^40.
[mars lb4l] GUILLAUME l'ELLICIER 2:J'J
de faire faire tous eflect/. de se asscurer avecques le pape en toutes les
façons qu'il pourra, et pareillement des seigneurs et barons qui sont
au royaulme de Naples qui ont de luy suspeçon, comme du seigneur
Ascanio Goulonne et aultres iniiniz, et les sollicitera avant que le
Grant Seigneur luy donne facherye ou empeschement par mer ou par
terre. El quant à cez Seigneurs, fera que Ferdinando y pourvoyera,
pour aiiltaiit qu'il a des lieux en Friol, et que par la voye du conté de
Thirol les tiendra en suspeçon de garre, et cependant attenderont à
leurs affaires. Par aultres lettres que ledict ambassadeur a depuys
escriptes à cez Seigneurs, leur faict entendre que ledict empereur a
mandé à domp Bernardin de Mendoce, admirail d'Espaigne, qu'il ayt
avecques toutes ses gallères à se trouver pour le plus long à la lin
d'apvril à Gennes, là où l'empereur faict son compte estre arrivé,
s'embarcquer incontinant pour passer en Espaigne. Ce néantmoings.
Sire, il y a ici tant de variables oppinions de sondict passaige que l'on
ne sçait bonnement à quoy s'en tenyr; car les ungs disent qu'il sera
de brief en Ittalye, et les aultres du contraire. Et entre aultres l'ambas-
sadeur du duc d'Urbin, qui a réputacion d'avojr grant discours et de
sçavoir telz affaires, a dict en quelque bon lieu que pour beaulcoup de
raisons ledict empereur ne viendroit point en Ilallye, ou à tout le
moings n'y seroit devant septembre.
« Sire, j'ay dernièrement escript à V. M. ce que avoys entendu par
messire Vincenzo Maggio touchant les préparations que faisoit le
Grant Seigneur, tant par mer que par terre, et aussi comme cez Sei-
gneurs avoyent eu adviz par leur ambassadeur prez dudict Grant Sei-
gneur n'estre si grandes, mesmement par mer comme escripvoit ledict
messire Vincenzo; mais depuys ont esté advertiz que ledict Grant Sei-
gneur faict trop plus grant aprest d'armée de mer que leurdict ambas-
sadeur ne leur avoit escript. Et que en Negroponte et es environs se
faict très grant appareil de biscuitz, et encores assez bonne quantité à
la Vallonné ', quelque grant nécessité qu'il y ait de grains, ayans aussi
entendu par lettres de Gennes, que trente-quatre fustes ou brigantins
parmy quelques gallères avoyent esté veues tenant la voye d'Algier,
mais que l'on ne sçavoit encores où ils s'adressoyent, ne quelle
emprinse vouUoyent faire.
« Sire, cez Seigneurs ont aussi eu lettres de leur ambassadeur prez
du roy Ferdinando, par lesquelles ont entendu comme quinze mil che-
vaulx turcqs avoyent prins d'assault une ville appelée VacciaS cité
épiscopalle prez de Bude, quatre mil de ce pays là, de laquelle l'évesché
avoit esté donnée dernièrement au filz de Périmpéter, révolté à la
1. Avlone, r.^u/oîi des Grecs, antique ville tle l'Albanie, à Mi kilom. d'Otranlo,
avec un excellent port sur l'Adriatique.
2. Waitzen (en hongrois Vacz), ville <le Hongrie, sur la rive gauche du Danube,
à 37 kilom. de Bude.
2iO AMBASSADE DE [mAUS lo4i]
partNo du roy Ferdinaiulo '; et avoycnt prins pour emmener esclaves
toutes les personnes utilles à servyr, et mys en pièces tous ceulx qui
estovenl dedans dudicl rov. Et le semblahle avovent faict des hahitans
d'icelle pnur leur cage ou indisposition inulilles; dont les Impériaulx,
cuydans remédier à telle nouvelle et voullans donner à entendre
tousjours (juc leurs affaires ne vont que bien, ont mys avant qu'ilz
estovenl uni/, luy et le roy de l'oullonj^ne, et que laroyne de Poullongne
avoit mandé à la douliairiére roync de Ilonj^rye sa iillc qu'il f'ailloit
qu'elle s'arcordast avecqucs ledict roy Ferdinando, sur tant qu'elle
oraignoit son indignation jusques à la menasser de sa mallédicion.
« Sire, depuys mes dernières lettres est venu vers moy l'homme du
seigneur conte de Sanseconde, auquel n'ay failly le plus persuasible-
menl et ellicacement que me suys peu adviser à luy faire entendre
vostre voulloir et intencion, et les raisons pourquoy V. M. bonnement
ne povoit pour le présent accepter son offre, l'en remercyant loutesfoiz
de v(»slre part fort affectueusement. Lequel a faict démonstracion d'en
estre grandement contant, me disant là dessus que son maistre, nonobs-
tant, n'esloit deslibéré de plus estre au service de l'empereur, et que
au premier jour ne fauldra à prendre congé de luy; et alors, toutesfoys
et quantes qu'il vous plaira l'employer, il sera tousjours presl à vous
faire service, en ayant très grande voullenté, et, comme m'a dict,
aussi bon moyen que nul aultre qui suyve vostre party en Itallye. Car,
oultre ce qu'il le peult faire de luy-mesmes pour ses eslatz, encores a
il beaulcoup de parens et amys qui n'ont pas peu de povoir : et mes-
mement les Malespine, marquiz de Lunesane*, entre Sagasane^ et
Lucques, pour estre ses bien proches parens et affectionnez, et pareil-
lement le conte Marsilius Russe*, qui tient en ses terres mil hommes
de guerre bien exercitez aux armes, desquelz y en a cinq cens arque-
busiers bien adroiclz. J'ay tiré de luy que le malcontentement qu'il a
de l'empereur, c'est pour aultant que de toutes les promesses qu'il luy
a faictes, ne luy en a jamais tenu pas une; et si davantaige luy détient
une bien bonne grosse somme d'argent qu'il a déboursée et avancée
du sien propre, pour son service et commandement, sans qu'il en ait
peu jamais recouvrer ung seul denyer ne moings des pensions à luy
assignées par ledict empereur : dont ne se failloit esmerveiller s'il le
(juitloit et ne voulloit plus estre à son service.
1. Nicolas Pérény, évCque désigné de Yacz en 1540. Le siège demeura vacant jus-
qu'en 1549.
2. Lorenzo Cibo, comte de Ferentilla, etc., marié en 1520 à Ricarda Malaspina,
veuve de Scipiono Fieschi, fille et héritière d'Alberico Malaspina, marquis de Massa
et Carrara. 11 mourut en ir.iG, à l'âge de cinijuante-huit ans.
La Lunegiana comprenait une partie du marquisat de Massa.
3. Sarzana, ville de Toscane, située à 13 kilom. de la Spezzia, près de la rivière
de la Magra. C'était la capitale de la Lunegiana.
4. Le comte Marsilio Rosso. — Les Slale papers {Venetian, 1534-1554, p. 173) men-
tionnent, à la date de 1546, « le • signur Marsilio », cavalarizzo de l'empereur ».
[mars 1o41] GUILLAUME PELLICIER 241
« Sire, il m'a esté envoyé une le lire d'Allemaigne par celluy voslre
■serviteur qui a acoustumé de donner advertissemens de ce cousté-là;
laquelle m'a semblé, pour plus grant foy, vous la debvoir envoyer en
son vray original. Hier, M. Févesque de Transilvania se partyt de ceste
ville pour s'en aller à Raguse et de là continuer son chemyn en Hon-
grye, aprez avoir receu son saufconduict duquel ay escript à V. M.,
me pryant vous supplyer le lenyr tousjours au nombre de Tung de voz
très humbles et très afTectionnez serviteurs, et avoir en vostre bonne
protection le pouvre royaulmc de Hongrye, comme de vostre bénigne
grâce et pyété avez tousjours eu par cy devant, ce qu'il ne l'auldra
faire très bien entendre à tous les seigneurs de ce pays-là, et combien
V. M. a eu en recommandation les affaires dudict pays.
« Sire, le secrétaire Fidel a escript à cez Seigneurs comme le mar-
quiz du Guast avoit deslibéré aller avecques sa femme faire caresme
prenant à Gennes avecques André Doria, et que plusieurs jugeoyent
que c'estoit pour traicter et adviser quelque bon accord entre vous et
l'empereur. Et s'entendoit que ce pourroit estre en vous offrant le mar-
quisat de Montferrat, et par ce V. M. cedderoit la duché de Savoye
audict empereur, en donnant la duchesse de Millau en mariaige au
fils du duc de Lorraine avecques la duché, du consentement de V. M.;
et que l'empereur seroit content de ce faire. Sur quoy le pape se voul-
loit entremettre, prétendant que l'empereur donnast ladicte duché de
Millau en dotte à sa fdle, femme du seigneur Octavio; et ce faisant
Sa Saincteté promettoit audict empereur, en récompense, tant d'or et
d'argent qu'il luy sçauroit jamais demander. Et d'aultre cousté le roy
Ferdinando ne se oblye point, disant estre plus tenu faire bien aux
siens que à nulz aultres, pryoit ledict empereur donner ledict estât de
Millau à son grant filz - avecques sa fille : à quoy ledict empereur a res-
pondu que c'estoit le meilleur de le tenyr pour luy tant qu'il vivroyt,
•congnoissant ledict estât luy estre tant utille que de en tirer tant d'ar-
gent qu'il laict. Et sur ces propoz. Sire, ung des plus grans de ceste
Seigneurie, et fort affectionné à V. M., m'a faict dire touchant telz
traictez et offres qu'il vous plaise bien adviser de n'en recepvoir plus
de semblables, estans de nulz succez et efficaces; car vous ne pourriez
croire combien cela scandalise et rend incertains et suspeçonneulx tous
voz affectionnez amis et serviteurs de deçà. »
Vol. 2, f» 130, copie du xvi'' siècle; ?, pp. 1/2 in-f".
PELLICIER AU MÊME.
152. — [Venise], 7 maj's 1541 . — « Sire, tout à ceste heure, sur le
•poinct que le messaiger estoit prest à partyr, est venu vers moy ung
1. L'infant don Felipe.
Venise. — 1540-1342. 16
242 AMBASSADE DE [maiis l-i4l]
religieulx, qui m'a apporté Ictlros de créance de la part des seigneurs
conte Julio Cezare de Gon/.aj;ues' et du cappilaine Alexandre Gathanio*;
lequel m'a exposé de par eulx (jue (juant il vous plaira attendre aulx
choses li'Ilallye, (ju'ilz ont Ir moyen et povoir de mettre en voz mains
deux des plus fortes et importantes villes de la duché de Millau, et
que de ce vous en assoureront par toutes les meilleures façons qu'il
vous plaira adviser, jus(jues à vous en bailler hostaiges leurs propres
enfans ou aullres personnes plus prochains parens. VA que quant il
vous plaira d'y entendre, ilz m'en viendront déclairer le tout et nom
des lieux, et les moyens par lesquelz il/, pourront certainement ce
faire. El si diront chose de plus grant importance, de sorte qu'il aperra
leur dire estre vray et faisible, tellement qu'ilz nous feroyent grande-
ment contans et resjouys de si bonnes nouvelles. Et pour faire tout ce
que dessus ne veullent que V. M. face souUement semblant de faire
aullrcment gens de guerre, car d'eulx mesmes ilz pourvoyeront à tout
ce qu'il fera besoing; et combien qu'il n'eust charge de me déclairer
aullrement quelz lieux c'estoyent, si l'ay-je tant recherché que enfin
je luy ay tiré de la bouche que c'est Crémonne et Lodes^. A quoyje
luy ay réplicqué s'il entendoyt les chasteaulx et fortresses, qui m'a dict
que oy, et que sans cela ilz n'entendoyent estre rien faict. De quoy m'a
semblé vous debvoir advertyr. »
Vul. 2, fo 131 v^. copie du xvi^ siècle; 3/4 p. in-f°.
PELLICIER AU CONNÉTABLE.
153. — [Venise], 7 mars 1 541 . — « Monseigneur, encores que
j'estime bien le roy avoir peu estre adverty de la résoiucion de la
diette faicte en Wormes entre les princes d'.\llemaigne, ce néant-
moings accomplissant ses commandemens et les vostres qui sont ne
faillyr d'escripre tout ce que puys aprendre de tous cousiez, et aussi
que à l'aventure S. M. la pourra avoir entendue en aullre sorte que
celle que M. l'ambassadeur de cez Seigneurs prez de l'empereur leur a
escript, m'a semblé ne debvoir obmettre à la faire sçavoir ainsi qu'il
la leur a escripte, et que l'ay peu aprendre. Et pour ce. Monseigneur,
que suys bien asseuré que la verrez, me sembleroyt chose superflue
1. Le comle Giiilio-Cosare di Gonzniïa.
2. Alessandro Caltaneo, capilainc italien. Il devail appartenir à la famille de Leo-
nardo Caltaneo, doge de Gènes à celle même époque. Un cerlain Marco Calhaneo
fui confirmé par Louis XII dans l'office de secrétaire ou magistral extraordinaire
i\c Milan, qui lui avait été donné par acte du 3 décembre 1"J10 (B. N.. ms. fr. ooOO,
r 21 v"). — C'est d'ailleurs l'époque où florissail à Venise même Danese Caltaneo,
sculpteur, arcliilecte cl poète, élève de Jacoi)o Sansovino, et ami du Tasse. Né à
Colonnata, près de Carrare, en 1509, il mourut à Padoue en janvier l,j"3.
3. Lodi.
[mars 1o41j GUILLAUME PELLICIER 243
VOUS en faire aullre répéticion, mais bien vous diray que pour pencer
remédier à telle nouvelle, l'ambassadeur dudict empereur qui est icy,
incontinent en avoir esté adverty, n"a failly d'aller vers ceste Sei-
gneurie pour luy cuyder faire croire que les ducs de Saxonne, de
Virtemberg, de Clèves, et le landgrave ne faisoyent diflicullé de se
trouver à la diette de Ratisbonne, sinon pour quelque doubte qu'ilz
avoyent de l'empereur; mais qu'il y avoit pourveu si très bien, leur
donnant telle asseuranc»^ qu'ilz ne faisoyent plus difficulté ne doubte
de s'y trouver; et que quant aux affaires de Hongrye, il y avoit si
bonne intelligence entre les roys Ferdinando et de Poulongne que la
royne de Poulongne ' avoit mandé à la douairière royne de Hongrye sa
fille qu'il failloit qu'elle s'accordast avecques ledict Ferdinando et
penceast de délaisser l'entreprinse de retenir ledict royaulme de Hon-
grye par beaulcoup de raisons pour lesquelles elle seroit par trop
désobéyssante et desraisonnable de y contrevenyr. Je pence que
pourrez avoir entendu d'ailleurs les raisons pour quoy ladicte royne
de Poulongne avoit esté esmeue de chaircher appoinctement avecques
Ferdinando desdictes affaires, qui est pour s'estre le vice-roy de
Naples, soubz coulleur de visiter les places de la Pouille, asseuré et
empatrony de la forteresse de Bar^, duché appertenant à ladicte
royne; par quoy estimant que ce eust esté pour ladicte question de
Hongrye, avoit pourchassé ledict appoinctement, penceant par là
recouvrer sadicte fortresse.
« Monseigneur, par lettres de l'ambassadeur de cez Seigneurs prez
du roy des Romains, l'on entend que la peste avoit esté fort grande
en son exercite, voire encores jusques en sa court, comme j'ay escript,
mais qu'elle estoit cessée, et que Périmpeter, ung de ses cappitaines,
avoit licentié toute sa gendarmerie, pour ne tenyr si grant despence
inutillement à cause des froictz qui estoyent si grans en ce pays-là
qu'il n'estoil possible d'y povoir faire aulcune chose. Ce néanlmoings
que le Grant Seigneur n'avoit laissé de commander à tous ses gens des
confins de ce pays-là qu'ilz marchassent avant vers Bude pour donner
secours au jeune enfant roy; ce qu'ilz ont faict de sorte qu'ilz ont
prins une terre nommée Vaccia, ainsi qne j'escriptz au roy, escripvant
aussi que le roy Ferdinando, pour ne se trouver à la diette de Ratis-
bonne, s'en voulloit aller à Vienne; et avoit donné ung raynes ^ à
chacun homme de guerre qui avoyent esté à son service; lesquelz s'en
estoyent partis désespérez et guettoyent les chemyns, destroussant et
tuant tous ceulx qui leur povoyent venir par les mains. Et que ledict
1. Bona Sforza, fille de Gian-Galeazzo-Maria Sforza, duc de Milan, et d'Isabella,
princesse de Naples; seconde femme de Sigismond l", qui l'avait épousée en lolS.
Née en 1491, elle mourut à Bari, le 17 septembre 1558.
2. Bari, ville et province de la Pouille, au bord de l'Adriatique.
3. Rheinisches goldgulden, écu d'or du Rhin monnaie d'Empire.
244 AMBASSADE HE >JARS i54l]
roy vouUoil allendre à sa conservacion el non à celle de l'empereur;
dont, pour cosle cause, ne se vuulluil trouver à ladicle diclle.
« Monseigneur, eslaiil bien certain que aurex entendu par la voye de
Home le débat qui est meu puis nagucres entre le pape et le seigneur
Ascanio Colona, ne v<jus en feray aullre répéticion, ne pareillement,
sinon en bricT, de l'assemblée que Sa Saincteté a faict faire de tous les
ambassadeurs ([ui sont auprez de luy en la maison de M. le cardinal
de Trani', par la bouche duquel il avoit faict entendre comme certains
princes et seigneuries d'ilallye en entreprennoyent sur la jurisdiclion
et auclorilé de l'Esglise, prenant congnoissauce des choses des gens
ecclésiastic([ues, et s'entremetlant des provisions, des collations, des
béneflices, énervation et mespris de l'auctorilé de rEsglise, ce qu'il
n'estoit deslibéré d'endurer; dont estoit résolu en dépescher bulle
pour envoyer à chacun d'iceulx, et mesmement à cez Seigneurs, pour
aymer leur bien plus que de tous aultres. De quoy leur secrétaire qui
est prez Sa Saincteté ^ les adverlit inconlinanl en loulte dilligence.
« Monseigneur, Tassin de Luna m'a escripl vous avoir parlé d'ung
bien bon et alfectionné serviteur du roy, qui est en Allemaigne, dont
ne m'estenderay à vous le déchiffrer aullrement; mais bien vous diray
que ledict Tassin m'a envoyé une lettre qu'ilareceue de luy, laquelle
je mande présentement au roy en son propre original, pour y
adjousler plus de foy. Si d'aventure n'entendiez qui est le prophète
nommé dedans, c'est le pape. Vous verrez par icelle comme il a con-
venu payer dix escuz d'or pour le port depuis Ratisbonne jusqu'à Luna
seullement, sans deux escuz qu'il a cousté depuys ledict Luna jusques
icy : dont, Monseigneur, je vous vouldroys bien supplyer me faire
entendre si je doibz continuer à faire telle despence, car, comme l'on
pourra veoir par mes comptes extraordinaires, se peut monter en
moings d'une année environ cent escuz. Lesquelz comptes j'envoye
présentement à mon homme qui est à la court; dont, ayant soubz
Dieu ma paifaicte confiance du tout en vous, vous ay bien vouUu sup-
plyer qu'il vous plaise faire ordonner le plus tost qu'il sera possible
estre deslivré argent pour mon remboursement; car, je vous asseure,
Monseigneur, que je m'en trouve en plus grande nécessité que je ne
feiz jamais, et quant je l'auray receu, ne demeurera guères entre mes
mains, pour aullant que je le doibz et davantaige. Et si enuye beaul-
coup à mes créditeurs que je demeure si longuement à les satisfaire;
et, de faict, je ne sçay plus à qui me retirer, pour l'avoir très bien
1. Giovanni-Domenico Ciipi. cardinal (1317), administrateur de rarchcvêché de
Trani, de 151" à lool, mort le 19 décembre 1553, après avoir occupé successivement
les sièges de Macerata (1528-153";), d'Adria (1528-1553), de Monlepeloso (1532-153';),
de Camerino (1535-1537), de Porto (1535-1537), d'Ostie (1537-1553) et de Recanati
(1552-1553).
2. Lorenzo Bragadino, qui avait remplacé à Rome Antonio Soriano, en octobre 1535.
[mars 1541] GUILLAUME PELLICIER 2't'6
expérimenté depuys peu de jours que, me retrouvant eu grande néces-
sité, me Youlluz adresser à ceulx desquelz j'en avoys jà empruncté,
estimant qu'ilz me dcubsent secouryr au besoing, pour estre tant
affectionnez au service du roy; mais comme vous sçavez très bien
qu'il n'y a point de fyance en telles matières, mesmement aux gens de
ce pays icy, ilz me sceurent très bien respondrc que si je eusse faict
mon debvoir de leur rendre et satisfaire les vieilles dcbtes, que je les
eusse tousjours trouvé à mon commandement, et qu'ilz n'en voul-
loyent plus bailler, qu'ilz n'eussent estez remboursez premièrement.
Ce que, Monseigneur, n'ay peu faire encores jusques icy; dont suys
contrainct à très grant intérest trouver aultres amys pour me secouryr
d'argent à faire ma despence ordinaire et extraordinaire, en attendant
que aye receu ce que j'ay advancé. Par quoy je vous supplye derechef
m'y faire povoir le plus tost qu'il sera possible, et qu'il vous plaise
avoir souvenance des bons serviteurs du roy qui sont icy. Lesquelz ne
sçavent que veult dire récompence, sinon celle que de ma petite puis-
sance leur ay tousjours faicte le mieulx qu'il m'a esté possible, les
tenans en espérance de jour en jour de leur faire avoir mieulx
avecques le temps; mais ilz commencent fort à en désespérer, et ay
bien affaire à les mainctenyr : dont, Monseigneur, pour ne vous
attédier, ne vous en diray davantaige, sinon que eulx et moy nous
recommandons très humblement à vostre bonne grâce.
« ... Monseigneur, encores que ma lettre soit assez grande, toutesfoiz
il m'a semblé ne debvoir obmettre à vous escripre ce que tout à ceste
heure je viens d'entendre, c'est qu'ung nommé Bernardo Tasso*,
secrétaire du prince de Salerne *, est arrivé icy depuys cinq ou six
heures, venant en toute dilligence de Ratisbonne, où il dict l'empereur
estre arrivé le xxiii'' du passé, et que les princes d'Allemaigne, mesme-
ment les ducz de Saxonne, de Virtemberg, et le landgrave, moyennant
telle asseurance qu'ilz sçauront adviser, ne doubleront de se trouver à
la diette dudict Ratisbonne. Ce néantmoings ilz ne se reposeront tant
sur la seureté et foy d'aultruy qu'ilz ne se asseurent par tous les
moyens qu'ilz pourront d'eulx-mesmes faire. Et pour ce viendront tous
1. Bernardo Tasso, issu de l'illustre maison des Torregiani de Bergame, poète
italien, père du célèbre Torquato Tasso. Né en 1493, à Bergame, mort en 1309, il fut
attaché successivement comme secrétaire au prince de Salerne (lo31), au duc
d'Urbin et enfin au duc de Mantoue, qui lui confia le gouvernement d'Ostiglia. On
a de lui un poème en cent chants, Amadis de Gaule, imité du fameux roman de
chevalerie, qu'il termina en loiO, et diverses autres compositions, poèmes, odes,
églogues, élégies, etc.
2. Ferrante di San Severino, quatrième prince de Salerne, né à Naples en 1307,
mort à Avignon en 1568. Longtemps employé au service de Charles-Quint, il se
distingua en Allemagne, en Flandre, en Afrique et en Italie.
La principauté de Salerne, située sur le golfe de ce nom, à 55 kilom. de Naples,
avait été donnée en 1463 par Ferdinand 1", roi de Naples, à la maison de San Séve-
rine.
246 AMBASSADE DE [marS 1d41]
ensf mblo, ayans mil cimj cens lioiunies de guerre à cheval, sans leur
Iraiii ordinaire, ([ui se montera bien aultres cinq cens; et auront à
ladicle ville tout ung tiuarlier pour eulx d'où seront maistres, se con-
l'vans que pour le i)etil nombre de gens que ledict empereur aavecques
luy, qui n'est de plus que quatre cens chevaulx, bourguignons, qui
furent jadis à la garde du prince d'Orenge *, l'empereur n'est pour leur
faire rien. Dict en oultre que ledict empereur l'envoyé pour faii-e que
le tout soit prest pour son passaige en Gennes à la Sainct-Jeban pour
le plus tard, voullanl cslre embarcqué en ce temps là pour passer en
Espaigne. Ce néantmoings, s'il est vray ce que l'empereur a tenu
propoz en secret audict prince son maistre, de venyr faire un passage
à Naples pour se prendre garde de ce que le Grant Seigneur aura à
faire k ce printemps en ce pays là, ne se pourra faire qu'il soyt si lost
à Gennes comme il a faict son desaing, »
Vol. 2, f" 132, copie du xvi'^ siècle; 4 pp. 1/2 in-f".
PELLICIER A LA REINE DE NAVARRE.
154. — [Venise], 7 mars /o41. — Mêmes nouvelles que dans les
lettres précédentes.
Vol. 2, f> 133 v°, copie du xvi» siècle; 1/3 p. in- f°.
PELLICIER AU CONNÉTABLE 2,
155. — [Venise], 7 mars 1541. — Mêmes nouvelles que dans les
lettres précédentes.
Vol. 2, fo 133 v°, copie du .\vi« siècle; 3/4 p. in-f".
PELLICIER A M. D'aNNEUAULT.
156. — [Venise], 7 mars 1541 . — Pcllicier, ayant été averti que
M. d'Annebault était allé faire un voyage à sa maison de Bretagne'', et
présumant qu'il ne sera peut-être pas encore rentré à la cour lorsque
les dépèches y arriveront, lui envoie à tout hasard les nouvelles
1. La principauté d'Orange, qui appartenait à la maison de Chalon, passa, en
1530, par suite de l'extinction de cette famille, à la branche ottonienne de la maison
de Nassau, par la fille et unique héritière de Philibert de Chalon, prince d'Orange,
mort en 1530.
2. « Le contenu de la présente fut escript à MM. les cardinaux de Tournon, Ferrare
et du Belay, dudict VII" mars. »
3. Claude d'Annebault possédait, en Brelfigne, on l'a vu plus haut, les baronnies
de la hunaudaye et de Retz, qu'il tenait de sa femme, Françoise de Tournemine,
baronne de la Hunaudaye et de Relz, du fait de son premier mari, Pierre de Laval,
seigneur de Montafdanl
[mars 1541] GUILLAUME PELLICIER 247
relatives à la diète dont il a été parlé dans la lettre au roi. Il prie
en outre M. d'Annebault de défendre ses intérêts auprès du roi.
Vol. 2, f" 13i, copie du .\vi° siècle; 1 p. in-f".
PELLICIER A lUiNCON.
157. — [Fenise], 7 maj's 1 54 1 . — « Monsieur, ne vouUant jamais
faillyr à vous tenyr adverty des choses que je congnoys vous toucher
de plus prez que à nul aultre, encores que soys bien asseuré que
n'estes en aulcun double de la bonne voullenté que aulcuns vous
portent, et que comme prudent ne faillez à vous tenyr tousjours bien sur
voz gardes, néantmoings n'ay vouUu obmettre à vous envoyer ung
double d'une lettre que ay receu de l'amy d'Allemaigne par la voye de
Tassin de Luna, tout ainsi que l'ay receu, sans y augmenter ne dimi-
nuer aulcune chose; de laquelle j 'envoyé l'original au roy. »
Pellicier informe ensuite Rincon des nouvelles venues de la diète,
dans les termes de sa lettre au roi.
« ... Monsieur, je ne veux oblyer à vous dire comme hier se partyt
d'icy M. l'évesque de Transilvania, pour aller à Raguse, et de là
continuer son chemin en Hongrye, bien que nous n'ayons eu encores
nouvelles que son saulfconduyt soit arrivé audict Raguse; toutesfoiz
il espère le luy trouver, ou que bientost aprez y arrivera, me pryant
faire ses très affectueuses recommandations à vostre bonne grâce.
Pareillement cez deux gentilzhommes angloiz que avez laissez icy sont
partiz pour Constantinople ; pour lesquelz estant très instemment
requiz par messire Richardo \ me allégant l'octroy que leur en aviez
faict, j"ay escript une lettre de faveur à messer Vincenzo Maggio, les
leur recommandant de vostre part et mienne. Il y a deux jours que
vostre maistre d'hostel est arrivé icy avecques voz chevaulx tous sains
et gaillardz, ce néantmoings bien las et travaillez de la marine, ainsi
que je espère que vostredict maistre d'hostel vous escript plus au
long. Dont ne vous en diray davantaige; mais viendray à vous dire
comme je envoyé présentement mes comptes extraordinaires d'une
année entière à mes gens qui sont à la cour : dont je vous supplye me
estre aydant à les recouvrer le plus tost qu'il sera possible, comme je
m'attendz et asseure que ferez comme pour l'ung de voz bons servi-
teurs et amys. Je vous envoyé aussi quelques instructions pour faire
avoir récompence aux serviteurs du roy qui sont icy, selon que nous
advisames ensemble à vostre partement. M. l'abbé vostre frère* est icy
1. Richard, Anglais attaché à l'ambassade de Harwell à Venise (V. State papers,
Venelian, '1.534-15.j4, p. 113).
2. Francisco Rincon, abbé de Bénévent en Limousin, abbaye d'Auguslins fondée
en 1028, sur le territoire de Salagnat (Creuse). Elle prit le nom de Bénévent après
la consécration de sa belle église (xi'-xii' siècles), enrichie de reliques de saint
248 AMBASSADE Di: [maus 1541]
faisant bonne chère ol s'employaiil lousjours en choses vertueuses ea
ce bon temps de presches, qui m'a baillé ung pacquel pour vous faire
tenyr, que vous t-nvoyc présentement. »
Vol. -, f' i;Ji V. copie du XV!" siècle; 1 p. in-f".
l'ELLIClEll A M. DE VII.I.ANDRV.
158. — ' \'rnixe], 7 mars 1511. — « .... Ce/. Seigneurs ont esté
adverliz par leur secrétaire qui est en .\nglelerre' que le roy delà^
avecques la royne Catherine, sa dernière femme*, avoyl mandé quéryr
la royne Anne, sœur du duc de Clèves, et que incontinent qu'elle fut
au palais, alla à rencontre avecques ladicte royne Catherine, lesquelz
luy feirenl fort bon recueil, et s'entr'embrassèrent, et beurent les deux,
roynes ensemble en une mesme couppe d'or; et la nuict ledict roy
dormyt avecques toutes deulx, et luy feist le malin ensuyvant fort
grosse chère, en luy donnant troys mil escuz, et depuis la remanda à
son logeis. Escripvant aussi que l'on tenoit propoz à la court dudict
roy de donner sa lille à l'empereur^ avecques ung million d'or; néant-
moings qu'il n'y avoit encores rien d'asseuré, et que ledict roy atlen-
dovt fort au.K fortifficacions de ses terres conlines à la France*, avant
jallousie s'il veoit aller la moindre personne sur icelles. Et qu'il avoit
confisqué tous les biens de son ambassadeur qu'il tenoit prez dudict
empereur^ qui avoyt de cinq à six mil escuz de revenu, et faict mettre
Barlhélcmy, apportées de la ville de Bénévent, en Italie, par des pèlerins du dio-
cèse de Limoges. Fr. Rincon avait succédé dans ce bénéfice à Foucauld de Bon-
neval, limousin, qui fut tour à tour évoque de Soissons, Bazas, Périgueu.x, et
mourut en IblO. D'après la Gallia Chrisliana (t. 11, col. 620), Rincon aurait résigné
ou serait mort en li;46.
1. Girolamo Zuccalo, que l'ambassadeur Carlo Capello avait laissé derrière lui à
Londres, en quittant son poste le li janvier 1335 (V. State papers, Venetian, 1534-
laoi, p. 11).
Ce secrétaire résida constamment en Angleterre de lo30 à lo42. En juin 1542, il
obtint do revenir à Venise, en raison des frais énormes qu'entraînait pour lui ce
séjour prolongé à l'étranger {Id., ibid., p. 113).
2. Catherine Howard, lille de lord Kdnuind Howard, duc de Norfolk, cinquième
femme do Henri VIII, née vers l.")2i, exécutée à la Tour île Londres le 13 février
1542. Henri VlU l'avait épousée le 28 juillet loiO à Oallands, peu de jours après son
divorce avec Anne de Clèves, et la proclama publiquement reine le 8 août suivant,
à Hampton-Court.
Lentrevue de l'e.x-reine avec son heureuse rivale est racontée également par
Charles de Marillac, alors ambassadeur de France en Angleterre {Corresp., p. 258,
déprche du 12 janvier 1.j41). La « farce », suivant l'expression de Marillac, eut lieu
au palais d'Ilamplon-Courl, dans les premiers jours de janvier.
3. Marie Tudor, née en 1516, morte en 1558, fdle de Henri VllI et de Catherine
d'Aragon. Elle épousa, en 1554, l'infant don Felipe, depuis Philippe II.
4. Calais et Guines.
5. Richard Pale, archidiacre de Lincoln (1528-1542), puis évêque de Worcester
(1555-1558), ambassadeur de Henri VllI près de Charlcs-Quinl de 1329 à 1537, puis
d'avril 1540 à janvier 1541. Révoqué, il quitta secrètement la cour de l'empereur»
et prit la fuite (V. Corresp. de Ch. de Marillac, p. 258).
[mars 1541] GUILLAUME PELLICIER 249
ung sien parent en prison ', pour que ledict ambassadeur avoit hanté
et conversé avecques l'agent du cardinal Polo-. »
Pellicier termine sa lettre en priant M. de Villandry d'exposer au
conseil du roi l'embarras de sa situation pécuniaire.
Vol. 2, f° 135, copie du xvi'' siècle; 1 p. in-f".
PELLICIER A M. DE LANGEY3.
159. — [Venise], 7 mars 1 541 . — Pellicier donne à Guillaume du
Bellay les nouvelles de la diète rapportées dans sa lettre au roi.
Vol. 2, f** 135 yo, copie du xvi° siècle; 1/2 p. in-f».
PELLICIER AU ROI *.
160. — [Venise]^ 21 mars 1541 . — « Sire, pour n'avoir eu chose
d'aulcune importance digne de vous faire sçavoir, depuys les miennes
dernières du vu'' de ce moys que ay escriptes à V. M., ay tousjours
suppercédé de faire la présente dépesche, m'attendant de jour en jour
avoir nouvelles du Levant, mesmement par celluy qui apporteroyt
le saufconduyt de M. l'évesque de Transilvania , suyvant ce que
m'avoyt escript par cy davant messer Vincenzo Maggio. Duquel receuz
encores hier lettres escriptes à .\ndrinopoli le xiii" du passé, m'adver-
tissant en somme voz affaires estre en aussi bon estât par delà que
l'on ne les sçauroit mieulx souhaicter, et que ceulx à qui il a affaire,
en tout ce qu'il les rechairche, luy font grande faveur et démonstra-
cion d'amytié. Il ne m'escript aulcunement de l'armée du Grant Sei-
gneur; bien m'advertist qu'il seroit encores pour tout ce moys en
Andrinopoli, et puys selon que les choses de Hongrye se porteront
il se gouverneroit. Et que aulcuns sangiacques avecques quinze mil
chevaulx estoyent passez le Danubio, et s'en alloyent vers Pest. Il
1. John Longlahd, né en 14~3, mort le 7 mai lo47, oncle de Pâte. Il fut siiccessi-
vemenL chanoine de Windsor (Iol9-lo21), évèque de Lincoln (1521-lo47), chancelier
de l'université d'Oxford (1532). L'arrestation de l'oncle avait été la conséquence de
la fuite du neveu.
2. Reginald Pôle, né en 1300 à Stowerton-Castle (Stafford), mort en 1358, était
parent de Henri VII et d'Edouard IV. Cardinal et légat apostolique en Angleterre,
il encourut la disgrâce de Henri VIII en désapprouvant son changement de religion;
sa tète fut mise à prix, et il n'échappa qu'à grand'peine à la mort.
Il remplit depuis diverses missions pour le Saint-Siège, fut l'un des trois prési-
dents du concile de Trente, et devint sous Marie Tudor archevêque de Cantorbéry
(loo6-lo5S) et président du conseil royal.
3. « Nota, qu'il fut escript à M. de Rhodez, le XVII^ mars, dont n'en fut faict
mynute. »
« Item, fut aussi escript le XIXe dudict moys de mars à madame la duchesse de
Ferrare et à M. le cardinal de Ravena. »
4. • Escript cedict jour au seigneur Gézar Frégoso et à Sainct-Pol. »
2;i0 AMBASSADE DE [mAUS 15il^
m'escripl aussi que le Sophi vouUoil assaillyr les (jéorgians, pour
se venger d'ung seigneur d'i'iilre eulx qui, comme vous ay escripi,
avoil mandé ung sien ambassadeur au GranL Seigneur, mais esloyent
demeurez d'accord, moyennant que Ireze cliasleaulx qu'il avoit seroyenl
lenuz el gardez des aullres Géorgians, et quilz ne le soufTryroyent
plus en leur pays. J'ay escripi à V. M. la prinse de la Balserade par les
Pitrluguelz. A présent ledicl messer Vincenzo me confirme ladicte
nouvelle eslre vrayc, et qu'ilz la faisoyenl forlifTyer cl munyr grande-
ment : qui pourroil eslre grant deslourhier et intéresl pour la traT-
ficque du Levant U toute cesle mer Méditerranne. Le Grant Seigneur
uvoil eu nouvelles que le Bogdan de la Moldavia, esleu du peuple du
pays par la morl du dernier déceddé, n'avoyt esté tué ainsi que on
luy avoil donné à entendre, ains au contraire s'esloyt faict fort, et se
voulloyl mainctcnyr en son estât contre Pelro Bogdan, remys derniè-
rement oudict estai par ledicl Grant Seigneur. Lequel Pelro avoit
passé le Danuhio, luy estant venuz à lenconlre x.v™ chevaulx qui
Pavoyeiil receu pour seigneur ainsi qu'il estoit auparavant. Ledict
Grant Seigneur avoit mandé menasser grandement ledict Bogdan
esleu, mais l'on estime que la confyance qu'il a que les roys Ferdi-
nando et de Poulongne ne luy fauldront luy faict avoir l'audace de ne
voulloir point obéyr. M'escripvant davanlaige que l'ambassadeur de
cez Seigneurs n'avoyt encores en ce temps là trop d'espérance de
ravoir les robbcs des marchans, et que le dragman ' dudict messire
Vincenzo luy avoit dict qu'il ne se reslitueroyt aulcune chose. Le
secrétaire de cesdictz Seigneurs, qui a ccnduict l'argent qu'ilz ont
envoyé au Grant Seigneur comme vous ay escript, s'en debvoyt partyr
de Andrinopoli pour s'en revenyr par deçà le xiiii*^ de ce moys. Le
seigneur Laski avoit escript audict Grant Seigneur, le pryant de le
laisser aller, et ce faisant luy pramettoyt faire grant chose en satisfa-
cion d'icelluy Grant Seigneur, qui ne luy avoyt encores rien respondu...
« Sire, le marquiz Bernardo Faraon a escripi de Messine que
combien que l'empereur fust seul, néantmoings, au xv ou xx« de ce
moys, Doria se debvoit trouver à Messine avecques huictante gallères
et plus grant nombre de navcs et aultres vaisscaulx; et qu'il auroyt
tel nombre de souldars qu'il seroyt, non seullement suffisant pour se
deffendre de tous et quelzconques ses ennemys, mais encores à ung
besoing pour les offendre. Ce néantmoings s'il est vray la nouvelle qui
se continue, comme vous ay escript que Barberosse ait mandé dix-sept
galléottes, accompaignées de quatre gallères et aultres vaisseaux de
Barberye, qu'ilz se doibvenl mettre ensemble pour rendre la pareille
à lEspaigne de ce que domp Bernardin - feist à ses fustes l'année
1. Drogman.
•2. Bernardino de Mendoza.
[mars 1541] GUILLAUME PELLICIER 251
passée, ne sera possible que l'empereur puisse faire la masse des-
dictes huictante gallères. Lequel, craignant le succez n'advenyr sem-
blable aux souldars qu'il a laissez en ses terres de Barberye que celluy
de Castelnove, les a mandez chaircher; et entend Ton que c'est pour
les mettre en la Lombardye. Les Impériaulx disent estre advertys que
quelque bruyct que l'on face de la grande armée que veult faire le
Grant Seigneur, ce néantmoings qu'il n'estoyt pour armer et mettre
hors pour ceste année plus de cent trente gallères.
« Sire, cez Seigneurs ont eu nouvelles que l'empereur avoit abaissé
beaulcoup les aesles ', et n'estoit plus sur ses haultesses comme il
souUoit, et qu'il abbrassoit et faisoit caresse à ung chascun; sollicitant
le plus qu'il povoit la diette de Ratisbonne, oti se feroit peu de chose,
et encores ce qu'il s'y feroit fauldroit que ce fust avecques le consen-
tement des protestans, et que le roy Ferdinando, pour ne s'y trouver,
chercheroit tous les moyens dont il se pourroit adviser, disant vouUoir
aller à Vienne mettre ordre et pourveoir aux choses de ce cousté là,
ayant entendu qu'il estoit entré secours dedans Bude.
« Sire, par lettres du secrétaire Fidel cez Seigneurs sont advertiz
que les recteurs des villes de Bresse - et Crème ^ luy avoyent faict
entendre que autour desdictes villes estoyent mil cinq cens Espai-
gnolz; lequel leur a respondu comme il a adverty cez Seigneurs qu'ilz
n'estoyent pas si grant nombre, car ne passoyent point huict cens :
bien esloyt vray que c'estoyent la Ueur des souldars de l'empereur et
que le marquis du Guast les estimoyt beaulcoup. Laquelle nouvelle.
Sire, me fut hier confirmée par madame la contesse de la Myrandola,
m'escripvant que iceulx Espaignolz s'estoyent partys de la Lunezane *,
ayant le marquiz du Guast commission de l'empereur les envoyer aux
frontières de Pyémont. Et avoyt eu adviz qu'ilz venoyent se loger prez
des confins de la Myrandola, et que en signe de ce le duc de Ferrare
pourveoyeoyt à ses terres, et le duc de Mantoue faisoyt le semblable;
parquoy elle n'estoyt sans trouble et quelque double, se trouvans ses
voysins bien pourveuz, et cez Espaignolz qui marchent avant : de
quoy m'advisoyt affin que on y donnast provision. Et pour ce, Sire,
que estant icy les seigneurs Cézar Fregoso et Rincon, elle estoyt
entrée en semblable double, pour s'estre geliez les foussez de la
Myrandola, craignant que ne luy advint ainsi que du temps de la
guerre du pape Julie °, avoyt esté advisé entre nous ensemble que
pour la soulde de cent ou deux cens hommes, pour la seureté et garde
de ladicte ville, on ne deubst mettre en danger et hazard ladicte
1. Ailes.
2. Brescia.
3. Crenia, ville de Lombardie, à lo kilom. de Lodi, sur la rive droite du Sério.
4. La Lunegiana, pays de Toscane. — V. plus haut, p. 240.
5. Jules II (Giuliano délia Rovere), né en 1441, pape de 1503 à 1513.
252 AMBASSADE DE [maus |b4l|
place, m'a semblé n'y avoyr inoings lieu ù présent de y pourveoir.
A cesle cause ay mandé deux de mes gens avecques souffisanle pro-
vision d'argent, pour, se besoing sera, faire gens davantaige qu'il n'y
en a pour la garde d'icelle. Toulesfoiz icy plusieurs estiment que les-
diclz Kspaignolz ne viennent sinon pour Mantoue, pour aullant que
ainsy que ce/ Seigneurs ont eu nouvelles en plein pregay pour, comme
vous ay escript, se vouUoir par ce moyen impatronnyr d'icelle, et à
cez lins ledict empereur desjà avoytCaict entendre aux duc et duchesse
de Mantoue que estant ladicte terre sans aulcun gouverneur et que
en ayant la protection il luy sembloyt chose convenable d'y en mettre
ung, jus(|ues ad ce que ledict jeune duc fust en eage de la gouverner;
et qu'il ne luy sembloyl pour rien du monde qu'elle deust estre gou-
vernée par le cardinal, pour estre homme d'esglise. Laquelle chose
ayant entendue ladicte duchesse feist sçavoir incontinant audict car-
dinal, qui feist faire ung conseil, auquel tous d'ung commun accord
l'eurent d'adviz que ledict cardinal n'eust à se mouvoir dudict gou-
vernement; et feirent responce audict empereur qu'ilz se trouveroyent
bien gouvernez soubz la charge dudict cardinal, jusques ad ce que
ledict prince fust en eage d'en avoir l'administracion. Le marquiz du
Guast avoit faict entendre audict cardinal qu'il voulloit aller à Mantoue
pour luy parler de la part de l'empereur, auquel a faict responce qu'il
seroit le bienvenu, mais qu'il ne menast avecques luy plus de vingt
cinq ou trente personnes. Et oullre ont entendu cez Seigneurs ledict
cardinal avoir faict six cens hommes de guerre pour la garde de
ladicte ville. »
Vol. 2, f*^ 13G, copie du .wr- siècle; 3 pp. in-f".
PELLICIER AU CONNÉT.MJLE.
161. — [Venise], 2i mars i o4i . — « Monseigneur, vous verrez par
les lettres que j'escriptz présentement au roy les nouvelles que m'a
faict sçavoir messire Vincenzo Maggio depuys les miennes dernières
que ay escriptes à S. M. et à vous du vu'' de ce moys : de quoy ne
vous feray aultre répélicion, mais vous diray ce que m'a escript davan-
taige. C'est que le xxvif du moys de janvier le Serrail Vieil, où estoyejit
les dames du Grant Seigneur, s'esloyt bruslé, avecques la valleur
dedans de plus d'un million d'or et demy, en joyes * et aultres choses;
et mesmement à la Soultane estoit bruslé tout le plus beau et le meil-
leur qu'elle eust, et à une juyfve nommée Straichilla, favorie du Grant
Seigneur, s'estoit bruslé pour plus de vingt-cinq mil ducatz. Et le
xix"-' auparavant le feu s'esloyt aussi mys en Constantinople, qui avoit
bruslé quelques maisons. Et encores auparavant s'esloyt pareillement
1. Joyaux.
[mars lb4l] GUILLAUME PELLICIER 2b3
mys en la municion des pouldres de Péra, qui les avoit bruslées
avecques quarante hommes. M'escripvant aussi que ung personnaige
que le seigneur Rincon avoit mandé en Jhérusallem, affin que par le
moyen et faveur de S. M. fussent rendues aux chrestiens les robes et
relicques qui leur avoyent esté prinses en Jhcrusalcm et aultres lieux,
luy avoit escript avoir mys en exécution tout ce que au nom de S. M.
avoyt esté demandé au Grant Seigneur; et que tout leur avoit esté
rendu, qui se povoit monter en or et argent beauleoup de milliers de
ducatz : desquelles choses la pluspart avoyent les enseignes de fleurs
de lys.
« Monseigneur, par lettres du marquis Bernardo Faraon cscriptes
à Messine s'entend que en ce pays là, aprez avoir sceu les nouvelles
de la paix de cez Seigneurs avecques le Grant Seigneur, le prys des
grains y estoyt ravallé jusques au plus bas; mais que depuys, ayant
enlendu icelluy Grant Seigneur avoir fermé les traictes, s'estoyt liaulsé
plus que jamais, et que l'empereur avoit aussi fermé les traictes en
cez pays-là, avecques telles et si grandes prohibitions qu'il n'y a
moyen d'en tirer. Par quoy cez Seigneurs sont en grant pensement de
grains, et mesmement pour faire biscuiclz de durée, pour n'en avoir
en tous leurs eslatz de deçà groz et propres pour ce faire.
« Monseigneur, cez Seigneurs ont esté advertiz comme le raarquiz
du Guast, estant à Gennes, divisant ' avecques Doria, venant à propoz
de luy dire que cesle Seigneurie avoit son estât grandement fort,
ledict marquiz luy demanda quelles terres il pensoyt et estimoyt estre
les plus fortes, dont luy nomma Crème, Bresse, Vérone, et Lugnago ^
plus que toutes les aultres, sur quoy ledict marquis dist que ce seroyt
la première qu'il entreprendroyt de leur ouster. Escripvant aussi que
ledict empereur ne viendroyt en Itallye jusques au moys de juing, et
que le roy avoyt escript à icelluy empereur voulloir observer la trefve
de dix ans, vouUant estre son bon frère et amy, en l'asseurant que le
Turcq ne le mollesteroyt poinct. Et plusieurs aultres discours leur a
«script ledict Fidel, et en fin que Leurs Majestez s'entreentendoyent
bien et qu'ilz avoyent départy le monde ensemble, au grand préjudice
d'ung tiers qui estoyt leur républicque. Et sur cez propoz cez Seigneurs
ont aussi eu adviz de Romme que le pape avoyt dict voulloir assem-
bler et aboucher encore Leursdictcs Majestez une aultre foiz, faisant
son desaing que ce seroyt Casai de Montferra^, avecques espérance de
d. Devisant.
2. Lcgnago ou Porto-Legnago, place forte de Lombardie sur l'Adige, à 35 kilom.
■de Vérone.
3. Casale, place forte du Piémont, sur la rive droite du Pô, à 60 kilom. de Turin,
capitale du marquisat de Montferrat, possédé depuis 1536 par les ducs de Mantoue.
Wallop, ambassadeur de Henri VIII à Paris, écrivait <a son maitre, dès le
11 février : « ... The Bushop of Rome sendith to Ihe said Diett [à Ralisbonne] a
Legatc called Cardynal Cunterryne [Contarini]... who, as I hère saye, travaylelh
2:»4 AMBASSADE DE [siARS lb4l]
les accorder si très bien que tout ensemblemonl feroyent la guerre au
Turcq. Toutes lesquelles choses, Monseigneur, font aller cez Seigneurs
granilcnienl retenu/., et, comme ay escript licrnièrement au roy,
rendent ineerlains et suspeçonneulx beaulcoup du ses afîectionnez
servilt'urs ri aniys de deçà.
w Monsi'igucur, si M. le comte de la Myrandola ne sesjournoyt à
la court pour (juelque respect ou importance, je vous vouldroys bien
supplvcr estre vostre bon plaisyr le faire advertyr que sa présence
par deçà seroit bien re(iuise, pour aullaiit que madame la conlesse
sa femme est en non peu de suspicion des Espagnol/, qui viennent
auprez de ses confins, craignant ({u'ilz ne luy facent quelque maulvais
tour, et aussi. Monseigneur, que ce me seroyt ung granl soullaige-
ment de ma charge; car en tous telz aflaires, et mesmement quant il
fault desbourser argent, elle s'en adresse à moy, penseant que je en
aye pour employer à cest ell'ect, comme avoyent mes prédécesseurs.
Mais vous sçavez, Monseigneur, que ne m'en a esté donnée aulcune
commission du roy ne de vous, parquoy ne sçay comme je m'y doibz
gouverner. Et n'eust esté que, estant icy les seigneurs Cézar Frégose
et Rincon, elle me rechaircha de luy fournyr argent pour souldoyer
plus grant nombre de gens que ceulx qu'elle avoyt, à cause que les
fossez de la Myrandola estoyent geliez, et que ilz furent d'adviz que
pour la soulde de cent ou deux cens hommes quelque peu de temps,
ne falloyl mettre en danger et hazar ladicte place, j'eusse esté incer-
tain de ce que je y eusse à faire à présent. Toutesfoiz, suyvant leur
conseil et confort, et aussi voyant à ceste heure n'y avoir moings lieu
de y pourveoir qu'il y avoit lors, comme j'escriptz au roy, y ay mandé
deux de mes gens avecques provision d'argent, pour si besoing sera
faire gens davantaige qu'il n'y en a, pour la garde d'icelle. Pour quoy
fournyr ay esté contrainct d'en empruncler; dont vous supplye, Mon-
seigneur, s'il plaist au roy et à vous que je face despence de ce cousté
là, m'y faire donner provision, et me faire avoir le payement de mes
comptes extraordinaires d'une année que j'ay envoyez à mes gens qui
sont à la court, car je ne me trouvé jamais en plus grant nécessité
d'argent et de crédict que je foiz à présent, pour avoir si longuement
attendu à satisfaire mes créditeurs... »
Vol. -, f" 137, copii; du XN^' siècle; 3 pp. in-f'^.
fur an onterviewc bolwixt, llic Hmperour and Ihc Frenche King, lo be al a lowne
called Cassayle in Monfcrrate, but a smawle dyslance from Tnrren [Ttirin] in Pie-
mounle. I, scUing lo bave Iho more porfil i<no\vbîdge Ihoreof in a good place, was
answered thaï Ibere was nu suche Ihing, and Ihal Ihc said Hushop al Ihis tyme ys
nol so in crédit wilh Ihe French King to bring that lo passe... » {State papers
of Henry VIIl, o" partie, lo37-15i2, p. 520).
[ftlARS d54l] GUILLAUME PELLICIER 255
PELLICIEH A M. 0 ANNEHAULT.
162. — [Venise], .21 mars 1541 . — Pellicier donne au maréchal
les nouvelles du Levant envoyées par Vincenzo Maggio, et celles d'Italie
adressées à la Seigneurie par Fedeli qui ont fait l'objet de la lettre pré-
cédente au roi.
Vol. 2, f" 138 V^, copie du xyi^ siècle ; 3/4 p. in-f".
l'ELLICIEU A M. DE LANGEY.
163. — [Venise], 21 mars 1 ô41 . — Pellicier informe M. de Langey
des nouvelles reçues d'Andrinople, dont il a été fait mention dans les
lettres précédentes.
« ... Je ne veux ohlyer à vous dire que messer Vincenzo Maggio
m'escript aussi avoyr impétré vostre saufconduyt en la plus granl
peyne du monde, car les bassatz ne luy voulloyent concéder; ce
néantmoings, à force de sollicitations, suyvant ce que plusieurs foiz
luy en ay escript s'y estoyt employé, de sorte qu'il l'avoyt obtenu,
selon le mémoyre qui luy en a esté mandé, ayant cousté seullemenl
six escuz. Duquel m'escript me mander la teneur en vulguaire itallien,
et que le tout a adressé à M. Farce vesque de Raguse pour me faire
tenyr, mais je n'eu ay encores rien receu. Et vous diray la raison
pourquoy, ainsi que la puys présumer, c'est que, mandant ledict
messer Vincenzo ung aultre saufconduyt plyé avecques le vostre pour
M. l'évesque de Transilvania, addressant le tout audict arcevesque
de Raguse, lequel non sçaichaut qu'il y eust aultre chose auldict pac-
quet que ledict saufconduyt dudict arcevesque de Transilvania, a
retenu le tout, ayant entendu que ledict évesque de Transilvania
estoyt party d'icy pour oller à Raguse; mais j'espère que bien tost me
l'envoyera, lequel incontinant vous feray tenyr. Et ce pendant pourra
estre que ledict messer Vincenzo me envoyera la lettre particullièro
que demandez de Barberousse, laquelle n'avoyt encores sceu avoir
pour aultant qu'il estoyt à Constantinople, et ledict messer Vincenzo à
Andrinopoli, bien qu'il m'escript que, pour dire la vérité, nonobstant
ledict saufconduyt et lettres de Barberousse, l'on se mettra en grant
danger pour les coursaires, auxquelz on ne peult commander par
escript ne commandemens, sinon avecques bonnes canonnades. Jay
envoyé lesdictz six escuz à M. l'arcevesque de Raguse, suyvant ce que
m'avoyt mandé ledict messer Vincenzo, qui se recommande humble-
ment à vostre bonne grâce, se remettant à vous escripre avecques
ladicte lettre missive de Barberousse. »
Vol. 2, f'J 139, copie du xyi*^ siècle; 1 p. in-f'^.
256 AMBASSADE DE [MARS 1541]
PELLICIER A lUNCON.
164. — [Venise], 2t mars 154 1 . — Pcllicier transmet à Ilincon les
nouvelles reçues de Vincenzo Maggio et lui confie l'embarras pécuniaire
dans lequel il se trouve.
Vol. 2, n> 139 v«, copie du .\vi« siècle; 3/i p. in-f".
PELLICIER At: COMTE DE LA MIHANDOLE *.
165. — ■ Venise], .21 mars I .'>4i . — « Corne la consorto sua havendo
giii piii voile domandato soccorso, per la parlita del marito, et per il
sopraslanle pericolo di certi Spagnuoli, clie si giudicava che vcnissero
nelli conlini délia Mirandula, il signor imbassatore le haveva mandato
due huomini con denarii, et provegioni da far gente, et ciô che biso-
gnasse. Et poi si esorlava il detlo signor Galleotto a venir tosto di qua,
et che nienlre era di là, volesse vedcr di métier ordine à le prove-
gioni, che per lo avenire si havevano a fare cerca simil cosa. »
Vol. 2, f" 139 v", copie du xvie siècle; 1/4 p. in-f".
l'ELLICIER A M. DE VILLANDRY 2.
166. — \Ve77ise], 2i mars i541 . — « Monsieur, encores que je ne
double point que ne soyez très bien adverly du cousté de Romme des
occurrances de delà, ce néantmoings pour ne obmeltre à vous faire
entendre ce que l'ambassadeur de cez Seigneurs leur en a escript, et
mesmcment comme il y estoyt arrivé le xi'^ de ce moys, vous diray
que le pape avoyl dict en plain consistoire, que en efTcct voulloyt
chastier ung si grant téméraire et désobéyssant à l'Église comme
estoyt le seigneur Ascanio Colonne, et que Sa Saincteté avoyt cinq
mil hommes de pyed, quatre cens chevaulx et six cens lansquenetz,
voullant faire jusques au nombre de x"" hommes de guerre; desquelz le
seigneur Alcxandro Vitello estoyt guyde^, et le seigneur Pelro Aloysi\
principal. El, comme escript ledict ambassadeur. Sa Saincteté avoyt
levé quatre-vingt mil ducalz du Mont de la Pyété ^, pour faire ladicte
1. Rcsumé en italien. — « Escript ledict xxi* jour de mars à M. le comte de la
Myrandola en la substance que s'cnsuytcy dessoubz. »
2. « Sota, que le xxiiic mars fusl escript à Madame de Ferrarc et à M. de Ponlz.
« llem, le xxiiii'! fusl escript à MM. de Rliodez et de Lodes à Rome, dont n'en fut
faict mynute. »
3. Alessandro Vitello, des Vitclli de Citta di Caslello, seigneur d'Amatrice, mort
en 155G.
4. Pietro-AloysioFarnese.
5. Le plus ancien établissement de ce genre en Italie avait été fondé à Padoue en
1491. Les papes, puis, â leur exemple, les cardinaux et les grandes familles encou-
ragèrent à Rome la fondation de ces maisons de charité, destinées à combattre les
criants abus du prêt à usure.
'[mars i:-}4r GUILLAUME PELLICIER 257
guerre, et que elle ne voulloyt entendre à aulcun appoinctement,
nonobstant que ledict seigneur Ascanio offre de luy déposer deux de
ses chasteaulx, ou bien ses enfans en oslaige, promettant luy faire
payer la imposition du sel, et faire tout ce qu'il plaira à Sa Saincteté
luy commander, moyennant qu'elle le vueille recevoir en sa bonne
grâce comme il estoyt auparavant. A quoy Sa Saincteté n'a vouUu
entendre... * «
Vol. 2. r*^ 140, copie du wi" siècle; 1/2 p. in-f".
PELLICIER A L.V COMTESSE DE LA MUîANDoLE *.
167. — Venise, 22 mars i 541 . — « lUustrissima Signora, ho
riceputo la vostra del xix" del instante et visto quanlo ella mi
scrive, massime di quelli Spagnoli, pur che qua di ciô non havemo
nulla, solum intendimo che il signor marchese del Guasto volevai
andar in Mantoa, parlar al Reverendissimo Cardinale da parte del'
imperator. Il quale Cardinal gli ha risposto che fosse ben venuto,
ma che non menasse con seco piû da xxv o xxx cavalli. Tamen subito
visto la vostra, non ho manchato proveder a tutto, il meglio m'è stato
possibile et esserepiù conveniente mandar il signor Daramonte, bonis-
simo capitanio et intelligente in simile cose, per cognoscere da lei più
minutamente le cose, et anchora per farvi intendere più al longo il
mio parer', et dare ordine al tutto, pregando Vostra lUustrissima
Signoria darli plena fede di quello che in ciô vi dira da parte mia come
faresti a mi medesimo. Questi giorni passali ho ricepute lettere de la
corte, per le quale ho inteso che l'IUustrissimo Signor vostro consorte
era arrivato in quella sano et gagliardo, et molto ben visto di Sua
Magestà et de tutta la corte. Son apresso a far una spedicione in
Franza; non mancharô scriver' al prefatto signor conte quanto m'havete
scritlo, et la provisione che si è data, sollicitandolo voler tornar il più
presto sarà possibile. Mentre questo non son per manchar mai ni far
ogni officio che sia in benefficio et essaltacioni di casa vostra...»
« In Venetia. »
Vol. 2, fo 135 v°, copie du xvi« siècle; 1/2 p. in-f°.
1. Voir à ce sujet le curieux document italien annexé à la dépèche de lord William
Howard, datée d'Amboise, le b mai, à Henri VIII (State papers of Henry VIII, ib.,\t. o62).
2. Ippolita di Gonzaga, fille de Lodovico di Gonzaga, prince de Bozzolo, femme
de Galeotto Pico II, comte de la Mirandole. — «La présente fut portée par
MM. d'Aramont et Formiguet, envoyez vers ladicte dame expressément. »
Gabriel de Luetz, baron d'Aramon, né en Languedoc dans les dernières années du
xv'^ s-iècle, mort vers 1554. En 1526, il vint à la cour de François V, puis fut attaché
quelque temps à la cour de la Mirandole (1542). Au printemps de 1543, il était à
Constantinople, où le baron de la Garde le laissa derrière lui en qualité de résident.
II y demeura ensuite avec le même titre sous Jean de Montluc, et y revint plus tard
comme ambassadeur, à diverses reprises, de 1546 jusqu'à sa mort, arrivée au cours
d'un voyage en France.
Venise. — 1540-1542. 17
258 AMBASSADE DE MAKS 154l]
rElJ.lClEH A VINCENZti MAOGHJ'.
168. — Venise, 28 mars I .') 1 1 . — « Dopo la n)ia ilie vi ho scritta
alli xxviii" del passalo, ritenula sino alli vu del instante, per il cat-
tivo tempo, lio rirevulo doi vostre pliclii de Andrinopoli alli 13 et
22 del passato, nelli qnali erano doi altri per il sign«»re Rincone, quali
non ho nianehato l'argli siihilo et sicuramente tcnire. D'il quai ho rice-
piito lettere de Lione - alli xxv de lehrarf), avisando nie corne alli
xxiiii era gionto li, non sen/a grande afFanno per il caltivo tempo et
slradc che Sua Signoria haveva havuto, et ben che lei fusse un pocho
indisposto, lamen alli xxv se parti per la corte, havendo più rispetlo
al servilio di Sua Magcslà che alla sua sanità, et ancliora a lassata sua
nioglie ' in Li<me, non essendo con lei i)iù d'un giorno, cosi che io credo
vi scrive piii al longo per un plico mha mandato per farvi tenir, quale
vi mando al présente. Io spetlo di giorno in giorno lettere de la sua
arrivata a lacorle, la quale, corne ho inleso, si retrova in Bloys; subito
che l'haverô, non mancharô a farvilo intendere, sapendo bene che
quelli dove sel(t;e non hanno mancho desiderio de saperlo che voi
medesimo si corne me havete scritlo, pregando Vostra Signoria de-
gnarsi continuar darmi avisi délie cose de coteste bande il più minuta-
menle che vi sarà possibile, et da parte mia non mancharô far il
simile... »
Pellicier remercie ensuite Maggio de la peine qu'il a prise pour
l'expédition des sauf-conduits.
« Di nuovo di la corte tanto tempo fa che non ne ho havuto lettere,
di modo che al présente non vi ne posso dire cosa alcuna, sino che
per lettere de M. di Langie * et di Lione intendo Sua Magestà essere in
buona sanità gratia di Dio, et mi scrive M. de Langie che gli Impe-
riali fanno fortificar le terre loro et che hanno avertiti i loro capitani
che sapiano dove Irovar fanti, quando gli saranno comandali. Il simile
ha falto il prefatto signor di Langie, et mi scrive che sempre in xv
di trovarà bonissimo numéro disoldati, ollra quelli ordinari cheluy tene,
perche è fornito di danari per pagarle et satisfar a tutlo. Il marchese
del Guaslo ha mandato a la cavalarie [sic) che è nel realmo di Napoli
che habbia à venire verso Milano, et d'altra parte Sua Magestà ha fatto
apropinchar se cinche cento huomini d'arme in Delphinat, Savoya,
Brexa et Lyonnoys', acio chè siano più vicini da venire quando il
delto signor di Langie le mandarà, si pur è fatto far in Franza pur assai
1. " Fu scrillo il dello di al signor arcevescovo di Rapiisa. •
i. Lyon.
3. Anne Joiivanl (V. Cal. des actes clc François I''', t. IV, p. .^30, n" IS'iQI).
4. Guillaume du Bellay, seigneur de Langey, gouverneur du Piémont. '
5. Daupliiné, Savoie, Bresse et Lyonnais.
[mars l-iil] GUILLAUME PELLICIER 2:")9
artillaria nuova, et el fi-adello di M. di Langie ' è in Lione con trenta
pezze grosse, per conducere in Piamonte, cioè Monlcalier^ et altre
terre. In summa, Sua Mageslà è molto disposta da non palire essere
punto, senza che ella non se rescente molto bene.
« Si è nova qui che l'iaiperatore ha scritto al duca et duchessa di
Mantoa, corne essendo quella terra senza alcun governo, et havcndola
luy in protectione che gli par giusta cosa de metlergli un governalor,
sino ch'il duca sia da eta matura, et che non li par per niente habbi
essere govcrnata per il Cardinal, per essere huomo di ghiesa, subito
la duchessa lo fecce intendere il prefalto Cardinal il quale volse se fece
consiglio, et tutti d'un parer volscro ch' il detto Cardinal non liavcsse
à moverse dal governo, et ferono risposta à Sua Magestà Gezarea
che loro si trovavano ben governati sotto il detto governo, fino ch'il
principe fosse de età. El marchese del Guasto ha mandato à farli
intendere che voleva esser li à parlar da parte di Sua Magestà Ceza-
rea. Li fu risposto che saria il ben venuto, ma che non portasse piu
de 25 à 30 persone con luy. Hanno fatto in Mantoa 000 fanti per la
guardia délia terra.
« Per Icttere di Ralisbona, del 24 et 28 febrario, si acusa dal partir
délia corte de limperatore il Reverendissimo vescovo Campeggio,
nuncio del papa, che se aspettarà il Reverendissimo cardinale Conta-
rini », che Sua Magestà Cezarea faceva a tutti abrazamenti cl grossa
ciera, solicitando più che poteva la dietta, si credeva per no far pocho,
el quello che farà convegnerà tutto essere à satisfattioni dei luthe-
rani. Il re di Romani voleva star a Viena et proveder a moite cose, et
che faria ogni cose {sic) per non trovarse alla dietta, havendo inteso che
in Buda era intrato socorso... »
Pellicier termine en informant son correspondant du méconten-
tement du pape à Tégard d'Ascanio Colonna et des armements pré-
parés par Sa Sainteté, en mêmes termes que dans la lettre du 21 mars
à M. de Villandry.
« In Venetia. »
Vol. 2, f° 140, copie du xvi« siècle; 2 pp. 1/4 in-f'.
PELLICIER AU ROI.
169. — [Venise], 31 mars i54'l . — « Sire, je vous ay escript le
XXI' de ce moys amplement tout ce que avois peu apprendre lors de
1. Martin du Bellay, l'auteur des Mémoires, troisième fils de Louis du Bellay,
seigneur de Langey, mort à Glatigny, dans le Perche, le 9 mars 1559. 11 devint prince
d'Yvetot, par son mariage avec Isabelle Chenu, et remplit la charge de lieutenant
général du roi en Normandie.
2. Moncalieri, ville de Piémont, sur le Pô, à 8 kilom. de Turin.
3. Gasparo Contarini, cardinal évèque de Bellune, légat apostolique en Allemagne.
260 AMIIASSADE DE [mARS 1541J
luus cuiisle/.; ce néanlinoin^s, ii présent, ayant receu ung pacquet de
messirc Vincenxo Maggio pour le seigneur llincon, ni'adverlissant le
luy faire tenyr Ui plus tosl qu'il me seroyt possible pour ce qu'il y
avoyl dedans chose de non pou d'iinporlance, m'a semblé ne debvoir
scsjourner ne attendre s'il surviendroyt aultre chose davanlaige digne
de faire sçavoir à V. M., ains, vous faisant sçavoir ce que ay peu
apprendre depuys, envoyer le plus tost audict seigneur Rincon ledict
pac(iuel. Par leijuel, combien que je soys tout asseuré pourrex entendre
toutes nouvelles du Levant, loutefoys si n'ay-je voullu laisser de vous
faire S(;avoir ce qu'il m'escript par ses lettres de Andrinopoli le xx' du
passé, et ce que cez Seigneurs, m'ayant mandé charcher, m'ont com-
municqué. Mesmement comme Barberousse, pour tenter de sçavoir s'il
seroit pour estre cappitaine de l'armée, avoyt mandé ung sien cappi-
pilaine au Grant Seigneur, pour luy demander s'il luy plaisoyt que l'on
mist hors cinquante gallères, sur quoy luy fut demandé si toute
l'armée estoyt en ordre; qui feisl responce de non, mais que on estoyt
aproz avecques la meilleure dilligence qu'il estoyt possible de faire. Et
lors ledict Grant Seigneur dist : « Qu'elle soyl mise toute en ordre, et
puys je diray ce que l'on aura à faire ». M'escripvant aussi comme
l'arcevesque de Moldavia' estoyt venu à Petro Bogdan, remys par le
Grant Seigneur, pour prendre son serment qu'il pardonneroyt à tous
ceulx qui l'avoyent offensé, et que lors ilz le recepvroyenl. L'on estimoyt
qu'il ne reffuseroyt à jurer, et faire tel serment que l'on vouldroyt allin
d'estre receu, mais puis aprez luy-mesmes se absouldroyl. Il m'escript
davantaige qu'il avoyt esté prins deux espyes'^ de Hongrye, qui avoyent
dict que le camp croissoyt à Bude, et que le roy Ferdinando y voulloyt
aller en personne, et l'empereur à Vienne. Dont, pour ceste cause,
le Grant Seigneur feist assembler son conseil, et furent les bassatz
avecques luy plus de quatre grosses heures. Enfin en sortirent avecques
conclusion de mander mille cinq cens gennissaires^ et mille huict cens
spachi\ qui sont gens à cheval ; desquelz le begliarbey de la Grèce est
chef et les yroyt lever en Sophia. Il m'escript bien que cela est peu de
gens, mais qu'il croyt que cela se fait seuUement pour mettre la famé*
1. Gams n'indique aucun prélat pour le siège de Bakau en Moldavie, au xvi' siècle,
et les documents jirécis seml)lenl faire totalement défaut pour toute celle période
(V. Gams, Sej'ies episcoporum, Halisbonnc, 1873, in-4, p. 365). Les cvèques de Mol-
davie résidaient alors à Lemberg (Leopolis) ; l'archevêque de Lemberg, à celte époque,
était Pierre Slarzechowski, qui régna de 1540 à 1554.
2. Espions.
3. Janissaires, de yeni tscheri, •> nouvelle troupe » : milice instituée au xiv" siècle
par Alaeddin, frère et vizir d'Ourkhan, et composée exclusivement, jusqu'à Moham-
med IV, au milieu du xvn" siècle, de jeunes chrétiens convertis de force à l'isla-
misme (V. de Hammer, t. I, p. 121).
4. Spahis, ou sipaliis, cavaliers proprement dils, janissaires à cheval. Les que-
relles et les rivalités furent fréquentes entre ce corps et celui des janissaires.
5. Du lat. fama, renommée.
[mars 1541] GUILLAUME PELLICIER 201
que le Grant Seigneur se mouve; lequel se partyt le xix° de febvrier
pour aller à la chasse avecques troys de ses bassatz.
<v Sire, cez Seigneurs, ayant aussi receu lettres de Constanlinople
des II, XIII, XV. et xx!!!" jours de febvrier, m'envoyèrent quéryr pour
me communicquer de leurs nouvelles, mais en substance ne me dirent
guières davantaige; me réplicquant seullement du feu prins au scrrail
comme vous ay escript, et du grant domaige et perte qu'il s'y feist, et
en oultre que ledict feu y fut si très grant que ung chascun perdyt
espoir de rien saulver ne retirer, de sorte que les dames dudict sérail
n'eurent aultre meilleur moyen de se saulver sinon de se getter en la
place publicque où furent quelque temps, et que pour quatre cens mil
escuz l'on ne sçauroyt remettre ledict serrail en Testât qu'il estoyt. Me
dirent aussi que ledict Grant Seigneur estoyt allé à la chasse aux grues,
en ung lieu appelé Jamboli'; je ne sçay s'il seroyt auprès du fleuve
Strimon^ en Tracia, où Aristote dict se assembler des grues de toute
l'Europe en très grans troupeaulx^ Et aussi comme ledict Grant Sei-
gneur avoyt receu du Caire huict cens mille ducatz et conduyct aux
fers Imbrahim Castro, juyf, qui estoyt imputé d'avoir faictz plusieurs
larrecins. Et pareillement que le Sophi se renforsoyt et qu'il s'estoyt
pacifTyé avecques les Géorgians, ayant intelligence avecques l'empereur
que incontinant que ledict Grant Seigneur se seroyt voullé vers la
Hongrye, qu'il viendroyt sur ses pays pour l'endommaiger et troubler;
et bien. Sire, qu'ilz ne m'ayent aulcunement communicqué de leurs
affaires particuUiers, si ay-je entendu que leurdict ambassadeur leur
a escript comme il avoyt deslivré les cent mil escuz au Grant Seigneur,
et pareillement les présens faictz aux bassutz : sçavoyr est à Lotphy,
dix mil ducatz chequins; à Rostin '*, gendre du Grant Seigneur, à Sultan
et Mehmet% à chascun cinq mil; et puys en fut baillé six mil à Janus
Bey pour son remboursement d'aultre tant qu'il en avoyt prestez, et
quatre mil qui luy en furent donnez. De quoy ne fut contant, et entra
en grande coUère, disant : « Sont-ce icy les promesses qui me furent
faictes? » Pareillement fut donné au juyf médecyn dudict Grant Sei-
gneur mil ducatz chequins, et à un sien nepveu cinq cens. Dont ledict
Grant Seigneur ayant entendu avoir esté desboursé seullement à son
profTict cent mil chequins, dist : « Pourquoy ne me a l'on fourny le
1. Jamboli, ville de Roumélie, à 243 kiiom. de Sofia, sur la rive gauche de la
Touja.
2. Le Strymon, aujourd'hui Strouma, fleuve célèbre dans l'antiquité et qui, sorti
de l'Hémus, coulait en Thrace et en Macédoine pour se jeter ensuite dans un golfe
de la mer Egée.
3. Hisl. natur., liv. VIII, chap. xn. Le passage précis d'Aristote auquel Pcllicier
fait allusion est relatif aux pélicans : " Kal oi ircXExâve; S'èxTOTtti^oyfK y.al TrÉToviat à-iCo
Tou STpujjLÔvo; 7roTa(j.o'j ÈttI tov "latpov, xâ/sï TsxvoTioio-jvcat. » (Aristote, Œuvres com-
plètes, édit. Didot, o vol. gr. in-8, Paris, 1862-1874, t. III, p. lo6.)
4. Rustem-Pacha.
5. Suleyman-Pacha et Mohammed-Pacha.
262 AMBASSADE DE SlAHS 154i]
tout? » El lors Janus Boy respotidist que cez Seigneurs n'esloycnt
obligez il en bailler pour le présent davanUiige, cl cinquante mil à la
lin de l'an. Sur ({uoy ledicl (îrant Seigneur feist responce : « J'ay
entendu qu'il/, les ont tous nuindez, mais qu'il/, ont esté baille/, aux
ungs et aux aullres. » VA de reobef ledict Janus Bey respondist : « Il
est bien vray qu'il/, ont mandé aulcune petite somme d'aspres à tes
féaulx serviteurs pour observance de Ta Majesté, comme à Lotphi
X'" clie([iiins », et ainsi lui nomme les aullres jKirlicuUièremenl, disant
que nul d'entre eulx ne les avoyent vouUu/. acce[)ter — pour ne faire
desplaisyr à Sa Majesté — et qu'il les avoyt à son logeis, luy adjouslant
encores : « Ta .Majesté doibt entendre que quand se feist l'aultre
paix avecques les Véniciens, il/, mandèrent donner à chascun de tes
basclial/. W" ducal/, chequins. » — Et lors ledict Grant Seigneur se
soub/risl, et ainsi les choses pour lors passèrent. Ledict seigneur
ambassadeur a aussi escript que ayant entendu icelluy (îrant Seigneur,
au retour de ladiete chasse, s'en aller à Constantinople, luy feist
demander s'il le debvoit aller attendre là; lequel luy feist dire de si;
mais puys aprez luy feist redire qu'il ne se parlyt de Andrinopoli, et
qu'il y demeurast avec le bassat Mehmet. Et du recouvrement de Nadin,
Laurana et des marchandises ledict Grant Seigneur luy avoyt faict
entendre que ceste Seigneurie s'estoyt faicte pryer de luy bailler la
Parga, et que jamais ne les avoyt requis de luy rendre ses prisonniers
et marchandises de ses subgectz qu'il/ avoyent retenuz à Courfou,
Cippre, Venize et aullres pars de leur domine'. Ce néantmoings qu'il
leur avoyt relâchez et mys en liberté plus de cinq cens de leurs prison-
niers. En somme, escript par conclusion que ledict Grant Seigneur
ne voulsisl ([uil s'en parlast aulcunement; dont cez Seigneurs sont
demeurez grandement troublez et fâchez, escripvant davantaige que
oultre quinze mil chevaulz qui ont esté mandez à Bude soubz la charge
du sanzacque de Samendria , ledict Grant Seigneur avoyt encore
expédié deux mil genissaires et huict cens aagilai'i^, et que en toutes
façons il préparoyt grant exercite, tant par mer que par terre, et que
Barberousse avoyt en ordre promptement soixante gallères. Ledict
seigneur ambassadeur a demandé congé de s'en revenyr par deçà,
pour estre chargé de plusieurs malladdies qui luy sont survenues en
ce pays là, qui est tout ce que puys en dire pour ceste heure à V. M.
« Sire, par lettres de l'ambassadeur de cez Seigneurs prez l'empereur,
du xin* de ce movs, sont adverliz comme le xii'^le Ilévérendissime car-
dinal Contarin y esloyt arrivé, lequel fut receu moult honorablement;
et que tous les catholliques esloyent arrivez à la diclte, mais non
encores les proteslans, de sorte qu'elle s'en alloyt tardant et prolon-
1. Domaine, domination.
2. Archers.
MARS lli41j GUILLAUME PELLICIER 263
géant. Et par aiillres lettres d'icelluy ambassadeur, du xviii-', faict
«•ntendre à ce/. Seigneurs que le conte Palatin luy avoyt dict en grant
secrect que pour vray le maryaige du tilz de monseigneur le duc de
Lorraine avecc^ues la duchesse jadiz de Millau estoyt faict et conclud
avecques très grandz parLys qu'il ne luy déclaira aultremenl. Et que
Anlhoine Doria» estoyt à la court dudict empereur, cliarchant et solli-
citant que on luy voulsist faire aultres partiz que par cy devant; et
mesmement qu'il ne i'ust subgect de André Doria comme il estoyt,
advisaut ledict empereur qu'il estoyt rechairché grandement de V. M.
pour venyr à son service, et qu'il estoyt homme et libéré pour attendre
à celluy qui luy feroyt meilleur traictement.
« Sire, par lettres de l'ambassadeur de cez Seigneurs prez le roy des
Romains, escriptes à Vienne le ii° de ce moys, l'on entend que icelluy
roy avoyt faict faire une diette où avoyt demandé que pour ung an ung
chascun l'eust à servyr de son revenu, et que ceulx qui ont d'entrée
au dessoubz de cent escuz luy fournissent ung homme; auquel fut res-
pondu qu'ilz se réduyroyent ensemble, et s'elforceroyent faire tout ce
qu'il leur seroyt possible : qui est ce qui fut faict jusques audict ir de
ce moys. Escripvant davantaige que, résolue ceste diette, s'en feroyt
une aultre à Praga*. Et que l'ambassadeur du roy de Poullongne s'es-
toyt party de la court du roy Ferdinando, pour aller vers la royne de
Hongrye veoir s'il pourroyt faire quelque appoinctement. El par aultres
lettres dudict ambassadeur, du .w", s'entend que ceulx à qui fut demandé
tout le revenu dune année ont respondu estre contans luy en donner
la moytié en terme de deux moys, et l'aultre moytié en terme de six,
mettant les deniers en la maison royale pour s'en servyr à son besoing.
Ceulx qui ont d'entrée au dessoubz de cent escuz ont respondu estre
contans payer ung homme à cheval pour six moys; sçavoir est donner
audict roy l'argent pour la soulde d'icelluy. De ceste dernière responce
il se contenta, mais de la première non, disant qu'il luy estoyt néces-
saire pourveoir à ses grans affaires, lesquelz avoyt présentement. Sur
quoy ceulx de ladicte diette se debvoyent retirer une aultre foiz
ensemble, et dé ce qu'il s'y fera ledict ambassadeur promect advertyr
cez Seigneurs. Et cependant escript que le xxi'' ledict roy se partyroyt
de là pour aller faire l'aultre diette de Praga, et que la Moldavia le
recharchoyt qu'il voullust bailler dix mille hommes de guerre, qui luy
1. Antonio Doria, illustre capitaine génois au service de Cliaiics-Quinl. parent
«l'Andréa Doria. Il composa une relation des événements de son temps qui fut
publiée en lo"I. — llarwell écrivait de Venise, dès le 4 janvier 1538, à Thomas
Cromwell : « llere hath ben Antonio Doria, genevois, a man of aboul forty yeris
of ape, nolhing inferiour oIT vertu to Andréa Doria, whose name is higlily cele-
brate in al places of Italye to no vulgar glorye. This citée liatli sliewid Ihe said
Doria greal benivolence and honour, for his e.vcellent famé ami vertus » {Stute
papers of Henry VIII, vol. VIII, p. 13).
2. Prague en Bohème.
264 AMIIASSADE DE [maus 1541,
IduriKToyent il graiil coiniiKnlilf cl i)rnriicl, t-l dominai^e du Turcq.
Esiripl aussi «jue ledicl r<)y esloyt demeuré fort sus|)ens, pour avoir
entendu que uiif; capitaine de frère George, nommé Périm ', lequel a
esté cause de conduyre les Turcqs à saccaiger Wacia et les faire riches»
ayt esté faict prisonnier; (juoy voyant, ledict frère George en a prins
maulvaise augure, et en a adverty ledict roy des Romains.
<i Sire, par lettres du secrétaire Fidel ce/. Seigneurs sont advertix
que le seigneur marquis du (iuast luy avoyt dict avoii- lettres de Tem-
pcreur. luy faisant st;avoir (ju'il pensoyt avoir plus de difliculté en ses
all'aires qu'il ne se retrouvoyl, avecques toutes les praticques que ayl
sceu faire quelque ung contre luy; et qu'il ne pourroyt eslre si tost en-
Itallye, ayant escriptù André Doria lever les gens de guerre (ju'il avoyt
laisse/, en Allricciue, afiin qu'il/, se trouvassent au temps de son arrivée
à Gennes, pour passer en Espaigne; et que ledict empereur ne feroyt
le chemin de Millau, pour n'avoir le temps. Ledict Fidel escript davan-
taige (jue icelluy marquis faict plusieurs saiges discours de ce que a à
succéder, desquelz luy doibt mander le double, et que il e.Korte tant
qu'il peult ledict empereur de ne se partyr si tost de l'Itallye. J'ai esté
adverty pour tout vray que domp Lope de So^ia^ par mandement de
Fempereur, avoyt demandé au duc de Ferrare» pour la seurté dudicti
empereur, Modène, Rège ', Carpy et Robrola *, ou bien Fasseurer de
garder que de la Myrandola ne luy viendroyt auleun empeschement.
A quoy ledict seigneur duc n'avoyt faict encores aulcune rcsponce, mais
avoyt mandé devers le pape, comme son souverain seigneur, pour s'en
consulter.
« Sire, l'on a par lettres de Traour, isle auprez de la terre ferme de-
Sébénico% que il a esté descouvert ung traicté et entreprinse de des-
robber la fortresse de Glissa', la voysine, par la femme d'ung de ceulv
qui de ce avoyent charge; parquoy en avoyent esté prins par les Turcqs
quatre d'iceulx, et exécutez fort cruellement. Et que pour ce lesdicts-
Turc(is avoyent faictes quelques courses, et emmené plusieurs gens de
cez lieux-là et environs. Et entend l'on que l'évesque dudicL Traour'^
1. l'ierre Pérény.
2. Don Lopez de Soria, amltassadiMir de rempereiir à Gênes, de lo23 à 1529, ])uis
à Venise, «le I.i3;î à 1539. Il y fut remi>lacé, le i\) avril 1539, par Don Diego de .Mi'n-
doza (V. les inslruclions de ce dernier dans les State papers, Spanish, lj3S-loi2,
p. 146). Entre temps, Lopez de Soria fut cliargé de diverses missions dans les villes
d'Italie, notamment à Sienne et à Fenare.
3. Uef.'gi(}, lancienne li/trrfiinn, à 2."i Uilom. de Modène.
i. lUibiera, bourg à il kilom. de Modène.
o. Trau. le Traguvium ties Romains, ville de Dalmatie. sur l'Adriatiiine, à 17 kilom.
de Spalalro, possédée par les Vénitiens depuis '.l'.M.
6. Lissa, ile et hourg de Dalmatie, sur un golfe qui forme l'un des plus vastes et
des meilleurs ports de l'Adriatique, position très forte qu'on a surnommée le-
Gi/jiriltar de l'Adriatir^ue.
7. Christophe de Negris, évèque de Trau de Io25 à I5b9, date de sa mort.
[mars loti] GUILLAUME l'KLLICIER 265
avovt la charge de condiiyre ladicte entreprinse, comme l'on veult dire,
de par le pape.
« Sire, j ay eu lettres de Romme par lesquelles l'on me faict entendre
que Nostre Sainct Père avoyt esté adverty par lettres de Courfou,
Raguse et Lépantho que Barberousse avoyt en ordre cent cinquante
gallères et cent aultres vaisseaulx, et auroyt des coursaires, et que à
la Vallonné faisoyent cent cinquante pallandres '.
« Sire, j"ay escript à V. M. dernièrement comme madame la contesse
de la Myrandola, estant en double des Espagnolz qui debvoyenl venyr
loger prez des coniins de là, m'avoyt requis instemment y vouUoir
donner provision, ce que ay faict, y mandant la soulde d'arrivée pour
cent hommes : dont je supplye V. M. me faire advertyr de ce que je en
auray à faire par cy aprez, car de ce, Sire, Ion ne m'a donné nulles
instructions à mon partement, ne depuys faict aulcun commandement
ne provision ; dont ne sçay bonnement qu'il vous plaist que je en face. »
Vol. 2, f"' Ul v, copie du xvi"^ siècle; 5 pp. in-f°.
PELLICIER A M. D'aXNEBAULT.
170. — Venise, 31 mars 1 54 1 . — Mêmes nouvelles que dans la
précédente lettre au roi.
Vol. 2, f" lïL copie du xvi<^ siècle; 1/3 p. in-f».
PELLICIER A RINCON.
171. — Venise, 31 mars 1541. — Mêmes nouvelles que dans la
lettre au roi.
« De Venize. »
« Monsieur, je ne veulx obmettre à vous advertyr comme le xxix" de
ce moys je feuz au Dolo - veoir voz chevaulx, lesquelz trouvay en très
bon poinct, et ne hannyssoyent que de entrer en chemin; et le len-
demain M. le Maître ^ ne faillyt de prendre son chemin vers les montz
des Grisons pour suyvre vostre train, quelques lettres patentes et
missives que luy eust donné M. l'ambassadeur domp Diego. Je prye
Dieu leur donner bon voyaige. »
Vol. 2, f° 144, copie du xvi^ siècle; 1 p. in-f".
1. Palandres, de l'italien palandra. ■< Au xvie siècle, c'était un navire de charge,
médiocrement grand, dont les Turcs se servaient comme de i)âtiment-écurie pour
le transport des chevaux. » (Jal, Glossaire nautique.)
2. Dolo, bourg de Lombardie, sur la Brenla, à 19 kilom. de Venise.
3. Le maître d hôtel de Rincon.
206 AMItASSADE DE [avuii, liiilj
l'EI.LIClER A CE'iARE KREr.OSO,
172. — [rt'»ise], .1/ mars 1 .') H . — IVilicier félicite Fregoso de sa
guérison t't t]i' s<>ii arrivée à la cour. Il lui recommande le soin de ses
inléréls narliculiers.
Vol. J, r» i't't v", copie du \\i' siècle; 1/2 p. in-f".
l'EI.I.ICIEK A .M. liK VILLANDHY.
173. — l'i'iiUr^ Jl mars lôil. — « Monsieur, encores que je ne
double iJoiiiL (jue ne soyez adverly des nouvelles et occurranccs de
Rome, ce néanlmoings pour ne (jbmeltre de faire entendre ce que puys
apprendre de tous coustez, vous ay bien voullu escripre ce que ont eu
cez Seigneurs de leur ambassadeur ([ui est là; c'est que le pape
persévère toujours contre le seigneur Ascanio Coullonne, et que Sa
Sainteté avoyt mandé lever x" Suysses, et que l'ambassadeur de
l'empereur prez Sadicte Sainteté faisoyt tout ce qu'il povoyt pour
appaiser la chose. Et de faict j'ay entendu que M. l'ambassadeur de
l'empereur qui est icy, aujourd'huy, en montant les degrez du pallais
de ceste ville, a dict à homme de l'oy que l'empereur avoyt mandé au
pape voulloir surceoir à lentreprinse contre le seigneur Ascanio
Coulonne jusques à sa venue, qu'il acouslreroit tous les différendz
d'entre eulx. Et pour ce que suys bien asseuré que verrez toutes les
aultres nouvelles que j'escriptz au roy, ne m'estenderay à vous en faire
aultre répéticion; seullement vous pryeray faire tenyr le pacquet qui
s'adresse à mon homme, et pareillement les aultres enclodz avecques
la présente à qui ilz s'adressent... »
Vol. 2. 1° li;>. copie du xvi« siècle; 1/2 p. in-f".
l'EI.I.lCIEK A M. DE RODEZ '.
174. — [\'e}nsé], 2 anr\l io4l. — « Monsieur, depuys les miennes
dernières que vous ay escriples du xxiiii" du passé, ay receu les
vostres du xxvii' par lesquelles me faictes bonne part de voz occu-
rances, dont je vous mercye; et par revanche vous diray comme le
seigneur Alloysi Allemani ' est arrivé icy mandé par le roy vers cez
1. « Escripl cedicl jour à M. l'évesquc de Lodes. •
•_'. Aloysio Alam.inni. nu Alemani, poète ilalien, né à Florence en lillii, mort à
Aiuboise en l.")5(i. Hanni de Florence par le cardinal Giulio dci Mciiicis, depuis pape
sdiis le nom de Clément VII, pour avoir été mêlé â une conspiration contre sa vie,
et retiré d'abord à Venise, jiuis en Franco, il prit part à diverses tentatives pour
alTranchir sa patrie. François 1" l'avait attaché à son service et lui avait conlié la
charge de maître d'hôtel de la dauphine. Après s'être acquitté heureusement île
plusieurs missions diplomatiques, il fut nommé, après la paix <le Crépy, en l.ï44
[aviui, 15 h] GUILLAUME PELLICIER 267
Seigneurs, pour les remercyer de la gcande démonstraeion d'amylié
qu'ilz ont faicle à S. M., tant pour la bonne seureté et provision qu'ilz
ont donnée au passaige du seigneur Rincon comme vous ay escript, que
aussi de la grande afiection et amytié qu'ilz ont faict entendre audict
seigneur luy porter par leur ambassadeur prez de luy. De quoy vous
puys bien asseurer cez Seigneurs estre demeurez grandement satis-
faictz.
De la court je n'ay aultres nouvelles, sinon que monseigneur le Con-
nestable en estoyt party pour aller en Bretaigne prendre possession du
don que luy a faict M. de Chasteaubryant*, et que M. l'Admirail avoyt
esté remys en tous ses biens, honneurs et offices ainsi qu'il estoyt aupa-
ravant, et que de brief s'en alloyt à la court pour remercyer S, M. *
qui a eu très grand plaisyr et contentement de l'arrivée du seigneur
Rincon^, pour lequel j'ay receu ung aultre pacquet depuys que vous
ay escript. »
ambassadeur auprès de Charles-Quint. Un de ses fils, Gian-Battisla, devint évêquc
de Bazas et de M.icon.
