f
COUR DU BANC DE LA REINE
ZEUST APPEL
JOHN KERRY & AL.,
Demandeurs en (Jour Inférieure,
APPELANTS,
ET
Les Sœurs Je l'Asile Je la ProvMence Je Montréal.
Défenderesses en Cour Inférieure,
INTIMÉES.
Appel d'un Jugement de la Cour Supérieure de Montréal, en date du
24 Novembre 1876
FACTUM' DES INTIMÉES
TRUDEL, TAILLON & VANASSE
f
fils des Intimées.
1
KHI
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58. JOHN KERRY & Al.,
{Demandeurs en Courfytârfàwjêl'f JU U
^** ' î7. c. -, «r. r. ******
ET
Les Sœurs de F Asile de la Providence de Montréal,
(Défenderesses en Cour Inférieure, )
INTIMEES.
■Faetiam des Intimée'
»•
Le Jugement dont il est interjeté appel en cette cause, a été rendu
par la Cour Supérieure de Montréal, présidée par Son Honneur M. le Juge
Mackay, le 24 novembre 1876, et se lit comme suit :
kt The Court having heard the parties by their Counsel respectively, as well upon
" the Défense en Droit of Défendants as on the merits of the principal and the incidental
" demands in their cause, having examined the proceedings and proofs of Record,
" heard the witnesses of said parties vivâ voce in open Court, and on the whole maturely
" deliberated ; Doth dismiss the Défense en Droit first pleaded, with costs distraits to
" Messieurs Doutre, Doutre, Robidoux and Hutchinson, Attorneys for Plaintiffs, and
" doth also dismiss the Défense en Droit secondly pleaded to part of Plaintiffs' Déclaration
" commencing with the words " in additiou to " with costs, distraits as aforesaid."
" And adjudging upon the principal demand, — Considering that the Défendants
11 hâve not violated the tiade-mark alleged property of the Plaintiffs ; that the Plaintiffs
M allégations charging them with having done it are not proved, but disproved ;
'' Considering, further, that the words " Syrup of red Spruce Gum " cannot and
" could not properly constitute a trade-mark, involving, as they do, only the name of a
*' substance, and not designating particular origin, or ownership, of it ;
" Considering that Gray never had nor hâve Plaintiffs' right to the monopoly of
" those words :
w
u Considering, npon the othër liead of Plaintiffs' complaint, that, save in so far as
" complaining of private damage to themselves, personally, through Défendants1
" violation of tlieir charter, or charter rights, or cxceeding their powers by trading, the
" Plaintiffs had and. hâve no right to prosecnte, it being for the crown alone, or the
'•' Attorney General (for the crown or the public) to prosecute corporations forexeeeding
" their powers, or for excesses in the exercise of their charter rights or powers ;
" Gonsidering that though the Défendants hâve been competing improperly in the
" market with Plaintiffs, no spécial damages are proved, and that, as to nominal
11 damages, Plaintiffs show no right to any; proving no license, or privilège possessed
" by themselves to trade ;
" Considering fmally that Plaintiffs bave not right to judgment for any thing
(l against the Défendants, upon the proofs of Record, doth dismiss Plaintiffs' action with
" costs distraits to Messieurs Trudel, Taillon and Vanasse, Attorneys for Défendants ; —
"And adjudging upon the Incidental Demand — Gonsidering that the Incidental
" Plaintiffs hâve proved most of their allégations material, and particularly that the
" Incidental Défendants interfered with them in their selling Syrup of Spruce Gum.
" and threatened them, and their agents, with prosecutions, and damaged Incidental
" Plaintiffs, by making them lose commercial gains, as alleged ;
" Considering, however, that the Incidental Plaintiffs, being a corporation, lay,
" fleemoysinary corporation, could not lawfully enter and carry on trade and
" commerce, and that the trouble they complain of, they hâve contributed to draw
" upon themselves, by the fact of trading without lawfully warrant, or right, but in
" excess of their charter rights, and that, theiefore, Incidental Plaintiffs hâve not clear
" right, or title, to a judgment against Incidental Défendants, for any damages, doth
" dismiss said Incidental demand; but without costs; as Incidental Défendants only
'■ pleaded a gênerai déniai, and not any justification."
h
L'ACTION.