Alanianni avait reeu du roi, entre autres présents destinés à récompenser ses ser-
vices, la chàtellerie de Tullins en Dauphiné (Isère), dont la donation (I.j31) lui fut
confirmée à diverses reprises, notamment en l.'i32 et 1544 (V. Cat. des actes de Fran-
çois /", t. îl, III et IV. passim).
La Bibliothèque nationale et celle de l'Arsenal, à Paris, possèdent plusieurs mss.
de ses œuvres.
Sa femme, Maddalena Bonajuti, dame d'honneur de Catherine de Médicis, devenue
veuve, épousa en secondes noces Jean-Baptiste Gondy. llorentin, maître d'hôtel de
la reine mère.
i. Jean de Laval, seigneur de Chàteaubriant et comte de Plorhan, gouverneur de
Bretagne, parent et ami du connétable, né en IlSG, mort veuf et sans postérité en
loii'. 11 avait épousé Françoise de Foix, sœur il'Odet de Foix. seigneur de Lautrec.
Par acte dressé à Paris le 5 janvier 1540, M. de Chàteaubriant avait fait don à
Montmorency du tiers de ses biens immeubles, soit quatorze terres sises en Bretagne
et en Anjou, dont le connétable avait déjà fait prendre en son nom, le ^ mai sui-
vant, possession et investiture (V. de Crue, Anne de Montvwrenc;/ ; Paris, Pion. 1883,
in-S", p. 423).
Ce voyage, entrepris sous le prétexte de remercier son bienfaiteur, coïncidait au
fond avec la disgrâce de Montmorency et la réhabilitation de Chabot.
2. La défaveur de l'amiral n'avait pas été. d'ailleurs, de longue durée. Les lettres
contenant l'arrêt des commissaires chargés il'instruire le procès étaient datées du
8 février 1541; celles portant remise de toutes les sommes auxquelles il avait été
condamné, comme restitution ou comme amende, sont du 12 mars de la même
année (Cal. des actes de François r% t. IV. pp. 180 et 187, n»' 11.827 et 11.862). — 11
faut lire encore à ce sujet la piquante dépèche de lord William Howard d'Effingham,
ambassadeur d'Angleterre à Paris, adressée à Henri VIII, de Blois, le 3 février, et
qui montre, avant même l'issue du procès, dans quelles dispositions favorables se
trouvait François I" à l'égard de Chabot {State papers of Uenn/ VIII. vol. VIII,
o" partie, p. 333). — V. aussi la dépèche écrite d'Amboisc, le l'J avril, après la
réliabilitation de Chabot (/(/., ibid., p. 532).
3. D'après les cunqjtes de l'Epargne (B. N., ms. Clairambault 1215, f 79 v"), Rincon
avait rejoint la cour à Blois le 5 mars. Une dépèche de l'ambassadeur anglais
Howard, écrite de Blois à Henri VIII, le 18 mars, nous donne d'intéressants détails :
•• And the next day foUowing {l'arrivée de Rincon) I wheynt and dyned vvith Ihe
Conestable, and so. afler th'accoustomed manner, I wheynt to the Kingcs chambre;
which, after He had dyned, He took aparté the said Rançon, being none other par-
268 AMHASSADE DE [avril 1541J
Suivent los nouvelles concernunl les agissements de liaiberousse,
dont il a été question dans la lettre au roi du 31 mars.
« ... Hier se parlyt d'iey M. l'abbé de Bonevente *, pour s'en aller en
France, ayant rt'tcu lelln-s du seigneur Uinc<jn. l'ai- (luoy ne luy
ay pru bailler ct'llc (jue luy escripviez pour l'avoir receue encores ce
jourd'liuy, mais je la luy manderay par la première dépesche qui se
fera à la court. J'ay aussi faict lenyr les aultrcs encloses en vostre
pacquet; le semblable je vous prye faire faire de celles que trouverez
au mien... »
Vol. 2, f" lf;>, cupic du \\r siùclc; :i, t p. iii-r'\
l'EI.I.iCIEIt A M. DE J.ANOEV.
175. — [Venise], 3 avril io41 . — Pellicier a reçu les lettres de
Langey des IS, t\ et :20 mars.
«< ... En contreschange desquelles ne m'estendray par la présente à
vous en escripre, me remettant à celle que j'escriptz à M. le mares-
chal d'Hannebault, laquelle verrez. Et vous l'ay adressée, pour aultant
que j'ay entendu que de brief debvoit arriver à Thurin, et que jà
son train y estoyt, et que aussi l'ambassadeur de l'empereur a dict
à quelques ungs avoir eu lettres de Millau, comme ledict seigneur
d'Annebault estoyt arrivé audict Thurin. Dont, pour la presse que
j'ay, m'a semblé que la mesme lettre pourra servyr à tous deux, et
si d'adventure il n'y estoyt arrivé, il vous plaira, après l'avoir veue,
la faire fermer et la luy mander la part où il sera. Au demeurant, Mon-
sieur, je pense que aurez entendu par M. Rabellays comme M. Paulo
Manulio, lilz de messire Aide, homme de immortelle mémoire, dési-
rant, pour les rares quallitez et vertus qui sont en vous, obtenyr
vostre grâce, patrocine et amytié, faisant imprimer toutes les œuvres
de Cicéron, vous en vouUoit desdyer partye des oraisons, et à cez fins
chairchoit de recouvrer l'escusson de voz armes'. Ce qu'il a faict et
sone nigh to hère Iheyin luil Ihe Cardynall of Lorayne, and siill did lalk wilh liym
nigh an owre. And as 1 hère say, the King halh charged hym to open no malier to
no man, but to the Cardynall of Lorayne and the Cardynall of Tornon ; so that yet
I cannol lorne the cause of his conunyng iiome. It is to be thought that lie hath
played a good j)arte. for Ihe King halh made hym one of his Maislres de Hostel •
{State papers, ibid., p. 513).
1. Francisco Rincon, frère de l'ambassadeur.
2. Les armes do la maison du Bellay sont : d'arrjent h la bande fuselée de rjtieules,
accompagné de six fleurs d'azur; trois en chef posées deux et un, et trois en pointe
mises en bande.
Il s'agit du tome II de l'édition des Discours de Cicéron, qui contient en effet une
dédicace latine de Paolo .Manuzio à Guillaume du Bellay, à la personne duquel
Rabelais, comme on l'a vu plus haut, était attaché comme médecin. — M. Tullii
Ciceronis orationes, apud Aldi lllios, Venetiis, 3 vol. in-8°. — Le premier volume
parut en octobre ï'.jU), le second en février lo41, le troisième en mars de la même
année.
[avril 1541] GUILLAUME PELLICIER 2i)9
parachevé, et m'a baillé le tome desdictes oraisons à vous desdiées pour
les vous faire tenyr, me pryant vouUoir plus recommander la bonne
vouUenté qu'il a en meilleures choses de vous faire service et hon-
neur, que le petit présent. Sur quoy, Monsieur, je vous prye croire
qu'il est homme digne d'ung tel père et d'ung tel protecteur et patron
que vous; dont vous supplye le voulloir mettre au nombre de voz
meilleurs familliers et serviteurs, comme il est de tous les gens de
bien et de sçavoir qui sont en ceste Ilallye et ailleurs qui le congnois-
sent. Vous asseurant pour beaucoulp de choses, voire pour le service
du rov, que ce ne sera petit instrument que luy, pour les congnois-
sances, amytiez et dexléritez qu'il a. Et combien qu'il soyt desjà
grandement affectionné au party du roy et à toute la nation, ce
néanmoings je n'ay laissé ne laisse occasion quelconque de l'incliner
davantaige à ceste dévotion. Dont ccz jours passez, estant banny d'icy
pour quelque cas ung frère sien qui faict toute leur manufacture et
œuvre d'imprimerye \ ay obtenu de cez Seigneurs saufconduyt pour
cinq ans, qui est le plus que Ton puysse en telz cas impétrer de ceste
Seigneurie. Et derechef je vous supplye, Monsieur, le voulloir avoir
en vostre bonne recommandation et grâce, et prendre ladicte dédica-
tion à gré et plaisyr.
« Monsieur, j'ay envoyé aujourd'huy appeler le seigneur Asulanus *,
pour disner avecques moy; auquel n'ay failly faire entendre ce qu'il
vous a pieu m'escripre des jumans que luy envoyerez comme il avoyt
demandé, et la charette aussi avecques force plantes, là où me faictes
sçavoir qu'il y en aura pour moy dont je vous en remercye de très bon
cueur... »
Vol. 2, ï° 145 v°, copie du xvi» siècle; i p. in-f<>.
PELLICIER A VINCENZÙ MAGGIO 3.
176. — [Venise], 9 avril 1541. — Pellicier a écrit à Maggio
1. Antonio Manuzio, le second des trois fils d'Aldo, fut lianni de Venise pour une
affaire dont les détails sont restés ignorés, et que Paolo Manuzio qualifie dans une
lettre d'égarement de jeunesse, ./Mi'ew^i^h's erratum (V. Renouard, Annales de Vim-
pi'imerie des Aide, pp. 433 et 454). Renouard place le fait en 1532, et dit qu'en 1555
une nouvelle sentence de bannissement fut rendue contre Antonio revenu à Venise,
annulant les amnisties précédentes. C'est à cette date qu'il alla s'établir comme
libraire à Bologne, où il mourut entre 1558 et 1359. Peut-être doit-on reporter à
1341 l'origine de la mystérieuse affaire qui l'exila de sa patrie.
2. Francesco d'Asola, second fils d'Andréa Torresano d'Asola, et beau-frère d'Aldo
Manuzio. A la mort d'Aldo, Andréa d'Asola, qui avait été son associé, continua à
diriger la célèbre imprimerie, aidé de ses deux fils, Francesco et Federigo, jusqu'à
sa mort, arrivée en 1529. L'imprimerie demeura fermée jusqu'en 1333, où Paolo
Manuzio, âgé de vingt et un ans, la rouvrit. En 1540, l'association formée entre les
fils d'Aldo et les fils d'Andréa fut rompue, pour reprendre au nom des seuls fils
d'Aldo (V. Renouard, id.. ihid.).
3. En italien. — « Per il dragamano. » — « Escript cedict jour à maître Guillaume
270 AMBASSADE DE [avriL 154ij
lu 28 mars, et a reçu depuis ses lettres du 24 février, avec un paquet
h l'adresse de Uincon, auquel il l'.i iinmédialeinent envoyé.
"... Ho liavulo leltere de qufUo amico d'.MlainaKna, dal quai vi ho
parlalo altre voile, couic l'imperalore è adverlilu uiinutauienle per il
Giudeo' do ogni cose et provisione che fa il Gran Signor, si per mare,
come per terra, et massime verso la Ongaria. Et dice che Timperatore
non lo slima nienle di quella handa, et che ha fatlo sei milia huomini
de piede per mandarli et sei colonelli per far gente de pede, et se
mette in ordine per far gente da cavallo et forse monicione de ogni
sorte; et se dice de piii che farà x'" huomini da pede, et qualche
numéro de cavalli ligieri, lulli Ilaliani, per mandar in Viena. S'intende
che el marchese del Guasto ha detto che l'imperatorc gli ha scritlo,
che pensava havere più dillicullà in le cose sue d'Allamaigna, di quel'
che trovava, con quanta praticha habia fatta qualcheduno, et che
non polrà essere si presto in Italia. Nondimeno per altra via s'intende
(lie limperatore comenciava molto a fastidiarse per la tardanza che
ha fatta iu Alamagnia senza havere incomenciato nulla. Et scrive a
Doria a levare questi fanti che sono in AfTrica, per poterse Irovare a
tempo nel giongere suo in Genoa per passar in Spania, il quai non
farà la via de Milan', per non ponerli (sic) tempo.
« Per lettere di Yiena s'intende il re Ferdiuando havere fatta una
dietla nella quai haveva demandato che per un anno ogniuno gli
servisse délia sua intrata et che quelli da 100 ducati in giù gli pagasse
un huoino per uno. A la prima demanda si è fatta risposta che tutti
quanti insieme gli daranno solamente xx" raynes, et a la seconda
quelli di 100 scudi in giù gli daranno 800 huomini et non più. Nonobs-
tante qualche remonstracion che habbia saputo fare, con dire che
potrobljc andar a rompere xxiiii" cavalli turchi che erano gionti à Pest
malissime in ordine, per lo longo camino et cativo tempo che hanno
havuto... »
Pellicier a reçu le sauf-conduit de M. de Langey -.
Vol. 2, f° 146, copie du .\vi° siècle; i p. 1/2 in-f".
Reverdy, à .M. rarcovos(iue do Uagusc cl à niesser Pelro. — Ilem, à M. de Rhodez
el à M. de Lodes. » — Le Cat. dex actes de François I" (l. IV, p. 28, n" H, 133)
menliorinc le don de biens menblps cl ininienhles fait .i Paris, en juillet l."J39, à
Guillauine Revenly, à Verdun iJunneau et à Hnberl Pellerin, officiers domestiques
de la reine.
1. Le Juif, apenl socrcl de la cour impériale.
•2. « Escripl le Xir apvril une lettre comiiHine à .MM. Daramont, La Molle, et For-
miguel à laMirandola. — Item, ledicl XIT apvril escripl au seigneur conlc de .Monte
di Risc à Ferrare. »
M. d'Apigny de la Molhe, gentilhomme breton, agenl français établi à la Miran-
dole. On le retrouvera plus loin dans les affaires de Marano (V. la dépêche du
9 mai lbi2).
TaVRIL lyilj GUILLAUME PELLICIER 271
l'ELLlCIER A M. D'aNNEBAULT.
177. — [Venise], 13 avril 154i. — « Monseigneur, entre auUres
serviteurs du roi qui vous feurent faire la révérancc quant fustcs icy,
y eut M. Tévesque de Lodes, lequel pour estre tant bon et afl'ectionné
serviteur de S. M., ne me puys tenyr que je ne vous supplye vous
recorder de luy, affin qu'il ne soyt mys en obly, quant il plaira à
Sadicte Majesté faire mettre à exécution l'espérance que l'on a donnée
de faire quelque récompence à sesdictz aultres serviteurs. Desquclz
j'ay baillé une liste aux seigneurs Gézar Frégoso et Rincon; car,
comme vous sçavez trop mieulx que estant la nature des seigneurs
italliens subgecte à quelque jallosye, comme communément advient
aux généreux cueurs quant ilz sont oblyez ou postposez à leurs
pareilz, pourroit estre peu contant s'il se veoyeoit laissé arrière des
aultres, attendu sa servitude estre si affectionnée, ancienne, et de non
peu d'importance à S. M. Car je vous puys bien asseurer que tout le
temps qu'il a esté icy, il m'a donné d'aussi bonnes adresses et certains
advis que nul aultre, et mesmement en certains traictez et entre-
prinses que l'on vouUoit faire à Hesdin et Marseille, lesquelz feiz
sçavoir de bonne heure au roy, dont depuys y fut très bien pourveu
comme ay entendu. Et de présent luy estant à Rome, il ne fault de
me faire entendre tant amplement et par le menu des nouvelles et
occurrances de delà, et faire, comme je suys très bien adverty, si bons
offices pour S. M. vers Sa Saincteté que, s'il estoyt là pour Sadicte
Majesté, n'en pourroit estre plus songneulx, ne faire mieulx qu'il faict.
Et y vault-il d'aultant plus qu'il a aussi bon accez et crédict envers
Nostre Sainct Père que guères aultres de sa quallilé qui soyent auprez
de luy; comme par effect en a faict bonne démonstracion, l'ayant
mieulx pourveu des vaccacions qui sont escheues en la collacion de
Sa Saincteté durant le temps de troys ou quatre moys qu'il est à Rome,
que à nul aultre qui ait esté là de sadicte qualité. Je suys pour certain
adverty qu'il est de brief pour avoir meilleure charge et moyen de cest
endroict là, pour tousjours povoir faire meilleur service au roy; dont
ne seroyt que bien à propoz de l'entretenyr à ceste heure plus que
jamais, et luy donner seuUement à cognoistre que l'on a souvenance
de ses bons services, en mettant quelque exécution aux promesses
que de mon temps et par moy on luy a faict faire. Par quoy je vous
supplye. Monseigneur, en porter quant viendra à propoz quelque
paroUe au roy et ailleurs où verrez estre bon ; car toutes cez choses,
avecquesle bon moyen, sçavoir et crédict qu'il a pourayder aux choses
de Millau, et la grande constance en quoy je l'ay tousjours trouvé tant
affectionné et bon serviteur du roy, que, pour tenyr son party et la toy
audict seigneur, n'a reffusé d'estre déchassé de son évesché, me
272 AMBASSADE DE [avril 1541]
incitent grandomonl el font prendre la hardiesse vous escripre si affec-
tionnément, et supplyer l'avoir pour recommandé soubz vostre meil-
leure protection et grâce... »
Vol. 2, fo 147, copie du xvr siècle; 1 p. 1/4 in-K
PELLICIER Al' CONNÉTABLE.
178. — [Venise], i 3 avril i 54 1 . — Pellicier recommande au conné-
table la lettre et les intérêts de l'évêque de Lodi.
Vol. 2, r^ 147 v". copie du xvi* siècle; 1/2 p. in-l"^.
PELLICIER AU ROI».
179. — [Venise], 14 avril i 541 . — « Sire, depuys les miennes der-
nières que vous ay escriptes du dernier du passé, est arrivé icy le sei-
gneur Aloisy AUemani qui m'a donné les vostres du xxiii' febvrier et
dédairé bien amplement sa commission selon vostre vouUoir et inten-
cion; sur quoy, aprez avoir ad visé, luy et moy, les propoz qu'il seroyt
bon de tenyr à cez Seigneurs, feusmes vers eulx; et par luy leur fut
exposé tant dextrement et efficacement sa charge et commission, que
dès lors feirent démonstration d'en estre merveilleusement aises el
satisfaictz. Ce néant moings, pour ceste heure là, ne feirent aultre
responce, sinon générale, à leur acoustumée, remercyans très affec-
tueusement V. M., et qu'ilz n'estoyent à présent à cognoistre la singul-
lière et parfaicte amytié que leur portez ; car Tavoyent tousjours
congneu par bons effectz, nous disans qu'ilz adviseroyent de faire res-
ponce plus amplement : laquelle depuys avons sollicitée. Toutesfoiz,
pour avoir esté mallades quelques principaulx d'entre eulx, sans
lesquelz ne povoyent deuement conclure et expédier ledict affaire, ne
se sont résoluz jusques à hier qu'ilz feirent conseil de Diexe, après
lequel nous envoyèrent quéryr, et nous feirent responce la meilleure
et plus affectionnée qu'il estoit possible, par laquelle en somme ilz se
recongnoissoyent et se tenoyent — pour les grans bienfaictz qu'ilz
avoyent receuz de V. M., tant au traictement de leur paix que à la per-
fection d'icelïe, et pour les bonnes offres, espoirs et asseurances que
journellement leur donnez, et mesmement par ce que leur avez faicl
exposer par ledict seigneur Allemani — obligez à perpétuité, et non
seullement eulx, mais toute leur postérité, et qu'ilz acceptoyent vos-
dictes offres en telle asseurance que, advenant l'occasion, ilz ne doub-
i. • Escripl cediet jour à Sainct-Pol, ainsi que est contenu en ung sommaire qui
est avecques les mynules.
• Item, escript au sire Laurens Charles, comme est contenu aux mynutes.
« Jlem, à M. de Boys-Rigaull. »
[avril 1541] GUILLAUME PELLICIER 273
teroyent ne craindroyenl de s'en valloir, et plusieurs aullros tel/,
propoz tendans à semblables fins , lesquelz V. M. pourra mieulx
entendre, tant par l'exposition de la leur qu'ilz en escripvont à leur
ambassadeur prez de V. M. par ledict seigneur AUemani, que aussi
par son rapport, lequel se partyt d'icy hier au soir pour aller vers
icelle.
« Sire, j'ay pareillement receu les aultres vostrcs des xv et xix" jours
du passé avecqucs le pacquet qui s'adressoit à messire Vincenzo
Maggio; dont, suyvant le commandement qu'il vous a pieu me faire par
celle du xv^, de faire entendre à cez Seigneurs l'ouverte déclaration que
leur ambassadeur résidant prez de V. M. vous avoit faicte de la bonne
vouUenté qu'ilz ont envers vous et le bien de voz affaires, suys allé
vers eulx, lesquelz ay remercyez de vostre part le plus cordiallement
qu'il m'a esté possible, et faict entendre fort efficacement qu'ilz ne
trouveront jamais meilleur ni plus constant amy et allié que V. M., ne
qui plus voullentiers ayde et favorise leurs affaires en tout ce qui vous
sera possible, comme ilz pourront conguoistre par les effecLz quant il
en seroyt mestier. Sur quoy ont de rechef faict responce généralle,
remercyant très affectueusement V. M.; et me semble que ledict acte
et remercyement, joinct ce que leur en a escript M. leur ambassadeur
prez de V. M., aura servy à confirmer et ayder à fonder davantage
l'oppinion qu'ilz avoyent jà conceu pour le dire dudict seigneur AUe-
many. Et depuys est arrivé icy l'homme du seigneur Rincon, fort
secrettement, qui à cause du maulvais temps a esté contrainct ses-
journer quatre ou cinq jours, n'estant possible de se pouvoir partyr
d'icy aulcun brigantin, barque ne aultre vaisseau, combien que dès le
jour qu'il arriva y fut donné tout l'ordre et provision nécessaires que
depuys l'on a suyvy et usé. Ce néantmoings s'est tousjours tenu cepen-
dant le plus secrect qu'il a esté possible, de sorte que je pence que son
passaige n'aura point esté divulgué. Toutesfoiz, Sire, encores ne me
YOuUant du tout asseurer en cela, l'ay faict acompaigner d'ung de mes
gens jusques à Raguse, auquel ay donné le pacquet, affin que s'il
advenoit quelque empeschemement, et que on voulsist visiter et
chaircher ledict personnaige, on ne le trouvast saisy d'aulcune chose,
et cependant mondict homme advisast ce [que] verroit estre bon de faire
pour la saulveté dudict pacquet. Hz se partirent d'icy sabmedy ix^ de
ce moys, avecques beau et bon temps, en une bonne barcque fort bien
équippée et garnye de bons mariniers, et à ung besoing assez en
ordre pour se deffendre, qui leur vouldroit donner empeschement,
et le patron d'icelle me promist les rendre audict Raguse dedans
cinq jours.
« Sire, j'ay escript à V, M. par les miennes dernières tout ce que
avoys lors de Levant, et envoyé ung pacquet de messire Vincenzo
Maggio au seigneur Rincon; depuys en ay receu ung aultre que luy
Venise. — 1540-1542.. 18
274 AMBASSADE DE [avrII, 1S41J
pnvoyc préscnlcinciit, icir lociml j'ostiino que V. M. pourra eslre
advcrlye de toutes nouvelles de ce cousté là. Ce néantmoings ne larray
à vous dire ce peu qu'il m'en escripl par la sienne de Andrinopoli du
xxiiii' jour de febvrier, «pii n'est seullenieiil (ju'une répélicion de ce
qu'il m'avoyt faict entendre touchant la charge qui avoit esté du
nouveau liaillfc au he^liarhey de la (jrecia de conduyre mil v"^ génis-
saires et mu' spachi, desquelz avecques le reste de l'exercite qui est
desjà en llougrye le hassa Mahommel avdit esté faict cappitaine
général, et ([ue ledict Itegliarhey faisoyt la nuisse de ses gens en Sophia.
Par lettres <[ue ce/ Seigneurs ont eues de leur ambassadeur près du
tirant Seigneur, «Iii wv dudiet moys de fehvrier, ont entendu que le-
dict (jrant Si'igneur av(jit redoublé lesdict/ génissaires et spachi, car
il mandovt quatre mil génissaires cl mil viii*^ spachi; et que Suliman
Muslafa, son lilz ', alloit avecques ung très grant et puissant exercite
du cousté du Sophi, et la personne dudict Grant Seigneur passe-
royt en Hongrve, ou bien yroit aprez sondict filz. Escripvant aussi
que ledict Grant Seigneur avoyt révocqué le terme d'estre jusques au
xxvii" fehvrier à la chasse aux grues comme il avoit faict son desaing,
voullant aller à Conslantinople pour donner ordre de mettre hors son
armée par mer, en laquelle avoyt, oultre deux cens voilles toutes
prestes, encores trente gallères neufves et en ordre, et que ne se
reposant trop sur Barberousse, melloit dessus aulcuns génissaires et
lui donnoyt comme compagnye Lotphi Bassa. La Soultanc se debvoyt
partyr le \° mars pour aller en Constantinople, et l'ambassadeur de
cez Seigneurs par ordonnance dudict Grant Seigneur s'y' en alloyt
aussi et se debvoyt partyr de Andrinopoli le xxviM'ebvrier : qui est tout
ce que je puys faire entendre pour cesle heure de ce cousté là à V. M.
« Sire, par lettres de Ratisbonne des xxiiF et xxvi"" jours de mars,
cez Seigneurs sont adverty que la contesse Palatine-, sœur de la
duchesse jadiz de Millau 3, estoit arrivée à la cour de l'empereur, et
qu'il avovt mandé le double du contraict de mariaige de ladite duchesse
et du tils de monseigneur le duc de Lorraine * en divers lieux ; et com-
mençoit fort à luy ennuyer et fâcher pour le long sesjour qu'il avoyt
desjà faict là sans rien encommencer, et attendoyt le duc de Saxonia
et le landgrave ^ avecques troys cens chevaulx, n'y estans encores
arrivez nul des protestans. Lesquelz avoyent faict entendre audict
1. Suleyman Mustafa, cinquième fils de Siilcyman 1"'. Ce jeune prince, lettré dé-
licat et vaillant guerrier, fut assassiné par ordre de son père, à Eregli, le 21 sep-
lenabre 1553.
2. Dorothée, fille aînée de Chrisliern H, roi de Danemark, et d'Elisabeth d'Autriche,
sœur de Charles-Quint et de Ferdinand. Née en dolo, elle épousa, le 27 septembre
1532, Frédéric 11, électeur palatin, et mourut en 1580.
3. Christine de Danemark.
». François de Lorraine, marquis de Pont-à-Mousson.
5. Le duc de Saxe et le landgrave de liesse.
[avril i:>4l GUILLAUME PELLICIER 27S
empereur quilz voulloycnl que le pape eust seuUement le spirituel, et
le temporel reslast audict empereur, qui avoit de rechef escript à
Andréa Doria qu'il eust à se trouver à Gennes avecques ses gallères
sur la fin de ce moys, suyvant l'ordonnance que luy avoyt faict faire,
affin d'estre prest pour le passer en Espaigne. Et par une aultre lettre
escripte par icelluy empereur au seigneur domp Diego, icy son ambas-
sadeur, s'entend icelluy empereur l'avoir adverty qu'il luy convenoit
faire avecques les protestans ce qu'il povoyt, et accepter ce qu'il/,
vuuldroyent; laijuelle lettre cez Seigneurs ayant entendu par l'ambas-
sadeur de Manloue ' avoir esté veue entre les mains dudict domp
Diego, l'envoyèrent quéryr pour en entendre ce qui en estoyt. Je n'ay
peu encores sçavoir le surplus de ce qui s'en est ensuyvy; si je pour-
ray entendre de ce chose digne de vous advertyr, je ne fauldrav à ce
faire.
« Sire, j'ay escript à V. M. comme à une dietle que le roy des
Romains avoyt faict faire, ceulx à qu'il avoit demandé tout leur revenu
d'une année avovent respondu estre contans luv en bailler la movlié
en terme de deux moys, et la reste en terme de six ; et ceulx qui
avovent au dessus de cent escuz d'entrée luy bailleroyent ung homme
à cheval pour six moys. Toutesfoiz, par aultres lettres de l'ambassa-
deur de cez Seigneurs prez dudict roy des Romains, s'entend les choses
estre passées aultrement; car ceulx de cent escuz en hault luv ont
accordé seullement tous ensemble xx'" raynes, et ceulx d'au dessoubz de
cent escuz n'ont accordé que tous ensemble pour une foiz viii*^ hommes,
quelques remonstracions qui ait sceu faire ledict roy, allégant que
estant secouru de ce qu'il les recharchoit, il pourroit aller rompre
XX™ chevaulx turcqs qui estoyent arrivez à Pest très mal en ordre, et,
pour la longueur du chemyn et maulvais temps, tous deffaictz.
« Sire, par lettres du secrétaire Fidel, cez Seigneurs ont eu confir-
mation des nouvelles cy-dessus de Ratisbonne ; et davantaige que
l'empereur feroyt peu de fruict en ladicte diette, lequel avoit remys
entre les mains du marquis du Guast lOO"" ducatz et 50™ m pelto de
domp Lopes, pour estre employez à la conservation de Testât de
Millau, et que le dernier jour d'apvril ledict empereur seroyt à Gennes
pour s'embarcquer,
« Sire, j'ay receu une lettre d'Allemaigne d'ung vostre serviteur
duquel vous en ay envoyé une aultre par cy davant. Et pour ce, Sire,
que j'estime que pourrez bien entendre qu'il est, ne vous le especif-
fieray aultrement ne déclare le contenu d'icelle, de laquelle, pour
estre dilficillement escripte, et avoir ung peu la praticque de lire telle
1. Heiiedello Ajitiello, qui résida longtemps h Venise et fui l'un dos principaux
compagnons <le débauche du fameux Arélin (V. Pierre Gauthiez, loc. cit., p. 250 et
passirn).
276 AMBASSADE DE [avuiL 1o41]
Irlire, m'a semblé vous en debvoir plus lost envoyer le double que
l'original.
« Sire, j'ay aussi icrcu Icltros d»' M. l'évesque de Transilvania,
connue il tsloil arrivé à Uaguse ; auquel la Seigneurie de là avoit faict
loul le bon recueil et Iraictement qu'il est possible, voire jusques à
lavoir dellrayr, et ce pour la recommandation et advertisscmont que
j'avois faict de luy à icolle, l't combien il i-stoyt voslre allectionné-
serviteur. De quoy na failly par une sienne qu'il m'a escripte à er*
remercyer très bumblement V. M., se tenant grandement serviteur
d'icellf. 11 m'a envoyé une lettre pour faire tenyr que vous envoya
présentement. M. l'arcevesque de Haguse n'a failly aussi à y faire très
bien son povoir, comme il est acoustumé faire à -tous voz serviteurs,
le logeant en sa maison et usant de toutes les courtoisyes et honnes-
tetez qu'il luy a esté possible. Lequel m'escripl que le bassa Mahommet
avoyt esté faict, comme dict est, général de tout cest exercite, pour
aultant que les san/.acques desquel/, vous ay escript par cy davant avoir
faict l'exercite de W" chevaulx pour la Hongrye ne s'accordoyent point.
Ledict évesque de Transilvania se partyt de Raguse le xxx'^ de mars,
ainsy que m'a escript ledict arcevesque, avecques bonnes guydes pour
continuer son voyage, prenant droict son chemin à Bellegrade, et de
là en Transilvania, et puys. en Hongrye trouver la royne. Dieu luy
vueille donner bon voyaige; il m'a tousjours asscuré que estre arrivé
là ne fauldra de nous advertyr de toutes les occurances qui survien-
dront de ce cousté là.
« Sire, faisant la présente dépesche j'ay receu encores ung aullre
pacquet de messire Vincenzo Maggio pour ledict seigneur Rincon, que
luy envoyé présentement, par lequel V. M. pourra entendre plus
fraisches nouvelles du Levant que celles cy dessus. Il m'escript, par sa
lettre du iif de mars de Andrinopoli, que ledict bassan Mahommet se
partiroyt de là dedans xii jours pour la Hongrye; et que leGrant Sei-
gneur ne se bougeroit plus tost que le xxv-' dudict moys, et qu'il
alloyt faire son baieran picolo\quQ l'on veult entendre l'une de ses-
pasques, en Constantinople; et se murmuroit fort de la raison pour-
quoy il y retournoyt, non sçaichant ne povant pencer à quelle fin.
M'escripvant aussi qu'il estoyl venu nouvelles comme les Géorgians-
s'estoyent uniz tous ensemble, tant ceulx qui sup'oyent le party du
1. Le petit Beïrani, importante fête religieuse de rislamisme, qui marque la fin
du jeûne du Ramadan. Elle se céléhre le premier jour de la lune de cliaoual, par
des sacrifices d'agneaux et do moulons, des musiques, des festins et des réjouis-
sances de toute sorte; elle dure trois jours.
Le grand Beïram a lieu le dixième jour de zuledghé, le dernier mois de l'année,
en commémoration du pèlerinage de la Mecque, que tout bon musulman est tenu
de faire dans ce mois.
L'année maliomélane étant lunaire el beaucoup plus courte que la nôtre, ces
fêles sont essentiellement mobiles.
[a>TIIL 1541] GUILLAUME PELLICIER 277
Sophi, que du Grant Seigneur, et avoyent en une nuict assailly les
Sophiens, desquelz avoyent desfaiclz envyron douze mil, et emporté
pour signe de victoire plusieurs testes, nez etaureilles. Qui est tout ce
(ju'il m'escript et que puys dire pour ceste heure à V. M. »
Vol. 2, f*^ 148, copie du xvi« siècle; 4 pp. 3/4 in-P.
1>ELLICIER AL" CONNÉTABLE.
180. — [Venise], 14 avril 1541. — « Monseigneur, par la dernière
«dépesche que j'ay faicle au roy, ne vous ay poinct escript, pour aul-
tant que j'avoys entendu que estiez allé en Bretaigne et que à la
réception de mon pacquet à grant peyne pourriez estre de retour à la
court. Toutesfoiz à présent n'ay voullu laisser de continuer, estimant
bien, selon mon souhaict, que y pourriez estre arrivé à la réception
de cestuy-cy, bien que oultre ce que j'escriptz à S. M., n'aye grant
chose digne de vous faire sçavoir. De quoy me sembleroyt chose
superflue de vous faire aulcune répéticion; tant seullement vous diray
comme a esté découvert ung traicté qui se faisoit à Glissa, duquel ay
escript au roy dernièrement, mais non si amplement comme Tay
entendu depuys. Lequel se conduysoyt soubz le pape et lempereur
qui, ainsi comme on dict, avoyent intelligence avecques troys demys
Turcqs, et demys chrestiens, qui avoyent le maniement de cest affaire
avecques Tévesque de Traour. Lesquelz troys feurent mandez^à Rome
parler avecques Sa Saincteté, qui leur feist donner vc ducatz, et
escripvyt à Anconne qu'ilz leur feussent baillez tous les gens et secours
qu'ilz demanderoyent. Lesquelz avoyent grant amytié et intelligence
avec les gardes de Glissa, de sorte qu'ilz entroyent dedans jour et
jQuict, et à telle heure qu'il leur plaisoyt. Dont facillement la povoyent
desrober, n'eust esté que ung dentre eulx dist le tout à sa femme,
laquelle le conta à une aultre qui soubdainement l'alla dire au po-
destat', qui sans faire aulcune demeure escripvist le tout à Glissa : de
sorte que deux des troys qui faisoyent ladicte entreprinse feurent
esquarlellez. De quoy ceste Seigneurie ayant esté advertye fut d"oppi-
nion de mander quéryr aux fers ledict évesque. Et aultres feurent
d'advis escripre audict podestat dudict Traour qu'il feist entendre à
icelluy évesque de par ladicte Seigneurie qu'il eust à se présenter et
ven}T vers icelle. Et sur ce fut faict grant dispute entre cesdictz
Seigneurs, Toutesfoiz la chose fut différée, et depuys a esté deux con-
seilz de Diexe où ne s'en est point parlé. Dont l'on estime que la chose
est assouppye, et qu'il ne s'en parlera plus.
1. Podestat fdii latin potestas, pouvoir), nom donné dans lieaufoup «le villes
d'Italie, au moyen âge, à certains magistrats investis de l'autorité pahiii]ue. Leur
-origine remonte au xii" siècle.
278 AMIUSSADE DE AVRIL i:,il
« MonsL'igneiir, (iiR'l»[ui' iin^ m'a dict icy avoir nouvelles que l\'uipe-
reur vouUuit mander le marciuis du (iuasl pour eslre cappitaine
général de tous les gens de guerre italliens qu'il veut faire pour
reulnprinse de Hongrye; et que au lieu dudicl marquis pour le gou-
vernement de Millan, dchvoyl mander quelque grant seigneur espai-
gnol de ceulx qui sont auprez de iuy, ne me le scaiclianl aultrement
nommer ne déclairer...
« Monseigneur, depuys avoir faicl la présente j'ay veu par lettres
de Couslantinopli' (ju».' le (Jrant Seigneur voulloyt faire troys armées,
l'une pour mander en Hongrye, l'autre vers le Sophi, et celle de mer
avecques Barberousse en la Pouille. »
Vol. -', fo 130. copie du xvi"^ siècle : 1 p. 1 '.'{ in-P.
PELLICIER A M. n ANNKintl.T.
181. — [Venise], 14 avril 1511. — Pellicier entrelient le maréchal
du plein succès de la mission d'Aloysi Alamanni à Venise; il a reçu un
excellent accueil de la part de la Seigneurie : on lui a même faict
« ung petit présent ». Pellicier termine sa lettre en donnant à M. d'An-
nebault les nouvelles du Levant contenues déjà dans sa lettre au roi,
datée du même jour.
Vol. 2. fo iljl, copie du xvi'^^ siècle: 3/» p. iii-f°
PELLICIER A CESARE FREGOSO.
182. — [Fenise], 14 avril 1 ')4i . — « Monseigneur, je croy qu'il
n'eust esté possible à homme de povoir recepvoir plus grant plaisyr
et consollation que j'ay faict à la réception de celle qu'il vous a pieu
m'escripre du xx" du passé, tant pour avoir entendu vostre convales-
sancc que désiroys plus que toutes aultres choses, que aussi de l'as-
seurance que me donnez du contentement que S. M. a de mon service,
chose qui procède plus de sa naturelle bonté et rapport de mes bons
seigneurs et àmys, desquelz vous estime Tung des principaulx, que
pour mes mérites; et ne me sçauroit faire récompense plus agréable
que ceste-là. Je ne vous sçauroys assez humblement remercyer du
bon office que avez faict et faictes ordinairement pour moy par delà.
S'il m'estoit possible vous povoir donner à cognoistre par elTect quelle
dévotion et obligation je vous porte, je en feroys telle démonstration
que sçauroyt faire le filz au père; mais n'y povant faire aultre pour
ceste heure, il vous plaira accepter le bon voulloir pour l'effect, en
attendant que l'occasion s'adonne de vous pouvoir faire quelque ser-
vice. Et cependant vous diray comme j'ay eu lettres de l'amy d'Aile-
[avril iSil] GUILLAUME PELLICIER 279
maignc par les mains de ïassin, faisant entendre comme l'empereur
avoyt eu lettres du Juyf, l'advertissant que le Grant Seigneur l'aisoyt
marcher son camp mieulx en ordre qu'il n'estoyt l'autre foiz qu'il vint
en Hongrye, et qu'il y venoyt en personne. Son armée de mer esloyt
en ordre pour faire voille, mais l'on ne povoit entendre de quel cousté
la voulloit mander. Il escript aussi que l'empereur et TAUemaigne ne
l'estiment du cousté de Vienne, ayans faict six mil hommes de pied,
et mettoit l'on ordre pour faire gens de cheval, et quelque nombre de
chevaulx légiers, tous ilalliens, i)0ur mander à Vienne avecques force
municions. Je envoyé ung double de ladicte lettre au roy, pour aullant
que l'original est un peu malaisé à lire, pour estre mal escript. Je en
ay envoyé d'aullres par cy davant, et supplyé me faire responce si je
debvoys continuer à faire la despence qu'il y convient faire; mais l'on
ne m'en a jamais faict responce. Je vous supplye, continuant tous-
jours de me mainctenyr soubz voslre faveur et protection, si vous
trouvez à propos, d'en dire ung mot où cognoistrez qu'il sera besoing,
affin que l'on me advertisse de ce que j'en auray doresnavant à faire,
et me vouUoir donner provision tant de cella que des aultres choses
extraordinaires qu'il nie convient faire ordinairement, comme vous
sçavez très bien... Il vous plaira avoir souvenance des bons serviteurs
du roy et ingéniers qui sont icy, entre lesquelz y en a ung qui s'atten-
doyt que bientost aprez vostre arrivée à la cour auroit responce du
party qu'il cherche et quelque provision d'argent. C'est celluy qui faict
le bronze; lequel est venu vers moy pour avoir quelque secours, en
attendant responce de vous; ce que ay faict ainsi (ju'il m'a requis.
Dont vostre plaisyr sera y faire donner ordre le plus tost qu'il sera
possible, et vous recorder aussi de messer Jean Carrare', ingénier
fort expert à trouver eaues, comme vous ay escript, auquel je désire
grandement donner à congnoistre combien vouldroys faire pour luy.
Vous sçavez qu'il est homme qui le vault, et pour ce je vous le
recommande et moy aussi humblement à vostre bonne grâce, etc. »
Vol. 2, f° 151, copie du xvi'^ siècle; i p. 1/2 in-f°.
PELLICIER A RINCON. '
183, — [l'enise], 14 avril 1541. — « ... Monsieur, je vous diray
comme celluy que avez envoyé en Levant partyt d'icy le ix"^ de ce moys
aprez my-nuict, en fort beau temps, et en une bonne barque fort bien
équippée; le patron de laquelle, qui est Scarpe*, me proumist le
1. Giovanni Carrara, ingénieur.
2. Scarjia. — Des lettres de natiiralité furent accordées, en juin loi2, à Laurent
de Scarpe [Lorenzo Scarpa], natif de Gènes, et à Isabelle de Laugel, sa femme,
venus en France au service de Cesare Fregoso (Cal. des actes de Franrois l",Suppl.,
l. VI, p. 342, n" 12, 611). Peut-être s'agissait-il du même personnage.
280 AMBASSADE DE [AVRIL ib4l]
rendre en Ilaguse dedans cinq ou six jours, s'il ne luy survenoyL bien
le vent contraire '... »
L'envoyé de Kincon fut un momenl « en grant ennuy et peyne de
ses liardes, qui demeurèrent (jualre jours depuys qu'il fui icy, et estions
quasi liors d'espérance qu'il/, deuhsent venyr à bon port; toulesfoiz le
jour mesines qu'il estoyl prest à s'enibarcquer, y arrivèrent, et les a
emportées avecques luy, faisant son voyaige plus joyeusement qu'il
n'eusl faict s'ilz feussenl demeurées arrière... »
l*i'llicier envoie à Uincon les deux paquets reçus de Vincenzo
Maggio, et lui donne les nouvelles d'Allemagne et de Levant contenues
dans les précédentes lettres au roi et à Cesare Fregoso.
Vol. '2, f" l."12, copie ihi WF siècle; i p. 1/2 in-f".
l'ELLIClER A M. DE VILLANDRV.
184. — [Venise], i4 avril 1541 . — « Monsieur, bien que par les
dernières dépesches que j'ay eues de la court n'en aye receu aulcune
de vous, ne moings celles du roy eslre signées de vostre main, tou-
lesfoiz si n'ay-je voullu laisser à vous faire la présente, espérant que
serez lors de la réception de cesle dépesche à la court, plus pour ne
discontinuer de vous escripre que pour chose que j'aye digne de ce
faire; car oullre ce que j'escriptz présenlemenl au roy, que suys
asseuré que verrez, ne vous sçauroys dire aullre chose, sinon ce que
vous mesmes sçaurez mieulx que de ce couslé. S'il esl ainsi, ce néanl-
moings si n'ay-je voullu obmetlre à vous le faire entendre, c'est que le
secrétaire Fidel a escripl à cez Seigneurs que le roy avoyt escript au
seigneur marquis du Guasl qu'il avoit forliffyé Kyrasto^ qui estoit
contre les cappilulacions de la trefve, et qu'il voulsisl faire retourner
les choses en leur premier estai; aullremenl par là Sadicte Majesté en-
tendoyl la Irefve eslre rompue, à quoy ledicl seigneur marquis luy
avoyt respondu que moult voullentiers feroyl retourner le tout en son
entier, pour agréer audict seigneur roy. Au demeurant, je vous prye
faire lenyr tous les pacquelz enclodz en cesluy-cy où ilz s'adressent, et
mesmemenl celluy de mon homme le prieur de Saincl-Pol, et vous me
ferez bien grant plaisyr, que recongnoislray toutes foys et quantes qu'il
vous plaira m'employer... »
Vol. 2, fû 153, copie du xvr" siècle; 1/2 p. in-f^.
1. V. la lettre au roi du 14 avril.
2. Cherasco, ville forte du Piémont, au confluent de la Slura et du Tanaro, à
3o kiloni. de Mondovi.
! AVRIL lo4l] GUILLAUME PELLICILR 28i
PELLICIER A M. DE LIMOGES 1.
185. — [Venise'', 1 4 avril 1 54 1 . — Pellicicr a reçu la lellre de Lan-
geac du 1" janvier, « en faveur et recommandalion de maître Léonard
Aleaume », auquel il promet de s'intéresser '.
« ... J'ay esté fort desplaisant d'avoir entendu vostre si longue
détemplion de malladye, de laquelle je supplye Noslre-Seigneur vous
vouUoyr exempter. Et puysqu'il vous plaist me faire sçavoir de vostre
estât, vous diray aussi que depuys que suys icy je me suys tousjours
si sainement porté que n'ay eu aulcune indisposition qui m'ayl gardé
ne empesché de faire le service du roy par deçà, vous advisant que ses
affaires y sont en très bons termes, Dieu mercy. Je ne veulx oblyer à
vous dire chose que à mon adviz aurez grant plaisyr d'entendre, c'est
que depuys quatre ou cinq moys vostre ancien et nostre commun amy,
M. de Lodes ^ alla à Rome par mandement du pape; duquel et de
tous les siens a esté tant bien veu et recueilly que Sa Saincteté l'a mieulx
pourveu des vaccations qui sont escheues en sa collation durant ledict
temps que nul aultre qui ayt esté là de sa quallité. J'ay esté adverty
qu'il a entendu que le roy vouUoyt de bryef faire quelque récompence
à ses serviteurs qui sont de deçà; du nombre desquelz à bon droict
luy semble ne debvoir estre laissé ne oblyé, comme l'ung des plus
affectionnez. Dont désirant aultant son bien et advancement que le
mien propre, je en ay escript, le plus efficacement et affectionnément
qu'il m'a esté possible, à ceulx qu'il m'a semblé luy povoir ayder, et
mesmement à MM. le connestable, d'Hannebault et Rincon, afin que
leur plaisyr soyt luy vouUoir donner faveur envers S. M. qu'il ne soyt
mys en obly. Et encores que soys bien asseuré que ne désirez moings
son bien que moy, ce néantmoings je vous prye en parler ausdictz
seigneurs et aultres voz amys, quant viendra à propoz; et de ce je ne
■demeureray moings obligé à vous que si c'estoyt pour moy mesmes... >>
Vol. 2, f" lo3, copie du xvi*^ siècle; 1 p. in-f°.
1. Jean de Langeac, né à Langeac (Haute-Loirej vers la lin du xv° siècle, mon à
Paris le 22 mai 1541, ou plutôt, suivant Gams, le 2o juillet de la même année. 11 fut
successivement protonotaire apostolique, conseiller au grand conseil, grand-aumô-
Jiier du roi (1516), évoque d'Avranches (1526-1532) et de Limoges (1532-1541), niaitre
des requêtes (1535), chargé de nombreuses missions diplomatiques en Portugal, en
Pologne, en Hongrie, à Venise (1528), en Suisse (1531), à Ferrare (1535 et 1536), en
Ecosse et en Angleterre (1537), et enfin ambassadeur à Rome, du 9 septembre
1539 au 30 juin 1540 (B. N., nis. Clairambault 1215, T 79 v"). Son successeur au
siège de Limoges fut Jean du Bellay, nommé le 22 août 1541.
Etienne Dolet, qui avait été secrétaire de Langeac, vers le temps de son ambas-
sade à Venise, lui a dédié son traité De /er/a^z.?, imprimé à Lyon en cette année 1541.
2. Léonard Aleaume, limousin, recommamlé par son évêque.
3. Lodovico Simonetta, évêque de Lodi.
282 AMBASSADE DE [avhil 1541]
l'EIJ.ICIEH A M. I>i: l.ANdLV.
186. — l'i'iiisr , /.") nriil loi I . — " Monsieur, j'ay roceu la vuslre
du xxx' (lu passé par h- pcrsonnaige que sçavez, (|ui se parlyt d'icy
sahmedy pour couliuuer son voyaifi;e. Il n'a esté sans granl esmoy et
peyne du si long sesjour que ont demeuré ses hardes à venyr; et jà
avions «juasi jxM-du l'espérance (pi'ilz deubscnt jamais arriver à bon
port : ce néanlmoings, le jour (ju'il se debvoyt embarcquer, le tout y
vint sans avoir eu auleun dommaige. Vous remercyant bien fort du
cort're et couvertes ' qu'il vous a pieu m'envoyer, je suys aprez pour
veoir de trouver quelque chose pour vous mander en conlreschange
par vostre mullelier, lequel j'ay faict demeurer icy quelques jours,
voyant aussy le temps cstrc très maulvais pour se mettre en chemin.
Le seigneur Aloysi Allemani s'est party d'icy ce malin avecques très
bonne réputacion de cez Seigneurs, <[iii ont faict une responce si très
affectionnée et pleine de bon vouUoir vers S. M. qu'il n'est possible de
plus: laquelle luy ont baillée par escript pour porter à leur ambassa-
deur (jui est prez du roy, qui de par eulx la face entendre à S. M. Hz
luy ont faict ung petit présent, en signe de bennevollance, seullement
de III'^ escuz; et pour ce, Monseigneur, qu'il a voullu avancer son
voyaige le plus qu'il a peu, s'en est allé faire ses pasques à Ferrare,
où avoit affaire pour quehjues jours -. Dont estimant plus tost la pré-
sente dépesche povoir estre à la court (jue luy, avons advisé estre le
meilleur advertyr S. M. de tout. Par quoy je vous prye faire tenyr le
pacquet le plus tost qu'il sera possible, pour aultant qu'il y en a deux
aultres dedans de Conslanlinople. Toulesfoiz je ne sçay s'il y a chose
en iceulx de grant importance, car messire Vincenzo Maggio ne m'en
escript pas grant cas par les siennes duxxiiii" febvrier... » etc. Suivent
les nouvelles de Levant contenues dans la lettre au roi, du 14 avril.
« ... Monsieur, je vous envoyé votre saufconduyt que ay receu,
suyvant ce que vous avoys escript par les miennes dernières; je pence
que le trouverez en très bonne forme. Ledict messire Vincenzo m'es-
cript avoir eu responce de Barberousse sur la demande qu'il luy avoyt
faicte d'avoir la lettre missive pour pescher le courail ■', et que mais
qu'il soit retourné à Conslantinople, qu'il l'aura; mais que je l'aye
receue je ne fauldray pareillement vous la faire tenyr. Et cependant
vous diray que j'ay demandé congé à cez Seigneurs de povoir enlever
de Bresse* les harnoys que m'avez escript pour M. le cappitaine Mon-
1. Coiiverlinv>.
2. Voir dans llibiitr (I. I. p. "l'JO) lo liillot en italien, l)iilcl tout empreint de cour-
toise déférence, d'l';rc(jlc rl'Esle au roi, daté de Ferrare, le 20 avril Lïil, et rap-
porté par Alanianni au retour de sa mission.
3. Corail,
l. Hrescia.
[avril 1541] GUILLAUME PELLICIER 28^
nynes '; lesquelz ne m'en ont faict aulcime difficulté. Ce néantmoings
ilz ne le peuvent accorder du tout que premièrement cela ne soyt passé
par le pregay, ce qu'ilz m'ont promys de faire au premier jour, qui
ne poura estre que aprez ces festes, que ne fauldray les en remen-
tevoir. »
Pellicier termine sa dépêche en mentionnant, dans les termes de la
lettre du 14 adressée au connétable de Montmorency, le bruit ([ui court
de la nomination du mar(iuis del Yaslo comme généralissime des
troupes italiennes.
\ul. L', 1'" 153 W, copie du xvi° siècle; 1 p. 1/1 in-f°.
PELLICIER A LV DUCHESSE DE KERRARE.
187. — Venise, 19 avril 1541 . — « Madame,.... pour cesle heure
ne vous puys dire aultres nouvelles, sinon que M. de Langey m'escript
que luy et ses voysins sont tousjours parlans de paix et amytié, mais
se préparans chascun de son cousté des choses requises, tant à
ofTencer que à se deffendre ; et que il avoit couru quelque bruict à la
court que l'Angloys se voulloyt remuer, à cause qu'il avoyt faict passer
quelques gens deçà la mer. Dont, à ceste cause, le roy y avoyt envoyé
le seigneur de Taix-, qui a rapporté que c'estoit seuilement pour le
reffraichissement et changement de la garnison de Calais^. Toulcsfoiz
S. M. n"a laissé d'envoyer en Picardye monseigneur de Vandosme'' et
les seigneurs de Piennes ^ de la Roche de Mayne ^ et aultres cappi-
taines de la garnison du pays. M'escripvant aussi une très fâcheuse et
desfortunée nouvelle qui est arrivée à la court puys naguères, laquelle
\. M. (le .Molines, gentilhomme tlo la chambri' ilu dauphin. 11 l'ut envoyé, quel-
ques mois plus tard; par Franrois I" au-devant de l'empereur, en Toscane, pour
se plaindre de l'attentat commis contre Rincon et Fregoso (V. Charrière, loc. cit.,
t. I, pp. 517 et 318).
2. Jean de Taix, gentilhomme de la chambre et panetier de François I" (i"i2'.»i,
chevalier de l'ordre du roi, gouverneur et maître des eaux et forêts de Loches,
ambassadeur extraordinaire à Rome (1538), colonel général de l'infanterie (1543) et
grand-maître de l'artillerie (1346): hié an siège de Hesdin en 1333.
3. Voir la Correspondance Ac'MdiViWfic., pp. 2"6 et suivantes. Le iirétexte de la mission
de M. de Taix était de s'informer de la santé de Henri YI (Vil. ibid. et Stale jxipers
of Henry VIU, vol. VIII, 5' partie, pp. 343-3i4).
4. Antoine de Bourbon, duc de Vendôme, gouverneur de Picardie, né au château
de la Fère (Aisne), le 22 avril 1518, mort aux Andelys le 17 novembre 1362. Il devint
roi de Navarre à la mort de son beau-père. Henri tl'Albret, le 25 mai 1555.
5. Antoine de Ilallwin, seigneur de Piennes, Bugenhoult et Maignelais. chevalier
de l'ordre du roi, puis grand louvetier de France, tué au siège de Thérouaniie en
1553. 11 avait épousé Louise de Crévecœur, veuve de Guillaume Tiouflier, seigneur
de Bonnivet, amiral de France.
6. Charles Tiercelin. seigneur de la Roche-du-Maine, gentilhomme de la chambre
ilu roi, capitaine de cinquante lances d'ordonnance, lieutenant-général et gouver-
neur de Mouzon (1343), capitaine de Beaumont-en-Argonne (1566).
284 AMBASSADE DE [avril 1541]
VOUS escriptz assez mal voullcntiers pour le danger où a esté monsei-
gneur dCMléans à la mort du baron de Castelnau, héritier de la maison
de GrauKtnt, tué par les lacquaiz sur le pont d'Amboyse ', en revenant
du courber de S. M. Et se relirarit k son logeis, environ onze heures
de nuicl, en cesle manière <}ui' eul\, voyans lesditz laccpiaiz sur ledict
pont, devisans ensemble et sonnant le tabourin, vouUenté leur print
de leur faire paour, s'approcliant d'eulx, commençant à cryer : « Tue!
Tue! » Iceulx lacquaiz tournèrent visaige, et le plus prompt faillyt à
donner un coup d'estoc au travers du corps de mondict seigneur
d'Orléans, ce qu'il eusl faict, n'eust esté que ledict Castelnau se mist
au devant qui receut le coup, (jui soubdainement cheut mort en terre.
El cncores jteu s'en laillyl que, tum!)anl l'espée nue eu la main dessus
ledict seigneur d'Orléans, IcMiuel il renversa soubz luy, ne renlerrast
desadicte espée; mais Noslre-Seigneur, par sa divine grâce, n'avoullu
permettre que il soyt arrivé ung si grant mescbef et perte à toute la
France... *
« De Venizc »
"N'ol. 2, i" 153 v°, copie du xvi"^ siècle; 1 p. in-f"^.
PELLICIER A VINCENZO MAGGIO '.
188. — [Venise], 25 avril 1541. — Pcllicier a reçu les lettres de
Maggio, en date des 3 et 23 mars, avec celles adressées à Rincon, qu'il
a pris soin de lui transmettre.
« ... Per letlere de Ralisbona del primo aprile s'entende clie fmo
aquello di non se era fatta nulla in quella dielta, per la lardanza delli
principi d'Allamagna, et se dubita che anzi Pascba non se farà niente
overo puocho. Era già passato un mese che l'imperalore arrivo li, e
XVII giorni che'l legato dal papa * arrivô anchora li senza haver potuto
far niente. Il langravio % gli tre duchi di Bavières *, il duché de Brans-
\. Le fait est relaté, avec quelques intéressantes variantes, par Brantôme (édit.
Lalanne, t. Ill, p. 180) et par de Thou {Histoire universelle, livre xxiv; La llave,
1740, li vol. in-i», t. II, p. 49.3).
Le baron de Caslclnau, gentilhomme gascon, avait un frère, seigneur delà Motle-
Caslelnau de Clialosse, qui fut mêlé à la conjuration de la Renaudie et décapité
(loOO) près de ce même pont d'Amboise où lui-même avait été grièvement blessé
naguère, en cherchanl aussi à i)rotêger le duc d'Orléans.
2. « Escript le dernier apvril à MM. de Ilhodez et évesque de Lodes à Romme. •
3. En italien.
4. Gasparo Contarini, cardinal légat.
5. Pliilippo le Maf/naii'tne, landgrave fie Hossc.
0. Guillaume IV le Constant, né le 13 novembre 1493, mort le 6 mars looO; duc de
Ravière, de 1508 à looO.
Louis X, frère pu! né de Guillaume IV, né le 18 septembre 1495. mort le 22 avril 1545;
il régna sur une partie de la Bavière, de 151f) à 1545.
Louis V le Pacifique, prince électeur [lalalin, de la branche de la maison de Wit-
telsbach. Né le 2 juillet 1478, mort le IG mars 1544, il régna de 150S à 1544.
[avril la4l] GUILLAUME PELLICIER 285'
vie \ et sei vescovi, grandi principi Je llmperio, erano gionti et il car-
dinal de Maiance, eleltor et canccllier de llmperio, si aspettavano fra
doi di -. Il ducha di SaxoniaS apresso del quai c Luther, si è excusato
par un messo da non andar, causando le sue podagre... »
On dit que l'empereur, après avoir expédié les affaires de la diète,
viendra en Italie et de là passera en Espagne, sïl ne survient aucun
empêchement. L'opinion de la cour impériale est que la Hongrie n&
court aucun danger pour cette année de la part des Turcs ; d'un autre
côté, le Grand-Seigneur ne parait pas avoir en ligne, actuellement,
sur mer, plus de trente galères.
Vol. 2, f" 154, copie du xvi« siècle; 1 p. 1/2 in-f°.
PELLICŒR A M. DE RAGUSE *.
189. — Venise, 23 avril 1 54 1 . — Pellicier a reçu la lettre de l'arche-
vêque, avec celle de Vincenzo Maggio.
« Di Venelia. »
Vol. 2, f» 155, copie duxvi° siècle; 1 p. in-f.
PELLICIER AU ROI •\
190. — [ Veniae], 30 avril 1 541 . — « Sire, j'ay escript le xiiii^ de ce
moys à V. M. comme le seigneur Aloysi Allemani estoyt party d'icy
avecques responce de cez Seigneurs qu'ilz adressoyent à leur ambassa-
deur prez de vous, pour vous la faire entendre. Dont, estimant que
avant la réception de la présente pourra estre arrivée vers vous, et aussi
que pourrez avoir receu lesdictes miennes dernières, par lesquelles V. M.
l'aura sommairement entendue, ne m'estenderay à vous en faire aultre
répéticion, ne de l'ordre qui fut donné à celluy que le seigneur Rincon
a envoyé par deçà pour son voyaige ; mais bien comme hier arriva icy
de retour l'homme que je avoys envoyé avecques luy jusques à
Raguse, qui m'a apporté lettres de M. l'arcevesque de là, m'advertis-
santque le xvni'= apvril y estoyent arrivez. Et le landemain matin xix*
se partyt bien accompaigné pour continuer son voyaige, lequel, j'es-
père, avecques l'ayde de Dieu fera en bonne prospérité. Et ad ce que
1. Ernest I", duc de Brunswick-Lunebourg, né en li9". mort en 1546.
2. Albert de Brandebourg, né en 1490, mort le 24 septembre 1545, évêque d'Hal-
berstadt et archevêque de Magdebourg (lol3-1343), puis de Mayence (1514-1545),
cardinal (1518).
3. Jean-Frédéric le Magnanime, duc de Saxe.
4. En italien.
5. « Escript cedict jour au seigneur Rincon, et à Sainct-Pol le pénultimc de ce
moys. Et a esté retenue cesle dépesche jusques au V° may, que fut escript au sire
Laurens Charles : dont du tout n'en fut faict mvnute. •
280 AMBASSADE DE [aVRIL i:i41j
je puys comprendre par ce que in'escript messire Vincen/.o Maggio, il
sera le très bien venu; car il/, sont atlendans en ce pays là à granl
(lévolion nouvelles do V. M. Ducjuel messire Vincen/.o ay receu deux
lettres de .\ndrino[)oli : la première du \xiii'" mars, par laiiuelle ne
m'escripl auUre, simm que le (iranl Seigneur en dehvuyl parlyr le
wvi'' dudicl mois pour aller à Ouislanlinople et (jue le begliarhey de
la (îrèciase parlyl le .wvm' dicelluy moys pour aller à Sophia, atten-
dant le hassan .Maliommet pour là faire la masse des gens de guerre
<iu.' r.»n (loiltl mander à Budc; et par Taultre, du wviii» dudict moys,
m'escripl ([ue le iiT de ce moys se parliroyt de Andrinopoli pour
suivre le (jranl Seigneur (jui, en contirinalion de ce que dessus, se
l)artvl ledict xxvi", Taisant son desaing eslrc dedans neuf jours audict
C<»nslanlinople. 11 avoyl laissé ledict bassan .Maliommet audict Andri-
nopoli, (lui s'en debvoit |)artyr le dernier dudict moys pour Bude, con-
duisaiil avecques luy tous lessangiacques de la Grècia, excepté celluy
de la .Morèa. Kl que, comprins les gens de guerre qui se retrouvoyent
jà à Bude, et ceulx qui y alii»yent lors, seroyent au nombre de iiir\M
chevaulx, et de troys mil janissaires. Et se murmuroyt fort à la Porte
que si l'empereur alloyt à l'emprinse de Hongrye, que ledict (irant
Sei^-neur se mouveroyt. Escripvant aussy que Périmpèter avoyt mandé
ung sien homme à la Porte, offrant de traicter la paix entre le (irant
Seigneur et le roy Ferdinando : auquel a esté respondu que ledict
Grant Seigneur se soulcyoit peu de sa paix ne de sa guerre. Petro
Bogdan', suyvant ce que ay escript à 'V. M. par cy devant, estrestably
en son siège; lequel a promys au Grant Seigneur faire bonne guerre
audict Ferdinando. L'arcenal en Conslantinople se sollicitoyt en toute
dilligence; dont, ainsi qu'escript ledict messer Yincenzo, ayant entendu
de là que le vice-roy de Naples rêveoyt les places maritimes dudict
royaulme, Ton ne s'en esmerveilloyt point, car n'estoyt sans propoz,
ce néantmoings n'y avoyt point de certitude où ledict Grant Seigneur
voulloyt mander son armée de mer. Qui est tout ce que je puys dire
pour ceste heure à "V. M. de ce cousté-là.
« Sire, l'on a entendu de bien bon lieu que, estans cez Seigneurs en
leurs affaires publicquos, et entr'aultres de ce qu'ilz auroyent à faire,
s'il advenoyt que la guerre commenças! entre V. M. et l'empereur,
depuys avoir faictz sur ce plusieurs discours, l'ung des principaulx
d'entre eulx se leva en piedz et, comme ilz disent, harenga, disant
qu'il estoyt impossible qu'ilz poussent demeurer neutralz. Dont estoyt
expédiant qu'ilz advisassent duquel de vous deux estoyt meilleur
prendre le party, et que aussi bien à la fin maulgré eulx seroyent con-
trainclz se déclairer; car cependant ne despendroyent moings que s'ilz
estoyenl en ligue avecques l'ung de vous, pour aultant qu'ilz seroyent
1. Pierre Rarcsch.
[Avnir. i;i4ll Guillaume pellicier 287
contrainclz tenyr bon nombre de galléres et les terres munyes de
gens. Laquelle despence seroyt aullanl excessive que s'ilz esloyenten
ligue, et que estans à vcoir ne serviroyent à nul, ains de tous deulx
seroyent mal voulluz. Et enfin dist que son adviz estoyt pour le bénef-
fice de leur estât s'accorder avecques V. M., et que cela povoyent-ilz
faire avecques leur grant aduantaige, persuadant cez Seigneurs que
Ton n'aura à leur relîuser comme Ton ne feist aultresfoiz Brandise et
liarlette*, chose à eulx de moult grande commodité et importance.
Toutesfoiz, ayans à faire tel effect, vouldroyent estre recluiirchez du
Grant Seigneur et qu'il promist ce que dessus et aydast à ce faire, et
faire encores que V. M. leur promist. Discoururent aussi que si par
sort l'empereur s'accordoyt avecques les Allemans, que il les feroyt
descendre en une furye que les pourroyent beaulcoup endommaiger; à
quoy fut respondu que si ledict empereur le faisoyt, il estoyt nécessaire
que le pape suyvist le party françoys, de sorte quilz seroyent en une
ligue et qu'ilz auroyent peu à craindre l'empereur. Fut dict davantaige
que si ledict empereur ne se faisoyt d'accord avecques les Allemans,
qu'il seroyt avecques le pape; dont l'on debvoit regarder que c'est que
l'on avoytà faire. A quoy fut respondu que tant plus estoyt leur gaing,
car estans contre luy seroyent pour avoir Ravenne et Servia ^, comme
aultresfoiz ont eu. Tous lesquelz discours et adviz semblèrent fort
])laire pour lors aux Seigneurs, combien qu'il n'y fut passé plus oultre
pour ceste heure là; et depuys n'en ay entendu aultre chose.
« Sire, estant madame la comtesse de la Myrandola entrée en grande
suspicion et double des Espaignolz qui s'aprochoyent de ses confins,
je y donné le meilleur ordre que je sceuz adviser ainsi que vous ay
escript. Et depuys, ayant entendu que lesdictz Espaignolz avoyent
prins aultre chemyn et jà esloignez de là, m'a semblé n'estre plus
besoing de y tenyr ceulx que y avoys envoyez ne faire plus ceste des-
pence. Dont, avecques Tadviz et consentement de ladicte dame leuray
mandé qu'ilz s'en retournassent, ce qu'ilz ont faict. Sur quoy je ne
veulx oblyer à vous dire. Sire, que le seigneur Petro Strocy ^, soubdain
qu'il eut entendu ce que dessuz, s'en vint ofîryr luy et tous ses gens
avecques une bien bonne grosse somme d'argent s'il faisoyt mestier *,
sçaichant très bien que je en pourroys estre très mal pourveu. De quoy
de la part de V. M. l'ay remercyé fortafTectionnément, vous asseurant,
Sire, qu'il me semble estre l'ung des plusalTectionnez et utilles à vostre
service de tous ceulx que je congnoisse par deçà. Et de faict l'ardent
désir qu'il a de le démonstrer par effect luy a faict prendre envye de
1. Brindisi et Barletta, sur l"Adriati([uc.
2. Cervi.a, ville située à 20 I<ilom. de Uavenne, près de l'Adriatique, à laquelle
elle communique par un canal navigable.
3. Pietro Strozzi.
4. S'il était nécessaire.
288 AMBASSADt: DE [avRIL 1541]
s'aller Icnyr à Tliurvn pour ne demeurer des derniers, mais eslre
prest se d'aventure l'on a hi-soing d'employer gens, sans estre en
peine de passer lorsque l'occasion se pourroyl adonner de faire ser-
vice il V. M. Et n'esloyl (pie j'estime que V. M. aura donné ordre de
me faire entendre comme je auray doresnavanl à me gouverner, sur le
faict de la Myrandola, je l'en supplyeray très humMement.
«Sire, ainsi que la couslume des ambassadeurs de ce/ Seigneurs est,
venant de Ifur charge, de relYérer et faire entendre le plus particuUiè-
remenl qu'il/, peulvenl toutes choses qu'il/, ont peu entendre et cong-
noistre es lieux oi'i ils ont l'stè, messire Christophoro Capello, revenu
dernièrement de V. M., a faict, il y a deux jours', son rapport en
pregay où, ainsi (jue j'ay esté adverty, il a si très bien démonstré qu'il
n'est possible de plus que V. M. avoyt le bien et les affaires de ceste
Républicque en aussi grande atl'ection et recommandation que les
vostres propres, ainsi que par les elîectz luy aviez promys leur donner
àcognoislre advenant l'occasion; et que ce pendant qu'il a esté près
de V. M. l'a tousjours congneue et aperceue de ceste bonne voullenté
envers eulx, et tant plaine de vérité, sincérité et bonté, que certaine-
ment l'on s'y povoil conlier et attendre indubitablement. Allégant là-
dessus fort par le menu les grans moyens que V. M. a de secourir et
ayder à voz amiz et alliez, et au contraire nuyre et préjudicier à voz
ennemiz pour la grande puyssance, richesse, union et obéissance que
'V. M. a en son royaulme ; et plusieurs aultres propoz tous à la très
grande exallacion et gloire de V. M. : ce que cez Seigneurs ont gran-
dement estimé, et comme aulcuns m'ont dict, cela n'aura pas peu servy
à les confirmer et establyr totallement en la dévotion de V. M.
« Sire, les Impériaulx ont voullu semer icy ung bruyt pour voulloir
favoriser tousjours leurs affaires ainsi qu'ilz ont accoustumé d'avoir nou-
velles de la court de l'empereur, que les gens du roy Ferdinando, qui
estoyent à Pest, avoyent faict une saillye sur leurs ennemys, desquels
ilzavoyent desfait grant quantité, osté l'arlillerye, et y estre demeuré
mort le chef, c'est Morat, vayvoda de Glissa; mais, comme ces Seigneurs
ont entendu par lettres de leur ambassadeur qui est prez du roy Fer-
dinando, tout d'ung mesme jour que celles de Ratisbonne, la chose n'a
pas été si gaillarde comme ilz l'ont mise avant. 11 est bien vray que
ceulx qui avoyent assailly ladicte place la bâtirent de tous cousiez, de
sorte qu'ilz y feirent quelque brèche; mais elle fut deffendue de ceulx
de dedans, de tel couraige que ceulx de dehors n'y peurent faire aultre
dommaige. Donc, voyans estre garnye de gens de deffence et en grande
quantité, et qu'ilz n'y eussent sceu rien faire, ains en emporter perte et
1. Celte relation, lue le 28 avril 1541 par Cristoforo Capello, est perdue, ainsi que
la plupart des dépèches de cet ambassadeur (V. Baschet, Archives de Venise, pp. 342
et 6"3J.
[avril 1:;41] GUILLAUME PELLICIER 289
dommaige, se levèrent d'autour d'icelle sans que jamais ilz en feussent
aultrement contrainclz et endommaigez, ne moings qu'ilz y ayent perdu
une seuUe pièce d'artillerye. Ce semble astre plus àcroyre que lesdicles
lettres de la court de l'empereur, attendu que, comme dict est, sont
d'ung mesme jour que celles de la court dudict roy Ferdinando.
« Sire, estant bruyct icy que l'empereur faisoyt xn'" lansquenetz,
m'a semblé faire mon debvoir de me informer dilligemment que en
estoyt. Pourquoy faire m'en suys adressé à aulcungs de voz bons et
affectionnez serviteurs qui sont icy, entre lesquelz ung qui a fort bon
accès et crédict avccques des plus grans de ccz Seigneurs s'en est
abordé avecques ung des principaulx d'entre eulx et enclin au party de
l'empereur, pour povoir sçavoir mieulx et plus certainement telz
affaires. Et ainsi devisant ensemble, luy demanda s'il avoyt rien
entendu de ce que dessus; qui luy dist que pour certain l'empereur
faisoyt xn"^ lansquenetz pour mander en Hongrye. Et luy réplicquant
vostre serviteur que ce n'estoyt que une couverte, mais en vérité que
c'estoyt pour Lombardye, ledict gentilhomme l'asseura que non pour
le présent, ains pour les affaires de Hongrye, et que cela fust vray il
verroyt que l'empereur s'y trouveroyt en personne. Et ad ce propoz
entendz-je que cez Seigneurs ont eu adviz de leur ambassadeur prez
dudict empereur qu'il faisoyt grant aprest de gens pour la Hongrye et
aultres choses de guerre, et qu'il estoyt résollu de y aller luymesmes.
« Sire, pour n'avoir eu longtemps a aulcunes lettres de V. M. et que
j'ay entendu de quelques ungs que icelle n'a receu mon pacquct du
VII* mars, suys entré en non peu de fàcherye et peyne, pour y avoir
dedans choses de assez grande importance dont, craignant qu'il ne soyt
venu à bon port, m'a semblé ne debvoir obmettre à vous mander ung
dupUcala desdictes lettres : ce que faiz présentement à toutes adven-
tures, s'il estoyt perdu ou esgaré. Qui toutesfoiz si cella advient me
fera bien esmerveiller, attendu mesmement qu'il a esté porté seure-
ment jusques à Thurin, comme apparoît par la lettre de M. de Langey
qui m'a adverty de la réception.
« Sire, cez Seigneurs raisonnent beaulcoup entre eulx que l'empe-
reur faict tous ses effors et chairche tous les moyens qu'il peult de
faire l'accord du seigneur Ascanio Coulonne avecques le pape, tendant
à cez fins que puys aprez se puysse valloir de ses gens de guerre, pour
mander en Hongrye soubz la soulde de Sa Saincteté, s'il la pourra attirer
à ce faire. »
Vol. 2, f° 156, copie du xvi" siècle; 5 pp. in-f".
PELLICIER A M. D'ANNEBAULT.
191. — [Venise], 30 avril 1541 . — Mêmes nouvelles que dans la
lettre au roi. Pellicier a reçu deux lettres de Vincenzo Maggio, écrites
Venise. — 1540-1542. 19
290 AMBASSADE DE [aVRIL 1541]
d'Andrinople, les 23 «>t 28 mars. Il <-iiv(»ie à Rincon deux paquets de
Mapgio, par lesquels M. d'Annebault pourra u entendre plus au long les
nouvelles de ce couslé là ».
«... .Monseigneur, vous avez pu voir par les lettres du roy la provi-
sion que fut donni'o à la Myrandola (juant le bruyt vint que les Espa-
gnol/ se approchoyenl de Ik. Dont ci présent vous diray que s'y estant
porté M. Daramont, lequel y avoys envoyé tant prudemment et son-
gnousemenl, m'a semblé ne debvoir obmeltre à vous en advertyr, et
supplyer Monseigneur ' l'avoir j)Our recommandé en quelque afl'aire
qu'il a à la court, comme à mon adviz avez esté plus amplement
adverly... »
Vol. L'. f» I.'IS V", copie du xvi'" siècle: 1 p. 1/i in-f".
PEI.LICIER A CESARE FREGOSO.
192. — []'enise], 30 avril 1541 . — « Monseigneur, il ne me sem-
bleroyt faire mon debvoir envers vous, si obmettoys à vous escripre le
sort que l'on a gecté sur vous en la famé qui en est commune icy : c'est
que Ion a eu lettres deGennes,par lesquelles s'entend que le roy vous
avoit faict gouverneur de Prouvence, et baillé force gens de pyed, et
donné charge tenyr toutes les gallères en ordre : qui na pas peu rendu
les Gennevoys contraires à nostre parly en combustion et facherye. Je
ne pryeray pas Dieu seullement qu'il soyt ainsi, mais aussi lost que je
le désire. Le seigneur Christophoro Capello n'a failly aussi faire très
bien entendre à cez Seigneurs en quelle esti-me et faveur estiez près de
S. M., combien qu'ilz en eussent assez esté adverliz. Au demeurant,
Monseigneur, je ne veulx aussy oblyer à vous dire que les Impériaulx
avoyent semé icy ung bruyct, qui a esté confirmé par lettres sur lettres
venues à cez Seigneurs, que certainement le Grant Seigneur n'est pour
mettre hors ceste année grande armée, et que pour ceste heure ne
sçauroyt avoir plus de xxx ou xxxv gallères en ordre. Dont cez Sei-
gneurs ne sont pas trop mal contans, carde leur cousté ilz ne se mou-
vent pas trop, et attendront à veoir comme les choses de ce monde
passeront. J'espère que par les premières lettres qui viendront de
messire Vincenzo Maggio nous en serons advertiz plus véritablement,
pour aultant que, mais qu'il soyt retourné en Constantinople avecques
celluy dernièrement renvoyé parle seigneur Rincon, en pourront estre
informez à la vérité. Et de moy je ne puys pencer que les affaires de ce
cousté là passent ainsi légèrement que l'on dict. Je ne fauldray, selon
que les occurances succéderont, à vous en tenyr adverty; mais pour
ceste heure je ne vous en diray aultre, me remettant de la reste à ce
1. Le connétable de Montmorency.
[mai l-i4l] GUILLAUME PELLICIER 291
que nostre commun amy el vostre alFectionné et loyal serviteur vous
en escript. Tant seuUemenl vous diray, Monseigneur, que, me confvant
soubz Dieu du tout en la bonne espérance que m'avez tousjours donnée
et que ay cogneue par bons effectz, vous supplyeray avoir souvenance
de moy; car si j'ay eu affaire de vous par cy davant, je l'ay cncores
plus que jamais, pour aultant que mes comptes des mises extraordi-
naires, et la liste des serviteurs du roy que je avoys envoyez par le pac-
quet de S. M. dès le vir mars à mon homme Sainct-Pol, ainsi qu'il m'a
escript, ont esté esgarez avecques ledict pacquet. Qui me vient aultant
mal à propoz que chose que me eust sceu arriver; par quoy je vous sup-
plye, si d'adventure ne so retrouvoyent, estre moyen, en attendant que
je en puysse renvoyer d'aultres, que l'on me deslivre quelque somme
d'argent telle que l'on verra estre raisonnable, ou par manière d'avance
ou bien de rabaiz sur celluy qui m'est deu par mesdictz comptes; car
je vous asseure que je ne sçay plus de quel cousté me tourner pour en
trouver, et aymeroys beaulcoup mieulx que l'on me levast dicy que
de m'y laisser en telle nécessité. Car, y estant ainsi, je ne sçauroys faire
le profïict du roy, ne mon honneur, vous supplyant aussi me faire cer-
tain si l'on a envye de me tenyr encores icy longuement, car je en suys
en tel suspens que je feiz de la despence extraordinaire que je ne feroys
si j'en estoys asseuré, et si pour ceste cause et aussi pour mon argent
je ne puys faire mes provisions, qui me tourne à grand dommaige... »
Vol. 2, f° 159, copie du wi^ siècle; 1 p. 1/4 in-f".
PELLICIER A VINCENZO MAGGIO 1.
193. — Venise, 4 mai 1541. — Pellicier annonce à Maggio la
réception de sa dernière lettre, en date du 5 avril, par laquelle il est
fait mention de son retour d'Andrinople à Constantinople. Il la trans-
mettra fidèlement à Rincon, ainsi qu'il a faict des précédentes.
« .... Se intende degli Imperiali qua, che quelli che sono in Pest per
il re Ferdinando, erano issiti fuora délia terra, et haverano assaltati
gli Turchi che la tenevano assidiatacon molto grandissime danno loro,
havendoli tolto Tartigliaria et amazzato moite personne, tra le altre il
capitanio chiamato come s'estima Morat vaivoda da Glissa. Tamen
aquello che s'é inteso daltre bande, quella issita non è stata cosi
gagliarda per gli Imperiali come e detto di supra. L'e ben vero che
quelli Turchi che havevano assaltato la terra, la battetteno de taie
manière che romporono alquanto de la muraglia; ma fu tanto ben dif-
fesa, che non posseno fare altro; il che vedendo quelli di fuora, et che
1. « Escript le IIP may au seigneur Tassin, et envoyé vers lui Gorge-Noire expres-
sément. •
Gorge-Noire, courrier.
292 AMBASSADE DK |^MAI 154l]
era niollu hon provista <li hufmi soldali, non volsono piu stare li, et si
k'vonu) di la seu/.a alcurm daiino. Se dice pur clie limpcrador la gran-
dissimo essercilo per mander in l'ngaria, et gia ha fatlo xii inilia lans-
quenelli. Alcuni lengono che lui inedesimo in personna andara li. Non
niauclia di cercare lulli i modi el ingeniarsi per far pace Ira il papa et
il sign«»r Ascanio Ctdona, acio de poter liavere quelli soldali che sono
al servitio loro, che ponno hen essore in numéro da xii o xiiii milia
fanli, huoni soldali....
« Di Venetia. »
Vol. 2, f" lo9 v», coi)ie du .\VF siècle; 1 p. 1/i in-f".
PELLICIER A M. HE RACUSE.
194. — l'euise, 4 mai 1541 . — « Revcrendissimo Monsignor, non
puoco di maraveglia m'haapporlalo la torualadel mandate vostro, non
mhavendo V. S. per la sua leltera che ei m'ha portalo avisalo per
quai cagion egli, senza esser dallo Scarpa riconduto a Venetia, como
deveva, sia ritornalo, et spctialmenle non m'iiavendo sapulo a dir
alcuna cagion, per la quale questa novilà gli sia accaduta, et V. S.
sommamente si lodi nelle sue del buon olficio et dilligenlia che ha
usato il detlo Scarpa in queslo viagio, ollro a gli brigantini parliti di
qua doi giorni avanli il suo. Ben so io che ch'il signer Vincentio liaveva
commesso che s'espedisse a posta, ma essendo coslui li apparechiato
per rilornar, non so per quai cagione V. S. in cambio suo ha volulo
mandar un altro, con ciô sia cosa ch'ella sa, quanlo egli è slalo ben
provato da i miei predeccssori, et dal signor Rincon, et che délia
lidellà sua non è huomo il quai ne dubili, como v"e per buon leslimonio
il signor Giovan Jacomo délia Croce, commesso in quesle bande sopra
quesle cose, el capilan Cola di Barletla, cl allri amioi, et fideli servi-
tori di Sua Maésla Cristianissima. Il perché mollu son restato stupe-
fatlo ch'eisia senza voslre molto inanzi al mio huomo rivenulo, anchora
che egli si sia scusato, et m'habbia detlo che V. S. Thavea fattO'
aspetlar con sj^eranza, el quasi ferma certessa di rimandarlo in qua
con un plico, il quaF ella di Conslanlinopoli fra dui o tre giorni aspet-
lavà. Perhô non l'ho volulo sodisfar che primo io non habbia inleso la
verita, perche ella non gli habbia volulo conlidarli il detlo plico, mas-
simamente havendo la commodilà et la socurlà del mio huomo. El per
tanlo io non gli ho volulo dar i quindici scudi, che rcslava dhaver
del suo pagamenlo, ma gli ho dali al vostro, ne son per pagarglieli
finche io non son falto certo si perche questo sia inlravenuto, si
anchora per quai cagion il mandato mio s'é cosi infuria di coslà par-
tilo, che non habbia polulo levar le cose sue, et mie, che gli havea
commandato che mi portasse, in maniera che questa sua partila mi
[mai 1o41] GUILLAUME PELLICIER 293
parc una espressa fuga. Starô donque ad aspettar ch'ella mi dia aviso
di tiitto ciù. Perche, Monsignor mio, la conscienlia et l'honor e'I
debilo mio non sopporta ch' io dcbba far ispendcr Sua Maestà ove non
è punto di bisogno, oltre chc gli audilori de i conti del mio principe
Togliano diligentamente veder la ragion di lutte le spese che si fanno,
ne una ne vogliano ammettere, la quai non sia convenevole. 11 perché
se accadesse, che mentre fusse qui un brigantino ispedito da V. S. mi
sopragiugncsse uno spaccio da Sua Maesta, et io di nuovo coducesse
un allro brigantino, non mi mancando la comodità di quel che già é
obligato, parria una cosa molto strana, ne mi sariano in modo alcun
rifatte tali spese, ne cosi converria ch'andassero a mio damno : so che
V. S. mi inlende meglio che io non so scrivere, et che a pari nostri si
spetta più che a quelli per e quali si dice, amicus usque ad «rav. La
priego donque a voler in ciô commetter ordine, corne per la sua pru-
denlia et bonlà, ella sapra molto ben fare, la quai sarà contenta
mandar il présente plico a posta amesser Vincenzo, et a V. S. mi raco-
mando et offero.
« Di Yinelia. »
A'ol. "2, f° 160, copie du xvi« siècle; 1 p. 1/1 in-f'^.
PELLICIER A M. DE LANGEV.
195. — [Venue], 5 mai 154 1 . — « Monsieur, depuys les miennes
dernières du xv*= de ce moys que vous ay escriptes, en ay reçu troys
de vous. La première, du vf de ce moys, avecques quelques pacquetz
pour moy que adressiez à M. Daramont à la Myrandola pour me faire
tenyr; mais il estoyt desjà icy de retour, n'estant plus besoing se
tenyr là, pour estre la place hors du suspect des Espagnolz qui s'en
«stoyent esloignez et prins aultre chemyn, et est à présent avecques
moy. Auquel, tant pour l'amour de vous que aussi pour estre person-
naige qui mérite luy faire tous plaisyrs, je ne fauldray de ma part à
jn'y employer comme vouldroys faire à chascune personne que par
vous me sera recommandée. L'aultre est du xiiii'^ ensuyvant, avecques
Je pacquet du seigneur Matheo Dandolo, adressant à ceste Seigneurie;
à laquelle incontinant ne faillys le mander par mon secrétaire, qui
leur feist bien entendre la bonne dilligence que en aviez faicte, et
comme soubdain que l'eustesreceudépeschastesungmessaiger expres-
sément pour leur envoyer. De quoy vous remercyèrent fort affection-
nément, et en feurent grandement aises et contans. La dernière est
du xix% avecques lettres de mon homme Saint-Pau[l], qui est à la
court pour mesafifaires; lesquelles ne m'ont pas peu donné de fâcherye
pour avoir entendu qu'il s'estoyt ainsi esgaré ung de mes pacquetz
qui, je vous asseure, estoyt d'aussi grande importance pour les affaires
294 AMBARSADi: DE [maI i:i4l]
du rtiy, qui! nul aultrc quf jf UNf l'nvovt- lun^lemps ii, et ma dépesche
aussi coppieusc. Duiil m"t>n faicl trop plus dt* mal, que uun pour mes
comptes exlraordiiiaires (jui esloyeut dedans. Combien que l'empes-
chemenl de Texpédicion d'icculx me soyt j^randcmenl ineommode, ce
néanlmoings, attendu qu'il est venu jusques à vous, je ne puys pencer
qu'il soyl du luut perdu, mais bien demeuré arrière, à cause de la
mort de Pierre de Hour^on^'ue, ainsi (jue m'escripl mon homme. Toutes-
foi/, je renvoyé un^' duplicata des lettres du roy seuUemeiil (^ui sont
du VU" mars; car de mon compte extraordinaire cela ne peut estre si
lost rellaict. Kl atlendray encore une aultre dépesche de la court pour
veoir si numdict pacquet sera point retrouvé, et de ma part je vous
supplye faire faire toute dilligence de le recouvrer s'il est possible; et
si en entendez rien d'aventure avant que je puisse avoir lettres de la
court, ce me sera ung grant plaisyr de le sçavoir. De quoy je vous
supplye bien fort, car par la lettre que ay receue de François Biny, de
Lyon ', ne se faict aulcune mcncion ne aultrement espoir d'estre
retrouvé... »
Pellicier communique ensuite à M. de Langey les nouvelles du
Levant qu'il a reçues de Vincenzo Maggio, dans les termes de la lettre
au roi, du 30 avril.
« Ledict messire Vincenzo m'escript que, soubdain qu'il sera arrivé
à Constanlinople, verra d'avoir la lettre de Barberousse que demandez,
laquelle me promcct envoyer par la première dépesche. Le semblable
feray-je à vous, mais que je l'ave receue; qui est tout ce que vous
puys dire pour ceste heure de ce cousté là.
« Monsieur, pour ce que congnoissez trop mieulx que ne vous sçau-
roys escripre combien Messieurs les Strocy et leurs ancestres ont tous-
jours esté affectionnez et fidelles serviteurs du roy, ne m'estenderay
à vous en faire plus grande description; mais vous diray que le sei-
gneur Strocy qui est icy, cherchant et considérant tous les moyens
qu'il luy est possible de faire service audict seigneur, m'a faict entendre
que luy ayant estât du roy, lequel fau^lt qu'il despende aussi bien, ainsi
que ainsi, à entretenyr cappitaines et aultres gens de guerre, trop plus
tost désireroyt le faire en aultre lieu que icy plus prez et com-
mode de s'employer, advenant l'occasion. Dont tant pour ceste cause,
que aussi pour la grande amour et révérance qu'il vous porte vouldroyt,
1. Oiov.inni-Franccsco Bini, ncf^ociant cl banquier florcnlin établi à Lyon, afient
des Slrozzi (V. Invent, sointn. des archiv. de la ville de Lyon, l. III, pp. lU, col. 2,
et 213, col. i). Ilini posséilait, entre autres immeubles imi)orlants, à Vaise, nous
apprend un rompte lyonnais de iri.S.s, « une belle maison qu'il a bastie a. neuf»
(IbUL, t. II, p. 47, col. 1;. 11 avait obtenu, avec (lian-Hattisla Hernardini, de Lucques,
le privilège exclusif d'importer seuls, jtendant dix ans, les soies étrangères en
France, privilèî,'e qui fui révoiiué le l" juin l'ii;, moyennant une indemnité con-
cédée le 20 du même mois (V. Cal. des actes de François /*=', t. IV, pp. 624 et 035,
n'" 13îtIS et 13 %0).
[mai la41j GUILLAUME PELLICIER 295
si le trouvez bon et vous plaist, aller demeurer et résider à Thurin,
afin d'eslre tousjours plus prompt et hors des danjjjiers et fàcheryes
de passer quant il en seroyt hesoing, me pryant vous en vouUoir
escripre. Ce que ay bien voullu faire assez mal vouUcntiers pour les
bons plaisyrs, soullaigemens et confors que incessamment reçoiz de
luy pour les atïaires du roy, et encores pour la confyance que j'ay en
luy plus que en nul aultre depar deçà, s'il advenoyt que j'eusse
alfaire de quelque bonne grosse somme d'argent pour employer au
service de S. M. Comme dernièrement pour la Myrandola, soubdain
qu'il entendyt quelque bruyt que les Espaignolz alloyent de ce cousté
là, se vint otTryr luy et tous ses gens avecques cinquante, voyre
soixante mil escuz s'il en estoyt besoing. Toutesfoiz, ayant plus d'es-
gard au service du roy qu'il pourra faire par delà que à toutes cez
choses, n'ay voullu laisser à vous faire entendre sa voullenté, et vous
pryer nous advertyr par la première dépesche que ferez par deçà de
la vostre. Il n'entend point y aller demeurer seuUement pour ceste
prime vere ', ains pour tousjours mays, s'il s'y treuve bien, et y
mener madamoyselle sa femme et toute sa famille ^ J'en ay escript aussi
ung mot au roy, luy faisant entendre la continuacion de la bonne voul-
lenté qu'il a de faire service à S. M.
« Monsieur, je ne veulx oblyer à vous remercyer les deux livres que
m'avez envoyez, et aussi comme ay receu le pacquet du roy avecques
la vostre du xxvii'' apvril ; à laquelle dépesche ne foiz pour ceste heure
aultre responce, pour aultant que n'ay peu encores acomplyr ce qu'il
m'est commandé par icelle. Par quoy feray fin à la présente, aprez
vous avoir pryé faire tenyr ung pacquet que je vous envoyé à part
pour messire Matheo Dandolo, qui m'a esté baillé, et prye faire de
sorte qu'il le puysse avoir seurement, pour ce qu'il y a dedans chose
qui luy est d'importance. »
Vol. 2, r» 161, copie du xvi<^ siècle; 2 pp. 1/2 in-f°.