L'action des AppeLants était appuyée sur deux chefs :
lo Ils se plaignaient d'abord de ce que les Intimées avaient porté
atteinte à leurs droits, en imitant une marque de commerce dûment enre-
gistrée comme leur propriété, et en fabriquant un sirop qui, d'après eux, ne
serait qu'une imitation ou contrefaçon tout-à-fait inférieures d'un autre sirop
dont un nommé Gray était l'inventeur, et dont ils étaient les propriétaires.
le nommé Gray leur en ayant vendu la recette.
2o Ils alléguaient ensuite que les Intimées, en fabriquant ce sirop et
l'offrant en vente, violaient la charte d'incorporation de leur communauté,
et outrepassaient les pouvoirs à elles conférés par cette charte, vu qu'elles
ne sont incorporées que pour prendre soin des pauvres, des vieilles person-
nes, des malades et des infirmes, et nullement pour exercer des industries,
faire le commerce et venir en compétition, sur les marchés, avec le public
industriel et commerçant qui paye des taxes ; elles qui sont exemptées du
payement des taxes municipales en leur qualité d'institution de charité.
Remarquons de suite, que ce que les Appelants réclamaient comme
constituant leur marque de commerce, était le nom de "Sirop de Gomme
d'Epinette Rouge" dont ils prétendaient avoir la propriété et l'usage
exclusifs
LES PLAIDOYERS.
Les Intimées ont plaidé plusieurs défenses en droit et une exception
péramptoire. L'exception péramptoire, qui reproduit les raisons de droit
énoncées dans les défenses en droit, établit en substance :
lo. Que le Sirop qu'elles fabriquent et offrent en vente a été conti-
nuellement fabriqué par leur maison depuis l'année 1843. Qu'à cette date,
une sœur Frigon, pharmacienne de l' Hôtel-Dieu de Montréal, en donna la
recette à la soeur Caron, Supérieure actuelle de la Providence ; que, depuis
cette date, elles l'ont toujours régulièrement fabriqué en grandes quantités,
sous le même nom et d'après la même recette, jusqu'à ce jour, dans leur
établissement, pour l'usage de leurs malades et celui du public; que dès ce
temps, et toujours depuis, les médecins du dispensaire de la Providence et
grand nombre de médecins de la Cité, l'ont régulièrement prescrit dans leur
pratique, ce qui constitue une propriété d'usage de dix-sept ans antérieure
à la date que Gray, l'auteur des Appelants, assigne à la composition de son
sirop, et exclut toute idée d'imitation ou de contrefaçon.
2o. Que tout, dans ce sirop, tel qu'offert en vente, est essentiellement
différent d'avec celui des Appelants; le goût et l'apparence, la forme des
bouteilles, la qualité du verre, l'enveloppe, la forme du paquet, les inscrip-
tions, la marque de commerce, etc.
3o. Que ce que les Appelants réclament comme caractéristique de leur
marque de commerce, savoir, le nom de "Sirop de Gomme d Ejoinette Rouge •■"
outre qu'il n'est pas le même nom que celui du sirop des Intimés ; i( §jiv<m
de gomme d ' épinette composé,'''' qu'il en diffère autant que le genre diffère çfe,
l'espèce, ne peut constituer la partie essentielle ou la caractéristique d'une
marque de comme.ice, vu que c'est le nom d'une substance dont l'usage
appartient à tous, une appellation nécessaire pour désigner cette substance
et ses qualités ; et que les Appelants n'ont pu acquérir un droit exclusif',
l'usage de ce nom.
t<> Que les Intimées n'ont fait a ue se servir ^Y,^"■ fftar^ue <l<: • ■■■>..
merce qui est leur propriété, dont elles ont obtenu l'enregistrement régulier
au bureau des " Brevets d'Inventions," au siège du gouvernement fédéral ;
que cette marque de commerce des Intimés, telle qu'enregistrée, est
essentiellement différente de celle des Appelants.
Et pour répondre au 2e chef de la plainte, il est allégué à l'exception :
Que les Intimés ont droit d' exercer toutes les industries et de faire tout ce
qui est nécessaire pour atteindre le but de leur institution, et que, de droit
commun, elles ont droit de faire tout ce que la loi ne leur défend pas ;
qu'elles pourvoient au logement, entretien, nourriture, éducation et panse-
ment d'un très grand nombre de pauvres, malades, infirmes, vieillards,
orphelins, sourds-muets, aliénés : en un mot, qu'elles viennent au soulage-
ment de toutes les misères : que pour se procurer les moyens de substenter
toutes ces oeuvres, il leur faut, vu qu'elles sont pauvres et n'ont aucun
revenu régulier, user de toutes les ressources que leur esprit de charité,
leur dévouement infatiguable, leur travail et leur industrie peuvent leur
procurer ; que d'après le droit public de ce pays, les institutions de charité
ont le droit d' exercer, ainsi toutes les industries nécessaires à leur subs-
tance ; que si elles sont exemptes de certaines taxes, en retour, elles con-
tribuent, par leurs œuvres, plus largement que tout individu ou toutes
autres institutions, au soulagement d' une foule de misères qui, autrement,
retomberaient à la charge de la municipalité ou de l' état, sous forme de taxes
très-lourdes.
Enfin que, eussent-elles de fait, outrepassé les pouvoirs à elles conférés
par leur charte, ce qu'elles nient, il n'appartiendrait pas aux Appelants de
poursuivre, en leur nom, le redressement de tels torts ; que, d' après une
disposition spéciale de notre code de procédure civile, de telles infractions
ne peuvent être poursuivies qu'au nom du procureur-général de la province
de Québec, agissant pour Sa Majesté la Reine.
Il suffit d'énoncer les propositions contenues dans les plaidoy es- résumés
ci-dessus, et de les mettre en regard de la preuve faite, dans la cause, pour
voir de suite que les Intimées ont, de point en point, établi toutes les allé-
gations de leurs plaidoyers.
1ère PARTIE
1ère Question :
Y A-T-IL EU IMITATION?
Et, d'abord, examinons la question d'imitation. Il suffirait sans doute
de comparer les deux produits pour voir de suite, jusqu'à quel point est
ridicule la prétention des Appelants que le sirop des Intimées est une imi-
tation du leur. D'un autre côté, la priorité d'usage, établie par au moins
six témoins du plus grand poids, et, constatant que le sirop des sœurs exis-
tait depuis seize ans, à la Providence, quand Gray originel son sirop en 1859,
Bans compter qu'auparavant, il avait été fabriqué de temps immémorial à
l'Hôtel-Dieu, suffirait amplement pour disposer de cette question d'imitation,
laquelle, en outre, n'a rien à faire avec une question de marque de com-
merce.
Gray, qui a dû aller à l'Hôtel-Dieu, n'a-t-il pas emprunté lui-même sa
recette à cet établissement ?
Quoiqu'il en soit, comme la poursuite n'a pas hésité à soulever la
question d'imitation, voyons ce qu'elle vaut, même abstraction faite de la
question de priorité.
lo. Le nom. Il est constaté par la preuve, qu'il existe quatre sortes
d'épinettes: la blanche, la jaune, la noire et la rouge.
Voir aussi : Flore Canadienne, p. 557 et suiv.
Les Appelants, en prenant le nom de " Sirop de gomme d'épinette
rouge," ont donc choisi le nom d'une espèce particulière d'épinette. Les
Intimées ont, au contraire, adopté le nom général de "Sirop dégomme
d'épinette." H y a donc, sous ce rapport, entre les deux noms, différence
du genre à l' espèce. D'un autre côté, le nom choisi par les Appelants
indique un sirop simple : celui choisi par les Intimées indique un sirop
composé. Ici encore, différence capitale dans le nom.
La chimie ne reconnaît que deux seules classes de sirop : les simples
et les composés.
Voir Dupinay de Vorepierre, Encyclopédie universelle, vo sirop.