PELLICIER A M. DE RODEZ ».
196. — [Venise], 7 ynai 1 541 . — « Monsieur, depuys avoir faict la
présente j'ay entendu sur ce que m'avez escript que le roy Ferdinand©
1. Ce printemps.
2. Pietro Strozzi avait épousé Laodamia dei Medicis, fille de Pielro-Francesco dei
Medicis et de Maria Soderini, dont il eut deux enfants : Filippo Strozzi, né à Venise
en avril l'iti, mort en lo82, qui devint colonel-général de l'infanterie française;
Clarissa Strozzi, mariée à Honorât de Savoie, comte de Tende.
Pietro Strozzi eut en outre un fils naturel, élevé avec soin parle prieur deCapoue,
son oncle, et qui périt avec ce dernier sous les murs de Piombino, en looi.
3. « Escript audict seigneur de Rhodez la response de ses deux lettres duxxui" du
passé et premier de ce moys, et aussi de celluy envoyé en Levant par le seigneur
296 AMBASSADE DE [maI ir.41j
se dc'hvoyl alltT Iromer à la dicllo de Ratisltonnc, mais que ayant
esté adverty que les Tureqs quy ostoyent devant l*est s'estoyent retirez
à viçgt lieues de h'i, avoyt tlesUIxTr aller assiéger Bude. Pourquoy faire
avoyt demandé aux barons ilu pays (juil/. luy voulsissent payer la
souldc de quatre mil hommes, ainsi qu'il les avoyt aullrefois requiz.
Qui luy ont respondn que sil voulloyt aller luy-mesmes en personne,
qu'il/ estoyent preslz et deslihérez de le suivre; mais non aultrement.
De laquelle responce n'a pas esté trop contant ne salisfaict, n'estant
ainsi (juil la demandoyt; dont pour cesle cause sa venue à ladicte
diette a esté retardée pour ccste foi/, là. »
Vol. 2, r t('.-_>. (-(ipie tlu .\vr siècle; 3/i p. in-P».
l'EM.ICIER ai; IK'I '.
197. — [Venise], 17 mai J 54 1 . — « Sire, depuys celles que ay
escriptes à V. M. du dernier du passé, ay receu les siennes du xix°
dudict moys, suyvant lesquelles ay faict toutes dilligences qu'il m'a
esté possible pour sçavoir et entendre si l'ambassadeur de cez Sei-
gneurs vers le Granl Seigneur les avoyt advertiz de la déclaration à
luy faicte par icelluy Grant Seigneur. De laquelle V. M. m'a envoyé le
double; mais j'ay trouvé, Sire, par aulcuns de vos très affectionnez
serviteurs qui ont fort bon accez et crédict envers quelques ungs des
plus principaulx de cesle Seigneurie que il/, n'en ont eu advertissement
aulcun par leurdict ambassadeur ne aultre, et que en leurs conseilz
n'en a point esté parlé. Ce néantmoings raisonnant avecques le seigneur
Vallerio -, abbé de Saint-Pierre le Vif, de Testât des affaires d'entre
V. M. et cez Seigneurs, me dist que ung d'iceulx luy en avoyt tenu
quelque propoz; dont l'ay pryé s'en vouUoir informer et enquéryr le
plus au vray qu'il pourroyl, qui me prommist de ce faire. Et depuys
l'en ay sollicité; sur quoy m'a faict responce avoir escript à ung des
principaulx de voz affectionnez serviteurs, ([ui est présentement à
Padoue. Lequel seroyt pour entendre aussi bien certainement comme
va tout ccst affaire que nul aultre de cez Seigneurs, pour avoir grant
activité et crédict en ceste républicque; mais luy a respondu ne povoir
venir pour ceste heure en ceste ville, trouvant excuse que sa femme
estoyt mallade et qu'il ne la povoyt habandonner, estant, comme j'ay
Rincon, et (1<^ la ligue avecques cez Seigneurs cl le jiapc n'en avoir encore rien
entendu de certain.
• Escript aussi ceilict jour à M. l'cvesquc de Lodcs. Item, fut escript audict sei-
gneur de Rliodcz le xvi" dudict moys de may, dont n'en fut faict niynute. Aussi
fut-il escript à M. réves(iue de Lodes. •
i. • Kscript cedict jour à Saint-Pol, et au seigneur Allomani du xix' île ce moys.
Cesle dépesche fut retenue jusques au xx' de cedict moys, que fut escript aussi
au sire Laurens Charles : dont n'en fut faict niynute. •
2. Giovanni-Franccsco Valiero.
[mai l.-iil] GUILLAUME PELLICIER 297
peu congnoistre en aultrcs choses, quelque peu refTroidy de la grande
et bonne vouUenlé qu'il avoyt au service de V. M. pour n'avoir eu
depuys troys ans en çà pour remmunération de ses services que
allantes : desquelles ne se veult plus contenter ne les autres pareille-
ment. Je m'esloys tousjours retenu vous escripre telles choses, me
semblant, Sire, n'eslre licite ne convenable vous en attédier. Ce néant-
moings, après en avoir escript tant de foizà ceulx qui ont le maniement
des affaires, et qu'ilz ne m'y ont jamais faict aulcune responce, à pré-
sent je me vcoy conlrainct m'en adresser à V. M., la supplyant très
humblement y vouUoir faire faire quelque bonne provision par effect, —
car aultrement je ne veoy plus moyen de me ayder et valloir d'eulx,
et conséquemment vous povoir donner advertissement des choses de
deçà, — et me pardonner si ay prins l'audace vous en escripre, m'y ayant
conlrainct la nécessité où je suys pour n'avoir plus moyen de quoy
les povoir enlrelenyr, comme ay faict jusqucs icy petit à petit, non
pas ainsy quilz le mérittent et qu'ilz esloyent accoustumez par voslre
grande libérallilé, mais selon ma petite puyssance. Comme encore à
cez Pasques dernières ont eu de moy par manière d'emprunct plus de
deux cens escuz, et est impossible que je puysse faire de moings. Or,
pour n'en importuner davantaige V. M., retourneray à mon premier
propoz et vous diray que pour l'absence dudict personnaige n'en ay
peu entendre aullre chose; ce néanlmoings j'espère qu'il ne fauldra à
venyr bien lost icy, el par luy ou par aullre en quelque moyen que
ce soyt verray d'en sçavoir cerlainenient ce qui en est. Cependant je
n'ay failly d'en escripre à messire Vincenzo Maggio, aflîn qu'il advise
ce que de son cousté verra estre à faire.
« Sire, quant est de l'aullre poinct que V. M. m'escript de vous faire
tenyr bien seurement tout ce dont Tassin s'adressera à moy, et que
eusse à l'en adverlyr, incontinent que l'euz receue, je ne faillys à
dépescher homme expressément vers luy pour le luy faire entendre.
Et davantaige qu'il eust à se informer dilligemment et bien de tous
cousiez qu'il verroyt en povoir avoir plus certaines nouvelles, où c'estoyt
que l'empereur vouUoyt mander les douze mil lansquenetz que on
faisoyt couryr bruyt avoir levez pour mander en Hongrie: dont je vous
ay escript par ma dernière ce que lors en avoys entendu. Depuys
laquelle l'on m'a dict que cez Seigneurs ont eu lettres de leur podestat
de Bassan * qui les adverlissoyt avoir sceu de bien bon lieu que l'empe-
reur seroyt bien tosl en Ilallye, et qu'il admeneroyt avecques luy
dix mil lansquenetz, nouvelle que pour ne vouUoir que ainsi fusl ou
aultrement n'a pas trop pieu à cez Seigneurs. Ledict Tassin ne m'a
pas encore faict responce ; de quoy je seroys bien esmerveillé, n'estoyt
que j'ay entendu qu'il a esté fort mallade ; qui m'a faict pencer que cela
i. Bassano, sur la Brenfa, à 2S kilom. de Vicence.
298 AMBASSADE DE 'mai 154J]
en a esté cause, vcu que je l'avoys pryé me faire incoulinenl entendre
ce qu'il en amoyl trouvé. Par celluy mesmemcnl que j'ay envoyé
vers luy expressément pour cesl elTecl, j'ai délayé do vous envoyer
la présente dépesche quatre ou ciu(| jours, m'attendant d'heure en
aullro avoir nouvelles de luy ; toulesloi/,, voyant y demeurer si
longuement , ne l'ay voullu relenyr davantaige , mais que l'aye
receue, s'il y aura chose (jui méritle cslre faicl sçavoir en dilligence
à V. M., je ne fauldray inconlinant à ce faire.
« Sire, je envoyé présentement une lettre au seigneur Rincon que ay
receue de messire Vincen/.o Maggio, pour luy faire tenyr. Par celle
(|u'il m'escript de Andrinopoli le V du passé, ne me faict sçavoir aultre
sinon qu'il s'en debvoyt parlyr le vi* pour aller trouver le Grant
Seigneur en Conslantinople, et qu'il estoyt arrivé audict Andrinopoli
queUiues Turcqz venans de Bude, lesquelz avoyent dict que si à leur
arrivée là le Grant Seigneur n'en fusl party , qu'il n'en seroyt
encores bougé, et que les choses de Hongrie, comme il dict, slrenzeno *.
L'on a icy, par lettres de Anconnc, du xxix* du passé, comme par deux
nef/, qui cstoyent arrivées là, l'une parlye de Conslantinople, le
xxiin'^ mars, et l'aultre délie caslellc prez de Gallipoli * le xxi.v* dudict
moys, l'on a entendu, en conformité l'une de l'aultre que le Grant
Seigneur avoyt envoyé de fraix soixante mil chevaulx et troys mil
janissaires pour les choses de Hongrye, et que l'armée seroyt de cent
cinquante gallères. Ce néantmoings l'ambassadeur de l'empereur, qui
est icy, et tous ses sequaces ^ disent estre très bien et pour vray advertiz
que l'armée du Grant Seigneur ne seroyt d'aulcune importance : chose
que cez Seigneurs se laissent facillemenl persuader, leur estant con-
lirmé, comme l'on entend, par leur ambassadeur Badouare; de sorte
qu'ilz ne arment point, ainsla provision qu'ilz avoyent ordonné mander
à Courfou de gens de guerre et cappitaines à renforcer la garde, pour
le double qu'ils avoyent auparavant de l'armée du Grant Seigneur, a
esté délaissée à faire.
« Sire, encores que je ne double point que V. M. ne soyt très bien
adverty de toutes nouvelles et occurances qui succèdent à la cour de
l'empereur, ce néantmoings continuant toujours de vous donner adviz
de ce que je puys apprendre de tous cousiez, m'a semblé ne debvoir
obmettre à vous escripre ce que cez Seigneurs en ont entendu par
lettres de leur ambassadeur qui est là du xxix" du passé, les adverlis-
sant que jusques audict jour n'avoyt encore esté proceddé plus avant à
1. S'aggravaient.
2. La place turque <le fialiipoii, la clef de l'Hellespont, entrepôt du commerce de
la mer Noire ot de la Méditcn-anéo, sur le bord occidcnlal du canal des Dardanelles,
esl protégée encore aujourd'hui par (juatorze cliàteau,v forts, mainlenanl ruinés,
mais qui, à celte époque, consliluaient une solide défense.
3. L'ambassadeur et les gens de sa suite.
[mai liiH] GUILLAUME PELLICIER 299
la dielte, sinon qu'elle avoyl esté mise en quinze articles, et faict plu-
sieurs présidans pour les décider et déterminer, entre lesquels les
principaulx sont le seigneur Fédérich, comte palatin du Rin ', le duc
de Bavières - et le seigneur de dranvelle ', et que estant acomply le
dueil de l'empératrice \ l'empereur s'en estoyt allé à une abbaye prez
de Ratisbonne pour faire cellébrer les obsèques et funérailles acous-
lumées en tel cas. Ayant tenu propoz audict ambassadeur de cez
Seigneurs, quasi comme par forme de complaincte, dist que estant
adverly que V. M. eust mandé icy ung homme long temps a, s'esmer-
veilloyt que cez Seigneurs ne luy en eussent encores rien faict sçavoir.
A quoy ledict ambassadeur lui feist responce, ainsi qu'il a escript, qu'il
ne failloyt que pour cela il s'esmerveillast, et que il povoytbien estimer,
puisque cez Seigneurs ne l'en avoyent adverty, que ce n'estoyt chose
de grant importance.
« Et sur ce propoz. Sire, l'ambassadeur dudict empereur qui est icy
est allé vers cez Seigneurs, lesquelz, aprez avoir parlé de quelques
affaires particuUiers, et vouUant prendre congé d'eulx, leur dist que
son maistre à bon droict l'accusoyt de négligence et de peu de crédict,
pour ce que ne luy avoyt faict sçavoir les raisons pourquoy le seigneur
AUoysi Allemani estoyt venu icy, les pryant qu'ilz luy voulsissent faire
entendre. Lesquels luy feirent responce que V. M., par sa naturelle et
acoustumée bonté, les avoyt envoyez remercyerde la faveur et support
qu'ilz avoyent donnez au seigneur Rincon passant dernièrement par
icy pour aller vers icelle.
« Sire, je suys adverty par homme de bien, qui m'a asseuré avoir
veu lettres de M. de Granvelle, venues à M. l'ambassadeur de l'em-
pereur qui est icy, par lesquelles s'entend que l'empereur ne viendra
en Itallye pour tout cest esté, pour plusieurs raisons que j'ay escriptes
à V. M. le XII'' novembre dernier passé : sçavoir est que son sesjour en
AUemaigne sembloyt beaulcoup plus commode et utille pour le présent
que de venyr en Itallye, car se arrestant là il y tiendra les eslecteurs
et aultres princes mieulx à sa dévotion ou en crainte ; à tout le moings
gardera-il qu'ilz n'oseront si tost rien entreprendre contre luy, et
pourra, par ce moyen, mieulx pourveoir à son aise aux choses de
Hongrye. Maintiendra aussy en suspens les choses de France; car en
cas que on luy voulsist faire guerre en Itallye, il s'en pourroyt plus
aisément revanchcr du cousté de la Picardye. Gardera en oultre que
1. Frédéric III le Sage, comlc et électeur palatin, second fils de l'élcclciu- IMiilippe
et frère de l'électeur Louis V le Pacifique, auquel il succéda comme duc de Bavière,
de 15i4 à 1556.
2. Guillaume IV le Constant.
3. Nicolas Pcrrenot de Granvelle, chancelier de l'Empire.
4. Isabelle de Portugal, femme de Charles-Quint, était morte en couches, à Tolède,
le 1" mai 1539.
tîOO AMBASSADE DE [mAI 1541]
la Flandre ne osera s'esmouvoir no dire mut, et si fera ses alTaires
d'Ilallyc plus à son plaisyr (jue sil y esloyt présent, pour aultant qu'il
les tiendra en telle suspencion et crainte ([ue s'il y estoyl luy-mesmes,
en faisant dêinonslracion de y voulloir venyr de jour en jour. Et si en
tirera plus d'argent et secours que honnestement il ne pourroyt faire
sil V estovt présent. Et en somme entretenant loni,'UPm('nl la diette
pour ne sravoir h tjuoy les choses d'icelle pourroyenl tourner, tiendra
le pape, Véniciens, et tout le demeurant de la clirestienlé en bransle et
double, voyrejusques au Orani Seigneur. De toutes lesquelles choses
ledict ambassadeur et aultres Impériaulx ne faillent do essayer à faire
leur proflict, co néanlmoings congnoissans cez Seigneurs, pour beau-
coup de conjectures, ne leur eslrc point de bonne voullenté, et ne
sçaichant plus les paistre de belles promesses et parolles, comme ilz
ont faicl par le passé, pour ce que l'on ne leur en a jamais tins une,
n'ont failly, pour les tenir lousjours en crainte qu'ilz ne se retirent de
la ligue qu'il/, ont avecques l'empereur, de remonslrer très bien et
faire entendre que, toutesfoiz et quantes qu'il plaira audict empereur,
il fera avecques V. M. tout ce qu'il vouldra, et fust-il de vous attirer
contre le Grant Seigneur et quelzconques aultres, quelque allyance et
amytié qu'il y eust, moyennant la restitution de la duché de Millan,
leur mettans à tous propoz ce dessus devant les œilz. C'est qu'ilz sont
tout seurement advertiz que ledict Grant Seigneur n'est pour faire
aulcune emprinse ceste année ne par mer ne par terre, et que quant
il en auroyt envye, mesmement par mer, jà la saison passoyt; car
l'armée debvroyt estre sortye et il n'a pas encores trente gallères en
ordre. Et quant estoyt de la Hongrye, que l'empereur y avoyt si bien
pourveu qu'il ne failloyt doubter de ce cousté là, car au pys faire, en
mettant bonnes garnisons et municions aux villes que desjà ilz tiennent,
ilz ne craignoyent tout ce que ledict Grant Seigneur sçauroyt faire,
quelque puyssance qu'il y mandast. Toutes lesquelles choses n'ont
pas petit eU'ect pour tenyr cez Seigneurs en suspens et veoir ce que
succédera.
« ... Sire, sur le poinct que voulloys signer la présente, ay receu
lettres de Tassin, ensemble deux aultres à luy escriptes par ung sien
amy. Desquelles suyvant vostre commandement vous envoyé le double;
m'escripvant avoir envoyé ung homme expressément jusques aux
basses Allemaignes pour entendre le tout à la vérité si l'empereur a
faict lever douze mil lansfjucnelz et quel chemin leurveuU faire tenyr.
11 m'escript aussi avoir entendu de bon lieu que le roy de Portugal a
baillé une grosse somme d'argent à l'empereur; et aultres choses
m'escript, comme l'on pourra veoir par sesdictes lettres, lesquelles je
envoyé en leurs propres originaulx. »
Vol. 2, f'5 1G2 yo, copie du wi^ siècle; 4 pp. 1/2 in-f'\
[mai 15411 GUILLAUME PELLICIER 301
PELLIGIER AU CONNETABLE.
198. — [Venise], 17 mai 1541. — « Monseigneur, pour ne rien
obmectre à faire entendre au roy et à vous de toutes choses que puys
apprendre de tous coustez, vous diray oultre celles que j'escriptz pré-
sentement à S. M., que cez Seigneurs, — ayant este advertiz par le podes-
tat d'Aquilée * que ung nommé Nicolas de la Tour, recteur au conté
de Guricia - pour le roy Ferdinando, avoyt faict commandement aux
chanoynes et aultres habilans de là, de la part dudist roy, qu'ilz n'eus-
sent à obéyr à aultres que aux officiers d'icelluy roy, pour aultant que
le tout estoyt en sa jurisdiction, — en escripvirent à leur ambassadeur
prez dudict roy afin de le luy faire entendre , et sçavoir s'il avoyt
faict faire ledict commandement. Auquel icelluy roy feist responce
qu'il ne sçavoyt que c'estoyt, n'ayant jamais baillé telle commission,
mais que quelquesfoiz les serviteurs font plus que les maistres ne leur
commandent; car de luy n'avoyt telle vouUenté sinon d'eslre tousjours
leur bon voysin et amy, comme par effect le congnoistroyent advenant
l'occasion qu'il leur en peust faire démonstracion. Et qu'il estimoyt de
brief estre plus largement leur voysin, espérant venyr à quelque bonne
fin du royaulme de Hongrye, mesmement de Bude. Toutcsfoiz depuys
cezdictz Seigneurs ont eu aultres lettres de leurdict podestat d'Aquilée,
ensemble le double de la commission décernée par ledict roy Ferdi-
nando audict recteur, par laquelle estoyt contenu ce que dessus : chose
de quoy cez Seigneurs se sont fort esmerveillez, attendu ce que leur-
dict ambassadeur prez dudict roy leur avoyt faict entendre de sa part.
Et de faict envoyèrent quéryr l'ambassadeur de l'empereur, qui est
icy, pour luy notiffier le tout, lequel excusa l'affaire le mieulx qu'il
peult, leur demandant le double de ladicte commission, et qu'il en
escriproyt audict roy, et feroyt de sorte que la chose ne passeroyt point
plus avant; ce néantmoings ne peult appaiser si bien cez Seigneurs
qu'ilz n'en ayent quelque malcontentement. »
Pellicier se recommande ensuite, lui et les siens, aux bonnes grâces
du connétable.
« ... Monseigneur, sur le poinct que voulloys signer la présente, est
venu vers moy le seigneur Francesco Beltrame ^ qui m'a pryé vous
faire souvenyr de l'espérance qu'il vous a pieu luy faire donner par
moy longtemps a, et le maintenyr tousjours en vostre bonne grâce. »
Vol. 2, fo 164 v», copie du xvi^ siècle; 1 p. 1/4 in-f°.
1. Aquilée, ville d'Illyrie, située à 28 kilom. de Goritz, dans les lagunes, au fond
de l'Adriatique.
2. Nicolas de la Tour, gouverneur du comté de Goritz pour le roi Ferdinand.
3. Francesco-Beltramo Sachia.
.■(02 AMBASSADE DE [maI lli4l]
l'ELLICIE» A M. I) ANNEUAL'LT.
199. — ' Vrnisc], i 7 mai 1 54 1 . — Mcimes nouvelles que dans la lettre
au roi, (le ce jour.
Vol. 1', f" lor). copie du wi" .siècle; 1 p. iii-f".
PELIJCIER A CESAHE KREOOSO.
200. — [Venisi']^ 17 mai I .'> 1 1 . — iVlJiciir a reçu les lettres de
Fregoso datées des 13 et 17 avril; il le remercie de ses bons oflices à
la cour et le prie de les lui continuer dans l'avenir. Les nouvelles qu'il
lui transmet ensuite, concernant IcMnpereur et le Grand-Seigneur,
sont celles dont il a été déjà question dans la lettre au roi.
" Monseigneur », dit Pellicier en terminant, « je pense que aurez
entendu comme le pape a laict entendre au duc d'Urbin qu'il veult que
SCS subjeclz prennent le sel aussi bien que les aultres, comme estans
soub/. son estât, et qu'il voulloyt avoir Sénégaye '. Sur quoy ledict duc
a demandé quelque temps à respondre, et s'entend quil ne rellusera
de prendre ledict sel; mais, quant à Sénégaye, qu'il n'est pour la
quilter sans coups frapper, et que icelluy duc est pour s'appoincter
avecqucs l'empereur, et laisser cez Seigneurs. Je n'ay sceu encores
sçavoir les choses pourquoy, ne rien davantaige de ce propoz. »
Vol. 2, f' iOii v", copie du x\'i« siècle; 1 p. 3/i in-f".
PELLICIER A RINCON.
201. — [Venise]^ 17 mai 1 541. — « Monsieur, n'estoyt les grandes
occupations et affaires que suys asseuré povez avoir à la court, je
doubleroys que ne me eussiez mys en obly, veu que je n'ay faict
dépesche au roi, depuys vostre partement d'icy, que ne vous aye
escript, sans que jamais aye eu aulcune lettre de vous, sinon une par
laquelle m'advertissez seullement de vostre arrivée là, me remettant à
m'escripre plus amplement quant auriez parlé à S. M. plus au long
que n'aviez faict lors; mais les lettres sont encores à venyr. Toulesfoiz
si n'ay-je voullenté laisser de continuer à vous mander des nouvelles
et occurrances de deçà, et vous advertyr que depuys les miennes der-
nières du dernier du passé, ay receu une lettre de messire Vincenzo
Maggio pour vous faire tenyr, que vous envoyé présentement; par
laquelle à mon adviz entendrez comme passent les affaires de delà. Je
croy qu'il vous a escript par cy davant, comme il a faict à moy, que
1. Sinigaglia.
[mai 1341] GUILLAUME PELLICIER 303
Pél'impéler avoyL mandé ung sien homme à la Porte, oUrantde traicler
la paix entre le Grant Seigneur et le roy Ferdinando; auquel avoyt
esté respondu que ledict Grant Seigneur se soulcyoyt peu de sa paix
ne de sa guerre. Toutesfoiz, Monsieur, j'ay esté adverty que l'ambas-
sadeur Badouare a escript à ccz Seigneurs que Ton ne avoyt reiîusé si
rudement ledict pcrsonnaige que Ton ne fust pourrescoutler et attendre
aux ofïres et partiz que on pourroyt mettre avant. Mesmement se
retrouvant ledict Grant Seigneur fort occuppé et empesché du cousté
du Sophi, et s'estant offert ledict roy Ferdinando à luy payer tel ou
meilleur tribut, si besoing estoyt, que ne faict ledict jeune enfant roy
de Hongrye, — chose que pour estre beaulcoup plus puissant que n'es-
toyt le feu roy Jehan ou à tout le moings que n'est son filz maintenant
et davantaige qu'il est frère d'ung empereur qui a telle puyssance que
l'on peult sçavoir, et que il recongnoistra l'Aultriche tenyr de luy, —
ledict Grant Seigneur auroyt beaulcoup plus d'honneur, gloire et exal-
tacion d'avoir ung tel roy son tributaire et aulcunement subget que
ledict jeune enfant roy; et par ce moyen pourroyt estre en repoz de ce
cousté là. Et davantaige j'ay entendu que cez Seigneurs ont eu de leur-
dict ambassadeur, ou bien que d'eulx-mesmes discourent que l'empe-
reur faict entendre audict Grant Seigneur que il n'y anacion au monde
qui soyt pour estre plus ennemye à la sienne et plus fatalle que la
françoyse, ainsy que les sçavants et les saiges en sa loy peulvent sça-
voir, pour le trouver en leurs prophéties. Dont ce luy seroyt trop plus
grant préjudice et péril, si le roy le faisoyt plus puissant qu'il n'est,
que de nul aultre prince de la chrestienté; ce qu'il fera moyennant son
ayde et secours : dequoy aprez se trouvera battu. Et que quant estoyt
de faire la paix entre ledict Grant Seigneur et luy, puysque par le
moyen du roy il l'avoyt vouUu accorder à son frère et à luy, à meil-
leure raison le debvoyt-il faire de luy-mesmes, sans y mesler les choses
et intérestz de S. M., et ne se soulcyer que ledict empereur ayt en ce
faisant à bailler le duché de Millan au roy. Car ce seroyt tousjours
pour faire plus puyssant celluy qui a à luy pourchasser plus grant
ruyne que tout aultre. Et plusieurs aultres propoz m'a Ion dict là-
dessus, non seullement pour persuader ledict Grant Seigneur de faire
ledict accord, mais à tout le moings le retirer le plus qu'il pourra de
Tamytié et faveur qu'il porte à S. M. De quoy m'a semblé vous debvoir
advertyr, plus tost que nul aultre, pour aultant que congnoissez trop
mieulx les gens à qui l'on a affaire, et s'ilz seront pour y entendre, et
conséquemment y donner tel remedde que vostre affection, discret et
bon jugement sçaura trop mieulx adviser que ne sçauroys pencer... »
Pellicier termine en donnant à son correspondant les nouvelles de
Constantinople contenues dans la lettre au roi, du môme jour.
Vol. 2, f° 1G6 y", copie du xvi" siècle; 1 p. 3/i in-r\
304 AMBASSADE DE [maI 1541]
PELLICIER A M. DE LANtlEY».
202. — \ Venise], 20 vini /.)//. — « Monsieur, siiyvant ce que
M. d'llannel)ault m'a esrripl par sa dernière du xx' apvril, que eusse à
adverlyr Tassin de Luna de faire si bon ^uQi, et mettre telle peyne de
sçavoir la part où c'eslox I (juc l'empereur voulloyt mander xii"" lans-
quenet/, que on faisoyl hruytl voulioir lever, incontinant que euz receu
sadicLp lettre, je ne fiiilly dcpescher Gorgenoyre vers luy, qui fut le
m' de ce moys. Auquel escripviz faire toute dilligence de le sçavoir, et
que soubdainement me advortisl. A cause de (juoy ay délayé la pré-
sente dépesche i)0ur le moings quatre ou cinq jours plus tard que
n'eusse fait, allendanl d'heure en licure rcsponce de luy, me semblant
ne debvoir tarder si longuement. Toutesibiz, voyant qu'il demeuroyt
trop et qu'il ne m'avoyt escript seullement de l'arrivée vers luy dudict
Gorgenoyre, je m'esloys deslibéré ne séjourner davantaige à mander
ceste dépesche; mais, sur le poinct que j'estoys aprez, m'est arrivé
ung pacquet dudict Tassin, par lequel m'advertist avoir mandé ung
homme exprez jusquos aux basses Allemaignes pour entendre le tout
à la vérité. Kl par une lettre que luy a escripte ung sien amy, que ay
trouvée audict pacquet, s'entend que tous les gens que lève l'empe-
reur en Allemaigne sont pour mander en Hongrye, et que sur le bord
du lac, du cousté des Allemaignes, a esté levé une bandière de
v<= hommes pour y envoyer. Et pour ce qu'il ne m'a rien faict sça-
voir touchant le conte Lodron^ dont m'avez escript et que n'en ay rien
sceu entendre icy, nonobstant quelque information que je en aye sceu
faire, je luy ay escript par ce présent porteur, pour ce que c'est son
chemin de passer par sa maison, qu'il vous advertist de ce qu'il en
aura trouvé, et de mon cousté je ne fauldray aussi à m'en enquéryr
de toutes pars. Et pareillement bien certainement du chemin que l'on
vouldra faire tenyr ausdictz xii"> lansquenetz si aulcuns seront levez,
car il s'en dict icy tant de variables et diverses oppinions que l'on ne
sçayt à quoy s'en tenyr. Toutesfoiz il est beaulcoup plus à croyre que
ce n'est pas chose preste... »
"N'ol. 2, f» 167 v°, copie du .wi" siècle; 1 p. in-f"^.
1. « Escript cedict jour h M. Bigolius. Ceste dépesche fut baillée à Raymond Hos-
laris. courrier ordinaire. »
Guillaume Bigot, poélc. philosophe et médecin, né à Laval en juin 1502, mort
après 1549. Familier des Du Bellay, il avait accompagnée le sieur de Langey lors
de sa mission en Allemagne, en 1532. Il professa quelque temps la philosophie à
Tubingen; puis, ayant dû quitter sa chaire pour y avoir soutenu les idées de Mé-
lancliUion, il vint s'établir on 1536 à Bàle, d'où il ne tarda pas à retourner définiti-
vement en France. On lui doit plusieurs ouvrages en prose et en vers (V. llauréau,
Histoir'e Ulléraire du Maine, t. II, p. 95).
2. Giovanni-Baltista, comte Lodrone, capitaine italien au service de l'empereur.
[mai 1541] GUILLAUME PELLICIER 303
l'EI.LlClER A U.\15ELA1S.
203. — T>n?se, 20 mai 1 541 '. — « Monsieur, je pense que aurez,
veu le livre d'une bonne parlyc des Oraisons de Cicéro que messire
Paulo Manucio a corrigées fort diligemment; lequel, comme aurez peu
veoir par mes lettres, et aussi par icelluy livre, en décoration el exal-
tacion de monseigneur de Langey, luy a desdyé et envoyé. Sur quoy
ledict seigneur m'a faict responce, l'en remercyant fort affectionné-
ment, et que bien tost auroyt de ses nouvelles plus amplement; et
aussy qu'il envoyeroyt au seigneur Asulanus la charrette et les jumens
qu'il luy avoyt promyses. Ausquelz ay faict entendre le tout et monstre
ses lettres. Dont depuys se sont enquis de moy plusieurs foi/, si en
avoys rien entendu aultre chose; je n'ay sceu que leur respondre,
sinon que ay excuse que l'indisposition que a eue mondict seigneur
de Langey et grans affaires qu'il a ordinairement ont esté cause que
à mon adviz n'a eu loysyr de ce faire, mais que j'espéroys bien que
ne pourrions plus guères tarder que ne eussions de ses nouvelles
quant à cest affaire. Par quoy je vous prye, quant vous viendra à
propoz, affin qu'ilz ne pencent point que on les ayt mys en obly, ou
aultrement laissez en arrière, d'en recorder mondict seigneur de
Langey, et vous souvenyr de m'envoyer les plantes que il m'a donné
espérance que me debvez envoyer avecques ladicte charrette dudict
seigneur Asulanus. Et de mon cousté je ne fauldray aussi à vous
envoyer des nouveaultez de deçà quant il m'en viendra entre mains,
comme dernièrement je feiz de Vamotnon et de ïorigano heracleatico^
de Candia. Je suys tousjours aprez à faire transcripre livres grecz, et
continueray pendant que j'en trouveray qui en soyent dignes, de sorte
que j'espère en faire une aussi bonne provision que nul de mes pré-
décesseurs qui ayt esté par cy davant, aydant le Créateur...
« De Venize. »
Vol. 2, fo 168, copie du .\vi« siècle; 1 p. in-fo.
PELLICIER A VINCENZO MAGGIO 'K
204. — Venise, 26 mai i 541 . — Pellicier n'a pu encore apprendre
1. Les éditeurs de celte lettre l'ont, entre autres erreurs de lecture, datée à tort
du 20 mars 1541 (V. Œuvres de Rabelais, édit. Jannet-Picard, t. VII, p. lui).
2. Amome, amomum Plinii, arbrisseau de la famille des solanées, plante aroma-
tique.
— Origan, origanum, sorte de marjolaine sauvage, plante aromatique dont on
trouve des espèces fort variées.
3. « Escript le XXl" may à MM. de Rhodes et évéque de Locles, à Rome; dont n'en
fut faict mynute. »
En italien. — « Escript à M. l'arcevesque de Raguse. »
Venise. — 1540-1542. 20
306 AMBASSADE DE MAI lliHj
les liTiiic^ lie lu di'claralit»!» laile par le (Jrand-Seignour a lambas-
sadeiir de Venise. A défaul de ces nouvelles, il envoie à son corres-
pondant une copie îles articles de la diète de Ratisbonne '.
« //( l rnrlin. »
Vol. -J, f" ItVH V", copie 'lu \vi" •<ii'cle; 3/t j). in 1'.
l'KI.l.IClLU A TASSIN DE LLNA.
205. — [ re/j/'s*.'], .27 mai 1511. — « Messire Tassin, j'ay receu
toutes les lettres que ni 'ave/, escriples, tant celles que m'avez mandées
auparavant la venue icy de vostre lil/. que depuys, dont les dernières
sont du xxi" de ce moys; et pareillement ay receu deux lettres de l'amy
de .Millan, et l'aultre de vostre compère. De quoy de tout je vous
mercye, et de la bonne dilligence que avez usée, à scavoir ce dont je
vous avoys escripl. Ce néantmoins il me semble <ju'il eust souHist
d'envoyer seuUement à Trente; car, comme vous mesmes m'escripvez,
s'il en eust esté quelque chose, l'amy n'eust failly à vous en advertyr;
mais, puisque cela est faict, il faull passer par là pour ce coup. Tou-
tesfoi/ je n'entendoys pas qu'il s'y deust faire si grant despence, car,
comme vous sçavez, Ton ne recouvre pas ses pièces à la court comme
l'on veult; et n'en veulx point d'aultre tesmoing que vous mesmes.
Dont ne vous fault esmerveiller si je desbourse et advance argent mal
voullentiers, mesmement quant l'on peult faire de moings, carje ne
sçays encores comme l'on en faict le remborsement, pour aultant que
depuys que suys icy Ton ne m'en a faict aulcun de quelque extraordi-
naire que je aye faict. Par quoy, à l'advenyr, je suys d'adviz que pour
sçavoir telles choses y faciez le moings de despence que vous pourrez,
et entendoys seuUement comme je vous ay dict cy dessus, que le
deubsiez sçavoir de Trente. Je vous envoyé pour le compère * quatre
des plus belles peaulx qui se soyent peu trouver en cesle ville, et fault
bien que vous sçaichez que qui en eust voullu donner dix escuz de la
pièce pour en trouver encores aultant icy, l'on ne l'eust sceu faire,
comme vous pourra dire vostre iilz; car ce ne sont pas peaulx com-
munes de ce pays, mais marroquins de Turcquye fort beaulx, comme
pourrez veoir. J'ay aussi baillé les trente escuz à vostre filz, ainsi que
m'avez escript, vous pryant continuer de m'advertyr de tout ce que
pourrez entendre; car je vous asseure que n'eustes jamais meilleur
moyen de faire cognoistre au roy les services que luy faictes, que avez
mainctenant, pour ce que je luy envoyé à luy-mesmes vos propres let-
tres escriptes de vostre main, et celles des amys avecques lesquelles je
1. Celle pièce manque dans le manuscril.
2. Le personnage de la cour impériale qui transmetlait habiluellemenl à Tassin
des nouvelles d'Allemagne.
[mai 1541] GUILLAUME Pl'LLICIER 307
ne faulx accompaigner les miennes de quelque bonne parolle on voslre
faveur. Quant est de ce que me mandez d'envoyer aux Terres franches
pour sçavoir de la levée des x.v'" hommes qu'ilz ont accordé ;i rempe-
reur comme l'on faict bruict, il me semble n'en estre jà besoing, pour
aultant que si ainsi est M. l'ambassadeur du roy vers l'empereur et
M. l'advocat de S. M. en la cour du Parlement de Paris qui est à
présent vers l'empereur \ n'auront failly de l'en advertyr. Car ce ne
sont point choses tant secrètes que ilz ne le puissent bien entendre, et
n'est pas comme si c'estoyt quelque commission décernée à aulcun
cappitaine particullier pour lever gens; mais s'il sera vray, tout le
monde le sçaura incontinent, et jusques à celle heure je n'y adjousle
pas grant foy, attendu que cez Seigneurs n'en ont rien et que les Impé-
riaulx qui sont icy n'en ont point encore mises les nouvelles avant,
mesmement ceulx du fondigue des Tudesques, qui ne faillent, quant
ilz n'ont point de nouvelles advantaigeuscs pour l'empereur, à en
trouver de toutes fresches. Par quoy, comme je vous ay dict, il me
semble n'estre jà besoing de y faire telle despcnce, attendu aussi que
le roy ne aultre personne ne m'en ont point escript. ïoutesfoiz je vous
prieray bien, si en povez rien entendre par quelque aultre moyen que
de y envoyer homme cxprez, le voulloir faire et m'en advertyr, et de
toutes aultres choses. Qui est, en somme, tout ce que je vous puys dire
pour ceste heure, fors ung petit mot du bon vin que je désire grande-
ment, et bien tost, car, quelque bonté qu'il ayt, encores les challeurs
ne luy feront point de bien au porter, et si j'ay paour qu'il advienne
quelque aultre cmpeschement comme il a faict des eaues basses qui
engarde le povoir envoyer, dont je vous prye me l'envoyer le plus tost,
car j'en boyray d'aussy bon cueur que je me recommande à voslre
bonne grâce, etc. ^ »
Vol. 2, f** 169, copie du xvi'' siècle; 1 p. 1/2 in-f».
1. Claude Doilieu, conseiller du roi et maître des requêtes, ambassadeur auprès
de l'empereur depuis le 2" septembre 1540 (B. N., ms. Glairambaull 1215, f"' 78 vo et 79,
Comptes de l'épargne), et Pierre Raymond, avocat au Parlement. Par lettres données
à Fontainebleau le 7 février 1541, treize cent cin<)uante livres furent attribuées à
ce dernier « pour un voyage qu'il allait lors faire, du commandement du roy,
comme son ambassadeur ez pays d'Allemagne devers aucuns princes et communaulez,
pour certains affaires de grant importance » {Ici., ibid., f» 79 v").
2. « Escript le xxviu" may à MM. de Rliodez, évesque de Lodes, et évesque de
Chisamo. » — Agostino Steuco, bibliothécaire de la Vaticane, évèque de Cissamo,
dans l'île de Crète. Gams ne lui attribue ce siège qu'en 1550, date de sa mort [Séries
episcop., p. 403).
A. Steuco avait été nommé bibliothécaire de la Vaticane, ou plutôt tic la Palatine,
comme on l'appelait officiellement alors, en vertu d'un bref de Paul 111, daté du
27 octobre 153S : « Concessio officii Bibliolhecœ Palalinœ », etc. Le document a été
publié par les Assemani, t. I, p. lxii. Steuco succédait à Girolamo Aleandro (1480-
1542), archevêque de Brindes, promu au cardinalat le 13 mars 1:;38 (Léon Dorez,
Recherches sur la bibliothèque du cardinal Girolamo Aleandro, dans la Revue des
bibliothèques, t. II, 1892, p. 51).
308 AMUASSAl'E DE MAI lo4l]
l'EI.I.IClEn AI nni ".
206 — [ \'rntsc], 31 mai 1 54 1 . — « Sire, V. M. aura peu entendre
par les dernières (juG luy ay escriples le wii» de ce moys, el par celles
de ïassin <jue luy ay envoyées, comme il avoyt mandé unj; homme
expresséinenl jusqucs aux liasses Allemaif^nes, pour entendre la vérité
«lu lu-uicl (pic l'on avoyt faiit de la levée de xii"' lanstjuenetz par
l'empereur cl quel cliemyn on leur vouUoyt faire tenyr. Depuys ay
reccu lettres «[uc luy a escript celluy <iui y estoyt allé; laquelle, pour
éviter prolixité, vous envoyé en son propre original pour plus grant
elficace. Dont, me remettant à icelle quant à ce point, ne m'estenderay
à vous en dire aullre, mais bien comme ledict Tassin m'escript que
pour s'asseurer encores mieulx de tous costez de cest affaire, avoyt
mandé ung homme vers le personnaige qui ordinairement luy faict
entendre nouvelles d'AUemaigne, duquel vous ay envoyé plusieurs foiz
lettres; mais ledict messaiger n'avoyt trouvé ledict personnaige, tant
seullement sa femme, qui luy avoyt dict que l'empereur avoyt mandé
son mary en poste aux confins de Ilongrye, et qu'il luy avoyt escript
que de brief seroyt de retour à son chasteau. Et avoyt icelle femme
faict entendre audict Tassin qu'il y avoyt plus de deux moys qu'il
n'estoyt party gens de guerre portans enseignes à dix lieues à l'entour,
fors cinq cens hommes de pied italliens pour mander en Hongrye y a
bien cinq sepmaines, qui ne sont à mon adviz aultres que ceulx qui
ont esté levez à Riviera ^ desquelz vous ay escript par madicte der-
nière dépesche. J'ay aussi receu deux aultres lettres dudict Tassin,
lesquelles pareillement vous envoyé en leurs originaulx avecques le
double d'aultres qu'il a recerues d'ung sien amy fort affectionné à vostre
service, datées des xii et xvi" de ce moys. Je n'ay failly adverlyr
incontinent Mme la contesse de la Mirandola des ingéniers et cappi-
laines envoyez là par le marquiz du Ouast, et de tout ce qui est contenu
quant à ce qui touche de la Myrandola en ladicte lettre du xvi«; si elle
m'advertist ou je veoy aultrement estre besoing y faire quelque pro-
vision, je n'y fauldray point.
« Sire, je receuz hier ung pacquet de lettres de messire Vincenzo
Maggio, ouquel en y avoyt deux pour le seigneur Rincon, que luy
envoyé présentement. Il ne m'escript chose du monde digne de vous
faire sçavoir, sinon l'arrivée à Constantinople de vostre galléasse ^ et
1. ■< Escript cedict jour à Sainct-Pol et au sire Laurens Charles. •
i. 1^1 Uivière de Gènes. — Le ducato di Genova élait formé de deux parties : la
riviera di levante, et la riviera di ponanle, appellations données au.x deux rives ou
côtés du golfe de Gênes, l'une à l'est, l'autre à l'ouest de Gênes.
3. Galéasse, de l'italien galeazza, nom donné à une galère plus grande el plus
forte que la galère commune, mais de construction analogue (V. Jal, Glossaire nau-
tique, p. 737).
"^MAT lo4l] GUILLAUME PELLICIER 309
la répulacion, faveur cl crédict eu laquelle le (jranl Seigueur cl lous
ceulx de par delà la tiennent, me remettant à une auUre qu'il dict
m'avoir escripte par cy davant, par voye de Corége, marchant en Cons-
tantinople *, laquelle n'ay encores receue. Toutesfoiz, en l'attendant,
vous diray ce que j'ay peu entendre de ce cousté là, par lettres que cez
Seigneurs ont eues de leur ambassadeur Badouare, des xxii, xxv
et xxvin" d'apvril, c'est que l'armée turcquesque ne sourtiroyl pour
ceste foiz. Laquelle il dict estre despartye en ceste sorte : que Sinan,
dict le Judeo, coursaire -, avoyt dix gallères et une sienne, le Corsetto^
a une gallère et troys galléottes, et Sala Raiz une gallère et six gal-
léottes; et auprcz de Gallipoli se retrouvoyent quinze gallères en ordre.
Et que, estant besoing, le Grant Seigneur dépescheroyt Barberousse
avecques le reste, ayant faict muer son premier lils* de Magnésia où il
estoyt premièrement en Amasia, avecques accroissement de cinquante
mil escuz, oultre cent mil qu'il avoyt auparavant; le(]uel estoyt allé du
cousté du Sophi avecques troys mil janissaires. Pareillement ledict
Grant Seigneur avoyt faict muer son second filz pour aller en Boetia ^,
sans aultre accroissement d'estat; et s'entend que delà le vouUoyt
mander es partyes de Hongrye avecques le filz de Barberousse ^ et
qu'il avoyt faict marcher tous les sanzacques de la marine, et que s'il
estoyt besoing ledict Grant Seigneur suyveroyt en personne. Escripvant
aussi ledict Badouare n'avoir peu obtenyr aulcune chose ne de mar-
chandise ne des prisonniers, et que en toutes choses on lui mettoyt
délaiz, disant, entre aultres choses, pour quelles causes ne mandoyent
le baille et le reste des deniers montans cinquante mil escuz, se con-
douUant icelluy Grant Seigneur que ceste Seigneurve ne luy escripvoyt
plus comme elle soulloyt des affaires et négoces qui passoyent entre
les princes chrestiens : chose qui n'eust sceu ne pourroyt avoir plus
agréable que cesle-là, disant qu'il pençoyt que cez Seigneurs n'avoyent
1. Correggio, négociant italien étal)li à Constantinople, cl ytciit-èlrr |i,in>nt île ces
seigneurs de Correggio dans le Modénais dont on rencontrera pins loin ijuelque
représentant.
2. Sinan Djoufoud, dit il Giucleo ou le Juif, israélile renégat devenu corsaire, et
l'un des plus intrépides capitaines de Klieïr-ed-l)in Barberousse. 11 se distingua
notamment dans la défense de la Goulctte contre Charles-Quint, du Iti juin au
14 juillet 133.").
3. Le ou plutôt II Corsetto, « le petit corsaire », autre fameux pirate liarliaresijue.
4. Mustafa, le cinquième fils de Sulcyman, quittait Magnésie d'Anatolie, le gou-
vernement le plus voisin de la capitale, pour prendre celui d'Amasie, plus rapproché
de la Perse (V. de Hammer, t. V, pp. 32S et 385).
5. Bayezid, le si.xième fils de Suleyman, mais le second né de la sullanc alors
favorite, déjà mère de Mustafa (V. de Hammer, t. Y, p. 530, note xxxv). — La lîéotie.
6. Hassan, fils unique de Kheir-ed-Din Barberousse et d'une mauresque d'Alger;
il succéda par l'influence de son père, en juin 1544, à llassan-Aga comme pacha
d'Alger, et fut nommé, deux ans plus tard, beglierbey d'Afrique, en remplacement
de Kheïr-ed-i)in. Disgracié en septembre 1531, il fut rétabli en juin 155", devint
capitan-pacha en 1366, et mourut en 1370, à l'âge de cinijuanle-trois ans (V. H.-U.
de Crammont, Ilist. d'Alger, pp. 41, 73 et suiv.).
310 AMIIASSADE DE [mAI 1541]
le cueur franc envers liiy, mais (iii'ilz esloyent alleiidaos comme faict
le loup, la gueule ouverte, el qu'il luy sembloyl ung maulvais signe de
non mander le baille. Kscrij)vanl aussi que tous ceulx de delà esloyent
en grande jallousye du retardement du seigneur Rineon et qu'ilz
esloyent moult suspens, ayant iliet toutesCoiz les bassat/. audicl ambas-
satleur (jue le (iranl S(Mgneur ne voulloyt en façon quelconque que
cesle Seigneurie sentrcmist nullciiu-nl k donner faveur à l'i-mporeur
c(^»ntre V. M..mais«iiie du moins elle fust neutre. Sur quoy lodict liadouare
respondit (jue (juaud lediol Cîranl Seigneur luy commanderoyl le faire
entendre à eez Seigneurs, il ne pourroyt faire de moings que d'ol)éyr à
ses commandements, el de escripre le tout à sadicte Seigneurie, laquelle
ne fauldroyl de faire tous les plaisyrs qu'il seroyt possible audicl Cirant
Seigneur. Par lequel dernier poincl V. M. pourra estre certaine de ce
que elle voulloyt sçavoir, si ledict ambassadeur liadouare auroyt escript
à cez Seigneurs la déclaration du Grant Seigneur à luy inlliiniée et
dénoncée : ce que, comme jay peu estre acertainé, n'avoytesté faict par
luy jusqucs à présent. Laquelle responce cez Seigneurs n'ont trouvé
estrange ne maulvaise, comme ilz ont faicl celle sur presque mesmes
propoz que le magnificque seigneur Matheo Dandolo a faicle à V. M.
ainsi qu'il escript par lettres du nu" de ce moys, disant que luy ayant
icelle tenu propoz que quand elle seroyt certaine que cez Seigneurs ne
fussent pour donner secours à l'empereur, que ne fauldriez veuyr tout
incontinant en Ilallye. A quoy vous avoyt faict responce qu'il croyoit que
cez Seigneurs ne pourroyent faire de moins que de observer à l'empereur
tout ce à quoy ilz luy sont obligez pour raison de la lencion de la duché
de Millau. De laquelle responce ont esté fort desplaisans, estans gran-
dement contre l'intencion de tous qui est de ne se lenyr obligez ne
vouUoyr tenyr aulcuns pactes et conditions de donner secours audict
empereur pour ledict duché, ne leur en ayant observez ne gardez nul de
sa part; mesmement pour n'y avoir pourveu d'ung duc particullier, et
pour n'avoir observé les aultres cappituUacions. Comme est de n'avoir
faicl le debvoir de son cousté au joindre et combat qui fut faicl en la
Prevesa, ne de la restitucion de Castelnove en leur main, el du secours
des vivres cez années passées à leur très grant besoing. Et ay-je entendu
de bonne part que ilz se sont assez plairnjctz que ledict seigneur
ambassadeur se soyl osé ainsi advancer de respondre, el s'esmerveil-
lent fort qu'ilz n'ayent nouvelles de l'arrivée du seigneur Allemani.
Par lequel combien qu'ilz ne doublent point que desjà luy et moy ne
vous ayons faict entendre la substance de leur responce qu'ilz luy fei-
renl, qui est beaulcoup aultre que celle de leurdict ambassadeur, ilz
s'attendent bien que V. M. aura occasion d'estre mieulx satisfaict. El
onl esté non peu aises el consoliez des bons propres que V. M. a tenuz
à leur ambassadeur, mesmement qu'elle s'ofTroyl à faire tous bons
offices en ce qu'il vous requerroyl pour la Seigneurie et qu'ilz vous en
[mai 1o41] GUILLAUME PELLICIER 311
advertissent, pour ce que de brief estiez pour remander en Levant
ledict seigneur Rincon; et aussi de ce que V. M. luy avoyt offert que
quant il n'auroyt point de nouvelles, qu'il vint devers vous, ou man-
dast son secrétaire, car luy en feriez part de ce que en auriez. Et pour
retourner au propoz de ladicte déclaracion, comme dict est, à présent
l'ayant entendue cez Seip;neurs, il vous plaira. Sire, m'advertyrs'il sera
bon que je leur eu tienne aulcuns propoz, et en quelle substance, et à
quelles lins je le doibve faire, et ce, ainsi qu'il me semble, seroyt le
meilleur le plus tost, cependant qu'ilz en ont la mémoire fresche. Et
qu'ilz y pourroyent estrc plus dispostz, pour desjà avant que d'estre
advertiz de ladicte déclaracion, avoir faictz telz discours en leur pregay
que vous en ay escript par mes lettres du dernier du passé. Vient en
oultre ledict Badouare, par sadicte lettre, à répéter et confirmer que les
bassatz luy avoyent dict que après qu'ilz auroyent mandé leur baille
avecques le reste des deniers, que ledict Grant Seigneur envoyeroyt
vers eulx ung ambassadeur qui ne seroyt aultre à son adviz que Janus
Bey. Sur quoy, Sire, il vous plaira de adviser que, ayant la commodité
du seigneur Rincon, lequel pour avoir longuement pratiqué ledict Janus
Bey et sa nation, pourra donner meilleur adviz que tout aultre du
moyen par lequel on pourra mieulx entretenyr ledict Janus Bey ou
aultre venant icy, — et m'en faire advertyr par le premier, et consé-
quemment m'y faire pourveoir avant que ledict seigneur Rincon s'en
aille par mer comme l'on faictbruict icy de tous coustez. J'ay receu par
vostre commandement mil escuz pour cest effect; desquelz, pour estre
la chose allée en longueur et quasi comme tenue pour délaissée, en ay
employé quelque somme pour la Myrandola et aultres voz affaires, y
ayant esté contrainct pour n'en avoir point d'aultre. Y. M. entend trop
mieulx de quelle importance est de l'aire que ledict Janus Bey ou aultre
estant icy soyt esmeu et incité à porter parolle pour les affaires de V. M.
de plus grant affection et efficace, et combien ceste nation là est incline
et subgecte à telz entretiens. Par quoy ne en diray aultre pour ceste
heure à V. M. de ce cousté là, sauf que par ung Bua, calogero \ venu
puys naguères de Corfou, l'on avoyt entendu que en Negroponte ^ estoyent
cent cinquante voylles, soixante gallères, et deux cents fustes à
Lépantho ^ et trente à Canomalia. Toutesfoiz, par lettres dudict Corfou
l'on voulloyt dire du contraire; car, encores que l'on ayt adviz de
divers lieux que l'armée turquesque soyt si grande, ce néantmoings
qu'ilz ne le croyent poinct et qu'ilz pencent que ladicte armée sortira
ceste année bien petite.
1. Ce Bua, ca/or/ero ou caloyer, êlait sans doulc parent du comte lUia. aventurier
albanais que nous avons rencontré plus haut. — Galoyor», moines f-'recs de l'ordre
4le Saint-liasile.
2. Négrepont.
3. Léfiante.
312 AMBASSADE DE MAI ir»44j
« Sire, cncoresque V. M. itmina avoir esté adverly par M. de Hliodez
des nouvelles et occiiranees de Home, ce néantnioings n'ay voullu
délaisser vous en ujunder ce (jue ay entendu (juc laniljassadeur de
cez Seigneurs leur a escripl i)ar lettres du \vr" de ce moys, pour y
avoir choses (jue lacillenicnt nu ne pourroyt avoir entendues sinon
pour occasion de cez Seigneurs, ("est (|ue le Pape n'ayant encore
lors voullu «tonner audiancc au secrétaire Martirano, mandé vers
luy du vice-roy de Naples, par commission de 1 empereur, pour luy
prolester des choses du seigneur Ascanio Coulonue ', laignant de
se purger, Sa Sainctelé avoyt dicl audict ambassadeur : « Nous
n'avons pas voullu escoutter aultrement ce secrétaire, mais ce que
nous luy «lirons sera que nous voulions tout Testai dudict seigneur
Ascanio, et non seullemcnt cestuy-cy, ains tout ce qui est tenu de
l'Esglise ». Ht que Sa Saincteté avoyt dix mil hommes de pied, et assez
bon nombre de cheval : ce néanlinoings qu'il ne laissoyt de accroistre
lousjours son camp, et qu'il voulloyl mander ung personnaige à cez
Seigneurs pour mettre avant nouveaulx Iraictez. Et par aultres lettres
de Rome du xxii" s'entend comme Sadicte Saincteté attendoyt le caval-
lier Maldonnato, mandé vers l'empereur pour les choses du seigneur
Ascanio Coulonne, et qu'elle disoyt voulloir respondre ce que dessus
avoyt dict : qu'il voulloyt avoir tout lestât dudict seigneur Ascanio
appartenant à l'Esglise, cl qu'il n'avoyl point paour des braveryes de
remi)ercur, faisant Sa Sainctelé le plus de gens qu'il povoyf. Et qu'il
avoyt mandé ung sien cappilaine pour lever ung bon nombre de
Suysses, qui luy avoyent respondu voulloyr sçavoir la cause pour
laquelle Sa Saincteté les voulloyt, car aultrement ne voulloyent venyr
à son service. El oultre que Sadicte Saincteté demande à cez Seigneurs-
rames pour ses gallères; dont en tesmoing de ce, le xxviii^de ce moys,
son ambassadeur fut vers eulx en colliége, pour leur faire telle
requeste. El encores par aultres lettres dudict jour s'entend que le
personnaige qu'il veull mander icy est M. l'évesque de Lodes, auquel
a donné le palriarchal d'Allexandrye, Tévesché de Terracina et aultres-
biens en l'Esglise, et pencé-je bien sçavoir qu'il ne tiendra que à luy
qu'il ne demeure icy légal ordinaire. Je croy que Y. M. sçayt très bien
combien il a lousjours esté afTeclionné à vostre service, et de moy
depuys que l'ay cogneu, je vous puys bien asseurer que luy estant icy
et depuys qu'il est allé à Homme, me suys aultanl vallu de luy et m'a
donné d'aussi bons et certains adviz que nul aullre de deçà. S'il est
ainsy qu'il soyl icy résidant, il aura moyen de vous faire encores meil-
leur service, comme V. M. peull très bien entendre : dont ne luy en
diray aullre.
« Sire, par lettres de "Vienne du rn'^ de ce moys l'on entend que tous.
l. Colonna.
[mai 1541] GUILLAUME PELLICIER 313
les affaires pour lors passoyent bien, nommément quant à ceulx de
Hongrye, et que le Grant Seigneur avoyt bien des affaires du cousté
du Sophi; espérant le roy Ferdinando de brief avoir Bude. Laquelle
il auroyt desjà, ne fust que frère Georges l'a abusé cl déceu; faisant
grant cas d'avoir trouvé deux mil deux cens ballottes ' en Pest de la
balterye que les Turcs y avoyent faicte, qui s'accommodoyent aussi
bien à leur artillerye que s'ilz y eussent esté faictes expressément, qui
pourroyent beaulcoup servyr à battre Bude. Et par lettres de Ratis-
bonne dudict jour s'entend que quelques gentilshommes de la court
de l'empereur l'avoyent pryé leur donner congé pour aller servyr le
roy Ferdinando à l'cntreprinse de Hongrye, et qu'il leur avoyt acordé;
dont, aprez avoir prins la bénédiction du légat, s'estoyent partiz bien
en ordre, et se debvoyent trouver le xmr de ce moys avecques ledict
roy Ferdinando, comme Y. M. pourra avoir entendu plus amplement
par son ambassadeur qui est là. Qui me gardera vous en faire plus
long propoz ; mais bien comme par aultres lettres de ladicte court de
l'empereur, du xvi'- de ce moys, cez Seigneurs ont esté advertiz que
le chevallier Maldonato estoyt arrivé devers l'empereur. Auquel avoyt
faict entendre que le pape en tout événement voulloyt avoir tous les
estatz du seigneur Ascanio Coulonne; ce qu'il auroyt certainement,
luy ayant dict Sa Saincteté qu'il entendoyt aussi comprendre soubz
iceulx tout ce que tenoyt ledict seigneur Ascanio au royaulme de Naples r
estimant que ledict empereur ne l'auroyt à mal, sçaichant très bien
que ledict royaulme est feudataire de l'Esglise. Et puys aprez Sadicte-
Saincteté voulloyt aussi avoir Sénégaye *, que tient le duc d'Urbin; et
qu'il n'avoyt point prins les armes que en intencion de faire quelque-
chose de quoy ledict empereur se rescentoyt grandement, et pareille-
ment les protestans, ayant dict icelluy empereur que Sa Saincteté s'en
apercepvroyt à la conclusion de l'article de pofestale Bcclesie: et que-
M. le légat ^ estoyt en grant crédict, ayant ^ourveu et conféré plusieurs
bénefflces gratis sans prendre ung denier. Et dict ledict ambassadeur,
qui est des Contarins ^ ({ue selon son oppinion à l'aventure feroyent-ilz
pape ledict légat Contarin, et destitueroyt et déposeroyt le pape qui est
à présent, et mettroyent le temporel es mains de l'empereur. Auquel
empereur avoyt grandement despieu l'arrivée du duc de Clèves en
France, mais trop plus le pressoyt l'allyance et parenté qu'il y faisoyt.
Et quant à ce point, Sire, que ledict ambassadeur dict l'empereur
avoir usé de telz propoz que Sa Saincteté s'en apercepvroyt à la con-
clusion de l'article de potestafe Ecclesie, je ne sçay si c'est pour ceste
cause ou aultre, mais je suys très bien adverty par M. de Lodes que.
1. Boulels.
2. Sinigaplia.
3. Le cardinal Gasparo Contarini.
i. Francesco Contarini.
314 AMItASSADE DE [mai 1541]
Sa Sainctc'tc esloyl très mal contenle dudicl empereur et ne se fyoyt
rien du monde en luy; et (ju'il avoyt usé de grans parollcs parlant à
luy d'icelluy empereur, ce qui' monseigneur le cardinal (îrimain ',
estant arrivé icy, (jue jay esté veoir, m'a très bien conlirmé en avoir
certainemcnl seeu auUanl.
« Sire, par lettres de Vienne du .wiii" de ce moys s'entend que le iiP
d'icelluy le camp du roy des Romains se présenta soub/, Bude, lequel
n'est tant de cheval que de i)ied en plus grant nombre que de xiiii"
hommes, et que depuys le'xiii' avoyenl commencé à faire la batterye;
et aussi que frère George avoyt demandé parler au capj)ilaine général
dudiet camp *, ce qu'il feisl. Auquel dist qui! luy convenoyt pour son
debvoir et observance qu'il portoyt à la royne et à son enfant, pour
l'amour du feu roy Jehan, faire ee (ju'il faisoyl; et que quant le roy
Ferdinando vouidroyl rendre et observer les capitulations que jà
avoyent faietes avecques ledict feu roy Jehan, en luy donnant certains
chasleaulx, — et demandoyt aussi qu'il fust faict une diette en laquelle
entrevinsent les nobles du pays, — qu'il estoyt contant de tout ce
qu'il sv déterminerovt, et donner Bude entre les mains dudiet rov
Ferdinando. A quoy ledict cappitaine a respondu qu'il n'cstoyt temps
de faire diette, et quant à rendre les chasteaulx, quilz nestoyent en
la puyssance dudicl roy Ferdinando; mais bien rendroyt aultant vail-
lant à l'équipolant, jusques ad ce que lesdictz chasteaulx fussent
recouvertz. VA ainsi tout le parlement est allé en fumée. Frère George
licentia l'ambassadeur du roy de Poullongne, pour luy faire entendre
en quel/, ternies se retrouvoyt Bude; et avoyt icelluy frère George
refîéré au peuple de là qu'il voulloit vivre et mourir avecques eulx.
Ceulx de dehors ont faict grande batterye et espèrent d'avoir victoyre,
pour aultant qu'il/, sont bien fourniz d'artillerye et municions; et
Dullre ce, ledict exercite a beaulcoup de vaisseaulx sur le Danubio, de
sorte que, comme ilz disent, ne peulvent avoir sinon victoyre. J'espère
avoir doresnavant plus certaines nouvelles de ce cousté-là, puysque
M. lévesque de Transylvania y est arrivé, comme il m'a escript par
deux petites lettres, l'une de Belgrade, du x'" apvril, et l'aultre à
Bechkerek ^ du xvr- dudiet moys, qui est un lieu, comme il dict, où il
a povoir et commandement, ce néanmoings distant de son évesché
six journées; ne mescripvant aultre chose, sinon que les affaires de
Hongrye estoyent en tel estât qu'il n'en espéroyt que bien, combien
qu'elle ne soyent point sans diClicullé, et que soubdain qu'il seroyt
arrivé en sadicte évesché ne faudroyt ne dilléreroyt à m'envoyer ung
1. Le cardinal Marino Griniani.
2. Guillaume, comte tic l{u!.'),'cn(lorf.
3. Beszterczeou Bistrilz, sur la rivière de ce nom, ville de Transylvanie, autrefois
très florissante et grand entrepôt de commerce avec la Pologne.
[mai 1o41] GUILLAUME PELLICIER 315
de ses propres serviteurs par lequel nradverliroyl de tout ce que
auroyt succédé es choses de delà. »
Vol. 2, fo 109 Y", copie du wi^ siècle; G pj). 1/2 in-f".
PELLICIER A M. I) ANNEIÎMIT.
207. — [Venise], 3 t mai i 54 i . — « Monseigneur, je vous ay escript
par ma dernière du xvii" de ce moys la responce que Tassin m'avoyt
faicte touchant les xii™ lansquenetz dont m'avez escript estrc bruict
l'empereur voulloir lever, et comme il avoyt mandé ung hom.me jus-
ques aux Basses Allemaignes pour en sçavoir la vérité; à présent vous
diray que par lettres que ay depuys receues de luy, m'a confirmé n'en
estre rien, comme pourrez veoir par la lettre que luy a escripte celluy
qu'il y avoyt envoyé, laquelle je envoyé présentement au roy. Bien
m'advertist ledict Tassin avoir entendu que les Terres franches ofîroyent
payer à l'empereur vingt mil hommes pour aller en Hongrye, et qu'il
trouveroyt bon que je envoyasse homme exprez jusques là, pour en
sçavoir la vérité. Toutefoiz, Monseigneur, je luy ay mandé qu'il me
sembloyt n'y avoir lieu de y envoyer expressément pour cest efîect,
pour aultant que si ainsi estoyt, il auroyt esté accordé par les gens
desdictes Terres franches à ceste diette. Qui ne povoyt avoir esté faict
sans que MM. de Vueilly et advocat Rémond ', qui sont prez l'empe-
reur, ne l'eussent sceu; et dadvantaige M. de Boys-Rigaull, qui est là
sur ses confins, en auroyt peu entendre ce qui en auroyt esté sin-
dicqué et accordé par Icsdictes Terres en leurs conseilz : lesquelz ne
auroyent failly d'en advertyr S. M. Et oultre, veu que cez Seigneurs
n'en avoyent rien, et que les Impériaulx ne s'en vantent point, — ce
qu'ilz n'eussent failly, — l'on n'y debvoyt pas adjousler grant foy; car
le bruict en eust esté incontinant semé partout, n'estant pas comme
si c'estoyt quelque commission dicernée à aulcun cappitaine particulier
pour lever gens, que se dépeschent souvantes foiz secrettement, ce
néantmoings l'ay pryé, s'il entend aulcune chose, sans y envoyer
homme exprez, de me le faire sçavoir. Cez Seigneurs ont bien eu
lettres de leur podestat de Bassan ^, par lesquelles ont entendu que à
Trente se faisoyent vingt mil hommes de pied pour mander en la duché
de Millau; mais, comme l'on peult veoir par ce que dessus, il n'en
est rien.
« Monseigneur, ayant entendu par quelques ungs que S. M. voulloyt
entièrement estre advertye de toutes nouvelles et occurrances, ay esté
contrainct pour luy faire sçavoir tout ce que j'en avoys à présent, faire
1. Claude Dodieu, seigneur de Yelly, et Pierre Raymond, avocat au Parlement,
ambassadeurs auprès de l'empereur.
2. Bassano.
316 AMItASSADE DE !mai 1541]
iiiîi lettre trop plus longue (jue de coustunie, comme pourrez veoir.
Dont me senihleroyt chose superilue vous en faire aulcune repétilit)n;
mais bien vous diray tlavaiitaif,'(î que cez Seigneurs ont esté adverliz
que à présent les alTaires de S. M. passoyenl tant secrettement «]u'il
n'esloyt possible d'en povoir S(,avoir aulcune chose. Kt ce leur a dict
leur ambassadeur (|ui est ii la court, j)Our s'excuser s'il ne leur peult
donner adviz di-s choses de delà, <jili, comme il escript, se laisoyent
plusieurs discours (jue ce seroyl le meilleur de donner madame Mar-
gueritte ' à monseigneur le duc de Clèves, et à monseigneur d'Orléans
madame la princesse de Navarre *. Les semblables sont venu/, de
Rome, et que M. le daulphin et madame la daulphine^ venoyent en
Piémont pour veoir les foiteresses, et que de l'armée du roy se met-
loyenl quelques gallères en ordre, desquelles en avoyt esté ordonné
une pour conduyre le seigneur RIncon en Levant.
« Monseigneur, par lettres que le secrétaire Fidel a escript à cez
Seigneurs le xxii'' de ce moys s'entend que l'empereur avoyt mandé
du roy Ferdinando quarante mil escuz, et que ledict empereur avoyt
déterminé aller en Espaigne ou en Ilongrye pour donner plus de faveur
à son frère; et que les choses des proteslans passoyent mal, estant
pertinaces en troys articles de non peu d'importance, comme j'estime
pourrez avoir entendu. Qui me gardera vous en faire aultre propoz,
mais bien comme ledict Fidel escript davanlaige que l'empereur avoyt
mandé sçavoir du marquis du Guast s'il vouldroyt faire l'emprinse de
Hongrye. Lequel en estoyt en bonne voullenté, ne désirant aultre,
comme il escript, que d'aller contre les infidelles; mais qu'il avoyt
supplyé l'empereur que son plaisyr fust de luy concéder la grâce de
povoir laisser en sa place pour lieutenant qui bon luy sembleroyt.
Toutesfoiz je suys adverty de bon lieu que ce mandement faict par
l'empereur n'est pas pour voullenté qu'il ayl de luy donner charge en
ceste guerre de Hongrye, mais par ce moyen le tirer tout bellenuînt
hors du gouvernement de Millau, pour ce qu'il y veult mettre tous ses
gens espaignolz et mesmement en la principalle charge. Laquelle chose
ledict marquiz prévoyant n'en est guères contant; à quoy pourroyt
tendre la responce qu'il faict et demande, par laquelle il prye l'em-
pereur de ce que dessus, de luy concéder d'y mettre lieutenant tel
qu'il vouidra .. »
Vol. 2, f" 173, copie du xvi'= siècle; 2 pp. in-f".
1. Marpiierite de France, fille de François I" cl rie Claufle de France, née à Saint-
Gerniain-cn-l.ayo le ^i juin l.ïi.'î, morle à Turin le 14 septembre 1574. Elle épousa
en l.ïo9 le duc IMiilibcrt-Emmanuel de Savoie.
2. Jeanne d'Albret.
'■). Henri, (]ui n''j.'na sous le nom de Henri II. et Cnllierine de Médieis, fille unique
el héritière de Laurent de Médicis, due dUrbin, et de Madeleine de la Tour. Cathe-
rine, née à Florence le 13 avril lol9, morte à Blois le 5 janvier 1589, avait épousé
Henri, alors duc d'Orléans, le 27 octobre 1533.
[mai 1o41] GUILLAUME PELLICIER 31'
PELLICIER A CESARE FREGOSO.
208. — [Veyiise], 31 mai 154i. — « Monseigneur..., sur le poinct
de la déclaracion faicto par le Grant Seigneur à l'ambassadeur de cez
Seigneurs pour leur faire entendre, j'ay esté adverty par ung homme
digne de foy et ancien serviteur du roy avoir ouy dire au filz de celluy
personnaige qui peult plus sçavoir en cest affaire que tout aultre, —
lequel bien entendez, — que le Grant Seigneur, aprez avoir parlé à ung
des bassatz des affaires de cez Seigneurs, s'estanl i)arty dudict Grant
Seigneur, il le rappela et luy dist par la fenestre qu'il advisast de bien
faire entendre audict ambassadeur que sa voullenté estoyt que ceste
Seigneurie s'accordast avecques le roy; car aultrement il ne failloyt
qu'ilz s'attendissent d'avoir rien de luy que cela ne fust faict, et que
il luy dist de par luy qu'il ne faillist de l'escripre bien expressément à
cesdictz Seigneurs. Dict en oultrc ledict filz que pour tout certain ledict
Grant Seigneur doibt mander de brief icy ung ambassadeur, lequel
doibt estre des plus favoriz et grands qu'il ayt auprez de luy. Sur quoi
Monseigneur, vous supplicray voulloir avecques le seigneur Rincon
adviser de l'ordre et provision qui sera nécessaire à povoir entretenyr
et gaigner ledict personnaige, car sçavez de combien de moment et
importance ce pourra estre pour luy faire porter parolles de trop plus
grant efficace à cez Seigneurs. A quoy sçavez combien peulvenl mon-
noyer telz gens les grans présens. Je en ay escript au roy bien ample-
ment, de sorte que je pence que avecques voz remonstrances et bon
crédict, n'y aura grand difficullé que l'on n'en ayt bonne issue. Vous
sçavez la provision des mil escuz qui y avoyt esté donnée, laquelle l'on
m'avoyt faict deslivrer; mais pour n'estre venu par temps la cause pour
laquelle debvoyt estre employé, et cependant m'estant survenu affaires
tant à la Myrandola que ailleurs et mesmement pour continuer quelque
entretien aux serviteurs du roy, ay presque employé tout ledict argent.
Par quoy sera besoing y pourveoir tout de nouveau le plus tost, et ce
avant que le seigneur Rincon et vous partiez de la court. Et ensemble.
Monseigneur, vous supplye faire donner ordre pour l'entretien desdictz
serviteurs du roy, et aussi me pourveoir de sorte que je puisse
fournyr aux extraordinaires qui sont si certains et accoustumez qu'ilz
se peulvent quasi bien dire ordinaires. Je ne désire aultre que d'avoir
le moyen de pouvoir faire les affaires du roy; car de moyje m'en
remetz à Dieu, aprez lequel ay ma parfaicte confiance du tout en vous,
vous mercyant très humblement des bons offices que jusques icy avez
faictspourmoy; vous assseurant que toute ma vye vous en seray obligé
comme filz, et tout ce que j'ay et auray jamais en pourrez disposer
comme du vostre propre ; vous supplyant aussi me faire advertyr sur
l'aullre poinctz que j'escriptz au roy de la déclaracion, s'il luy plaira
318 AMBASSADE DE [mai l!i4l]
que je en tienne propo/. à ce/. Seigneurs et en quelle substance, et à
quelles fins. Et cependaul que les choses sont fiaisches, il me sem-
bleroyl estrc le meilleur le plus lost, comme sçavez très bien. Je suys
asseuré que on trouvera les choses plus disposles qu'il/ ne furent
pié(,a, et croy certainement que du moings cela ne nuyroyt rien. Je
sçay combii'U vous ave/, les allaires du roy en singullière recomman-
dation, lucsuu'inent cimiIx «jui passent entre S. .M. et cez Seigneurs, qui
me gardera de vous en faire plus grant pryère et instance... »
Vol. 'J, f" 17 f, copie (lu .wi" siècle; 1 p. l/iJ in-f.
l'ELLlCIEH .\ lU.NCuN.
209. — [Ff»/A-e], 3J mai /.)•//. — Pellicier transmet à Ilincou un
paquet et une lettre envoyés par Vincenzo Maggio; « ce dernier »,
poursuit-il, « ne m'escripvanl chose du monde, sinon de l'arrivée de la
galléasse en Constanlinople, me remettant à une aultre lettre qu'il dict
m'avoir mandée par la voye de Corèse '. Toutesfoiz je ne l'ay point
encores receue, et l'attendant vous diray comme par lettres du claris-
sime Badouare du xxviii'' apvril, cez Seigneurs ont esté advertiz que
l'armée turquesque ne sortiroyt pour le présent... »
Suit la répartition des forces navales des Turcs indiquée dans la
lettre au roi datée de ce même jour. Badoare lui écrit aussi que « ceulx
qui avoyent intérestz en la nave qui fut taillée en pièces en l'isle de
Cippre- esloyenl allez à la Porto demander leur intérestz, et avoyent
présenté requesle au Grant Seigneur qui l'avoyt acceptée, et deman-
doyent huict mil escuz. Le baille Justiuian^ avoyt voullu aller baiser
la main audict Grant Seigneur, et prendre congé : chose qu'il ne luy a
voullu concéder ne vestyr, disant qu'il estoyt son esclave, le tenant
pour espaignol. »
Pellicier donne ensuite à Rincon le détail des négociations entre la
Porte et la république de Venise, dans les termes de sa lettre au roi.
« ...Et pour ne rien obmettre à vous dire de ce cousté là, encores que ce
soyent choses bien loing de vérité, je ne lairay à vous escripre que l'on
a entendu par aulcuns Ragusoys que le Turcq estoyt accordé avecques
le roy Ferdinando, et que ung homme qu'il avoyt mandé vers le Grant
Seigneur, par le moyen de Périmpeter, s'en retournoyt par les postes
avecques ung aultre que icelluy Grant Seigneur mandoyt vers ledict
roy, et que le Sophi avoyt taillé en pièces ses ennemys qui s'enten-
doyent avecques ledict Grant Seigneur, et qu'il faisoyt fort gros exer-
cite, de sorte que ledict Grant Seigneur auroyt fort affaire de ce cousté
1. Correggio. — Voir p. 309.
2. Chypre.
3. Le baile Giustiniani, qui parait avoir fait l'intérim entre Canale et Zane.
[juin lb4l] GUILLAUME PELLICIER 319
là. Le xxYi^ de ce moys fut prins la part au pregay que la nave des
Ragusoys qui avoyt esté prinse par le cappitaine du goulCe seroyt res-
tituée avecques toutes les marchandises qui estoyent dedans, et ont
déterminé faire rendre touttes les robbes aux Turcqs qui se retrou-
voyent dedans, en Candye ou en aultre lieu. Et ont cez Seigneurs
dépesclié lettres en Constantinople sur cestc matière de vouUoir resti-
tuer toutes les robbes et marchandises aux Turcqs, à condition que
ceulx de delà facent le semblable; et de se condolloir des corsaires de
mer pour ce qu'ilz on faict tout plain do pillaiges icy, et nommément
d'une nef du seigneur Mapheo Bernardo. Laquelle chose a esmeu
jusque là le général de cez Seigneurs qui alloyt avecques son armée
ordinaire qu'il a en Candye, que, en ayant trouvé quatre, leur a donné
l'estroitte, et mise àfonsune et prins une aultre. Desquelles a taillez à
pièce une partye jusques ad ce qu'ilz luy ont monstre lettres du
Grant Seigneur : qui l'a faict superceder du reste, et les a conduictz
en Candye. Les aultres deulx sont eschappées fort mal menées de
luv... »
Vol. 2, i° 174 v% copie du xvr- siècle; 1 p. 3/4 in-f».
PELLICIER A M. DE LANGEY '.
210- — [Venise]^ SI mai J 541 . — «Monsieur, je croys que aurez
entendu la responce que Tassin vous aura faicte, touchant ce que
demandiez sçavoir du conte Lodron, ainsi qu'il m'a escript vous avoir
faict sçavoir... »
Pellicier entretient ensuite Langey des levées de troupes et des agis-
sements de l'empereur, dans les termes de la lettre à M. d'Annebault,
datée du même jour. Il lui communique enfin les nouvelles reçues du
Levant par l'entremise de Vincenzo Maggio, nouvelles contenues éga-
lement dans les dépêches précédentes.
Vol. 2, f'^ 175 yo, copie du xvi^ siècle; 2 pp. in-f".
PELLICIER A M. DE CISSAMO ^.
211. — Venise, J / juin 1541. — « Molto Reverendo Monsignor,
penso che per la lettera del nostro carissimo padre fra Valeriano ^,
V. S. potrà molto ben intendere tutto il successo délie cose nostre;
1. « Esci-ipt cedict jour à M. Rabellays. — Escript le nu" juin à MM. de Rhodez,
de Lodes, et de Chisamo à Rome. »
2. . Escript cedict jour à M. de Rodez, dont n'en fut faict mynute. »
.1. Frère Valeriano, chanoine régulier de l'ordre de Saint-Augustin, employé comme
copiste par Pellicier, dans la bibliothèque du couvent de San-Antonio à Venise.
320 AMBASSADE DE [jL'IN 154l]
perù non roslarô de dirle, che ad otlener più presto, et per piû espe-
dita via quanlo desidiTiaino, liahhiam preso per espodiente di scriver
air Illuslrissinio ot Ueviroiidissimo Cesarino, proteltor di quelTOr-
dine ', che scriva sopro cio al gênerai loro, et facciasi che possiamo
ollcncr qiif'sta gralia. Kt perche io non ho voluto narrando o^ni cosa
inl'aslidir (it'llo Mous' K"'" el lll™", mi son riniesso alla inlormalion
di V. S. Latjual sara conlenla l'aria con quella eflicacia dauiuio et
con ipiella allellion, con laquale ha inonslralu sempre agli amici suoi
et [a me] parlicularmenle Tinterno et vero amor d(;l cor' suo, et nel
vero non puo farmi al présente magiitr piacer di queslo, quai uii sarà
tra gli altri molli che tengo con lei a perpetuo obligo, per che desi-
dero sommamcnle impelrar questa gratia, vedendo io chel prior de
Sanlo Anllionio- non dà niinori occupationi a Ira Valoriano liora, che
desse avanli, che liavessc ricevuta la lollcra del R""* el 111™" «îriniani
niollo calda in lavor mio, come quello col quale essendo egli quà,
ragionai per Io spalio di tre hore, et pronlamenle mi promise farmi
far copia di quanti libri io voleva. llche ha contirmalo medesimamente
per una sua, che hogi in risposla di quello che V. S. le indirizzô, ho
ricevuta, ove mi profferisce molto cortesamente, et i publici libri et
ancora i suoi privati, et parliculari. Nondimeno questi padri par che
dubitino ad accomodarmi di quel ch" è stato lor commesso dal detto
R'"° et 111""^ Mons"", che al mio piacer mi exhibiscano, come quel che sa
molto ben, che per tutto loro del mondo io non restarei di restituir
qualunche libro mi fusse imprestato, et massimamente ad un luogo
publico, et ove io ne posso havere la copia. Nondimeno, come altra
volta ho detto, volendo il pegno, il daro scmpre loro taie che sarà più
che équivalente. Hora V. S. mi farà singularissimo bencfficio a far in
tutto cio buona opération per me, et taie, quai si richiede alla corlesia
sua, et allô scambievole nostro amore, si come ancora se le capitasse
alli mani qualche buon libro particulare, mi faria piacer à farlo rescri-
vere, et i denari, che a far cio bisognassero le sariano ad ogni sua
comodità rimessi in Roma, et dicole questo si perche alla giornata
sempre si scopre quai cosa degna, si perche intendo che in S'" Augus-
tino vi é una libraria notabile, come quella che fu del cardinal Egidio
bonx monoriœ ^. Quanto alla libraria di V. S., nondico niente, sapendo
io per humanitâ sua dovermi esser in ogni tempo aperta, et oltre
1. Alessandro Cesarini, cardinal (lolTj, évOque de Païupchine (1520-153") et de
Cuença (1538-1542), mort à Rome le 13 février 1d-42. Ami des lettres, il fut en relations
suivies avec AIdo Manuzio et Sadolel.
2. Le prieur du monastère do San-Anlonio de Venise, de la congrégation des
chanoines réguliers du Saint-Sauveur.
3. Egidio Antonini, général de l'ordre des chanoines réguliers de Saint-Augustin
(1507), dans lequel il était entré à dix-huit ans, cardinal (1517), évêque de Viterbe
(1524-1532), mort à Rome le 12 novembre 1532. Il a laissé diverses œuvres Ihéolo-
giques el littéraires.
[juin 1o41] GUILLAUME PELLICIER 321
di questo, spero (se non sarô impedito) venirla à veder, quando io mi
parlirô di quà...
« Di Venetia. »
Vol. 2, f ITG v", copie du xvio siècle; 1 p. 1/4 in-f\
PELLICIER AU CARDINAL CESARINI.
212. — [ Venise], 1 1 juin 1 541 . — « Illustrissimo et Reverendo Monsi-
gnor, havendo io sempre cognosciuto la infinita corlesia el buon animo
di V. Iil™« et R"'' S., che ha di far buoni officii à S. M'' X"'", sicuramente
ricorro a lei nelle occurrentie mie, et di mio patron, ancora che io
non habbia mai meritato con tanta fiducia afl'aticarla ; et questo è, che
venendo io in Italia, mi fu dal mio principe tra gli altri principali
incharchi strettamente commesso, clie io dovessi proveder in Italia
de tutti quel libri greci che sariano giudicati degni d'esser posti nella
libraria, che con gran contento di tutti e dotti prépara di fare, et fin
hora non son manchato di far quanto per me è stato possibile, et non
pochi le ne ho fatti havere, che erano in queste libraria di Venetia. Ma
son stato quasi in mezzo corso intrattenuto con gravissimo mio disco-
modo et dispiacere, perche havendo io un ccrto padre fra Valeriano,
dell'ordine di San Augustino de canonici regulari, il quai mi serviria
qui in San Anthonio à riscrivere, et a riscontrare, m'è a questo capi-
tulo da molti occupationi suto impedito. 11 perche desidero che
V. S. R"*" et m™', corne protettrice di quell'Ordine scriva al gênerai
loro che debba far al detto padre fra Valeriano quanto sarà informata
dal R'i" Mons"" bibliothecario di Sua S'% vescovo de Chisamo *, et
questo sarà, non solamente a me perpetuo obligo, ma à singular
buon officio à S. M'^, che per le mie ne sarà pienamente informata, et
dove che V. S. Il""* et R"'' vede, che io possa farle servitio, la suplico
à servirsi di me che sempre mi ritrovarà pronto et aparechiato à
farle servitio, et a lei di buon cuor' m'ofîero, et racommendo, etc. »
Vol. 2, f-^ 177, copie du xvi^ siècle; 1/2 p. in-f».
PELLICIER AU ROI *.
213. — [Venise'], 14 juin 1 54 1 . — « Sire, depuys les miennes der-
nières que ay scriptes à V. M. du dernier du passé, ay receu les siennes
du xi^ dudict moys , ensemble une adressante à M. l'évesque de
1. Agostino Steuco.
2. « Sota, que ceste dépesche fut retenue jusques au xxi" juing, et fut baillée à
ung des serviteurs de M. de Cercueil, et non à M. de la Magdclayne, ainsi qu'il est
contenu en ceste lettre pour certaines raisons. »
M. de Cercueil, des seigneurs de Cercueil, de la maison d'Ourches, en Lorraine?
— Girard de la Magdelaine, seigneur de Ragny, bailli d'Auxois?
Venise. — 1540-1542. 21
322 AMBASSADE DE [jlIN ir)4l]
Ragusc louchant la létompcion fairlo par voslre coniniandenient au
port de Marseille dung pirate raf^usim. laciuelle luy ay mandée. Et
oullre eella, ay faict entendre à M. l'aniljassadeur de la Seigneurie
dudict Itaguse, ijui est icy, le contenu de ce que V. M. m'en a escript;
et pareillement à icelle, venant à jtropo/. de luy escripre pour la
remercycr de la faveur et plaisyr ijuclle avoyt faict en contemplacion
et esgard de V. M. à ung vostre serviteur nommé M. de la Magdalayne,
s'en retournant vers \ . M. tlo la ro\ne de Hongrye et du (îrant Seigneur
où il avoyt esié mandé de vostre pari, ainsi quil ma dict, l'ayant
faict conduyre avecques ung bon et seur briganlin jusques en ceste
ville à leurs despens. Et quant est de ce (jue m'escripve/. du seigneur
conte de la Myrandola, que je puys avoir entendu par cy davant parlye
de sa dépesche , mesmement (juant à employer six mille escuz en
achaptz de bledz, aultre chose, Sire, n'est venu à ma notice de la
court auparavant avoir rcceu la vostre; seullement avoysje entendu
par ricrre Strocy qu'il estoyt adverly de son agent de Lyon <jue ladicte
somme avoyt esté ordonné pour cest effect estre deslivrée entre mes
mains. Je ne fauldray selon vostre commandement envoyer à la
Myrandola, au temps «[u'il sera advisé par ledict seigneur, ung homme
seur et entendu à lelz affaires, pour veoir l'employlle. J'ay receu
aujourd'huy lettres de luy, m'advertissant seullement de son an-ivée
à la Myrandola, et pareillement baillé ung pacquet qu'il adressoyt au
seigneur Pierre Strocy pour me deslivrer ladicte somme. Lequel m'a
faict entendre qu'il estoyt tout dispost et prest de vous faire trop
plus grant service que cestuy-là, et que en cela il n'y aura faulte. L'on
n'a peu passer plus oultre en cest affaire , pour n'en avoir encore
receu les instructions, lesquelles il attendoyt de jour en jour pour me
les envoyer : par quoy ne vous en puys dire aultre pour ceste heure.
Je n'ay aussi failly remercyer ceste Seigneurie de la part de V. M.
selon son commandement de la bonne voullenté que aviez entendu
icelle, non seullement persister, mais augmenter chascun jour envers
vous, et l'asseurer le plus efficacement qu'il m'a esté possible qu'ilz
vous trouveront tousjours affectionné au bien d'eulx et de leurs affaires
aultant que prince du monde. Sur quoy m'ont faict responce genéralle,
à leur acoustumée, qu'ilz en sont tous asseurez, s'offrans tousjours de
plus en plus à V. M. Hz mont envoyé quéryr ce matin pour me faire
part d'aulcunes nouvelles qu'ilz ont eues de Constantinople par lettres
de leur ambassadeur, du x^ du passé. Et entre aultres choses m'ont
dict que le Grant Seigneur mcttoyt dehors ceste année trop plus grant
armée par mer que ledict ambassadeur ne leur avoyt escript par cy
davant, et que sa personne mesmes yroyt en Hongrye avecques très
grant exercite pour s'empatronnyr dudict royaulme; et que jà avoyt
faict venyr, comme est sa couslume quant il doibt marcher, force
chameaulx et aultres bestes de somme pour porter son bagaige : me
[juin 1541] GUILLAUME PELLICIER 323
disant aussi que Lotphi Bassa avoyt esté desmys de son estât, non
seulienient de premier bassa, mais privé du tout, pour estre coustu-
mier de ne faire bonne compagnye à sa femme et l'avoir mal traictée
et oultraigée ', et en son lieu a esté mys Soliman Monucho *.
« Sire, j ay esté adverty que cez Seigneurs ont eu lettres de leur
ambassadeur prez du roy Ferdinando; par lesquelles s'entend que,
ayant son camp faict bien grant batterye et brèche à Bude, et en avoir
prins une tour qui estoyt la garde de l'eaue de la ville, ce néantmoings
n'avoyent eu la hardiesse de donner l'assault, sentant ceulz de dedans
estre fort gaillardz et de bonne voullenté de bien leur deffendre.
Laquelle chose les Impériaulx attribuent aux pluyes et mauvais temps
qu'il avoyt faict en ce pendant; et a l'on depuys entendu d'un lieu qui
n'ayme pas mettre telles nouvelles avant, c'est du fondigue des Thu-
desques, que ledict camp s'estoyt retiré, ayant esté adverty que qua-
rante mil chevaulx de Tavangarde du Grant Seigneur avoyent esté
veuz bien avant en Hongrye. En confirmation de quoy, par mes
dernières lettres que ay receues de bien bon lieu de Romme, j'ay esté
adverty que les Impériaulx' avoient là nouvelles le secours du Grant
Seigneur estre desjà arrivé en Hongrye. Dont lesdictz Impériaulx en
restoyent grandement estonncz et faschez , estimant que si Bude
n'estoyt prinse auparavant qu'il y survînt, qu'ilz ne s'y attendoyent
plus. Qui est tout ce que puys dire pour ceste heure à V. M., fors luy
envoyer une petite lettre que ay receue par la voye de Tassin de Luna,
par laquelle pourra veoir comme le conte Lodron ne levoyt gens au
nom de l'empereur, mais bien que les Terres franches voulloyent faire
vingt mille hommes : de quoy n'ay failly advertyr M. de Langey. »
Vol. 2, f° 177 v°, copie du xvi' siècle; 2 pp. in-f°.
PELLICIER AU CONNETABLE,
214. — [Venise], i 4 juin 1541. — Mêmes nouvelles que dans la
lettre au roi, de ce jour.
Vol. 2, fo 178 v", copie du .wi^ siècle; 1/2 p. in-f».
1. Lutfi-Pacha, albanais de naissance, intelligent et lettré, mais d'un caractère
brutal et emporté, s'était attiré la disgrâce de son tout-puissant beau-frère par les
mauvais traitements qu'il faisait subir à la sœur de Suleyman, qu'il avait eue en
mariage. A la suite d'une scène violente dont le récit nous a été conservé par les
historiens turcs, il fut déposé de sa charge, séparé de la j)rincesse sa femme et
exilé à Démotika, oii il écrivit dans sa retraite, entre autres ouvrages, une histoire
de l'empire ottoman qui ne s'arrête que douze ans après la destitution de son auteur
(V. de Hammer, t. V, pp. 305 et o34).
Dans cette révolution de palais, Lutfi-Pacha eut pour successeur au grand-vizirat
l'eunuque Suleyman-Pacha, alors âgé de quatre-vingts ans, deuxième vizir, dont la
place fut donnée à Rustem-Pacha, gendre du sultan; celle de troisième vizir à Mo-
hammed-Pacha, et celle de quatrième à Khosrew-Pacha, beglierbey de Roumélie
(/(/., ihid., p. 328).