Et ces classes sont bien différentes l'une de l'autre : Les sirops simples
sont ceux qui ne contiennent qu' une substance unie au sucre ; les sirops
composés sont ceux qui en contiennent plusieurs. Les premiers sont surtout
boissons d'agréments; peu sont médicamenteux. Les seconds sont en très-
grand nombre, et ils rentrent dans la cathégorie des substances médicamen-
teuses. Inutile de dire que la consonnance des noms : lo. Sirop de gomme
d'épinette rouge ; 2o. Sirop de gomme d'épinette composé, est essentielle-
ment différente. Donc, différence essentielle non-seulement dans le nom,
mais encore dans la consonnance du nom.
Il n'y a donc pas imitation dans le nom.
2o. La couleur : y en a-t-il dans la couleur et le goût du sirop ? Ce serait
insulter au sens commun que de le prétendre : celui des Appelants est
épais, de couleur rouge-noire, ayant l'apparence de la mêlasse; celui des
sœurs est blanc, plus liquide, ayant l'apparence du lait.
3o. Le goût : Celui des Appelants a un goût piquant, acre, oh domine
le goût de liqueur de noyaux, mais qui ne dénote nullement la présence de
la gomme d' épinette ; celui des Intimées, une saveur douce et agréable, où
domine le goût de la gomme d' épinette.
4o. Les bouteilles : Le sirop des Demandeurs est renfermé dans des
bouteilles plates, avec panaux concaves et formées d' un verre très-épais.
Celui des Sœurs est renfermé dans des bouteilles rondes, étant plus
longues d'au moins un pouce que celles des Appelants et faites d'un verre
très mince.
5o. Les encelopi>e* .- Le premier a pour enveloppes un papier bleu
clair, plié aux deux bouts en quarré et formant un paquet plat, d'un
pouce et demi de largeur, sur à-peu-près un pouce d' épaisseur, portant, sur
ses faces principales et ses faces lattérales, des parallélogrames contenant
des inscriptions en caractères assez gros. Le nom des fabriquants y est ins-
crit sur la longueur ; surtout, le nom du produit n'est imprimé que sur le
travers du paquet. Pour le second, l'enveloppe est remplacée par une
boîte quarrée, d' épaisseur égale sur les côtés. Elle n'enferme la bouteille
qu'en partie, de manière à laisser voir tout le goulot et partie du corps de
la bouteille. Les inscriptions qui couvrent cette boîte n'ont rien de sem-
blable à celles qui garnissent l'enveloppe des Appelants, les caractères étant
beaucoup plus petits et l'arrangement en étant tellement différent, que " à
moins d' être aveugle, il est impossible de prendre l'un pour Vautre,'''' ainsi que l'a
admis le docteur Picault, l'un des témoins des Appelants. La plupart des
autres témoins des Appelants, et Gray lui-même, ont admis que les deux
paquets étaient différents en toutes leurs parties. Et leur témoin Picault,
croit pouvoir dire même, <pi' un aveugle les distinguerait nécessairement. Impos-
sible, en effet, de ne pas distinguer parfaitement et de suite, au simple tou-
cher, une boîte de carton dur, ne cédant nullement sous la pression des
■ts, de laquelle sort, à un bout, le goulot nu d'une bouteille fermée avec
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un cachet en cire, d'avec un paquet enveloppé avec un papier soyeux, pliant
sous la moindre pression des doigts, et fermé aux deux bouts.
Voir, sur ce point, "Rendu" u marques de fabriques''' où il est établi
qu'une forme vulgaire, v. g. carrée, ne peut entrer comme partie de la
marque de commerce. P. 36 et 37, No. 50.
Au No. 56, l'auteur établit même que la couleur de l'enveloppe n'est
pour rien dans la marque de commerce. P. 4.
7o. Le cachet: Nous venons de mentionner le bouchon, lequel, dans les
bouteilles des Appelants, est de liège non recouvert, tandis que, dans celles
des Intimés, le bouchon de liège est complètement recouvert d'un cachet de
cire bleue, offrant encore une différence essentielle.