2. Erreur du copiste; il faut lire eunucho.
324 AMItASSADE DE [jUIN lS4l]
PELLIClEn AI MÊME.
215. — l'enise], li juin fô/l. — «Monseigneur, estant arrivé
icy ung gentillioinme nommé M. de In Magdalaine, venant ainsi qu'il
dict de vers la roync de Hongrye et le Grant Seigneur, par comman-
dement du roy et de vous, ce néantnioings, pour n'apporter point de
vos lettres ne aultre cerlilicalion de le delivoir crosre, et aussi que
comme M. l'arcevesque de Raguse m'a escripl, pour luy avoir dict
venir de la Porte et ne luy avoir monstre aulcunes lettres ne enseigne
d'iccUe ne du seigneur Vincenzo Maggio estant là pour S. M., estoyt
entré en non peu de doubte et suspeçon; et d'aultantplus qu'il s'estoyt
adressé à la Seigneurie de Raguse pour avoir ung brigantin et non
audict arcevcsque. Laquelle, comme icelluy m'escript, luy en a frayé
ung, d'aullant qu'il disoyt n'avoir de quoy ce faire, et qu'il estoyt plus
lest tenu là pour tudesque que pour françoys, voyre pour espye que
aultre. Toutes lesquelles choses, mesmement Tadvi/ et conseil dudict
arcevcsque m'ont faict aussi entrer en non peu de doubte et esmoy,
n'ayant jamais peu avoir aultre congnoissance de luy, sauf de quelques
gens icy qui m'ont certiffyé l'avoir veu quelque temps y a avecques
M. de Langey duquel s'estoyt party ne sçavoyenl comment. Par quoy
ay faict quelque difficulté de luy donner lettres ne pacquet pour les
affaires du roy; mais enfin ayant quelques nouvelles de assez petite
importance, luy en ay voullu bailler ung pour porter jusques à Thurin
et plus avant, s'il sembloyt bon à mondict seigneur de Langey. Sur le-
poinct que nous avions ja prins congé l'ung de l'aultre, il s'est advisé
de me demander argent; et moy me trouvant en Testât que souvent
me advient, c'est de n'avoir pas seullement la somme qu'il me deman-
doyt (car sçavez, Monseigneur, combien de temps il y a que suys aprez
pour recouvrer celluy que j'ay dedrayé, qui se monte assez bonne
somme pour moy, et journellement accroist sans que je en aye encores
peu rien avoir) ay trouvé cela mal à propoz et incommode, pour n'en
avoir esté advisé de meilleure heure. Dont luy ay faict entendre qu'il
falloyt que je mandasse à la ville pour en recouvrer, chose qu'il a
trouvée fort estrange, que je ne trouvasse en mon povoir telle somme
qu'il me demandoyt et que depuys luy ay présenté : dont il se pour-
royt estre scandalisé et ne sçay quel rapport il vous pourroyt faire ou
ailleurs. Par quoy vous en ay bien voulu advertyr de tout, comme
celluy qui entend mieulx les affaires, et lequel j'ay prins en toutes
choses pour mon patron... »
Vol. 2, f' 178 y», copie du xvr siècle; 1 ]k in-f.
PELUCIER A .M. D'aNNEBAULT.
216. — [Venise], i 4 juin 1541 . — « Monseigneur, ayant trouvé la
[jlIN 1541] GUILLAUME PELLICIER 32î>
eommodité de M. de la Magdalayne, présent porteur, venant de par le
roy de devers la royne de Hongrye et Grant Seigneur, ainsi qu'il m'a
•dict, ne Tay voullu laisser partyr sans luy donner la présente
■dépesche, en attendant quelques aultres nouvelles dignes de faire sça-
voir au roy et à vous; et mesmement lettres de messire Vincen/.o
Maggio, lesquelles à mon adviz ne resteront plus guères à venyr,
quant ce ne seroyt que pour avertyr S. M. de l'arrivée de l'homme du
seigneur Rincon qui a esté renvoyé cez moys passez en Constanti-
Bople. Car de rayson, veu le temps qu'il y a qu'il partyt de Raguse
pour continuer son voyaige, qui fut le xix* apvril, il debvra jà cstre
arrivé là; et m'esbahys bien que l'on demeure si longuement sans en
avoir nouvelles. Et pour ce, Monseigneur, que suys très bien asseuré
que ce ne vous seroyt que répéticion de vous escripre ce que foys pré-
sentement au roy, estant certain que pove/. aussi bien veoir ses lettres
que les voslres mesmes, ne vous feray longue lettre; tant seulement
vous réplicqueray que je envoyé une petite lettre de Trente à S. M.,
par laquelle pourrez veoir que le conte de Lodron ne liève aulcune-
ment gens pour l'empereur, ne pareillement nul aultre seigneur ne
cappitaine de ce pays là. Bien est vray que les Terres franches veul-
lent faire xx™ hommes, mais ne se sçayt si c'est pour mander en Hon-
grye ou en Itallye : chose qu'il m'a semblé vous debvoir faire entendre,
<:omme celluy à qui cest aflaire touche plus près que nul autre; et
pareillement n'ay failly à en advertyr M. de Langey... »
Pellicier termine cette lettre en se recommandant une fois de plus
aux bons offices de M. d'Ânnebault, pour obtenir les subsides qui lui
font défaut depuis fort longtemps.
Vol. 2, f° 179, copie du xvi« siècle; 1 p. 1/i in-f°.
PELLICIEH A M. DE LANGEV.
217. — [Venise], 14 juin i ô4 1 . — « Monsieur, ayant trouvé la
commodité de ce présent porteur venant de Levant pour les affaires
du roy, ainsi qu'il m'a dict et de faict m'a monstre lettres de la reyne de
Hongrye adressantes à monseigneur le connestable, luy ay bien voullu
donner la présente dépesche, attendu qu'il m'a dict s'en aller en dilli-
gence jusque à la court, et vous escripre ce petit mot pour vous advertyr
comme j'ay receu ce jourd'huy les pacquetz que m'avez envoyez par
M. de Serre, avecques vos lettres des xxV^ may et iiii'= de ce moys; et
vous départyr ce peu de nouvelles que cez Seigneurs m'ont faict
•entendre du Levant, depuys les miennes dernières que vous ay escriptes
du dernier du passé. C'est que l'armée par mer du Grant Seigneur
•seroyt ceste année trop plus grande que l'on ne l'avoyt estimée jusques
icy, et que sa personne mesmes s'en yra en Hongrye pour s'empa-
326 AMBASSADE DE [jllN 1541]
Ironnyr duJicl royauhno; et jk faisoyl amas de force chameaulx pour
porter le bagaige, ainsi qu'il a acoustumé de faire quand il va en
longtain pays. Et que Lotphi avoyt esté desniys, non seulement de
son estât de premier hassa, mais privé du tout, pour n'avoir faict le»
dehvoir ave(;ques sa femme ainsi qu'elle désiroyt, ains praticqué
avecques une sienne esclave: dont sadicle femme n'en estant contente,
luy dist quehpies paroUes qui le feirent entrer en collère, cunimençeant
à la battre et prendre par les cheveulx. De quoy elle se alla incontinent
lamenter au (irant Seigneur, «jui l'en a chastyé ainsi que dessus, et
n'est encores hors de dangers d'avoir pys. Je vous diray aussi comme
l'on a entendu iey que le camp du roy Ferdinando avoyt donné quelque
assault à Hude et pressé de bien prez, presques à avoir prins une des
tourrelles qui esloyt la fortresse de la ville, pour aultant que par ce
moyen là avoyent condemné leaue à ceulx de dedans, de sorte qu'ilz
n'en povoyent plus avoir '... »
Pellicier termine sa lettre en recommandant à M. de Langey, au cas
où le porteur des présentes ne se rendrait pas directement à la cour
comme il l'a promis, ou séjournerait quelques jours à Turin, d'envoyer
la dépêche au roi « le plus tost et seurement qu'il sera possible ».
Vol. 2, f" 179, copie du .WF siècle; 1 p. 1/2 in-f'.
l'ELLlCIER A VINCENZO MAGGlU -.
218. — [Venise], 19 juin 1 o4i . — « Magnifîco Signor, ho ricevuto
la vostre del ix° del instante, insieme quella del signor Rincone, et
justo seconde me havete niandalo, quanto havele scrilto per la sua;
la quale 11 ho mandato in quella dilligentia che ho falto sempre le altre
mi havete indirizzate. Tamen si è cosi che ho inleso, che 'l sia partito
de la corle, non recapitarano nelle sue mane, ma pur non ho manchato
indirizzarle a S. M'% per essere cose dentro d'importanza. Ho havuto
lettere , non de la corte, ma da Thurino, corne il signor Rincone
tornandosene in qua, andava pigliare possession d'una terra, che
S. M'" li ha dalta, che se demanda Bellavilla presse de Chalens ^, la
quale val cinque millia franchi d'intrada : cesa che le credo, per la
1. V. la lettre au roi, du même jour.
2. • Escript cedirt jour â .M. l'arcevesque de Raguse et à messire Pélréo; et au^si
à la Seigneurie dudict l{a}.'usc. •
3. La ville, terre et seitrneuric de Relieville en Beaujolais, après avoir été attri-
buée à Rincon, fut donnée ensuite, par lettres royales en date du ij décembre 1543,
à Pietro Strozzi, pour une jouissance de dix années. Elle avait précédemment été
tour à tour afTectée au comte Guido Ranpone (13 avril 1538), et, après sa mort, au
duc Andréa d'Alri (23 février 153'J) (V. Cul. des actes de François 1", t. 111, p. 524,
n» 9929, et p. 728, n* 10841). Nous n'avons pu retrouver de constatation ofQcielle
de la donation faite à Rincon.
[JCIN lo4l] GUILLAUME PELLICIER 327
volunlà et desiderio che ho che sia cosi, cl ancora per la fama cli' è
in per tulte queste bande délia buona accoglienzza che gli ha fatla
S. M'3. Del che me ne allegro tanlo che faria de mi stesso; io l'aspelto
ogni giorno, et credo che si non havesse pigliala Testrada cosi longa
d'Allamagna (digo corne se congeltura) che sarebbe già qua, sarà
quandu piacorà al nostro signor Iddio.
« Quanto aile nuove di quà, vi dirù primo come la diella di Ratis-
bona è finita con puoco successo del desegno de l'iniperator, per ch'
è più gran discordio fra gli catholici et protestanli che mai, et come
s'intende per lettere de Ratisbona del 7 del instante, se predica publi-
camente a la lutherana su"l viso de limperatore, et che Martin Luther
scrive vulgarmente in quella linga, et manda fuora le cose sue per
lutta rAUemagna, et Timperatore ha convocati quelli principi per
adimandarli agiuto, et alli viii si propose la cosa de gli articuli dispu-
tati tra quelli dottori; sono in parte d'acordo, et in parte discordo :
'prlmalum Romanœ Ecclenx non admiitunl, nec vola mon astica, nec céli-
bat um sacerdoluia.
« De la Hongaria s'entende come il re Ferdinando era molto con la
mente travagliata, per esser stato datto doi assalli à Buda; l'ultimo fu
alli xxiiii maggio, nel quale furorno rebattuti di quelli de denlro con
molta occisione di quelli di fuora et, come se dice, fîno al numéro
di 800 huomini. Et havevano ritrovato che quelli di dcntro se
havevano remparati benissimo, et che erano moniti de monitioni et
artiglaria, ne pativan sinon di aqua et di carne; et quello che importa
è de haver aviso del gionger de X"" cavalli turchi à Belgrado, et che
tulta via caminava lo exercito, di modo che si congettura che'l campo
del re Ferdinando è a présente levato di Buda, et si inlende che l'j
detto re se retirarà de la ofîensione, et attendera alla defTensione, laquai
sarà dura, per intender del grossissimo exercito del Gran Signore che
vien in quella banda.
« Per altre lettere de Ratisbona s'intende che Timperator era solli-
citato da ritornar in Fiandra, et si faceva molti discorsi, tra li quali che
molto più honor era di S. M'^ Cez. absentarsi de lî, non potendo far
benefficio alcuno al re di Romani, al quale non haveva mandato senon
50" ducati, perché succedendoli alcuno disturbo non essendo li la
presentia de l'imperalore, se diria che non saria intravenuto cssendoli
stato cosa alcuna, et con queste coperte vole conservar la reputacione
sua, et ancora s'è inteso che'l suo viaggio in Fiandra saria contrapeso
a le imprese del duca di Cleves, contra d'il quale è molto adirato,
per essersi maritato in Franza con la principessa nostra di Navarra ',
come vi ho scritto. L'imperator haveva messa una fama che'l faria di
modo che'l re d'Angilterra li daria ogni soccorso et agiuto che lui
1. Jeanne d'Albret.
328 AMBASSADE DE [jUIN lo4l]
vorebbe contra ilel re ; ma qucsli Sij^nori lianno havulo Ictlere, conie
il delto ro d'IngilltM-ra liavova iiiandalo alli suoi coiiliiii à l'ar intendere
a (iilli sui suhditi clic per ((iianlo era a cliarn l.i grulia sua, volesse ben'
conlinar cl viciiiar con qiiclli de la M'* Crislianissima et chc haveva
inaïulalo a (|uclla uiio suo, con icltcrc a farli intendere questo istesso,
et elle v<»leva csscrli (lucllo aniico et fralello che era sempre stato con
S. M'» Crislianissima.
« Qucsli Sipnori hanno IkivuIo letlere di buonissimo loco corne lim-
peralore li voleva movcr ^'uerra de le bande d'Allamagna cl de Miiano,
havendo fallu quesla dcliibcralione rimpcralor, d(q)0 clie li hcbbe par-
lalo con uno suo mcsso clic li arrivo di ConstantiiKipoli, il qiiale subito
chc fu arrivalo lu remandô. sen/.a lassarlo pariar a persona vivcnte. Et
se dice che non j)assarà tropo giorni, chc l'imperalorc per quesle cose
mellerà à i conlini di quesli Signori da sei à olto niilia lanti; de la
quai cosa vi lasso pensar (pianto hanno da restar salisfalli del detto
imperalore , massimameiile considerando per il passalo li buoni
oflicii da lui ricepuli. Questl Signori hanno havulo grandissime
apiacere d'haver inteso la risposta che fece il clarissimo imhassato^re]
Badoare al Gran Signore , quando li fii dello da parle dcl Gran
Signore, che non havesseno da dar agialo a l'imperalore contra del
re. Altramente si lo facevano non inlendeva la pace tra loro cssere
fatta; non so che pensar altro che ha fatto de nuovo sdegnar l'impe-
ralore contra di questi Signori dopo che'l suo ha parlato con seco, se
forse questo non fusse... »
Vol. -2, f'5 180 V, copie du xvi*= siècle; 2 pp. ia-f-^.
PELLICIER AU ROI '.
219. — [Venise], 20 juin 1541. — « Sire, combien qu'il n'y ayt que
quatre ou cinq jours que vous ay escript, ce néantmoings ayant depuys
receu lettres de messire Vincenzu Maggio adressant au seigneur Rincon,
m'advertissant la luy faire tenyr le plus tost, je n'ay voullu délayer. Et
pour ce, Sire, que je me double, pour quelque adviz que j'ay eu, que
ledict seigneur Rincon pourroyt eslre party de la court avant la récep-
tion de la présente, et aussi que ladicte lettre est presque escripte
toute en chiffre, et qu'il me Ta mandée ouverte pour la veoir avant que
la mander, craignant que l'alphabet eust esté changé ou aullrement,
m'a semblé debvoir toucher à Y. M. les principaulx points d'icelle.
Mesmement comme l'allée du Grant Seigneur en Hongrye pour s'empa-
1. " Escripi ceilicl jour à Saincl-Pol, ainsi qui est contenu en unp papier avecques
les minutes; et fut aussi escript au sire Laurens Cliarles. Geste dépesclie fut baillée
à Jehan dt- .Mcint[i(llier, clans laquelle esloyent les comptes extraordinaires de mon-
seigneur de .Monti)ei!ier. •
[JU[^f lo4Ij GUILLAUME PELLICIER 329
tronnyr de Bude et passer à Vienne estoyt plus certaine que doubteuse,
pour aultant qu'il avoyt les gens tous faictz et qu'il avoyt faict mettre
en ordre boys pour l'artillerye, et tout ce qui faisoyt besoing. Et que à
Lotphi, premier bassa, le vi*' de may fut osté l'aneau ', et baillé à Suliman
Bassa et faict premier, pour ce que ledict Lolphi praiicquoit avecques
une sienne esclave. De quoy se prenant garde sa femme ne a esté con-
tente, et s'en voullant rescentyr se misten parolles fâcheuses avecques
luy; de sorte qu'elle l'induyst et mist en telle collère qu'il commença à
la battre et tirer par les cheveulx. Quoy faict, ledict bassan monta à
cheval pour aller à l'esbat; et soubdain qu'il fut party, elle monta en
ung chariot et alla au Grand Seigneur ainsi mal traictée ^ Le sabmedy
d"aprez, ledict Lotphy, entrant avecques les aultres bassalz selon
l'usance, fut retenu del capiaga \ et les deux aultres bassatz allèrent
donner audience et demeura ledict Lotphy avecques ledict capiaga une
heure, puys se vint asseoir avecques les aultres, et finye la Porte * s'est
retiré en sa maison. Le Grant Seigneur avoyt vouUu donner à Solyman
Monucho le lieu de premier bassan; mais il a fait semblant de s'en
déporter, pour aultant, ainsi que Ton veult dire, qu'il entendoyt bien
que incontinant qu'il seroy party pour aller contre le Sophy où il a
esté esleu, on y mettroyt Roustan, bassa et gendre dudict Grant Sei-
gneur. Et oultre ce, dit que la soultane a très maulvaise voullenté
contre ledict Lotphi, pour ce que Sultan Mustafa ^ se faisoyt chef dudict
Lotphi afin qu'il ne fust osté du lieu où il se tenoyt; et mesmement se
remuant dudict lieu luy avoyt faict accroistre son estât de six mil
ducatz. Barberousse ne a failly de alléguer choses en sa disfaveur,
disant que les lieux d'Affriche ^ se sont perdus, pour ce que ledict Lotphi
n"a voullu qu'il soyt sorty hors avecques l'armée; et qu'Algier est en
grant péril de se perdre. Et se dict davanlaige que le Grant Seigneur
■se contente mal de ce que ledict Lotphi l'a dissuadé de non aller en
Hongrye; néantmoings la privation dudict Lotphi universellement des-
plaist à tous, et en espécial à Janus Bey. 1/on estime pourtant que
•c'est beaulcoup que la teste luy soyt demeurée sur les espauUes :
laquelle chose aulcuns tenoyent à bon signe, espérant qu'il seroyt
remys. Ce néantmoings semble fort difficile, attendu que c'estoyt la
1. Signe du graml-vizirat.
2. Les historiens turcs font un récit quelque peu dilTérent de cette scène. D'après
•eux, le grand vizir, qui afTectait le plus grand mépris des femmes, aurait fait cruel-
lement mutiler à coups de rasoir une esclave de harem dont l'infidélité avait été
surprise. Sa femme lui ayant alors vivement reproché cette lâche barbarie, Lutfi,
hors de lui, s'empara d'une masse d'armes et se précipita sur elle, tandis que les
suivantes et les eunuques de service, accourus aux cris de la princesse, repoussaient
l'agresseur et le chassaient de l'appartement (V. de Hammcr, t. Y- p. 333).
3. Le kapiaga ou kapouuga, grand-maitre de la cour ottomane.
4. A l'issue du conseil.
5. Mustafa, le cinquième fils de Suleyman.
6. Les lieux d'Afrique, les possessions barbaresques.
330 AMBASSADE DE [jUIN 1541J
seconde foiz qu'il eu ;i esté prive. Et combien que le Granl Seigneur
eusl fiiict son desaing daller à renlicprinse de Hongiye pour toute
l'aultre lune, il ne se partira à causi- de la grant charte, car ne se trouve
es pays <le la liungrye k manger. Il ne s'en entend de là aultre, sauf
que les Turcqs y laisoyent force escarmouches; et escript aussi ledict
messire Vincen/.o avoir entendu de Amon, juyf, que en ung momment
sortiroyt hors une grosse armée, et que elle esloyl toute en poinct, bien
qu'on ne veisl granl démonslralidn d'ajjpareil. Le Juyf sorloyt hors
avecques six gallères, et «i ce ne le pourroyl empescher ledict Barbe-
rousse. Moral Aga, vice-roy d'.Mgier *, esloyl venu dudicl pays, duquel
avoyl esté oslé deux galléolles, comme il dicl, de ung cavatlrlio^hiinny
de Venize qui est avecques les gens de l'empereur, bien que audict
Conslautinople se disoyt que c'estoyenl les gens des Véniciens. Suliman,
bassan, se debvoyt parlyr dedans quinze jours. Dict de rechef et con-
firme que Uoslan demcureroyl premier bassan, el que le Granl Seigneur
cerlainemenl ira en Ilongrye et passera jusques à Vienne, el se fera
roy de Hongrye, et que tout se met en ordre, ne luy semblant plus y
avoir aulcun double. Le capiaga depuys a demandé audict Lotphi s'il
se voulloyt séparer de sa femme, lequel a respondu que non; et se dict
que s'il eusl dict de oy, luy eust cousté la teste. 11 se démonstre moult
constant.
« Sire, j'ay aussi receu une aultre lettre par la voye de Tassin de
laquelle, pour cstre mal escripte et qu'on m'a faict très grande instance
de dessirer* incontinant l'original, pour le grant dangier auquel pour-
royl estre ledict personnaige si elle venoyt à tumber par disgrâce par
les chemyns ou aullrcment en quelques mains qui congneussent l'es-
criplure, m'a semblé vous en debvoir envoyer ung double de mot à
mot; et par icelle V. M. pourra vcoir les desaings et bonne voullenté
de ceulx y nommez. Outre laquelle vous diray cez Seigneurs avoir esté
adverliz que le duc de Savoye % ayant faict pryer à grant instance les
seigneurs eslecleurs de lEmpire de prendre sa deffense de la cause et
droict qu'il prétend enladicte duché de Savoye contre V. M., a esté par
eulx refusée; el que ledict empereur estoyt fort sollicité de la royne
Marie * de s'en retourner en Flandres. Et se faisoyent là plusieurs dis-
cours, entre lesquelz disoyent qu'il estoyt beaulcoup plus d'honneur
audict empereur se absenter, ne povanl donner aultre secours au roy
1. Sinan Djoiifoud, dit le Jiideo.
2. Mourad-Aga, lieutenant de Kheïr-ed-Din Barbcrousse et vice-roi d'.Vlger; il fut
nommé t-'Ouverneiir de Tripoli en 1553 (V. de Haiiimer, t. YI, p. 183).
3. Les expressions cuvallelto, cavallino, sii-'iiitienl liltéralement « petit cheval »,
• poulain », el désignent, au figuré, un jeune débauché.
4. Déchirer.
5. Charles III.
0. Marie d'Autriche, sœur de Charles-Quint et chargée du gouvernement des
Pavs-Bas.
[juin 1541] GUILLAUME PELLICIER 33i
des Rommains que cinquante mil ducatz; car, advenant que les choses
n'allassent bien n'y estant sa présence, ou pourroyt excuser que cepen-
dant qu'il y a esté n'y estoyt survenu que bien, et par cez belles cou-
vertes conserver sa réputation. Et si ay entendu que sondict voyaige en
Flandres estoyt pour conlrepoyser aux desaings du duc de Clèves.
« Sire, cez Seigneurs ont aussi eu lettres de bien bon lieu comme
ledict empereur leur voulloyt mouvoir guerre du couslé d'Allemaigne
et de Millau, et que de ce avoyt esté escript par domp Lopes de Souria*
au marquis du Guast, et que ledict empereur avoyt faicte ceste deslibé-
ration depuys l'arrivée vers luy d'ung personnaige qu'il avoyt envoyé
en Constantinoplc; lequel personnaige, soubdain qu'il eust parlé à luy,
renvoya audict Gonslantinople sans le laisser parler à aultre personne
du monde. Et se dict que ne passera pas beaulcoup de jours que à cez
fins ledict empereur mettra aux conlins de cez Seigneurs de six à huict
mil hommes de pied, et que tout ce que dessus on entendoyt de la
court de l'empereur et de Millan par grans personnaiges.
« Sire, j'ay escript à V. M. tout ce que l'on avoyt entendu de Hon-
grye; dont à présent ne vous en puys dire aultre sinon que par lettres
de Vienne l'on entend le roy Ferdinando cstre fort travaillé et fâché,
pour avoir esté adverty que le xxiiii'' may avoyt esté donné ung aultre
assault à Bude, mais que ceulx de dedans s'estoyent deffcnduz gail-
lardement, et rabbatu ceulx de dehors avecques grande occision
d'iceulx. Lesquelz avoyent trouvé que dedans s'estoyent très bien rem-
parez et qu'ilz estoyentfourniz de municions et artillerye, et ne avoyent
faulte seulement que d'eaue et de chair; de sorte que l'on estime que
pour toutes cez choses, et aussi pour avoir entendu que dix mil che-
vaulx turcqs estoyent jà dès lors arrivez à Bellegrade, et que l'exercite
chemynoyt avant à grant haste, le camp dudict roy Ferdinando se sera
levé de devant Bude sans rien faire. Et faict bien à ce propoz ce que a
esté escript par lettres de Millau du xiiF de ce moy à cez Seigneurs,
c'est qu'il failloyt que ledict roy ne pençast plus au moyen d'olFendre
ses ennemys, mais de se deffendre; et encores y auroyt-il bien affaire,
pour (selon que l'on entend) estre l'exercite du Grant Seigneur qui
vient en cez bandes là si puissant et prochain. Icelluy roy estoyt allé
en toute dilligence en la Moravia faire diette où avoyt demeuré huict
jours tant à aller que à retourner : en laquelle avoyt demandé secours,
sur quoy on luy avoyt respondu de luy donner x™ hommes de pyed et
de cinq cents chevaulx; mais, y voullant aller en personne, qu'ilz
yroyent tous, laissant seullement à leurs maisons les personnes inutilles.
Et que ledict roy voulloyt aller faire une aultre diette en Slesia ^
« Sire, encores que Y. M. pourra avoir entendu d'aultre part comme
1. Don Lopez de Soria.
2. Silésie.
332 AMBASSADE DE [jUIN l'i41j
le duc do Florence ' foi-liffye Pise en toute dilligonce, ce néantmoings
nay voullu obmetlre à vousadvertyr de ce que Ion en a icy. C'est qu'il
a laict desnioullyr et getter par terre la citadelle vieille et départye en
deux pars la nouvelK-. et laict deux balUjuard/. *, et l'airt eslargyr la
fosse ' de ladicte terre de cinquante brasses, ayant désigné de faire
aller le Hume * de Arno autour d'icelle, advenant qu'il fût de besoing.
Et a quatre mil personnes qui incessennnenl travaillent à cest affaire,
et s'entend que le semblable faict-il faire à Pistoye, Arrez/o et Vol-
terra. »
Vol. 2, f» 181 V", copie du xvr siècle; 3 pp. 1/2 in-f».
l'EIXlCIEH A M. D'ANNEUAI'LT.
220. — [Vfnise], 20 juin 1541 . — « .... Par lettres d'Angleterre du
xxr may ce/. Seigneurs ont esté advertys que le roy de là avoyt mandé
à ses contins du couslé de la France faire entendre h tous ses subgectz
que pour tant qu'il/, avoyent à cher sa grâce ilz voulsissent pratiquer
et voysiner amyablement avecques ceulx du roy, et qu'il avoyt mandé
ung sieu gentilhomme vers S. M. et escript, luy faisant entendre ce
que dessus, et oultre qu'il luy voulloyt estre amy et frère, comme il
avoyt tousjours esté, nouvelle qui a de tout mys hors ceulx qui povoyent
estre entrez en quelque suspicion et double du contraire, pour les
propo/ mys avant par les Impériaulx que ledict roy d'Angleterre s'estoyt
grandement eslongné de l'amytié qu'il porloyt à S. M., et qu'il y avoyt
telle pralicque entre l'empereur et luy qui le feroyt du tout désister de
ladicte amytié, et plusieurs aultres propoz. Desquelz lesdictz Impériaulx
ne falloyent à essayer d'en faire leur proffict, et que ledict empereur
mandoyt ung personnaige vers le roy d'Angleterre pour conclure quel-
ques menées secrettes qu'ilz ont ensemble, ainsi que ledict empereur
mesmes a dicl et divulgué. Et veullent interpréter lesdictz Impériaulx,
entre aullres choses, la principalle estre pour le maryaige entre ledict
empereur et la iille d'Angleterre; et que pour cest efïect se retiroyt en
Flandre, et aussi pour se préparer et donner ordre à dresser guerre
contre le duc de Clèves, et establyr et asseurer les choses de ce pays
là, n'ayant pu rien faire à ceste dietle selon ses desaings, ainsi que
pourrez avoir entendu plus tost que de ce cousté : qui me gardera
vous en faire plus long pro]>oz.
<( Monseigneur, Tassin de Luna m'a adverty qu'il se faisoyt quelque
nombre de lansquenetz au conté de Tirol et à Esproch ^, où Tassin
1. Cosimo (loi Meilicis.
•1. Boulevards, c'esl-à-diro rciiiparls, bastions ou courtines.
3. Le fossé des remparts.
4. Fleuve, du lat. (lumen.
a. Innsbriick, capitale du Tjrol.
[JHIN 1541] GUILLAUME PELLICIER 333
avoyt mandé ung homme cxprez aiïin de sçavoir quel nombre on en
levoj t et quelle part on les voulloyt mander. Je luy ay escript qu'il feisl
toute dilIiKencc de sçavoir la vérité du tout, et que soubdainenient me
la feist entendre. De quoy ne fauldray aussi à vous en advertyr... »
La lettre se termine par une nouvelle demande de subsides que
Pellicier prie son correspondant d'appuyer auprès du roi.
Vol. -, i" 18:], copie du xvi'' siècle; i p. l/i! iii-f°,
l'ELMCIER A M. DE LANGEV.
221. — {Venise]^ 20 juin 1541. — « Monsieur, j'espéroys vous
envoyer ma dernière dépesche du xiiii'^ de ce moys par ung qui se fai-
soyt appeller M. de la Magdalaine, mais quant il fut sur le poinct de
partyr, et que jà avions prins congé l'ung de l'aultre, il me va demander
deux hommes pour le conduyre, chose que je trouve fort estrange,
attendu que, auparavant plus de trois jours, luy avoys offert ung de mes
gens pour l'accompaigner jusques à Thurin, pour m'avoir dict avoir
aultrefoiz esté à vous, combien qu'il n'eust aulcunes lettres de la court
ne aultre enseigne, ne pareillement des aultres lieux où il disoyt avoir
esté mandé; — mais ne l'avoyt voullu accepter, me disant qu'il n'en
avoyt poinct de besoing. Dont, le voyant ainsi variable, et que depuys
me va encores demander argent pour faire le voyaige, je euz suspicion
incontinant qu'il n'esloyt tel ne venoyt des lieux qu'il disoyt, me le
confirmant une lettre de M. l'arcevesque de Raguse, qui dict que il
estime plus tost estre une espye que aultrement, attendu qu'il luy
avoyt dict avant que partyr de Raguse qu'il passeroyt par cy sans se
déclairer à moy : ce qu'il eust faict, s'il n'eust esté rencontré d'aven-
ture par quelques ungs de mes gens. Par quoy j'ay esté très contant de
ne luy avoir baillé mondict pacquet, lequel vous envoyé avecques ung
aultre que j'ay faict depuys au roy, que je vous prye faire tenyr en
toute dilligence.... »
Mêmes nouvelles de Levant et d'Allemagne que dans les précédentes
lettres au roi et à d'Annebault.
Vol. 2, f° 184, copie du xvi'^ siècle; 1 p. in f°.
PELLICIER AU COMTE DE LA MIRANDOLE.
222. — Venise, 20 juin 1541 . — « lUustrissimo et Excellenlis-
simo Signor, per la lettera de V. Ill * S., che mi ha portato il man-
dato suo, ho presa grandissima consolatione et contentcza, si perhaver
inteso ch'ella era tornata in Italia, si ancora per essermi certifïicato
che le cose sue de la corte procedano tanto bene, che di giorno in
giorno si vede accrescendo la existimation, et dignità sua, si come la
334 AMDASSAItE 1>E I^JLIN lu4l]
fede, cl valor siio dej^namontc nirrita apresso S. M". Il perche non
poco mi son rallc^ralo, cl suMlo iciunlo il };oiilillioino suo, con un di
niii'i lo mandai al signor Pcln» Slro/./.i, il qualc s'c cxliihilo moll<>
prontamenlc di far la provision (tgni voila, chcgli sarà ricliiesto, per-
ch'csscndo lanlo afTcclionalo à S. M'", non p6 mancar ili non esscr
prcslo c aparechialo ad oj^ni minimo scnno clic gli sarà faite ove vadn
il comodo, cl la ulililà di Ici. Rcsla donquc à V» 111"" S" di far quanlo
giudicarà dcvcr farsi, nclla quai cosa dcsidero, che ollre alla inslrul-
lion di S. M" clla mi faccia inlcndcr il j)ar<'r suo sopra ccrli arlicoli
che le niando, per vcdcr l'ordine chc si devc It'iicr in ciaschcduna
cosa; cl di (jucslo ne priego caldamcnlc V» 111"' S'\ laquai seràconlenla
particularmenle se io posso operar cosa che le sia agrado prevalersi
et servirsi di me, cl di quanlo che ho al mondo, che tutto è al piacer
et commandamcnlo suo, et ove ella ne vorrà far la espericnlia, cognos-
ccrà in elîello csser anchora molto più di quel che io li proferisco,
con lutta la efficacia del cor mio...
« [)i y en e lia.
« Articoli. — Prima desidero intender circa il grano vechio l'ordine
che si deve lener, et a chi, et quai numéro puô essere, et quando et
in che modo, et per chi, et in che luoghi si ha da vendere, et con che
pretio si debba riscallar, cio è aquel prelio che fu comparalo, ô aquel
che val adesso.
« Del numéro de i grani novi, che si ha da comprar et quante et
quali persone debbansi mandar a tal negotio, si come me ha scrilto
S. M".
« Si sarà di bisogno impicgar parle di questa summa présente di
danari, che ha commission il signor Pielro Slrozzi di sborzar in allre
cose necessarie, come vettovaglie et municion, et in che specie, et
quanlilà sopra queslo. »
Vol. 2, f" 184 v% copie du xvi" siècle; 1 p. in-f".
l'ELLIClER AU DUC DE FERRARE.
223. — [V^enise], 22 juin 1541. — Pellicier lui envoie son secré-
taire pour l'informer de nouvelles importantes le concernant, lui et son
État.
Vol. 2, fo 185, copie du wx" siècle; l/.'} p. in-fo.
PEI.I.ICIEH A LA DUCHESSE DE FERRARE.
224. — [FeAîise], 22 juin 1 54i . — « Madame.., j'estime que aurez
bien entendu la conclusion du maryaige de madame la princesse de
[JDIN 1541] GUILLAUME PELLICIER 33S
Navarre avecques monseigneur le duc de Clèves, et comme, la grâce à
Dieu, le roy et toute sa compagnye se retreuve en très bonne santé.
Dont ne vous en diray aultre, sinon que j'ay esté adverty que aprez
les nopces faictes ledict duc se retira en son pays pour deux ans et
laissera ladicte dame en France •. L'on dict que l'empereur est très fort
fâché de ceste alliance, et qu'il s'en va en Flandres pour préparer et
donner ordre à dresser guerre contre ledict seigneur duc, et aussi
pour veoir s'il pourra rien faire avecques le roy d'Angleterre, le voul-
lant esmouvoir contre le roy. Mais, à ce que l'on a entendu icy de bien
bon lieu, icelluy roy d'Angleterre a faict entendre à tous ses subgeclz
qui sont aux confins de France que, sur tant ([u'ilz ayment et ont à cher
sa grâce, qu'ilz voulsissent practiquer et voisiner amyablcment avec-
ques ceulx du roy... * »
Pour les nouvelles d'Allemaigne, « il y a plus grant discord entre
les catholicqueset protestans que jamais, et se presche publicquement
à la luthériane en la présence dudict empereur. Quant aux choses de
Hongrye, les affaires du roy Ferdinando n'y sont guère bien, et estime
l'on que de présent le camp est levé de devant Bude où avoyent donné
deux assaullz; mais ilz ont esté repoulsez, de sorte que au dernier,
ainsi que on dict, y en demeura bien de ses gens environ huict cens
hommes. Et ont trouvé que ceulx dedans s'estoyent très bien rem-
parez et avoyent assez victuailles, excepté d'eaue et de chairs. Et jà à
Bellegrade estoyent arrivez dix mil chevaulx turcqs, de sorte que l'on
entend qu'il fauldra que ledict roy attende et pourveoye plus tost à se
defFendre que à ofTendre ses ennemys... »
Vol. 2, f 185, copie du xyi^ siècle; 1 p. 1/2 in-f".
PELLICIER A M. DE RODEZ.
225. — [Venise], 25 juin 1 54 1 . — Pellicier donne à l'évêque les
nouvelles du siège de Bude qui sont contenues dans la lettre au roi,
en date du 20.
Vol. 2, f° 185 vo, copie du wi^ siècle; 1/3 p. in-f<>.
1. On peut lire, dans la Crordque du roy François /", éditée par G. GuifTrey,
pp. 363-.3s:i, et dans De Ruble, Le tnariage de Jeanne d'Albret, pp. 110 à 127, les
curieuses péripéties des négociations et les détails circonstanciés des fêtes qui
furent données à l'occasion de ce mariage tout politique, célébré à Chàtellerault,
le 14 juin 1541, avec une grande pompe, mais qui ne devait jamais être consommé.
Du 9 au 19 juin, jeux, tournois, bals, banquets, spectacles scéniques se succé-
dèrent sans relâche. Le 20, le duc Guillaume de Clèves prenait congé de la cour
pour s'en retourner en Allemagne.
2. V. la lettre à d'Annebault, du 20 juin.
330
AMBASSADE DE [JUILLET 1541J
l'ELLICIEIl AU MEME.
226. — ( r»'/j /.«■], 2 juillri I ') 1 1 . — (. Monsieur, tant pour n'eslre
ailvcrlv à racouslumée ung jour de sabuiedy que l'un dépeschuyl à
lloine (jue pour li'S occupations que je euz iedicl jour, et encores plus
pour ne avoir aulcune matièrt; niérittant vous faire S(;avoir, il me
sembla et sembleront tousjours le non escripre estre aultant proffilable
et moings ennuyeulx (jue d'escripre sans propo/ ne chose daulcune
importance ne conséquence, comme pourroyt avoir esté laict à moy
par une du .xxv" du passé; et faull que vous entende/, Monsieur, que
quant je n'ay nouvelles d'aulcun moment, je ne pence point que soyez
d'adviz que je en doibve estre forgeur. S'il vous semble que en mon
endroict ne vous soyt faict le debvoir, je ne retruse point qu'il ne soyt
veu et congneu de ce par celluy quil vous plaira et fustil bien S. M.;
car je ne me fye que, par voz lettres et les miennes, on pourra con-
gnoistre qui la mieulx faict de noz deux. Or, mettant tous ces propoz
arrière, je vous diray comme j'ay receu lettres de messire Vincenzo
Maggio du xxviiF de may, avecques aultres pour vous que vous envoyé
présentement; dont, me remectant à icelles, m'attendant qu'il n'aura
failly vous faire sçavoir les semblables nouvelles qu'il a faict à moy,
me sembleroyt chose superflue de vous en faire aulcune répéticion.
Tant seuUement vous diray qu'il me confirme pour tout certain l'allée
du Granl Seigneur à Bude, et que Suliman Bassan se debvoyt partyr
le xxm'' dudict moys de may pour aller vers le Sophi. J'ay eu nouvelles
de plusieurs coustez que tous les Ilalliens et Espaignolz qui estoyent
au camp du roy Ferdinando davant Bude y sont demeurez mors ou
prisonniers, et environ de quatre à cinq mil Tudcsques taillez en
pièces, et tout le demeurant du camp en rompture. Qui est tout ce que
aurez de moy pour ceste heure, sinon mes recommandations à vostre
bonne grâce... »
Vol. 2, r-^ 189 ', copie du xvi-^ siècle; 3/i p. in-f».
PELLICIER A VINCENZO MAGGIO.
227. — [Venise], 4 juillet 1 54 1 . — « Magnifico Signor, dopo le mie
ultime scrilte a V. S. del xix del passato, ho ricepute lo sue del xxviii
maggio; le quale per haver inteso che'l signor Rincone era partito de
la corte, per tornarsene in qua, come lui me ha scritto, et che vede-
rette per le sue leltere che vi mando al présente, et ancora facendo
quello me havete scritto, io le ho desciffrate et scritto a S. M" Cris-
1. Les trois folios précédents ont été laissés en blanc
[juillet 1o41] GUILLAUME PELLICIER 337
tianissima tutto qiiello clic mi ha parso essore à proposito; del che io
credo ch'ella ne haverà grandissima satisfatlionc, et le leltcrc ho rite-
nute apresso di me, per darli nelle mane quando sarà arrivalo qua
che sarà, presto, piacendo a Dio. Non che io sia certe precisamente del
giorno che deverà arrivare qua, ma si ben che'l non puol lardare tropo;
perche quelle ch'era andato con lui in Franza, cioè il signor Cezar'
Fregoso ritorna con lui et ha scritto essere presto qua; di modo clie
io l'aspelto de giorno in giorno. Io vi ho scrillo il matrimonio de la
princessa nostra di Navarra con il duca di Cleves; adesso li dirù come
per cerlo è fornito, et non resta sinon consommarlo, quello che non
se puol per la gioventù de la moglie. Et Sua Excellenza se n'è ritor-
nato nel suo paese per doi anni, aspettando che ella cresce, tanto con-
tento et ben satisfatto di S. M", del re et regina di Navarra, et di tutta
la corte, che non è possibile de più, con animo grande da diffendersi
molto ben dello imperatore, se non sarà constretto, et ancora assal-
tarlo, se farà al proposito; et li basta l'animo farli de se stesso uno
anno de longo la guerra, et non Io tema un qualrino, si ben l'ha mena-
ciato pur assai. Se dice adesso che Timperatore ha ripresso fantasia da
ritornar in Italia, con xii" lanschenechi : cosa che io non credo cosi
presto, per non essere tropo certa. Et si fa fama che subito passera in
Espagna, et che lui stesso andarà a l'impresa d'Algier, et che per far
questa impresa ha già in ordine a Mallega ' in Espagnia biscotti, corse-
letti, et parte de gallere, et altre velle conveniente a questo elTetto.
Quanto allô campo del re Ferdinando in Ongaria, io vi ho scritto come
era slato ributato con gran danno loro a doi assalti che havevano dato
in Buda. Adesso ho inteso per piu vie ch'è stato ancora assai più mal
trattato di quello se diceva, et che tutti Italiani et Spagnoli che erano
in quello sono stati 6 presi 6 morti, et tagliati in pezzi da quattro à
cinque mille Tudeschi, di modo che si è levato con grandissimo danno.
« Io ho visto quello havete scritto del Giudeo. Io vi dico da novo che
dopo che vi ho scritto, ho ancora riceputo lettere di un grandissimo
servitor di S. M'^ in Allamagna, per le quale se vede il Giudeo haver
advertitol'imperatore quasi in confirmacion del tutto quello m' bavette
scritto. Et primo come il Gran Signor andarà in persona in Ongaria
con un numéro de gente a cavallo et a piede, et artiglaria, guastadori *
et monition de ogni sorte; et scrive a l'imperatore il numéro di ogni
cosa, et che'l Gran Signor se invernarà in Ongaria, et intorno, et moite
altre cose che mi fanno credere certissimamente che l'imperatore è
advertito di coteste bande molto bene. Io non dico che sia da Mose ne
del suo compagno, ne che sia mascolo 6 femina, ma tutte le lettere
1. Malaga.
2. Guastadori, pionniers, sapeurs, employés pour les ouvrages de génie. On réqui-
sitionnait le plus souvent, sur place, des gens du pays pour l'exécution de ces
travaux.
Venise. — 1540-1542. 22
338 AMBASSADE DE 'JUILLET ir)4l]
accusano il (jiuileo*; vol haverelle l'ocliio aperlo in quosto, si como mi
togno ccrto por la voslra sufficicnlia, et di quello clie ne intenderô, vi
ne adverlirô alla giornalo et de o}?ni altre cose che cognoscero essere a
l'utile et honore di S. M" Crislianissima, pregandovi far il simile,
fome havele fatlo lin che alhora, del the vi ne ringralio aneltionatis-
simamenle...
« Dopo haver scrillo la présente, è venula nova rome il re Ferdi-
nando era andato a Ralisbona, et <he se era discoperto un Irallato che
se fait'va de dare una porta de Buda à la gente del detto rc, per un
capilanin di dentro, il quah; Irallato è slato scoperto da un soldalo
cridandii alla voce : « Tradimentol » et cosi gli allri soldali di dentro
sallonio suso quelli di quello capitaneo tradilor, et ne amazzorno pur
assai; tanien lui ussi la porta, et scampô in Campo del re Ferdinando,
cl cosi H ciladini de la terra che erano a quella porta, essendo di
quello consentimenlo furorno tagliali a pezzi, et la gente de Ferdi-
nando rihulala et mollo mal Irallala. »
Vol. 2, P 189, copie du xvi® siècle; 1 p. 1/2 in-f».
PELLICIER A M. DE RAGUSE.
228. — [Venise], 4 juillet 15 //. — « Per la lettera de i xxi di giugnio
che V. S. ullimamenle mi ha mandata, ho inteso quanlo ella mi scrive.
El prima li dir6 io, che non ho riceputo quelle leltere, le quali scrive
havermi per quel signori Inglesi Jndirizzale ', et forse che é accaduto
questo, per non esser eglino ancora gionli qua. Spero in brevi giorni
dar nuova à V. S. délia arrivala in quesla terra del signor Rincon, il
quai aspeltiamo di giorno in giorno. El perche io so che'l signor
G. Jacomo^ scrive piii a longo à V. S. quanlo aile nove, le quali da me
potria per hora inlendere, mi riporto totalmenle alla lettera sua, et
quella sarà contenta usarbuona diligentiain dar ricapito al plico indir-
rizalo al signor Vincenzo, mandandolo per huomo a posta enconta-
nenle, et a V, S. di buon cor m'oflfero et racommendo. »
Vol. 2, f^ 100, copie du xv!*^ siècle; 1/3 p. in-f".
PELLICIER AU ROI ♦.
229. — [Venise], 4 juillet 1 54 L — « Sire, par les miennes dernières
i. Le juif Moïse, agent secret de la cour impériale.
2. Sans (loiile s'agit-il ici des deux gentilshommes anglais auxquels Pcllicicr, lors
de leur précédent passage â Venise, avait donné des lettres de recommandation
pour Maggio à Constantinople.
.3. Jean-Jacques de la Croix.
4. • (^este dépesche fut retenue jusques au vi" dudicl moys, qui fut escript à
M. de Langey, dont n'en fut faict niynute. •
(
[juillet 1o41] GUILLAUME PELLICIER 339
du xx" du passé que ay escriptes à V. M., luy ay faict sçavoir toutes nou-
velles que avoys peu apprendre lors, et mesmement ce que messire
Vincenzo Maggio m'avoyt escript. Et pareillement, doublant que le
seigneur Rincon ne fust party de la court, et que l'alphabet de son
chillre eust esté changé ou aultrement, voyant ([ue la lettre adressante
à luy estoyt escripte en chiffre, me sembla debvoir loucher à V. M.
les principaux poinctz d'icelle, comme le semblable à meilleure raison
foys-je à présent d'aultres lettres que ay receues depuys dudict messire
Vincenzo escriptes en Constantinople le xxviiic may, d'aultant qu'il
m'a escript que si je entendoys quelques nouvelles de son parlement
de la court, j'eusse à les deschiffrer, et vous adverlyr du contenu, les
retenant icy pour bailler audict seigneur Rincon, pour ce qu'il lui sera
nécessité entendre quelques nouvelles de ses affaires particuUiers qui
sont dedans, avant passer plus oultre. Ce que ay faicl, et, comme il
m'escript, pour estre chose d'importance, n'ay vouUu dilayer à vous
le faire sçavoir. Principallement comnrie, le xi® dudict moys de may,
Nicoletlo, dragman dudict seigneur Rincon, renvoyé en Constantinople,
y estoyt arrivé; la venue duquel, comme escript ledict messire Vin-
cenzo, fut fort agréable au Grant Seigneur et à tous les bassatz, tant
pour avoir receu de voz lettres que d'avoir entendu l'arrivée dudict
seigneur Rincon prez V. M., et le vouUoir que icelle a de le remander
bien lost par delà, disans que ledict Grant Seigneur avoyteu très grant
plaisyr d'entendre de V. M., et que l'amytié d'entre voz deux estoyt
ferme et estable, et qu'il vous tenoyt pour son bon frère et amy. Et
que de leur cousté faisoyent ce que ung chascun povoyt veoir, man-
dant grans exercites contre le Sophi et le roy Ferdinando; et que ledict
Grant Seigneur yroyt luy-mesmes en personne au royaume de Hon-
grye, pour mainctenyr le filz du feu roy Jehan vayvoda, faict roy par sa
libérallité, et qu'il n'entendoyt pas seullement le deffendre, mais luy
réintégrer entièrement tout ledict royaulme. S'attendans aussi que
V. M. feroyt de son cousté ce qu'elle verroyt et sembleroyt estre bon
et à propoz, suyvant ce qu'il fut parlé au seigneur Rincon avant son
parlement poilr aller vers vous. Et escript que à l'arrivée dudict Nico-
letlo le commun populaire devinoyt en Constantinople que le Grant
Seigneur marcheroyl avecques l'exercite et feroyt armée par mer.
Laquelle chose fesoyl juger que V. M. estoyt jà à la volte d'Itallye.
Escript aussi le parlement dudict Grant Seigneur estre cryé le xxiF may
vers la Hongrye pour le xx'= juing, et jà tout le monde se mettoyl en
ordre, et que si ne fust la grande charte des victuailles qu'il y avoyt
en ces pays là de Hongrye, il y seroyt jà y a plus de deux moys, et
qu'il avoyt mandé troys gallères par mer Majeur, aultrement mer
Negro *, chargées d'artillerye et municions, pour conduyre à la bouche
1. La mer Noire.
340 AMIJASSADE DE 'jlU.l.ET 154lJ
du Danuhio ot par icu'lliiy à liudc : cl qu'il avoyt ordonne que la grosse
artillerve de Durasso ' fui menée audicl Hude. Kt se disoyt (jue lodict
(îranl Seigneur irn\l à Vienne; mais aulcuns eslinioyent que pour
eslre la saison trop avant, qu'il ne pourroyt ce faire et qu'il feroyl son
y ver ii Hellegrade, pour y eslrc à la prime vère : choses confirmées par
lettres d'Allemaigne, lesquelles vous envoyé présentement. Escript
aussi que la famé * estoyt par delà que ledict Granl Seigneur se veult
enjpatrnimvr dudicl royaume de Hongrye, chose que de longtemps par
deçà nous avons bien jugé que le roy Fcrdinando ne fauldroyl luy en
donner lionne occasion, et qu'il meyne avecques luy deux de ses
enfans ^ (Juanl à l'armée par mer, il escripl (jue pour lors se met-
troyenl en eaue soixante gallères, selon que luy avoyt dicl Amon, Juyf
médecyn dudicl Grant Seigneur. Ce néantmoings qu'il ne s'en veoyeoyt
aulcun indice, et toutesfoiz ledict Amon disoyt estre véritable et le
tout estrc en ordre; et cstre certain que le Juyf * estoyt dehors
avecques dix gallères et le Corse tlo avecques sept voylles sans aultres
coursaires, de sorte que feroyent en tout une armée de cent et vingt
gallères. Et que en la Natolia, la Soria et Arabia^ ledict Grant Seigneur
faisoyt lever par toutes les maisons de ses subjectz les armes qui
estoyent trouvées dedans, et pugnissoyent ceulx qui avoyent arcque-
buses, craignant l'on ne sçayt quoy. Le lundy xxiii« may, Solyman
Bassan se partyt pour aller du cousté du Sophi; lequel, comme on
disoyt à Constantinople, avoyt dépopulé et subjugué celle part des
Georgeans qui sont vers la mer Caspio ^, et qu'il avoyt faict faire
soixante charrettes d'artillerye légière, soubz lesquelles sont droma-
daires. Et se retrouvoyt m" v<= arquebusiers, dont une partye estoyent
janissaires qui s'en estoyent allez de la Porte mal contens, et l'aultre
partye sont Portugalloys; et se disoyt y en avoir deux mil à cheval,
chose que jamais il n'avoyt eue : et disoyt l'on audict Constantinople
que ledict Sophi avoyt un grand camp. Salim Monucho ^ iroyt vers
Tauris *, et ung aultre bassan qui est vers Bagdet ^ avecques tous les
{. DinM7.zo, ville d'.Mlianie, à 83 kilom. de Prutari, sur IWdriatique; réunie à la
Turquie sous Uayeziil II, dans les premières années du xvr siècle.
2. La rumeur.
3. Suleyman i)ariil le 23 juin de Constantinople, pour ouvrir en personne la cam-
pa^rne de Honfrrie. Les liisloriens auslro-liongrois mentionnent la i)résence à Tarmée
ollomanc de deux fils de Suleyman : Bayczid et Sélim; les historiens turcs ne
parlent point du second (V. de Hammer, t. V, pp. 328 et 335).
Le prince Sélim, huitième fils de Suleyman, né en 1524, était alors âgé de dix-sept
ans. il succéda à son père en 1506, sous le nom de Sélim 11, et mourut le 12 dé-
cembre 15"4.
4. Djoufoud Sinan.
5. L'Anatolie, la Syrie et IWrabie.
6. La mer Caspienne.
1. L'eunuque Suleyman-Pacha, le nouveau grand-vizir.
8. Tauris ou Tebriz, ville forte de la Perse.
9. Bagdad.
[juillet 1541J GUILLAUME PELLICIER 'Mi
sangiacques yront contre les gens dudict Sophi. Quant est deslivrer
le seigneur Lasclii, le Grant Seigneur n'en veult point ouyr parler, et
dict que ung jour ledict Laschi, faisant offre audict Grant Seigneur de
faire faire paix avecques ledict roy Ferdinando et qu'il demeureroyt
son feudataire moyennant qu'il luy laissast Bude et plusieurs aultres
choses à l'advantaige dudict Grant Seigneur, pour response commanda
que ledict Laschi lust reserré plus estroictement que jamais cl que
personne ne luy parlasl : ce que fut faict. Et là dessus discourt ledict
messire Vincenzo qu'il n'est jà besoing recommander ledict royaulme
de Hongrye audict Grant Seigneur, pour ce qu'il l'a trop à cueur,
puisque luy mesmes se meut en personne pour aller à la deffension
d'icelluy. Le xxi" may arriva ung varlet de chambre du roy Ferdinando
à la Porto avecques lettres adressantes au Grant Seigneur, desquel
il envoyé ung double en chiffre, duquel vous envoyé la coppye; et par
icelles entre aultres choses il s'efforce grandement placquer ledict Grant
Seigneur et luy remonstrer et persuader debvoir relâcher ledict Laschi ;
mais à ce que escript ledict messire Vincenzo elles lui ont esté plus
nuysibles que aydantes, car, incontinant que ledict Grant Seigneur les
eust entendues, Hz le remuarent (sic) de son logeys et le feirent res-
serrer en ung lieu comme ung cabaret apte à recepvoir petitz passans,
qui n'a que une seuUe porte et sera gardée que personne ne luy par-
lera. Et luy a esté levé la provision de huict cens aspres le jour, qu'il
avoyt à despendre, et luy en a esté seullement laissé cent. Et ledict
chambrier * dudict roy Ferdinando a esté baillé en garde à ung
chaous ^, et se disoyt là que on le remanderoyt avecques response
que Dieu seul sçayt; toutesfoiy qu'il avoyt entendu que elle seroyt que
si ledict roy Ferdinando voulloyt mander ambassadeurs, que ledict
Grant Seigneur les rencontreroyt par les chemyns. V. M. aura entendu
le cas succédé à Lotphi Bassa; depuys il a esté séparé contre son voul-
loir d'avecques sa femme, l'ayant voUu ainsi le Grant Seigneur, à la
persuasion de la Soultane, craignant que cela ne retardast ou gardast
que son gendre Roustan ne parvint au premier degré de bassan ^. Il a
eu congé s'en aller à la Mèche *, et sa femme luy a donné sa dotte, qui
est de la somme de cent mil ducatz; et luy, en contre eschange, luy
a donné la maison où il demeuroyt. En laquelle entrant sadicte femme
1. Le gentilhomme de la chambre de Ferdinand.
2. Chaouch.
3. Croate de naissance, Rustem-Pacha s'était élevé successivement de page du
séraï, aux dignités de premier porte-armes, de grand-écuyer, puis avait été nommé
beglierbey du Diarbékir, et enfin quatrième vizir en 1539. Promu second vizir en
1541, il allait parvenir, suivant Pellicier, au rang si convoité de grand vizir. Uustem
devait sa haute faveur, moins à sa femme, la princesse Mihrmah, fdle de Suleyman,
qu'à l'influence prépondérante de la mère de celle-ci, la sultane Kliourrem, russe
d'origine, d'abord favorite, puis femme légitime du sultan, et mère de Sélim (V. de
Hammer, t. V, pp. 329 et 386).
4. La Mekke.
342 AMBASSADE DE "^JUILLET ibii]
foisl une grande lamontacion et démena tel dueil qu'elle en cheust
pasmt^e, cl ainsi fut portée avecques ung tapis sur le lict. 11 s'est retiré
pour quelque temps il son jardin près des Eaulx doulces ', faisant,
comme escripl ledict mcssire Vincenzo, une vve monachalle. El Rostan
est demeuré premier l>assan, qui est de l'eaige do wxii ans, mais
monstre à son parler eslre très Lien rassis et tellement traiclable qu'il
donne espoir (jue à la venue du seigneur Rincon on ne fauldra de
l'avoir lavorahle et amy *. Il escript aussi que le Ho^^dan ' avoyt adverty
le Grant Seigneur que l'empereur faisoyt fort grant aprest de gens
pour la ll(»ngrye; mais que ce n'estoyt pas chose preste, et qu'il avoyt
trente trois mil chevaulx prestz pour donner secours audicl Grant Sei-
gneur, toutesfoiz et (juantes qu'il luy plairoyt les mander. Qui est,
en somme. Sire, tout ce qu'il escript, fors que à la fin de sa lettre dict
que depuys il avoyt entendu par son dragmant qui venoyt de la Porte,
là où il avoyt trouvé Lasky contrastant * plus de deux grosses heures
avecciues le bassan sans qu'il dise de quoy. El semblablement y avoyt
laissé l'ambassadeur de cez Seigneurs déballant avecques ledict bassan,
pour ce que ledict bassan luy demandoyt quelques Turcqs que cez
Seigneurs tenoyent prisonniers. Aultre chose n'en dict, dont je ne
S(;auroys que pencer de cela, sauf que il vueille dire les Turcqs prison-
niers eslre ceux qui furent prins cez jours passez sur deux fustes
de Morath .\ga par le commandement de cesdictz Seigneurs; pour
lesquelz comme cesdictz Seigneurs sont adverliz, ilz demandent mil
escuz pour chascun Turcq qui a esté tué, et cent escuz pour
chascun chreslien, et grant somme pour le demeurant des fustes
jusques à 80" escuz, comme j'ay entendu. Je ne larray aussi à dire à
V. M. qu'il escript que vostre galléasse se debvoyt partyr au commen-
cement du moys de juing, portant une infinité de marchandise, de
sorte qu'elle aura de nolyt ^ plus de troys mil escuz. Sur quoy, Sire,
ne veulx laillyr à vous toucher de ce que ay esté adverty, que André
Doria escripl à Janetin Doria qu'il veist de s'empatronnyr, s'il estoyt
possible, de quelques gallères que V. M. avoyt en Levant; lesquelles
de brief estoyent pour reprendre la volte vers le ponent, et pour ce
que je ne sçay que Icelle ayt aultres gallères ou vaysseaulx en cez
1. Les Eau.x-I)oiices d'Asie, frais vallon silué aux portes de Scutari, non loin du
château d'Analoiic, où serpente un ruisseau parmi les ombrages ilc frênes, de
platanes el de sycomores; ainsi nommé par opposition aux Eaux-Douces d'Europe,
où les habitants de Stamboul viennent se reposer dans la verdure aux bords d'une
fontaine murmurante (Elisre fleclus, Géot/raph. unit., t. IX, p. 382).
2. Suivant de Hammer, Suleyman-Paeha conserva la charge de grand-vizir jus-
qu'en lo4i, éjioque où il aurait été destitué en faveur de Rustem. Ce dernier, desti-
tué à son tour en octobre 1553, fut rétabli en 1555 el mourut le 9 juillet loGd.
3. Raresch.
i. ('onférant, discutant.
5. Nolis, louage d'un navire.
[JUIU-ET 1541] GUILLAUME PELLICIER 343
quartiers là, fors la galléasse, ne puys comprendre qu'ilz vueillent dire
d'auUre.
« Sire, j'ai esté adverty comme cez Seigneurs, aprez avoir gardé long
temps les lettres du Grant Seigneur touchant la déclaration dont m'avez
escript faicte par luy à leur ambassadeur, et les avoir bien mâchées
et rumynées en leur conseil de Diexe, en fin les ont mises en colliége,
pour puys aprez les exposer et faire entendre en leur pregay, et y en
déterminer la résolucion, où, ainsi que quelques ungs des plus gros
d'entre eulx sont d'adviz, Ton ne fera dilhculté d'accorder ce que ledict
Grant Seigneur demande quant ad ce; et que jà la plus part de cculx
dudict pregay, voyre encores la communité des Seigneurs sont bien
deslibérez de ce faire, voyans que c'est chose plus tost à leur advan-
taige que aultrement. Il est bien vray, Sire, que aulcuns d'entre eulx
pour réputacion de leur républicque vouldroyent bien trouver par le
plus honneste moyen qu'il seroyt possible de ce faire sans qu'il sem-
blast qu'ilz le feissent par commandement ne coutraincte dudict Grant
Seigneur. Toutesfoiz, s'ilz ne peulvent faire de moings, ilz franchiront
le sault; car ilz voyentet congnoissent très bien qu'ilz n'auront jamais
seureté ne paix certaine avecques luy qu'ilz ne l'ayent faict, pour aul-
tant que journellement on leur suscite et met l'on en avant quelque
chose de nouveau, comme à présent a l'on faict des Turcqs et fustes de
Morath Aga prinses par leur providadeur \ ainsi que V. M. a peu veoir
cy dessus. Et oultre ce ledict Grant Seigneur les rechairche qu'ilz
ayent à desmollyr et ruyner de tout la ville de Butrinlo, anciennement
dict Buthvotum, davant Corfou, lieu fort commode et de bon revenu à
cez Seigneurs, tant pour le goulfe et port qui est là que pour les moul-
lins, pescherye et aultres proffîctz qui leur en revient; laquelle place,
pour agréer audict Grant Seigneur, sont résoluz faire faire ruyner et
desmollyr, si jà ne l'ont faict : parquoy, comme je vous ay dict. Sire,
ceulx qui s'y entendent tiennent presque pour certain qu'ilz ne reffu-
seront à ce faire. J'ay escript à V. M., le dernier de may, s'il plaisoyt
à icelle que je leur en meisse avant quelques propoz, qu'il luy pleust
m'en advertyr, et de ce que je auroys à leur dire; derechef je vous
supplye, si voyez que bien soyt, m'en faire sçavoir ce qu'il vous plaira
que je en face, affîn de l'accomplyr le mieulx qu'il me sera possible,
combien que si d'eulx mesmes la chose venoyt à efîect sans y entre-
poser aulcune nostre sollicitation, il semble à aulcuns qu'elle n'en
vauldroyt que mieulx.
« Sire, j'ay eu lettres de Tassin de Luna, et aultres par son moyen
d'ung sien amy, lesquelles vous envoyé, et par icelles V. M. pourra
1. Provéditeiir, magistrature vénitienne. Il y avait diverses charges de provédi-
teurs : les uns affectés au culte; d'autres aux finances, au commerce, à l'agriculture;
d'autres encore à la guerre et à l'administration intérieure (V. Baschet, Archives
de Venise, p. 663 et suiv.).
344 AMBASSADE I»E [jnu.ET 154l]
vcoir comme le cani|) tlu my Fcrdinaiido a eu le pyre devant Bude,
s'il est vray «jue tous les Italliens et Espaignolz ayent esté prins ou
tuez, et environ de quatre mille Allemans taillez en pièces, ainsi que
lesdictes lettres portent. ïoutesfoiz, de ceste nouvelle cez Seigneurs
n'(»nt poinct eu adviz ; mais bien, par lettres postérieures, escriptes à
Italisliontif le wviii" jning, comme ung cap|)ilaine d'une des portes
dudict Hude, ayant inlclligence avecques les g(,'ns dudicl roy Ferdi-
naiido, avoylpromys de la leur bailler, cependant que la plusparl d'entre
eulx yroyent donner ung assault à une aultre porte distante et à l'op-
posite d'icelle, pour cmpescher ceulx de dedans : ce qu'il eust faict,
n'eust esté que quant se vint au faict et à l'exécution ung des souldars
dudicl rappilaine se print à cryer : « Trahison! » Dont soubdainement
une bonne partyc de ceulx de dedans se révoltèrent de ce cousté, et
donnèrent dessus les gens dudict cappilaine, lequel se saulva par ladicte
porte et gaigna le camp dudict roy Ferdinando. Ce néanlmoings,
voyant ceulx de dedans qu'il estoyt faible de ce cousté là, donnèrent
dessus et luy feirent ung très maulvais eschec; et puys rentrèrent
dedans où chastièrent les citadins de la ville qui estoyenl voysins de
ladicte porte, comme sçaichans et consentans ceste menée et trahison :
nouvelle que cez Seigneurs n'ont point eue à desplaisyr, ainsi que j'ay
esté adverty, pour ce qu'ilz aymeroyent mieulx avoir perdu une des
meilleures de leurs villes que Bude fust audict roy Ferdinando, ne
qu'il fust si puyssant de ce cousté là. El entend l'on davantaige que
le secours du Grant Seigneur, de AO à oO°» chevaulx, n'csloyt que à
une journée de Bude, et que le roy Ferdinando n'avoyt encores eu
aulcun efTect du secours de gens à pyed et à cheval que ceulx de la
Moravia luy avoyent accordé; et pareillement que ceulx de Slésia n-e
luy avoyent voullu accorder que une certaine telle quelle somme d'ar-
gent pour quatre moys seullemenl. Lequel roy Ferdinando, s'^estant
party de Vienne le xv!!"" juing, estoyt arrivé en dilligence à Ratisbonne
le XX'' où avoyt trouvé l'empereur qui, comme l'on entend icy de toutes
pars, est pour venyr ce moys daousl en Ilallye avecques douze mil
lansquenelz. Sur quoy les Impériaulx font plusieurs beaulx discours :
les. ungs dyent que c'est pour plus tost passer en Espaigne et faire
entreprinse d'Algier luy mesmes en personne, et que pour eest effect
il a jà à Malega grant ecquipaigc de biscuictz, coursellelz et aultres
choses appartenant à telle entreprinse, et mesmement une bonne
partye des gallùres et voylles à ce nécessaires. Et quelque ung de
bien grant réputacion veult dire avoir entendu de bon lieu que c'est
pour aller en Alexandrye d'Egiple; et ce, non seullemenl pour la con-
queste qu'il y pourroyt faire aysémenl, mais trop plus pour divertyr
et faire retirer ledicl Grant Seigneur de son entreprinse de Hongrye,.
ayant entendu que le peuple dudict Egipte est très mal contant et
salisfaict du Grant Seigneur. Mais c'est chose qui est tant mal vraye"-
[juillet 154 il GUILLAUME PELLICIER 34!i
semblable que on n'y adjouste point de foy, pour luy faillyr plus tost
le temps à faire armée de telle importance qu'il ne faisoyt au Grant
Seigneur deux moys y a : ouquel temps disoyentledict Grant Seigneur
estre jà exclus de povoir rien faire ceste année, pour avoir encom-
mencé à armer trop tard; mais aulcuns icy tiennent qu'il a faict semer
ce bruict de voulloir venyr en Itallye, pour tenyr en obéyssance et
crainte les gens d'icelle. Desquelz veult tirer grosse somme d'argent,
comme du royaulme de Napplcs six cens mil escuz, de Millan et
F"lorence troys cens mil, et ainsi des aultres lieux, de sorte que Ton dict
que il tasche à en assembler çà et là par ce moyen environ ung mil-
lion d'or. »
Vol. 2, (° 190, copie du xvi* siècle; 6 pp. in-f».
PELLICIER A M. d'aNNEBAULT.
230. — [Venise], 4 juillet 1541 . — « Monseigneur, pour la longue
occupation que jay eue à faire ceste présente dépesche au roy, et
aussi pour la presse que j'ay eu de la mander, me semblant estre de
grant importance, et que suys bien asseuré que verrez le tout, ne vous
en feray aulcune répéticion, ne pour ceste heure longue lettre. Tant
seullemenl vous diray touchant ce que j'escriptz au roy que André
Doria avoyt mandé à Jane tin Doria qu'il veist de s'empatronnyr, s'il
estoyt possible, des gallères que le roy avoyt envoyées en Levant. Je
me doubte que l'on a mal entendu la teneur de ladicte nouvelle, et
qu'ilz veullent dire des gallères que l'on avoyt faict bruict icy faire
mettre en ordre à Marseille pour ramener le seigneur Rincon en
Levant; car je n'ay point oy parler que S. M. en ayt de ce cousté là.
Je attends dedans deux ou troys jours au plus tard les seigneurs Cézar
Frégosc et Rincon lesquelz, comme j'ay esté adverty, estoyent pour se
partyr de Thurin, y a plus de huict jours. Je prye Nostre Seigneur qui
les vueille bien conduyre à saulvetô; car, comme verrez par aulcunes
lettres que je envoyé au roy, Ton donne ordre à faire toute dilligence
pour les avoir entre mains : vous supplyant. Monseigneur, me faire
advertyr de la réception de mes pacquetz, car depuys le mien perdu
du vii"^ mars, n'en ay eu advis d'aulcun; dont je suys en non peu de
peynne et doubte qu'ilz ne soyent venuz à bon port. »
Vol. 2, fo 193, copie du xvf siècle; 1/2 p. in-fo.
i'ELLICiek au roi 1.
231. — [Venise], 7 juillet i 541 . — « Sire, hier matin arriva icy le
1. « Ceste dépesche fut baillée à la Uochc, qui fut mandé en toute dilligence à
Thurin, passant par Ghasteau-GeofTroy. Et fut escript à M. de Langey. >-
La Roche, courrier. On trouve dans le Cat. des actes de François I" divers per-
346 AMDASSADE DK [JUILLET lailj
seigneur conte Pierro Gentil de Cesso ', avecques quoique partie du
train du seigneur Ilincon, qui me dict avoir huict jours qu'il estoyt à
Thurin, d'où s'en dehvoyent parlyr inconlinant hîsdict/. seigneurs
Cézar Fn-gose et Kincon pour venyr par deçà. Et environ une heure
aprez, l'ainbassadi'ur de l'empereur qui est icy m'envoya advertyr par
ung de ses gens qu'il luy estoyt venu ung poste par lequel entendoyt
que lesdictz seigneurs estoyent embarcque/. à Thurin, et qu'il me
donnoyl cest advertissement afiin que je feisse préparer mon logeys
pour ce que j'auroys des hostes. A quoi luy feiz responce que j'estoys
bien adverty comme tout cest affaire passoyt, pour aultant, Sire, que
je cougnoissoys très bien, comme aussi feirenl tous ceulx qui estoyent
avecques moy, que c'estoyt une forme de gaudisscrye. Dont lors com-
mencé incontinant à doubler quelque meschef ne leur fust advenu par
les linpériaulx, attendu que ledict ambassadeur me conhrmoyl ce que
ledict conte de Cesso m'avoytdict; c'est que lesdictz seigneurs avoyent
voullenté de se embarcquer à Thurin, laquelle chose suyvant, ce matin
nouvelles ont esté semées par toute caste ville que ilz estoyent prins
par les gens du marquis du Guast, et cherchant par le menu de tous
cousiez pour sçavoir la vérité d'où estoyt venu ceste nouvelle, Ton m'a
dict que cez Seigneurs en avoyent eu lettres de plusieurs cousiez. Dont,
pour m'onasseurer m'a semblé debvoir entendre d'eulx s'ilz en avoyent
quelque cerlaineté particullière. Ce que ay faict, leur remonstrant que
cecy n'estoyt chose non seulement de grand importance à V. M., mais
encores à eulx et à toute la chrestienté. Dont les pryoys qu'ilz m'en
voulsissent dire ce qu'ilz en avoyent. Et lors feirenl venyr ung de leurs
secrettaires avecques troys lettres qu'ilz feirenl lire davant moy : la
première, escripte à Bresse - le v^ de ce moys, envoyée par leur recteur
de là, contenant que ung homme d'armes party ledict jour au matin
de Caslion ^, avait refféré audict recteur que s'eslant embarcquez à
Thurin lesdictz seigneurs Cézar et Rincon pour venyr sur le Pau *,
furent assailliz environ cinq milles dessoubz Pavye^ par les gens de
l'empereur avecques Iroys baleaulx armez, et furent prins prisonniers;
et se voullant saulver le seigneur conte Camillo de Cesso, lieutenant du-
sonnages de ce nom. Le 21 novembre lo28, à Saint-Germain-en-Laye, mandement
est donné au trésorier de l'épargne de payer à Jacques de la Roche 205 livres pour
porter des lettres du mi jus(]u";i la ntcr du Levant (t. VI, Suppl., p. to6, n" 19,090).
En novembre l.-'>»i, on rencontre aussi un Jean Connet, dit la floche, fourrier
ordinaire du roi (t. IV, p. 090, n" li.209): enlln, en juillet lr)46, un Guillaume Piche,
dit /a Roche, homme d'armes de la gramle paye (t. V, p. 108. n" 15,232). — Castel-
GofTredo.
1. Pietro Genlile, comte de Cesso, neveu du comte Camillo de Cesso, lieutenant
de Cesare Fregoso.
2. Brescia.
3. Castiglionc. place de Lombardie, à 26 kilom. de Brescia.
4. Le Pô.
0. Pavie, place forte du Milanais, sur le Tcssin, alTluent du Pô.
[juillet lb41j GUILLAUME PELLICIER 347
dict seigneur Cézar, qui esloyl avec eulx, se getla dedans ledict Pau,
où s'est nayé. Et par aultres lettres de Véronne du vi", on avoyt entendu
par Baptista da Crema ', homme d'armes du seigneur conte AUoysi
Avogar', comme luy venant de Bresse, trouva à Vallese* messire Fran-
cesco Cano de Vacqua ' avecques aulcuns chevaulx qui retournoyent à
Castion; lequel luy dist qu'il esloyt allé pour rencontrer le seigneur
Cézar, qui venoyt de France avecques ledict seigneur Rincon, mais
qu'il avoyt entendu audict Castion, du seigneur Aloysy de Gonzagues,
et à Castel Geoffroy, de la signora Constance, femme dudict seigneur
Cézar', que dimenche dernier passé iii° jour de ce moys avoyent esté
prias d'ung cappitaine espaignol en passant ung certain lac qui est es
terres du seigneur Augustin Lando'', sur le Plaiscntin. Et par aultres
lettres de Lignago \ aussi du vi'' de ce moys, s'entend ledict seigneur
Francesco Cano de Vacqua, avoir dict que luy estant allé à Castion
pour rencontrer lesdictz seigneurs, y avoyt trouvé ung serviteur du-
dict seigneur Cézar avecques deux mil escuz, qui luy avoyt dict que
eulx venant en une barquette cinq mil au dessus de Pavye, ledict jour
de dimenche, furent prins des gens du marquis de Guast qui estoyent
en une barcque estant à la rive du Pau couverte de fueillées et ra-
meaulx. Et confirme ce que dessus du cas advenu audict seigneur
Camillo de Cesso, qui est. Sire, ce que cez Seigneurs en ont, faisans
grande démonstracion d'en estre fort faichez et desplaisans. Dont
m'a semblé faire mon debvoir vous en debvoir incontinant et en toutte
dilligence advertyr. Mais, premièrement, pour s'asseurer encores plus
de la vérité, j'ay esté d'adviz que le porteur de la présente passast par
Castel Geoffroy, estant adverty le chemyn estre plus seur, et aussi
court par là que ailleurs, attendu que lesdictes lettres cy dessus ac-
cusent telles nouvelles estre venues de la maison dudict seigneur Cézar
Frégose, affin de povoir entendre en icelle la vérité du cas pour en
informer mieulx et par le menu V. M. ; et aussi affin que s'il se trou-
voyt que ce ne fussent que choses incertaines et controuvées, qu'il
peult adviserce qui seroyt le meilleur de faire. Or, Sire, ceste nouvelle
1. Battista di Crema.
2. Le comte Aloysio Avogaro.
3. Valeggio, ville de Lombardie, entre Castiglione et Villafranca.
i. Francesco Capodivacca. — Les Capodivacca, famille padouane. La correspon-
dance du cardinal Hembo [Lellere di M. Pietro Bemho, Venise, Lo70, in-S", t. 11, f° 28)
mentionne en 1527 un Alessandro Capodivacca que le prélat recommande à Angelo
Gabrielli. D'autre part, M. P. de Nolliac (Ribl. de F. Orsini, 1S87, in-S% p. 308)
signale, dans le ms. 3197 de la Bibl. Vaticane un feuillet contenant un passage
italien sur la mort et les obsèques de Pétrarque, copié par Paolo Capodivacca
{alias Bucéphalos) et envoyé par lui à Bembo.
5. Aloysio di Gonzaga, beau-frère de Costanza Fregosa, qui résidait à Castel-
GofTredo.
6. Le comte Agostino Lando.
7. Legnago, place forte à 35 kilom. de Vérone, sur l'Adige.
348 AMBASSADE DE [JUILLET lo4ll
a esté trouvée publicquonu'nl si très estrange qu'il n'y a personne qui
dise avoir jamais vou tout le commun de ceste ville plus troublé, con-
fuz ne scandallisé qu'il/ ont esté de cest aflaire, de sorte que cez Sei-
gneurs, contre Itnir nature et coutume, ne se sont peu lonyr puhlicque-
ment user de prnpoz des plus grans du monde, si très groz que je ne
sçav s'il scroyl licite ou au moins lionneste de les coucher par escript.
Et estant retourné en mon logeis, j'ay esté adverty comme l'ambassa-
deur de l'empereur cstoyt allé à la Seigneurie pour leur remonstrer
que de ceste prinse nestoyt rien, leur monstrant je ne sçay quelles
lettres pour conlirmation de ce, comme le semblable par ung de ses
gens a il faict laire à moy, me les mandant à veoir, qu'il disoyt avoir
eues du marquis du Guast — Dieu sçayt la vérité dicelles et d'où elles
sont venues I — mais conlenoyent que ledict marquis, estant bien
advorly que lesdiclz seigneurs s'esloycnt embarcque/. à Thurin avecqucs
quatre barcques armées, lesquelles povoyt bien empescher s'il eust
voullu; ce néantmoings sçaichant que ce n'estoyt la voullenté de l'em-
pereur de leur estre donné destourbier, ne l'avoyt voullu faire. Et ce
disoyt ledict ambassadeur pour me monstrer que la nouvelle et adver-
tissement qu'il m'en donna le jour d'avant n'estoyt controuvée par luy
ne à aultres fins que bonnes. Sur quoy. Sire, aulcuns de voz l)ons ser-
viteurs ont jugé que tous cez propoz estoyent pour donner à entendre
à ung chacun que s'ilz avoyent esté prins, ce n'avoytesté de la part de
l'empereur, mais de quelques ungs particulliers pour gaigner la taille
qu'ilz disoyent iceulx avoir à doz, et aussi les faire mener en lieu où
l'on ne auroyt jamais nouvelles qu'ilz seroyent devenuz; car sçavez
trop mieulx, Sire, de quelle afîection ilz estoyent poursuyviz de ce
cousté là. Dont vosdictz serviteurs serovent d'adviz, sauf vostre meil-
leur et infaillible jugement, que si V. M. avoyt le moyen de faire
quelques représailles de telles personnes qui puissent contrepoyser
lesdictz seigneurs, les faisant retenvr V. M. ne mesfairovt ne fauldrovt
en rien, puys que si infidellemenl de leur cousté ont usé de tel cas
contre si grans serviteurs vostres. Voire jusques là que si on ne trou-
voyt meilleur moyen, après si bon vous sembloyt avoir adverty M. de
"Vueilly vostre ambassadeur se retirer le plus dextrement et secrette-
ment qu'il luy soroyt possible ', qu'il ne seroyt que bien de s'asseurer
de son ambassadeur prez de V. M., et ce, pour estre personne fort
conjoincte à M. de Grantvelle-; faisant très bien entendre là où il apar-
1. Une (iépûrlie de ramliassadciir vénitien h la cour de France, Matteo Dandolo,.
en date du 22 août loil, nous apprend que Dodieu quitta en elTel inopinément son
poste, sur ces entrefaites, pour revenir en France; mais que le roi, mécontent de
cette équipée, lui enjoignit aussitôt de retourner là où l'appelait son devoir (Archives
de Venise, citées par J. Zeller, p. 255).
2. François Bonvalol, abbé de Saint-Vincent de Besançon, beau-frère de Nicolas
Perrenot de Granvelle.
[juillet 1o41] GUILLAUME PELLICIER 349
tiendra que le Iraiclement, le cas et succedz qui advlendroyt ausdiclz
seigneurs Cézar et Kincon ne fauldroyt d'advenyr à ceulx qui seroyent
en vostre povoir : chose que l'on estime que donneroyt à pencer audict
seigneur de Grantvelle, pour raison de sondict parent, et estre son-
gneulx de la vye et salut de vosdictz serviteurs. »
Vol. 2, f» 193 V, copie du xvi' siècle; 3 pp. in-l'".
PELLICIER A COSTANZA IIANGONA FREGOSA.
232. — [Venise], 7 juillet 1541. — « III"" S""^ mia honorandis"»,
essendo venuto questo matina nova che a tutti noi altri servitori de
la M" del re et del 111"'° S""" Cezare et di V. S. è stata dolorosa il cosi
fusse che non il permetta me par che da uno Capodivacha V. Ill""* S.
et del 111""° S" Luisi ^ suo cognato haverli ditto, come lo 111"" S" Cezare
et 8°' Rincon erano stato presi di sopra di Pavia in Po in una barcheta
de le gcnte del 8°"^ marchese del Guasto. Per il che m'è parso expedir il
présente lator in posta, et con quesla mia drizarlo {sic) à V. S., a cui
quella con sue lettere il tutto notiflica alla M'" del re. Apresso che io
gli scrivo a S. M'^ et detto mio messo ha comissione, subito expedito
de V. 111'""* S., andar con ogni diligentia alla M" del re, io scrivo a la
S. M'^ la buona forma et modo che sarà presto a sainte del pre-
fato S" mio IIK" S*"" Cezare et S" Rincon; si che quello non gli ponerà
tempo, et sarà contenta da ogni successo a gagliarmene anclior me del
tutto exortandola, quando ben fusse, a non volersi tuor, tanto affanno
che gli potessere nocere, attendi a conservarsi, perche la W" del re
non lassarà patir lo lU™" suo consorte et mio S". Queste nove sono
venute da tre bande, una de li rettori di Bressa, di Verona et Lignago,
et le due ultime, cioè di Verona et Lignago, sono per bocha del Capo-
divacha. Apresso Don Diego ^ ha mandalo qui da me uno suo, et me
ha monstrato una lettera come il S""" marchese sapea che lo 111™° S*""
Rincon erano imbarchati a Thurino in quatro barche ben armate, pur
il S"' marchese non gli ha volesto far impedimento alcuno come
haveria potuto, sapendo la voluntà de la Cezarea M'^ esser de non
impederli. »
Vol. 2, f" 194 v^-, copie du xvi<= siècle; 3 4 p. in-f°.
PELLICIER AU ROI 3.
233. — [Venise], 9 juillet 1 541 . — « Sire, encores que pourrez
avoir este adverty bien certainement par l'homme que je vous dépesché
1. Aloysio di Gonzaga.
2. Don Diego Hurtado de Mendoza.
3. - Geste lettre fut retenue jusques au xii* de ce moys. »
350 AMIJASSADE DE [JUILLET 1541]
davanl hier de la prinse des seigneurs Cézar Frégose cL Rincon, pour
avoir eu charge de passer par Caslel Geoffroy où il aura peu trouver
deux des gens dudicl seigneur Cézar, (lui luy pourront avoir dict
comme tout lallaire est passe, à cause quilz estoyent présentz k ladicle
prinse, ce ncanlmoings estant arrivez ce malin iey le secrellaire et ung
varlel de chaniltre dudict seigneur Kincon qui eschappùrent par le
mcsin»' moyen des aullres, n'ay vouUu laisser à dûpcscher encores ung
aullre homme en toulle dilligence jus(jues à Thurin pour advertyr
V. M. de tout ce quilz m'ont dict et déposé. Laquelle chose vous
envove, vous supplyanl, s'il vous semble estre bon et qu'il y ayl lieu de
le faire mettre par acte publicque (|ui puisse faire foy en temps et lieu,
m'en vouUoir advertyr. Je vous escripveiz aussi que, — pour m'avoir
mandé l'ambassadeur de l'empereur veoir une lettre (jui sembloyt estre
du marijuis du (juast commanl, ayant peu empesclier le passaige des
seigneurs Uincon et Cézar, estant très bien informé qu'ilz venoyent sur
le Pau, ne l'avoyt voullu faire, sçaicliant que ce auroyt esté contre la
voullenlé de l'empereur, — nous comprenions qu'il taschoyt pur ce de
vouUoir faire apparoir que ce n'avoyt esté ledict marquis ne de par
l'empereur, mais par certains particulliers chairchans aulcuns proflictz
et advantaiges. Et par là tenoys pour seur que c'estoyt très grant signe
de les voulloyr faire venyr à quelque meschef, chose que certainement
n'aurons failly à augurer; car, en confirmation de ce, hier, l'ambassa-
deur de Fempcreur m'a envoyé monslrer une lettre escripte, ainsi qu'il
dict, par le marquis du Guast, tendant directement à cez fins, conte-
nant comme la signera Constanzza luy avoyt mandé ung gentilhomme
avecques une lettre sienne, par laquelle luy faisoyt entendre qu'elle
estoyt advertye ledict marquis du Guast avoir faict prisonnier son
mary, recordant en sadicte lettre si très bien tout le cas par ordre,
jours, lieux, et personnes qui y estoyent entrevenuz, que s'il eust esté
présent en chascune desdicles choses : de sorte que le secrétaire dudict
seigneur Uincon, entendant le récyt et teneur desdictes lettres que je
luy en feiz, en demeura grandement esmerveillé et esbahy. Lequel
marquis feist responce à ladicte dame que c'estoyent les premières
nouvelles qu'il avoyt eues de cest afi'aire, et qu'il en estoyt grandement
esmerveillé, car il pençoyt qu'ilz feussent desjà arrivez icy; et que
quant à luy il n'en avoyt esté occasion, ains luy desplaisoyt, pour ce
qu'il sçavoyt que la voullenté de l'empereur estoyt de ne leur donner
aulcung destourbier ne empeschemcnt, ains les laisser passer libéré-
ment à saulvement par tous ses pays, comme par leur saufconduict,
qu'il leur avoyt donné k leur allée, pouvoit assez apparoir. Et que s'ilz
ont esté prins, ce n'a point esté du sceu ne consentement dudict empe-
reur ne dudict marquis du Guast, ne aultres serviteurs d'icelluy empe-
reur, mais plus tost que quelques ennemys particulliers qui leur pour-
royent estre survenuz de l'aulrc cousté de la rivière, pour gaigner
[juillet 1541] GUILLAUME PELLICIER 351
l'argont qu'ilz avoyent ou la taille que l'on faisoyt bruyt que ledict
seigneur Rincon avoyt à doz, et le prolfict qu'ilz pen(;oyent faire de la
personne dudict seigneur Cézar en le livrant à ses ennemys. Et que
entre aultres il estimoyt que ce fust esté de ceulx du seigneur Alloisy
de Birago ' ; car son maistre d'hostel avoyt esté veu au rivaige du Pau
prez de Pavie faisant feste et chère lye, et luy eschappa à dire qu'il les
avoyt en sa main et puyssance, dont il pourroyt faire ung bon butin
quant il vouldroyt. Et quant ad ce que on voulloyt dire que ceulx qui
les ont prins feussent gens à l'empereur pour ce qu'ilz parloyent espa-
gnol, disoyt que c'estoyt tout le contraire, pour ce qu'ilz avoyent usé à
l'acoustumée de telles entreprinses lesquelles, quant quelques ungs
veullent faire, s'essayent, se desguisent tant en acoustrementz que dis-
simuller leur lengaige; car quant estoyt d'Espaignolz, qu'il n'y en avoyt
point sur Testât de Millan d'aultres que ceulx de l'empereur, lesquelz
asseuroyt bien n'avoir faict cecy, d'aultant qu'ilz n'estoyent bougez de
leurs garnisons, mais qu'il ne fauldroyt mander en cez pays là par tous
les lieux le cappitaine de la justice et aultres officiers pour en entendre
des nouvelles, affin de les recouvrer, et pugnyr très bien ceulx qui
auroyent commys ce cas. Et de tout ce que dessus a adverty M. de
Langey affm de s'en excuser et satisfaire à luy. Et pareillement à tous
les ministres de l'empereur des lieux circonvoysins, pour entendre s'ilz
en sçavoyent quelques nouvelles; et d'aultant plus à son ambassadeur
qui est icy, à cause qu'il est en une terre là où il s'entend plus de nou-
velles, et conçurent plus de gens qui peulvent sçavoir telz cas que en
nulle aultre. Lesquelz propoz ledict ambassadeur n'a failly de remons-
trer et pencer faire acroire à la Seigneurie; de quoy elle est demeurée
grandement estonnée que ung homme de telle quallité ayt si peu de
considération ou esgard à l'assistence de ceste Seigneurie de pencer
donner à entendre telles bourdes et, comme ilz disent, casser telles
carrottes à ung si saige sénat : chose qui a renouvelé et augmenté la
craincte de ceulx qui doubtoyent que par cez couvertes ilz ne les vueil-
lent mener en lieux que l'on ne sçaiche qu'ilz seront devenuz, et par
ce moyen faire de brief mal finir leurs jours.
« Sire, ayant receu vostre lettre du xiiii'^ juing, suyvant son comman-
dement suys allé vers la Seigneurie à laquelle ay faict entendre le plus
dextrement et efficacement qu'il m'a esté possible tout le contenu en
icelle, et de là vins entrer à leur remonstrer l'indignité, énormilé et
impyété du cas advenu ausdictz seigneurs Cézar et Rincon par ceulx
qui l'avoyent commys. Laquelle chose, selon leur contenance et
démonstration, sembloyt qu'ilz eussent grandement à desplaisyr; ce
néantmoings, pour n'y estre le duc, celluy qui me respondit me feist
une responce si incertaine et peu à propoz qu'on ne sçauroyt à quoy
l. Aloysio di Birago.
352 AMBASSADE DE [jUIM.ET 154l]
s'en lenvr, et ne sçavoyl comme s'en démesler. Je ne sçay si c'est à
cause que cclluy qui présidoyt ce jour \k pour l'absence du duc est tant
vieil et caduc qu'il est pres(iue avugle et à l'aventure ne oyt pas trop
cler, encorcsque je n'espargnassc point ma voix et que fusse joij;nant
à luv; mais puys apro?, troys dt's plus groz de là dedans m'envoyèrent
dire qu'il avuyl f^randement despieu à tous de telle responce si peu à
propoz que lOn m'y avoyt faicte, et que puys aprez que je en fuz party
en débattirent entre eulx là dedans, et n'en estimèrent pas trop ledict
gentilhomme, disans que ceste piteuse et misérable nouvelle leur des-
plaisoyt jusques au cueur, et qu'il/ en estoyent grandement troublez et
fâchez. Et de faict le jour mosme feirent pregay, où proposèrent entiè-
rement, ainsi que l'on m'a dict, tous les propoz que leur avoys tenuz,
sur lesquelz contrastèrent s'ilz en debvoyent escripre à Constantinople;
et y en eut de plusieurs adviz : les ungs de si, et les aultres de non.