8o. L'Effigie, la marque de commerce: Enfin, la différence est plus
grande encore, s'il est possible, entre ce qui constitue la, partie caractéristique
de la marque de commerce. L'effigie, qui occupe la principale partie du
parallélograme sur l'une des faces principales des paquets des Appelants,
représente un indien penché sur les bords d'une cataracte, au milieu d'une
nature sauvage ; celle que l'on voit sur les boîtes des Intimés, qui constitue
\& caractéristique àeieur marque de commerce et qui n'est que le sceau de leur
communauté, représente un autel sur lequel est une Ste. Vierge le coeur
entouré d'une couronne de glaives : deux saints sont agenouillés au pied de
l'autel. En cercle, au-dessus de cet autel, est l'inscriqtion latine " Charitas
Christi urget nos" et au-dessous les lettres A. P. M. (Asile de la Providence,
Montréal). Le tout enfin est renfermé dans une guirlande de fleurs de lys.
Impossible de trouver deux marques de commerce qui différent davantage.
Non seulement elles n'ont rien de semblable entre elles, mais encore
chacune de leurs parties comportent des oppositions essentielles. L'une
porte tous les caractères de la plus haute civilisation ; l'autre, tous les
indices de la barbarie.
Après avoir constaté ces différences, il suffit de référer à notre
loi sur la matière, Acte des marques de commerce, sect. 1 et 3, et sect. 5
et 9 de la 35e Viot. chap. 32, statut de 1868, pour constater qu'il est
impossible de supposer ici môme l'ombre d'une infraction à cette loi. Est-il
possible, en effet, de trouver, entre deux objets, des différences plus radi-
cales, une dissemblance plus complète ? Est-il possible surtout qu' il ait pu
se trouver des témoins ayant le courage de dire que les deux articles
pouvaient se confondre l'un pour l'autre ? La chose est à peine croyable;
cependant, les Appelants ont trouvé de tels témoins. Aucun d'eux cepen-
dant n'a pu, dans les réponses aux transquestions, indiquer quelques points
importants de similitude. Quatre d'entre eux ont été appelés pour établir
qu'il y avait eu, dans le commerce, confusion entre les deux produits. Le
plus important d'entre eux est le témoin Devins. Suivant lui, le sirop des
Intimées peut être donné pour celui des Appelants. Lui même, affirme-t-il,
a souvent donné ce sirop quand l' autre lui était demandé. Mais il s' empresse
de dire que c'est intenthnndlement qu'il a fait cette substitution ! Certes! un
témoin qui vient dire de telles choses donne la mesure de son intelligence
et de son honnêteté. D'abord, son affirmation ne prouve rien de ce qu'il
veut établir. Bien loin de démontrer que l' un des paquets pouvait être pris
pour l'autre, elle n'établit que l'acte frauduleux de celui qui a substitué l'un
à l'autre. Il eut pu, tout aussi bien, donner de la morphine pour de la rhu-
barbe, de l'arsenic pour du sel. Nous sommes habitués à considérer le
pharmacien comme un homme sérieux et réfléchi, un homme en qui la
société a placé un haut degré de confiance. Cet homme est le dépositaire de
mille matières qui peuvent donner la mort ; il a la vie de ces concitoyens
entre ses mains. Et le voici qui vient déclarer, en face de la justice, que,
pour servir un misérable intérêt, que pour le gain insignifiant de cinq
centins, il substitue un médicament à un autre. Et cela, dit-il, se fait tous
les jours dans le cours des affaires. Or, est-ce à lui qu'il appartient de
changer la prescription du médecin ? De donner un remède pour un autre
sans savoir quel usage on en veut faire ?
Nous croyons sincèrement que le sirop des sœurs est infiniment supé-
rieur à celui des Appelants. Supposons même que dans neuf cent quatre-
vingt dix-neuf cas sur mille, il doive être prescrit, il peut arriver un cas
cependant, ne serait-ce qu'un cas sur mille, ou le sirop des Appelants, vu
certaines propriétés qu'un médecin lui aurait reconnu, serait nécessaire pour
sauver la vie d'un patient. Le médecin le prescrit; la vie du patient dépend
de l'application du remède. On le demande chez le témoin Devins, qui lui
substitue habilement une bouteille d'un autre médicament. Soit pour avoir
pris une substance qui ne lui convenait pas, soit pour avoir été privé de la
seule substance qui pouvait le sauver, le malade meurt ! . . .
Qui est responsable de la mort de cet homme ?