Enlin fui conclud de si; mais je croy bien qu'ilz n'en auront donné de
ce cousté là les premières nouvelles, car incontinant que je le sceuz,
ne failly à dépescher ung de mes gens avecques brigantin exprez jus-
ques à Raguse pour en advertyr messire Vincenzo '. Auquel feiz bien
entendre amplement le tout, affin d'advertyr le Grant Seigneur s'il luy
semble cstre à propoz de faire renforcer la garde de Lasky et des aul-
tres ambassadeurs que le roy Ferdinando doibt mander vers ledict
Grant Seigneur, s'ilz y aborderont; escripvant à M. l'arcevesque de
Raguse faire faire toute dilligence qu'il seroyt au monde possible de
faire tenyr mon pacquet à Constantinople, de sorte que dedans dix
huict ou vingt jours j'espère qu'ilz en sçaui^nt les nouvelles.
« Sire, j'ay esté adverty par Jehan Michel Cussan *, natif de Millan
et habitant de Constantinople, que sur le commencement de ce moys
de juillet, luy estant en la présence du marquis du Guast en la ville de
Millan, en la compaignye du marquis de Marignan et du seigneur Jehan
Francesco de la Sommaye ", ledict marquis du Guast dict en parlant
audict Cussan s'il ne sçavoyt pas que ledict seigneur Rincon fust arrivé
à Thurin, lequel respondit que non. Sur quoy ledict marquis de Mari-
gnan dist qu'il estoyt passé avecques quatre barcques; à quoy ledict
marquis répliqua : « Aon è passalo ancora non », avecques prononcia-
tion et gestes, tant de la teste que des mains, qui donnoyent bien à
entendre à chacun qu'il ne luy estoyt pas encores eschappé. M'adver-
tissant aussi que à Thurin et par tout y a si très bonnes et dilligentes
espyes que l'on ne sçayt rien faire de quoy ilz ne soyent advertiz, et
mesmement du partement et chemyn dudict seigneur Rincon; de
sorte que n'a faict ung pas qu'ilz ne l'ayent toujours suivy. Et entre
1. Maggio.
2. Giovanni-Michele Cussano, milanais établi à Constantinople.
3. Giovanni-Franccsco Gavazzo délia Somaglia.
JUlIXliT 1541] GUILLAUMK PELLICIER :\ty,\
aultrcs m'a refïéré el nommé iing certain gentilhomme bressan de la
:garde dudict marquis, lequel ayant laingt d'avoir eu question avccques
iuy, pour ce qu'il ne luy voulloyt payer sa pension, ains le rechairclioyl
de luy prester argent, feist troys moys y a semblant de s'en aller en la
malle grâce et print lettres de messire Vincenzo Fidel recommanda-
lives à l'ambassadeur de cez Seigneurs près de V. M. et s'en alla à la
«ourt pour espyon; lequel depuys estant retourné, ung moys faict ou
environ, d'arrivée tourna en son lieu et en meilleure grâce et grant
crédict dudict marquis que jamais.
« Sire, je ne veulx oblyer à vous dire que j'ay receu deux pacquetz
de M. de Langey qui s'adressoyent audict seigneur Rincon, où, ainsi
que j'ay entendu par le secrétaire dudict seigneur Rincon qui est arrivé
icy avecques son varlet de chambre, sont ses instructions et lettres
vostres d'importance, de sorte qu'il n'avoyt avecques soy aultres lettres
que celles qui s'adressoyent à la Seigneurie. Pareillement j'ay reconnu,
par ung gentilhomme que M. de Langey avoyt envoyé à Castel Geoffroy
et de là icy, les lettres et pacquets vostres du seigneur Cézar Frégoso
à nulz desquelz n'a esté rien veu ne louché, ne sera jusques ad ce qu'il
vous plaira commander ce que vous vouliez que l'on en face. Vous
advertissant aussi comme la plus grant partye du train dudict seigneur
Rincon est depuys arrivé[e] icy jusques au nombre de unze chevaulx :
lesquelz avons esté d'adviz, pour éviter la despence, de vendre à tout
le moings ceulx de quoy l'on se povoyt bien passer et le demeurant
renvoyer à Thurin, sauf ledict secrétaire et varlet de chambre, lesquelz
j^ay détenuz icy pour le danger qui pourroyt survenyr à telz person-
naiges s'ilz venoyent es mains de leurs ennemys, et encores plus pour
le secrect et bien de voz affaires. Il vous plaira. Sire, me faire sçavoir
ce que vouldrez qu'ilz facent et qu^ilz deviennent, et s'il vous semblera
bon qu'ilz soyent mandez par delà pour ayder à messire Vincenzo •
qui est seul et a beaucoup de peyne d'escripre et gouverner le tout : de
quoy, par ses lettres, se plainct beaucoup au seigneur Rincon et à
moy, et aussi qu'il n'a point l'usaige d'escripre en françoys; — ou bien
qu'ilz arrestent icy pour aller avecques celluy qui yra à la Porte. Si
poinct vous plaira y en mander d'aultres, qu'il vous plaise me com-
mander vostre voullenté. »
Vol. 2, f° 105, copie du xvi« siècle; 1 pp. 1/2 in-f°.
l'EI.I.ICIER A M. DE RODEZ.
234. — [Venise], 9 juillet lb4'l. — Pelhcier envoie à l'évèque la
relation du secrélaireet du valet de chambre de Rincon, et un mémoire
1- -Maggio.
Venise. — 1540-1.542. 23
354 AMBASSADE DE [JUILLET i:i41j
lie Langev sur le gucl-apens ilonl Uincon et Fregoso ont été victimes;
il l'averlil en intime temps de la fausseté de la version donnée par le
marcjuis del Vaslo.
« .... Sur <iuoy n'ay l'aill> dénionstrer et faire très bien entendre à
ceste Seigneurie fout le contraire, et que ce n'estoyenl aultres que des
gens dt' leinpereur, pour plusieurs raisons que je leur ay alléguées : à
laquelle iTa fallu faire granl instance pour leur faire croire, en estant
très bien disposée comme certaine. Je suys asseuré que n'aurez failly à
V pourvenir de vostre cousté ainsi que aurez veu estre besoing, esti-
mant que en tel/, affaires veoyez plus cler de nuict que ne sçauroys
faire de jour. Qui me gardera vous en dire aultre, sauf que je pence
que ceste nouvelle aura esté tous ce/, jours passez icy de telle nature
que la peste, laquelle régnant communément toutes autres malladyes
cessent, vous asseurant que icelle y est si grande et scandalleuse ii tous
que nouvelle que l'on eust longtemps y a; car depuys l'avoir eue ne
s'est parlé d'aultre. Par quoy ne vous esmerveillerez si n'aurez pour
ceste heure quececy de moy... »
Vol. 2, f"^ 197 v°, copie du xvi^ siècle; 1 p. in-f°.
PELLICIER A VISCENZO MACGIO '.
235. — Venise, 9 juillet 1541. — « Magnifico Signor, la grande
indignilà de la presa del signore Rincone et del signor Cezare Fregoso
fatta alli m del instante, per l'imperatore, 6 veramenle gli suoi minis-
tri, cioè il marchese del Guasto, sopra il stato de Milano presse Pavia,
corne mi scrive più al longo il secretario del detto signor Rincone, et
l'incredibile despiacere che io ne ho, anche la pressa et desiderio che
ho che'l Gran Signore ne sia avisato il più presto sarà possibile, me
guardarano da scriverli al présente cosi prolissamente come vorria, et
sarebbc il dover'. Solum vi dire in summa, et pregarô che, subito subito
questa riceputa et vista, habbiate da transportarvi verso del Gran
1. . Ccslc (Jcpcsche fui baillée au cappitaine Jcon Baplista Corso, envoyé e.\pres-
sénienl par briganlin à poste et en toute dilligence jusques à Raguse. Et cedict
jour fut cscripl à monsieur l'arcevesque de là, dont n'en fut faicte raynute. •
Giovanni-Batlisla San Pielro, dit Corso, célèbre capitaine corse au service de la
France, né en 1501 à Baslclica (Corse), mort assassiné en Corse par un de ses
domestiques, le 1" janvier loO". Pour lui avait été créée, en 1527, la charge de
colonel général des bandes corses. 11 servit le roi en Piémont (1536) et soutint plu-
sieurs années, souvent avec succès, une lutte opiniâtre contre les Génois domina-
teurs de sa patrie.
San Pictro avait épousé, en 1546, Vanina d'Ornano, héritière du nom, qu'il
étrangla de ses mains à .Marseille, en 1556, pour la punir d'avoir voulu aller solli-
citer à Gènes la clémence dos vainqueurs. Son fils, Alphonse d'Ornano, fut de
même colonel général des Corses au service de la France (V. Brantôme, édit.
Lalanne, t. VI, p. 213. et V Histoire f/énéalogiqiie de la maison cVOrnano, par
Culonna de Cesari-Rix-ca. Paris, 1893, in-i" avec pi.).
[juillet loil^ GUILLAUME PELLICIER o"-
Signore 6 gli suoi bassani, et recitarli la acerbità del caso, con parolle
et persuasione del più efficacia clie vi sarà mai possibile, rcmonstran-
doli molto ben corne cotesta presa è stata fatta soluin perche l'impe-
ratore era tanto sdegnato contra del detto signor Rincone, per essere
di nuovo destinalo ambassadore et ministro di S. M'^-» al Gr'an Signore,
anche per l'authorità et gran credito che lui sa che'l detto signore llin-
cone haveva aprcsso di Sua Altezza, et massime per con tormenti et
questione farlo confessare tutti gli secretti et praliche passai! del detto
Gran Signore, si etiam di quelli del présente, et de la commission che
hora di nuovo portava, perche imaginava ben che direttamente era in
pregiudicio et ruina de lui et suo dominio, corne intendetc assai
meglio, et perche pare a tuLti gli ministri et buoni servitori di S. M"
che sono in coteste bande, che non si veda alcun ordine ne meso di
poter' liberar et recuperare gli detti S", per essere personaggii tanto
signalati et de tal qualità che sonno, se non è per represalie et contra-
cambio de altri ministri et servitori de l'imperator 6 del suo fradello ',
de simile qualilà et condicion che possino contrapesare delti signori,'
perhô vi sforzarette, per ogni via et modo da incitar il Gran Signor et
suoi bassani che metteno le mane sopra tutti quelli capitani et ministri
de l'imperatore et del suo fralello che hanno in suo poter, in specie
sopra il Laschi, et etiam gli altri doi ambassatori de Ferdinando, che
hanno da venire alla Porta corne me havete scritto ^ et fare che Sua
Altezza scrive in ogni dilligentia al detto imperatore, et al suo fratello
che si guardano molto ben sopra la loro testa, che a questi doi signori
non sia fatto alcun despiacer, violentia ne maltrattamento, anzi hab-
biano rimetterle in sua libertà, salvi et sani : altramente Sua Altezza
reputarà l'ingiuria et cotai indignità fatta a lui stesso, de la quale sene
vora vindicare, non solum contra loro ministri, ma ancora contra le loro
sangue et persone proprie, et di loro figliuoli con tanta crudeltà che
mai sia stato vista ne intesa, et con tal pertinacia che mai non cessarà
de persequitar la casa d'Austria infino che non sene sia vindicato. Et
ultra di ciô, farette anche che'l detto Gran Signore constringa da scri-
vere i detti Laschi et capitani a l'imperatore et Ferdinando, che vogliano
restituir li detti signori Rincon et Cezare; altramente che loro sonno
per essere scruciati fin che a la morte tanto crudele et horribile che
mai feceno tutti martiri insieme, — adgiungendo tutte altre parole che
per voslra prudentia cognoscerette essere alproposito, secondo lo aère
et disposition di quelli signori.
1. Ferdinand, roi des Romains.
2. Les deux noiiveau.K ambassadeurs du roi des Romains, Nicolas, comte de Sahii,
et Sigismond de llerherstein, arrivèrent au camp des Ottomans devant Bude, le
6 septembre 1541, le lendemain du jour où la n^ne de Hongrie avait quitté la place,
qui devait être occupée par les Turcs durant la minorité du jeune roi (V. de
Hammer, t. V, p. 338).
A'U\ AMItASSADK DK [JUH.LET 1541
• \llri) di nuctvo non è suoccsso dopo lo iiiic ulliino dcl iiii dd ins-
l:inti*, se non (jueslo indcgno et acerbissimo caso che ha conlurbalo,
non solum l'Ilalia, ma (jiia^i tiilla la crislianilà; et non è nessuno che
non piange hi fattura <'l liadiinenlo fatto contra ogni dovere et jus, wow
sûlutn gentium, ma divino et humano, a <iuesti doi grandi et cosi affet-
lionali servilori di tf. M'». Et da parte mia ne son tanto travagliato, con-
lurhato et conlamiiiato del spirito, che non possr» dire altro, salvo che
la preglio voler supplicar al Dio giusto, con liilli quelli clie hanno la
vita, et tutli allri iiilinili bi-nellicii dal signor Rincon, le voglia liberare
de ore Iconis, perché altro che Dio in manu potenti non lo puô far...
<> /fe Venetia^ adi 9. lurjUo /.j41 . »
Vol. •-', f" l'JîJ, copie du wi'' siècle; 1 p. 1/2 in-l".
l'ELLlCIER AI' H<>| 1.
236. — \'e)}ise^ i 2 juillet 1 04 J . — « Sire, ayant esté adverly que
certains Espaignolz estoyent allez sur le lac de (iarde pour faire provi-
sion d'une barcque équippée à vingt rames, et avoir baillé bonnes
arres - à certains mariniers pour l'avoir preste dedans peu de jours,
pour ainsi que conjecturoyt ung bon serviteur vostre, tant pour les
gens qu'estoyent Espaignolz que la quallité de la barcque et le pas-
saige pour aller à Trente, que ce ne fust pour mener et conduyre le
seigneur Rincon et Cézar, ou Tung des deulx vers l'empereur. Dont,
cherchant tous les moyens qu'il est au monde possible pour y pour-
veoir, congnoissant certainement le seigneur Pietro Slrocy lung des
plus loyaulx, affectionnez et bons serviteurs de V. M. qui soyt par
deçà, l'envoyé pryer s'il luy plaisoyt que je allasse vers luy et que je
avoys à luy parler de chose de grande importance, affin de me con-
seiller à luy de ce que je auroys à y faire : dont soubdainement feuz
tout esbahy que le veiz à mon logeys. Auquel communiqué ledicl
affaire et devisâmes longuement ensemble du meilleur remedde que
l'on avoytà y donner; enfin, feusmes d'oppinion que c'estoyt le meilleur
de mander cinquante ou soixante bons compaignons à Tesguet " en
ung lieu qui est du seigneur Cézar, nommé Garde*, duquel le lac porte
son nom, et là se lenyr caichez, et avoir deux ou troys bonnes barcques
I. - Ceslc (It'pesflie avec celle du ix* de ce moys furent par M. de Ydron. que
M. de Langey avoyl mandé icy, envoyées en dilligence jusqucs à Tiuirin. Kl fui
escript cedicl jour à Saincl-Pol. Item, cedict jour fut dépesché M. La Roche, accom-
paif-'né dudicl seigneur de Ydron. (|ui apporta lettres de créance à M. le comte
de la Myrandola, à la signora (lonstanzn Fregosa et à messire Tassin des Eaulx. »
•J. Arrhes,
■.î. Aux aguets.
■i. Garda, bourg situé à 26 kilom. de Vérone sur la rive orientale du lac de ce
nom, que traverse le Mincio, affluent du Pô.
JUILLET 1541] GUILLAUME PELLICŒR 357
bien armées de rèmes ', el faire bon guet de tous costez pour secourir
et recouvrer lesdiclz seigneurs César et Rincon si Ton les menoyt par
delà; ou en defïault d'iceulx si l'on pourroyt rencontrer quelques gens
de l'empereur qui peussenl s'approcher au contrepoyx desdictz seigneurs
Gézar et Rin>con, et mesmement en ce temps icy que comme l'on croyt
l'empereur estre pour passer de bryef en Itallye; et incontinant les
mener à la Myrandola si secrettement quejamais on n'en entende nou-
velles ne on veist fumée, sinon ainsi que V. M. en ordonneroyt. Pour-
quoy faire, Sire, ledict Strocy a offert incontinent et sa personne et ses
biens; et de faict luy et son frère M. le prieur de Capo, chevaillier de
Rhodes -, y sont allez fort bien en ordre el acompaighez de bonnes
gens de guerre, leurs souldardz très affectionnez et dommesticques, en
nombre de vingt-cinq chevaux, pour veoir s'il y aura ordre de faire
quelque chose : le tout sans que l'on saiche d'où, ne de qui telles
mennées se font, jusques que s'ilz rencontreront bien ilz ne fauldront
et encores mieulx prendre; Dieu nous en vueille donner bonne issue.
De ce que en surviendra au jour la journée je ne fauldray à vous en
advertyr.
« Sire, je vous envoyé une lettre que Tassin de Luna m'a envoyée
qu'il a receue d'ung sien amy. Et m'a escript ledict Tassin que l'aultre
amy d'AUemaigne luy a mandé à dire de bouche que celluy Itallien
qui est en vostre court, lequel il désigne par telles enseignes estre
disciple du prophète, qui reffère tout ce qui se qui se faict à l'ambas-
sadeur de 1 empereur qui y est, comme aurez peu veoir par lettres de
luy que je vous ay envoyées par cy davant, est M. le cardinal de
Ferrare : ce qu'il m'a semblé pour le debvoir et naturelle subgection,
tidellité et sermant que j'ay à vostre service ne debvoir doubler ne
différer à vous en advertyr sans respect quelconque; vous supplyant.
Sire, prendre tant l'entreprinse cy davant que l'advertissement de ce
personnaige à moy donné en telle part que la grandeur du debvoir et
ma servitude le requiert, et me pardonner s'il y a chose qui ne soyl
selon vostre meilleur et infaillible jugement...
« De Venize. »
Vol. 2, f 198 v°, copie du xvi" siècle; 1 p. 1/2 in-f°.
PELLICIER A M. D'ANNEBAfl.T.
237. — [Venise], 1^ juillet 1541. — « Monseigneur, vous aurez
peu veoir ce que j'escripviz devant hier au roy et ce que encores foys
à présent touchant la prinse du seigneur Rincon et entrerompture de
son voyaige, qui est cause qui m'a semblé vous debvoir advertyr de
1. Rames, du lat. remi
2. Leone Strozzi. prieur de Capoue.
358 AMBASSADE DE '^JUILLET lo4l]
certaines parlicularilez escriples à liiy par messire Vincenzo Maggio,
estant pour le roy devers le Grant Seigneur. Kl ce, d'aullanl qu'il semble
toucher lo hien des affaires dudicl seigneur, ausquelz ledict seigneur
Rincon par sa venue esloyl pour remédier entièrement, ce que m'avoyt
faict déporter les escripre autrement îi S. M. El entre aultres choses,
Monseigneur, ladvcrtissoyl que si d'advenlure il ne avoyt à venir en
Levant, ne donnasl le loysyr ne espace de povoir sçavoir sa demeure
en France, mais (jue Ton sceusl aussilost l'arrivée de son successeur à
la I*orle que son cslection et nouvelle de sa venue : pour aultant que
faisant aullrenienl en adviendroyt non peu de confusion. Et que l'on
advise de y envoyer homme qui soyl plain de patience, modestie et
prudence, sçaichant les choses d'estat et mesmement de la guerre,
pour en povoir dire son adviz et oppinion; et qui ayt quelque aulho-
rilé pour son eaige, n'ayant point l'esperit endormy à dire et faire,
mais tout comptant pour inventer, proposer, et respondre soubdain
selon l'exigence des affaires; et qui ne soyt point despourveu de la
lengue ilallienne, pour estre entendu des truchemans de delà, d'aul-
tanl qu'ilz ne s'empescheut point d'aultre lengue chrestienne de par
deçà; et surtout qu'il soyt fort bien garny dargent et de présens, car
aultrement il ne seroyt pas le bienvenu et se trouveroyt bien empes-
ché. Advertissant aussi ledict seigneur Rincon que s'il y retournoyt,
que ce ne fust sans grant trésor, pour aultant que du plus petyt jusques
au plus grant faisuyent leur desaing d'avoir force présens à sa venue ;
et que la despense de la maison estoyt grande et grosse, le sçaichant
par expériance, car n'ayant ne chevaulx ne beaulcoup si grant nombre
de serviteurs comme il y avoyt quant ledict seigneur Rincon y estoyt,
il se retrouvoyt avoir despendu en moings de six moys mil six cens
escuz ; et que aultrement ne se povoyt faire, qui vouUoyt mainctenyr
et garder la grandesse et réputacion de France que ledict seigneur
Rincon avoyt acquise en ce pays là. Désirant ledict messire Vincenzo
la venue dudict seigneur Rincon, affin de se retirer en sa chambre et
se reposer de tant de Iravaulx qui luy convient avoir ordinairement.
Et n'y retournant ledict seigneur Rincon, désiroyt sortyr comme il dict
hors de ce purgatoire et venyr en France, estant las d'estre en ces
pays là, pour avoir tel fais sur les épaules et estre tout seul. Et que
retournant ledict seigneur Rincon, il verroyt qu'il auroyt beaulcoup
perdu à la Porte pour l'absence de Lotphi Rassa, qui en estoyt ainsi
faict retirer que pove/. avoir entendu par ce que je en ay escript au
roy par cy davanl. Exhortant ledict messire Vincenzo icelluy seigneur
Rincon qu'il se recordasl que ledict Lotphy estoyt moult sobre, et se
contentoyt de peu, chose qu'il trouveroyt bien changée. Dont derechef
l'exhortoyt qu'il se recordasl d'aller bien garny de ce qu'il feroyt
besoing.
« Monseigneur, j'ay esté adverty, non seullement par messire Vin-
[JUILLET lo4l] GUILLAUME PELLICIER 339
cenzo, mais aussi par aullres lettres commant en Constanlinople l'on
ne povoyt croyre que ledict seigneur Ilincon eust à y retourner, et que
par ce que Ton povoyt congnoistre, comme suys adverty de quelque
ung, ledict messire Vincenzo se attendoyt bien de y demeurer en chef,
pour luy sembler n'avoir le roy par deçà homme qui fust pour mieulx
faire ladicte charge que luy; mais qu'il s'abusoytbeaulcoup, car encores
que le roy feist bien telle esleclion de luy le Grant Seigneur n'estoyt
point pour l'accepter, ainsi que celluy qui me l'escript dict avoir
entendu de bon lieu à la Porte. M'advertissant aussi par sa lettre du
xxviF may que l'armée de mer sortiroyt hors, et que cez jours passez
s'en partyrent quinze gallères pour donner à entendre que ne parti-
royt aultre armée pour ceste année ; mais qu'il avoyt entendu le con-
traire, et qu'elle se faisoyt mettre en ordre en bien groz nombre de
vaisseaulx pour mander dehors, toutcsfoiz qu'il n'avoyt entendu quelle
part c'estoyt qu'elle vouUoyt aller.
« Monseigneur, s'ils ne vous plaist avoir pityc de moy et me faire
envoyer argent, je ne sçay plus que je doibs faire; car j'avoys tous-
jours eu espérance à la venue du seigneur CézarFrégoso, mais je m'en
veoy frustré. Dont je vous supplye tant que je puys m'y faire pourveoir
le plus tost, aultrement je ne veoy moyen de continuer à faire le service
de S. M. Et aymeroys baulcoup mieulx que ung aultre y fust, que
feusse contrainct à faulte d'argent ne povoir mettre à exécution ce
que congnoistray estre utille et nécessaire pour les affaires de S. M. :
à quoy seray bien tost contrainct s'il ne vous plaist y faire mettre
ordre... * »
Vol. 2, f'^ 199 v°, copie du xyi» siècle; 2. pp. in-f".
: 2
PELLICIER AU GOUVERNEUR DE LYOX
238. — [Venise], i 9 juillet 1 541 . — « Monsieur, estant instamment
pryé d'aulcuns bons et aifectionnez serviteurs du roy et noz amys qui
sont icy vous fa,ire la présente en faveur de messire Francesco Dafin ',
m"a semblé ne la leur debvoir desnyer, tant pour la qualité du person-
nage, qui certainement méritte que on luy face tout plaisyr, que aussi
pour estre sa demande et requeste très ci ville et raisonnable : attendu
1. « Escript le xvi" juillet à M. de Rhodez, à Rome. »
2. Jean d'Albon, seigneur de Saint-André, Oulches et Sérézat, chevalier de l'ordre
du roi, gentilhomme de la chambre, second Tds de Guichard d'All)on, seigneur de
Saint-André, et d'Anne de Saint-Nectaire, mort en août 1550. Il avait succédé dans
la charge de gouverneur de Lyon et du pays lyonnais, en octobre 15.39, à Pomponne
de Trivulce. (Provisions en faveur du sieur de Saint-André, sénéchal de Lyon,
de l'office de gouverneur et lieutenant-général du roi à Lyon, vacant par la mort
de Pomponio Trivulzi. Gompiègne, 11 octobre 1339. — Cat. des actes de François 1"
L IV, p. 51, n" 11, 235.)
3. Francesco Dafin, négociant italien.
:irtO AMBASSADi: DE [jlILLKT 1 ii H
iiu'il ne demande que justice à l'enconlre d'aulcuns Allcinans et Gen-
nevoys ' demeurant à Lyon <i"' '"> ^<^"l debteurs long temps a d'une
l)ien bonne et fçrosse somme d'argent. Desquelz ne peult avoir ung
soûl/., ainsi qur des noms et mérite de la cause pouvez estre ample-
ment inlorme par messire Claude Teste, agent dudict Dafin à Lyon %
si vostre bon plaisvr sera luy donner audiance... Le recommandant
aussi de vostre j)arl à M. le conservateur des loyres de Lyon ^ ou ù
cclluv ou ceulx qui auront la congnoissance de ceste matière... »
Vol. ■-'. T" -00 V, copie du xvl'* siècle : :\,'\ p. iii-r".
l'ELLICIER AU CO.MTE DE I.A MIRANDOI.E.
239. — [Ve7iise], 21 juillet 104/. — « llluslrissimo et Excellen-
lissimo Signor mio, adesso adesso son stato advertilo de buonissimo
loco comc l'imbassator de l'imperatorc che è qui, con gli suoi sequacii,
cioè il cardinal de Havena, et l'imbassador d'Urbin et allri Imperiali
hanno latlo consiglio tra loro, et lianno scrilto a l'imperatore che'l più
presto manda qui gli lansquenelti et altri huomini de guerra che lui fa
scendere in Italia, perche è l'hora de fare Timpresa su la Mirandola; et
se dice che aquesto effetto l'imperatorc vien' ollogiar' in Mantoa. Del
che m'ha parso il debito mio avisarne subito subito Vostra Eccellentia
et pregarla usare tantaprestezza in le cosse sue, che quelle che haveva
desegnato farc in quindisi di, farlo in otto, si sarà possibile, et far con-
ducere lulli i grani del suo stato alla Mirandola, et aiTretare gli mer-
chadanti forestieri de i quali V. E. ne deve havere che loro lo habino a
dare il piii presto sarà possibile, et ancora de gli altri vituaglie et cose
necessarie loi ne provedera corne son certo che sua prudentia sapra
molto ben dare ordinc. Di modo che in queslo non achade darli altro
consiglio ne avertimento, solamentc mi offerriro si ella ha di bisogno
di huomini di guerra, ch' io ne li mandaro alla solde del re tanto che
fara di bisognio; et qui ho in casa tre ô quatre chi capitani chi alfieri
oltimi : sono anchora gli signori Strozzi, che achadendo V. E. ne habbia
bisogno, non mancharanno con tutto il poter loro. Adonche V. E. me aver-
tira de quello che ella vorra che io faccia in questo et non mancharo ser-
virla; in tanto la ricordaro star sopra le sue guardie, et far far'il piii
1. Génois.
■2. Clauile Teste figure comme conseiller de ville à Lyon, en io44-154b (V. Inv
somm. tirs archivas de Lyon, I. III. p. 20'.>, col. 2).
3. Nicolas de (Jliapponay, seigneur de Feysin, conservateur des privilèges royaux
des foires de Lyon, ligure dans la taxe des habitants de cette ville en 1538; son
frère Tit-orrroy de Cliniiponay était, à la même époque, président de la chambre des
comptes de Grenoble. On trouve aussi un Jean de Chapponay conservateur des
foires de Lyon en l.'STI (V. ïnv. somm. des archives de Lyon. t. 111. pp. 1 i6. col. 2, cl
r,l,coI.2i.'
.R-ILLET 1d41j GUILLAU.M1-; l'KLLICIER ijOt
presto la monstrade H siioi cavalli ligieri etaltrc génie. lo credo seconda
che son stato avisato clie'l Iresoriero sara arrivalo alla Mirandola... »
Vol. 2. 1'" 200 v^, copie du xvi" siècle : 1 p. iii-f".
l'KM.ICIER A rORMICrET.
240. — [Vetiîsc], 21 julllel 1541 . — « Monsieur Formiguet, j'ay
receu la vostre par La Roche ' et veu et entendeu bien au long le con-
tenu d'icelle. A quoy vous feray responce, quant au poinct de la difficulté
que avez faicle de bailler argent pour les arres, qu'il me semble (jue
en cela ny avoytlieu, car c'est tousjours à rabbalre quant on viendra à
lever les bledz, et pour ceste cause ne faictcs aulcun rcfi'uz de en bailler
tant qu'il en vouldra et en prenant bon récépissé, affin que l'on ayt
occasion de dire que l'on l'eust peu avoir à meilleure condition si on
eust vouUu advancer quelque argent. Car de moy ne m'enporte rien^
mais que les deniers soyent employez et que j'en aye bonne et seure
descharge. Il est bien vray que j'auray grant plaisyr de sçavoir la
quantité du bled qu'on aura achatté et vous prye le solliciter fort et
ferme que ce soyt le plus tost qu'il sera possible, pour les raisons
que j'escriplz à M. le conte - qu'il vous pourra dire. Pour aullant que
si la chose se alloyt à la longue, vous y pourriez demeurer enfermé et
n'en sortiriez quant vous vouldriez; par quoy derechef mettez y ordre.
Quant est de messire Cola^, il me semble vostre opinion estre bonne et
qu'il n'est jà besoing qu'il y retourne. Dont de tout je me remectz à
vous pour en faire ainsi que je me fye en vostre dextérité. Advertissez-
moy du tout bien au long et à Dieu que je prye vous donner ce que
désirez, etc. »
Vol. 2. f" 201, copie du xyi^ siècle; 1/2 p. in-f'^.
PELLICIER A M. DE RODEZ.
241. — [Vemse\, 23 juillet 1541 . — « Monsieur, par la vostre
dernière du xw de ce moys, j'ay veu le bon exploict que avez usé à
faire entendre l'énormité du cas advenu aux seigneurs César Frégoso
et Rincon; le semblable povez-vous croire que n'ay failly à faire de
mon couslé oii il a esté besoing, afin que quand viendra à propoz et
que on en sera requiz, l'on en puisse porter bon tesmoignaige et faire
jugement. Et povez estre asseuré que on ne a trouvé la chose moings
abhorrente et détestable de ce cousté que là où vous estez. Je pence
1. Courrier.
■1. Le comte de la Mirandole.
3. Le capitaine Cola Bunello, gouverneur de la place de Barlelta.
;j62 AMBASSADE DE JlIl.I.ET iJJilj
(|uo M. de Lanpey vous aura onvoyô le double des lettres qu'ilz se sont
oscriptes luy et le marquis du (iuast lung à Taulre, comme il faict à
moy. Dont Je ne vous en diray aullre, sauf qu'il mescript sçavoir 1res
bien les noms des Kspaiguolz qui ont faict loxpédilion ; de quelle
garnison il/, sonl; combien de maistres et combien de varlelz y avoyt;
où estoyent loge/ leurs chevaulx Iroys jours durant qu'il/, ont faict le
guel sur la rivière; les noms des barcquerolz qui les ont conduictz; en
quel/, basleaulx ils sont entrez ce pendant pour veoir quelz gens estoyent
dedans; ii (juelle beure furent les prisonniers menez au cbasleau de
Pavye, et par (jui; l'i qui consignez; quant ilz en ont esté remuez, et
par ([ui; k quel jour et lieure ils furent menez en la Rocquette de
Millau ', el à qui consignez; quel présent donna le marquis à celluy
qui luy porta la première nouvelle; quelz propo/ il tint à ung qui en
parloyt devant trop de gens; quel Iraictementa eu le podestat de Pavye,
pour ce que estant en présence d'ung des nostres, interrogé comment
telles cboses s'estoyent faictcs sans qu'il en sceust quelque cbose ou se
fust mys en debvoir d'en sçavoir nouvelles, il respondit qu'il l'avoyt
bien sçeu mais n'en povoyt faire aultre cbose, pour ce que ceulx qui
Tavoyent faict s'estoyent retirez au chasteau. Et prou d'autres choses
en sçayt ledict seigneur de Langey qu'il ne m'escript pour éviter pro-
lixité. Je prye Dieu le créateur nous en donner quelque bonne issue,
et que à tout le moings les personnaiges puyssent avoir la vye saulve.
« J'ay reccu lettres de messire Yincenzo Maggio, du x.viii*^ jour de
juing, m'advertissant le Grant Seigneur estre party de Constantinople
le XX® dudict moys pour la Hongrye S en plus grant triomphe que on
veist jamais et avec plus grant exercite, oultre lequel le Bogdan luy
doibt bailler soixante mil chevaulx, et lesTartares cent mil. En somme
l'on escript qu'il s'en va deslibéré de expugner et déchasser le roy
Fcrdinando, non seulement du royaulme de Hongrye, mais encores
de tous ses aultres pays; et que ledict roy Ferdinando semble voulloir
estre cause que tous les pays de la chrestienté Me ce cousté là ayent à
estre mys en ruyne et destruction : je prye à Dieu qu'il vueille donner
à icelle ce qu'il sçayt mieulx luy estre nécessaire. Et pource que l'année
est jà trop avancée pour voulloir mettre à exécution ses desaings, l'on
dict qu'il yverneraen Hongrye, pour estre plus prez à ceste prime vère
de faire l'cmprinse de Vienne '. Je n'oblyeray à vous dire que à son
1. La citadelle de Milan.
2. Suivant de Hamnier (t. V. p. 329), Sulevman aurait (juitté Constantinople le
23juin.
3. Nicolas Wollon, ambasi.adeur de Henri VIII à Clèves, écrivait de cette ville
ci son maître, le 8 juillet 1511 : - Thcy rcken heere that the siège of Ove or Buda
must ncdis be shortelye dissolvidde, birause of the sucrour of the Turkes, that
prépare a greate armye to rescue the towne, unlesse the States of th' Empyre
assiste the Kinpe of llungarye against the Turkes : the whiche Ihey hâve decla-
ridde theym selves willing lo do, so that th 'Emperour makte theym assuryd of a
[juillet do4l] GUILLAUME PELLICIER 3G3
premier logement qu'il fcist au serrail de feu Bi-aimbassa ', cinq mille
de Conslantinople, eut une si grande inundacion d'eaue si à coup que
sa personne el ses enfans feurenL en granl danger, et y eut plusieurs
personnes nayez et fort grant perte et dommaige; mais leurs astrolo-
giens dirent que ce n'estoyt que bon signe de heureux voyaige. Il a
laissé Barberosse audict Conslantinople pour faire mettre en ordre
Tarmée de mer qui sera, comme vous ay escript, bien plus grosse que
on ne pençoyt. Et jà estoyent presque prestes soixante gallères, mais
si très secreltement que personne n'en sçavoyt rien; et quinze que l'on
avoyt mandées hors pour vouUoir donner à entendre que ledict Grant
Seigneur n'y en mettroyt davanlaige pour ceste année que icelles
quinze avecques l'armée qu'il a de long temps à Rhoddes, Lépantho,
et la Vallonné *, qui se monteront plus d'aullres soixante.
« L'on tient icy pour certain que l'empereur sera en Itallye sur la
my aoust, et jà cez Seigneurs ontfaict quatre ambassadeurs pour aller
au davanl de luy, et le marquis du Guast faict amasser tous les gentilz-
hommes subgectz dudict empereur pour l'aller trouver avecques ledict
marquis jusques à Trente, et dict l'on qu'il ameine avecques luy douze
mil lansquenetz.
« J'ay receu lettres de la court du vu® de ce moys; mais il n'y a aultre
sinon la bonne santé du roy... »
Vol. 2, f" 201 v°, copie du .vvl« siècle ; 2 pp. in-f''.
PELLICIER A MNCENZO MAGGIO ^.
242. — [Venise],' 24 juillel 1541. — « Magnifico Signor, dopoi
le mie ultime scritte à V. S. del x del instante, ho recevute le vostre
del xviii, XIX et xxiii giugnio, ma non quelle che dicete havermi
scritte alli x del detto, dove era l'interpretacicm de la letteradel Gran
generall peace, Ihe meane season, belwixL llym and the Prynces oT th 'Empyre,
and the said Princes belwixte Iheym selfes; and otherwyse not " {State papers of
Henry VIII, vol. VllI, p. o86).
i. Ibrahim-Pacha, grand-vizir de Suleyman, avait succédé à Mohanimed-Piri-Pacha,
destitué le 27 juin 1523.
Fils d'un simple matelot de Parga, il avait été enlevé dans sa jeunesse par des
corsaires turcs, et vendu à Magnésie. Suleyman, alors héritier présomptif du trône,
fut séduit par l'esprit et le savoir du jeune esclave, habile violoniste, et se l'at-
tacha. Favori du souverain, chef des pages et premier fauconnier, Ibrahim cumula
dès lors avec le haut-vizirat les fonctions de beglierbey de Roumélie. Nommé séras-
kier ou général en chef des troupes ottomanes, en mai 1529, lors de l'expédition
contre l'Autriche, son ambition et son orgueil devinrent tels qu'ils attirèrent sur
lui la disgrâce du souverain qui le fit mettre à mort le 5 mars l.")34.
Ajaz Pacha, albanais, mort le 13 juillet 1539, et le prédécesseur de Lulfy, succéda
à Ibrahim dans sa haute dignité (V. de Hammer, t. V, pp. 45, 73 et 229j.
2. Avlone.
3. « Escript cedict jour à M. l'arcevesque de Raguse pour mander le pacquet
expressément audict messire Vincenzo. »
:j6'» ambassade de jiim.kt i:;h!
Sigiiori' a S. M", m- aiicora tjucllf ilcl xui; dil clie son iii ^muii- dissimo
anaiiiif», jM'i- imii liavJM'c lr(»valn iiol voslro uHiiiio plico la copia
(lella predclla inlt'i-prt'lacioiu', cl iimi so corne S. M" la iiileiiderà, si
l'ur/.e lum fosse iitd saclu'llo con rorigiiiale. lo credo che M. l'arceves-
covo di llaj;usa vi liaverii advisalo de la perdita n lardaiiza del dcllo
piico, il (pialt' credo che (jueslo sia achadulo, »> par inalicia ô morte
del ctiniero. Adonche priego V. S. rimaiidar un' allra coppia de la
delta inlcrprt'lacione, et, si vi pare, de lulla l'expedicion vuslra di <iuelli
giorni.
« lo vi lio scritto lo scélérate et impio caso de i signori Hincon et
Cesare Kregoso. Adesso vi ne dirô più minutamente il successo de la
cosa, et conie la si va discoprendo ogni di, non dirô la verità, perche
ella è lutta chiara h ciaschaduno, ma la vergognosa et inhonesla escusa
et dissimulalioni, che quelli 1" haiinu falla vogliano far creder al mondo,
con dir non essere slalo loro; et pur i servilori di S. M" sanno mollo
bene gli nomi di Spagiioli che lianno fatto quesla impresa et essequita-
la; de quai garnison, quanti patroni et servitori eranno; dove eranno
allogiali i cavalli loro tre giorni sequenti, avanti fusseno presi, facendo
la guardia sopra el Po; gli nomi de gli barcaroli, che le hanno con-
dutti; in che barche sono stali à veder nclle barche che passavano
per li; che huomini eranno dentro; ù che hora fororno presi et menati
nel caslello di Pavia, et per chi et a chi consignali; quando de li sono
stali condutli in la Roca di Milano, et per chi, Ihora et giorno, et à
chi consignali; che buona man dette il marchese del Guasto a chi li ne
porlô la prima nuova; che ragionamenli sono stali tenuti à uno che ne
parlava inanzi troppo persone; quai traltamenlo ha havuto il podeslà
di Pavia, essendo interrogato in presentia da uno de gli nostri de
quelle cose come erano passate, havendo risposo ch'ello 1" sapeva
ben, ma non poteva far altro, perche quelli che l'havevanno fatlo
erano relirati nel castello di Pavia. Et molle altre cose ne sanno che
non achade dir al présente. 11 chè da ogni banda gli servitori di S. M",
non hanno manchato fare intendere a tutti gli grandi principi el signori,
i quali riianno Irovato tanlo abhorente et detestabile, che certo si
maravigliano mollo de lo svergognato volto de cosloro; et massime il
Papa fa dimonstracion" d'esserne molto scandalisalo. Anche s'intende
che Timperalorc non vorria che cosi fusse stato persequito, per ben
che in modo nessuno non vorria esser manchato de questa sua impresa.
>(ondimeno saria stato con ton lo non esser' fatto sopra le terre che
licno n vero proprie detiene, ma più presto di quelle di altri, come
diresti di questi Signori ô (îrisoni, 6 veramente in su il mare, a cià
potesseno meglio coprir le loro sceleragini. Ogniuno estima che
S. M" non mancharà de rescentirsene fin che al cuore, sicome la
gravita et enormità del caso lo richiede. Et già havemo avisi che
in Lione sono stali ritenuli doi grandi vescovi, cioè il vescovo de
I JUILLET liiU GUILLAUME PELLICIER 36îi
Liège ', de i Bassi Paesi de Timperatore, et il vescovo de Valencia in
Espagnia^ il quai (corne si dicej è barba de Timperatore, per esser lui
fiol baslardo de l'imperalore Massimiliano, et molle altre mezzi et vie
de i quali S. M" non mancharà valersene, quando ben se doverebbe
pigliare alli figliuoli de quel grandi signori subgeiti de Timperatore,
che sonno in Francia nelli studii, maxime in Parigi, et ancora (corne
credeno alcuni servilori di S. M") fin' a Timbassador de l'imperalor
ch'è nella cortf di S. M", per esser parente proximo de Granvella %
quar ha lo maneggio de gli negotii de Timperalore. Non ho ancora
havuto risposla de la corte sopra di questo negotio; tamen a hora per
hora l'aspettiamo, de la quale subito non mancharô avisame V. S., et
non fusse stata questa spettalion, non haveria reslato tanto tempo a
scrivervi.
Non dubito che vostra prudentia et desterità non habbia ben
intrinsecato il caso al Gran Signore, et faltoli remonslrar che questo
è in grandissime spregio suo, oltragio, et dishonore, atleso che"l detto
signor Rincone era suo imbassadore mandato per Sua Altezza, et rimau-
dato, et destinato a Ici per S. M''; di modo che adesso Sua Altezza puol
far dimonstracion quanto questo gli è in sdegiio, facendo cosi appa-
rere a tutto il mondo che gli negotii di S. M'" gli sono tanto a cuore
corne gli suoi proprii, et in questo si cognoscerà chiaramente l'amor
et estimation che lui ha del signor Rincon, corne ha fatto sempre fino
al présente. Et se vi paresse esser al proposito, che Sua Altezza, ô per
lettere à allramente, facesse intcndere al re Ferdinando quanto gli sarà
venduto charo la vila del detto signor Rincon (si la perderà) che
farebbe meglio procurare la sua sainte, perche sarà fatto sopra la sua
persona propria, o veramente sopra il suo sangue, si ci potrà arrivar.
Attesso che s'intende de mollo ben, che Timperatore et gli suoi dicono
essere la presa fatta di detti ministri per cagion de una taglia posta
adosso del dilto signor Rincone per il re Ferdinando. Et si sera possib-
bile, è di bisogno che'l Gran Signore scriva a detlo re Ferdinando che
1. Cornélius van Berghen, coadjuleur du prince-évèquo de Liège, Erard de la
Mark, de 1522 à 1538; titulaire de cet évêché depuis le 18 mars 1538 jusqu'au
a août loil, date de sa résignation. Il eut précisément d'abord pour coadjuteur,
puis pour successeur l'arclievèque de Valoiici! en KspaLMie, Georges d'Autriche, que
Charles-Quint lui avait imposé, et lui substitua bientôt délinitivement.
2. Georges d'Autriche, fils naturel de l'empereur Maximilien, évêque de Brixen en
Tyrol (lo25-lo39), archevêque de Valence en Espagne (1539-15 i4). coadjuteur et prince
évêque de Liège (1544-1557). mort le 4 mai 1557, à l'âge de cin(}uante-deux ans. Il
avait succédé sur le siège de Valence là un prince-évêque de Liège, le cardinal
Erard de la Mark.
Oncle de l'empereur, il fut en eflet arrêté à Lyon, par ordre île M. de Maugiron,
lieutenant du roi en Dauphiné, alors qu'il se rendait de Valence à Liège pour
j)rendre possession de son évêché (V. la Corresp. de Ch. de Marillac, p. 322; lettre
du roi du 2G juillet 1541).
3. François Bonvalol.
300 AMBASSAIiE DE [jlîIM.KT lo4l]
gli è de npcessilà d'havorlo sopra la sua testa, si lo voleim» preservare
tlf morte erudele «-l hrievo. lo son certo che l'imperatore et il re Fer-
diiiaiulo non niancharano h vt»ler fare inlendere che non sono stali
loro, che l'hanno lallo pigliiire come faniio oslinalainente, et con
puoro loro respelto f;il(o fara gli loro ministri; ma in (jiiesto si debbe
niollo hen daro h intendere à loro che non è mancho lingiuria et il
sdi'gno eslimare Intlo il mondo di cosi puoco cervello da voler far cre-
dere qiiesto che d'iiaver comosso esso caso, et che sono sulTicienti
avisi di lutte le circonstancié et deppendentie, come io vi scrivo di sopra.
Non mi maravif^lio puoco come è possijjilc potelé suporlare tante
faliche clie io vedo esser constrelto di conlinuo portar tutto il peso et
del patron et di servilor de la casa, de la quale havele il charico, et
per essere solo scrivere cosi al longo come havetle sempre fallo, et con
quella dexlerilà, che con il negotiar vostro havele recuperale le coppie
principale del negotio di quelli nostri amici in quelle bande. Del chè
non ho manchalo avertirne S. M" et particularmente molti del suo
consiglio, di modo che credo che V. S. lo cognoscerà per buoni effetti,
anzi passa longo tempo, comme già S, M" s'è molto ben recordata
havendoli ordinato iiii<=scudi di pensione, come m'ha delto il secretario
del signor Rincone ; et da parle mia non mancharè far buonissimo
oflicio in henofficio vostro. IS'on resta allro a dirvi, salvo che vi priego
darmi noticia del mezzo et via più secura, per la quale io liaverô da
mandarvi le mie leltere più sicuramente et brievamente. »
Vol. 2, f" -202 v% copie du xvi^ siècle; 2 pp. 3/4 in-f».
PELLICIER .W ROI*.
243. — [Ve7Ùse], 26 juillet j 541 . — « Sire, jay escript à V. M. les
un. VII, IX et xii<=s jours de ce moys, et faict entendre bien amplement
toutes choses que avoys peu apprendre jusques audict dernier jour,
mesmement des propoz que on avoyt tins de la prinse des seigneurs
Cézar et Rincon, et les discours que on en faisoyt icy. Dont à présent,
aprez vous avoir faict sçavoir comme j'ay receu la vostre du vir de ce
moys, vous diray ce que depuys s'en est entendu de tous coustez; et
principallement comme le seigneur comte Ludovico Rangon, ayant
mandé ung de ses gens dedans Millan, a esté adverty que lesdictz sei-
gneurs furent prins par xxiii Espagnolz, desquelz les vingt estoyenl du
chasleau de Millan, et les troys aultres de celluy de Pavye; et que,
aprez la prinse, les pourmenèrenl toute la reste du jour sur le Pau, en
attendant la nuict, et puys les menèrent au chasteau de Pavye, faisant
1. « Ceslc dépesche fut retenue jusques au xxix* de ce moys et baillée à ung cap-
pitnine que le seigneur l'aulin avoyt mené avec hiy en cesle ville de Venize. Et
fut esrript à M. le prieur de Sainct-Paol. »
[JLII.LBT liiil] GUILLAUME PELLICIER 3G7
aller devant cinq hommes à cheval pour faire faire place par les che-
myns; el ung chascun qu'ilz renconlroyent, le faisoyent tirer à l'escart
pour n'estre descouvertz. Et ce a sceu ledict seigneur conte Rangon
par le seigneur Hercules Thorello \ qui dict avoir entendu par lesdict/
troys Espaignolz du cliasteau de Pavye qui avoyent aydé à exécuter
ladicte prinse. Et qu'il se trouvoyent assez de gens qui les avoyent
entreveuz prendre, et depuys pourmener sur le Pau et les mener à
Pavye, et de là à Millan. Et que ledict homme du seigneur Ludovico
avoyt esté sur le lieu où furent prins, et avoyt trouvé qu'on peschoyt
quelques ungs d'eulx que on disoyt avoir esté nayez; oii depuys,
comme ay esté adverty par messire Hieronimo Marteloso, grant secré-
taire dudict seigneur Cézar-, fut trouvée la teste du seigneur conte
Gamillo de Cesso, lieutenant dudict seigneur Cézar, lequel ayant ung
grant coup sur la teste, estoyt tumbé en la rivière.
« J'ay aussi entendu par ung marchant françoys qui est icy que le len-
demain que la nouvelle y vint de la prinse desdictz seigneurs, ung
nommé Thomas, nepvcu du consul des Espaignolz qui s'appelle Martin
de Servèse^, fort grant amy et familier de l'ambassadeur de l'empereur,
fut trouver ledict marchant de grant matin à sa bouticque et luy dist
en se gaudissant : « Le seigneur Rincon se recommande. » Sur quoy
ledict marchant luy demanda à quel propoz il luy disoyt telle chose;
et ledict Thomas luy respondist qu'il estoyt logé au chasteau de Millan
ainsi que ledict ambassadeur avoyt esté adverty par lettres du marquis
du Guast qu'il avoyt receues le soir auparavant à une heure de nuict.
Depuys, comme l'on est adverty, ont esté menez à Crémonne, ainsi
que la signora Constance, femme dudict seigneur Cézar, a entendu de
bien bon lieu; et que son mary et quelque aultre avecques luy avoyent
quelque liberté de salle et chambre, et qu'il estoyt sain, mais tant des-
plaisant et courroucé qu'il ne bevoyt ne mangeoyt que bien peu de
chose, ne prenant aulcune recréation, et qu'il ne voulloyt rien prendre
que premièrement deux Espagnolz qui le gardoyent ne feissent bien
de chascune chose la prouve et crédence. Mais quant audict seigneur
Rincon, il estoyt détenu en grande destresse. Et en confirmacion de ce
transport faict à Crémonne, il y a quatre jours que je fuz à la Sei-
gneurie, me fut donné en coDiège par icelle une lettre toute ouverte
escriptè le xvii® de ce mois par ung affectionné à vostre service me fai-
sant entendre son nom par quelques enseignes d'aulcuns plaisyrs qu'il
i. Ercole Torello, tics Torelli de Ferrare.
2. Girolamo Martolosso, secrétaire de Cesare Fregoso. 11 était originaire de Vérone.
Sans doute eut-il par la suite à se plaindre de l'altitude de Pellicier à son égard,
car ce fut lui qui dénonça, en juillet lo42, au conseil des Dix, les frères Cavazza
et Abondio comme coupables d'avoir livré à Pellicier les secrets de la République,
et déchaîna sur notre ambassadeur la tempête au milieu de laquelle prit fin pré-
maturément sa mission.
3. Martin de Cervese, consul d'Espagne à Venise.
:{C8 amuassam: m; [juillet i;;hj
avoyl receu/ di- inuy vn cesle ville il y a plus dung an, m'asseuranl
• lue le jour auparavant sadicle lellrc, le malin avoyenl esté veuz les-
dicl/. seigneurs César cl Rincoti au chasleau de Crémonne saufz et
sains, mais avectiues bonnes gardes, et quil est pour sçavoir certai-
nemenl ijui sont ceulx «|ui les ont prins. Laquelle lettre ainsi ouverte
ee/. seigneurs disoyenl et nionlroyenl i)ar une lettre de leur podestat
de Bresse ' luy avoir esté ainsi donnée par ung courrier qu'il disoyt
ne si;avoir qui la luy avoyt baillée. Je ne peu/, faire de inoings que de
m'en plaindre ii ce/. Seigneurs et leur dire que lediet seigneur podestat
ne dcbvoyt avoir ainsi laissé passer la chose sans faire respondre per-
tincntenient lediet courrier qui estoyt celluy qui la luy avoyt donnée,
mais n'en peu/ avoir aullre d'eux, s'en excusans le mieulx qu'ils
povoyenl. Ce néanlmoings icy et ailleurs s'en parle en diverses sortes,
car les ungs dysenl qu'il/, sont mortz, les aullres tiennent de non; et
entre aultres le secreltaire Fidel pre/. du marqui/. du (juasl pour ce/
Seigneurs a escript pour certain qu'il/ ne sont plus en vye, et plusieurs
sont de ceste oppinion. Toutesfoiz l'ambassadeur de l'empereur qui est
icy, parlant en plain bancquet de femmes, à ung nommé Calseran qui
luy demandoyl qu'il seroyt des amys qui estoyent prins, luy feist res-
ponce qu'il/ seroyent ainsi détenu/ et garde/ jusques à ce que on
auroyt responce de l'empereur; mais que lediet seigneur Rincon seroyt
Jiourchado, que on veull entendre seroyt defl'aict.
« Sire, ces Seigneurs ont eu lettres de leur ambassadeur pre/ du
pape, les adverlissant que Sa Saincteté faisoyt démonslracion d'en
eslre merveilleusement desplaisant et scandallisé pour plusieurs res-
pect/, disant que depuys qu'il est pape, n'est advenu ung si grant cas,
prévoyant estre pour en sortyr une guerre enraigée qui n'aura à finyr
sinon avecques la ruyne toutalle ou mort de quelque ung, et aussi
pour le péril et dommaige que en portera la chrestienté; comme sem-
blablement, ainsi que vous ay escript, sont ce/ Seigneurs, et d'aultant
plus pour ce que, suyvant (quelque mot que je leur touché, qu'il/
avoyent à leur tenyr quelques propoz de vostre part. Leur secrétaire
Fidel leur a escript qu'ilz leur apportoyent parti/ de par V. M. plus
grans el plus advantaigeulx que jamais leur furent faictz. Et à ce
tenoyenl la main et venoyenl en ligne prezque tous les plus grans de
l'Itallye; et combien que, comme dict est, cesdict/ Seigneurs en soyenl
grandement desplaisanlz, ce néanlmoings sont-ilz bien contans que
comme qu'il soyt que V. M. ayt si bonne occasion de s'en rescentyr,
mesmement en ce temps icy que le Grant Seigneur marche, et que,
rompant avecques l'empereur quant ilz sont rechairchez de secours
par luy, ilz ont bonne cause et raison de s'en excuser, disant que en a
esté à la coulpe de ses gens que la guerre auroyt esté commencée, el
1. IJrescia.
("juillet 1541] GUILLAUME PELLICIER 369
pour son dommaige, attendu que S. M. gardoyt inviollablcment la
trefve. Et ce particullièrement a esté débattu et raisonné en la chambre
du duc de ceste ville, dont la résolucion en a esté telle que dict est.
Quoy à l'aventure présentant ' les Impériaulx qui sont icy et voyans la
venue du Grant Seigneur, et se doubtans que la guerre se mouve entre
voz Majestez, et aussi se tenans presque asseurez que cez Seigneurs ne
seroyent pour donner l'ayde et secours pour la deffension de la duché
de Millan qu'ilz ont proniys à Tempereur, mais plus tost faire au con-
traire s'ilz estoyent contrainctz se déclairer ; — aprez avoir iceulx Impé-
riaulx bien consulté par ensemble pour ne provoquer en despéracion
cez Seigneurs, si l'empereur monstroyt estre marry et se voulloyt res-
centyr s'ilz ne luy bailloyent ledict secours, et par ce moyen se tour-
nassent à vostre party, — ont escript à l'empereur que requérant cez
Seigneurs de luy bailler le secours par eulx promys pour la dclïension
de Millan, seroyent pour le luy desnyer. Dont estoyent d'adviz donner
ce que on ne peult vendre : sçavoir est que ledict empereur monstrast
n'en estre aulcuncment fâché ne s'en soulcyer aultrement; ainsi,
comme venant de luy et de son propre mouvement leur remist ledict
ayde et secours, et qu'ilz feussent tenuz se demonstrer tenyr son party
affîn de ne irriter le Grant Seigneur, voyant bien que ce leur pourroyt
porter grant encombrier et dommaige : chose que, comme il leur
feroyt entendre, désire moings veoir que le sien propre, estimant aul-
tant le bien et prospérité de leur estât que icelluy mesmes. Bien voul-
droyt que en lieu de ce ilz luy feissent semblable secours d'argent
secrettement qu'il leur conviendroyt employer, luy donnant ledict ayde,
et que en tout événement s'ilz ne voulloyent faire ce, leur quitter le
tout et les pryer en temps et lieu se souvenyr de leurs bons amys et
alliez, et ne se mettre poinct jamays contre eulx, et plusieurs aultres
propoz tendans à cez fins.
« Sire, j'ay aussy esté adverty que l'ambassadeur de Tempereur et
ses adhérans ont faict escripre à Raguse par ung Orsetto, Ragusien,
et par ung aultre que l'empereur a faict commandeur, lequel puys
naguères le Grajit Seigneur a faict chasser de Raguse, advertissant la
Seigneurie de là pour le faire entendre au Grant Seigneur et à certains
parliculliers, — qui s'attendent bien ne fauldront le faire sçavoir en
Conslantinople, — que lesdictz seigneurs Cézar et Rincon se sont faict
prendre expressément par vostre commandement et ordonnance,
ayant icelle intelligence avecques l'empereur, et par ce ne voullant
que ledict Rincon retournast vers ledict Grant Seigneur pour ne luy
accorder ne attendre les promesses que luy avoyt faicles ledict sei-
gneur Rincon ; vouUans lesdictz Impériaulx faire accroyre telles calom-
nyes et confirmer, parce que lesdictz seigneurs Cézar et Rincon sont
1. Pressentant.
Ve.mse. — 1340-1542. 24
370 AMBASSADE DE [JUH.LET la4l]
venuz par les pays de roniporeur avcc<jues quatre personnes seulle-
ineul dedans unj; petit basleau sans aiilcunes armes, ordre qu'ils
n'avoycnt tenu a leur aller, et qu'encores s'ilz eussent vuullu fussent
passez par la plus hardiment ut seurement, estant mesmement ledict
seigneur Cé/.ar tel homme de f;uerrc, ayant sa bande toute preste et
faculté d'avoir tant de gens à pied et à cheval et arcquchuserye par
t^rre et par caue qu'il eust voullu. A quoy, combien (jne j'eusse jà
pourvcu à telles et si malignes mensonges, pour avoir escript bien
amplement la vérité du faicl à messire Vincenzo par homme et ])ri-
ganlin exprez comme ay escrii)t à V. M. le ix" de ce moys, si n'ay-je
encores de rechcf failly d'escripre bien amplement audict messire Vin-
cenzo, duquel ay receu deux pacquetz adressans audict seigneur
Uincon, Tung datlé du xviir juing, par la voye de l'ambassadeur de
cez Seigneurs, qui est en Constantinople \ et l'aultre du xxiii'' par ung
briganlin mandé expressément par M. l'arcevesque de Raguse, lequel
briganlin rencontra celluy que avions dépesché beaulcoup plus avancé
que uulz aultres qui estoyent partiz d'icy davant luy, dépeschez par
l'ambassadeur de Raguse, et auUres par cez Seigneurs pour porter
ladicle nouvelle. Et pour ce que ledict messire Yincenzo a amplement
rcprins, eu sadicte lettre du xxiii" adressante audict seigneur Rincon,
tout ce qu'il escripvoyt en celle du xviir, m'a semblé n'estrc aullrc-
ment besoing vous en faire aulcune répéticion, ne pareillement de ce
quil m'a escript, mais en debvoir extraire et deschiflrer tout ce que
ay cogneu estre digne de faire sçavoir à V. M. et le vous mander, ce
que fays présentement, avecques plusieurs doubles d'auUres choses
qu'il a recouvertz à la Porte comme verrez. Je vous envoyé pareille-
ment ung double d'une lettre que ay receue de vostre serviteur d'Alle-
maigne par les mains de celluy que bien sçavez. S'il vous plaira, Sire,
que doresnavant vous envoyé les originaulx des lettres que escript
ledict messire Yincenzo sans les deschiflfrer, ne toucher aultrement,
vostre bon plaisyr sera m'en faire adverlyr.
« Sire, l'on a icy lettres que l'empereur se doibt partyr le xxii ou
xxvi" de ce moys, et qu'il debvoyt admener avecques luy douze mil
lansquenelz, combien qu'il n'eust demandé passaige et vivres que
pour douze enseignes. Dont ces Seigneurs ne sont pas en petite frayeur
et craiucte de veoir venyr l'empereur en telle puissance par le cueur
de leurs pays, et le grunt bruict qu'il faicl couryr et démonstracion de
faire si grosse armée par mer; par quoy ont ordonné renforcer leurs
garnisons de leurs villes fortes en Terre ferme, et mesmement à
Véronne le supplément jusques au nombre de mil hommes, et mettre
de leurs gentilzhommes aux portes pour superintendre à la garde
d'icelles : chose qu'ilz n'ont accoustumé faire, si n'est en leurs plus
1. Alovsio Bado.iro.
[juillet i54l] GUILLAUME l'ELLIClER 371
grans affaires. Et quant à ladicte armée de mer, j'ay esté adverty que
cez Seigneurs ont sceu par ung de leurs secrétaires, qui dict l'avoir
entendu fort secrettement du secrétaire du cardinal de Ravenne. que
ce grant apprest d'armée estoyt pour faire l'emprinse d'Alexandrye
d'Egipte, comme vous ay escript avoir entendu d'ailleurs; mais aprez
' avoir bien discouru, et congnoissant très bien la quallité du pays et
lieu d'Alexandrye, et du temps ou quel sommes pour faire tel voyaige,
et aussi que ladicte entreprinse seroyt de peu d'importance et moindre
eiïicace, pour n'estre Alexandrye lieu de grant mouvement et eslre de
petite tenue; car ne contient que cinq ou six maisons d'estime pour
les consulz ou prévostz des marchans. Ces Seigneurs se tenoyent pour
asseurez que c'estoyt pour aultre chose et ont jugé estre une fourbe,
doubtans plus tost estre pour faire quelque entreprinse sur leurs pays
de Levant et de la Dalmatia que aultrement. Dont pareillement ont
donné ordre pour y pourveoir fort dilligemment, et aulcuns d'eulx,
Sire, ne se doublent pas moings aussi que ledict empereur se pour-
royt bien adresser sur voz terres maritimes de Provence et Lenguedoc
ou à tous deux en ung mesmes temps, faisant venyr en Provence celle
qu'il apreste auprès de Sicille, et tout en ung coup celle de Mallega en
Languedoc. Or, comme qu'il soyt, le commis de cez Seigneurs qui est
à Naples les advertist que ledict empereur faict plus grant armée^et
préparatifz pour faire entreprinse de mer que jamays il ayt faict; et
entre aultres choses qu'il a fort grant quantité de biscuiclz, et ung
gros nombre de fers de chevaulx avecques dix mil paires de soulliers.
Toutesfoiz, Sire, quant cela seroyt, bien je pence que avecques tous
ses effors s'il voulloyt venyr en voz pays, il trouveroyt bien par vostre
bonne providence à qui parler; mais, ainsi que suys adverty par let-
tres de Rornme, quelque bruict qu'ilz facent de préparemens, l'on va
à l'effect tout à l'aise. Ce néantmoins c'est ung esperon à ceulx de
Naples pour recouvrer le donnatif qu'il leur demande, et jà les gens
de l'empereur ont arreslé le party de cent cinquante mil escuz avec-
ques les Génevoys*, à dix neuf et demy pour cent. Je suys adverty par
aultres qu'il a engaigé si grant nombre de rentes dudict royaulme
qu'il en doibt recouvrer huict cens mil escuz à xxv pour cent.
« Sire, l'on a aussi entendu icy par quelques marchans que l'empe-
reur faisoyt lever gens en Flandres, et estimoyt l'on que c'estoyt pour
la doubte qu'il a que monseigneur le duc de Clèves ne face quelque
mouvement. Pareillement j'ay esté adverty que son ambassadeur, qui
est icy avecques ses adhérans, comme est le cardinal de Ravenne, et
aultres Impériaulx, ont faict ung conseil entre eulx; et ont escript à
l'empereur que, le plus tost qu'il pourroyt, mandast icy les lansquenetz
et aultres gens de guerre qu'il veult faire descendre en Itallye, pour
1. Génois.
372 AMBASSADE DE [JUILLET la4l]
aullanl que c'esloyl riieuro el k' temps de faire Temprinse sur la
Myrandola avant qu'elle fusl p^urveue, et aulcuns pour ceste cause
80 sont doublez (jue lempereur voulsist venir loger à Manloue. De
quoy, inconlinant, par homme expre/ en toute dilligence n'ay failly
d'en adverlyr le seigneur conte de la Myrandola, le pryanl d'user toute
dilligt'nce en ses alTaires, de sorte que ce qui se debvoyt faire en
XV jours se feist en liuict, s'il estoyt possible, et faire conduyre tous
les grains de son estai à la Myrandola, et haster les aultres niarchans
eslrangiers ausquel/ a doniié arres de le bailler le plus tost. Sur quoy.
Sire, m'a envoyé ung de ses gentilshommes et a pryé M. de Saincty,
commissaire envoyé par M. de Langey à la Myrandola pour faire la
monstre et luy faire compagnye '; lesquelz m'ont dict de par luy que
s'il advenoyl que ladicte place fust assiégée, il y auroyt besoing de
trop plus grant nombre de gens qu'il n'y a pour la garder. Et aussi,
durant le siège longuement, pourroyt avoir faulte de municions de
p<juldre, d'artillerye et de boulletz, et que pour faire lesdictes gens el
achapter ladicte municion estoyt besoing d'avoir argent comptant;
dont luy sembloyt, attendu qu'il avoyt jà bonne municion de bledz
pour long temps, estre le meilleur garder les six mil escuz que V. M.
a ordonnez estre employez en achaplz de bledz pour secourir ausdictz
affaires. A quoy, Sire, je luy ay recordé que par l'instruction que der-
nièrement vous aviez donnée audict seigneur conte, V. M. n'entendoyl
que je me meslasse ne soulciasse d'aultre fornissement d'argent que
des dix mil escuz pour l'achapt des bledz, et que je n'avoys povoir de
changer l'emploicte dudict argent à aultres fins; mais que c'estoyt à
M. de Langey, en l'absence de monseigneur le mareschal d'Hannebault,
pourveoir à telles choses. A quoy ilz m'ont remonstré que ilz estoyent
bien asseurez que les chemyns estoyent rompuz, de sorte que non
seuUement telle somme, mais beaulcoup moindre, ne seroyt seure à
porter par les chemys qu'il fault passer; et que, plus est, ilz pençoyent
estre bien asseurez que M. de Langey n'avoyt argent pour ce faire,
sans mander à la court et mettre longtemps avant que y estre pourveu
par ce moyen : ce que l'exigence de l'affaire ne souffroyt, mais toutes
ces choses mises en considération et ce néantmoings ne voullant
jamais pour rien du monde enfraindre ne altérer vostre vouUenté et
commandement, qui est d'employer lesdictz six mil escuz en bledz,
et aussi estimant que non sans bien grant cause V. M. en faict faire
telle provision, m'a semblé ne debvoir muer l'exécution de faire ledict
achapt de bledz, et que au reste nous verrions de y donner le meil-
leur ordre qu'il seroyt possible. Dont pour ce faire ayant tousjours
congneu par tant de si bonnes expériances les seigneurs Slrocy affec-
I. Pompée de Carnazet, genlilliomme ordinaire de la cliambre, seigneur de
Brasscux, do Monlaubert et de Saincly.
JUILLET 1541] GUILLAUME PELLICIER 373
Uunnez à vostre service, m'en suys adressé au seigneur Petro, pour
sçavoir si, advenant l'occasion que on cust affaire d'argent pour voslre
service, en payant quelques raisonnables iutérest/. pour ung ou
deux moys, sil. en fourniroyt. Lequel, incontinant que ay destaclié la
paroile, s'est offert d'employer luy et tous ses biens pour cest effect,
ne povant souffryr d'ouyr parler d'aulcuns intérestz, et que, s'il plaira
audict seigneur conte, luy mesmes yra avecques telle et si bonne
somme d'argent que l'on n'en aura point de faultc. De quoy ay adverty
icelluy seigneur conte, affin qu'il ne laisse ne diffère de faire ladicte
emploicte de bledz.
« Sire, par lettres de Ralisbonne s'entend que ceulx de Moravia
payent au roy Ferdinando douze mil hommes de pied et deux mil
chevaulx pour quatre moys, à douze escuz pour cheval et quatre pour
homme de pyed par chascun moys, et que l'ambassadeur du pape a
offert à l'empereur que Sa Sainctelé ne luy manquera d'argent et aultre
secours pour ledict roy Ferdinande : le camp duquel, comme quelques
ungs disent avoir par lettres, est levé de davant Bude, et les gens du
Grant Seigneur ont esté receuz dedans par la persuasion de frère
Georges faicte au peuple de là qui y résistoyt jusques à se vouUoir
presque mutiner; et entend l'on aussi que laroyne et les enfans dudict
roy Ferdinando se sont relirez de Vienne à Ispruch '. »
Vol. 2, f'^ 203 yo. copie du xvi'' siècle; 0 pp. in-fo.
PELLICIER AU COMTE DE LA MIRANDOLE.
244. — [Venise], 28 juillet 1 54 1 . — « Illustrissimo et Excellentis-
simo Signor, per il signor commissario ricevei la lettera che V. S''*
mi scriveva de x.xiii del présente. Ilora il medesimo ritorna costà, et
io ho con S. S""'" ragionato tutto quel, che circa a questo negotio fa di
bisogno ; V. S""'" gli prestarà quella fede et cre denza che preslarebbe
alla persona mia propria, perche egli la instruira et informera parti-
eularmente, et dilligentemente di ciascheduna cosa che in ciô sia
necessaria. »
Vol. 2, f" 207, copie du xvi' siècle; 1/3 p. in-I".
PELLICIER A FORMIGUET.
245. — [^Venise], 2 S juillet lo4i . — « Monsieur Formiguet, non
seullement je vous prieray que de vostre cousté l'on ne se doibve
excuser à faire la provision de bledz, mais encores en tant que pourrez
4e solliciter le plus dilligemment qu'il vous sera possible. Il est bien
1. Innsbriick.
37 i AMBASSADE DE [JUILLKT la41j
vray que si de la soiniiit' que vous avez il phiisoytà M. le conte faire,
ainsi quil m'a faicl entendre, quelque provision de pouldre et bouUelz
dont luy sert)yt besoinjj:, advenant l'occasion, à ceste cause vous ne reffu-
sere/. ne délayere/, de la luy biiillcr jusques à cin(i, six, liuicl, voyre
rail escuz, s'il sera de besoing, et en prenant ce néantmoings bonne
descharge loinme s'il/, eussent esté employez en achaplz de bledz.
Kt au reste vous ferez bii'u entendre à M. le conto ', en luy faisant mes
alTeclueuses recommandations à sa bonne grâce, que je ne faudray
faire de sorte que à ce qu'il m'a mandé à dire par son gentilhomme
et par M. de Saincty ne soyt pourveu selon que l'on verra les affaires
le requéryr. Je vous prye me faire sçavoir bien au long et souvent de
voz nouvelles et l'ordre que en aura esté donné par delà, et aussi que
usiez de telle dilligence que l'on vous puysse veoir le plus tost. »
Vol. 2, f" 207 y", copie du .\vi° .siècle; 1/2 p. in-f°.
l'ELLICIER A .M. DE LANGEV.
246. — [Venise], 2 s juillet 1 54 1 . — Recommandation en faveur de
M. de Saincty qui se rend à Turin,
Vol. 2, f' 207 v^', copie du XVF siècle; 1/3 p. in-i".
PELLICIER AU ROI -.
247. — [Venise], 29 juillet 1541 . — « Sire, depuys avoir serré mon
pacquet du xxvi° de ce moys et attendant le parlement de M. de
Saincty, est arrivé icy le jour d'hier le cappitaine Polain qui m'a donné
1. Le comle de la Mirandole.
2. • Ce.sle «lépesche fut baillée à uns cappitaine nommé Hercules avec l'aullre
«lernièro ilu xxvr de ce moys, nui fut dépesché expressément par Mgr. de Mont-
pellier et par le cappitaine Poulin. -
Antoine Esralin des Aymars, dit le capitaine Poulain, Paulin, Polain ou Potin,
né à la Garde (Drùnie) vers 1498, mort à la Garde le 30 mai 1378. Fils de sim-
ples paysans, il avait commencé à servir comme goujat d'armée, mais sa valeur
et son inlellipence le conduisirent promptement à une haute fortune. Protégé
par Guillaume du nellay, (jui le fit connaître au roi, Polin (pour lui conserver
son nniu de guerre) reçut, par lettres données à Tournon, le 7 août l;i3C. loflice de
châtelain de Castel-Deinno, place forte du Piémont, située à l'entrée de la vallée
de la Varaita, dans un délilé an pied dn mont Viso {Cat. des actes de François P\
l. VI, Suppt., ]). 427, n" 2l,0',t7); puis, par lettres en date de Fontainebleau, le
23 février lo3'.t, une pension annuelle de deux cents livres tournois (M?f/., t. III,
p. 728, n" 10,839). Aussitôt la nouvelle connue île l'attentat commis sur Rincon, le
roi, sur la tlésignation de Langey, chargea Polin de remplacer son ambassadeur auprès
de Suleyman et l'expédia sur-le-champ à Venise.
Plus tard, Ihumble cai»itaine parvint aux importantes fonctions de lieutenant
général de la marine en lievant (9 mars 1513), et de général des galères de France
(23 avril l."ili). Envoyé derechef lomnie amba-;sadeur auprès de la Porte, le 1" mai
de la même année, il y demeura jusquau l'.i octobre; prit une pari si sanglante à la
répression des Vaudois de Cal)riéres et de Mérindol, qu'il fut emprisonné et des-
[jllLLirr 1541] GUILLAUME PELLICIER 375
lettre de créance et dict et exposé bien au long- toutes choses de vostre
part; et puys avons ouvertz les pacquetz et dépesches des seigneurs
Cézar Frégose et Rincon, èsquelles s'y sont trouvées toutes les pièces
principalles; mais quant aux mémoires pour les seigneurs cappitaines
d'Itallie que ledict seigneur Cézar avoyt charge, n'y a rien esté trouvé,
ne pareillement de la distribution des présens qu'il avoyt à. faire. Et
aprez avoir bien consulté et advisé ensemble s'il seroyt bon d'aller
cedict jour à la Seigneurye, nous a semblé estre le meilleur différer
jusques à demain pour ce pendant avoir tout temps d'adviser mieulx
et plus meurement ce que on aura à dire à cez Seigneurs, et aussi
entendre secrètement avecques les amys qui sont affectionnez à vostre
party ce que on leur pourroyt mettre avant pour plus efficacement les
•faire descendre à quelque bonne fin. Car, Sire, je ne foys double
qu'ilz n'y facent difficulté, attendu mesmement la prochaine venue de
l'empereur en leur pays et la grande armée qu'il faict couryr bruict de
faire : dont sont grandement empcschez et effrayez. A cause de quoy,
comme je vous ay escript, mettent bon ordre et provision par toutes
leurs villes, et ont esleu quatre ambassadeurs, sçavoir est messire Vin-
cenzo Grimani, messire Joan Antonio Venier, messire Nicolo Thiepoli
et messire Marc Anthonio Contarin, pour envoyer au davant de luy.
Desquelz, s'il y en a deux bien affectionnez à V. M., les aultres deux
en sont bien aultant retirez* ; et davantaige cesdictz Seigneurs font faire
ung pont sur le Ladèze - pour son passaige. Et pour ce. Sire, que j'ay
esté adverly de plusieurs endroictz, comme verrez par lettres d'Alle-
maigne et de Millau, que ledict empereur avoyt jà entendu V. M. avoir
faict ung aultre ambassadeur vers le Grant Seigneur, et que l'on ne
fauldroyt à luy donner tel empeschement que Ton a faict aux aultres
titiié, rétabli dans sa charge en 1551, destitué de nouveau en 1357 el de nouveau
rétabli en loGCi.
Polin parait avoir hérité, après la mort de lUncon, de la seigneurie de Pierre-
latte en Dauphiné, dont le roi avait fait don à ce dernier sa vie durant. Il y joignit
la baronnie de la Garde, (|u'il tenait depuis 1543 de Louis d'Adhémar de Monteil,
seigneur de Grignan, auquel il laissa plus tard ses biens.
Brantôme a tracé du baron de la Garde une curieuse biographie, dans ses Grands
Capitaines (édit. Lalanne, t. IV, p. 139); un sonnet de Joachim du Bellay, dans les
Regrets {édil. Liseux, Paris, 1876, in-18, p. 111), lui est adressé.
Il signait couramment « Escalin « (V. AIT. élr., Venise, Correspondance, t. VIII,
f° 49, et Bibl. nat., ancien ms. 342 du fonds Gaignières, aujourd'hui ms. fr. 20, 463).
Le sobriquet de Le Poulain (V. Cal. des actes de François /", t. III, p. "28, n° 10,839),
dont les autres formes précitées sont des corruptions populaires, lui vint, dit-on,
de l'impétuosité de son caractère. La famille Polain, de Liège, par une semblable
analogie, a pour cimier, dans ses armes, une tête déjeune cheval avec cette devise:
« Pas toujours polain », et la tradition originelle de ce surnom est la même.
1. Vincenzo Grimani (1540) et Gian-Anlonio Veniero (1531-1532) avaient été tous
deux ambassadeurs en France; Niccolo Tiepolo (1530-32 et 1538), et Marco-Antonio
Gontarini (1532-1533) avaient exercé les mêmes fonctions auprès de Charles-Quint
et de son frère Ferdinand.
2. L'Adige.
376 AMBASSADE DE [JUILLET 1341J
s'il csloyl possible: de quoy, Dieu inorcy, ont esté frustrez, pour le
moines jusques en ceslc ville Dont, pour achever en la meilleure seurté
qu'il sera possible son voyaige, attendu qu'il y a granl danger que son
passaige ne soyt descouvert, pour avoir charge de le déclairer h cez
Seigneurs et leur ofl'ryr de voslre part tous plaisyrs et secours envers
le Granl Seigneur que voslre povoir et auctorité se pourroyt estandre,
nous a seniblé, ne voyant jusques à présent meilleur moyen de Tas-
seurer, debvoir demander à cez Seigneurs de la part de V. M. ung
sauf conduict et seureté de une ou deux de leurs gallères pour le con-
duyre jusques à Kaguse : chose que pourra, selon leur coutume, aller
ung peu à la longue, et d'aullant plus à présent sentant l'empereur
faire si grande armée que dict est, craignant de luy desplaire. Dont,
Sire, si les affaires vont ung peu plus en longueur qu'ils ne le requiè-
rent, il vous plaira ne l'attribuer à aultre que à la dillicullé d'ieeulx,
car de noslre cousté ne fauldrons d'user toute dilligence tant qu'il nous
sera possible, et vous advertirons bien au long de la responce de cez
Seigneurs; mais cependant nous a semblé ne debvoir faillyr vous
advertyr de son arrivée icy.
«( Sire, je vous remercye très humblement de la bonne souvenance
que avez de moy, comme j'ay congneu par la voslre du vu* de ce
moys, donnant espoir me faire bien tost envoyer argent, dont je vous
en supplye très humblement; car je me veoy en telle nécessité. Sire,
que je ne sçay plus à qui m'adresser pour en recouvrer, estant endebté
de tous cousiez pour fournyr aux despenses extraordinaires que j'ay
faictes depuys que suys icy, qui sont deux passez sans en avoir
encores recouvert ung denier.
« Sire, nous venons d'être advertiz comment l'ambassadeur de cez
Seigneurs prez le pape a escripl que Sa Saincteté, luy tenant propoz
de la venue de l'empereur en Itallye, et grant appareil de guerre qu'il
faisoyl par mer et par terre, l'a exhorté de leur escripre qu'ilz ouvris-
sent bien les yeulx et qu'ilz prinsent bien garde à leurs affaires, car
cecy estant hors de temps ne povoyt toucher sinon à luy ou à eulx;
mais que quant à luy il avoyt desjà commancé à y donner si bonne
provision qu'il s'en prendroyt bien garde, et qu'ilz voulsissent faire le
semblable, les asseurant que quant ilz se vouldront entendre avec luy,
qui louchera à l'ung aura affaire à l'aultre, et plusieurs aullres propoz
semblables. Par quoy cez Seigneurs ont commencé à traicter, oullre
la provision de gens et municions qu'ilz avoionl ordonné aux Terres ',
de faire jusques au nombre de huict ou neuf mil hommes de pied, pour
mettre en campaigne, chose que comme voz serviteurs estiment pourra
servir grandement aux propoz que l'on aura à leur tenyr. J'estime
bien. Sire, que avant la réception des présentes V. M. aura esté advertye
1. V. la dépêche 2i3.
[juillet 1o41] GUILLAUME PELLICIER 377
par M. de Rodez du trespas de feu monseigneur le Révérendissime
cardinal Frégose \ et par là sera advenu ce que communément cschel,
c'est que guières une desfortune n'advient seuUe a une maison et
lignée. »
Vol. 2, f"208, copie du xvi® siècle ; 2 pp. in-f°.
PELLIClEll AU CARDINAL DE TOURNUN.
248. — [Veîiise], 29 juillet I54i . — « Monseigneur, j'ay receu la
lettre qu'il vous a pieu m'escripre par M. le cappitaine Poullain qui
arriva icy le xxvii" de ce moys, lequel m'a raconté bien amplement
toutes nouvelles de la court et la charge qu'il a pieu au roy luy donner*.
En quoy, Monseigneur, combien qu'il soyt si sçavanl et bien instruict
qu'il n'ayt besoing d'aulcune adresse, et aussi que là où je verray mon
conseil luy povoir servyr et donner confort pour les affaires de S. M.,
je ne feray que mon debvoir de le luy présenter et offryr, pour la
grande obligation que j'ay au service d'icelle, ce néantmoings encores.
Monseigneur, désirant grandement vous agréer et servyr en toutes
choses, je mefforceray, aprez avoir donné le meilleur ordre et provi-
sion requise aux affaires du roy que nous pourrons adviser luy et moy,
d'aultant plus pour l'amour de vous, à luy faire congnoistre en ses
affaires particulliers, le plus efficacement qu'il me sera possible, combien
je désire luy faire plaisyr et service.
« Monseigneur, il a pieu au roy me donner espoir par sa lettre du
vir de ce moys de me faire bien tost envoyer argent, dont je vous sup-
plye très humblement m'y voulloyr estre aydant...; me voyant frustré
de l'attente que j'avoys d'en recouvrer à la venue du seigneur Cézar,
ainsi que Ton m'avoyt donné espérance, je avoys, longtemps a, envoyé
mes comptes extraordinaires d'une année : lesquelz avecques un pac-
quet du roy se sont perduz au delà de Thurin. Ce néantmoings je ne
laisse d'ensouffryr et endurer grandement pour la retardacion d'iceulx
qu'il a fallu reffaire, lesquelz de rechef ay renvoyez. Et pour ce, Mon-
seigneur, que l'argent que pourray recouvrer d'iceulx voyre beaulcoup
davantaige est desjà despendu, je vous supplieray que, — oultre la
somme contenue èsdictz comptes, de laquelle ayant satisfaictàmes cré-
1. Federigo Fregoso, fils d'Agostino Fregoso et de Genlila de Montefeltro, nièce
de Guid'U! aido I, duc dUrbin. Elevé à la cour de son oncle maternel, qui lui fit
donner l'archevêché de Salerne (i:;07-lo33), il fut successivement ambassadeur de
Gènes auprès de Léon X, commandant en chef des galères génoises dans l'expédi-
tion dirigée contre les corsaires de Tunis, abbé de Saint-Bénigne de Dijon, évêque
<le Gubbio (loOS-lo4i), et enfin cardinal (lo39). il mourut à Gubbio le 22 juillet lo4i,
laissant diverses œuvres sacrées et profanes, et une grande réputation de charité.
Son frère, Ottaviano Fregoso, fut doge de Gènes de 1513 à 1522. Tous deux étaient
oncles de Gesare Fregoso, l'agent infortuné du roi de France.
2. Celle d'ambassadeur auprès de la Porte.
378 AMUASSADE DE [JUILLET 134l]
dileurs desquelz suys fort insleramonl sollicité, non seullement ne me
demeurera pas ung denier, mais cncores ne suffira il beaulcoup prez à
payer où je doil»/,, — que voslro bon plaisyr soyt me faire avancer à bon
compte (|uol(iue somnn' d'arj^entsur la despence extraordinaire que j'ay
faicte la seconde année, en attendant que j'en aye faicl/. et mandez mes
comptes par escript, i)0ur fournyr à la despence extraordinaire que
me conviendra faire dorosnavant. Laquelle je veoy en termes d'estre
beaulcoup plus jj^rosse ([uelle n"a esté par le passé, et jà pour ce moys
icy je en ay desboursé en brigantins tant mandez à Raj^use que venuz
de là icy, postes et lettres, et aultres choses pour Tadventure advenue
aux seigneurs Cézar et Rincon, plus de troys cens escuz. Car aultrement
je me veoy en grand danger de lumber en telle nécessité que à grant
peyne pourray-je avoyr de «{uoy fournyr à la despence ordinaire de
ma maison. Dont, Monseigneur, je vous laisse pencer comme il m'est
possible mettre à exécution le bon vouUoir que j'ay de faire service au
roy; par quoy, pour ne tumbcr en tel inconvénient, vous supplieray de
reclief m'y faire pourveoir le plus tost... * »
Vol. 2. f" 200, copie du wi*^ siècle; 1 p. 1/4 in-f°.
PELLICIER A M. DE LANGEV.
249. — \Vcnise], 29 juillet 1 541 . — '< Monsieur..., je vous envoyé
quelques lettres adressantes à M. le mareschal d'Hannebault, lesquelles
vous plaira luy faire tenyr là par où il sera, pour aullant que nous
sommes en suspens s'il sera party de la court ou non pour venyr en
Pyémont. Qui a esté cause que je ne luy ay point escript; dont je vous
prye, s'il estoyt arrivé à Thurin, eslrc recommandé et entretenu très
humblement à sa bonne grâce, et mander le plus tost et seurement
qu'il sera possible le pacquet au roy... »
Vol. 2, f" 209 v°, copie du xvi'' siècle; 1/2 p. in-f°.
l'ELLlClER ET LE CAPITAINE POLIN AU MÊME.
250. — [Venise]^ 30 juillet 1 541 . — Recommandation en faveur de
courrier porteur de la présente dépêche, ami particulier de Cesare Fre-
goso et « désirant se trouver au droict de povoir faire service au roy ».
Vol. 2, f° 201) Y", copie du wi"^ siècle; 1/2 p. in-f".
1. " k M. Guillaume Pélissier, évesque de Montpellier, ambassadeur du roy
devers la Seigneurie de Venise, 2485 1. 1. par letlres à Fontainebleau, le 2 juin 1541
[le ms. porte |)ar erreur 1510], pour son estât, vacation it desponses en ladicle
charge durant 121 jours coniniencez le 1°' janvier 1540, finissant le dernier juin
suivant loil. — llem, 2525 1. t. par lettres à Decize, le 21 aonst lo'tl, pour demie
année de sa despense en ladictc charge, finie le dernier décembre 1541 • (B. N.,
DIS. Clatrambaull 1215, f° 79).
[juillet Ibil] GUILLAUME PELLICIER 379
PELLICIEU A M. DE UUDEZ.
251. — [Venise], 30 juillet 1 541 . — « Monsieur, l'on avoyt eu icy
semblable adviz du partemenl de l'empereur pour venyr en Ilallye que
j'ay veu par la vosLre du xxiii" de ce moys que on avoyt eu de vostre
couslé, c'est qu'il debvoyt partyr le x.v- d'icclluy; mais depuys l'on a
entendu qu'il l'a remys au premier d'aoust. EL par ainsi cez Seigneurs
ne seront pour mander si tost leurs quatre ambassadeurs qu'ilz ont
faictz pour envoyer au davant de luy, qui sont messirc Yincenzo Gri-
many, Jehan Anlhonio Venier, Nicolas Thicpoly et Marco Anthonio
Contarin; desquelz s'il y en a deux bien affectionnez à nostre party, les
deux aultres n'en sont pas moings retirez. Cesdictz Seigneurs ont aussi
faict faire ung pont à Ladèze * et faict force provisions pour le passaige
dudict empereur; lesquelz entendant les grans préparatifz d'armée
qu'on faict bruict icelluy empereur voulloir faire, congnoissans très
bien que ce n'est pour faire nulle des deux entreprinses d'Alger et
d'Alexandrye d'Egipte comme l'on avoyt faict couryr bruict, ains ont
aprez avoir bien discouru jugé que ce n'estoyt que une fourbe, doub-
tans plus tost estre pour faire quelque emprinse sur leur pays de Levant
et Dalmatia que aultrement, n'ont failly donner ordre pour y pourveoir
fort dilligemment. Et quant à leurs terres fermes ont ordonné ren-
forcer leurs garnisons de leurs villes fortes, et mesmemenl à Véronne
le supplément de deux mil hommes, et oultre cela huict ou neuf mil
hommes, pour mettre en campaignc. Voyelà comme ilz se fyent à leurs
amys. Quant est d'aller du cousté de la Provence et Languedoc, l'on en
a faict icy quelque discours, mais ad ce que je puys entendre à la
vérité, si l'empereur n'est mal adverty, je ne pence qu'il s'adresse de
ce cousté là ; car il y auroyt aultant affaire à se deffendre que à assaillyr.
Or, me remectant à veoir la vérité de toutes cez choses avecques le
temps, je les laisseray là pour ceste heure et vous diray comme il y a
deux jours que M. le cappitaine Poulin est arrivé icy pour aller en
Levant de par le roy pour aulcuns affaires, et mesmement donner à
entendre au Grant Seigneur la vérité du cas advenu aux seigneurs
Cézar Frégose et Rincon, affin que si les Impériaulx ou aultres qui se
vouldroyent faire licite d'en parler et faire courir le bruict à leur fan-
taisye, le voulloyent desguyser ou que jà l'eussent faict, l'on entendist
le faict; lequel, à mon adviz, sera aussi tost creu par delà en le disant
de par S. M. que pourroyt estre le contraire entendu par d'aultres, com-
bien que je pence avoir esté le second à l'avoir faict entendre par deux
foiz de ce cousté là. Nous avons esté ce matin luy et moy à la Sei-
gneurie déclairer aulcunes choses dudict seigneur roy, mesmement le
1. s m- l'Ailige.
380 AMBASSADE DE [aOUT 1541]
bon voulloir que S. M. ii envers ccslc républicque, et comme il la voul-
droyl secouryr el ayder s'il advenoyt qu'elle en eust besoing aussi lost
qu'il feroyl ses pays mesmes, alléganl très bien les forces el aullres
facullez de S. M. pour ce faire, leur demandant aussi telle seurelé de
gallères qu'il/ pourront congnoislre luy estre besoing pour passer seu-
remenl jusques à Uagusc. Sur quoy, à leur accousluinùe, ont faict res-
poiuf qu il/, nu'llronl le tout au conseil, et puys aj)re'/. nous en feront
tnleudre leur deslibéralion...
« Monsieur, depuys avoir faict la présente, j'ay esté adverty que
l'empereur a faict venyr à Trente quatre cens chevaulx pour conduyre
et mener son arlillerye seullcment. »
V(.l. -». f" 210, copie du .wi"^ siècle; 1 p. 1/4 inf".
pei.lk:ier et i.e cai'itaine polin \v rcm.
252. — 'Venise], 5 août J 54 1 . — « Sire, par les noslres dernières
du XXIX' du passé V. M. aura entendu l'arrivée icy de moy cappitaine
Poulin; dont, estimant que les aurez receues avant les présentes, ne
nous estenderons à vous en faire aulcune répéticion; mais vous dirons
comme le lendemain feusmes à la Seigneurie luy exposer ce qu'il avoyt
])leu à V. M. nous commander. Et aprez leur avoir donné raison par
moy cappitaine susdict et m'estre excusé si n'avoys apporté lettres de
leur ambassadeur prez de V. M., allégant que pour la sécrétasse et
promptitude que requéroyt mon voyaige pour les causes qu'ilz povoyent
bien pencer, l'on n'eust bonnement loysir de l'en advertyr, vins à leur
dire qu'ilz povoyent bien avoir entendu par M. de Montpellier l'ous-
traige et assassinement qui avoyt esté faict aux personnes des seigneurs
Cézar Frégose et Rincon sur les terres de l'empereur. Qui estoyt à pré-
sumer, avecques d'auilres indices que V. M. en avoyt, n'avoir esté faict
sans le sceu, voulloir et consentement dudict empereur; et que estiez
aprez pour en csclaircyr la vérité, affin que tout le monde congnoisse
que vouliez bien considérer et justiffyer les choses avant que les entre-
prendre; mais que puys aprez en avoir entendu la certaineté, — comme
espérez faire, — V. M. est si grande et magnanime qu'elle s'en rescen-
tira, ainsi que la chose le requiert, ayant esté faict une meschanceté
si grande à de ses serviteurs mesmement de la qualité qu'ilz sont, ce
que V. M. m'avoyt commandé leur dire. Et oultre, pour ce que ceulx
«jui vont praticquant à l'encontre de vous en pourroyent avoir escript
devers le Grant Seigneur contre la vérité et à leur advantaige en en
faisant leur proiBct comme sont coustumiers, m'aviez dépesché devers
ledict Grant Seigneur pour luy compter à la vérité comme la chose est
passée, et pour aulcuns aultres voz affaires; dont, affin que je peusse
passer plus seuromenl, m'aviez commandé les pryer fort affectionné-
[août 134I] GUILLAUME PELLICIER 381
ment me donner telle faveur et adresse que je peusse estre conduict
jusques en lieu seur, comme avoyent faict à tous les aultres qui
estoyent venuz icy de vostre part pour aller où il vous plaist me
mander. Attendu que à présent congnoissent 1res bien pour les choses
passées que j'avoys aultant ou plus de besoing de compagnye et bonne
seureté que nul aultrc que soyl passé pour aller par delà, où arrivé
que feusse avoys commandement de V. M. m'employer en tous leurs
affaires tout ainsi que pour les vostres propres et mieulx s'il estoyt pos-
sible, comme le seigneur Rincon y avoyt faict : ce qu'ilz sçavoyent très-
bien. Davantaige V. M. m'avoyt dict que estiez résolu, estant arrivé
ledict seigneur Cézar par deçà, luy envoyer charge de négotier avec-
ques eulx chose de grant importance pour la conservation et augmen-
tation de leur estât; mais puysque telle infortune luy estoyt arrivée,
m'envoyant par deçà et mesmement voyant venyr l'empereur avecques
ses forces passer sur leurs terres, chose qui les pourroyt, et non sans
cause, mettre en quelque suspeçon, m'aviez commandé leur oflryr de
vostre part tout l'ayde et faveur qu'il vous seroyt possible, en y
employant toutes voz forces, leur faisant bien entendre que tout ce que
V. M. en faisoyt n'estoyt que pour une sincère et pure amytié que
avez tousjours eue et auriez à ceste républicque; car de vostre cousté
ne craignez aulcune chose, pour ce que estiez prest non seullement de
vous deffendre, mais à ofîendre s'il en seroyt besoing. Leur faisant dis-
cours là dessus des préparatifz que en aviez, estimant qu'ilz l'auroyent
à plaisyr, allégant combien vous auriez de lansquenetz, Suysses et
Grisons, toutesfoiz et quantes qu'il vous plairoyt, la gendarmerye feu-
dataire et légionnaire de vostre royaulme, la fortification et admonition
de voz villes de frontière et générallement toutes aultres provisions à
faire et maintenyr la guerre et mesmement de la chose qui y est la plus
requise, c'est de bien bonne et grosse somme d'argent, et afTin qu'ilz
congneussent la parolle de V. M. estre tousjours semblable à sa voul-
lenté, leur dictz que s'ilz voulloyent entendre plus avant et s'asseurer
davantaige, que M. de Montpellier y entendroyt voullentiers et leur en
feroyt telle responce qu'ilz auroyent occasion de s'en contenter. Sur
quoy. Sire, nous feirent une responce généralle à l'accoustumée, qu'ilz
estoyent bien asseurez de la parfaicte et vraye amytié que V. M. leur
portoyt, pour l'avoir tousjours bien congneue par bons elïectz, et qu'ilz
n'en espéroyent pas moings à l'advenyr. Et quant au reste, touchant le
secours et seureté de mon passaige, mettroyent la part au conseil pour
nous y faire responce. A quoy moy de Montpellier réplicqué en les
pryant que ce fust le plus tost estre leur plaisyr nous donner une ou
deux de leurs gallères pour le conduyre plus seurement. Mais à cela ne
feirent aullre responce sinon qu'ilz verroyent. Dont, n'en povant avoyr
aultre chose pour ceste heure là, nous avons prins congié d'eulx et
sommes retirez : qui est tout ce qu'il fut faict pour ledict jour.
382 \y\U\».\l'L l'E AULT lo4ll
-- Sire, aprc7. avoir atlomlu jus(iues au mardy ensuj'Aanl ir de ce
moys, envoyasmos vers oulx pour sravoir quant c'ésloyt leur plaisyr
qui^ nous y allissions pour avoir rc?ponce. Lesquels nous l'eirenl
iMittiiilre quf y deuï^sions aller le landemain, ce que nous feismes; et
lors leur duc nous dist ijue pour lamylié et dévotion qu'ilz vous pour-
toveut et aussi obligation qu'ilz vous avoyent, désiroyent grandement
vous agréer et complaire en toutes choses qu'ilz congnoislroyent vous
cslre il plaisyr et service. Dont, suyvant la requeste que luy avions
faicle de nous donner toute ayde, confort et secours qu'ilz congnois-
trovent estre nécessaire pour la seurelé de mon passaige, avoyent
ad visé de me bailler pour me conduyre une gallère qui esloyt à His-
trye ', et que pour aller jusqucs là me donneroyent quatre barcques
bien armée?. Sur quoy moy de Montpellier leur fciz responce que le
plus grant dangier de sur tout le voyaige estoyt d'aller jusques là,
pour aullant qu'il falloyt passer par lieux plus prochains et voysins
des terres du roy Ferdinando que en nulle aultre part. Dont estoyt très
nécessaire d'aller la main forte et bien pourveue de deffense qui voul-
droil estre seurement. A quoy le duc nous feist responce qu'il ne
failloyt point doubler que d'icy là ne sur leurs portz on nous feist
aukun desplaisyr, ne on donnast destourbier ne empeschement. Sur
quoy, moy cappitaine luy ay dict que quant ilz ne me bailleroyent
bien que une barcque, pourveu que je feusse seurement, que je l'ac-
cepteroys, me confyant qu'ilz congnoissent très bien quelle provision
est nécessaire pour la seureté de mon passaige; dont de rechef les
supplyoys y voulloir pourveoir ainsi qu'il estoyt requiz. A quoy ledict
duc n'a faict aultre responce, ne sur les aultres poinctz cy davant par
nous à eulx déclairez. Dont moy de Montpellier ay réplicqué s'il ne
leur plaisoyt pas nous donner quelque résolution sur iceulx, et que
il me sembloyt adviz qu'ilz avoyent acouslumé mettre les choses à
leur conseil, et se résouldre de la responce qu'ilz avoyent à faire. A
quoy icelluy duc m'a respondu qu'il n'en estoyt besoing d'aulcune,
quant aux aultres choses, que celle qu'il avoyt faicte cy davant, aprez
notre première proposition.
« Sire, ayant esté advertiz de plusieurs coustez, et mesmement d'ung
vostre très grant et affectionné serviteur, qui n'est pas de petite estime
en ceste républicque, que les Impériaulx machinoyenl et deslibéroyent
faire toute dilligence et provision de nous avoir en leurs mains, comme
les aultres, et que, pour ce faire, avoyent en ordre plus de quinze
barcques apostées aux lieux qu'il me fault passer, nous a semblé le
debvoir faire entendre à ladicle Seigneurie : ce que avons faict luy
l.Capo d'Islria, ancienne capitale de ristric. place forte située sur un rocher Joint
par une chaussée à la terre ferme, à 15 kilomètres de Tricste, au fond du golfe de
ce nuiii, conquise sur les Génois par les Vénitiens en 1478.
I
[août 1o41] GUILLAUME PELLICIER 383
remonstiant par moy de Montpellier les grant dangiers et périlz qu'il
y avoyt, et que tnVp mieulx et à plus juste cause l'on pourroyt nyer
telle chose, estant faicte sur la mer où plusieurs gens abordent, que
celle qui a esté faicte par terre et sur les pays de l'empereur. Par
quoy persistions à les pryer et requéryr que leur plaisyr fust nous
donner une gallère, prinse en ceste ville, ou bien y faire venyr celle
qui est en Hislrye. A quoy leur duc feist responce qu'ilz n'estimoyent
point que le roy Ferdinando ne aultres voulsissent entreprendre d'as-
saillyr leurs barcques ne faire desplaisyr à personne dedans leur
goulfe, et qu'il ne failloyt point avoir de doubte de cela. A quoy, moy
cappitaine susdict réplicqué que je les pryoys très affectueusement
de la part de V. M. que tout ainsi qu'ilz avoyent, en contemplacion
d'icelle, donné à ceulx que aviez envoyé en Levant bonne et seure
adresse de gallèrcs parlant de ceste ville, et mesmement au seigneur
Cézar Cantelmo ' qui ne fut jamais tant rechairché de ceulx qui pra-
ticquent contre Y. M. que je pourroys estrepour la grande conséquence
et importance de mon voyaige, qu'ilz me voulsissent faire le semblable.
Sur quoy ledict duc a faict responce que ce qu'ilz avoyent advisé me
donner quatre barcques d'icy en Histrye estoyt pour plus prornple-
ment m'expédier; mais puysque les dangiers cstoyent telz que on leur
faisoyt entendre, ilz y pourveoiroyent de sorte que je pourroys aller
seuremcnt. Dont de rechef les pryé, et le plus tost qu'il seroyt possible.
« Sire, j'ay veu par lettre que on a escript à ung vostre serviteur que
l'on attendoyt l'empereur ù, Trente le x= de ce moys, mais que sa venue
avoyt esté remise au xvi'', et qu'il admenoyt avecques luy quarante mil
personnes tant à pied que à cheval, estimant que cest appareil se fai-
soyt pour Lombardye; et que à Trente se faisoyt grant nombre de
^barcques, tant portatives que pour faire pontz, et se mettoyt une infinité
de petite artillerye servant pour camp. Ce néantmoings telle nouvelle
1. Cesare Cantelmo, des Gantelmi de Naples, illustre maison d'où sortirent les
comtes puis ducs de Popoli. Cette famille, d'origine française, s'était fixée dans le
royaunit; de Naples à la suilo de l'expédition de Charles (l'Anjou (1264).
11 était le second fils d'Antonio Cantelmo, seigneur de Pettorano, et de Marghe-
rita Bandone. Exilé de son pays pour avoir suivi le parti de la France, il se réfugia
près de François 1", qui le nomma gentilhomme ordinaire de sa maison, et le
dépêcha h Conslantinople, en avril i;J39, auprès de Rincon, pour décider la Porte
à conclure une paix générale. Cantelmo arriva à Venise le 17 avril, près de J.-J. de
Passano, et en partit le lendemain même pour le Levant. Il revint en France en
août 1539. En récompense de ses services, le roi lui conféra peu de jours après, à
Villers-Cottercts, des lettres de naturalité (V. Cat. des actes de François /"", t. IV,
p. 40, nMl, 183).
Cantelmo fut de nouveau renvoyé à Conslantinople en octobre 1539, et en repartit
le 13 janvier 1540. Nous n'avons guère de renseignements sur cette seconde mis-
sion qui fut sans doute peu importante. Le refus fait par Sulcyman d'admettre sans
condition Charles-Quint dans la trêve fut attribué non sans raison, parles Vénitiens
elles Impériaux, à l'influence du négociateur français qui, banni de sa patrie et
dépossédé de ses biens, n'était rien moins que suspect de partialité à l'égard de
l'empereur (V. Charrière, t. I, pp. 404 et 418, et Zeller, pp. 186, 190 et 203).
384 AMBASSADE DE [aOIT 1541]
de si prant nombre de f;ons n'esl confirmée par quelconque aultre, car
do nulle pari ne s'enlond passer oullre douze mil, tant lansqueneU que
iliiroloys ', averques queUjue noml)re de gens à cheval.
« Sire, l'on enlend icy que le vice-roy de Naples, ayant faict assem-
bler les estai/, tlu pays pour les rechaircher de conirihuor au donalif
qu'il leur avoyt demandé pour l'empereur, de la somme de viir mil
escu7., les barons et seigneurs de là ne s'y sont voulluz trouver, allé-
gans icelluy pays cstre tant exhaust et foullé - qu'il/, ne sçauroyent
fournvr à la x" inirlye de ladicte somme, bien que M. de Hhodez m'es-
cripve qu elle a eslé accordée, sçavoir est quatre cens mil par la
noblesse, et les aultres quatre cens mil par le peuple.
« Sire, l'ambassadeur de cez Seigneurs fui ung de cez jours passez
;i la Seigneurie pour luy monstrer une lettre qu'il avoyt receue de l'em-
pereur, luy faisant entendre comme V. M. luy avoyt escript par ung
genlilliomme une lettre fort gralieuse et plaine de amylié, vous com-
plaingnanl de la prinsc des seigneurs Cézar Frégose et Rincon, en le
prvanl que pour la pai.v et parenté qui esloyl entre vous deux et les
grandes privaullez que avez usées ensemble, il voulsist estre contant
mander ung homme au marquis du Guast et faire de sorte que les
prisonniers fussent deslivrez, et administrer telle justice qu'il convient
en ceste affaire, ainsi que Y. M. espéroyt qu'il fairoyt. Et que l'empe-
reur se debvoyt partyr le xxvi" du passé; mais par aultres lettres par-
ticullières enlendoyt qu'il altendroyt jusques au xxi.x*. Et aprez a
monstre une aultre lettre du marquis du Guast, persistant lousjours
sur la négative ; escripvant davanlaige que voyant l'empereur embrasser
ceste chose si chauldement, qu'il se doubtoyl fort que si jà n'esloyent
mortz que ceulx qui les ont entre les mains ne les facent mouryr, non
pour avoyr la taille, mais pour paour qu'ilz ont de l'empereur quant ilz
seroyent descouverlz. Toutesfoiz, Sire, j'ay esté adverly, par lettres
d'ung vostre serviteur de Luna ^, que luy estant au port de Padigue sur
le lac *, le dernier du passé, y arriva ung gentilhomme espagnol qui
couroyt la poste, venant de Millan parler au marquis du Guast de la
part de l'empereur vers lequel s'en retournoyt; demandant audict
espagnol quelles nouvelles il y avoyt à Millan et si l'on ne reslitueroyt
pas les seigneurs Cézar et Rincon. A quoy feist responce qu'il espéroyt
que de brief ledicl seigneur Cézar seroyt au service de l'empereur, car
luy avoyt faict offryr aultanl de pension et aussy grosse charge et con-
duicte qu'il avoyt de V. M.; et oultre qu'il joyroyt de ce qu'il avoyt à
Gennes et sur le Gennevoys; mais ne vouldroyl qu'il y habitast, et si
donneroyt aullant de beneffices à ses enfans que faict V. M., et une
1. Tyroliens.
2. Epuisé et ravagé.
3. Sans doute Tassin, mentionné précédemment,
4. Padenghe, port sur le lac de Garde.
[août 1o41] GUILLAUME PELLICIER 385
place sur le Milannoys pour se retirer et sa femme el ses en fans. Et
lors vostredict serviteur demanda audict Espagnol s'il avoyt veu ledict
seignenr Cézar et là où il estoyt, qui luy respondit qu'il ne se trouve-
royt jusques ad ce qu'il eust accepté le party, et qu'il yroyt au davant
de l'empereur; et quant estoyt du seigneur Rincon, dist que l'em-
pereur le feroyt pugnyr comme il luy appartenoyt.
« Sire, nous attendons icy de brief M. de Lodes venant avecques
commission de Sa Saincteté pour, ainsi que l'on a peu entendre,
estraindre davantaige l'amytié et ligue avecques cez Seigneurs; el,
comme quelque ung m'a voullu dire, avoyt aussi charge leur ofiVyr s'il
leur sembloyt bon, que Sa Saincteté seroyt contente qu'il y eust lieu
pour V, M. Je suys tout asseuré, pour la grande dévotion que je luy
ay veue avoir cependant que j'ay esté icy à vostre service, qu'il ne
fauldra de tout son povoir pourchasser ce qu'il congnoistra ou sera
advisé de par vous estre à vostre gré. Je suys adverty pour certain
qu'il a esté grandement sollicité de Sa Saincteté de vouloir prendre la
charge de son légat et ambassadeur en ceste ville; mais, ne vouUant
obliger ailleurs sa servitude et dévotion s'en est tousjours excusé,
quelques offres de récompense et bonnes arres qu'il en eust desjà de
Sadicte Saincteté. Et pour ce, Sire, que luy estant privé des fruictz
de son évesché de Lodes, pour ne vouloir laisser vostre part et suyvre
l'impérialle, se trouve grandement en nécessité; mais, congnoissant
vostre bonté et libérallité envers tous mesmement à voz bons ser-
viteurs, et estant le bruict icy que V. M. leur fera quelque bien de
brief, il s'attend bien que icelle ne le mettra en arrière, suyvant l'es-
poir que luy en a esté donné de la court, comme de ce j'ay veu plu-
sieurs lettres escriptes par luy à ses amys. »
Vol. 2, f*^ 210 v°, copie du \\i^ siècle; o pp. in fo.
PELLICIER A VIXCENZO MAGGIO *.
253. — [Venise], 6 août 1541. — Pellicier a, par ses dernières
lettres du 24 juillet, avisé Maggio de la réception de toutes les
dépêches envoyées par celui-ci, sauf celle du 10 juin, qui ne lui est
pas encore parvenue; il le prie donc de lui en adresser une copie,
au cas où cette dépêche contiendrait quelque nouvelle importante.
Maggio a sans doute appris déjà le malheureux sort de Rincon et
de Cesare Fregoso, dont Pellicier lui faisait part dans ses lettres des
10 et 24 juillet. Cet attentat a jeté le roi dans une grande colère, et il
semble s'être résolu à en tirer une mémorable et éclatante vengeance.
« ...Et si per questo fine, come per conservare la perpétua amicitia che
1. En italien.
Venise. — 1540-1542. 23
3gg AMBASSADE DE l^OL^ JaUj
t'' Ira s. M'-" el il Uran S", inconlint'iik' delibero spedire verso colesle
l.ande il sipnor cappilan l'olim», genlilhuomo de casa di S. M'% il
ijuale con grandissima et inesUniabile diliieullà s'é conduUo qui a
Venelia. per ciô clio l'imperiali, corne inlesero che S. U^ voleva man-
dare un allrn in cainhio del signer Uincon, hanno poste grandissime
gîiardic et aguati per tutti li passi; pur per la Dio K'ratia el per la sua
buona diligenlia è passalo, et è, corne ho detlo, pervenul.) lin ([ua, dove
inlendendo nci per certo clie li medesinii adversarii et inimici nostri
non lanno n.ancho de diligentia in mare, che s'hahbiano falto in terra
per prendore il sudetlo signor eappilano, et distorhar quesla aniicilia,
la (lual S. M'* ha lanto el talmente a core. llabhiamo domandalo a
questi Signori una gallea, acciô possa venir più sicuramente che sia
possil.ile; ma per lo tardo procedere de questa Signoria, come ben
sapette, non siamo anchora slali risoluti de la demanda. El per lanU.
in queslo mezzo non habbiamo volulo manchare davisarvi el di scri-
vervi cosi il dello signor eappilano come io délia sua venula. Accio
che accadendo alcuno cosa da colesle bande, siale averlilo, el posciate
provedere perche egli vienne con quella medesima aulhorità, el con
tutte quelle commission et inlendimenli che haveva il prefato signor
Rincon, come per le sue sarelle meglio informalo. Si de queslo, come
de i prèsenli che porta per far dove bisogna, voi con ogni dilligenlia
et industria vostra solila vi sfor/.arelle di exasperar il Gran Signore
contra quesli Imperiali, dimonslrandoli il loro iniquissimo procedere
contra tulto il mondo, el di amicharlo per contrario lanto più a S.
M'-. La quale non lassa occasionedecanto per manlenere elaccrescere
sempre più quesla amicilia Ira loro, si come gli eflelli alla giornala si
protra {sic) conoscere. El perche è solite constume el nalura alli Impe-
riali, come per el passato in molle cose se conosciulo, el conoscesi
lutlo il giorno, che senza havere risgardo ô rispello di cosa alcuna
cercano e mali el la iniquità che essi commetleno de ribularle per loro
utile adosso adallrui, slimando troppo sciochi et insensali gli huomini
del mondo che si debbeno indurre a credere fuor' de ogni dritlo et
d'ogni ragione, habbiamo volulo adverlire V. S. che cosloro, per mezzo
di doi Ragusei, Tun de i quali puoco tempo ha che fu cacciato di
Ragusa, et Taltro che si demanda Ursalo *, hanno volulo persuadere
a quella republica, come quella che deppende mollo aile parle imperiali,
la maggior calomnia et poltroneria che mai cadesse nella imaginacion
d"homo alcuno, lanto sono sfacciati el senza alcuna vergogna in lutte
le loro cose. Kl queslo è, che hanno falto scrivere per quesli doi sopra-
delli si alla republica come parlicularmenle a molli loro privati amici,
che la catlura de i Signori e stata fatla con consenlimenlo di S. M'« et
a posta loro ; dicendo che essa non ha volulo cheU signor Rincon passi
1. Sans tloule Orsalo di Gianmagno, mentionné plus haut.
[août 1541] GUILLAUME PELLICIER 387
di costi, per non havere a inantener' quelche era stato promesso al
Gran Signore, con moite altre circonslanlic, le quale soprasedo de scri-
vere, per essere cosi fuor' de ogni ragionevole discorso, corne con-
giunle con ogni. nefanda brulezza. Et qucsto hanno falto acciô che sia
de i Ragusei scriltoa Conslantinopoli, et persuasoal Gran Signore, per
dirimere questa amicitia onde l'Imperatore habbia più commodo de
pervenire à suoi disegni. Cosa veramente lanto bruta et énorme, che
doveria movere lutto il mondo, nonche il Gran Signore, a farne ô in
paroUe qualché dimonstralion' a i Ragusei, se essi trovaranno di met-
tere a exécution questa calomnia, come credo che faranno, per essere
loro tropo più imperiali che non si cojivienne, per e molti benoficii che
hanno ricevoto per l'avor et per authorità di Sua M", et per solicitation'
et dilligentia del signor Rincon presso al Gran Signore.
« Quanto aile nove, se dice che l'Imperatore s'é partito da Ratisbona
alli XXVI del passato, per venir in Italia con dodeci milia lanschinechi,
et che in Trento son giè arrivati 400 cavalli per conducere Tartigliaria,
ne perho si sa ove questo debba pertendere. Et massimamente che
s'intende egli fa fare una grossa armata in mare, e già si è fatta pro-
vision d'assai biscotli, di lerri di cavalli, di selle, di scarpe, et d'altre
simili cose necessarie ; pur circa tutto questo affare sono molti che
dicono non essere tanlo a un gran pesso di quelch' essi inimici si
vanno vantando. Nondimeno dal quanto nostro non restiamo di far
tutte le provisioni et buoni ordini, con li quali non solamente si habbiamo
da difïendere, ma anchora da offendere molto piti di quel ch' altri non
si pensa venendo la occasione, come il delto signor cappitano alla
venuta sua potrà molto meglio, et più sicuramente far intendere a
boccha, che io per lettere... »
Vol. 2, f"213, copie du xvi^ siècle; 2 pp. in-f".
PELLICIER A M. DE RAGUSE.
254. — [Venise], 6 août J 34 / . — « Ho ricevute le lettere che V. S.
mi ha mandate per lo Scarpa, et per l'altro brigantino, et veduto quanto
essa me scrive, insieme col cappitano Gio Battista circlia la puoca lideltà
de lo Scarpa; il qual'essendo stato da me sopra di cio molto acremente
ribufîato, mi ha addulte moite et moite verissimili excusationi, con le
quali s'efforza di monstrarmi la innocentia et fideltà sua et animo, che
insieme con i miei antecessori non Tho mai rilrovato lin hoggi in
fallo, è paruto et par molto strano, che egli habbia commesso un
simile errore. Ho deliberato aspettar il cappitano Gio Battista, il quai
contra de lui testiffica di veduta, et si io potrô per vero rilrovar la cosa
star cosi, gli darô un tanlo et tal ricordo, che tutti gli altri haveranno
essempio davanti a gli ochi di mai più non usar ingano o tradimento,
et di questo V. S. ne vederà Teffetto.
3gf, AMBASSADE DE [aOUT 1541J
, 11 <ign..r cappitano l'olino, pculilliuomo délia casa di S. M'% î-
y.nnlo in VciH'lia prr aiular ..vr é il <'i-an Signore in luoco del signor
Hin.on Kgli s.rivr a V. S. cl.o gli debl)a proveder di cavalh, el di lullo
,,ufl c-oM..' l'ila iiili-ndorà por If sue) die larà de meslicri a un lai v.ag-
Ki„- et io an.hora la piioglio, ben che son certo che non bisogna, et
massiniauH-nb' ovc va l'inleresse ol Ibonor di S. W\ che usi in ciô ogn.
siùi solila diUig.M.lia, allin che il dello signor cappitano sia ben acco-
modalo el ispedilo, inconlineni." che sarà avrivalo a Uagusa....
.. El V. S. sarà contenta di ispedir subito che potrà pcr huomo à posta
il présente plico à messer Vincenlio Maggio. »
Vol. -J. f" -1», copie du xvi'^ siècle; i/2 p. in-f".
PELI.ICIER W ROI '.
255. -.\Venisel 9 août 1541. — « Sire, tant pour avoir escript à
V. M. le v^de ce moys toutes nouvelles de par deçà que aussi pour la
presse que nous avons de vous faire la présente dépesche, ne vous
feray pour cestrc heure longue lettre; seuUement vous diray comme
avons advisé, voyant la dépesche du seigneur cappitainc Polain de-
meurer si longuement, vous en debvoir avertyr pour vous supplyer,
Sire, pour les causes contenues en la lettre que vous escript ledict
seigneur cappitaine, estre nécessaire la mander le plus tost, si jà n'a
esté faict comme nous espérons. Quant est de la Myrandola, suyvant ce
que je vous ay escript que on y pourvoyroyt d'argent, a esté faict par
le seigneur Pietro Strocy. Je croy que aurez entendu le partement de
l'empereur pour venvr en Ilallye; et a l'on icy qu'il estoyt arrivé à
Yspruch où avoyt prins ung des filz du roy Ferdinando, pour admener
avecques luy et faire semblant de luy vouUoir bailler la duché de
Millau, allin de pencer faire accroire à cez Seigneurs qu'il veult main-
tenyr la promesse qu'il leur avoyt faicte de se deffaire de ladicle duché
et la mettre en aultres mains. »
Vol. 2. i' -21 1 v», copie du xvi'= siècle; 1/2 p. in-f".
l'ELLICIER A M. DE LANGEY.
256. — [Venise^, 9 août 1541. — ^^ J'ai receu troys lettres de vous;
la première du xxvi» juillet, avecques les doubles des lettres du roy et
de vous escriptes au marciuis du Guast et des instructions baillées à
M. de Termes pour luy dire de bouche. Et quant ad ce que m'escripvez
de troys gentil/hommes que on vous a dict avoir esté tuez auprez de
1. . Celle dépesche fui baillée par le cappitaine Poulain à Santinelle. »
— Senlinelll. courrier. — Les Scnlinclli, famille patricienne de Pesaro, au duché
d'Urbin.
[aOLT ib4l] GUILLAUME PELLICIER 38'.»
la Myi'andola, nous n'en avons point oy parler par deçà,; etmesmemenl
le secrétaire du seigneur comte de la Myrandola, qui est icy depuys
deux ou troys jours, ne nous en a rien dict, ce qu'il n'eust obmys à
mon adviz s'il en fust esté quelque chose. Je verray de le faire trouver
ce jourd'huy s'il sera possible, et vous en escripray cy dessoubz ce qu'il
m'en aura dict; mais de moy je pence qu'il n'en soyt rien. A tout le
moings vous puys-jc l)ien asseurer que M. de Saint-Ayt a esté icy, qui
m'a dict que l'argent qu'il conduysoit à la Myrandola y estoyt arrivé
à bon port et qu'il avoyt faict la monstre, comme j'espère bien que
aurez entendu de luy avant la réception de la présente, et pareillement
l'ordre qui a esté donné pour la provision et municion de ladicte
place. Dont ne m'estenderay à vous en dire aultre, sinon que nous
espérons avecques l'aide de Dieu et des bons serviteurs du roy et nos
amys qui sont icy, desquelz le principal vous pays asseurer estre le sei-
gneur Pietro Strocy, faire de sorte que à faullc d'argent et aultre
secours ne restera à se deffendre si elle estoyt assaillye. Et ne faillons
d'advertyr souvent ledict seigneur comte se tenyr tousjours bien sur
ses gardes, à quoy j'estime qu'il ne fault s'employer. Quant ad ce que
m'escripvez par voslre aultre lettre du xxvii" dudict moys touchant
l'affaire du seigneur chevallier Avérolde ', je vous diray comme plu-
sieurs foys en avons devisé le seigneur Vincentio Grimany et moy, et
avons advisé estre le meilleur qu'il déclarast à la Seigneurie ce que le
roy luy en avoyt dict de bouche aftin que l'on adjouslast plus de foy
aux lettres de S. M., et ainsi l'avions conclud. Depuys l'en ay sol-
licité et faict solliciter plusieurs foys par mon secrétaire, mais pour
aulcuns affaires qu'il a euz jusques à présent ne l'a encores faict. Je ne
fauldray, quant il sera de retour de devers l'empereur (où il est allé
audevant avecques troys aultres de cez Seigneurs), à luy en parler fort
afFectioniiément; vous asseurant bien, Monseigneur, que je n'ay
moindre affection de faire plaisyr audict seigneur chevalier Avérolde
que vous-mesmes, comme par effect le cognoistra toujours advenant
l'occasion en ce qui me sera possible. -Quant ad ce que m'escripvez en
chiffre par vostre dernière lettre du iiP de ce moys, nous en avons
communicqué ensemblement, monsieur le cappitaine Polin et moy,
auquel me remectz à vous dire ce que en est, ainsi qu'il m'a promys, et
aussi de sa négociation icy, bien que en aurez jà peu entendre quelque
chose par ce que vous a escript par cy-davant. Je croy que aurez bien
entendu le partement de l'empereur, et comme il estoyt arrivé à
Ispruch, admenant avecques luy ung des filz du roi des Romains, pour
ainsi que quelques ungs veullent dire luy bailler la duché de Millan,
affin de pencer faire entendre à cez Seigneurs qu'il veult tenyr sa prom-
messe en ce qu'il avoyt promys ne tenyr ladicte en sa main. Il doibt
1. Averoldi.
390 AMBASSADE DE AOUT 154 1]
arriviT ili'tiiain à Trt'iilo accompaigné de six aultivs mil qui lioibvenl
venyr apri-z, i-l tn»ys mil chevaulx qu'on faisoyl en cp pays là. Les
Kspagnolz se relinni Unis vers le niarqui/. duGuasl; sur quoy, encures
quesoys lr<>s bien asseuré que ne faille/, à vnus lenyr tousjours bien
sur voz gardes, ce néantin«>ings, nie faisant enlt/ndre ung bien grant et
bon serviteur du roy qui est en Alleniaigne debvoir advertyrS. M. que
l'on eust il bien fiivitailler les terres de Pyedmonl, et y lenyr dedans
gens fi-aulx. pour ce ijue l'empereur avoyt deslibéré y faire une entre-
prinse d'un cousté que r«)n n'estimeroyt jamais ne de quelle sorte, m'a
semblé vous en debvoir incontinent advertyr comme à celiuyà qui telle
chose t«»uche le plus. Et promet davanlaige ledict serviteur du roy
diuians peu de jours faire sçavoir de quelle sorte ledict empereur veult
faire ladicle enlreprinse et cculx qui consentent de faire perdre toutes
les terres de Pyéniont et la Myrandola. Jespère de brief que nous vous
ferons entendre plus au long de cest alfaire, et du succez de la négocia-
tion et parlement dudict seigneur Polin.... »
Vol. 2, f' 21 ( V, copie du Wi" siL-cie: 1 p. 3"i in-f".
l'ELLICIER .vu -COMTE DE LA MIRANDOLE.
257. — Veniseï, 10 août 1541. — « Havendo io informato il secre-
tario di V. S. circa tulle quelle cose, le quale da queste bande occoreva
sapere, come essa da lui potra nieglio intendere, et per efTetto conos-
cere, che non si mancha di far provisione a lulto quel'ch' è de bisogno,
per queslo non le diro altro, for che'l présente allalor è mons"" d'Ara-
mont il (jual mando à V. S. Accio sia présente alla rassegna délie fan-
tarie si debbeno fare le paghi, et slia cosli fin che si vcda quel che vol
far l'imperalnre, afliti che volendosi far allra génie ci sia présente, et
a pagar, et a far ugni allra cosa, de laquai besogni renderne conlo a la
corte a quel tali che a tal officio son sopra stanti, perche allramente
V. S. sa mnlio ben' che no ei saria admessa alcuna ragion ch'allcgas-
semo. H perche priegho sia contenta fargli buona acoglientia et com-
pagnia, et il simile à mons-" de la Molla', et suo nepote, che vengono
in com[)agnia del detto s°' d'Aramonl, priegandola sia contenta ove
occorrera la ocrasione, impor'loro quelli honesti carichi et imprese che
fssa giudicara essor eonvenienli allalor dignita et honor, si come mollo
meglio potra intender da messer Formiguet, al quale io scrivo più
al longho et piii parlicularmente di cio chaccade, che ragioni et con-
ferisca con V. S... »
Vol. 2, f' 2i;; V. copie du xvr sii'clc-: ?,'\ do p. in-f\
I. Le sieur (lApigny de la Mollie, gentilhomme breton, agent français établi à la
Mirandole.
[août 1o41] GUILLAUME PELLICIER 391
PELLICIER A FORMIGUET.
258. — [Venise], i 0 août 1 ô4 J . — ^^ Monsieur Formiguet, j'ay receu
vostre lettre du iif de ce moys et m'avez faict bien grand plaisyr de
me faire sçavoir si amplement de voz nouvelles et de vostre négocia-
tion. Sur quoy vous diray qu'il me semble n'estre jà besoing que y
soyez si curieux, comme d'aller faire le marché vous-mesmes des
bledz, et qu'il suftist bien que vous preniez garde seullement combien
couste le slare, et tenyr compte de la quantité que l'on vous en bail-
lera, et de l'argent que desbourserez; car au reste me semble qu'il
fault que l'affaire soyt conduyte par les gens de M. le comte de la
Myrandola, et à eulx est à faire le marché et trouver bledz, et que leur
laisserez faire pour complaire à ceulx dont m'escripvez estre si mua-
bles, et aussi que ce faisant serons plus deslivrô si on vouUoyt faire
aulcun reproche. Et vous prye vous en dépescher le plus tost que vous
pourrez, car je vous désire grandement auprez de moy pour vous
employer aux affaires du roy; et aussi que j'ay grandement besoing et
faulte de gens, pour ce que, comme avez peu entendre, La Roche a
esté mallade, et n'est encores retourné en telle santé que je le puysse
employer en aulcuns affaires dont je vous souhaite fort. Quant à la
despence de celluy de M. le comte qui est venu icy, vous pourrez dire,
s'il vous en parle plus, que vous n'avez encores esté adverty de ce que
en debviez faire, et que Ion n'est pas encores au fons du sac, et que la
somme ne peult pas estre si grande que on ne puysse bien attendre
que les plus grans affaires ne soyent parachevez. Je envoyé présente-
ment ung des gens du seigneur Strocy par delà avecques quatre mil
escuz, pour fournyr à la despence qu'il fauldra faire pour la levée des
gens de surcraiz, si besoing sera. Et pource que ledict seigneur Slrocy
désireroyt fort que sondict homme s'en retournast par deçà, m'avoyt
dict qu'il vous délivreroyt ledict argent; mais je foys grand doubte pour
vous et pour moy d'en vouUoir prendre la charge, car, qui n'auroyt lieu
bien seur pour le mettre et bien garder, ce seroyt une grosse fâcherye
que d'estre en telle peyne. Par quoy si veoyez n'avoir lieu bien seur, je
ne vous conseille point d'en prendre la charge, et pryerez ledict por-
teur de l'argent qu'il demeure là avecques vousjusques ad ce que nous
ayez advertys de la seurté que aurez de les garder. Hz sont en une bou-
gette de laquelle vous aurez une clef et luy une aultre. Si M. le comte
faict gens, ce ne pourroyt estre que pour bien peu de temps; et quant
il en lèveroyt bien deux cens pour ung moys, ce ne pourroyt estre à
troys escuz chascun que six cens escuz, mais à l'adventure qu il n'aura
que faire de les tenyr silonguement. J'ay parlé à son secrétaire qui a
esté icy, et baillé cent quarante escuz pour acheter du plomb pour
faire bouUetz d'artillerye, le pryant bien fort et recommander de ma
392 AMBASSADE DE [aoli 1d41]
pari fort afffclionnémcnt ii M. son inaislre les seigneurs Daramont et
de la Moite qui s'en vont présentement par delà, ad ce que son bon
plaisyr fusl les voullnir employer honneslement et selon leur qualité'
que r<mgnoissez très bien, et s.;avez la charge qu'ilz ont eue : dont ne
leur seroyt honneste de tenyr maintenant la place d'un souldard. l*ar
quoy encores de ma part vous en parlerez audict seigneur comte,
auiiuel j'en rscriptz ung pelyt mot seuUement, m'en remettant à vous
il luv en dire bien au long; et le pryerez fort allectionnément que
encores (ju'ilz soyent gens fort expérimentez à la guerre, et que telz
personnaiges luy soyent en singullière recommandation, d'aultant plus
pour l'amour de moy les veuille avoir pour recommandez et leur
donner Iflle charge, quilz congnoissent ma faveur envers luy leur
avoir beaulcoup servy. Au reste ilz vous diront de mes nouvelles, par
quoy ne vous en diray aultre sinon que de rechef je vous prye revenyr
le plus tost...
« Il fault que vous entendez que le secrétaire dudict seigneur
comte m'a promys vous rembourser des cent quarante escuz cy-dessus,
et sont comprins en la somme des quatre mil escuz.
« Depuys avoir faict la présente, nous avons prins aultre adviz
touchant M. Daramont; car j'escriptz à M. le comte que nous l'envoyons
par delà pour veoir faire la monstre et payer les gens qu'il fauldra
faire présentement à la Myrandola affin que la somme qui y sera
employée soyt allouée à la court, pour ce que aultrement il y auroyt
grande difficulté, ainsi que Son Excellence sçayt très bien. Et oultre
ledict seigneur Daramont a commission de demeurer là jusques ad ce
que l'on ayt veu ce que l'empereur aura à faire; et s'il esloyt besoing
de lever aultres gens pour la garde de ladicte ville, en faire ladicte
monstre et payement comme des premiers s'il sera besoing d'en faire
aulcuns. Dont je vous ay bien voullu advertyr, affin de le faire encores
entendre de bouche audict seigneur comte, oultre ce que je luy en
escriplz présentement. »
Vol. 2, fo 216, copie du xvi« siècle; 2 pp. in-fo.
l'ELLlCIEK A M. DE RODEZ '.
259. — [Venise]^ 13 août 1 541 . — « Monsieur, si de vostre cousté
I. . Hyer xiT d'aousl fut cscrijil par M. de Puylobier à M. de Villy, ainsi que est
escript en niynute que ne fust mise en ce registre. »
— M. de Puyloljier, gentilhomme provençal attaché à l'ambassade de Pelli-
cier à Venise. Il y était encore à l'automne de 1342. On trouve en 1388 un Mel-
chior de Puylobier, maître d'hôtel de la reine-mère, Catherine de Médicis
(B. N., ms. fr. 21072, Pii^cen originales).
M. de Villy : peut-être Claude I" Mole, seigneur de Villy-le-Maréchal, mort vers le
commencement de 1342. Il s'agit ici plus vraisemblablement de Claude Dodieu, et
il faut lire sans doute Velly.
«
|a0UT 1o41] GUILLAUME PELLICIER 393
les discours sont divers de ce que l'empereur aura à faire, ainsi que
m'escripvez par la vostre du vi'^ de ce présent, je vous puys bien asseurer
que icy n'y en a moings de varyables oppinions; et, comme je vous ay
tousjours escript sur ce propoz, les ungs estoyent d'adviz du voyaige
d'Algier, les aùltres d'Allexandrye d'Egiple, et les autres de nostre
cousté. Mais à présent est venue encores uneaultre nouvelle oppinion,
c'est qu'il est pour faire l'emprinse de Coiistantinople; et dict l'on que
des plus grans de ceste ville l'ont ainsi entendu de bien bon lieu et
n'en sont point trop incréduUcs. Quant est de moy, je croyroys plus
tost que les Impériaulx eussent getté ce bruyt pour chercher de divertyr
le Grant Seigneur de son entrcprinse, que pour voullenté qu'il eust
d'aller de ce cousté là, veule temps où nous sommes. Par les dernières
que j'en ay eues de messire Vincenzo Maggio du iiu« du passé, ne
m'escript aultre sinon qu'il se partyroyt le v^ de juillet pour aller
trouver ledict Grant Seigneur, qu'il espéroyt faire à Sophia, pour
aultant que l'on disoyt qu'il y sesjourneroyt six ou sept jours; et peut
estre que aprez avoir entendu la levée du camp du roi Ferdinando,
qu'il ne se hasteroyt point tant d'aller qu'il eust faict. Telle nouvelle
est venue icy du fondigue des Tudesques, et comme les gens dudict
roy Ferdinando se sont retirez en une petite montaigne auprez de
Pest ' d'où ne peulvent sortyr que par ung pont que les Turcqs gardent
si bien qu'ilz ne peulvent estre secouruz de victuailles, et fauldra à la
fin, s'ilz n'y veullent mouryr de fain, qu'ilz en sortent à leur très grant
danger et perte ^ Je croy que pourrez avoir entendu l'arrivée de l'em-
pereur à Trente le xe de ce moys, et comme il avoyt deslibéré y estre
deux jours aprez et le xiii'= s'en partyr pour venyr à Millau. Dieu voul-
sist que sa venue peult estre si heureuse pour les seigneurs César
Frégose et Rincon qu'elle feut en France pour tant de pouvres prison-
niers qui pour l'amour de luy feurent délivrez des prisons ^ El aulcuns
1. Pesth.
2. L'ambassadeur anglais Howard écrivait à Henri VHI, de Lyon, le 24 septembre :
<■ Hère is come newes lateiy to tlie Cowrte of assurety that the Turke is arryved
at Buda, and hath gyven a grete overthrowe to the Kinge of Romayns army, and
hath burnyd the brydgis that were upon the ryver of Dannubio, and those that
escapyd, that were abowt Buda, reytyred Ihem to a plase callid Pesta, upon tiio-
ther syde of the ryver, and yet were constrayned to rendre themselfes to tho
discressyon oflhe Turke •• [States papers of Henry VIII, vol. YIII, p. G08).
3. '< Depuis que ledict seigneur Empereur fust entré à Baionne, le Roy luy bailla
puissance de conférer toulz offices vacantz pour lors en son royaulmc; et aussi
des béneflces, comme abbayes et aullres estans en la présentacion du Roy, avec
puissance de délivrer tous les prisonniers, et leur donner grâce et rémission de tous
crismes et délictz, excepté de lèze majesté: suivant lequel povoir, par toutes les
villes où il passa, depuis Baionne jusques en Flandres, il bailla rémission à tous les
prisonniers et les feist mettre hors des prisons, où plusieurs criminels chargez de
grans et énormes crimes furent délivrez; et mesmes à Paris, ouqucl lieu il en sortit
des prisons en grand nombre, tant de la Conciergerie du Palais, de Chastellet, de
Four TEvesque, de l'Officialité que aultrcs prisons dudict Paris » {Cronique du roy
Françoys premier, publ. par G. GuilTrey, p. 31').
ay» AMBASSADE DE AOIT Ij41]
estiment à bonne augure (jue le marquis du Guast ayt confessé à la
liu avoir entendu (jue If marquis de Musq et Cé/ar de Naples ' les
avoyenl prins; mais de moy j'estime plus tosl que c'est auprez avoir
sceu d'eux tout ci* qu'il/, vouiloyent, pour en poncer faire leur proflict
parmy le monde; or je prye Nostre Seigneur donner ausdict/ seigneurs
Cézar et Ilincon lionne yssue. Le seigneur cappilaine l*olin est ancores
en cesie ville, attendant nouvelles de France avant son partement,
bien ([ne la gallère que cez Seigneurs luy ont concédée pour le porter
où luy plaira soyt icy il y a deux ou troys jours à l'attendre. Je n'ay
failly inconlinanl advertyr M. le comte de la Myrandola de ce que
m'avez escript et y donner telle provision de gens et d'argent, que à
faulle de ce la place ne aura danger... »
Vol. -2, f -217, copie du XVF siècle; I p. in-f°.
PELLICIER A COSTANZA RANGONA FREGOSA.
260. — Venise, / 7 août 1 51 1 . — « Tllustrissima e Excellentissima
Signora, insieme con la lettera di V. 111™» et Ex™» S"» per il suo
mandalo ho ricevulo il plico indirizzatole dal R'"'^ et III'"^ Car'*' Trivul-
tio *, del che la ringralio infinilamente, et perche in esse lettere si
conlengono nuove molto buone, et tali che son certissimo piaceranno
più a V. S. che a tuti gli altri huomini del mondo, ne la ho voluto far
participe, lequai son che rEx"'°mons'" di Langie ha in suo poder un di
quel tali che si ritrovarono a commeter il delilto, cioè à pigliar lo
111™° et Ex"° suo consorte et signor Rincon ; et spera di doverne haver
anchora degli altri, et io me confido cosi nel suo buon giudicio che
S. S"'' non si inganarà in cosa alcuna, il che sarà come una cerlezza
délia certezza con la quai chiaramente si potra conoscere se l'imperatore
vorria esser simile a i ministri suoi, come quel che di sua man pro-
pria ha scritto di S. M'-"", che se potrà intender questa presura essere
stala fatta con consentimento d'alcun de suoi, ei vuol esser tenuto per
il più tristo principe del mondo se egli non fa incontanente restituir li
dclti signori et se non ne fa sopra i delinquenti punition exemplaria.
Hora non possiamo sperar senon buon successo, se già l'imperatore
per suo proprio testimonio non vorrà esser tenuto per tal quai egli si
1. Cesare Maggi, capitaine napolitain au service de l'empereur. On le retrouvera
plus loin.
2. Afroslino Triviilzi, second fils de Giovanni Triviilzi, sénateur de Milan, et d'An-
gela .Martincnpo; frire de l'archevêque de Raguse et du gouverneur du Lyonnais.
AI)1m' de Froidinonl en France et caniérier de Jules II, il avait été créé cardinal
en 1317 par Léon X. Successivement administrateur de l'archevêché de Reggio (1520-
1526), êvêque de Bobbio (1522-1524), de Toulon (152i-loi8) et de Baveux (lo3M548),
il fut envoyé par Paul III comme légat auprès de François l^r. et mourut à Rome
le 30 mars 1548.
AOUT lo4I^ GUILLAUME PELLICIER 39'J
exhibisce, poi che evidentissime et irrefragabili prove gli sarà fatlo
conslar clii de suoi minislii liabbia commesso et essequito il maie. Il
per clio V. S. [sia] di securo animo, che spero anchora, che in brève
vederemo liberati i sudelti signori...
« Di Veni'lia. »
Vol. 2, f'^ 217 yo, copie du xvi« siècle ; 1/2 p. in-f '.
PELLICIER A M. D'aRAMON '.
261. — [Venise], 18 août 1 54 1 . — « Monsieur, je receuz hier vostre
lettre par votre lacqiiaiz, lequel ay retenu icy pour vous le remander
avecques une aultre dépesche quand l'occasion s'y adonnera, trouvant
la commodité de ce présent porteur que le seigneur Pietro Strocy a
envoyé présentement par delà; j'ay receu aussi celle que m'avez escript
de Ferrare : dont de tout vous remercye bien fort, et vous prye conti-
nuer de me donner adviz de ce qui surviendra ordinairement par delà.
Je ne trouve point maulvaiz la levée des gens que a faicte ]&. le comte ^ ;
car c'est beaucoup le meilleur de se tenyr sur ses gardes, que d'attendre
que tout en ung coup on fust surprins, voullant espargner pour puys
aprez faire grosse despence et se mettre en danger de ne povoir remé-
dier à ce que l'on auroyt laissé trop en arrière. Il estime que la des-
pence qu'il faudra faire pour cesle heure en la souldc des quatre cens
hommes ne pourra monter plus de .xii ou xiii cens escuz; car j'entendz
que des cinq cens hommes ledict seigneur comte prend les cent que le
roy luy avoyt ordonnez, dont n'en avons sur noz comptes que quatre
cens. Des au) très cens ilz ont esté faictz par commandement et ordon-
nance de S. M., ainsi que m'a escript ledict seigneur comte avoir charge
de ce faire, advenant qu'il en fust de besoing, comme je croy qu'il a
faict, et qu'il n'eust point voullu faire telle despence, s'il n'eust congneu
y avoir nécessité, ainsi que j'espère qu'il fera sçavoir au roy. Et m'avez
faict bien grant plaisyr de le faire entendre à M. le mareschal d'Hanne-
bault; vous avez tant bien faict jusques icy que je ne vous sçauroys
dire aultre, sinon vous pryer continuer jusques au bout. Et ay esté bien
aise d'entendre que M. de la Motte et son nepveu soyent demeurez
constans; lesquelz trouveront en la présente, s'ilz la veoyent, mes
affectionnées recommandations, et que je prye ledict seigneur de la
Motte prendre ce petyt mot en responce de la sienne. Au demeurant,
je vous pryerai ayder le plus que pourrez à Formiguet qu'il se puysse
dépescher pour s'en venyr, car je le désire fort icy. Des nouvelles de
l'empereur je ne vous en diray point, car en pourrez entendre aullant
1. « Escript cedict jour à M. le comte de Li Myrandola. »
2. Le comte de la Mirandole.
396 AMBASSADE DE '^AOl'T lo4l]
ou plus là OÙ VOUS estes que nous ne faisons icy, pour ce (ju'il s'en
aprocliera de plus pre/.; par quoy feray lin à la présente aprez vous
avoir tlicl que M. le caijpitaine Polin s'en part ce jourdliuy pour con-
tinuer son voyai^'e, qur je pryc Nostre-Seigneur luy doriiior iieureux
cl prospère... »
Vol. 2, T' JIT V". copie du wi" sièclf ; 1 p. in-l".
l'ELLIClER A KORMIGIET.
t
262. — '^['enise], J 8 août 1 541 . — <( Monsieur Formiguet, j'ay veu
par vostre lettre les raisons pourquoy l'on mect ainsi à la longue vostre
commission; pour avoir à quoy obvier doresnavanl il me semble que
debvez solliciter le plus fort que pourrez M. le comte de faire employtte
des bledz; mi bien, s'il vous remelloyt et n'esloyt d'adviz la faire pour
ccste heure, le y persuadez le plus qu'il vous sera possible, allégant
que pourra eslrc que les bledz aprez le parlement de l'empereur
seront à meilleur marché qu'ilz ne sont à présent, attendu encore que
cez Seigneurs ont eu une traicte du Grant Seigneur d'en faire tirer de
cez pays tant qu'ilz vouldronl : et jà pour ce faire ont dépesché plu-
sieurs navires. Dont, puys que la Myrandola en est si bien pourveue
que mondict seigneur le comte dict, et qu'il y a maintenant si grant
difficulté, vous luy pourriez dire que pour cez raisons ne seroyt que bon
de faire deux achaplz en divers temps. Et s'il le trouve bon, rapportez
l'argent pour l'achever de y employer quant besoing sera; car il faut
que vous en rendiez compte. Sinon, en quelque façon que ce soyt,
dépeschez vous le plus tost que pourrez de vous en venyr. Je luy en
escriptz, le pryant bien fort vous vouUoir dépescher; ce néantmoings,
si voyez qu'il vueille continuer ledict achapt et qu'il ne voulsist attendre
à ung aultre temps, demeurez encores là pour quelques jours, et faictes
du niieulx que pourrez. Car nous le solliciterons tant de foys de vous
laisser venyr que enfin il y consentira; mais ne fault qu'il s'attende
que vous laissez là les escuz desquelz m'avez escript en avoir quelque
quantité de légiers. Vous adviserez si le seigneur Francesco de Pazzi '
les vouldroyf changer, et luy direz que le seigneur Corboly ^ les a
baillez; sinon rapportez-les, et nous les luy rendrons, si d'adventure
avant que cela soyt nous n'avons obtenu dudict seigneur Corboly que
icelluy Francesco les vous face bons. Et cependant je vous prye nous
faire sçavoir le plus souvent que vous pourrez des nouvelles de là où
vous estes bien au long...
1. Francesco «la Fazzi, lieutenant de Pielro Slrozzi, chargé du paiement des gens
de ^'lierre.
■2. .Viilrc agent (le P. t^lroz/.i.
[août i:-}4l] GUILLAUME PELLICIER 397
« Je ne veulx oblyer à faire mes affeclionnées recommandations à
messer Francesco da Pazzi. »
Vol. 2, f" 218, copie du xvi° siècle; 1 p. in-f".
PELLICIER ET LE CAPITAINE POLIN AU ROI *.
263. — [Venise], 'l 8 août 1041 . — « Sire, par les lettres du v de
ce moys V. M. aura peu veoir l'exposition que avons faietc à cez
Seigneurs, suyvant la charge et commission qu'il vous a pieu nous
donner, de la négotiacion que avons faicte avecques eulx jusques au-
dict jour.... Vous dirons comme depuys très instamment les avons
sollicitez puysque leur bon plaisyr avoyt esté nous concéder une gallère,
ainsi que vous avons escript, qu'il leur pleust la faire aprocher plus
prez ([ue Histrye, attendu que les plus grans dangers estoyent de passer
jusque là : chose, Sire, que nous ont libérallement accordé, l'ayant
faicte admener jusques auprez de ceste ville. Et pour ce. Sire, que
aulcuns de voz grans et affectionnez serviteurs qui sont icy ont esté
d'adviz que avant mon partement je leur proposasse et misse avant la
déclaration que a faict faire le Grant Seigneur à leur ambassadeur
Badouare, de laquelle avez envoyé un double à moy de Montpellier,
moy, cappitaine Polin, leur déclairant de rechef la grande voulenté et
désir que aviez de leur faire plaisyr en toutes choses, affin que si le
Grant Seigneur venoyt à m'en demander, m'aviez commandé sçavoir
d'eulx ce que je luy en debvroys respondre pour selon cela m'y gou-
verner, pour aultant que V. M. ne désiroyt sinon entretenyr lamytié
qu'ilz avoyent avecques le Grant Seigneur, congnoissant très bien le
bien et repoz qu'ilz en povoyent recepvoir; et affin qu'ilz peussent
congnoistre la sincérité et intégrité d'icelle estre telle que ne diriez
jamais chose que n'en voulsissiez encores monstrer davantaige par
effect, leur réplicqué aussi que là où ilz vouldroyent vous rechercher
d'entrer en une plus estroicte confédération et amytié secrette ou aultre-
ment avecques vous, que y entendriez et l'auriez très agréable; et s'il
leur sembloyt en parler audict seigneur de Montpellier, ainsi que
leur avoys dict dernièrement, il y feroyt responce. Leur remonstrant
très bien que si voz forces et les leurs estoyent joinctes ensemble,
seroyent non seullement pour asseurer leurs affaires, mais entreprendre
pour illustrer et augmenter leur républicque : les exhortans le plus
modestement et efficacement qu'il nous esloyt possible d'entrer en
bonne et estroicte ligue avec V. M. Et que le plus tost seroyt le
meilleur, attendu que le Grant Seigneur les en pryoit, ainsi qu'ilz
i. « Geste lettre fut mise au mesmes pacquet de la suyvante, du \xii de ce
movs. »
:{98 AMBASSAPK DE AOIT 1541
povoyent avoir cnlcnclu, comme je croyois que le semblable avoyl-il
laid à V. M., t-ombien qu'il n'iMi liisl aulcun bcsoing pour vous
aiïeclionuer davaiilaige mvers eulx, veu la naturelle inclinalion que
avez tousjours eue à leur estai. Sur quoy, Sire, avons trouvé eslre
le meilleur de ne les presser ne recherciier aultrement de nous y faire
respnnct", ains les laisser faire ce que bon leur sembkroyl pour veoir
si d'eulx-mcsines viendroyent à nous la faire; mais les allant remercyer
de leur gallère qu'il/, avoyenl faict venyr et prendre congé d'eulx,
n'ont faict aulcun semblant d'en avoir jamais oy parler. Et si n'ay faiiiy
de recbef de leur faire très bien entendre la bonne voullenté que leur
avez tousjours portée, et s'ilz me vouUoycnt rien commander où j'alloys,
<[ue je ne fauldroys m'y employer comme pour voz allaires propres,
ayant tel coniinandcmentdc V. M. .\quoy ne m'ont faict aultre responce,
sin(»n ^énéralb; et à l'accoustumée, qii'ilz ne fauldronl en tout ce qu'ilz
pourront vous agréer et complaire, sans nous loucher aultrement
d'aulcune particularité : chose que aulcuns estiment à bon augure,
allégant une reigle de droict que dict : Qui se taist se consent. L'on
verra avecques le temps ce qu'ilz en vouldront faire, et moy de Mont-
pellier ne fauldray à les entretenyr tousjours en l'afTection qu'ilz vous
portent, en les y attirant davantaige s'il me sera possible '. »
Vol. 2, f"' 218 \°, copie du xvi'^ siècle; 1 p. 1/2 in-f".
l'ELLICIER AU MÊME -.
264. — [\'cnise], 22 août 1 54 1 . — « Sire, j'estime bien que V. M,
pourra avoir entendu le passaige de l'empereur par Ispruch. Depuys le
X'' de ce moys est arrivé à Trente, où sesjourna troys jours attendant
ses lansquenetz et aultres gens qui, pour les grand journées qu'il
avoyt faictes, ne l'avoyent peu suyvre. Et le commun bruyct est icy
que il veult aller en Algier, et certes l'on est adverty qu'il a dict aux
ambassadeurs de cez Seigneurs avoir le moyen de le prendre ; ce
néanlmoings, quant il ne pourroyt ce faire, que à tout le moings
endommageroyl-il beaucoup les choses des Infidelles. Et par le bruyct
de son armée s'attendoyt bien de divertyrle voyaige du Grant Seigneur
en Ilongrye ; aux affaires de laquelle avoyt donné tel ordre qu'il n'avoyt
pencement, quant toutes les forces dudict Grant Seigneur y seroyent,
qu'ilz y feissent rien. Et que jusques à présent les gens que y avoyt
mandez icelluy Grant Seigneur n'estoyent que canailles telles que le
siège de Bude n'estoyt pour se lever pour eulx ; toutesfoiz qu'il ne
1. • Eïicript le xx' d'aousl à M. de Rlioilez, ainsi qu'est conlcnii en ung mémoire
ijui est avcc(jiies les mynules. »
2. " Ccsle dépesche fui mandée en dilligence jusques à Tiiurin par messer Jo.
Baplisia Corso. •
[août 1o41] GUILLAUME PELLICIER 399
laisseroyt encores de y mander pour renforcer le camp du roy Ferdi-
nando troys mil Italiens soubz la charge du marquis de Mus, quelque
bruict que Ton gelte d'Algier. Le pape, discourant de son voyaigc
avecques lambassadeur de cez Seigneurs prez de Sa Sainctelé, s'est
arresté qu'il estoyt plus tost pour couryr sur vos terres et marynes
de Lenguedoc, et nommément d'Aigues-Mortes que aultre part. Dont
à présent ceulx qui icy ont plus à cueur les aCfaires de V. M., — ayant
esté descouvert le traicté du cappitaine de Suysse et aultres en Pied-
mont, et entendu que le pape qui monstroyt avoir paour de l'empereur
et qui pour ccsle cause faisoyt grant nombre de gens, pour ainsi que
on est adverty en avoir mandé une bonne partye à Noverre ', et luy,
qui faisoyt semblant se refTuscr tant l'entreveue et aboucqucment
avecques ledict empereur, quant est venu le point et temps s'esUint
rendu plus facille pour aller si loing comme Lucques et en pays et
povoyr d'aultruy, — se doublent et estiment que l'ung et l'aultre,
ayant intelligence par ensemble, ont faict gelter ce jjruict d'Algier,
pour pencer couvrir cesdictes entreprinses si d'aventure il ne povoyt
venyr à bout d'icelles ou d'aultres que il seroyt pour tenter; carde
celle d'Algier on estime que s'il tardera guères plus, qu'il en sera
bientost excluz. Et ne faict hors de propoz une lettre que ay receue de
vostre serviteur d'AUemaigne qui admoneste debvoir adverlyr incon-
tinant que l'on doibve envitailler et munyr très bien les terres de
Pyémont,«et tenyr dedans gens loyaulx et fidelles, pour ce que l'empe-
reur avoyt deslibéré de faire une emprinse contre V. M., que, comme
il dict, l'on ne pourroyt jamais pencer de quel cousté ne en quelle
sorte ne manière : de quoy n'ay failly soubdainement advertyr M. de
Langey. Je vous envoyé la coppye de ladicte lettre, par laquelle
V. M. pourra plus au long veoir combien ledict personnaige est vostre
atlectionné serviteur; mais que celluy qui yra par devers luy pour
entendre encores plus au long de bouche les choses qu'il ne veult
mettre en danger d'estre descouvertes en les escripvant, soyt de retour,
je ne fauldray incontinant à vous dépescheren toute dilligence homme
exprès pour le vous faire scavoir, s'ilz requièrent telle dilligence. Je
vous ose bien asseurer, Sire, que je l'ay tousjours trouvé aultaut seur
et véritable en ses advertissemens que nul aultre de deçà que vous
servent en telz affaires. Je vous envoyé aussi une aultre lettre d'ung
vostre affectionné serviteur de Millan, par laquelle pourrez veoir
quelque provision qui se font de barcques, ponlz et eschelles, je ne
sçay entendre à quelz fins. J'ay mandé aussi ung double de ladicte
lettre à M. le maréchal d'Hannebault qui pourra à l'adventure mieulx
entendre où telle chose se pourroyt dresser.
« Sire, le seigneur Pietro Strocy, cherchant tousjours tous les moyens
1. Novara, place forte du Piémont, à 80 kilom. de Turin.
400 AMBASSADE DE AOUT lii41j
dont il se piull adviser de faire chose qui soyl au service et {grandeur de
V. M., avttyl avoctjues M. le prieur son frère • conimunicciué au seigneur
cajjpitaine l'olin et à nioy (luelque cnlrcprinso de l»ien fort grande
inipiirlance et ccjmniodilL'; la(|ui*lle ce nt-antnioings pour n'estre les
cheniyns maintenant trop scurs pour mander lettres et pacquetz à la
court, et qu'il ne vonldroyt pour rien du monde que tel afïaire fust
di'scouvert, avoyent advisé vous debvoir advertyr seullement que s'il
plaira à V. M., iiu'il se transporte par devers vous pour le vous faire
entendre avecques aultres choses que, en luy commandant, ne fauldra
incontinant à ce faire. Dont nous supplyoïis V. M. nous faire entendre
sa voullenté si hon hiy semble; et suivant ce que ay escript à V. M.,
(jue le comle île la Myrandola m'avoyt envoyé ungde ses genlilzhommes
avecques M. de Sainctaye, pour madvertyr que venant l'empereur en
Ylallye luy seroyl Lesoing pour la conservation de sa place d'avoir
plus granl nombre de gens, et que pour ce faire n'avoyt argent prest;
et oultrc que, comme luy avoyt certiflyé ledicl seigneur de Sainctaye,
les chemyns de Tliurin à la Myrandola n'estoyent seurs pour en faire
vcnyr de là, et qu'il sçavoyt bien ledict seigneur de Langey n'avoir
argent pour cest efTect, dont estoyl contrainct se retirer vers moy
pour luy en fournyr, m'ayant encores depuis envoyé icy son secrétaire
piiur m'en solliciter de rechef, me remonstrant les dangiers et causes
pour lesquelles à meilleur droict il auroyt occasion de pourveoir à son
affaire, pour ladicte venue de l'empereur, attendu que le pape et cez
Seigneurs qui ne se debvroyent doubler dudict empereur comme luy,
pour l'amytié, ligue et parenté que Sa Saincteté a avec icelluy, ne lais-
sant à se pourveoir et tenyr sur leurs gardes. Par quoy d'aultant plus
luy estant tenu grandement contraire et rebelle dudict empereur, et,
considérant en oultre la confyance qu'il povoyt avoir aux ministres
dudict empereur par le tour qu'ilz ont faict aux seigneurs Cézar
Frégose et Rincon, se debvoyt tenyr sur les siennes. A ceste cause
me pryoit le plus tost luy envoyer argent, affm d'entretenyr tousjours
les souldardz qui sont en ses terres et autour, qu'ilz ne prinssent
aulti-e parly. Dont, ensuyvant la promesse dudict seigneur Strocy, l'ay
pryé en vouUoir fournyr quelque bonne somme ; ce qu'il a très libé-
rallomciit et promptement accordé, eldepuys desboursé, pour faire par
l'adviz dudict seigneur cappitaine Polin, six mil escuz, et mandé à la
Myrandola, en compagnye du commissaire et contrerolleur que y avons
ordonnez, son lieutenant messer Francesco de Pazzy, pour faire le
payement. Lesquelz estant arrivez là, le xiii*' de ce moys, ont trouvé
1. Par loltres données à Funlainelileau. le 28 décembre îoil, des provisions de
l'élalde capitaine de dix galères furent accordées en faveur de Leone Slrozzi, prieur
de Capoue, commandeur de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, à la charge de
prêter serment au gouverneur de Provence {Cal. des actes de François /", t. VI,
Suppl., p. G 18, n" 22, 281).
[aOIT 1541] GUILLAUME PELLICIER ,^^^^
que le seigneur comte avoyt desjà déposché l.uicl cappilain..s les sont
ayant soixante hommes chascun, et le luiitiesme cent quarLnle m.i
sont en tout 500; lesquelz, pour les advertissemens que ledict seigneur
comte leur monstra, et que desjà il avoyt la fauterye faicte m ont
escnt avoir esté esmeuz faire le payement desdictz. Bien est vray Sire
que ledict seigneur comte m'avoyt faict entendre que venant 'ledict
empereur en Itallye , fust-il tant paisiblement et amyablement que
Ion vouldroyt, luy aviez ordonné de faire cent hommes davantai-e
pour la garde de ladicle place. Or, pour avoir esté adverty d'\lle-
maigne, Millan, Rome et d'ung serviteur de l'empereur qui est bien
pour sçavoir telles si secrettes et importantes choses, que l'empereur
s ofirant la commodité, n'estoyt pour mettre en arrière l'entreprinse de
la Myrandola; et que, pour ce faire, il avoyt faict demander à M le
duc de Ferrare soixante pièces d'arlillerye, tant canons que aultres
avec la municion apartenante pour faire la batterve de ladicte place'
1 invitant ad ce pour luy promettre la luy infeuder s'il la povov't
prendre. M. le cappitaine Polin et moy avons trouvé nécessaire et expé-
dyantestre faicte ceste despence dont vous plaira, Sire, commander
quil soyt ordonné estre remboursée ladicte somme, le plus tosl que
faire se pourra, à sire Françoys Biny, agent desdictz seigneurs Stroey à
Lyon, aiïin que les proffictz et intérestz ne courent davantaige et qu'il/
ayent tousjours meilleur moyen de faire service à V. M -à quoy je
les veoys tant dévotz et alfectionnez qu'il n'est possible de plus.
« Sire, j'ay esté adverty en oullre que l'empereur a dict aux quatre
ambassadeurs que cez Seigneurs ont envoyez au devant de luy, comme
vous ay escript, en la présence de plusieurs aultres ambassadeurs et
grans personnaiges, qu'il n'avoyt jamais donné charge à ses ministres
de prendre les seigneurs Cézar Frégose et Rincon; et asseurovt ce par
son serment et que ses gens n'eussent osé faire chose de telle impor-
tance et conséquence sans son sceu et congé. Dont faillovt que ce
eussent esté quelques assassins et malvueillans desditz seigneurs, et
que le marquiz du Guast s'en esloyt très bien purgé et excusé de so'rte
que en estiez demeuré contant et satisfaict de luy, et que la chose estoyt
paciffiée, congnoissant très bien V. M. qu'il y avoyt procédé et procé-
doyt justement pour faire entendre la vérité et ignoscence du cas.
« Sire, l'ambassadeur de l'empereur qui est icy, incontinant aprez
avoir entendu que son maistre fût arrivé à Trente, y alla en toute dil-
iigence, et après avoir consulté cinq ou six heures avecques ledict
empereur, le marquis et Granvelle, fut dépesché soubdainement pour
s'en revenyr vers cez Seigneurs avecques lettres de créances; mais
pensons sçavoir pour vray qu'il ne leur ayt nullement exposé aulcune
particularité, sinon de la grant amytié, bonne vouUenté et atfection
que ledict empereur porte à ceste républicque, ainsv que par effect
congnoistroycnt avecques le temps, et des bons offices qu'il avoyt
Vemse. — 1540-1 oi2. 26
402 AMIIASSADE DE [aOUT loilj
faicl/. «'iivers reiiipcn'ur pour oiilx, mesmcrncnl dn (iinV'ranl de la
jurisaiclion d'A.iuilléo, dont vous ay cscripl aultresfoiz; ayant aussy
prochassé la r.'slilucion de ([uolques marchandises qui avoyent esté
prinscs avecques un.- nef api)artenanle à mossire Jehan l)oli)lun, gen-
tilhomme de cesle ville, par les g'^ns dudict empereur'. Kl dcpuys.
Sire, est relournê encore une aultre foiz en colliége, disant à cez Sei-
gneurs qu'il avoyl receu (."lires de l'empereur luy mandant qu'il eust
à l'aller trouver îi Millau, et qui! voulloyt entendre de luy des choses
d'AfFrirque, d'aultant que ledicl empereur sçavoyt qu il en esloyt pra-
ticien; et quant il plairoyt à l'empereur il seroyt pour faire le voyaige,
pour îafTection qu'il a de luy obéyr en toutes choses. Ce néanlmoings
que seroyt contant qu'il le iaissast auprez d'eulx, leur pryant mettre
sur leurs terres pour aller à Millan dix ou douze ehevaulx pour chas-
cune poste; et combien, Sire, qu'il ayt pencé par là faire à croyre qu'il
y va pour cest allaire, ce néanlmoings cez Seigneurs et chascun se
doublent bien que ce soyt pour quelque aultre chose; si ne sçayt l'on
conjecturer quelle elle soyt.
Sire, j'ay receu ung pacquet de messire Vincenzo Mnggio ouquel,
pour le seigneur Rincon ne pour moy n'avoyt chose de grant impor-
tance, escripvant seuUement par ses lettres du premier jour de juillet
se debvoir partyr de Péra le v^ pour aller trouver le Grant Seigneur,
qu'il espéroyt faire à Sophia, d'aultant qu'il debvoyl sesjourner six
jours en Andrinopoly, et qu'il avoyt entendu que les janissaires qui
estoyent avecques Soliman Bassan qui s'en alloyt contre le Sophy s'es-
loyent mutinez contre les esclaves dudict Basâan, pour aulcunes injures
qu'ilz leur avoyent dictes, de sorte que quelques ungs s'estoyent tuez
entre eulx : à cause de quoy ledict Bassan avoyt faict tailler la teste à
plusieurs des chefz desdictz esclaves. Et oullre escrii.t qu'il avoyt aussi
entendu que le Grant Seigneur conduysoit Lolphi Bassan ainsi privé
qu'il esloyt, et que aulcuns disoyent qu'il seroyt réintégré. Et par un
post scripla en chilVre du iiii'^ dudict moys escripl que ledict jour estoyt
espandu ung bruict en Constantinople que Bude estoyt prins du roy
Ferdinando, et qu'il doubloyt fort que le Grant Seigneur s'accorderoyt
avecques l'empereur, pour avoir commodité de s'asseurer du cousté
du Sophi; disant ledict messire Vincenzo qu'il ne fauldroyt y faire son
debvoir, car sçavoyt que Lnschi feroyt tout son povoir de le pour-
chasser, mesmemenl estant fuye la reyne de Hongrye avecques son
lilz ainsi que l'on disoyt en Transilvania et qu'elle estoyt desjà avec-
ques le roy de Polongne : mais tout cecy, Sire, n'asseure estre véri-
table, ce néanlmoings n'ay vouUu obmeltre à vous l'escripre.
1 (.iovanni Delfin, armateur vonilien. Un Ciovanni Delfino fui ambassadeur de
Venise en France, du 25 septembre 1584 au 25 janvier 1588 (V. Baschet, Archives
<le Venise, pp. 342 et C14).
[AOUT 1541] GUILLAUME PELLICIER ^q3
« Sire, aprez achevé la présente, ay receu ung aullro pacquet de
messire Vincenzo Maggio, du premier de ce moys, escript à Niso'
ouquel ay trouve une lettre pour V. M., que luy envoyé présentement'
Et ne mescript chose d'aulcune importance, m'advertissant seulle-
ment avoir receu mes lettres par lesquelles luy donnoys adviz de la
prinse des seigneurs Cézar Frégoseet Ilincon, et qu'il "espéroyt estre
dedans huict jours à la Porte. J'estime que par celle qu'il vous escript
n'aura rien obmys de ce qui est requis et digne de vous faire sçavoir.
« Sire, je viens d'cslre adverty tout à ceste heure que aulcun des
principaulx de ceste ville ont eu advertissemens de MiUan que les
Impériaulx avoyent très bien deslibéré donner sur la Mvrandola s'ilz
l'eussent trouvée despourveue; mais que, la voyant si bien équippée
s'en sont déportez pour ceste ibys, se attendans bien que après que
l'empereur sera party d'itallye, n'ayant plus aulcun souspeçon, l'on
fera retirer les gens qui y ont esté faictz, ne sera si bien munye qu'elle
est : dont alors lesdictz Impériaulx pourront mieulx faire leur entre-
prinse. De quoy, Sire, vous ay bien vouUu advertyr, afRn que s'il vous
sembloyt avoir lieu de y faire fondement, vous plaise ordonner de ce
que l'on aura à faire. »
Vol. 2, fo 219 v», copie du xvF siècle; o pp. h\-[\
.PELLICIEn A M. d'anNEBAULT.
265. — [Venisel 22 août 1541. — « Monseigneur, pour avoir
entendu par celle qu'il vous a pieu m'escripre vostre arrivée en Pyed-
mont et de son bon estât, qui m'a esté aultant à plaisyr que nulle
aultre chose que eusse sceu avoir, m'a semblé vous faire la présente
pour m'en congratuler et continuer à vous advertyr de tout ce que je
puys apprendre, comme celluy qui est grandement obligé à faire
chose qu'il cognoistra vous estre agréable; vousremercyant bien hum-
blement de l'ordre qu'il vous a pieu donner avant vostre partement de
la court sur mon remboursement des mises extraordinaires que j'ay
faictes icy. Mais pour ceste heure, pour la presse que j'ay et habon-
dance d'affaires, vous escripray seullement sommairement ce que plus
semble povoir toucher de vostre cousté, me remectant au reste aux
lettres du roy que pourrez veoir; lesquelles vous plaira ordonner à
M. vostre secrétaire faire fermer quant les aurez leues... »
Pellicier donne ensuite à d'Annebault des nouvelles des subsides
avancés par Pierre Strozzi pour les renforts de troupes destinés à la
Mirandole, et lui fait part des projets des Impériaux contre cette place.
•1. Nisch ou xMssa, ville de Serbie, à 185 kiloin. de Semendria, sur la Nissava,
afiluent de la Morava.
4(U AMiJASSAbE DE AOUT 154j]
«« ... Monseigneur, vous verrez aussi i)ar quelques douilles de lettres
d'aulcuns bons ser\ileurs île S. M., les traictez et menées de ceulx qui
ne lasrlient j»ar (juchiue moyen que ce soyl ii venyr à chef de leurs
attentes, et mesmement en Piedmonl : de quoy ay adverty M. de
Langey. Voslro Excellence sçaura trop mieulx comprendre à quelles
tins se font ce/, barciiues, ponlz et esclielles contenues en une des-
dictes eoppyes (jue ne seauroys pencer. Dont ne m'estanderay à luy en
dire aullrc, seullement vous supplieray mander lesdictes eoppyes au
roy, et me n)aiii<'l<'nyr tousjours en voslro bonne grAce... »
Vol. 2, 1" -'22. copie du .\vi«" siècle; i p. 1/2 in-f^
l'ELLICIKU AU CARDINAL DE TOURNON.
266. — []'cuisc],22aoûf 1 541 . — « Monseigneur, estant bien asseuré
que verrez tout ce que j'escriptz présentement au roy, ne vous seroyt
(jue chose superflue de vous en faire aulcune répélicion, mais vous
diray que aprez avoir esté Tcmpereur à Trente troys jours aprez son
arrivée, qui fut le x' de ce moys, pour attendre ses lansquenetz et
aultres gens qui venoyent aprez pour ne l'avoir peu suyvre à cause des
grans journées qu'il avoyt faictes, se partyt de là le xiii« pour conti-
nuer son chemyn en Ilallye; et, ainsi que l'on entend icy, sa cour
estoyt fort petite et peu en ordre, et n'eust esté quelque compagnye
de gentil/.hommes italliens qui furent.au davant de luy avecqucs le
marquis du Guast, qui estoyeut fort bien montez et tous dorez, il eust
esté mal acompaigné, Autjuel marquis l'on dict qu'il feit le plus grant
recueil que l'on veit jamais et ne vouUut soullryr que parlant à
luy fust descouvert; et aprez avoir tenuz propoz ensemble quelque
espace de temps, s'arreslèrent en se regardant l'ung l'aultre en soubz-
riant : ce que l'on veult estimer avoir esté faict pour quelque bon tour
et stratagème que ledict marquiz pourroyt avoir faict, que l'on ne
pourroyt mieulx interpréter que la prinse des seigneurs Cézar Frégose
et Rincon, et de la deshontée et impudente négation du cas. Si est-ce
que l'on entend de plusieurs endroictz qu'ilz sont à Crémonne, mes-
mement par ung cirurgien qui s'est laissé entendre avoir esté dedans
le chasteau pour i)enser et curer le seigneur Camille* des férides* et
coups qu'il avoyt euz à ladicte prinse; et disoyt de plus qu'il avoyt
senty quelque vent que de là à huict jours l'on debvoyt bailler la ques-
tion au seigneur César Frégose. Aultres disent que aprez avoir sceu
deulx ce que l'on en pourra avoir, que on les fera mener à Yschia^
iiisle et lieu grandement fort dedans la mer prez de Naples xx ou
\. Camillo, comte de Cesse.
2. De l'italien ferila, blessure; espagnol ferida, auj. herida.
3. Ischia.
[août Ibil] GUILLAUME PELLiriKR 40a
XXV mille, affin que ilz soyent mys en obly par decii el que l'on ne
sçaiche qu'ilz sont devenu/,. Or, je prye Nosire-Seigneur que leur soyt
en aide et protection. Je croy que aurez peu veoir, par ce que j'ay
escript au roy, comme cez Seigneurs ont envoyé quatre ambassadeurs
vers l'empereur, qui le sont allez trouver à. ung pont qu'ilz ont faicl
faire sur l'Adèze pour son passaige; ausquelz pareillement a faictgrant
accueil et demonstracion de bénivolence à ceste républicque, disant
qu'il luy sembloyt proprement estre en son pays tant seurement et
sans aulcun esmoy qu'il passoyt avecques telle compagnye qu'ilz
povoyent veoir : et à la vérité elle ne povoyt estre plus de trente
chevaulx à la mode de son passaige de France. Et ainsi l'ont conduict
jusques à ... * et de là a prins son chemyn à Millan, passant par Cré-
monne où debvoyt estre à disner le xiii" de ce moys, comme je suys
adverty par ung de mes gens qui y est; et, comme verrez par quelques
doubles de lettres que je envoyé au roy, ledict empereur donne à
entendre qu'il veult empatronnyr ung des filz du roy Ferdinando de la
duché de Millan, pour donner la pasture à cez Seigneurs et aultres
potentatz d'Itallye. J'ay veu aussi lettres de Gennes, par lesquelles
semble que le peuple d'icelle et des environs est grandement esmeu
pour les daces- et impos que l'on a faict sur les bledz de Sicille, et
semble qu'ilz soyent pour dcvenyr plus enclins à la part du roy, pour
avoir quelque secours de bledz de Prouvence à trop meilleur marché
et commodité pour estre plus près et plus libre de prysoultre la bonté
du grain, qui est sans comparaison meilleur que celluy de Sicille. Et en
icelle lettre se disoyt aussy que ledict peuple et plusieurs des princi-
paulx se démonstroyent grandement desplaisans de la prinse du sei-
gneur Cézar Frégose. J'avoys envoyé ung de mes gens à la court de
l'empereur à son arrivée en Itallye, et pençoys povoir mieulx négotier
par la présence de M. de Vueilly; mais j'ay esté adverty qu'il s'en
estoyt jà départy quelque temps avoyt. Si n'ay-je laissé à entendre ce
que a esté faict par eulx, qui en somme, comme j'escriplz au roy,
n'est rien.
« Monseigneur, j'ay receu lettres du seigneur chevallier Marsillio de
Boulongne ^, du xvii° de ce moys, m'advertissant comme le xim*' estoyt
arrivé en sa maison le seigneur Camillo Collonna*, avecques commis-
sion de l'empereur de lever deux mil hommes de pied, et que depuis,
1. Le mot est resté en blanc dans le texte.
2. Taxes.
3. Sans doute le même que ce Rinaldo Marsigli, capitaine bolonais, qu'on verra
plus loin olTrir ses services à la France. Les Marsigli, famille patricienne de
Bologne, qui a produit plusieurs hommes célèbres.
Damiano Marsigli, que nous rencontrerons également bientôt, était capitaine de
chevaux légers pour le marquis del Vasto, et tenait donc le parti de l'empereur.
4. Camillo Colonna, l'un des principaux capitaines italiens au service de (Charles
Quint.
♦0(1 AMriASSADn DE AOIT 1541
esliinant ledicl oinpcrpiir »|iil' h'sdicles gens fussent faictz el que l'on y
en deusl IrouMT davanlaigc, luy avoyl augmenté sadicle commission
d"aultres deux mil; mais «jue jusques audict jour n'en avoyt encores
trouvé ung tout seul, et (jue j)ersonne ne voulloyt toucher argent; et
pareillement à Ferrare ledict empereur avoyt aussy envoyé pour cest
effecl, ce néantmoings, (jue n'y estant M. le due pour eslre allé au
davant dudict empereur, ses (tl'liciers n'avoyenl voullu permettre que
personne s y accordasl sans son congé; ce que luy fut demandé à son
retour. A. quoy Ceisl responce que il veoyoit le pape, les Véniciens et
le comte de la .Myrandola qui faisoyent gens, et ne sçavoyt Toccasion
pourquoy. Dont luy sembloyl, estant au meillieu d'eulx, n'estre le deb-
voir de desgarnyr ne jtermeltre que ses subgectz et gens de guerre
s'absentent du pays pour le temps où nous sommes : chose qui faicl
présumer que les cinq cens hommes que l'on a levez à la Myrandola,
comme verrez aux lettres de S. M., est cause que ledict empereur
n'aura eu si grant faveur de povoir trouver souldard en la Romaigne,
Bouhtngne et ailleurs, comme il eust faict, espéraus que l'on y en deust
faire davantaige, aimans mieulxestre à la soulde du roy que d'aultre '.
Par quoy, (juant lesdictes gens de la Myrandola n'auroyent servy
d'aultre que pour empcscher telle chose, et aussi que à l'aventure si
l'on n'eust veu qu'on y eust donné bonne provision, l'on se feust peu
mettre en son debvoir de la tenter. La despence qui y a esté faicte
pour cest effect ne sera mal employée; laquelle, comme vous ay
escript, a esté desboursée par le seigneur Pietro Strocy jusques à la
somme de six mil escuz que je vous supplye, Monseigneur, faire rem-
bourser au seigneur Françoys Biny, son agent à Lyon, avecques les
intérestz acoustumez, affin qu'il ayt à l'advenyr meilleur moyen et
occasion de continuer à faire service à S. M. : à quoy nonobstant je le
trouve tant dévot qu'il n'est possible de plus.
<( Monseigneur, aulcun des bons serviteurs du roy qui sont icy fai-
sans plusieurs discours sur le retour de l'ambassadeur de l'empereur
vers luy, veu qu'il y avoyt jà esté une foiz et qu'il avoyt eu bon plaisyr
de communicquer toutes choses; ce néanmoings après avoir esté icy de
retour et parlé avecques cez Seigneurs de chose, ad ce que l'on peult
entendre, dé nulle importance, sont demeurez en quelque double et
suspeçon que, ayant trouvé encores icy le cappitaine Polin qui est
1. La venue de l'empereur, avec ce grand appareil de force armée, inspirait aux
pelils Étals italiens une vive inquiétude dont nous trouvons l"écho dans les dépêches
anglaises du temps.
- AH the «eigneours and Prince-; of Itally, heringe of th'Emprours commynge
willi such an arniy, causyd tiicir «uhjectes to be in arreydines for tlieir surcty,
wherof Ih'Emprnur gretly mervelyd, and fownd yt verray straunge, askyng tliem
the cause of llieyr so doinge. There answer \vas such lu Hyni, that He was weli
quyetid and content " (t^tute iKipcrt of Henry VJII, vol. VllI, p. C07; dépêche de
Howard à son maître, de Lyon le 24 septembre 1541).
[août 1541^ GUILLAUME PELLICIER 407
party ce jourd'huy du port de cesle ville pour coutinuer son voyaige,
ne sçaiche quelque inachinacion pour rempeschei- aussi bien que Ton
a faict les aullres, et ([ue pour cesle cause il se l'ust absenté de ceste
ville, aflin que s'il entrevenoyt quelque chose audict seigneur cappi-
taine, que Dieu ne vueille! icelluy ambassadeur peust estre excusable
de n'y avoir tenu la main, pour ne s'estre trouvé icy du temps de son
parlement, lequel a esté tant long que Ton crainct beaulcoup qu'il ne
luy soyt pour porter quelque préjudice. Et sembloyt bien adviz à plu-
sieurs desdictz serviteurs du roy que s'il eust esté possible de se partyr
assez plus tost sans à ung besoing attendre sa dépesche de la court,
comme il a faict, n'eust pas esté maulvais, et pour asseurer sa personne
qui est la plus chairchée. De moy, s'il eust esté en aultre maison que
en la mienne je l'en eusse sollicité davanlaige, bien que pour le debvoir
et obligation que je doibz au service du roy luy en ay tenu propoz
assez souvant; mais je ne osoys l'en presser davantaige, craignant
qu'il ne luy semblast m'cnuyer qu'il fust en mon logeis, lequel certes
est aultant sien que mien, et de tous les bons serviteurs du roy. Or, je
prye Nostre-Seigneur que de tout ce que je dictz n'advienne aulcune
occasion qu'il en soyt jamais parlé, comme j'espère; toutesfoiz si n'ay-
je vouUu obmectre à vous en toucher ce petit mot. »
Vol. 2, fo 222 v°, copie du xvi« siècle; 3 pp. in-f-^.
PELLICIER A M. DE LANGEY.
267. — [Venise], 22 août i 54 1 . — « Monsieur,... j'ay tant faict
aprez cez Seigneurs qu'ilz ont concédé la traicte des armes de Bresse *
dont m'avez escript, mais je ne veoy personne qui les sollicite, et ne
sçay à qui m'en adresser. Toutesfois et quantes qu'ilz vouldront venyr
vers moy, je leur feray dépescher les lettres.... »
Vol. 2, f 224, copie du xvi*^ siècle; 1/2 p. in-f°.
l'ELLlCIER A LA l)i:CIIES.SE DE FERRARE "^ .
268. — [Vemse]j 22 août j 541 . — « Madame, encores que vous aye
1. Brescia.
'< Escript ccdict jour à M. de Ponlz et à M. de Chambrun. »
— Antoine de Pons, comte de Marennes, baron de MirabeaU; premier gentilhomme
oe la chambre du duc de Fcrrare, né le 2 février lolO, mort en 1586. Placé comme
enfant d'honneur auprès de François I", il suivit Lautrec à l'expédition de Naples
en 132S, et tomba entre les mains des Espagnols lors de. la prise d'Aversa. Nommé
chevalier d'honneur de Renée de France, il accompagna cette princesse à Ferrare
et diMiioura près de quatorze ans en Italie, employé dans diverses alTaires ]iolili(iues.
L'influence de sa femme, Anne de Parthenay, l'avait attiré dans le parti calviniste
où il persista jusqu'à ce que son second mariage, contracté en IboG avec Marie de
.Mnnlchenu, l'eût ramené dans le giron de l'Église et rejeté dans l'intolérance
contraire.
-M. de Chambrun, de la maison de Pineton en Gévaudan.
408 AMBASSADE DE ^AOLT 154l]
importuné laiil ilt- fni/ \h>uv l'allairi' de M. lo l)ailly d'Orléans, ce* néant-
nioings mayanl rscripl de ri-chef el envoyé plusieurs lettres par
honnne oxprez pour vous faire tcnyr, les ay bien voullu aconiiiaj^ner
de la présente, bien quelle soyt de i)etite eflicace auprès des aultres.
Kt par ieelle voussupplye de nouveau, tant qu'il m'est possible, suyvanl
ee qu'il vous pleut nie mander dernièrement par mon secrétaire que je
vousavoys envoyi-, tant pour ceste all'aire que pour aultre, que vostre
bon plaisyr soyt y voulloir donner une bonne lin; car je vous asseure,
Madame, que, oultre la perpétuelle obligation (jue luy et moy vous en
aurons, ne ferez pas peu de plaisyr à plusieurs aultres grans person-
naiges. El pour ce que le présent porteur que je envoyé vers vous pour
cesl effect, avecques celluy «jue ledict seigneur bailly m'a envoyé, vous
dira amplement des nouvelles de deçà et de la court de l'empereur
pour y avoir esté, m'en remetlray à luy, vous supplyant le croire de
ce qu'il vous en dira de ma part... »
Vol. 2, f" 22i- v», copie du xvi<" siècle; 1/2 p. in-f».
l'ELLICIEH A M. DE RODEZ.
269. — \'enise^ 22 août J ô4 1 . — « Monsieur, par la vosLre du
xxr de ce moys j'ay entendu l'advertissement que me donnez des
choses qui pourroyPntadvenyr sur la Myrandola; à quoy long temps a,
pour n'avoir eu moindre suspeçon, n'avons failly y donner le meilleur
ordre que avons peu adviser. Et ne faulx journellement dadvertyr
M. le comte de se tenyr tousjours bien sur ses gardes, et mesmement
ayant entendu de nouveau qu'il s'estoyt dict en la chambre de monsei-
gneur le Uévérendissime cardinal Farnèze ' par gens dignes de foy que
l'empereur avoyt commys à domp Francesco, frère de monseigneur le
duc de l'errare *, l'entreprinse de destruyre ladicte place, pour quoy
faire avoyt ordonné cinquante canons, et que de Mantoueet de Ferrare
luy seroyt donné municions, de sorte que, qui vouldroyt croyre les
Impériaulx, sembleroyt à les oyr parler qu'ilz la deubsent mander en
fumée tout en ung jour. Toutesfoiz j'ay bien espérance que il y sera si
bien pourveu ([u'ilz seront bien loing de venyr à elfect de leurs inten-
cions. Je vous ay mandé par les miennes dernières ce peu de nouvelles
1. Alessandro Farnese, fils aine de Pietro-Aloysio Farnese, né à Rome le 7 oclo-
lire 1520. mort lo 2 m.ir:* l.-iSO. Créé cardinal à quatorze ans (18 décembre 1534)
par le pape son aïeul, il cninula justjuà sept evécliés. Évètjue de Parme (io34-153oj.
archevêque d'.Vvignon (lo3tJ-i55i). évêque de Monreale (1536-1573), de Sabine (1564-
1565) de Tusculum (1565-1578), de Porto (1578-1580), dOstie (15S0-1589), il fut employé
par Paul III dans diverses léj:ations, tant en France qu'en Allemagne et dans les
Pays-Bas, et chercha vainement à concilier lesinlérôts de François 1" et de Charles-
Quint.
2. Francesco «lEsIe, marquis de Massa, frère d'Ercole II, duc de Ferrare, mort
le 28 février I57S. Il fut capitaine général de la cavalerie de Charles-Quint.
[SEPTEMBUE 1541^ GUILLAUME PELLICIER 409
que j'avoys entendues de Levant; depuys n'en ay eu aulcune, mais-
bien de Bude comme le camp du roy Ferdinande s'esloyt retiré en
grant désordre, pour y estre arrivez cent cinquante mil chevaulx lurcqs;
n'y estant encores arrivée la personne du Grant Seigneur, mais qu'elle
faisoyt toute dilligence de y aller avecques ung très grant nombre de
gens; et que le ruy des Rommains avoyt bien peu d'ordre de faire les
vingt mil hommes de pied qu'il debvoyt faire. Eu confirmation de
laquelle nouvelle j'ay encores lettres d'aullre endroict, du x.v" de ce
moys, comme les ïurcqs avoyent chassez de devant Bude ceul\ dudict
camp dudict roy Ferdinando, et taillez en pièces la plus grant parlye de
l'exercite. Des nouvelles de l'empereur ne vous en diray aultres sinon
que j'ay esté adverty que les six mil lansquenet/ qu'il faict venyr sont
la plus part nouvelles gens non exercitez à la guerre, et que les bons
souldars, entendans que on les voulloyt embarquer pour Allegier, ne
sont voullu venyr, se recordans encores du cas advenu à leur nation au
voyaige de ïhunis, pareillement que à Boullongue, Ferrare, et aultres
pars où ledict empereur avoyt envoyé cappitaines pour lever gens, ne
s'en sont trouvez que bien peu qui soyeut de compte. Et a esté escript
de Ferrare en ceste ville que ledict empereur avoyt mandé ledict sei-
geur duc de Ferrare l'aller trouver à Millan, combien que, passant par
icy auprez, fût allé au davant de luy : (jui faict aulcunement poncer que
ce ne soyl pour l'alTaire de la Myrandola.... »
Vol. 2. f'' 224 v°, copio du .wi" siècle; 1 j). iii-r°.
PELLICIER AU COMTE UE LA MIRANDOLE.
270. — [Venise], 1 " sepfonbre 1.541 . — « lllustrissimo et Excellen-
tissimo Signor mio, havendo io molto ben conosciuto, siper le buone
relationi de Y. Ill™''' 8'"'=^, come per altro, la gran sufticienlia di nions"".
Daramont, présente apportator, m'è paruto esser à bastantia mandarlo
senza altra compagnia per comessario à far la monslra, nel ch'essendt)
egli molto esperimentato, mi rimelto totalmenle à lui, et supplico
V. Ill">a S'"* sia contenta in tutto quel'ch'ei le referirà prestarli quella
fede, et credentia, che prestaria alla persona mia propria... »
Vol. 2, f'^ 223, copie du xvi« siècle; 1/2 p. in-f».
PELLICIER AU ROI l.
271. — [Venise], 6 septembre 1541. — « Sire, par les dernières
1. -■ Geste dépesche fut mandée e.Kpresséinent en dilTigence jusquos à la court
par la Roche qui passa, à cause des dangereulx clicmyns entre cy et Tliurin, par
la voye des Grisons. Et fut escript cedict jour à monseigneur le Révérendissime [car-
dinal] de Tournon. au seigneur Jehan Jacques de Question, à M. de Bois-RigauU, à M. le
410 AMUASSAKE DE SEPTEMUUE lo41j
lettres communes du seigneur cappilaine Polin et de moy, du xviir du
passé, V. M. aura entendu tout le progrez et succez de ce que avons
faicl avecqucs cez Seigneurs avant son partcmenlde ceslc ville, qui fut
le XVIII' du passé. Kl pour ce que depuys ne s'en est entendu aultres
nouvelles, ne vous en puys rien dire dadvantaige. El ])ar l'aultre
mii'une du xvii" dudicl nioys V. M. aura aussi esté inlornire de toutes
nouvelles de (It.à, et de l'ordre et provision que avions donné, ledict
seigneur cappilaine Polin et moy, à la Myrandola, à la grant instance
du seigneur comte de ladicte Myrandola, et aussi congnoissans estre
très nécessaire, pour éviter les dangiers que l'on avoyt de plusieurs
cousiez qu'elle esloyt îi ce passaige de l'empereur. Dont, si n'y avons
procédé selon que V. M. avoyt désaigné, ainsi que j'ay veu par celle que
luy a pieu m'escripre du xvi" dudict inoys passé, pour l'avoir receue
trop tard, qui lut le xxviii'^ dudicl inoys, je la supplye qu'il luy plaise
m'en avoir pour excusé; car ce que je en avoys faicl estoyt suyvant les
instructions qui m'en avoyent estécs données auparavant, et selon
vostre commandement, qui estoyt d'employer les six mil escuz en
acliaplz de bledz. Par quoy le voullant observer et mettre à exécution,
comme je désire faire en toutes aultres chosïis, et n'eslanl adverty de
vostre postérieure voullenlé, nous avoyt semblé, attendu ce que dessus,
debvoir prendre aultre argent pour faire le payement des gens de pied
qu'il a fallu faire, comme aurez peu veoir par lesdicles miennes der-
nières. Mais, Sire, l'argent qui reste des six mil escuz pourra aussi
bien servyr à faire le payement des gens de cheval ausquelz escheut le
quartier au commencement de ce moys, qui est une chose ordinaire
qu'il eust peu faire à payer lesdictz gens de pied. De quoy M. le
mareschal d'Annebault a escript au seigneur Pietro Strocy et à moy
pour fouriiyr ledict payement, et aultres choses que congnoistrions
ladicte Myrandola avoir de besoing; à quoy ne ferons aulcune faulte.
11 est bien vray, Sire, que ledict seigneur comte demandoyt le rem-
boursement de certaine despence qu'il a faicte en municions et cour-
sellelz; mais de cela je ne m'en suys voullu empescher que première-
liailly d'Orléans, au sire Laurcns Charles, et à M. l'official et aultres particulliers. »
Jean-Jacques de Caslion {Castione, Castillan, Queslio7i, Caslione), gentilhomme
italien, originaire du Milanais, passé au service de la France. Chevalier, conseiller
<lu roi et gentilhomme ordinaire de la chambre, il fut chargé d'une première mis-
tion, secrète, en Italie, en août 1526 (B. N., ms. Clairaml)aull 121", f" 64 v"), puis
nommé ambassadeur auprès des Ligues grises, poste qu'il occupa, presque sans
interruption, de i."iHi> à l;Jo3. Il recevait du roi une pension annuelle de 300 livres,
qui fut portée à oOO un peu plus lard. 11 obtint des lettres de naturalilé, données
i\ Mauny, en août lotO (Archiv. nal., JJ. 254, n"444, f" 80). H épousa à Coire, en 1541,
Hilaria de Ueithnau, et fil construire dans les Grisons le château de Haldenslein, qui
subsiste encore, et dont il avait la seigneurie. 11 était également possesseur de la
terre de Ponthillaut en France. Kn 15i4, il fut chargé de mission à Fribourg, et
mourut, d'après les Rccez fédéraux (L'Ji'J-lo.io, p. "8i">), au commencement de 1553.
Jean de Monstiers, seigneur du Frai^sse, lui succéda dans son ambassade.
— L'official de Montpellier. On le retrouvera nlenlionné plus loin.
[septembre 1541] Guillaume tellicier 411
nient V. M. ne m'en eust commandé son bon plaisyr, ce qu'il vous
plaira faire si bcsoing est pour eslre acomply, et m'advertyr d'où et
par quy Ton aura à fournyr ledict argent. L'on ne cesse encore tous les
jours de discouryr que certainement les Impériaulx feront l'emprinse
sur ladicte Myrandola et, comme j'ay esté adverly, et veu par lettre de
bien bon lieu, et d'homme digne de foy, que Ton avoyt tenu propoz, en
la chambre de monseigneur le cardinal Farnèze, ([ue l'empereur avoyt
commis à domp Francesco, frère de monseigneur le duc de Ferrare,
ladicte entreprinse de razer du tout icelle place, et que pour ce faire
avoyent en ordre cinquante canons et que de Mantoue et Ferrare luy
seroyent données municions, chose qui n'est point trop mal confirmée
à une lettre d'ung vostre serviteur d'Allemaigne que je vous mande
présentement toute escripte en chiffre; et semble bien adviz ausdictz
Impériaulx, comme ilz se sçavent très bien vanter, qu'ilz la doibvent
incontinant mettre en fumée. Toustesfoiz, par la grâce de Dieu, Ton y
a donné et donnera l'on si bon ordre qu'ilz se trouveront bien loing de,
comme j'espère, venyr à effect de leur entreprinse.
« Sire, tant pour l'importance et dangier que porte ladicte lettre
d'Allemaigne que aussi pour en avoir receu ce jourd'huy une aultre de
messire Vincenzo Maggio, m'a semblé vous debvoir dépescher expres-
sément le présent porteur, pour vous faire entendre le tout en la meil-
leure dilligence et plus seurement que j'ay peu adviser, ce que avoys
deslibéré faire par la voye accoustumée de Thurin, aflin que je pousse
advertyrplus tost M. d'Annebault du contenu en ladicte lettre d'Alle-
maigne, pour y pourveoir, comme chose concernant plus sa charge; et
de faict m'en estoys tout résolu, maisdepuys, Sire, sur le poinct que le
voulloys dépescher, j'ay esté adverty que les chemyns estoyent très
dangereulx et du tout rompuz, et que l'empereur avoyt faict détenyr
M. de Taiz : qui m'a donné encore à pencer dadvantaige, de sorte que
j'ay changé d'adviz. Et luy ay faict prendre le chemyn de Suyssc, luy
ayant donné charge, aprez estre arrivé à Couerre \ donner ordre avec-
ques le seigneur Jehan-Jacques de Question, vostre ambassadeur, d'en
advertyr mondict seigneur le marcschal d'Annebault en toute dilligence
pour se tenyr de bonne heure sur ses gardes. Et de mon cousté je ne
fauldray aussi de le luy cscripre par aultre voye, le plus tost et seure-
ment que je pourray. Et cependant n'ay voullu obmettre à vous dire
que cez Seigneurs ont eu lettres de leur ambassadeur escriptes à
Neustat * le xxv° du passé, par lesquelles sont advertiz que s'estant
mutinez ceulx du camp du roy Ferdinando, pour n'estre paiez, furent
pour prendre l'artillerye; laquelle chose entendue par les Turcqs, don-
1. Coire, chef-lieu du Lauion des Grisons et résidence de lanibassadeur français,
Jean-Jacques de Caslion.
2. Neustadt, ou Nagy-Banya, ville de Hongrie.
-H 2 AMUASSADE DE SEPTKMUnE i:i4l
nèreiil lassaull avec(jues ceulx do Ihidf audict cainp qui esloyl de
environ xx mil porsonnos, lesqui'I/. linallcnienl furent rompu/, et des-
Iruii'l/, avecques 1res grande occision de chrestiens et prinse de plu-
sieurs, ol la reste se misl en fuytle, ayant perdu laditle urlillerye. Et
davantaige que lesdicU Turc([S avoyenl prins Pesl, et <[ue la personne
du (iranl Seigneur avecques Iroys cens pièces de grosse arlillerye
n'estoyt pas Itting de Uude. Et croyt-on là qu'il yroyl de long jusques à
Vienne, d'où la royne des Romains s'esloyt parlye pour venyr à Lincz.
Et par ung serviteur de M. de Transilvania j'ay esté adverty que le
général de l'exercite de Ferdinando, nommé Rogondolphe, ayant esté
griefvcment blecé d'une arcjuebuse, s'est saulvé avecques troys ou
quatre mil de ses gt'iis '. Et davanlaige m'a dict que Vienne est si très
despourveue d'arlillerye et aultres municions, pour avoir employé le
tout au siège de Bude, avecques quelque peste qui y est, et la despéra-
lion que y pourra enlrevenyr pour la désolation de la retraicte dudict
rny Ferdinando et de toute sa maison audict Lincz, que si le Grant Sei-
gneur poursuyt sa victoyre chauldement, elle est pour se rendre à luy
à quelques conditions toUérables. De laquelle defTaicte dudict camp
j'avoys esté adverty par homme exprez, comme vous ay mandé; mais,
pour estre personne parlicuUière, ne la bailloys en telle certitude que
à présent qu'elle est certaine de toutes pars à ung chascun. Laquelle
rompture pourra estre cause que les xv mil hommes de la Val de Thirol
contenuz en ladvertissemenl de l'amy d'AUemaigne seront pour estre
contrainctz se tourner à aultres affaires que de Piémont, comme estoyent
leurs desaings.
« Sire, ledict messire Vincenzo m"a escript que ayant entendu par le
secrétaire du seigneur Rincon que à sa prinse les chiffres le furent aussi,
par (juoy en avoyt faict ung alphabet daultre sorte que celluy acous-
tumé entre ledict seigneur Rincon et luy; lequel m'a faict tenyr pour
vous mander, ce que je fays présentement avecques l'aultre ancien
pour deschiffrer sadicte lettre, si d'adventure V. M. ne l'avoyt, mais
que doresnavant fauldra user du nouveau pource qu'il s'en servira. Et
pource. Sire, que comme verrez par l'advertissement d'AUemaigne,
que vostre serviteur donne créance à celluy qui fut vers luy de dire
encores quelque chose davantaige que ce qui y est contenu, et que le
personnaige est demeuré mallade à Luna, que a esté cause qu'il n'eust
sceu venyr jusques icy pour me le déclairer, j'ay donné charge au pré-
sent porteur de passer par sa maison pour entendre de luy le surplus
pour le faire sçavoir à V. M., me confyant en luy pour l'avoir dès son
eage nourry et relevé * aveques moy, et cognoistre ses parents, gen-
1. Rof.'gen<lorr, blessé grièvement, dut abandonner précipilanimenl son camp
situé au pied du mont Gerhard, près de Bude, el alla mourir dans l'ile de Schûtt,
sur lé Danube, des suites de ses blessures.
2. Élevé.
[septembre la4l] GUILLAUME TELLICIER 413
lilzhoinmes tous gens de bien, et voz féaulx et dévotz subgectz et ser-
viteurs. Dont, Sire, il vous plaira le croyre de ce qu'il vous en dira et
d aultres choses de ma part comme moy-mesmes, et le faire dépesclier
le plus tost que faire se pourra, ailin qu'il nous puisse ayder à vous
faire quelque autre service.
« Sire, par aullres lettres dudict ambassadeur de cez Seigneurs,
dudict xxvii^ dudict moys passé, est confirmé que sur cesle desconfilte
et ruyne Pest a esté prins par les Turcqs à Timproviste, et que tout ci>.
pays là et d'Austrie est tant dessus dessoubz, que c'est la plus granl
pitié du monde. »
Vol. 2, f" 225 V", copie du xvi'= siècle; 3 pp. 1/1- iu-f".
l'ELLICIER A M. DANNEUAULT.
272. — [Venise], 6 septembre fô4l. — Mêmes nouvelles que dans
la lettre au roi de ce jour.
Vol. 2, f» 227, copie du xvi'' siècle; 1/2 p. in-fo.
PELLICIER A VINCENZO MAGGIO.
273. — [Venise], il septembre iô4l. — « Magnifico Signor,
insieme con la lettera che Y. S. mi ha ultimamentc mandata de i
XVIII" del passato, ho ricevuto la sua, et quella di mons'"di Transilvania
con la ziflara, le quali incontanente et pcr uno mioa posta insieme con
la ziffara vechia ho mandalo a S. M'-^ acciô che non havendo possa
legger la vostra, et scrittole, che ritenga questa ultima, et oltra di ciô
ho veduto quanto ella riii avisa. Hora in risposta io diro che la rin-
gratio infinitamentc, prima délie fattiche, et délia dilligentia che ha
usato, et che usa ogni giorno in far servitio al re nostro patrone; del
che io son certo che venendo la occasion' ne sarà reconosciuta, come
veramente ha meritato et mérita. Di poi me le rendo obligato délia
buona memoria, che dimonstra in effetto conservar di me nella lettera
che mando à S. M'». Dico circa gli avertimenti, che io gli diedi per
récupération di nostri signori prigioneri, nella quai cosa ho veduto
quanto Tanimo suo è buono et candido, et oltre a ciù diligente in
scriver minutamente qualunquc cosa è occorsa da coteste bande, si
nel abbocamento che V. S. ha fatto con cotesti signori bassani, come
in ciaschaduna altra particularità. Quanto aile nuove di qua habbiamo,
che rimperator e'I papa agli otto del présente, che sarà doman l'altro,
si debbono ritrovar ad abbocarsi insieme in Lucca. Alla quai cosa S. S'»
secondo il solito facilmente s'é lasciata indurre, ne ha fatto tropo de
resistentia, il che per la savia accortezza et prudentia di V. S. son
certo, che per se stessa meglio il saprà discorrere et considerar à che
;|4 AMBASSADE DE [SEI'TEMDIIE 154l]
lin porlenga, clie io scriverc, sapendo ella mollo bone quali siano slali
gli ahhocamenli, clu> lianiio falto por ladiolro, et quali efÎL'lti ne siano
rcuscili. I.aqual penso io davanli noi liabbia inleso, et ancora più
parliciilarmenic la grande sconlilla, an/.i ruina di Fordinando, cosa
da mv già ha inolld Icnipi) previsla cl giudicala, si ronie quel che
vedi'nd(» il proreder di l'crdinando essor taie, che si tirava cvidenle-
Mienle adosso quesla estrema ruina. Io non poleva altro giudicare, non
più di quelchc ho fatto essendo dd voslro parer, che Ferdinando
hahbia dato cagione et diane ogni di al Gran Signore d'impalronirsi
del reamt' de l'ngaria, et di farlo dovcnlar come un mal tutor délia
rohha de pupilli, poi che havoluto et vol procéder più oltre, che a quel
che se gli conviene in occupar l'allrui, onde si puô conoscer di quanlo
maie è cagion questa ciica et inconsiderata ambition, che Dio volesse
che non si fusse mai indirrizato Tanimo a tal impresa, la quale gran
pericolo debba arrecar non solamente a gli autori per una volta infiniti
danni, ma universalmente et scmpremai à tutta la christianità.
« Ho vedulo il sensato discorso, et fatto molto a proposito, et con
molta prudenlia da quel s°''bassan circa il mal animo di che voi sapete
et macliinamenti, che ei fa ogni giorno contra al re nostro signore. Et
hora sianio avertiti d'ogni banda, che ha dcliberato d'assaltarlo ail'
improvista et tutlo in un tratto da ogni parte del rcame ; al quai impeto,
essendone S. M'-'' advertita molto bene, non si e mancato et non si manca
ogni giorno far tutti i provedimenti e ripari che sia possibile, li quali
siano bastanli non solamente à difîender se stessi, ma à olTender ancora
l'enemico quando si verra à tal effetto, Per che ha mandato mons'. Del-
phin'in Linguadoca. mons'". d'Orléans nella Provenza, il re di Navarra
nella Guienna, mons^ di Vandomo in Picardia, et mons'". d'Annebault
in Piemonte. Hora io lasso pensar à Y. S. se convien à S. M'" esser
continuamente svegliata per ributar in dietro, et resistere à tanta rabia
furiosa et à tanta furia talmente che'l Gran Signor si bavera da con-
tentar, se per hora il re nostro signor non fa altro, che reparar agli
inconvenienti che potessero intravenir, nel clic ei fa tanto, quanto se
assaltasse l'inimico suo virtuosamente, si come al tempo et alla occa-
sion non mancherà di fare.
« Intra tanto farà star chi gli contrastarà in su Io spendere, et in sur
consumarsi le for/.e et i dinari, onde habbia da indebolirsi si fatta-
menle, che sia poi facil cosa aribalterlo, del che il signor capitan
Polin più parlicularmente ne è informato, come V. S. meglio da lui
potrà intendcre.
« Del signor Cezare et del signor Rincon non sapiamo ne se son vivi
ne se son morli, perche Timperator essendo stato in Milano non ne ha
scrilto, ne fatto parola ad alcuno, anzi sempre ha negato di saper ove ei
si siano, et per chi si siani stati presi, et S. M"'' ne ha quell'estremo doler,
che si debbe pigliar di dui servitori tanto chari, ma per la mala condi-
[SEPTEMBIIE 1541] GUILLAUME PELLICIER 415
cion di tempi, non ne puô far altra demonstralione. Ben è vero cho
havendole scritto limperator che monsf"" di Valeuza, suo /io, prigio-
niero per tal cagion in Francia, non merittava d'essor mal Iraltalo,
corne quel che non cra mai stato ne cagion ne consapevole alla callura
deprefali signori, lo ha fatto evar donde era, et messolo nella forlez/.a
di Loches, loco mollo più slrotlo che'l primo '.
« Se il signor capilan PoUin sarà arrivalo costà, come io islimo, quesla
sarà commune ad ambidui, i-imettendomi ad scriverli uu' altra voltapiii
parlicularmente; intrà tanto V. S. sarà contenta dirgli che mons''^ arci-
vescovo di Ragusa, per quel che gli fu scritto quando si gionse a Vene-
lia, havea provisto da venti cavalli per cavalcar, et dieci da soma, et
che in fino a quel giorno haveva già speso da diciotto in venti scudi.
Hora io penso che detto signor capitan non habhia manchato di scriver-
gli, non esscndoli accaduto passare per Ragusa.
« Per questa grande sconfitta, anzi ruina de la gente de Ferdinando,
questi Signori sono rimasi tanto sbigotiti et attoniti, per essere molto
apresso de gli confini loro, che molti servitori di S. M'^ sono d'avisi che
si al présente erano ricercati del Gran Signor de far ligua con S. M''.,
et che S. Al'" mandasse un suo messo qua adesso, che è più vicino, et
ha meglior commodità, che in el tempo che si aspettava che dovesse
venire, promettendo a loro da parte di S. M'-\ che quella mai non faria
accordo con Carlo, che non fusseno consentevoli, et anchora S. Al".
prometteria à S. M'» che loro fariano il medemo. Et del quanto sua
observarebbe la pace fatta con loro, inviolabilmente, et oltra si à sua
instantia facevano queslo, conservaria il stato loro contra de ogniuno
che gli vorebbe fare danno, loro non fariano difl'erencia d'accordarse,
massimamcnte adesso che l'imperatore è per parti rse de lllalia per
andar in Spagnia, et haveriano molto a grato et per gran comodità
d'essere ricercati cosi. Queste vi sarà per aviso, voi che sette sopra li
luoghi, saprete meglio conoscere et usare quelle sarà più commodo al
servitio di S. M'\ »
Vol. 2, f" 227 Y", copie du xvi« siècle; 2 pp. 1/2 in-f".
PELLICIER A M. DE RAGUSE.
274. — [Venise], Il seplembre 1041. — « Molto Reverendissimo
et lUustrissimo Monsignor, insieme con lalettera di V. S. de i xviii del
passato m'è pervenuto alli m del présente quella de messer Nicolas
Petreo, il libro de quelle sinodi di quel Reverendissimi episcopi Dio-
1. L'archevêque de Valence en Espagne, Georges d'Autriche, oncle de l'empereur,
transféré dans le donjon de Loches, fut mis en liberté après une délen ion de
quelques mois.
410 AM PASSADE DE [SEPTEMBRE lo4l]
flensi ol Anlihari'iisi ', che ella mi ha indiri/zalo si diligentomcnle ;
<lel chc io le rcsto obligalissitno, et con desidcrio aspettaro la occasion
ili far il niedesiinn verso di Ici. Inira lanlo la ringralio, inlinilamenle,
si di qui'slo, coiue anchora délie nuove et avisi die neila sua sono
scrilli. lnconlracaml)io de quali ella inleudera (anchora ch' io pensi che
da inesscr (jio. Jarorno ' sara mollo ben informala) la grandissima
sconlila et ruina di Ferdinando, l'essercilo del quale è slalo lullo rollo,
«>l laglialo a pezzi, cosi per aqua corne per terra; et è stala lanto grande
la slrage, che ha j)arechi el parechi anni che non se ne udi una laie,
et in questa ha perdulo lutta rarlillaria cl monilion di Vienna. Il
perche essocon la nioglie si son relirali à Lincz con grandissimo terror
et spavento di lulli, leniendo non intravenga loro del rimanenle, corne
di l'esté, la ([uale in questo medesimo condilto gli è stala tolta.
« Q)uanlo aquel che fu scritlo à V. S. di far provision de cavalli per
Io signor ca[)ilan Polin, et che con tanta diligenlia Iha fatta, io conosco
et veggio il suo buonissimo animo verso il re noslro signore, et penso
certo che "1 prefato signor capilano non essendo venuto da Ragusa,
havra scritlo et sodisfatlo, 6 che sodisfara à lutte le spese di V. S.; et
non dubito ch'ei non sofTrira ch'ella pata in cosa alcuna. »
Vol. -2, f° 228 V", copie du .\vi« siècle; 1/2 p. in-f".
l'ELLICIER AC ROI 3.
275. — ' Vctïise], 14 septcrnhi-e 1541. — « Sire, estimant bien que
avant la réception de la présente V. M. aura receu la mienne du vi'= de
ce moys envoyée par homme exprez par le pays de Suysse, pour aul-
tant qu'elle me sembloyt estrc de telle importance qu'elle ne debvoyl
estre mise en dangier de tumber en mains d'aullruy, ce que je crai-
gnoys grandement, la mandant le droict chemyn de Thurin, attendu
que, comme vous ay esciipt, avoys esté adverty que les chemyns
cstoyent fort dangerculx et du tout rompuz, cl prenant aussi adresse
sur ce que messire Sacquello * m'avoyt dict que V. M. luy avoyt com-
mandé lenyr le mesme chemin de Suysse, pour éviter semblables
inconvéniens. Et par icelle mienne V. M. pourra avoir entendu la romp-
ture et ruyne du camp du roy Ferdinando, de laquelle cez Seigneurs
1. Anlivari, en lalin Anlifjarian, ville el évèché dAlbanie, à 3o kilo'm. de Scutari,
jempiaça l'ancienne Diotléa, détruite en 1027.
2. Jean-Jacques de la Croix.
3. • Cesle dépesche fut mandée par Bertrand, messaipier ordinaire de Thurin:
«l fui escript cedicl jour au sire Laurons Ciiarles, à La Hoche, à messire Jehan,
et à monsieur l'official à Montpellier. <•
4. • Mandement au trésorier de l'épargne de payer une somme de 360 livres
tournois à Arcanf,'elo Sacchetto, gentilhomme italien, chargé par le roi d'une mission
■auprès de divers princes d'Italie. Moulins, 2 août 1541 » {Cat. des actes de François I",
t. IV, p. 227, n" 12,047j.
[septembre 1o41j GUILLAUME PELLICIER 417
sont demeurez tant estonnez et pertroublez, pour s'aprochor si prez
de leurs confins, encores qu'ilz n'eussent vouUu pour la meilleure
dune de leurs terres fermes que le roy Ferdinando fust demeuré sei-
i^iieur paisible de Bude. Dont plusieurs de voz affectionnez serviteurs
qui sont icy sont d'adviz que si le Grant Seigneur les recherchoyt à.
présent de faire ligue avecques V. M., qu'ils n'y feroyent grande dif-
ficulté. De quoy n'ay failly adverlyr incontinant le seigneur capitaine
Polin et messire Vincenzo Maggio, pour ne sçavoir si ledict seigneur
Polin seroit encores arrivé devers ledict Grant Seigneur lors de la
réception de mes lettres; lequel, comme ay esté adverty par ung gen-
tilhomme, père du cappitaine qui avoyt charge de la gallère, et com-
mandement de cez Seigneurs de le conduyre, que le xxviii" du passé
estoyt à Jarre \ principalle terre de cez Seigneurs en la Dalmatia, où,
comme l'on peult espérer, estoyl hors des dangiers des ennemys.
« Sire, vous aurez aussi veu l'ordre et provision qui a esté donné
à la Mirandola, dont ne vous en feray aulcune répéticion; tant seulle-
ment supplyeray V. M. me faire sçavoir de ce qu'il vous plaira y estre
par cy aprez faict, et s'il vous semblera que l'empereur arrestant en
Itallie, comme l'oppinion d'aulcuns a esté tousjours, et est plus à pré-
sent, pour estre survenue ceste nouvelle, que l'on doibve continuer
à entretenyr les gens de pied qui y ont esté faictz davantaige; et si
j'auray à pourveoir à telz affaires. Il vous plaira me faire advertyr où
je debvray recouvrer argent pour faire leur payement, et pareillement
des gens de cheval qui y sont, comme j'ay faict le moys passé. L'on
persévère icy que l'empereur y veult dresser quelque entreprinse, et
que, ainsi que l'on a adviz de Millan, pour ce faire a donné charge au
comte Phillippes Tourniel * faire quatre mille hommes de pied et
cinq cens chevaulx. Et oultré que monseigneur le duc de Ferrare avoyt
esté mandé à cest abouchement de Lucques, pour finduyre à fournyr
et frayer la despence que feroyt besoing pour cest affaire, et bailler
municions et victuailles, l'attirant ad ce, comme vous ay escript par
la mienne du xxii° du passé, pour luy i)ermettre par ce moyen la luy
infeuder. Toutesfoiz, Sire, l'on estime que la nouvelle de ceste piteuse
et irréparable deffaicte du camp de Ferdinando pourra divertyr ledict
empereur de ce faire, quand bien il en auroyt plus grant envye, et
pareillement, s'il plaira à Dieu, de plusieurs aultres menées qu'il avoit
entreprinses contre Y. M., comme aurez pu veoir par madicle dernière
dépesche; vous asseurant bien que telle ruyne et desconfitte a donné
ung tel eschec aux Impériaulx qu'ilz n'osent plus quasi lever la creste
ne dire mot, estans tenuz" d'un chascun en beaulcoup moindre estime
qu'ils n'estoyent auparavant. Au fort, quant à monseigneur le duc de
i. Zara.
'2. Tornielli.
Venise. — 1540-1342. 27
41 s AMBASSADE DE [SEPTEMBRE iWH]
Ferrare, je n'ay failly «le l'en atlverlyr et Madame aussi de ce que lou-
choyl à luy. Kl pDur ce qu'il esloyl jà party de Ferrare pour ledict
voyaige, l'on luy a mandé la Icllre. De laquelle n'ay encores eu res-
ponce, mais madicle dame m'a faicl sçaviir qu'il avoyt enlrcprins
seullemeiil le voyaige pour salislaire an voulloir de Noslre-Suinrl-Pèi-e,
leipu'l l'avoyl recharclié pour accompaigner sa personne, et en oullre
p(uir certain sel qu'il vciill avoir de luy. El qiuinl aux choses de la
Myrand»)la, qu'il eu a faicl telle demouslracion par le passé que Ion
n'en peull cjue liien espérer à l'advenyr, mesmement pour avoir faicl
une resj)once assez, crue àceulx qui l'en avoyent n'y a guières recherché.
Sire, pour ne povoir bonnement cntrndre le principal point qui a
meu le pape et l'empereur de se assemblera Lucques, l'un en gette icy
plusieurs et divers sort/.; mais ce néanlmoings tout s'accordent ad ce
que ce n'est pour aultre que pour bultinemens d'eslatz. Et mesme-
ment d'Hall) e, sçavoir est à qui telle chose pourroyt toucher, tiennent
que le pape chercheroyt avoir la Tuscane en fornissant d'argent à
l'empereur. Les aultres qui vont en cest affaire discourant plus incer-
lainement veullent dire que icelluy empereur veult persuader à Sa
Saiuclelé de faire que le concilie général se convocque en Allemaigue
selon la promesse qu'il a faicl aux Allemans; ou bien que en refl'uz, de
ce il le feroyl faire nalional entre les obédiens etprolestans. Mais, Sire,
aulcuns de voz atfectionnez serviteurs qui sont icy et mesmement entre
les aultres ung qui est venu d'auprez de Sa Saincteté n'a pas long-
temps, comme vous ay escripL le v" du passé, qui est M. de Lode, par
les propoz que icelle Saincteté luy a tenuz, sont d'adviz qu'elle s'est
voullu trouver à cest abouchement de Lucques plus pour essayer d'avoir
la duché de Millan que pour aultre chose, et que pour ce faire Sadicte
Saincteté avoyt amassé de longue main une grant somme d'argent pour
fournir ad ce, laquelle y a plus de deux moys se monloyt à ung million
deux cens quatre vingtz mil escuz. Et mectoyt ordre par tous les moyens
qu'il povoyt adviser d'en assembler encores jusques à troys cens mil,
pour povoir fournyr audict empereur, si l'alTaire venoyt avant entière-
ment, un million d'or et demy, et, pour couvryr ledict affaire, faire
semblant en premier lieu de la prendre par manière d'engaigement ou
mieulx de déposlz du consentement de l'empereur, et vous faire rechar-
cher de vous voulloir accorder ad ce, monstrant depuys de voulloir
essayer de vous gcller du tout hors de ce débat par une voye ou aultre '.
1. Des variantes do celle nuiieur circulaient ù Lyon, dans la colonie italienne,
suivant une intéressante dépêche de Howard à Henri YIH, datée de Lyon, le
24 septembre 1541 : « Tliere is a sayinf; liere in Lyons emongest llie Italliens, that
Ih'Einprour will praunte the lîischope of Rome the towne of Sienna for his nephew,
and thaï the IJischope will <.'yvc llyni a myllian of polde. Sonie say the IJischope
of Rome will gyve Hyni Avynion. hut fewe beleve Ihat Ih'Einprour will lake yl,
bycawse yt is within the Frenche Kinf-'cs domynion • (Stale papei-s of Hem;/ VIII,
vol. Vlll,'p. 607).
[septembre 1341] GUILLAUME PELLICIER 41 9
Laquelle eutrepiinse et uégotialion Sadicte Sainctelé n'est de présente
à pourchasser ainsi que j'ay esté adverty; car, dernièrement que lem-
pereur vint en Itallye, estant à Naples, il 1 "avoyt conduytle si avant (jue
dès ce temps là s"attendoyt ijien d'en venyr à bout, ne fust que cex
Seigneurs entèndans les estroictes praticques que le pape faisoyt
avecques l'empereur, et se doubtans que ce fust pour aultre ente-
prinsc, se hastèrent de faire la benoi^tc ligue; par laquelle promirent
audict empereur de luy donner secours envers et contre tous à la
deflension de la duché de Millau. Dont Sadicte Saiucteté leur en sceust
si maulvais gré que Ton ne sçayt si encores il s'en souvient. Or, soyt
comme se vueille, je suys adverty que le pape en tint propoz, n'a pas
deux moys, qui donnoyent bien à congnoistre qu'il estoyt encores en
ceste fantaisye de tascher à ce marché : à quoy aulcuns de bon juge-
ment estiment pour plusieurs raisons que l'empereur seroyt pour
entendre, et mesmement pour recouvrer si grosse somme d'argent
comptant, et encore que le pape sera en ce faisant pour luy en fournyr
par termes aultres aussy grosses sommes. Et aussi voyant en telz
termes ses choses de la Hongrye, mais encores plus tost sçaichant très
bien que estant entre les mains du seigneur Ottavian, pour qui le pape
la vouldroyt •, en joyroyt aussi bien que s'il la tenoyt en ses mains,
estimant aussi ledict empereur qu'il ne sçaura moings avoir le moyen
et succez qu'il eut du temps que le seigneur Francesco Sforcye la
tenoyt ^, de la réduyre en son povoir. Et par ainsi auroyt bourse et
argent, et avecques ce ne feroyt pas peu de se lever ung si grant far-
deau de dessus les espaulles, la deffendant contre cculx à qui elle
appartient, et chasser de soy la jallousye et envye que y ont les poten-
tatz d'Itallye de ce qu'il la retient on y mettant ung particullier et ne
perdre rien de la pension qui luy en reviendroyt. Ce qu'il pourroyt bien
faire, le tenant en sa main, des rentes et tribulz ordinaires, je ne diray
pas des extraordinaires durant les guerres, pour ne les povoir recou-
vrer. Et quant ad ce que l'on pourroyt trouver estrange que le pape
se voulsist empatronnyr et mesler de telles choses, il penceroyt bien,
soubs le nom et l'umbre de sondict nepveu, filz de madame Constance,
pour porter le nom de Sforce, pour ne perdre le nom et armes de la
maison, povoir trouver moyen et persuader au monde et faire de sorte
avec V. M. que la luy lairriez en paix, et depuys avecques le temps la
faire venyr de sforcesque farnesque; et ad ce, pour ceste coulleur a il
voullu persuader ledict M. de Lode, comme il m'a asseuré, à vouUoir
ayder et tenyr la main pour estre du sang et nom de la case sfor-
1. L'empereur espérait obtenir de François 1°% par l'entremise du pape, une pro-
longation de la trêve, et le pape se flattait de faire attribuer par l'empereur le
Milanais à son petit-iils, Ottavio Farnese.
2. Francesco-Maria Sforza, mort en 1535, et le dernier de sa famille qui ait régné
sur le duché de Milan.
420 AMBASSADE DE [sEPTEMnnE 154l]
crsque. Je ne S(;ay si ceste inauvaisi' nouvelle sera suffisante de les
iliverlyr de cesle pralicque, mais si est-il que comme cez Seigneurs
ont par lettres du inr de leur secrétaire Fidel, estant allé le Pozzo,
autjuel lempereur donne graiil crédicl, vers luy de par le pape ', luy
aNovt dict que Sa Sainclelé de présent ne se mouveroyt point à faire
aulcune ligue avecqnes luy jiour les choses d'Itallye, et seroyl bien
besoing que vouUanl S. M. obtenyr cela du pape, qu'il luy list et pro-
mist clitises bien grandes pour le seigneur Oltavian. Dont dict que
ledicl empereur entra en grandissime collère, et luy eschappa à dire
des choses du pape que jamais plus n'avoyt acoustumé dire, adjous-
laul Cl' néantmoings que si Sa Saincleté faisoyt ce qu'il désiroyt, qu'il
se pourroyt l'aire ce qu'il diroyt, et qu'il ne se doubtast point que les
Seigneurs Véniciens ne soyent pour confirmer le tout, car il les avoyt
en son poing. Laquelle chose a fasché cez Seigneurs jusques au cueur,
lesquelz on lient pour certain que au pys faire sont pour demeurer
ueutral/. : de quoy, Sire, ay bien voulu adverlyr V. M., affin que là
dessus on prenne ce qu'elle congnoistra par son singullier et infallible
jugement estre le plus vray semblable.
« Sire, j'ay esté adverty que l'empereur, estant à Trente avecques
l'évesque de là* luy voullant persuader de ne se parlyr d'AUemaigne
ou à tout le moings d'Itallye, pour povoir donner meilleur ordre aux
choses de Hongrye, ledict empereur luy feist la responce que j'ay
entendu luy et les siens avoir lousjours usée en cest affaire, c'est qu'il
avoyt si bien pourveu aux affaires de ladicte Hongrye que le Turcq ne
luy feroyt rien pour cesle année; et quant à Tltallye, qu'il estoyt tout
asseuré que V. M. n'y feroyt point guerre pour ceste foyz ne jusques
à la prime vère, si d'aventure alors estiez pour la faire. Et sur ce propoz
j'ay veu lettres de Gennes par lesquelles s'entend ledict empereur
avoir escript à André Doria qu'il a très bonne intelligence avecques
V. iM., et qu'il ne faut point doubler de vostre cousté d'aulcun dcslour-
bier en Ilallye, et que cela fust vray, ne faisiez aulcune démonstracion
de vous voulloir mouvoir, ains estiez encore à Moulins, ayant deslibéré
au partyr de là aller à la chasse en Bourgongne ^.
1. Giovanni Popgio, évèque de Propea, originaire de Bologne, mort dans cette
ville le 12 février 1550. Veuf de bonne heure, il était entré dans les ordres et fut
envoyé par Paul III, coninic nonce, en Espagne et en Allemagne. Jules 111 le ren-
voya plus Lard en Espagne de nouveau, et le fit cardinal en 1551.
On a publié de lui un recueil de lettres écrites en 153i sur les événements de
son temi)S.
Le ms. I.I6 ilu fonds Saint-Germain, à la Bild. nat., renferme une « Jnslruttione
al vescovo Poggi mundalo dalV imperalore a X. S. per la pace col re Francesco Primo,
per la celebralione del concilio et ait ri negotii ».
1. Crisloforo Madruz/.i, cardinal. On le retrouvera plus loin.
3. Le roi séjourna à Moulins du 2'.) juillet au 8 août 1541, et partit de là pour
la ltresseetleMaconnais.il était à Màcon le 7 septembre {Cat.des actes de François I" ^
t. IV, pp. 225 à 230 et 239).
[septembre ro4l] GUILLAUME PELLICIER 421
« Sire, j'ay receu lettres escriptes à Conslantinople Ifs xxiii et
xxviie jours de juillet par ung Petro Pomaro auquel messire Yincenzo
Maggio, le congnoissant ancien serviteur du seigneur Rincon ', a laissé
charge de sa maison, et commission de nous advertyr de ce qu'il
pourra survenyr audict Conslantinople, par lesquelles me faict entendre
que le xx° de ce moys Barberousse avoyt eu commission du Grant
Seigneur d'armer quatre vingtz gallères, et que ledict Barberousse luy
avoyt dict que le camp et armée dudict Grant Seigneur estoyt au com-
mandement de V. M. Et par lettres de l'ambassadeur de cez Seigneurs
qui est demeuré en Conslantinople, ont entendu que ledict Barberousse
avoyt eu commission d'en armer cent, mais que le second defterdari,
c'est le trésorier qui demeure à Conslantinople comme lieutenant du
Grant Seigneur quand il va en camp -, n'avoyt voullu fournyr argent,
craignant que ledict Barberousse fust pour jouer quelque faulx bon
audict Grant Seigneur. Et m'escript dadvantaige que cinq jours aupa-
ravant la datte de sadicte lettre comme ung More de Thunis, estans
sortiz hors la porte Barberousse et le sangiacque de Conslantinople,
donna d'une escuclle de pourcelaine sur le visaige dudict sangiacque,
pençanl donner sur celluy dudict Barberousse; lequel More, quant il
eust ce faict, constamment dist eslre party de Thunis luy et deux com-
pagnons pour cesl effect, et que ladicte escuelle estoyt enchantée sur
ledict Barberousse. Qui est tout ce qu'il m'escript de ce cousté là, fors
qu'il avoyt entendu que auprez de Belgrade estoyt arrivé au camp du
Grant Seigneur ung ambassadeur de Portugal.
« Sire, j'ay aussy esté adverty comme le seigneur Marin Justinian,
à présent ambassadeur pour cez Seigneurs vers l'empereur, que icelluy
empereur, entendant ceste desconlille, en la présence de tous se cou-
vrisl des mains le visaige; en quel estât se tint sans se remouvoir ung
quart d'heure, et puys s'enferma en sa chambre oti fut plus de six
grosses heures seul. Et aprez sortyt le plus triste et affligé que l'on
veit oncques, et dépescha sur l'heure M. de Grantvelle vers le pap»pour
l'en advertyr et le pryer se voulloir haster le plus tost, pour adviser
ensemblement de y pourveoir; car à. ce coup y alloyt du tout. Escript
aussy que icelluy empereur, l'ayant mandé, luy persuada de voulloir
escripre à cez Seigneurs du grant desplaisyr qu'il avoyt de ceste nou-
velle, non seuUement pour luy et les siens, mais encores pour cez Sei-
gneurs à qui la chose touche grandement pour estre si prez d'eulx;
desquelz, pour la grant amour qu'il leur porte, n'a pas leurs affaires
moings à cueur ne en aultre recommandation que les siens propres,
les pryant luy voulloir donner conseil et adviz de ce qu'il aura à faire
1. Pielro Pomaro, intenrlant de l'ambassade de France à Conslantinople.
2. Il n'y avait, sous Mohammed II, qu'un seul defterdar préposé à la Roumélie,
et auquel était adjoint un aide pour les provinces de l'Asie. Plus tard le nombre
des defterdars s'éleva jusqu'à quatre (De Ilammer, loco cit., t. III, p. 312).
422 AMRASSADE DE SEPTEMBRE ir»4il
sur ce, et ;ui voyai^e <'l cntroprinse d'Algier, laquello cncores iju'il
eusl granl voullrnlt' de faire, pour eslro bien asseuré luy debvoir bien
réuscyr, ce nëantinoinj^s qu'il en feroytce que le pape et eulx luy con-
seilleroyenl. Les pryanl voulloir rentrer en une nouvelle et bonne
ligue aveeques le pape et luy jjour la dcHcnsion de la chrestienté et de
leurs estât/, les contorlans que s'il/ u'iuit arf^ent, il/ n'ayiiil csgard ad
ce, car le pape et luy fournyront pour tous, voyre pour l'arniée que y
fera ln-soing: r[ que il/ vueillenl bien ouvrir les œil/ et pencer, car à
ce coup il \ ailoyl du tout. Luy disant en oultre (ju'ii dépeschoyl son
ambassadeur donip Dit'f^o vers eulx pour cest eilect. Chose de quoy,
comme ledict Marin Juslinian dict, s'excusa le plus qu'il peult d'es-
cripre à cez Seigneurs; toutesfoi/, à l'instance et persuasion dudict
empereur, et aussy, à dire la vérité, qu'il a bruicl de luy eslre assez
afTectionné, le leur a faictsçavoir. Le x* de ce moys ledict domp Diego '
arriva icy, et le lendemain fut vers la Seigneurie, à laquelle demanda
le conseil île Diexe, estant le plus secrect, comme l'on peult conjecturer,
pour luy exposer ce que dessus. Je suys âpre/ pour entendre mieulx
le tout aflin d'en prendre adviz et m'y gouverner selon que verray
estre à propoz. A quoy, Sire, ainsi que ay entendu, n'aurons pas grant
peyne de rabbattre leurs cloud/, encores quilz ayent grant esgard
audict empereur estant en Itallye; car, comme l'on est asseuré, cez
Seigneurs ne seront point si despourveuz de conseil que, se voyans ung
si grief contre-poix si prez d'eulx que le Grant Seigneur, soyent pour
faire chose qu'il/ puissent congnoistre luy desplaire. Et pour ce respect
ayant paour que le Grant Seigneur n'entrast en suspicion s'il/ accor-
doyent leur ville de Yincence - au pape pour continuer le concilie là,
ainsi qu'il avoyt esté assigné cez années passées, et là l'on traictast
entre tous les chrestiens de se unyr pour faire la guerre contra luy,
quelque réquisition et instance que Sa Sainctelé leur en ayl faict faire
souvent cez jours passez par son ambassadeur qui est icy, s'en sont
excusez et luy ont reflusé tout à plat. Et pour maintenyr et accroislre
plus la grâce du Grant Seigneur, ilz ont faict la plus grant dilligence
du monde de trouver en toutes les bourses qu'ilz peulvent les cin-
quante mil chequins qui sont ou seront tôt venuz à payement, pour
l'accord d'eulx faict avecques le Grant Seigneur, auxquel/ ne fauldront
adjouster xx ou xxv" pour présenter aux bassatz.
« Sire, je viens d'estre adverly que les Impériaulx ont grant double
et crainte que le Grant Seigneur ne s'accorde avecques les Terres fran-
ches et que, voyans les princes d'Allemaigne l'empereur l'avoir ainsi
délaissée en ce trouble et dangier, ne soyent poureslire ung aullre roy
des Romains, voyre à l'adventure ung empereur. Et certes les mar-
1. Don Dicf-'O lliirLado de Mendoza.
2. Vicence, en ital. Vicenza, sur le Bacchiglione, à 75 kilom. de Venise.
[septembre 1541] GUILLAUME PLLLICIER 423
chans du fondicque des Tudesques en ceste ville en parlent ainsi tout
clairement, disans que lesdictes Terres Tranches et rAllomaignc ne sont
pour endurer plus tel gouvernement que de Ferdinando, et que l'on
est pour eslire ung des ducz de Uavières en son lieu, et le semblable
faire de l'empereur. Il semble que V. M. ne se feroyt pas peu davan-
taige au grant crédict qu'elle a audict pays, et au contraire désadvan-
taige à l'empereur et les siens, de tascher envers le Grant Seigneur et
lesdictz terres et pays de leur faire faire une bonne paix ou trefve
avecques luy ; car par là à l'aventure l'on pourroyt mieulx ranger icelluy
empereur et les siens, que par nul autre moyen que on sceust trouver
à présent. Et quant à la part que les ducz de Bavières sont pour avoir
à l'empire, advenant que on y deust pourveoir, ce n'est pas de présent
la première foiz que je vous en ay faict sçavoir ce que en entendions icy.
«Sire, faisantlaprésente, j'ay esté adverty que cez Seigneurs estoyent
aprez pour se résouldre de faire responce à l'ambassadeur de l'empe-
reur de ce qu'il leur avoyt dict, qui est en somme tout ce que est con-
tenu cy dessus, et davantaigc que il convenoyt faire à l'empereur de
troys choses l'une : c'est d'aller en Âffrique, en Levant, ou bien
retourner en AUemaigne; mais qu'il estoyt nécessaire pour le bien et
utillité de la chrestienté asseurer les choses d'Itallye, par quoy l'avoyt
envoyé vers eulx pour faire nouvelle ligue. Et s'ilz avoyent quelque
respect qu'ilz ne la voulsissent faire publicque, qu'il se contentoyt
qu'ilz la feissent secrette, leur disant là-dessus plusieurs belles parolles
pour les y voulloir persuader; leur promettant pour les asseurer que
son maistre obscrveroyt de son cousté tout ce à quoy il s'obligeroyt en
faisant ladicte nouvelle ligue, de bailler et mettre en leur puissance
Crémonne et deux cens mil escuz. Toutesfoiz, pour conclusion n'a sçeu
tant faire que ilz y ayent vouUu entendre; et luy ont faict responce que
ilz ne povoyent faire aulcune nouvelle ligue, et que l'empereur povoyt
bien considérer avecques qui ilz avoyent affaire, et en quelle puyssance
le Grant Seigneur estoyt à leurs confins de tous coustez, et qu'il leur
estoyt bien besoing de se sçavoir conserver. Par quoy. Sire, je ne veoy
qu'il y ayt lieu de rien rabattre, ainsi que j'estimoys bien tousjours
qu'il ne seroyt besoing. »
Vol. 2, f'^ 221), copie du xyi<= siècle; 7 pp. 1/3 in-f".
PELLICIEU AU CARDINAI, DE TOURNON '.
276. — [Venise], 14 septembre 1 54 1 . — « Monseigneur, l'asseu-
rance que j'ay que verrez tout ce que j'escriptz présentement au roy
1. '• Nota que le portrait d'Algier ne fui pour celle foiz mandé audicl seigneur
4le Tournon, ce que luy fui escripl en ung petit billet <le papier niys dans la
présente aprez qu'elle fut close. »
42i AMI{ASSAl)L 1>E [SEPTEMBUi: lu4l]
me gardera vous en faire aullre répélicion; mais bien vous diray que
par lettres de Gennes j'ay veu (jue les Gennevoys se tiennent grande-
ment tenu/, et obligez à S. M. de leur avoir concédé la traicle de bledx
• Il Prouvence, pour leur eslre venue tant au besoing et à temps qu'il
n'est possible de plus, pour ce que s'il?, n'eussent eu ce moyen là, il
eust vallu cinq escuz la mync ', et encores â granl pryère. Laquelle
chose, comme est contenu esdictes lettres en substance, a esté cause
que en ladiLte terre, hors myscjuarante ou cinquante des plus grans
«lui y sont intéressez, ont conceu une malveillance à l'empereur qu'il/,
désirent tous le voir abaissé et que le moings du monde de disfaveur
qui luy sceust advenyr feroyt mal ses besoignes. Et au contraire que
toute icelVe terre est tant affectionnée au rov, et le monde tant contant
et satisfaict de luy que on ne le sçauroyt croire. De sorte que les pouvres
gens, quant ilz vont au marché aclieter dudict bled, eti se resjoyssant
disent : «• J'ay acheté ung sac de fleurs de lys », et sur les magasins
de bled venu de Sicille l'on a mys de sortz à mode de pascjuilz*;
aux ungs : l\oli me langere, quia Ces. es, et aux aultres : licddite que
sunl Ces. Cesari. Et communément disent qu'ilz ne veuUent plus
user de bled maron puysque Dieu leur en a donné de chrestien. Et
pour ce que les mariniers qui vont chercher lesdiclz bledz ont bon
traiclcment de ceux de Prouvence ainsi qu'ilz reffèrent, chascun jour
y vont barques, navires, galbons, et aultres vaisseaulx pour charger
grains. De quoy les genz de l'empereur ne sont trop contans, se doub-
tans que ce ne soyt cause de faire que on ne puysse plus recouvrer
argent de Sicille, et par ainsi l'empereur se trouver bien empesché
d'en avoir, luy ayant rompue ceste voye là ; leur semblant aussi que
ceste négociacion ne peult sinon nuyre grandement aux affaires dudict
empereur, congnoissant jà le peuple de là estre tant mal satisfaict
d'icelluy qu'il n'est possible de plus. Dont sont en non peu de suspeçon
que les (jennevoys prennent quelque familiarité en l^rance qui puisse
t'stre cause de s'aprocher à la vouUenlé du roy : à laquelle on ne les
povoyt mieulx attirer que par cesle voye là. Vous sçavez trop mieulx^
-Monseigneur, que de tous les infiniz biens, grâces et miracles que
Christ usa en ce monde, il n'y eust aulcun qui esmeust ne attirast tant
le peuple judaïcque à luy que le miracle des cinq pains, de sorte que,
comme dit saint Jehan en son vi«, si Christ sur l'heure ne se fust retiré
I. La mine, mesure de cayMciié équivalant à un dena-setier, soit cinquante litres.
1. Des inscriptions ou devises en manière de pasquilles (de l'ital. pasquillo, bro-
card) ou de pasquinades, allusion aux placards satiriques affichés à Rome au pied
lie la statue antique appelée [)opuiairement Pa.squino. Pendant cinq cents ans au
moins, depuis la lin du xiv' siècle jusiiu'à nos jours, ce vieux marbre mutilé,
fragment dune statue d'Hercule ou d'Alexandre, a joué un certain rôle dans l'his-
toire anecdolique de la Home paiialc. ne cessant de dialoguer avec un autre débris
de la statuaire antique, surnommé Marforio, qui lui fait pendant, à l'angle de la
place Navone.
[septembre da4l] GUILLAUME PELLICIER 42'j.
et absenté d'eulx secrettement , ilz voulloycnt venyr le prendre et
créer roy sur eulx '. Par quoy, Monseigneur, à l'aventure pour le pré-
sent le roy ne pourroyt faire chose plus lacille ne plus ellicace à
gaigner ce cousté là que de les laisser user de telz commerces, et pour
la divertyr et avoir l'argent qui en pourroyt venyr à l'empereur, et
donner moyen à ses pouvres subgectz de luy faire meilleur service.
Je vous envoyé ung double de certains discours que on faisoyt de
l'armée de l'empereur; mais je croy bien que ceste piteuse et irrépa-
rable nouyellc de la rompture du camp de Ferdinande aura bien
rompu leurs desaiugs, et mesmement d'Algier, duquel vous envoyé
ung pourtraict qui m'a esté mandé de Boullongne *. Et encores que ce
ayt esté ung qui se dict serviteur du roy, ce néantmoings ceulx
qui pencent congnoistre le lieu estiment qu'il a esté faict dépeindre
par gens passionnez, ou n'ayant pas bien considéré la qualité du lieu,
carie font plus facille à prendre qu'il n'est; mesmement la colline qui
est du cousté de ponent n'est si prez de la ville ne si débille, pource
qu'il y a bonne tour souffisante pour la bien deffendre ^. Si voyez estre
à propos de la montrer au roy, vous en ferez ce qu'il vous plaira.
Aulcuns que avoyent tousjours pencé que si le pape à tout le moings
n'estoyt pour se tourner du party du roy, que il deust estre neustral,
mais à présent m'ont faict sçavoir qu'ilz sont bien advertiz du contraire.
Au fort, l'issue en jugera.
« Monseigneur, je ne lairray à vous dire que l'on est adverty icy que
des SOU"" ducatz courans que l'empereur s'estoyt faict accorder au
royaulme de Naples pour tiltre de donnatif à 267" et tant de cens pour
chascun an, les voullant avoir comptant, avoyt faict party avecque&
certains marchans à xxiii pour cent d'intérestz pour le premier an.
Et ayant besoing de se servyr tout en ung temps d'icelluy argent du
fï^cond an et tiers, n'a trouvé que pour le second, ne a meilleur party
que de redoubler ledict intérest, c'est à quarante six pour cent; de
sorte que pour la somme desdictes deux années, ne luy est revenu à
son profict que 3i0'" ducatz, desquelz la plus grant part ont esté des-
1. Évangile selon saint Jean, eh. VI, v. lo.
2. Bologne.
3. Le plan ou vue «l'Alger dont il est ici (juestion avait été fourni par Giovanni
Francesco Orsini, comte de Piligliano, entré au service du roi de France par traité
spécial conclu à Fontainebleau le 28 juin 133" (V. Cat. des actes de Framois I", t. III,
p. 3.00, n" 9, loi). C'est ce qui ressort d'un curieux passage de la dépêche envoyée
de Paris, le 7 déceinl)re, ;i Henri VIII par William Fagot, qui remplaça llownnl
comme ambassadeur en France, en novembre 1541 : •< The Count Pelilyan is also
becum the French Kinges man, a man of very strong holdes in Ilaly, and cum of
auncestours that hâve bene very active. This counte sent this olher day to the
French King the plat of Algiere, the which it was my chaunce to see, before il cam
to the French Kinges handes, and to hâve libertye lo cause il lo be drawen oui,
which Your Majesté shall receyve hcrewith; nul conningly drawen, but truely»
according to the original, for 1 compared evcry litle of Ihem logider. • {Slale papers
of Henry Vlll, vol, VllI, p. 642.)
426 A.MUASSADE DE [sEPTEMRUE i:i41J
peiulu/. à niellre en ordre rarinéc de mer ou ce pays là. El quaiil à la
jtaitye de largeul du tiers an, quelque diliif^cnce qu'ilz ayenl sceu
l'aire, ne ii quelcon(iues inléreslz et partys qu'ilz ayent sceu olîryr,
n'ont trouvé personne (jui y ayt voullu entendre. Et seullcment en
tout (Jennes n'a trouvé homme qui luy ayt vallu d'ung quatrin ' ne
soyt pour l'en accommoder, excepté messer Adam Centurion qui luy
a preste environ ^2'.V" fscu/. à huicl pour cent *; dont je me douljte qu'il
aU recours à Sa Saincleté et conlraicter avecques luy quel(iue estât,
que me douhte jjourroyt toucher au Millanoys. »
Vol. •-'. f^ i'M V", copie du wi*^ siccle; 2 pp. 1/3 in f".
l'ELLICIER A M. D ANNEI5.\ri.'r.
277. — [Venise], 14 septembre J Ù4 J . — « Monseigneur, je pence
que avant la réception de la présente aurez receu mes lettres du vi'' de
moys que vous ay envoyées par la voye de Suysse ou des Grisons, par
lesquelles aurez entendu cette piteuse et irréparable delFaicte du camp
du roy Ferdinando, et par ung double de lettre d'AUemaigne aultres
nouvelles de non peu d'importance. Dont à présent ne m'estenderay
il vous faire longue lettre, me remettant aussi à celles que j'escriptz
présentement au roy; lesquelles, pour les grandes occupacions (|ue
j'ay de tout coustez, vous plaira veoir, et prendre en satisfacion. Me
excusant si particuUièrement ne vous escriptz, tant seullement vous
diray que depuys avons entendu que le Grant Seigneur estoyt entré
en Bude, luy ayant ceulx de dedans porté les clefz au davant, et que
l'armée du roy Ferdinando qui estoyt sur le Danubio estoyt venue es
mains de l'armée ou gens du Turcq, et pareillement les chevaulx qui
la tiroycnt, et ceulx qui les conduisoyenl tous deffaictz. Et brief, c'est
une grande pityé que d'en oyr parler, car ainsi que (jualre souldars de
Bassan ^, qui en sont eschappez et venuz, dient, l'on ne sçauntyt
croyre qu'il y eust eu si grant desconfitte etruyne qu'il y a eu; de sorte
qu'ilz estiment que tant mors que prins sont demeurez plus de 40" per-
sonnes. Et ne s'est saulvé que le général du camp, nommé Rogon-
dolphe *, avecques environ deux mil hommes et quelque peu d'aultres
par cy par là; et toute l'artillerye perdue, qui estoyt soixante grosses
pièces de batterye, et environ cent de moyennes et menues pour camp,
comme si le Grant Seigneur n'en eust eu assez de huict cens pièces, ainsi
1. -Menue monnaie italienne.
2. Adaino Cenliirione, riche l)an(iiiier et annatcur j^'t-nois. Plusieurs menilires de
celle famille rcprésenlérent en l'iaiice la république de Gènes aux xv^et .wne siècles
(V. Jules Flaniiuennonl, Les correspondances des ac/ents diplomatiques étrangers en
l-rance, avant la Rècolulion. Paris, impr. nal., 1896, gr. in-8", pp. 371 et 393).
3. Hassano.
i. Hoggendorf.
[septembre 1;J41] GUILLAUME PELLICIER 427
que verrez par ung double de certains articles d'une lettre de messer
Vincenzo Maggio que je vous envoyé. Et estime l'on icy que si ledict (îrant
Seigneur puursuyt cette victoyre, et qu'il marche de long à Vienne,
qu'il est pour l'emporter; car l'on entend qu'elle est despourveuc de
toutes municions, victuailles, et presque d'artillerye, et qu'il y a peu
de gens de faict dedans, pour la peste. Pour laquelle ou mieulx pour
ceste tempeste le roy des Rommains s'est retiré avecques toute sa
famille à Lincz; ce néantmoings l'ambassadeur de l'empereur, qui est
icy, nous veult conforter et asscurer, disant que il avoyt si bien adverty
et sollicité le roi Ferdinando et donné si bon ordre qu'il ne se failloyt
doubler de rien. Mais Dieu vueille qu'il soyt ainsi et qu'il n'advienne
au demeurant comme il a faict à leur camp, lequel ilz disoyent estre
si bien fortiftié, et tous leurs affaires de Hongrie en si bon estât qu'il
ne failloyt doubler pour cette foiz ne de ceste année du Turcq '. Quant
ad ce que m"avez escript par la vostre du x.\:vi° du passé, je ne fauldray
en temps et lieu le faire très bien entendre à cez Seigneurs, avecques
ampliation de ce que verray mieulx servir à rafTaire. »
Vol. "2, fo 233 yo, copie du xvi« siècle; 1 p. iii-f°.
PELLICIER A M. DE LANGEY.
278. — [ye?iise], i4 septembre 1541. — « Monsieur, pour la grant
presse quej'euz le vi" de ce moys de faire une dépesche au roy parla
voye de Suysse, n'euz loysir de vous escripre, mais encores n'y eussé-
je vouUu faillyr, n'eust esté la confyance que j'avoys que ne fauldriez
à veoir les lettres que j'escripvoys à monseigneur d'Annebault, comme
encore j'estime bien que ferez à présent et celle du roy : qui me gar-
dera vous en faire aulcune répéticion. Tant seulement vous diray
1. Sulcyman fit son entrée solennelle dans Budo le vendredi 21 septembre et se
rendit directement à l'église Sainte-Marie, qu'il convertit en mosquée en y faisant
la prière publique (V. de Ilannner, t. V, p. 3oG). — Une dépêche de Howard à
Henri YllI, datée de Lyon, le 1°' octobre, contient sur la prise de Bude les intéressants
détails qui suivent. « There hallie bcn hère also, silh my lasl letters to Your Hi^'hnes,
moo newes of Ihebreykinge of the Kynge of Romaynes anuy by the Turke, whiche,
as the saying is, was al'ter Ihis sorte. Phardinando wiLh his hoste was cunstray-
ned to retire himself to a certain slrength betwene Pest and a plase callid Alba-
ryall {Albe royale, autrement dit Slukliveisseinburf/), where as the Turke went with
4 hundrith thowsand horsemen, 7 hundrith pecis of artyllery, cmongcst whicli
were 200 of cannons, and 20 thowsand cartis, yche one drawen with 2 oxen, and.
wilhin ych of them 2 pecis of artillery cauilid bollis, \vhich hâve wyde mowlhes
made after the fahsyon of a morter. There reymayned of 25 thowsandes fotemen of
Phardynandos but 5 thowsand, ail his artyllery lostc: qnycke there was taken 600,
moste parte of them gentlemen, which being browght afor the Turke, lie cawsyd
them to be heddyd. Wheréat ail the noblemen of his oste toke greale displesour,
saying that he shuld hâve rawnsommyd them, as the custome of the warre is lo doo
The i'urke then, being angry with them, said Ihes wordes: « See how thés doggcs
be nowe corne wytty » {State papers of Henry VIII, vol. VHI, p. 614).
428 AMBASSADE DE [SEPTEMBIIE i:i4l]
ilavanlaigi' ([ue l'on ma advorly que ung Cézar de Naples avocques
sa garnison qui l'sl à Voulpiaii ' avoycnt faicl quelque cnibusclie et
ciiydé surprendre monseigneur le mareschal d'Annebaull : ce que facil-
leinent je ne croy pas, ni" qu'il/, soyenl pour faire, obslant sa bonne
prudence el félicité*. Ce néanlmoings si n'ay-je vouUu laisser à vous
en t'scripre ce petyt mol el vous dire que quehiucsfoiz l'on entend
des choses comme jà passées el faicles, cl dopuys les voyant advenyr,
on cognoist cela avoir este quelque umnn divinanl icellcs choses suc-
céder'. El de moy me souviens que du temps qu'esloys à Rome, plus
d'ung moys et demy auparavant que le marquis de Saluées se fusl
révolté, il tout le moings déclairé lel qu'il feist depuys S je l'avoys
entendu île bon lieu fort secrettemenl. Et encores depuys que suys
icy, en deux cas de bien grant importance me suys aperceu; car davant
(îu'ilz fussent advenu/, Iroys ou quatre jours, en avoys esté adverty
sommairiMucnt, et sur lelz advertissemens dépesché au roy la nou-
velle, laquelle depuys on vériflyoit n'estre encores de ce temps là ne
de quelques jours succédée. El entre aultres m'est advenu ainsi de la
prinse de Castelnove, el, ces jours passez, de cesle romplure prochaine
du camp de Ferdinando. Je ne sçauroys que dire d'où cela procède, si
ce n'est que Dieu ne veult moings daigner ^ les hommes de préveoir
lelz afTaires que les voultres ° el aultres oyseaulx de rapine prédisant
souvanl une grande occision el boucherie d'ung camp, le suyvanl el
voltigeant par grandz Iroupeaulx quant il doibl advenyr telle clade '.
Qui est tout ce que aurez de moy pour cesle heure, sauf que j "ay
adverly M. Bigotius ' de ce que m'avez escript louchant Messieurs de
1. Ccsare .M.ii:f:i, ea|)itainc napolilain au service de Charles-Quint, demeura pen-
dant vingt années gouverneur de Volpiano en Piémont, jusqu'à la prise de cette
place par le duc d'.Vumale et le maréchal de Brissac, en 1555. Brantôme lui a
consacré une notice (V. édit. Lalanne, t. I, p. 309).
2. Claude d'Annebault avait remplacé René de Monlejan comme lieutenant-général
et gouverneur du Piémont, en vertu des lettres données à Gompiègne, le 20 sep-
tembre i;i30 (Cal. des actes de François 1", t. IV, p. 4b, n°\l, 209).
Après un assez long séjour en France, le roi l'y renvoya de rechef au commence-
ment de l;iil (V. Slale papers of Ilenrj/ 17/7, vol." VIII, p. ;i21).
3. Quelque présage annonçant l'arrivée de certains événements.
t. Francesco, marquis de Saluées, tué en lo37 sous les murs de Carmagnola, qu'il
assiégeait pour r(7enuvrer la plénitude des droits souverains dont il se plaignait
d'avoir été dépouillé.
'6. Favoriser, gralilier, du lat. dir/nari.
tj. Vautours, du lat. vuUures.
7. Défaite, du lat. clades.
8. Invité à venir occuper une chaire à l'université de l'adoue. Bigot donna la
préférence à la ville de Nimes où il était également appelé; mais des infortunes
conjugales, qui eurent un tragique tfénouement, ruinèrent sa situation et le rédui-
sirent à un état voisin de la misère.
Il s'agit ici des négociations entamées par les consuls de Nimes pour attirer
Cuillaume Bigot dans le collège es arts qui venait d'être fondé par François l"' dans
leur ville, et dont le savant humaniste nimois Claude Baduel avait été nommé
recteur [Inv. somm. des nrcfiives communales de Xitnes, t. I, série LL, p. ", col. 1).
Le 18 octobre 1341, un acte était passé entre les consuls et le sieur Bigot qui, pour
[septembre d54l] GUILLAUME PELLICIER 429
Nismes; mais je n'ay encore responcc de luy. J'uy dunné charire au
présent porteur de passer par Padoue où il est affin qu'il avl moyen
de la vous faire luy-mesme.
« ... Monsieur, j'ay receu lettres de Plaisance, m'adverlissanl que
les barquerolz qiii menoyent les seigneurs Cézar Frégoso et Rincon,
lesquelz furent prins et menez au chasteau de Pavye, estoyent eschap-
pez et arrivez audict Plaisance, et avoyent cherché celluyqui m'escripl
toute une nuict, mais qu'ilz ne Tavoyent sceu trouver. Quoy entendant,
le landemain feist toute dilligence de les povoir recouvrer; mais qu'il
n avoyt sceu, pour ce que, comme Ton luy avoyt dict et asscuré,
avoyent prins leur chemyn pour venyr en ceste ville. Je n"ay failly
incontinant de faire chaircher de tous coustez si on les pourroyt trouver ;
toutesfoys jusques à ceste heure Ton n'a encores sceu. J'aybien trouvé
gens qui les congnoissent et sçavent où se logent ordinairement quant
ilz sont icy, lesquelz m'ont promys ne faillyr de m'en advertyr incon-
tinant qu'ilz y seront arrivez; et alors je verray de les faire interroger
l)ar ceulx à qui appartiendra, en la meilleure forme que l'on congnoistra
estre requise pour s'en povoir servyr en temps et lieu. Et si davanture
désiriez de parler à eulx, en m'en advertissant j'essayeray de les per-
suader de vous aller trouver, voyre plus tost par la voye de Suysse,
s'ilz craignoyent aller par aultre ainsi qu'ilz pourroyent avoir raison
de y bien pencer; sinon vous envoyeray leur depposition. II vous
plaira m'advertyr de ce que j'en auray à faire. »
Vol. 2, f 234, copie du xvi« siècle; l p. 1/2 in-f".
j I
PELLICIER AU CAPITAINE POLIN
279. — [Venise], 14 septembre 1541. — Pellicier l'informe des
diverses nouvelles contenues dans la lettre au roi du même jour, et
rapporte, d'après des lettres venues « d' Argentine ou Strasbourg »,
les bruits de réélection du roi des Romains et de l'empereur « ...Dont,
me semblant que la voullenté du roy a esté, et croy qu'elle est encores
de présent, que ledict Grant Seigneur ne molestast ou provoquast
lesdictes Terres franches ne l'Allemaigne, ains seullement ceulx qui
en veullent à luy, avons esté d'adviz, aulcuns bons serviteurs dudict
seigneur roy et moy, que on ne feroyt pas peu d'advanlaige au grant
crédict qu'il a audict pays d'Allemaigne et Terres franches, et au con-
traire désadvantaige à l'empereur et les siens, de tascher envers ledict
Grant Seigneur de luy faire faire une bonne paix ou trefve avecques
une somme <:le "00 livres, s'engageait à Taire tous les jonrs au collùge une leçon
publique de philosophie, « et aultre lecture qu'il verra estre nécessaire et que bon
luy semblera » (!d., ihid.).
1. « Cedict jour fut escript à M. l'arcevesque de Ragusc. »
430 AMllASSADE DE [SEI'TEMUUE loilj
eulx; car par là l'on pimiroyl mioulx ronger icelluy empereur et les
siens que par nul aullre moyen que l'on sceusl trouver à présent, ainsi
que par voslre bonne tlextérilé et prudence, sçaurez très bien faire.
Kl ce que je vous en diclz n'est seullement que par manière d'advi/,
et non pour conseil; car je suys tout asseuré que vous, estant sur les
lieux, sçaure/ trop nneulx juger et mettre à effect ce que congnoislrez
estre à l'Iifinneur l't advantaige de S. M. que ne pourrions pencer par
deçh... Oui est tout ce que aurez, do nioy pour ceste heure, sauf unj;
petit record/, des jumens lurcquesques, lesquelles, si me faicles avoir
la commodité den recouvrer en les bien payant, je mettrai peyne de
faire si bien gouverner que vous en pourrez user du fruict. Et mesme-
ment si le rny me donne ung lieu tant commode ([u'on m'a escript avoir
désigné voulloir faire, lequel sera grandement à propoz pour les vous
nourryr et entretenyr, ce me sera daullant plus de plaisyr d'en avoir,
dont de rechef je vous en prye, et me recommande à vostre bonne
grâce et de messire Vincen/o Maggio, auquel ii'escript/ pour ceste
heure, estimant bien qu'il aura sa part de cez nouvelles....
« Je avoys obmys dernièrement de faire responce à messire Vincenzo
Maggio sur ce qu'il m'avoyt escript du Judéo'; dont vous plaira luy
faire entendre que ce que en avoys venoyt d'auprez de l'empereur, du
temps qu'il estoyt en Allemaigne, et que pour le présent je ne puys
luy en rien dire davanluige que ce que j'ay faict par cy davant, d'aul-
tant que le personnaige n'est plus en ladicte cour. Auquel verray de
donner ordre d'en cscripre pour en sçavoir plus par le menu, s'il sera
possible, et l'en advertiray. »
Vol. 2, l'° 2.3o, copie du xvi^ siècle; 2 pp. 1/4 in-f'^,
PELLICIER A GU1LI.AU.ME REVERDY -.
280. — i^ i'enise], 14 septembre i 54 1 . — « Meilleur amy, j'ay receu
voz lettres ensemble le beau saphyr que m'avez envoyé, dont je vous
remercye bien fort. Si est-ce que je ne veulx ne entendz que faciez
telle despence pour moy, et n'eust esté que eussiez peu pencer que
n'eusse eu agréable vostre présent, je vous asseure que ne l'eusse
voullu accepter; par quoy ne faictes plus si grosse despence, mais seul-
lement je vous prye de regarder si trouveriez quelques racynes et
aultres petites choses de peu de prys, et me les envoyez, j'entandz en
satisfaisant à tout, quant trouverez la commodité. Au demeurant, vous
ferez très bien de faire entendre au seigneur Barborousse que tous les
i. Le Juif Moïse, agenlsecrel de la cour impériale.
2. • Coilicl jour fut esrripi au seigneur l'ietru Pomaro. ••
Ce Piclro Puniaro, iulcndanl de lainljassade franeaise à Constantinoi)le, étail
peut-être parent du capitaine espagnol Pomaro, mentionné par Brantôme (édit.
Lal.uinc, t. I, p. 230).
[septembre io4i] GUILLAUME PELLICIER 41^1
serviteurs du i-oy sont bien ses amys et fort affectionnez, comme il
pourra congnoistre présentement. Et temps pour temps à l'advenvr,
vous verrez de me recommander en la bonne grâce du seigneur Pielro
Pomaro et m'entretenyr en icelle, et le pryer de nostre part ([uil vueille
bien asseurer ledict seigneur de la bonne voullenté que je luy porte.
Vous me ferez bien giant plaisyr de m'advertyr le plus souvent que
vous pourrez de voz nouvelles, et de ma part je ne fauldray à vous
faire sçavoir des miennes...
« Je vous envoyé une coppye d'une lettre de Gennes, laquelle vous
pourrez communiquer audict Barberousse sans dire le lieu d'où vous
l'avez eue, ne pareillement audict Pomaro, ne à homme du monde ne
le ferez sçavoir, »
Vol. 2, f>^236 , copie du .wi^ siècle; 12 p. in-f».
PELLICIER AU CAPITAINE POLIX '.
281. — [Venise], 23 septembre 1 541 . — « Monsieur, par la mienne
darnière du xiiif de ce moys aurez entendu aulcuns discours que l'on
faisoyt icy de l'empereur et son frère, touchant le malcontenteinent
que rAUemaigne et les Terres franches avoyent d'eul.v; dont ne vous
en feray aultre répéticion, estimant que pourrez avoir receu mes lettres
avant les présentes, mais vous diray que depuys ay receu les lettres
deSébénico du dernier du passé, ensemble le pacquet pour M. d'Anne-
bault que luy ai envoyé le jour d'aprez que les euz receues, qui fut le
xviir de ce moys. Pareillement ay esté présentera ceste Seigneurie celle
que luy escripviez. A laquelle aprez avoir faict bien entendre le plus
efficacement que j'ay peu la grande satisffalion et contentement que
aviez du bon traictement et honneste compaignye qui vous ont esté
faictz, tant par le cappilaine de la gallère que aullres leurs ministres,
passant par leur conté de Jarre -, et aussi par M. le conte de Sébénico,
les en ay bien humblement remercyez etofl'ert de vostre part que là où
ilz congnoistroyent que seriez bon pour leur faire plaisyr et service,
tant générallement que particuUièremenl, que j'estoys tout asseuré
que nonobstant le commandement que en aviez de S. M. de l'acomplyr,
comme aussi ont tous les aultres serviteurs du roy, que encores de
vous-mesmes pour l'inclination et grant affection que y avez, en vous
en advertissant, vous y employeriez de très bon cueur. Sur quoy m'ont
dict qu'ilz en sont bien asseurez, et qu'ilz n'ont point trouvé de meil-
leur ne plus seur amy que le roy. Et à vous dire la vérité je ne les
I. « Cedict jour fui cscript à M. l'arcevesque de Raguse, au seigneur conte
Marchior Testa, à Sébénic.o; au seigneur Pielro Pomaro, et au cappilaine Cola
Bunello. »
Le comte Melchior Testa.
i. Zara.
i32 AMDASSADE DE [SEPTEMBRE 154l]
trouvé jamais on inrilleuro disposilioii qu'ilz sont prùsonlemenl envers
S. M. Dont ji' croy que la moindre parolle que l'on leur escriproyt du
fousli' lie Iti où vous estez, suyvant ce que ay escripi en chiffre par ma
dernirre lettre eomme à vous <'t à messire Vincenzo Maj<gio, leui-feroyl
Iranclilr le saull, eslans Ijien asseurez que tenant le parly du roy, leur
siM-a trop plus nécessaire et prollilable que de nul aultre, voyant
l'anivlii' «pii est entre S. M. et ledict Grant Seigneur. De laquelle ay
receu lettres du dernier du passé à Jaliny', contenant en somme ce
que s'ensuyt : « J'ay advisé combien il emporte d'advertyr le Grant
<i Seigneur de l'armée que j'ay dressée sentant sa venue en Hongrye,
« tellement que j'ay diverly entièrement l'armée que l'empereur avoyt
<« préparée contre luy et icelle attirée sur mes espauUes; dont vous
« adverlyrez Icùicl Grant Seigneur. » Qui est de mot à mot ce que l'on
m'escript : par quoy ne m'estenderay à vous faire aullres discours là-
dessus, sinon que vous qui estez sur les lieux, par voslre bonne pru-
dence et dextérité congnoistrez et sçaurez trop mieulx ce que fera à
propoz de faire ou dire pour le service du roy que ne vous sçauroys
«scripre, tant sur le faict de cez Seigneurs que aussi sur ladicte lettre
<Ju roy... »
L'empereur ayant envoyé Granvelle au pape pour le prier de venir
le rejoindre à Lucques, Sa Sainteté « y est arrivée six jours davant
ledict empereur, sçavoir est le viii* de ce moys, et icelluy empereur le
xiiii"= *. Je ne m'estenderay à vous faire aulcune description de leurs
sérimonyes sinon ce que M. de Rodez m'escript qui est que aprez avoir
I. Jali^-'ny, l)Ourg de l'Allier, ;i ii kilom. de La Palisse. Le roi s'y trouvait les '29,
"30,31 août cl 1" septembre I5il [Cat. des actes de François 1% t. IV, pp. 234 et 238).
i. La dépêche de Howard à Henry YIIL datée de Lyon, le 1"^ octobre 1341, donne
de pittoresques détails sur l'entrée des souverains à Lucques : « The Bischo|ie of
Home madc bis entre ad Lukes the 8 ofseptcmber, %vitho\vt ony grete Iryumphe, but
after this sorte. Hc departid abowte none frome a howsc of Bonvises (lionvisi),
within a myle of Lukes; there wcnt afor Hym his howshold, rayed ail in scarlet;
after them the ambassadors of Senia (Sienne), which came thyther to makc reve-
rens iinlo Hym: Ihercwas 4 nf lliem;afler Ihcm folowid Ih'ambassadour of Venyse,
and of his lyfle haiide Ih'ambassadour df Flowrens: Ihen the duc of Camerino,
wilh his î,'cntlcmen afore hym; and the duc of Ferrar, likewise with his gentlemen
aforc hym: and Ihcn the blessed Sacrament undcr a canapé of while damaske;
and Ihen llie liishope of Rome undcr a canapé of cremesyn damaske; then folowid
Hym 4 cardinals: after them many prellaites, emongest which wasMons'de Roodes
[M. de Rodezj^lhii Frenche Kinges ambassadour; then folowed cerlen horsemen for
the savegardc of Hym, and certen launceknighles on fote abowte Hym. And as
Ile cnlred in to Lukes, they shoUo many goonnes, and there was dyvers schot-
chons of his armes seyl u|»pe in sundry places having thés wurdes wrilen under
neyth them : Salve iterwn, certamque Ilalis fer, Paule, salulem. After this He was
farycd in to his lodging in a chaire, with gentlemen of the towne of Lukes,
^ryviiig his blessing to evory body, as is coustom is to doo. Your Highnes greate
traitour Cardynall Pôle was not Iherc.
« Th'Emprour cntred in to Luke the 12"' of september, and was reyceyvid in the
•chyef churchc, whcre He mayd afor llic Bischope of Rome a longe oration with
i,'reat humblenes and reverens; and so rcytyred Hymself to his lodging » (Slate
papers of Henry VJH, vol. YHI, p. 614).
[septembre i;i4i] Guillaume tellicier 433
baisé les piedz, puys la main, cl par aprez les deux juuu.s du >u Sainc-
teté, luy disl estre venu vers Elle pour luy faire enttuidre les hesoings
et affaires de la chrestienté, et là-dessus prendre le conseil de Sa Sainc-
telé, pour y pourveoir par aprez de toutes ses forces. A quoy lui feist
responce qu'il le iremercyoit, premièrement du bon vouUoir qu'il avoyt
aux choses de la religion clireslienne, offrant de luy donner tout le
meilleur conseil et adviz qu'il pourroyt imaginer en cest endroict. Et
ce faict, icelluy empereur se meist en une chaire joignant celle de
Nostre Sainct Père, et aprez que toute la famille dudict empereur eut
baisé les piedz de Sa Saincteté, Elle feist les pryères et oraisons acous-
tumées; lesquelles finies se départirent tous deulx, s'en allant Sadicte
Saincteté en la maison épiscopalle, et l'empereur au palays de la
Seigneurie. Et le landemain commencèrent à négotier ensemble, mais
l'on n'a encores peu bonnement sçavoir de quelz affaires. Toutesfoys
ad ce que j'ay entendu d'aultres, quelques remonstrations que Sa
Saincteté et plusieurs ayent sceu faire audict empereur pour le divertyr
de faire Temprinse d'Algier, ne l'en ont peu garder qu'il ny ait mandé
son armée. De laquelle a faict cappitaine général le seigneur domp
Ferrand de Gonzagues, vice-roy de Naples, et se dict que l'empereur
passera en Espaigne. Dont aulcuns s'esmerveillent fort, s'il'est ainsi,
que le roy luy ayt faict signiflier la guerre par M. de Monnynes, en cas
qu'il ne luy voulsist rendre les seigneurs Rincon et Cézar Frégose',
attendu que par quatre barquerolz eschappez nouvellement du chasteau
de Pavye, qui avoyent conduictz les assassins lesquelz ont prins losdictz
seigneurs Cézar et Rincon, S. M. avoyt entendu iceulx seigneurs estre
vifz. Chose de quoy cez Seigneurs ont esté adverliz; mais moy je n'en
ay rien de M. de Rhodez; de quoy je m'esbahys bien si ainsi est, veu
qu'il m'avoyt promys par la sienne du xii" de ce moys de m'advertyr
de ce que il succéderoyt pour la venue dudict seigneur de Monnynes :
duquel, pour estre arrivé sur l'heure qu'il m'escripvoyt, n'avoyt encores
eu le temps d'eslre informé de sa commission. Et ay enlendu davan-
taige que ledict seigneur de Monnynes a protesté audict empereur que
s'il ne restituoyt lesdictz prisonniers, que il avoyt son oncle entre ses
mains et trente aultres gentilzhommes espagnolz ausquelz feroyt faire
ce qu'il conviendroyt; et qu'il ne failloyt plus nyer une telle et si
grande meschanceté, car elle estoyt toute notoire àungchascun-. Dont
•
L D'après G. de Leva {Sloria documciilala di Carlo V, 18G7, t. 111, p. 455),
Charles-Quint refusa d'entendre personnellement les protestations de l'envoyé
français; il se contenta de déclarer qu'il s'en remettait à la décision du Saint-Siège,
et ordonna toutefois que les accusés et témoins concernés dans cette affaire ne
fussent pas embarqués avec les soldats de l'armée d'Afrique.
. 2. Lord Howard, écrivant de Lyon à Henri VllI, le 21 septembre, dit de son
côté : <• Pleasith Your Majeslie to be advertised that the takynge of Fragoso and
Rançon, wherof I advertysed Your Highnes afor [la dépêche est perdue], hatlie
causyd moch busynes towarde; for as yet the King can not hâve them reystored,
Venise. — 1540-1542. 28
431 AMBASSADE DE [SEPTEMItKE Ib4l]
dicl l'on que pour cesle cause le marquis du Guast est allé en poste à
Millau pour y donner ordre de bailler assignation à tous les cappitaines
lie l'empereur pour esfre payez de leurs pensions et pour faire faire
six mil hommes de pyed et cinq cent de cheval; mais Ton estime que
s'il faict lesdirtz gens de cheval, ne fera tous ceulx de pied. Je ne
veulx ((Myer à vous dire que la pension de quarante mil escuz qu'avoyt
\o duc (jui fut de Savoye ' a esté rabbaisséc par l'empereur à vingt
mil; qui est Lieu pour luy donner occasion de n'estre trop contant ne
satisfaict de luy, et que icelluy empereur a aussi, ainsi que l'on m'a
dicl, jugé le différend d'entre monseigneur le duc d'Urbin elle seigneur
Loys de Gonzagues, au proftict et faveur dudicl de Gonzagues: qui ne
debvra pas donner cause audict duc d'Urbin de avoir grant dévotion
envers ledict empereur.... »
Vol. 2, r» 236 v", copie du xvi<^ siècle; 2 pp. 1/2 in-l».
PELLICIER AU ROI -.
282. — [Venise], 35 septembre 1541 . — « Sire, par les miennes
dernières du xiiir" de ce moys V. M. aura amplement esté advcrtye de
tout ce que avoys peu apprendre lors. Dont estimant qu'aurez receu
nor perfecle kno\vled;,'e v.helher they be a lyve or <led. Tiranswer lliat Mons' <lc
Tayse [M. de Taix] l)roughl towchyng the same was this, that Ih'Emproure was not
conscnlyng nor ycl pryvey 6f ther lakynge. nor luid no knowledge where Ihey
were, but yf llie Ivynge cowlde by ony iiieanys Irye wliere Ihey were. Ile wulde
doo thaï laye in Hym to see Ihem reystored. Yet the Kinge thought Hym not fully
satysfied witli this answcr. and so kepith slill the Dischope of Vallaunce as pri-
soner. And mon Ihynke Ihat, if signor Fragoso and Hancon be put to deathe, thaï
lie shall goo Ihe same waye. He halhe also sent another gentleman [M. de Molines]
in poste to Liike, where as th'Emperour, and the Bischope of Rome be appoyntid
le mete, whirhe shall déclare afor the Bischope of Rome, in the presens of Ih'Em-
prour, suchc injuries as the Kinge lialh susleynid in the taking and not reysto-
ryngc ol those his servaunles; upon wliose reylourne with answer the Ivinge yet
reymaynith abowte Lyons, hère and there of huntyng; and \ve as yet therfor not
certayn what way lie \vill lake. This ])resenl daie I sjiake with Ih'Emprours
imbassadour, which certyfyed me (liai He and the Bischope of Borne were ail
redy met al Lukcs, and that th'Emperour wulde not longe tarry in Ihose parties,
but lakc his jorney with his army in to AfTrike » {IbkL, p. r.06).
El il ajoute, le 1" octobre : « Sire, hère you shall reyceyve suche newes, as 1 hâve
lerne<l silh my last IcUer lo Your Grâce. Fursl, how that a gentleman, callid M. de
Boodis [M. de Rodez], ambassadour resydent with the Bischope of Rome for the
Frenche Kinge, and another callid M. de Moullyn, which as I wryltc unto Your
Grâce, was afor sent frome the Frenche Kinge to th'Kniprour. and" the Bishop of
Rome also Ilymself hâve inslantly labourcd Ih'Emprour for the restitution of
Rançon and signor Fragoso; but y't lytill prevaillid. Th'Emprour gave them faire
woordes, saying that He halh sought, so moche as in Hym laye. to undersiand
what shulde Itecome of them; and further that, if lie can havc knowledgc of them,
He will rcystore them. Howbeyt many men suppose dowbteles that they be ded, so
thaï .Mons' Moullyn is reytourncd lo the Kinge with that answer onlv » (Ibid., p. 613).
1. Charles III.
2. « Geste dépesche fut baillée au seigneur Piètre Strocy. »
I SEPTEMBRE lil-tl GUILLAUME PELLICIER 435
mes lettres, ne vous en feray aultre répélicion ; mais vous diray comme
depuys ay receu les siennes du dernier jour daousl, et veu ce qu'il
vous a pieu nVescripre on chiffre pour faire sçavoir au soigneur cappi-
taine Polin, ce que j'ay laict. Duquel ay receu lettres oscriplos à Séhé-
nico le dernier jour d'aoust avecques ung pacquet adressant à monsei-
gneur le mareschal d'Ânuebault; par lequel à mon adviz no fault à vous
escripre le progrez et succez de son voyaige jusques audict lieu, ou
pour le moings à mondict seigneur le mareschal qui ne fauldraà vous
le faire entendre. Toutesi'oiz, à toutes aventures, si n'ay-je voullu
obmettre à vous faire sçavoyr en brief ce qu'il m'en oscript, c'est que
pour avoir eu le vent contraire, nonobstant quelque bonne dilligence
qu'ilz ayent sceu faire, n'a peu arriver là jusques au x.wiir. Auquel
lieu a esté jusques audict dernier jour qu'il debvoyt partyr jtour
prendre droict son chemyn à Gradisque ', qui est à sept journées de là,
acompagné de bonne scorte et cinquante chevaulx que luy ont esté
mandez par le sangiacque de Bosna, iiour conduyre et porter ses gens
et présens jusques audict Gradisque; auquel lieu se doibl embarcquor
sur la rivière de Sava, qui le mettra dedans le Danubio, laissant Bel-
grade à main droicte deux journées. Sur lequel Danubio pourra tous-
jours aller seurement jusques là où sera le Granl Seigneur, où il espé-
royt estre, moyennant Tayde de Dieu, dedans quinze jours après la
datte de sadicte lettre pour le plus tard. Lequel chemyn est plus court
de XVI ou XVII journées que celluy de Raguse. Dont doresnavant, Sire,
m'escript qu'il luy semble estre le meilleur, pendant que le Grant
Seigneur sera en ce pays où il est de présent, adresser ses pacquetz
audict Sébénico pour me les faire tenyr, et que le semblable ay-jo à
faire : ce que feray s'il vous plaist que ainsi soyt faict.
« Sire, j'ay aussi veu ce qu'il vous a pieu m'escripre louchant la
Myrandola. Sur quoy encores que vous aye escript par cy davant bien
amplement de tout ce que a esté faict, ce néantmoings pour vous le
clariffier encores mieulx et m'en descharger, ne craindray à vous on
faire encores sçavoir le plus briefvement qu'il me sera possible. Et
mesmement comme acomplissant le commandement qu'il vous pleut
me faire par la vostre du xi*^ may, d'envoyer ung homme à la Myrandola
pour veoir faire l'exploicte de six mil escuz que V. M. avoyt ordonnez
estre employez en bledz au temps que le seigneur conte de la Myrandola
adviseroyt, et depuys par aultres lettres du vu' juillet, m'est commandé
d'ensuyvre ce que premièrement m'en avoyt esté escript. Parquoy en
estant rechairché dudict seigneur conte, y ay mandé ung de mes gens
avecques ledict argent, duquel a esté employé la somme de ...* en
1. Hradiska. ou lîerbir, ville de Bosnie siliiéc sur la rive droite de la Save, en
face de Vieux-Gradiska, ville de Hongrie.
2. Le chifTre est resté en blanc.
430 AMBASSADK DE «EPTFMRUE 15ili
achapl/ closdirl/ hloil/.; i-l la resle csl il(.'in('inM:'e entre ses mains, ainsi
qu'il niainl»Mioyl cslre nrdoniu' on allendant la rommodilé de para-
cliover ladirtc »Mn|)loi(rte, Et dopuys ay recou aultres lettres de V. M.
du wr du passé, ino faisant entendre que voulliez qu'il fusl employé
parlye desdictz six mil escuz au payement des Iroys cens hommes que
entendiez eslre mys de renfort en la Myrandola pour le temps qu'il
seroyl besoin}; durant le passai^o de l'emperour en Ilallye; et l'aullre
partye en acliaptz de municions. Laquelle chose, Sire, ayant faiel
entendre audict seigneur conte le plus amyablemenl et efiicacemenl
qu'il rn'a esté possible, est entré en grande coUère, et de faict sans
avoir égard au temps ne à sa personne, est monté à cheval et s'en est
venu en cesle ville pour nous faire telles protestacions qu'il avoyt jà
faicles à noz gens, et nous <lisl des propoz que pourrez mieulx entendre
par aullre que par moy, allégant que les six mil escuz luy avoyent este
députez et commyz, et non à moy, et que je n'avoys de m'empescher
sinon à venir faire Texploicte, comme, à dire la vérité. Sire, aussi
n'ay-je, comme apert par la teneur de vosdictes lettres cy-dessus.
Dont, le voyant ainsi tempesteret fascher, feusmes d'adviz, le seigneur
Pietro Strocy et moy, pour ne le mettre en plus grande fascherye, de
luy rembourser mit cent escuz qu'il avoyt employez au payement de
demy moys des gens de pied : ce que fut le moings que Ton peult, car
il ne tint pas à luy que avecques ses cryeries on ne luy baillast encores
mil cent huiclante escuz pour certaines municions qu'il dict avoir
acheplées, ainsi que V. M. pourra veoir par le mémoire que je luy en
envoyé présentement et que pourrez sçavoir amplement par ledict
seigneur Strocy, présent porteur. Qui me gardera vous en dire davan-
taige pour ne vous attédier.
« Sire, j'ay esté adverty que cez Seigneurs ont eu lettres de leur
ambassadeur prez du roy Ferdinande, par lesquelles ont entendu
comme icelluy roy luy avoyt tenu propoz de leur voulloir vendre la
conté de (îoricia ', sous laquelle est contenue Maran *, Trieste et
aultres villes à eulx voysines, et de bien grant importance, comme
pourrez entendre par les porteurs; mais ce n'est pas sans leur voulloir
faire trouver bon, que on estime estre pour la commodité, qu'il leur en
pourroyt revenyr plus que à nul autre, car il n'en demande pas moings
d'arrivée de cinq cens mil escuz. Laquelle chose cez Seigneurs ont
mise au conseil de Diexe, pour veoir s'ilz y debvoyent entendre : ce
qu'ilz doublent grandement, craignant de desplaire au Grant Seigneur
pour fournyr argent à son enQcrny. Lequel Grant Seigneur, ainsi que
cez Seigneurs ont esté adverliz, aprez la descontîtte et routte' du camp
1. Gorilz.
2. Marano.
3. Deslruclion, déroute, du lal. rupla.
[octobre liiilj (iUILLAUME PELLICIER 437
de Ferdinando, dépescha iing grant nombre de gens et chevanix pour
aller droictà Vienne ', s'allendaiil bien remporter, pour eslre despour
veue de municions et n avoir dedans que mil hommes et six pièces d'ar-
tillerie; mais en ce temps là il avoyt tant pieu que les eaues vindrent si
grosses qu'il/, ne peurent passer, et leurent contrainclz s'en revenyr
jusquesà Bude. Dont depuys l'on a entendu que le roy Ferdinando y
a mandé deux mil hommes de secours, lesquel/ se tiennent es environs
de ladicte ville, ne voullans entrer dedans, s'il/, n'y sont conli-ainct/.,
et ce pour la peste que l'on dict yostre fort grande. Pareillement avons
entendu ici que ledict Grant Seigneur estant entré en Bude, la royne de
Hongrye se présenta à luy avecques son petit filz, lesquels il veit très
vouUentiers, et feit bon recueil, et feit loger dedans le chasleau
avecques luy; et que les barons et seigneurs du pays supplyèrent
ledict Grant Seigneur de voulloir laisser el mainctenyr ledict enfant
roy ainsi qu'il avoyt pieu à Sa Haultesse le confirmer selon leur cslec-
tion, et les laisser vivre selon qu'ils avoyent tousjours faict jusques à
présent, en gardant et observant leurs privilièges, loix et ordonnances
qu'ilz ont de tout temps. A quoy ledict Grant Seigneur feist responce,
quant audict jeune enfant, que il n'estoyt en eaige de povoir gouverner
ne administrer ung tel royaulme, et qu'il y vouUoyt mettre ung gou-
verneur. Sur quoy lesdiclz seigneurs respondirent que son plaisyr fust
voulloir laisser ledict gouvernement à ladicle royne et ses conseillers.
A quoy ledict Grant Seigneur respondil qu'elle estoyt jeune, et qu'il
failloyt qu'elle se remariast ailleurs; par quoy y voulloyt mettre ung
gouverneur : et de faict l'a envoyée avecques sondict fdz en ïransil-
vania. Et qu'il avoyt faicl responce au roy de PouUongne, qui luy
avoyt escript luy voulloir mander sa fille et la faire bien acompaigner
et traicter ainsi que la trefve et ligue qu'estoyt entre eulx le requé-
royt, qu'elle seroyt aussi bien traictée où il la mandoyt qu'elle pourroyt
eslre avecques luy, et qu'il ne s'en soulcyast aullrement. »
Vol. 2, 1'^ 237 y", copie du xvi'^ siècle; 2 pp. 3/i- in-f^.
PELLICIER AU >IÈ.ME.
283. — [Vonse], 6 octobre 1341. — « Sire, la signora Constanza,
femme du seigneur Cézar Frégose, s'estant tousjours adressée et con-
fyée à moy pour les afl'aires de sa maison, sçaichant l'affection que je
porte à icelle pour avoir congneu ledict seigneur tant dévot et afTec-
tionné serviteur de V. M., à présent estant clarilRée ^ de la piteuse et
cruelle fin de sondict feu mary, s'est deslibérée retirer vers V. M. et
gecter à ses piedz. Dont m'a pryé, comme l'ung de voz très humbles
1. Le copiste a écrit •• Bude », par erreur.
2. Éclaircie, renseignée.
438 AMBASSADK DK 'OCTOIUIE 1541^
et lii'S obéyssîins servilours, lii\ voulloir donner la présenlL", laquelle,
encores que soys bien asseuir n'fn avoir uulcun besoin^, ce néant-
nioings pour luy satisfaire en tout ce que puys, m'a semblé ne luy la
dcbvoir «Icsnyer pour vous suppiycr, Sire, que voslre bon plaisyr soyt
la voulloir preudn' en voslre bonne et singullière protection et ses
pouvrcs enfans aussi, ainsi que par voslre bonté, piété et miséricorde
estes acoustumé faire, non seuUement à voz allectionnez serviteurs
comme il/, sont, mais encores à toutes personnes désoUées : vous
asseurant, Sire, que la chose a esté trouvée tant horrende et inpye
qu'il n'v a homme qui n'en soyt anltant scandalisé que de chose que
l'on ayl ov parler icy long temps y a. Jay enlin tant faict. Sire, que ay
recouvert ung de ces barcquerolz qui avoyt esté forcé et contrainct
ctmdnvre les assassins. Lequel est escliappé des prisons de Pavye que,
pour avoir encores eu hersoir' bien tard, n'ay bonnement eu loysir le
faire interroger juridicquement; mais entre aultres choses, m'a dict
qui- icculv pouvres seigneurs furent incontinent et d'arrivée tuez en la
barcque, et que luy-mesmes fut forcé les porter hors là auprès en une
petite isle, où ont esté trouvez leurs dépostz. Dont peult assez claire-
ment apparoir la machinacion avoir esté telle, et commandement si
exprez de leur mort, qu'ilz estoyenl jà ad ce destinez et livrez avant
que avoir esté trouvez et prinz. Et peult l'on comprendre que ad ce y
a la grant part le marquiz du Guast s'il est vray, ainsi que cedict barc-
querol dépose, que lesdictz meurtriers disoyent avoir ce faict par com-
mandement d'icelluy marquis. Je suys après pour entendre quel moyen
et forme je doibz tenyr pour le faire examiner plus auctenticquement
qu'il sera possible, affin de povoir servyr à perpétuelle mémoire; et
davantaige, pour plus grande approbation verray si le pourray mander
â M. de Langey, pour en faire par delà telle information qu'il cong-
noistra estre nécessaire. »
Vol. 2. r^ 239, copie du xvr' siècle; I p. l/4in-f°.
PELLICIER A LA REINE DE NAVARRE.
284. — [Venise], 6 octobre i 54 i . — Recommandation en faveur de
la veuve de Cesare Fregoso.
Vol. 2, fo 239 v», copie du xvi"^ siècle; 3/4 p. in-f^.
1. Hier au soir.
[octobre 1H41_ GUILLAUME PELLICIER 439
PELLICIER A MM. CHABOT ET d'ANNEBAULT ET AU CARDINAL DE TOCUNON'.
285. — [Vetiise], 6 octobre 1 54 1 . — Recomniandalion en faveur di-
Costanza Frcgosa -.
VoL -1, fo 240, copie du \\\^- siècle; 3/t p. in-f^'.
PELLICIER AU CAPITAINE JMJLIN 3.
286. — yVenisu], G octobre 1 .') 1 1 . — « Monsieur..., l'empereur se
paptyt le xxv" de Lucques, pour s'en debvoir aller embarcquer à la
Spetia ^ et le pape le jour d'après pour venir à Bonlongne ^; au parle-
ment desquelz, selon ceulx qui s'empeschent d'estre de leur secrect (qui
n'a esté qu'entre eulx deux), fut premièrement parlé de concilie. Sur
quoy fut assez débattu, mais il n'y eut aulcune conclusion; et fut
ordonné qu'elle se feroyt à Boullongne : qui a esté la cause d'avoir
faict retenyr Grantvelle avecqucs Sa Saincteté. En après fut parlé de
l'alTaire des seigneurs Cézar Frégose et Rincon, pour lequel, comme
vous ay escript, le roy avoyt mandé M. de Monnynes; mais jamais
l'empereur ne luy a voullu donner audience, ne que on traictast *de
ceste matière davant luy. Dont en fut disputé devant Sa Saincteté par
M. de Rhodetz et ledict seigneur de Monnynes de la part de S. M., et
1. « Lellre commune à messeiyneurs r.ulmyral, d'Annebaull et cardinal de Tour-
non, chascun à part soy, (ludicl Vl" octobre XLL »
2. Gesare Fregoso laissait quatre fils : Cesare, Annibale, Galeazzo et Giano.
Les deux plus jeunes furent, dés la fin de Ui41, attachés au service du roi, et
particulièrement à la personne d'Orazio Farnese, alors âgé d'une quinzaine d'années,
fils naturel de Pielro-Aloysio Farnese, et petit-fils de Paul 111, qui venait d'être
envoyé par le pape à la cour de France, en novembre 1541, pour y faire son api)ren-
tissage des aflaires.
Galeazzo devint plus tard comte de Muret, gentilhomme de la chambre, capitaine
de cinquante hommes d'armes et chevalier de Saint-Michel. Giano, que le roi venait
de gratifier d'une abbaye vacante par la mort de Jean de Langeac, — sans doute
celle de Fontfroide au diocèse de Narbonne dont Fregoso eut la commende, -
occupa par la suite le siège épiscopal d'Agen, de septembre looo au 10 octobre 158G,
date de sa mort (V. State papers of Henry VIII, vol. VIII, pp. C3S et 648).
En décembre lo4G, à Gompiègne, des lettres de naturalité furent décernées en
faveur de Costanza Uangona Fregosa, et de Cesare son lils aine, en réeompense des
services rendus au roi par leur feu mari et père {Cat. des actes de François I"', t. V,
p. 160, n" 15,488).
Déjà, le 27 décembre 1.Ï43, des lettres de main-levée, données à Fontainebleau en
faveur d'Anne Jouvant, la veuve de Rincon, avaient assuré à celle-ci la jouissance
viagère de la chàtellenie de Gcrmolles, précédemment concédée à son mari (W.,
t, IV, p. 53G, n" i-2,'601).— Le 31 mars 154o, par lettres datées de la liourdaisièrc,
une somme de 2.),G'J2 livres tournois fut assignée aux enfants du malheureux Rincon,
en dédommagement des pensions et concessions de terres faites à leur père (/(/. itjid,
p. 729, n» 14,392).
3. « Ceste dépesche fut envoyée par Maillard jusques à la Porte. »
4. La Spezzia, ville et port important, commerçant et militaire, situés au fond
du golfe de ce nom, à 84 kilom. de Gênes.
5. Bologne.
440 AMBASSADE DE [OCTOBIIE 1541j
de oellf dudict cmpert'ur i>ar Icdicl Tiranlvelle el le marquis de Lan-
guillare '. Kl Cul Tnicl inslauce parlesdictz seigneurs de Monnynes el de
liliodelz, de par iedi<'t sei},'neur roy, (jue lesdiclz seigneurs Cézar el
hincun hiy l'eussent renduz, aliénant qu'ilz debvoyenl eslre en la puys-
sance de lenipereur, attendu quilz avoyenl esté prins par ses niinis-
Ires ainsi (|u'il esloil 1res bien prouvé par le procès qui esloit enlrc les
mains de Sa Sainctelé; par lequel aparessoyt avoir élé examinez ung
Espagnol qui se Ireuva au fait de la prinse, el Iroys barcquerolz de
ceulx qui avoyenl conduictz les assassins, qui esloyonl eschappez de
la prison où avoyenl esté mys avecques Icsdiclz seigneurs Cézar el
Rincon. Sur quoy fut très bien nyé par ledicl Granlvelle ce avoir esté
l'aict par commandement ne consentement dudict empereur, et qu'il
n'en sçavoit aulcune chose, et qu'il estoyt prest â jurer el faire tel ser-
ment qu'il plairoyl à Sa Sainctelé. A quoy fut respondu que où il y
avoyl certainelé du faict de quoy se agissoyt, qu'il ne failloyl poincl
de serment, el qu'il faisoyt entendre à Sa Sainctelé de la i»arl de S. M.
que si cez hommes ne se trouvoyent, qu'il seroyl contrainct s'en res-
cenlyr avecques efîectz de parolles et de armes. Sur quoy ledicl Granl-
velle respondil que l'empereur les vouldroyt avoir d'or en la chambre,
pour les bailler au roy; à quoy fut réplicqué que S. M. ne les désiroyt
d'or, mais de chair et en esprit. Et ainsi la chose demeura sur voulloir
faire le sermant par ledicl empereur, et sur avoir prouvé l'affaire par
ledicl seigneur de Rhodelz. En après fut faict grant instance par l'empe-
reur qu'il pleust à Sa Sainctelé luy donner subside contre le Grant Sei-
gneur; et environ le qualriesme jour qu'ilz feurent ensemblement y
arriva ung secrétaire du roy Ferdinande, qui feit semblable demande
à Sadicle Sainctelé, apportant lettres de créance du premier sep-
tembre, narrant tout le désordre de la routte du camp dudict roy, sup-
plyanl qu'il fust donné mode de povoir résister aux forces dudict
Grant Seigneur. Auquel fut respondu eu parolles généralles par Sadicle
Sainctelé; néanlmoings l'on estime qu'elle donnera quelque ayde qui
pourra eslre de décimes en Espaigne, ou bien de deniers ou de gens,
mais avecques telle réputacion que il mandera ses gens en quelque
part que ledict empereur vueillo faire cnireprinse. Et n'a failly ledicl
empereur rechaircher Sa Sainctelé de faire quelque lygue nouvelle
avecques elle; mais il en a eu telle rcsponce que de cez Seigneurs,
c'est de n'y voulloir entendre pour le présent. Et Sa Sainctelé doibt
mander, mais qu'elle soyt à Boullongne vers le roy, comme l'on m'a
dicl, le ...*, pour refférer à S. M. la teneur de leur parlement.
« Monseigneur, faisant la présente, nous sont venues les certaines
el maulvaises nouvelles des seigneurs Cézar el Rincon; car jay receu
1. Le marquis de Aguilar.
2. Le nom est resté en blanc.
[octobre la4l] GUILLAUME PELLICIER 4U
lettres de monseigneur de Langey comme cerlaineineut ilz sont morts.
Et jà le corps dudict seigneur Cézar a esté porté à Castel-Geoffroy, et
celluy dudict seigneur Rincon à Plaisence, où ledict seigneur de Langey
a mandé ung secrétaire du roy nommé Vecqueria avecques instruc-
tions et commission pour faire interroguer de cest affaire aulcunsbarc-
querolz qui conduysoyent les assassins, qu'on dict estre arrivez à Plai-
sence, escliappez des prisons. Lesdictz pouvres seigneurs ont esté
trouvez morts auprès le lieu où ilz furent prins. Je vous laisse penser
la horrende cruaulté que ceulx entre les mains de qui ilz estoyent leur
ont usée, et vous puys bien asseurer qu'il n'y a celluy de bon juge-
ment par deçà qui ne croye très bien n'avoir esté tuez ainsi soubdaine-
ment par ceulx qui les prindrenl; mais que, voyant l'empereur le roy
en faire telle instance, affin que ladicte meschanceté si grande ne feust
sceue ne descouverte les a faictz ainsi mourir cruellement et puys
porter audict lieu. Je prye Nostre-Seigneur que vueille avoir leurs Ames.
Il n'y a point de nouvelles que l'empereur soyt encores embarcqué, ne
est pour ce faire qu'il ne voye quelle résolution le roy prendra après
avoir esté certiffié de la fin de sesdictz serviteurs ainsi califfiée, et
pense de le desguyser; et semblablement qu'il n'aye veu si le roy
vouldra prendre la pasture que l'on estime ledict empereur avoir
moyenne par le pape que le roy se vueille abocquer à Thurin avecques
Sa Saincteté pour ce pendant gaigner temps, et mettre en jallousye les
amys du roy, et mettre en suspeçon d'une croisade universelle de toute
la clirestienté contre le Grant Seigneur. J'espère que le roy congnoistra
et pourveoyrra mieulx à tout cela que pourroit porter empeschement
à cez affaires que nous ne sçaurions adviser. Si est-il que l'empereur
pensera faire de cecy son proffîct, à tout le moings d'estre excusé de
ne faire l'entreprinse d'Alger en personne, et demeurer tout cest yver
en Itallye comme j'ay tousjours esté d'adviz; attendu mesmement que
le temps est si tard, et il le reculle davantaige, et que sou armée n'est
pas encores bien preste, et au contraire Algier est bien muny de bas-
tions, gens et municions, pour bien le recepvoir et à ung besoing,
comme l'on dict, luy aller au davant. Il me sembleroyt chose superflue
de vous recommander le présent porteur, estant bien asseuré que pour
venir du lieu d'où il vient et avecques telle charge, qu'il ne sçauroyt
estre que le bien venu... »
Vol. 2, f» 2U), copie du xvi"= siècle; 2 pp. 3/4 iu-f'^.
PELLICIER A M. DE SÉBÉNICO *.
287. — Venise, 10 octobre 1 54 1 . — Recommandation en faveur
1. En italien. — « Geste dépesche fut i)ailléc à Sainct-Pol allant vers le Grant-
Seigncur. »
Giovanni-Lucio Stafileo, évoque de Sébenico, de 1328 à 1537.
442 AMKASSADK DE [OCTOHUE i54l]
(lu prieur de Sainl-Pol, aumônier ordinaire du roi, ami particulier du
cardinal de Lorraine, se rendant dans le Levant pour les afVaiies de
Sa Majesté.
Vol. •_', r* iU y^, copie du xvi<^ siècle; 3/4 p. iii-C'.
J'ELUCIER A MEI.CIIIOR TESTA, A SÉHÉMCO '.
288. — Venise, 10 octobre 1 54 1 . — Recommandation en faveur du
prieur de Saint-l*ol.
^■<>l. -J. r* 2'r2. copie du xW^ siècle; 1/3 p. in P.
l'ELLICIER AU CAPITAINE POLIN '.
289. — [ {''//«.se], 10 octobre 1511. — « Monsieur..., le X-Wiii"; du
passé l'empereur s'embarcqua à la Spetia, pour aller, ainsi qu'il faict
couryr hruict, mettre à exécution s'il peult son entreprinse d'Alger;
mais il ne l'ut pas trop avant en mer qu'il ne fut contrainct retourner
pour le vent qu'il eut contraire. Ce néantmoings cela ne dura pas long
temps, car le xxix° reprint son voyaige, où l'on estime qu'il ne fera pas
graut fruict, pour les raisons que je vous ay escriptes dernièrement... »
Vol. 2, f" 242, copie du xvi" siècle; 3/4 p. in-f\
PELLICIER AT' Rdl ^
290. — [Venise], 1.2 octobre 1 541 . — « Sire, encores que à mon
advis V. M. congnoisse très bien le seigneur conte Ludovico Rangon,
présent porteur, et soit trop mieulx informée de ses bonnes parties et
quallite/. que ne vous sçauroys deschiffrer, ce néantmoings s'en voiil-
lant aller accompaigner sa sœur la signora Constanza, et aussi vers
vous offrir son service, et m'ayant requis luy faire la présente pour
vous donner informacion de luy, m'a semblé ne la luy debvoir desnyer,
et vous porter tesmoingnage de la bonne voullenté que luy ay tous-
jours eongneue, depuys que suys icy, avoir à vostre service.... Et
davantaige. Sire, je vous puys bien dire que, avec la bonne voullenté
qu'il en a, il a pareillement bien bons moyens de la mettre à exécution,
pour avoir bon crédict et grandes intelligences en ce pays icy, ainsi
que plus au long V. M. pourra entendre de luy : qui me faict croyre
que s'il vous jdaira luy commander quelque chose en cest endroict,
qu'il ne fauldra s'y employer très bien et loyallement. »
Vol. 2, f« 2i2 v°. copie du xvi' siècle: 3/4 p. in-f°.
i. En italien.
2. - Par Saincl-Pol. »
15. « En faveur du seif-'neiir conle Ludovico Hangon auquel fui donnée la présente. »
i OCTOBRE l'6i\] GUILLAUME PELLICIER 443
PELLIGIER A M. DE I.ANCIEV'.
291. — [Venise], 13 octobre 1541. — « Monseigneur, je croy tiue
pourrez très bien penser que estant au lieu où je suys, à la grant pryèrr
et requeste de plusieurs serviteurs du roy qui sont icy, ay esté sou-
vent contrainct vous escripre en leur faveur et de leurs amys : ce que
j'ay faict trop plus de foys que n'eusse bien vuullu. Ce néantmoings,
estant icy le seigneur cappilaine Polin, receusmes de vous une lettre
avecques ung petit billet de papier escript en chiffre, contenant que si
quelques bons souldars, jusques à deux cens, se trouvoyent par deçà,
que en les vous envoyant on leur donneroyt party. Et après avoir rai-
sonné de cela bien amplement avecques ledict seigneur Polin, et de la
quantité des gens, me confirma que quant ilz iroyent bien deux foiz
aultant, que tous auroyent bon party et que Ton feroyt chose agréable
au roy et à vous : qui a esté occasion que trop plus hardiment, depuys,
vous en ay escript que auparavant. Et entre aultres par ung Gioan
André de Bergamo -, le congnoissant fort affectionné et avoir quelque
moyen de faire service au roy; la quallilé duquel ledict seigneur Polin
trouva telle qu'il fut d'aviz de l'envoyer et escripre pour luy. Mais à
présent que ay entendu par celle que m'avez envoyé par luy du v" de
ce moys telles adresses vous estre ung si grant fardeau, désirant servyr
à voz commoditez en toutes choses, aultant que homme du monde,
doresnavant je m'engarderay très bien de vous donner telles charges :
ce que n'eusse faict, n'eust été pensant faire service au roy et à vous
plaisyr, estimant bien aussi que le nombre desdictz deux cens hommes
ne fust encores complect, dont je vous prye m'en avoir pour excusé,
ainsi que le tout faisoys à bonne fin.
« J'ay tant faict que j'ay trouvé moyen d'avoir entre mes mains, tou-
tesfoiz et quantes que je vouldray, ung des barcquerolz qui conduy-
soyent les assassins; dont je vous prye m'advertyr bien au long et par
le menu des poinctz sur lesquelz vouliez et est besoing qu'il soyt exa-
miné; car, à l'aventure, l'interrogeant ainsi générallement, pourroyt
dire des choses qui ne feroyent pas trop à propoz. Par quoy vous
plaira le plus tost m'envoyer les articles, et me faire entendre si
vouliez qu'il s'en aille par devers vous; car, comme l'on m'a dict et
asseuré, il fera tout ce que aulcuns qui l'ont en leurpovoir luy diront.
Je vous veulx bien dire que je me suys conceillé à aulcuns praticiens
de ceste ville et affectionnez à faire service au roy si je pourroys le
faire examiner quant il sera entre mes mains juridicquement et auten-
1. ■• Par ung soiildarl recommandé par le seigneur Fietro Corse. •
•2. Gian-Androa de Bergame, capitaine italien au service de la France. II fut chargé,
en 1547, d'une mission diplomatique en Angleterre (V. Desjardins, Négociât, de la
France avec la Toscane, t. III, p. 212).
.ii4 AMBASSADE DE OCTOBni- {[l'ti
licquemont; mais j'ai trouvé que il y aura granl dillicultc que cesle
Seigneurie permelle qu'il y soyl enlriMuise sou auclhorité, attendu que
le ras n'a esté eoininys en leur jurisdielion : dont je vous prye adviser
00 qui sera le meilleur de faire et m'en advorlyr, afliu dacomplyr ce
«jue m'eu maudere/.. J'espère vous escripre dedans quatre ou cinq jours
plus amplement des nouvelles de deçà.... »
Vnl. J. f" 2m, copie <lu wi" siècle; 1 p. i/î ill•^^
i'i:i.i.u:iLi{ A M. u'ANNEn.vri.T '.
292, — [Venise], 19 oclobvc 1 o-l I . — « Monseigneur, tant pour avoir
esté pryè d'aulcuns miens amys et gens à qui je désire grandement
faire plaisyr, que aussi pour cognoislre depuis quelque temps ung
pouvre jeune homme nommé René de Bonneau, à mon jugement de
bonne nature et qualité, vous ay bien voulhi escripre en sa faveur,
m'ayant laiet entendre comme pour quelque ligière faulte à luy inter-
venue plus par inadvertance que par malice, ne se ose à présent trouver
au pays ainsi que plus amplement pourrez avoir esté informé; à ceste
cause vous ay bien voullu supplyer, Monseigneur, attendu ([uil m'a
faicl entendre sa liberté deppendre soubz vostre grâce et miséricorde,
<{ue vostre bon plaisyr soit le luy vouUoir octroyer et concéder, alïin
qu'il puysse retourner par delà continuer le service qu'il avoit desjà
commencé de faire au roy, vous faisant ceste pryère d'aultant ])lus
voullentiers qu'il m'a asseuré que en ce dont il est question n'avoir
■esté intéressé aultre que luy. »
Vol. i, [" 2i3 v", copie du xvF siècle; 1/2 p. in-f'\
PELLICIER AU ROI -.
293. — [Venise], 26 octobre-1 541 . — « Sire, estant icy sollicité de
plusieurs voz afTeclionnez et très humides serviteurs vous faire entendre
leur l)onne et ancienne voullenté, n'ay peu no m'a semblé dcbvoir faillyr
entre les aultres vous advertyr de la grande et affectionnée servitude
que vous porte le seigneur Francesco Beltrame, ainsi que suys adverty
par effect l'avoir très bien monstre du temps que MM. de Lavaour et
Rhodez esloyent icy, en faisant plusieurs bous et grans services; en
récompense desquelz à l'instance dudict seigneur de Rhodez avoit pieu
à V. M. luy ordonner quelque provision, de laquelle ce néantmoings n'a
1. « Esrript codicl jour à .MM. de Langoy et président de Tlimin en faveur dmlict
René lioncau, ainsi ijne est contenu aux mynutes. »
2. - Au roy, du XXVI' d'octol)re XLI,en faveur du seigneur Francesco Beltrame.—
Cedicl jour fut cscri|)l à messeignours radmyrail, et maresclial d'.Vnneliauit. en
faveur «ludict seigneur P"rancc§co iJellrame, ainsi que est contenu au.x mynutes. »
>»
[OCTOBUE ib4i] GUILLAUME PELLICIER
jamais joy ne usé. Toutesfoiz n'a laissé de persévérer vu U)uL cl parloiil
où il a congneu faire chose concernant voslredicl service, depuys que
suys icy, ainsyque ay escript plusieurs foiz : de quoy, Sire, me semble
faire le debvoir à présent vous advertyr pour eslre bien à propoz de
l'entretenyr à vostredict service, comme celluy duquel Ton peull avoir
beaulcoup de bons adverlissements et aultres commoditez, et mesme-
ment en temps de guerre, pour avoir grandes pralicques et menées
avecques groz personnaiges de ce couslé, ne désirant aultre seuUement
que, attendu le long temps qu'il y a qu'il s'est du tout adonné à voslre
service, avoir quelque honneste couUeur et moyen de cstre estimé tel
de tout le monde, s'en recommandant très humblement à vostre bonne
grâce. »
Vol. 2, fo 243 v", copie du xvi° siècle; i/2 p. in-f.
PELLICIER AU MÊME '.
294. — [Venise], i 5-37 octobre 1 54 1 . — Pellicier a reçu de Vincenzo
Maggio des dépêches sans grande importance. « Qui a esté cause, dit-
il, de me faire demeurer si longuement sans vous escripre, m'atten-
dant aussi de jour en jour quelques nouvelles de l'arrivée près du
Grant Seigneur de M. le cappitaine Poulin, pour vous faire sçavoir;
mais depuys ayant reccu aultres lettres de messirc Vincenzo Maggio,
des XX et xxiiii" jours de septembre avecques ung pacquet pour V. M.,,
m'a semblé vous le debvoir envoyer incontinent, ne me faisant rit-n
entendre davantaige que ce qu'il vous escript, sauf que ayant détenu
son pacquet depuys le xx^jusques au xxiiii'' septembre, attendant ung
courrier qu'il avoit mandé à l'encontre dudict seigneur cappitaine Polin
pour avoir quelques nouvelles de luy, arriva ledict jour icelluy courrier
qui luy avoit dict que à ceste heure là icelluy seigneur cappitaine povoit
estre avecqiies ledict Grant Seigneur, ayant faict aultre chemyn que
celluy de Belgrade, duquel lieu ledict messire Vincenzo ne bougeroit,
pour ce que ledict Grant Seigneur y debvoit eslre de retour dedans
VIII jours de là. Et m'escript aussi que icelluy Grant Seigneur avoit
liccntié le seigneur Laski -, qui est bien au contraire de la promesse
que avoit esté faictc par cy davant, comme vous a escript ledict messire
1. << Au roy, du XV d'octobre, retenue jusques au XXVII' dudict; envoyée par
S.icquelto. — Escript cedict jour à M. de la Uoclie, comme appert en unp mémoire
estant dedans les mynutes. Escript aussi à M. (h^ Boys-Rigault et à Laurens Charles,
et à M. Bayard. La présente dépesche fut envoyée au roy par le seigneur Sacquello. -
Gilbert Bavard, seigneur de la Font, secrétaire d'État et général des finances,.
beau-fils do Florimond I'' Robertet. H fut chargé de plusieurs missions diploma
tiques auprès de l'empereur et prit i)art nolainnienl aux négociations du traité de-
Crépy, conclu avec Charles-Quint le 18 septembre lo44.
2. Laski, malade et toujours prisonnier à Belgrade, fut rendu à la liberté par
Suleyman, à son retour de Bude.
446 AMIiASSAlU: DH OCTOBRE lo41,
Viiuonzo : c'osl (iiie le siicccdz qui advicndroil au seigneur Rincon, le
seinldahle auroil ledicl Laski ; mais, comme dict ledicl messire Vincenzo,
il n'y a pas granl lianco en ces gens là où ilz veoyent loucher leur prof-
(icl parlicullier. Ledicl (Jranl Seigneur a mandé icy ung ambassadeur,
pour se allégrer seullenienl avecques cez Seigneurs de sa vicloire, sans
commission ne charge de dire aullre chose. Je Tay envoyé visiter
secrellcnuMil, el faict quelque pelyl présent de choses mangealives
seullemenl, pour ce que, ainsi que jay esté adverly, n'est qu'ung chaoux
de basse quallité et crédict à la Porte; et l'ayant faict gouster pour
sçavoir aulcunes nouvelles de delà, n'asceu dire aullre sinon qu'il avoil
entendu par les chemyns en venant que ledicl seigneur cappilainc
Tolin esloil arrivé vers ledicl Granl Seigneur.
« Sire, le xxi.V du passé arriva icy Maillard, secrétaire de M. de lioys-
rigault, avecques lettres de son maistrc seullemenf, m'escripvant avoir
receu lettres de V. M. pour faire tenyr à messire Vincenzo Maggio le
plus seuremenl qu'il seroyt possible. Dont à ceste cause avoil dépesché
ledicl Maillard pour les porter audict messire Vincenzo, me priant luy
vouUoir donner la meilleure et plus seure adresse que verroys eslre
nécessaire : ce que j'ay faict, l'ayant adressé à Sébénigo pour faire le
chemyn que avoyl prins ledicl seigneur cappilaine Polin, attendu qu'il
m'avoit escript estrc le plus court de quatorze ou quinze journées, ayant
escript à M. l'évesque de Sébénigo, qui est bien de voz amys et fort aflec-
lionné à vous faire service, qu'il luy pleusl luy donner toute faveur,
ayde, support el conseil qu'il congnoislroyt ledicl Maillard avoir
besoing. Et le semblable ay-je faict à deux aullres de Sébénigo : l'ung
est ung abbé, frère de Moral, vayvoda de la Bosna, jougnant au conté
dudicl Sébénigo ', etl'aullre ung nommé Marchior ^, pour ce que ledicl
seigneur Polin m'escript avoir eu grande faveur et courtoisye d'eulx,
et qu'ilz se sont monstrez fort affectionnez à vous faire service. Ledicl
Maillard fut conlrainct par le maulvais temps sesjourner icy jusques au
VF de ce présent avant que se mettre en chemyn. El peu après arriva
aussi icy M. de Saincl-Pol avecques lettres de \. M. auquel pareille-
ment n'avons failly donner la meilleure compaignye d'ung de nos gens
et plus seure adresse qu'il nous a esté possible povoir adviser et
penser. Et avons esté d'advis, pour la nouvelle que avons eue du par-
lement du Granl Seigneur de Bude, eslre le meilleur aller descendre en
terre jusques à Raguse, bien que je n'ay failly d'escripre encores à
Sébénigo aux dessusdiclz, affin que selon qu'il trouvera là, advise de
prendre tel chemyn qu'il congnoistra eslre le meilleur el plus court
pour aller la part où sera ledicl Granl Seigneur.
« Sire, j'ay entendu par ledicl Saincl-Pol la bonne souvenance qu'il
1. Morato de Sébénico ou Mouiail, officier rcni'fzal passé au service de la Porte et
devenu sandjak de lîosnie.
2. Le comte Melcliior Testa.
[octobre lijil] GUILLAUME PELLICIER i^T
plaist à V. M. avoir d'ung si bas et pelyt serviteur (luo je liiy suys,
m ayant faict ung tel bien qui certainement estoyl assez sullisant pour
récompencer l'ung de voz anciens et plus grans serviteurs, bien vous
puys-je asseurer, Sire, que à peyne entre les mains d'ung plus dévot
ne afiectionné n'eussiez sceu coUocquer voslre béneflice ' : dont très
humblement en remercye V. M., espérant puysqu'il y a lieu si à propoz
pour jardinaiges, le faire bien garnyï- de toutes les bonnes et rares
choses qui se pourront recouvrer et entretenyr audict lieu, qui
pourra servir de pépinière à vostre beau sans comparaison Fontaine-
bleau.
« Sire, l'on faict courir bruict icy que il y avoyt quelque tresve
secrette entre le roy Ferdinande et le Grant Seigneur, jusques à la
Sainct-George -, laquelle l'on dict icelluy roy avoir vouilu celler, esti-
mant tirer secours d'argent de Nostre Sainct Père; mais en ayant Sa
Saincteté entendu quelque vent, luy a offert bailler seuUement les gens
de guerre qu'il tenoit sur le Parmesan et Plaisentin : qui sont environ
quatre mil hommes, ainsi que V. M. pourra avoir entendu de voz
ambassadeurs près Sadicte Saincteté. Quant au voyaige de l'empereur,
Ion a eu icy lettres de Palerme, comme le vice-roy de Sicille estoyt
retourné à Trapanni avecqucs huict galières fort mal en ordre pour le
maulvais temps; desquelles en avoyt deux hors d'espoir de jamais faire
service, et les aultres faisoyt racoustrer, pour le plus lost reprendre
son voyaige. Ledict vice-roy vint jusques à la veue de Majorica '; mais
ung si maulvais temps le surprint qu'il ne peult jamais abborder l'isle,
et le print si fort à la traverse et si loing qu'il ne retrouva meilleur ne
plus près que se rendant audict Trapanni. Et, ainsi que m'ont dict plu-
sieurs gens qui congnoissent le navigaige de la mer Méditerrane,
attendu le temps qu'il a faict en ceste mer Adriaticque ilz estiment
ledict empereur avoir eu très maulvais temps pour aborder en ceste
coste d'Algier. Et mesmement ung cappitaine qui est à mon logeis,
lequel est fort praticien de ce pays et mer de delà, pour avoir esté
douze ou quinze ans esclave plus domeslicque de Barberousse. Je croy
que V. M. aura bien entendu comme l'empereur avoyt laissé quelque
nombre de galières à la Spetia, et son médecyn pour le seigneur duc
de Camerin ', lequel se retrovoyt indisposé du parlement dudict empe-
reur, affin que, se retrouvant en convalescence de povoir résister
contre la marine, le deust suyvre, l'ayant faict chef des gens à cheval
1. Sans doute l'abbaye des Echarlis au diocèse de Sens, rlonl la rommendc avait
été attribuée à Pellicier, à la mort de Jean de Langeac, qui en «•lail liliilaire.
2. Le 23 avril.
3. Majorque.
4. Ottavio Farnese. Ce ne fut que neuf ans après l'assassinat de son i)ère, en 1556,
qu'Oltavio Farnese put jouir en pai.x de l'héritage paternel, sur lequel il régna
jusqu'en 1586, date de sa mort.
448 AMbASSAl'E DE [OCTOIUIE lU4l]
à ceslc c'uli-eprinse; mais cncori's iiavons nouvelles icy quil soyl
cniltaicqué.
« Sire, j'ay recou lettres d'ung Tierre IViinart, qui est à Constanli-
nople, du xiiir de passé, par l.'squclk's m'adverlisl larmée du Grant
Seigneur se pn-parer eu grande tliliigence, et que desjà esloyent sor-
lyes dehors plus de vingt gallères, et se jugeoyt par delà que Barbe-
rousse partyroit de brief avecques le reste de l'armée qui seroit en
loul de plus de iiii" gallères, bien ([ue l'on disoyt que ledict Barbe-
rousse allendoit eommandement dudiet Grant Seigneur avant que se
partyr. l'.t par lettres que ces Seigneurs en ont aussi eues du xvi" de
leur ambassadeur Badouare, ont entendu ledict Barberousse se debvoir
partyr résolument le xx" dudiet moys passé avecques xxxv ou XL gal-
lères, et quarante aultres qui piéçà estoyent dehors, et environ cin-
quante ou soixante l'ustes de Mores qui se debvoyenl joindre avecques
luy, tous, ainsi qu'on entend, fort bonnes gens de guerre par mer.
Dont ces Seigneurs, ayant ceste nouvelle, ont longuement discouru en
leur pregay sur l'enlreprinse du voyaige de l'empereur, considérant le
temps de son parlement de la Spetia du xxix"^ dudiet moys passé, cal-
cullant que depuys là pourroyt avoir demeuré cinq ou six jours avant
que d'arriver à Maiorica, et que là, pour assembler le reste de son
armée tant de Sicille que d'Espaigne et ordonner absolument de son
parlement pour Algier, pourroyt mettre quatre ou cinq jours pour le
moings. El depuys Maiorica laisoyenl compte qu'il pourroyt mettre
aultres cinq ou vi jours, qui sont en tout dix-sept ou dix-huict jours
pour aller jusques à Bugia ', où l'on estime plus commodément se
povoir désembarcquer et faire marcher son armée par terre jusques au-
dict Algier, n'en povanl aprocher plus près seurement par eaue. Que
si ledict Barberousse prend son chemyn vers Algier, comme l'on estime
([u'il fera, qu"il pourra arriver audict lieu assez à temps après que
ledict empereur seroyt désembarcqué pour, trouvant l'armée dudiet
empereur ainsi peu pourveue de gens, l'en pouvoir despouiller et l'em-
porter, et par ce moyen le priver de tout ayde et secours de victuailles
et d'espoir d'estre rescours en pays si estrange et ennemy de la chres-
tienlé, et en temps d'iver. Ce sont discours et jugemens que l'on faict
icy, lesquelz. Sire, ne semblent point du tout hors de propoz; bien que
aultres estiment que l'afiaire d'Algier ne touche tant ledict Grant Sei-
gneur, par le commandement duquel ladicte armée sort, qu'il doibve
entreprendre ung si grant voyaige de troys mille lieues en la pire
saison de l'année, et la mettre en ce hasart et dangier de mer, et d'une
armée si grande que ceste-là de l'empereur. L'ambassadeur duquel
faict entendre à qui le veult oyr que, à la dissuasion et prière du pape
et aultres ses plus grans et chers amys et serviteurs, ne fera ledict
1. Bougie, à IT" kilom. d'Alger, sur la Méditerranée.
[octobre 1541] GUILLAUME PELLICIER 449
voyaige d'Algier en personne, ce que est facille k croire, allendu ladicle
saison. L'on verra avecques le lemps ce qu'il en succédt'ra, mais
l'advis et oppinion de la plus grant parlye est qu'il ne fera |)as aisé-
ment chose de grant efficace.
« Sire, icelluy ambassadeur dict que, aprî.'s la protestation faicte à
Boullongne audict empereur par MM. de Rhodez et Monnynes, icelluy
empereur se retira en sa chambre tout seul, et vous escripvit une lettre
plaine de si bons propoz et de telle efficace que l'on peult eslre tout
asseuré que V. M. ne vouldroyt faire aulcune chose désagréable audict
empereur, et que il congnoist vostre bonté eslre si grande que non
seuUement audict empereur, mais à la moindre personne du monde, ne
vouldriez chaircher de faire aulcun desplaisyr; n'ayant doubtc ne
craincte de dire davantaige que, toutes foiz et quantes qu'il plaircjyt à
l'empereur, qu'il feroyt de vous comme il faisoyt de son gang ' qu'il
tenoit en sa main. J'entendz aussi que luy etlesaullresTmpériaulx, tantà
Gennes que ailleurs, disent que le congé qu'il vous a pieu accorder aux
Gennevoys - de trafficquer à présent en vostre royaulme estoyt signe
certain des bonnes intelligences qui estoyent en Vosdictes Majestez.
« Sire, j'ay aussi esté adverty comme le seigneur Marin Juslinian,
qui jadiz fut ambassadeur de cez Seigneurs près de V. M. et k présent
vers l'empereur ^, luy tenant propoz icelluy empereur des choses
d'estat de la chrestienté, et en quel poinct estoyt de présent, ledict
ambassadeur luy demanda congé de luy povoir dire aulcunes parolles
sans que S. M. s'en faschast ne printà mal; et ce qu'il luy voulluyt dire
n'estoyt point comme ambassadeur, mais comme particulier et de luy
mesmes : ce que ledict empereur luy permist. Dont icelluy ambassa-
deur commença à luy dire qu'il estoyt luy seul cause de la perte et
ruyne de la chrestienté, chairchant voulloir attirer et avoir tout à soy,
sans avoir esgard que à son proffict particullier. Et mesmement en
ceste Itallye ; car ne luy suffisoyt d'avoir déboutté V. M. de la duché de
Millan, mais encores la retenyr en ses mains contre les accordz et
pactions faictz avecques les princes et seigneurs de cestedicte Itallye.
Et nommément de ceste Seigneurie, estant tenu la mettre en main
tierce, et que s'il eust ce faict, l'on estime que V. M. n'y eust faict telle
1. Gant.
2. Génois. — Les lettres accordant au.K. Génois la permission de voyager, séjourner
et trafiquer dans le royaume étaient datées du 15 septembre loi! (V. Cal. des actes
de François 1", t. IV, p. 239, n° 12,109).
3. Marino Giustiniani, ambassadeur en France, puis à la cour impériale. La rela-
tion de son ambassade en France, datée de 1335, a été publiée par Tommasco et
par .\lbéri; sa mission, dit-i! lui-même, avait duré quarante-cinq mois.
Marino Giustiniani avait été d'abord attaché à l'ambassade de Sebastiano Gius-
tiniani, son père, en Angleterre, de liilo à 1319. Il fut lui-même ambassadeur en
France, de 1333 à 1535; puis successivement envoyé cà la cour de Ferdinand et à
celle de Charles-Quint.
Venise. — 1540-1542. 29
450 AMBASSADE DE [OCTOBKE 154l]
conlredictiun, ains à lavenlure la luy eust laissée en paix aussi bien
que feisles au dernier duc Francesco Sforce. De laquelle chose ledict
empereur s'est rescenly et prins si fort à mal qu'il a oscript à son
ambassadeur qui est icy qu'il eust à s'en plaindre de sa part à la
Seigneurie, luv remonslranl les audacieux et gros propoz que luy
avoyl tenu/, ledict ambassadeur, en leur inthymant qu'il/ eussent à le
révocquer; ou bien luy remonstrer de sorte quil ne luy advint jamais
plus user de telle arrogance, mais considérer mieulx à qui et comment
ilz dcbvovenl parler. Lequel ambassadeur, après s'estre conseillé à
quel(iue ung de ses amys s'il debvoyl laire telle ambassade à ladicte
Seigneurie, a esté advisé n'eslre à propoz; car cez Seigneurs ne le
trouverovent pas bon, attendu qu'ilz ne sont d'aultre adviz ne juge,
ment en ce, que ledicl ambassadeur, et que pour cela leur sembleroyt
n'estre raison le remonstrer ne aultrement chastier. Bien l'en pour-
rovent advertyr, et de la quallité que ledict empereur lavoyt prins :
qui pourroyt faire que ledict ambassadeur, voyant enaigry ledict empe-
reur contre luv, seroyt pour faire de jour en jour plus maulvais ofiice.
Parquoy ledicl ambassadeur de l'empereur n'a proposé encores telle
chose, ains s'en est premièrement excusé à l'empereur. Je verray d'en-
tendre ce qu'il s'en ensuyvra, et s'il y aura lieu de vous en advertyr,
je ne fauldrav incontinent à ce faire.
« Sire, je croy que V. M. aura bien esté advertye comme le marquis
du Guast liève en ceste Itallye cinq cens hommes de cheval; ce néant-
moings n'av voullu laisser à vous escripre les noms des cappitaines qui
baillent argent pour ce faire; sçavoir est le seigneur Charlo Gonzaga,
Hieronimo Silva, Federico da Dovara, Petro da Porto,vigentin, Her-
cules Martinengo, bressan '. Et quant à ceulx de la subgection de ceste
Seigneurie, j'ay entendu qu'elle leur a faict defTendre, non seullement
de offryr leurs personnes, mais encores de faire en leurs terres, aulcun
amas de gens sur certaines et grosses peynes, et mesmement audict
Martinengo.
« Sire, attendant de jour en jour que le seigneur Sacquetto présent
porteur se deust partvr, ainsi quil m'avoyt asseuré, pour aller vers
vous, avoys faict la présente dépesche dès le xv« de ce moys; ce néant-
moings m'e remettant toujours de demain en demain, pour n'estre du
tout dépesche de ceulx à qui il avoyt affaire, m'a retenu jusques à ce
jourd'huy xxvii% pour aullant que n'ay plus telle commodité de envoyer
mes paquetz par les gens de pied que M. de Langey me soulloyt
envoyer, et que seurement par la voye de Thurin ne sçay par qui les
\ Carlo di Gonzaga, Girolamo Silva, Federigo da Dovara, Pietro da Porto gen-
tilhomme vicentin, Ercole Martinengo, gentilhomme du pays de Brescia, capitaines
aUens au service de Tempereur. Ce dernier était cousin du comte Giorg.o Marti-
nengo que nous rencontrerons plus loin (V. Desjardins, Négociations de la France
avec la Toscane, t. 111, pp. "1 et 118).
[novembre lo4d] GUILLAUME PELLICIER 43I
mander, pour les dangiers qui y surviennent quelques foiz. Par quoy
je supplye V. M. me pardonner si ay demeuré si longuement à ce faire;
ce que n'eusse faict s'il m'eust semblé avoir chose dedans de telle
importance qu'elle eust méritée la debvoir mander expressément par
la voye de Suysse.
« Sire, en attendant ainsi, j'ay depuys receu une lettre d'ung vostre
serviteur de Millan, de laquelle vous envoyé le double de mot à mot-
et par icelle V. M. pourra veoir que le contenu en celle que vous ay
mandée par cy davant par ung de mes gens expressément d'ung
vostre serviteur d'Allemaigne, n'est du tout hors de propoz; car il
semble certainement qu'il ayt esté quelque chose de voulloir faire
ceste entreprinse contre V. M., laquelle pour avoir esté découverte n'ont
voullu exécuter. »
Vol. 2, f" 24 't, copie du xvF siècle; 0 pp. 1/2 in-f".
PELLICIER A l'amiral CHABOT.
295. — [Venise], 27 octobre 1541. — « Monseigneur, par le gentil-
homme que j'ay envoyé dernièrement à la court, et aussi par M. de
Sainct-Pol qui puys naguères est passé par icy, j'ay entendu la grant
bénivollence que de vostre gré me portez sans l'avoir aulcunement
mérité envers vous, ayant tenu la main pour moy de telle efficace que
si toute ma vye je me fusse employé par effect à vous faire service,
pour me faire dépescher le commendement du bien qu'il avoyt pieu
au roy me faire. Dont très humblement vous remercye, et vous asseure,
Monseigneur, que aprez S. M. me tiendray à jamais plus tenu et obligé
à vous que à nul autre... »
Vol. 2, fo 247 v», copie du xvi^ siècle; 1 p. iii-f\
PELLICIER AU ROI ».
296. — [Vmhé], 10 novembre 1541 . — « Sire, je vous escripviz
par mes dernières lettres du xxvii" du passé comme j'estoys atten-
dant de jour en jour nouvelles du seigneur cappitaine Polin. Depuys
ay receu ung pacquet de luy, ouquel ay trouvé une lettre pour V. M.
que luy envoyé présentement. Par laquelle encores que à mon
advis ne fault à vous advertyr de son voyaige, et de ce qu'il a
entendu par les chemyns, ce néantmoings m'a semblé ne debvoir
laisser à vous escripre ce qu'il m'en faict sçavoir par celles qu'il
m'a escriptes de Cuba sur la Save- lexx^ septembre; mesmement
1. " Par le nepveu de Montarnauld qui s'en alla avecques le sieur Matieu Danjoii
jusques à Thurin. »
2. Chabalz, bourg de Hongrie, sur la Save, au sud de Mitrowicz.
452 AMBASSADE DE NOVE.MnRE 1j41]
comme Moral Bocq ' avoyl prins le sahmcdy auparavant une ville sur
le passaige de la rivière de Save, appelée Nalchevilz -, laquelle esloyl
en la sul){:;oclion du roy Ferdinande, et furent prins tous ceulx qui
estoyent dedans; et qu'auparavant le sangiacque de Cosna ' avoyt
prins Varasilin, et couru bien trente mil en avant. Et m'escripl aussi
n'avilir prins le chemyn qu'il avoyt escript de Sébénico, pour avoir
trouvé depuys n'estre pas seur; demi avoyl esté conlrainct passer les
montaignes avec grosse scorie , qui avnyt esté cause de retarder
beauU'oup son voyaige. Et qu'il luy fauldroyt continuer jusques ad ce
qu'il fust rendu à la part où esloyl le Granl Seigneur : ([ui pourroyt
estre, ainsi que l'on estime, dedans xii jours après la dalle de sa dicte
lettre: et que le seigneur Moral resloylallé accompaigner luy-mesmes
en personne el baillé chevaulx el scorie pour le conduyre. Qui est, Sire,
en somme ce qu'il m'escripl, sauf que le secrétaire jadiz du seigneur
Rincon esloyl demeuré mallade à Clivène *, quatre journées au delà
de Sébénico; de sorte qu'il avoyl esté conlrainct retourner en arrière
audict Sébénico, ainsi que m'escript le seigneur Marchion Teste en la
maison duquel, pour l'avoir trouvé alTectionné à voslre service, se rendit
pour se faire traicter el penser '% où il fui jusques au iir- du passé
qu'il se partyl pour aller à Ragusc reprandre son chemyn à la Porte
du Grant Seigneur, à cause que, comme m'escripvenl M. Tévesque de
Sébénico et ledicl Marchion Teste, Taultre chemyn esloyl fort dange-
reux, d'aullant que ledicl Moral becq avoyt esté changé de là, et
mandé gouverneur es confins de Hongrye, el député aullres gouver-
neurs auprès du dudict Sébénigo, lesquelz n'estoyenl encores bien
assiz : par quoy ce pays là esloyl très mal seur. Qui a esté cause de
faire prendre le semblable chemyn de Raguse à Maillard, secrétaire de
M. de Boysrigaull, qui arriva audicl Sébénigo le m'' dudict moys
passé. El m'escripl davanlaige ledicl Marchion que l'abbé, frère dudict
Moral, luy avoyl dict que icelluy Moral avoyt escript à sa femme que
le Granl Seigneur s'estoyl levé de Tenlreprinse 'de Hongrye pour la
victoyre qu'il avoyt eue en Bude, où avoyt laissé ung bassa avecques
ung gros nombre de Turcqs; et qu'il se disoyl que le roy Ferdinando
avoyl faict tresve avecques ledicl Grant Seigneur pour trois ans : dont,
pour cesle cause, s'en relournoyl vers Conslanlinople. De quoy, Sire,
encores que l'on tienne cesle nouvelle non vraye, comme peull appa-
roir par aullres nouvelles que l'on en a icy et lettres que je vous mande
d'.\llemaigne , n'ay voullu obmellre à vous dire ce que on m'en
escript.
1. Moiato (le Sébénico ou Moiirad, sandjak-bey de Bosnie, puis de Poschega.
2. Nalscliewilz ?
3. Bosnie.
i. Glicv, bourg de DahTialio.
5. Panser.
[novembre 1541J GUILLAUME PELLICIER 453
« Sire, depuys que suys icy je ne me recorde avoir veu ceste ville
si longuement dcspourveue d'alTaires et de nouvelles d'importance que
à présent; et n'entend l'on aultre chose de l'empereur, sinon que
depuys le commencement de son voyaige, qu'il eut quelque maulvais
temps, l'a eu assez bon ; et que à présent il peult estre à faire faciendes.
Lequel a mandé ung sien secrétaire vers le roy Ferdinando et les
aultres princes d'AlIemaigne, que le magnifficque messirc Marino di
Cavai, envoyé, par ces Seigneurs vers ledict roy Ferdinando en la
place de messire Francesco Sanuti ', a rencontré à Trente, pour leur
faire entendre, ainsi qu'il déclaira audicl ambassadeur, que ledict
empereur avoyt conclud avecques le pape de faire le concilie, et que le
jour Saint-Martin *se déclareroyt le lieu ou debvroyt estre faict. Et que
l'empereur faisoyt encores entendre à ceux qui en leurs dicttes avoyt
semblé leur debvoir bailler xx'" hommes de pied, et Iroys cens che-
vaulx pour troys ans, pour faire la guerre au ïurcq, qu'il se offroyt
trouver en mars avecques toutes ses forces s'ilz luy voulloyent bailler
60"" hommes de pied et 12" chevaulx pour ceste foys seuUement; qu'il
entreprenoyt de faire si gaillardement la guerre audict Turcq, qu'il en
espéroyt estre victorieulx. Et oultre icelluy secrétaire dist audict
ambassadeur en grant secrect que entre aultres parlemeus qui furent
faictz à cest abocquement du pape et de l'empereur, Sa Saincteté luy
meist avant plusieurs partiz avecques offres de grandes sommes de
deniers, pourveu que ledict empereur feist le seigneur Otlavio * duc
de Millau; qui n'est chose mal consonnante, à ce que vous ay escript
par cy davant, mais que le dernier propoz cy aprez demeura plus en
espérance que nul aultre, c'est de investyr ledict seigneur Octavio de
Parme et Plaisence, et le faire duc de Boullongne *. Et tâcheroyent
que le duc de Ferrare luy bailleroyt Modène et Rège ', luy baillant en
contreschange Ravenne et Cervia; et en cas qu'il ne s'y voulsist accor-
■der, que l'on luy romproyt la guerre, et quant aux aultres poinctz, que
l'empereur luy avoyt donné bonnes parolles, prenant ung peu de
respict à luy respondre. Et par lettres de Lincz dudict Sanuti, du
xv^ passé, s'entend ledict secrétaire estre arrivé là et avoir dict ce que
dessus, excepté les partiz et offres faictz par Sadicte Saincteté audict
empereur. Et que ledict roy Ferdinando avoyt remercyé le pape des
deux mille hommes de pied qui luy mandoyt, pour ce que de présent
ne luy faisoyent de besoing. Lequel roy, bien qu'il eust déterminé
1. Marino ilei Cavalli remplaça, vers octobre 1341, Francesco Sanuto, qui lui-même
avait remplace, peu de temps auparavant, Marino Giustiniani.
Cavalli fut encore chargé, par la suite, d'ambassades en France, en Allemagne, à
«Constantinople et à la cour de Savoie (V. Albéri, loc. cit.).
2. Le jour de la Saint-Martin d'hiver, Il novembre.
3. Ottavio Farnese.
4. Bologne.
5. Reggio.
4o4 AMBASSADE DE [NOVEMBRE lliil]
aller faii'- aiilcune dielte, ne se partiros t, pour respect de la peste qui
esloyt parlniil là autour. Kscripvant aussi le seigneur Laski eslre
arrivé là, et que encores ([ue icelluy roy ne luy eusl déclairé expressé-
ment (ju'il eust faict tresve avec(iues le Turcq, ce néanlmoings
qu'il entendoyt bien à son parler ({u'elle estoyt faicte jusques à la
Saincl-tjeorge.
« Sire, ces Seigneurs oui eu lettres de leur secrétaire Kidel, par
lesquelles ont esté advertiz que le martiuis du (juast, ayant entendu
que V. M. avoyt mandé ung gentilhomme vers le duc de Savoye pour
luy dire aulcune chose de vostre part, avoyt dict que pourriez attirer
icelluy duc à vostre dévotion, alFermant pour certain qu'il seroit une
grande guerre et que jamais l'empereur ne se acquicteroyt quant à
l'Espaigne, s'il ne faisoyt ce qu'il luy avoyt dict, c'est de couduyro six
mil lansquenet/, pour sa garde avecfiues m™ Espaignolz payez ordinai-
rement, et que en ce faisant feroyt chose convenante à sa grandesse;
et feroyt faire à l'Espaigne tout ce qu'il sçauroyt désigner, concluant
que selon que succéderoyent les choses d'AlIricque, aussi feroyent
celles dudict empereur.
« Sire, madame la duchesse de Manlouc s'est retirée à Montferrat,
pour ce que, comme aulcuns veuUeut dire, elle ne se contente point
du fraiclement et gouvernement de monseigneur le cardinal son frère,
et s'entend que l'empereur charche de la marier; dont aulcuns en
faisant plusieurs discours à qui ce pourroit estre, estiment qu'on
pourroyt tascher avecques M. le marquis de Salluces ', pour l'afTection
et droict que sa maison a prétendu au marquisat de Montrerrat et la
commodité pour estre joignant au marquisat de Salluces, et la quallité
et eaige de ladicte dame convenant à soy. Ce néantmoings n'est
vraysemblablc que icelluy marquis fust pour ce faire sans vostre bon
plaisyr et congié.
« Sire, je croy que par le seigneur Strocy V. M. aura entendu comme
m'avoyt esté tenu propoz par ung serviteur vostre avecques ung gen-
tilhomme dicy autour, de faire quelque cnlreprinse pour vostre
service selon ladviz de voz serviteurs de non petite commodité et
importance. Par quoy ne vous en diray aultre sinon supplyer V. M.
m'en faire sçavoyr vostre voullenté ; car j'en suys sollicité et recherché
grandement par iceulx de y faire responce, d'aullant que comme ilz
me remonslrenl la commodité de la mettre à exécution, s'y adonne
mieulx à présent qu'elle ne feroyt en aultre temps hors d'iver.
« Sire, j'ay esté adverty que pour l'affection et gratitude que les
Gennevoys * portent de présent à V. M., ont depputez deux ambassa-
deurs pour envoyer vers icelle , sçavoir est messire Jehan Baptiste
i. Gal)riele, marquis de Saluées, le dernier des (juatre frères successivement
dépossédés par la France.
2. Génois.
[novembre loif GUILLAUME PELLICIER 4b5
Lercaro, pour les nobles ',et messire Juliaii Sauli, pour le populaire*,
pour ainsi que l'on m'a dict vous remcrcyer très humblement de la
rémission et révocquacion de ban qui estoyt laict contre eulx, et
permission que leur avez faicte de povoir praticquer et trafficquer en
■yostre royaulme, s'en tenans grandement tenuz et obligez à V. M.; et,
comme suys averty ont charge de entendre et escouter si on leur voul-
droit mettre quelques propoz et partiz en advant, et davantaige, ainsi
qu'ilz se laissent entendre, estiment bien que V. M. doibve mander
là ung ambassadeur, lequel quant il vous plaira de ce faire y sera
aussi bien venu et aura accez et faveur aultant que celluy de l'empe-
reur. De quoy, Sire, encores que à l'adventure V. M. pourra avoir
esté adverty plus tost que moy de ce cousté, ce néantmoings n'ay
voullu obmettre vous faire sçavoir ce que en ay entendu d'aulcuns voz
affectionnez serviteurs qui sont icy; lesquelz sont d'adviz que on ne
sçauroyt mieulx gangner ceste nation là que de continuer à leur faire
tel recueil et traictoment en voz pays que l'on a très bien commencé.
Sire, suyvant ce qu'il vous a pieu m'escripre par la vostre du xix° jour
d'apvril que eusse à vous faire tenyr le plus seurement que je pourroys
tout ce dont Tassin s'adresseroyt à moy, désirant obéyr en toutes
choses à voz commandemens, vous envoyé présentement une lettre
qu'il a receue d'Âllemaigne, par laquelle pourrez congnoistre s'il est
vray ce qu'il escript, de quelle vouUenlé ceulx y comprins sont envers
le monde. »
Vol. 2, fo 248. copie du xvi° siècle; 4 pp. 1/3 in-P».
PELLICIER A LA REINE DE NAVARRE
297. — [Venise], 1 0 novembre 1541. — « Madame, encores que
mon obligation envers vous soit si très grande que à grant peyne
seroyt-il possible de vous povoir assez suffisamment remercier de tant
de faveurs et bien faictz qui de long temps et incessamment par vostre
bénigne grâce j'ay receuz de vous, ce néantmoings ayant encores
entendu comme puys naguères continuant tousjours en ce, avez tenu
la main pour me faire asseurer et dépescher le bien qu'il a pieu au
roy me faire, qui est tel que de sa grâce par vostre faveur jadiz
m'avoyt donné l'espoir^, m'a semblé ne debvoir obmettre à m'en recon-
gnoistre vostre plus obligé et attenu après S. M. que à nul aultre, et
très humblement vous en remercye, vous supplyant qu'il vous plaise
1. Gian-Baltista Lercaro.
2. Giuliano Saiili.
3. Il s'agit peut-être ici des provisions d'un office de maître des requêtes que la
reine de Navarre avait promis de faire donner à Pellicier lors de la première
vacance. Or cette vacance s'était produite notamment le 25 juillet, à, la mort de
Jean de Langeac, dont Pellicier avait hérité déjà d'une abbaye, celle des Escharlis.
4r>6 AMBASSADE DE [nOVEMUIŒ 1541]
me iiiainlenyr tousjours en voslre bonnt' protection et gicice, comme
celluy qui est tout voslre très liumiile et très aflTeclioMné serviteur;
mosser Sébastiano Scrlio ma esciipt le bon recueil qu'il vous a pieu
luy faire et le bon traictement quil a tu du roy par voslre faveur;
dont, pour l'afTpction que je luy porte, je metz cela entre les aultres
obligations ([ue je vous ay, vous en remercyant très liumblenient.
J'espère (jue par ce moyen il pourra plus aisément obliger cesle llallye
et supporter les désirs et incommoditez de sa pérégrinacioii, et linir
ses jours au service du roy et de vous, aydant k' Créateur '...
>• Madame, ayant du tout ma parfaicle confyance en vous, ne crain-
dray à vous dire que, estant Sainct-Pol hors de la court, pour l'avoir
mandé le roy où l)ien sçavez, j'ay donné charge à La Roche que
j'avoys déf)esché vers S. M. arrester là pour se prendre garde de mes
affaires; par quoy vous supplyeray le vouUoir accepter en ce qu'il s'en
adressera à vous. »
Vu!. 2, f" iiiO, copie du .\vi<> siècle; 1 p. iii-f".
PELLICIER A M. D'aNNEBAULT.
298. — [Voiise], 10 novembre 1 541 . — Monseigneur, par les der-
nières lettres que j'ay receues de S. M. semble qu'elle soit assez satis-
faicte de mon petit service, et mesmement de la provision qui a esté
donnée à la Mirandola, chose, comme j'estime, qui procède plus de sa
grâce et bonté, ensemble le bon rapport qu'il vous a pieu de voslre
bénivollance luy faire de moy, ainsi que ay bien esté adverly, que pour
le debvoir; dont très humblement vous remercye. Bien vous puis-je
asseurer que à mon escient ne obmellray jamais chose que congnois-
tray eslre à la grandeur et honneur dudicl seigneur et de vous; et
pour ce, Monseigneur, qu'il me commande m'adresser du tout à vous
quant aux affaires de ladicte Mirandola, et que M. le conte de là prant
tolallemenl recours sur moy en toutes ses humeurs quant il luy plaist
chercher que Ton desbourse argent, je vous supplyeray qu'il vous
plaise luy faire pourveoir de bonne heure le payement de ses chevaulx-
ligiers qui eschet le premier jour du moys de décembre; car je suys
tout asseuré qu'il ne fauldra, inconlinant icelluy escheu, à m'en solli-
citer et travailler fort et ferme. Dont y a danger que me pourroys
1. Par lettres données à Fontainebleau, le 27 décembre lo41, le roi mandail à
Nicolas l'icart, notaire et secrétaire royal, commis à tenir le coniplc îles bâtiments
de Fontainebleau, Boulogne, Villers-Cotterels, Saint-Germain, etc., de payer à Bas-
lianet {aliàs Sébastien) Serlio, peintre cl architecte de Bologne, la somme annuelle
de iOO livres de gages, en quatre termes, à commencer du r'septomlire prochaine-
ment venant, pour son état de peintre et architecte ordinaire du palais de Fontai-
nebleau {Cat. des actes de François l", t. IV, p. 209, n° 12.254). Cette pièce a été
publiée par L. de Laborde, dans les Comptes des bdtirnents du roi, Paris, 1877, in-8°,
t. I, p. 172.
[novembre 1541] GUILLAUME PELLICIER 457
trouver bien enipeschc de trouver argent, s"il faudra que je en aye le
soulcy et charge, attendu niesniement ({ue le seigneur Pietro Strossy
n'est icy... »
Mêmes recommandations en faveur de La Roche, que dans la lettre
précédente.
Vol. 2, f» 250 v°, copie du xvi'= siècle; 1 j). in-l".
PELLICIER A M. DE LANGEV '.
299. — [Venise], 10 novembre 1 54 1 . — « Monseigneur, depuys les
dernières lettres que vous ay escriptes le xlx" du passé par le contre-
roUeur Toussainct Prévost ^, en ay receu cinq de vous avecques quel-
ques pacquectz; dont la dernière est du xxvi'^ dudict moys. A laquelle
vous feray seullement responce, et à celle du xxiiii*' auparavant; car
quant aux aultres n'y en eschet aulcune, sinon que ne fauldray faire
tous les plaisyrs que je pourray au seigneur conte Jehan de Porte ^, pour
l'amour de vous, quant il viendra en ceste ville. Et quant est de ce que
m'escripvez touchant Crémonne , je vous advise que plusieurs sont
venuz vers moy qui m'en ont mys propoz en avant; mais jamais n'y ay
trouvé tel fondement que je m'y deusse grandement arrester, attendu
mesmement qu'ilz vouUoyent commencer leur arquemye * par desbour-
sement d'argent. Excepté ung que je ne sçay s'il pourroyt point estre
celluy qui vous en a faict entendre, car il n'y a pas longtemps qu'il est
passé par vous, c'est M. le comte Ludovico Rangon; lequel pourra
luy-mesmes dire au roy par quel moyen il peult venyr à chef de son
entreprinse : dont ne m'en empesche plus aullrement. Quant est du
barcquerol, nomme Paulo Sarmetto ^, il semble avoir bonne vouUenté
vous aller trouver, et suys après pour veoir le plus seur moyen de
l'envoyer où m'escripvez. Je ne fauldray donner toute faveur au sei-
gneur chevallier Jehan Bua ^, et luy ayder en tout ce que pourray,
touchant ce que me mandez. J'ay faict entendre de vostre part à ceste
Seigneurie ce que me mandez touchant les faulx monnoyeurs, laquelle,
aprez vous avoir bien fort remercyé, a faict responce de mettre la part
au conseil de Diexe pour vous faire sçavoir ce qu'ilz en auront à faire;
mais que je laye, la vous manderay incontinant. Et ce pendant vous
diray ce peu de nouvelles qu'il y a à présent par deçà, et mesmement
comme ay receu lettres de M. le cappitaine Polin, de Cuba sur la Save,
le xxim^ septembre... » Pellicier se réfère ici à sa précédente dépêche
1. « Par M. de Pignan. »
2. Le contrôleur des finances Toussaint Prévost.
3. Le comte Giovanni da Porto.
4. Alchimie, dans le sens d'entreprise, machination.
5. Paolo Sarmetto.
6. Giovanni Bua.
4o8 AMBASSADE DE [NOVEMBRE 154l]
au roi, sur les progrès de l'armée turque et les agissements de l'empe-
reur.
«< ... .Xultrc chose ne vous diray pour ceste heure, sinon que par
lettres que ay veues de Millau d'ung bien bon serviteur du roy, j'en-
tcndz comme ung nommé Scaramu/a ', cheval-légier du cappilaine
Francesco Bt-rnardin ', moiistrant d'aller en Hrt'ssane ', révelle tout ce
qu'il peut entendre de nionsei-^nenr le niareselial et de vous au seigneur
Damian .Marsilis ', cappilaine de chevaulx légiers du marquis du Guast.
De quoy vous ay bien voullu advertyr, encores que j'estime bien que
telz personnaiges ne peulvenl pas sçavoir grant chose d'importance;
ce néantmoings ilz monstrent leur maulvaise voullenté, et combien si
plus povoyt il feroyt maulvaise office. Ledict serviteur du roy escript
qu'il est après pour en sçavoir d'aullre qui font semblables offices,
lesquelz descouvers ne fauldray pareillement à vous faire sçavoir qu'ilz
sont. Je ne veulx oblyer à vous remcrcyer bien fort des plaisyrs que
j'ay entendu qu'avez faict au présent porteur, qui est nepveu de mon
maislre d'hostel, pour l'amour de moy; lequel, incontinant aprez qu'il
fust arrivé icy, tumba mallade d'une grosse fîebvre qui l'a tousjours
quasi depuystenu. Dont ne s'est peu retirer plus tost au service du roy
et de vous : par quoy je vous prie que nonobstant son absence, il
puysse est payé de Testât qu'il vous a pieu luy faire ordonner et
l'avoir en vostre singuUière recommandation et protection; car les
plaisyrs et advancemens que luy ferez, les réputeray aultant que s'ilz
estoyent faictz à ung mien bien proche parent, et m'en tiendray, oultre
toutes les aultres obligacions que je vous ay, grandement attenu à
vous. »
Vol. 2, fo 2ul, copie du xvr siècle; 1 p. 1/2 in-f"'.
PELLICIER AI" ROI ^.
300. — [Venise], 18 novembre ioll. — « Sire, demeurant si lon-
guement avenir les nouvelles de l'arrivée près du Grant Seigneur du
seigneur cappilaine Polin, j'estoys entré en quelque double qu'il ne
vous les eust faict entendre plus tost par aullre voye que ceste-cy, ou
bien que quelque fàcherye ou encombrier ne luy fust survenu par les
chemyns, attendu mesmemenl que de Romme en venoyent nouvelles
fort particuUières. Mais, grâces à Nostre-Seigneur, est arrivé icy ung
cappilaine nommé Colas de Barlette, lequel, pour vous estre très affec-
I. Scaramucria.
i. Le capitaine Francesco Bernardini; il est qualifié par Brantôme (édit. Lalanne,
I. IV, pp. 69 et "2), de « gentil capitaine ».
3. Pays de Brcscia.
4. Damiano dei Marsiglis, capitaine bolonais au service de l'empereur.
0. « Par M. Daramont, en dilligence, Jusque» à Thurin, passe par Mantoue. »
[nOVEMBIIE 1341] GUILLAUME PELLICIER 459
tioiiné et avoir souvent l'aicl lelz voyaiges à votre service, luy avoys
baillé pour raccompaigner, avecques ung pacquet pour V. M. Lequel,
sçaichant en quel désyr estes attendant telles nouvelles, m"a semblé
le debvoir incontinent et sans aulcun délay mander en toute dilligence
jusques à Thurin par homme exprès pour vous le faire tenyr, et vous
faire entendre les nouvelles qui sont survenues icy depuys les dernières-
lettres que vous ay escriptes du x"' de ce moys. Et premièrement comme
cez Seigneurs ont eu lettres de leur ambassadeur près de l'empereur
escriptes à Majorica et Minorica' des xi et xii"' du passé, par lesquelles-
leur faict entendre ce que je vous ay jà escript, c'est que ledict empe-
reur avoyt eu très maulvais temps du commencement, et oultre, que
Janetin Doria avoyt esté perdu quelques jours, mais qu'il s'estoyt
retrouvé, de sorte que toute l'armée se montoyt ensemble deux cens
naves, soixante- cinq gallères, assez de victuailles et municions, dix
huict mil hommes de guerre, et mil troys cens gastadours. Et que
le xxv'' dudict moys debvoyt desmonter en terre pour faire son entre-
prinse; de laquelle, comme ilz estimoyent, auroyt victoire et, ce faict,.
passeroyt en Espaigne où il feroyt et seroyt obéy de tout ce qu'il
sçauroyt demander. Et de là à ceste prime vère s'en reviendroyt en ce
pays icy avecques très gros exercite. Escrlpvant aussi que ausdictz lieux
de delà luy a esté faict présent de force victuailles, et mesmement de
bonifz, vaches, et veaulx, lesquelles les gens de guerre de son armée
saccaigôrent incontinant : de quoy ledict empereur fut très aise, ainsi
qu'il dict, car, voullanslescappitaines chastier les souldars qui avoient
ce faict, ne voullut que pour ce eussent aulcune pugnicion, disant qu'il
estimoyt cela à bon présaige, et que du Pérou luy venoyent cent cin-
quante mil ducatz, mais que les'naves estoyent péryes par le voyaige.
« Sire, j'ay receu lettres de Constantinople du iiii« du passé, d'ung
Pierre Pomare -, duquel vousay aultrefoiz escript, et mesmement qu'il
m'avoyt faict entendre que Barberousse faisoyt mettre en ordre en la
plus grant dilligence qu'il povoyt l'armée du Grant Seigneur, et qu'il
atlendoyt commandement pour sortyr dehors. A présent m'a faict
sçavoir que le ir dudict moys ledict Barberousse estoyt monté en gal-
lère, et que la nuict ensuyvante se debvoyt partyr avecques le reste de-
ladicte armée, laquelle seroyt de plus de cent cinquante voylles y com-
prenant les coursaires qu'ilz appellent linentz ^ qui estoyent dehors; et
ne s'est peu entendre quelle part il voulloyt aller, s'en faisant là plu-
sieurs discours. Cez Seigneurs en ont aussi eu lettres de leur ambassa-
deur Badouare, des ii^ et v'' jours du passé, par lesquelles sont advertiz
que le iiii'' icelluy Barberousse estoyt sorty avecques nœuf gallères
seuUement pour se aller joindre avecques d'aultres qui l'attendoyent
1. Majorque el Minorque (iles Baléares).
2. Pietro Pomaro.
3. Ou lynes. — V. la note 7, p. 7.
4C0 AMBASSADE DE [nOVEMBUE lj)4l]
dehors, qui seroyenl m somme soixanle-dix, et que assemblées
avecques les liuenlz pourroyenl eslre de cent et dix voylles, voullant
venyr à la Prévesa ', jusques ad ce que le lîrant Seigninir fust arrivé
à Conslanlinople, nii inconlinaiil eslre joincl ledicl Barlx-rousse disoyt
l'aller trouver pour luy faire la révérance, et puys s'en retourneroyt
trouver ladictc armée, liien que ledict seigneur Badouaro escripve que
on faisoyt Ui jikisieurs discours de la part où il voulloyl aller, et que
aulcuns estimoyent que c'esloyl à Naples, et les aultres pour prendre
Segna ', ayant faict conduyre avecques luy en deux galléres plusieurs
pièces d'artillerye toute nue, et leurs équipaiges en une aultre avecques
pâlies de fer \ znppr *, qui sont houes ou marres ^. Escripvant aussi
que ledict Barberousse avoyl assez remercyé ce/. Seigneurs de l'expé-
dition (lu'ilz luy avoyent faicte de certaines espiceries qu'il avoyt faict
venvr icv, et remvs ses deniers, disant que ainsi seconfirmovt l'amvtié
entre eulx. Néanlmoings ledict Badouare avoyt esté adverty secrette-
menl de faire entendre à cez Seigneurs que venant l'occasion audict
Barberousse de leur lever quelque terre, qu'il ne fauldroyt à ce faire
s'il povoyt, ce que ledict Badouare avoyt jà faict sçavoir aux officiers
et ministres de cesdictz Seigneurs qui sont en Candye, Corfou, Jarre
et aultres lieux qui sont en Testât de ceste Seigneurie, affin de se
tenyr tousjours sur leurs gardes.
« Sire, il y a icy plusieurs seigneurs et cappilaines qui journelle-
ment sont aprez moy pour vous faire entendre leur voulloir et affection,
ce que m'a semblé ne debvoir obmeltre vous faire entendre pour le
debvoir de ma charge; et entr'aultres ung cappitaine de Boullongne,
nommé Benaldo de Marsiliis ", ainsi qu'il m'a faict entendre plusieurs foiz
et que ay eu très bonne information d'aullres que de luy, pour le grant
désyr qu'il a d'estre employé à vostre service, a reffusé de prendre
plusieurs partiz que luy ont esté offertz et mesmement dernièrement
avecques le seigneur Camillo Coullonne'. Il y a aussi le seigneur Bello
di Belly, qui estoyt l'ung des princippaulx cappitaiùes que eust le feu
seigneur conte Ludovico Rangon estant à vostre service, qui désire
1. La Prévésa, ville d'Albanie, à oO kilom. d'Arta, à rentrée du golfe d'Aria. C'est
lancienne Nicopolis fondée par Auguste, en souvenir de la victoire d'Actiuin, rem-
portée près de là.
•2. Segna, en hongrois Zeiiffc/Seny, la Senia jles Romains, ville de Hongrie, située
sur les confins militaires de la Croatie, dans le golfe de Quarnero.
.3. Pelles de fer.
i. Pluriel de l'italien zappa, pioche.
o. Mare ou marre, houe de vigneron.
6. Rinaldo di iMnrsiglis, capiUiine bolonais. On trouve à Lyon, en l.y"3, un impri-
meur italien nommé « .\lexan<lre de Marsilii ».
7. Camillo Colonna, un des princiitaux officiers italiens au service de l'empereur.
Il était fils de Marcello Colonna, seigneur de Zagarolo. Il épousa sa cousine, Vittoria
Colonna, fille de Pietro-Francesco Colonna, et qu'il ne faut pas confondre avec la
célèbre Vittoria Colonna, fille de Fabrizio Colonna, grand connétable de Naples, et
mariée au marquis de Pescaire.
[NOVEMBRE la41j GUILLAUME PELLICIER 461
grandement, advenant l'occasion de vous faire service, d'y estre
employé. Lequel, comme j'ay entendu, a beaulcoup de bons moyens
pour ce l'aire, pour avoir grant suytte de la Romaigne, où, comme
mieulx scavez, est la fleur des souldars italliens. Et pareillement ung
seigneur Longnena, bressan ', lequel a eu auUresfoiz charge de V. M.;
et dernièrement au partyr du seigneur Christophoro Capello luy fut
confirmée. Par quoy il supplye V. M. que, advenant l'occasion, suyvant
sadicte commission il puisse estre employé, et semblablement le sei-
gneur Aloisy de Luzago. bressan, qui a aussi eu charge deV. M. Lequel, •
ainsi que ay esté adverty, attendant la commodité de vous faire service,
a tousjours entretenu et entretient plusieurs souldars et cappitaines
pour y employer quant il en sera besoing; pourquoy faire luy convient
porter grosse despence, dont désireroyt n'estre mys au nombre des
derniers quand viendra l'occasion de vous povoir faire service. Quant
est du seigneur Savorgniano, il a esté quelque temps à la court de V. M.,
durant b'quel pourrez avoir esté informé de son bon voulloir par aultres
que par moy; dont ne m'estenderay a vous en dire aultre, sinon que
de jour en jour m'escript de Jarre, où il est pour cez Seigneurs, vous
faire entendre que toutes foiz et quantes que adviendra l'occasion de.
vous faire service, qu'il laissera toutes choses pour ce faire. Aussi le
cappitaine Marcello, gentilhomme de ceste ville, duquel puys naguères
vous ay escript particullièrement, désire grandement entendre s'il sera
retenu et mys au nombre de voz bons serviteurs quant viendra le temps
de vous povoir faire service. Par quoy je vous supplye, Sire, me faire
faire, si veoyez que bien soyt, ung mol de responce de ce que je auray
à leur respondre, affin que ilz puissent congnoistre que je n'ay failly
à vous advertyr de leur bonne vouUenté. Semblablement cez jours
passez le seigneur Aloyse de Gonzagues, m'adressant ung pacquet pour
la signora Constanzza -, m'escript, que combien que je ne puisse ima-
giner la cause pourquoy il n'aye esté à vostre service, que encores ne
laisse de demeurer en bonne voullenté de vous en faire comme servi-
teur de Y. M. Non pourtant je suys adverty que, luy estant né ung
enfant, le marquis du Guast doibt arriver dimenche avecques mil ehe-
vaulx à Castel-Gcoffroy, pour estre son compère; et là, quelques jours
après doibt estre faict combat du capitaine Santovallente avecques le
cappitaine '...
« Sire, le seigneur Mathieu Dandolo, ambassadeur pour cez Seigneurs
près de V. M., désirant grandement s'en retourner par deçà, pour se
retrouver luy seul de sa maison et n'avoir aulcuns enfans, tout ainsi
que à grande difficulté avoyt accepté la charge d'ambassadeur, aussi
est-il après avecques les plus grandes instances qu'il est possible de
1. Du pays de Brescia.
2. Costanza Fregosa.
3. Le nom est demeuré en blanc.
402 AMBASSADE DE [NOVEMBRE 15H]
faire jiour avoir .son congié; el du l'aitl la laiil cliauldemont et si sou-
vent sollicilé que la part a jà esté mise en pregay pour en faire ung
aullre; mais Ton ne sçayt encores qui sera ne que ce sera, bien que
aulcuns estiment là dessus que ce pourroyl eslre ung Monsenigo ', qui
n'est de trop l)nnn(' ligne, ne de la meilleure parlye et dévotion vostre. »
Vol. -'. r '2lil v^ copie du Wl" siècle; 'A pp. 1/2 in-r.
l'ELI.ICIi:it A I.VMIHAI. t;iIAIit»T.
301. — [T'e/iise], 18 novembre 1511. — « Monseigneur, encores que
jen'aye quasi aulcune matière digne de vous faire sçavoir oultre que ce
que j'escriplz au roy, que suysbien asseuré que verrez, ce néanlmoings
quant ce ne seroit seullement que pour faire le debvoir à l'obligation
que je vous ay, si m'a il semblé ne debvoir obmettre à vous escripre
plus tost peu de chose et de petite importance que de y demeurer du
tout; vous advertissant comme cez Seigneurs ont eu lettres de Lincz
de messer Marin di Cavalli, nouveau ambassadeur vers le roy Ferdi-
nando, par lesquelles ont entendu que le wv'' y estoit arrivé, et que le
.\.\vir feist la révérance et rellation de sa commission audicl roy, qui
luy feist fort grandes carresses, et que le .xxviii feist chevaillier l'aultre
ambassadeur son prédécesseur *, auquel donna une cliesne ' de cent
cinquante ducatz; oscripvant aussi que en Bude la peste estoyt fort
grande et par toute l'Ongrye, ayans esté chassez dudict Bude tous les
chrestiens qui n'y avoient aulcuns biens; et que ledict roy feroyt une
diette audict Lincz, et puys après une aultre en Bohémia et de là
yroyt en Ispruch faire la diette impérialle.
« Monseigneur, je ne veulx oblyer à vous dire comme j'escriptz par-
ticulièrement au roy par le seigneur chevallier Thomas, pour quelque
entreprinse de bien grande importance pour le service dudict seigneur,
pour laquelhîmieulx asseurer m"a semblé debvoir mander sur les lieux
ung personnaigc qui fust fort dévot et affectionné à S. M. et apte et
suffisant pour entendre telz affaires. Dont congnoissant M. Daramonl
tel et fort à propoz, et se offrant libérallement de ce faire, ay trouvé
pour sa suffisance estre le plus expédiant de le luy employer; lequel,
après très dilligemment avoir bien examiné et prouvé le tout, a trouvé
la chose assez faisible, ainsi que dudict seigneur chevallier Thomas
S. M. et vous pourrez estre informez. Et pour ce que les vertus et
quallilez dudict seigneur Daramont mérilenl estre recommandez à ung
chascun, jay bien osé prendre la hardyesse vous supplyer l'avoir en
vostre singulière protection et recommandation... »
Vol. 2, fo 253, copie du xvi^ siècle; 1 p. m-P.
1. Mocenigo.
2. Franccsco Sanuto.
3. Chaîne.
[novembre lb4l] GUILLAUME PELLICIER 463
PELLICIER A M. D'aNNEBAULT,
302. — [Venise], 18 novembre i 54i . — Mêmes nouvelles que celles
contenues dans la dépêche de ce jour au roi.
Vol. 2, f° 253 v°, copie du xvie siècle; 1/2 p. in-f".
PELLICIER A M. DE LANGEY.
303. — \yenïse\ i 8 novembre 1541. — « Monseigneur, depuis les
dernières que vous ay escriptes du x^ de ce moys, ay receu la vostre
du iiii* avecques le pacquot du seigneur Yallerio, que n'ay failly luy
faire tenyr incontinant. Je vous ay escript plusieurs foiz comme nous
estions en grant soulcy et peyne pour demeurer si longuement à avoir
lettres du seigneur cappilaine Polin, et jà commancions à estre hors
d'espérance d'en avoir les premières nouvelles par ceste voye icy,
attendu que de Rome en venoyent de fort particullières, mais grâces à
Nostre-Seigneur, le jour d'hier est arrivé icy ung cappitaine nommé
Colas de Berlette avecques ung pacquet pour le roy et ung aullre pour
vous, que vous envoyé présentement expressément par M. Daramont
lequel, pour le grant désyr qu'il a de faire service au roy et vous aller
veoir, et aussi pour mettre ordre, ainsi qu'il m'a dict, à aulcuns siens
affaires, m'a pryé luy vouUoir dresser ce voyaige. Et me déplaist que
ce n'est chose qui luy puysse tourner à plus grande commodité, car
je désire aultant son advancement que d'homme que je congnoisse de
sa quallité, pour premièrement le congnoistre tant dévot et affectionné
de faire service, ce que y estant employé est, comme mieulx sçavez,
pour très bien faire en quelque bon affaire. Et pour ce que suys tout
assuré que prières ne supplicacions ne vous sçauroyent augmenter la
bonne vouUenté et affection que lay portez, me sembleroyt chose super-
flue vous en faire aulcune instance. Si est-ce que ne me puys tenyr
vous dire que si encores pour l'amour de moy luy faictes quelque chose
davantaige, que je n'en auray moindre obligacion que si c'estoyt à
moy-mesmes : dont je vous en prye tant que je puys. Il vous pourra
communiquer quelques négoces, où je l'ay employé pour le service du
roy, qui me semblent de non peu d'importance; dont si veoyez que
bien soyt d'accompagner une lettre que j'en escriptz à S. M., ce sera
tousjours pour donner meilleure envye de la mettre à exécution. Quant
aux nouvelles dudict seigneur cappitaine Polin, j'estime qu'il vous en
escript aultant que à moy, car ne me faict sçavoir aultre sinon qu'il
avoyt exposé sa charge au Grant Seigneur, qui l'avoyt remys à Con-
stantinople pour luy faire responce; dont de ce cousté là je ne vous
en puys rien dire davantaige... »
4tj4 AMBASSADE DE [nOVEMBHE loli]
Suit 1»' rr'cit dos dornières opérations de Barberousse, contenu dans
la lettre au r(»i datée du même jour.
Vol. 2. P' H'tt, f(»|iic ilii wi" siècle; 1 p. iiil'".
PEI.LICIEK vr U<i|.
304. — \'t'nisr, 20 noveinhre I ,') 1 1 . — « Sire, se monslrant le
cappilaine Jehan Andréa de Bergamo fort afTectionné à vostre service,
ainsi que depuys que le congnois l'ay tousjours trouvé, m'avoyt tenu
l>ropoz de quelque entreprinse de bien fort grande importance, comme
aussi a il faicl le semblable à M. Daramonl, pour estre son amy, elle
congnoistre fort expérimenté au faict de la guerre, et par conséquent
apte et suffisant en telz affaires, et vostre bon subgect et féal serviteur.
Dont me sollicitant vous le faire entendre, fusmes d'advis d'envoyer en
premier lieu le plus secrellement que faire se pourroyt sur les lieux
pour tasler le gay ' si la chose seroyt si faisible quil disoyt. Par quoy
ayant expérimenté ledict seigneur Daramont en aulcunes choses pour
vostre service, et l'avoir trouvé en toutes fort loyal, affectionné et
suffisant, — et mesmement dernièrement à la MyrandoUa, tant pour
faire conduyre les deniers seurement, que pour les monstres, et nous
advertyr de ce qu'estoyt besoing y obvyer et faire, où il s'est fortdextre-
ment porté au gré et contentement du seigneur conte de là et de tous
les aultres, ainsi qu'ilz m'ont rapporté, — et se offrant libérallement
d'aller veoir si ledicl affaire seroyt pour réuscyr à effect ainsi qu'il
estoyt proposé, sembla au seigneur chevallier Thomas et à moy les
debvoir laisser aller à ce qu'il/ ont faict ensemblemenl. Lequel sei-
gneur Daramont à son retour m"a faict rapport que après avoir
examiné et bien prouvé le tout, qu"il a trouvé estre faisible et de bien
grant importance pour S. M., ainsi que dudict seigneur chevallier
Thomas pourrez s'il vous plaisl estre amplement informé, pour lui
avoir lesdictz cappitaines communicqué et déclairé le tout bien au long
et par le menu. Dont, s'il vous plaira que on y doibve attendre, et
m'advertyr de vostre voulloir, je ne fauldray à m'y gouverner tout
ainsi qu'il me sera commandé; et vous puys asseurer. Sire, que je ne
congnoys à présent homme par deçà mieulx à propos de qui je puysse
avoir commodité d'employer, tant en cela que aultre chose pour vostre
service, appertenantà la guerre, que ledict seigneur Daramont...
« Do Vcnize. »
Vol. 2, f'J 234 V, copie du xvi« siècle; 1 p. in-f''.
1. Tàter. sonder le <^\w. au (iguré; c'est-à-dire voir, avant de s'engager dans
l'afTairi', s'il n'y a point de risques à courir, pressentir les dispositions des inté-
ressés.
o
BINDIMG SECT. AUG261864
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DC
Pellicier, Guillaume, bp,
113 Correspondance politique
•5 de Guillaume Pellicier
Pif
t.l