Vient un autre témoin amené h grands frais de Londres, province
d'Ontario. Que prouve-t-il? Qu'un jour, il entre dans une pharmacie, et
demande le sirop de gomme d'épinette de Qray ; que le pharmacien enve-
loppe, derrière le comptoir, sans la lui montrer, une bouteille qu'il lui
remet ; que rendu à son hôtel, il défait le paquet et reconnaît de suite que
ce n'est pas le sirop de Gray, dont il ne voit pas le nom sur l'enveloppe,
et qu'il sait être rouge et contenu dans une bouteille carrée, tandis qu'il
voit dans sa main, sans même la sortir de sa boîte, une bouteille ronde,
dont le contenu est blanc. Qu' est-ce que cela prouve ? lo Qu' il est impos-
sible de ne pas distinguer les deux produits dès qu'on y regarde; 2o Qu'il
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peut se trouver ailleurs des pharmaciens qui professent les mêmes notions
eu affaires que le témoin Devins.
Un troisième décide d'acheter le sirop de Gray sur le conseil d'un ami.
Il entre chez un épicier de la rue St. Laurent, qui lui remet une bouteille
du sirop des Intimées. En sortant du magasin, il remarque de suite que ce
n'est pas l'article qu'il a demandé. Le marchand lui assure que c'est bien
là l'article. Encore une fois, qu'est-ce que cela prouve, si ce n'est que le
témoin a reconnu la différence presque sans y regarder, et que le marchand
a voulu le tromper, mais en vain.
Enfin le quatrième est un employé des Demandeurs. Il entre chez un
autre épicier, avec l'intention de constater si on n'y vend pas le sirop des
Sœurs au lieu de celui de Gray. Il demande '•' Gray s Syrup ofSpruce Gum"
On lui présente celui des Intimées, qu'il accepte avec empressement. Qui
dira que cet homme a été trompé, qu'il a confondu l'un avec l'autre?
Evidemment, cet homme allait d'une épicerie à l'autre, répétant en cent
endroits son expérience. Il a réussi à trouver un épicier qui, soit parce
qu'il n'aurait pas bien saisi le nom du sirop demandé, vu qu'il ne parlait
peut-être pas l'anglais, le témoin ne parlant pas le français, soit parce qu'il
aurait agi de mauvaise foi, donne l'un pour l'autre. Encore une fois,
qu'est-ce que cela prouve ? Y a-t-il là preuve d'imitation, de contrefaçon ?
Qui oserait le soutenir? Voici comme Rendu, "Des marques de fabrique,"
p. 88, No. 128, définit la contrefaçon : " La reproduction entière du signe
" déposé."
Evidemment, en supposant que les Soeurs n'eussent pas la priorité
d'usage, laquelle est cependant parfaitement prouvée, il serait impossible
de prétendre que leur sirop, avec ses bouteilles, enveloppes, étiquettes,
marques de commerce, etc., fût une imitation ou contrefaçon de celui des
Appelants.
2e Question :
LE NOM: "SIROP DE GOMME D'ÉPINETTE ROUGE" PETJT-LL ÊTRE
LA CARACTÉRISTIQUE U UNE MARQUE DE COMMERCE?
Venons-en maintenant à la question de savoir si le nom de "Sirop de
Gomme rf Epinetie Rouge " peut former la caractéristique d'une marque de
commerce.
C'est là, à notre sons, le point culminant du litige.
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Les Appelants réclament ce nom comme leur marque de commerce, et
prétendent en avoir l'usage exclusif. Ont-ils pu acquérir un tel droit
exclusif à l'usage du nom de " Sirop de Gomme d 'Epinette Rouge," par l'enre-
gistrement, tel qu'il a été fait, de leur marque de commerce ? Nous mainte-
nons que non. Sur ce point, il ne nous paraît pas y avoir de doute possible.
Cette proposition légale des Appelants ne nous paraît pas pouvoir soutenir
la discussion. L'adopter serait admettre les conséquences absurdes qu'il
faut en déduire infailliblement. Aussi, le sens commun, les auteurs et la
jurisprudence s'accordent-ils à repousser une telle prétention. Le nom de
la substance est ce que les auteurs appellent "une désignation nécessaire qui
découle forcément de la nature du produit." Soutenir que le nom d'une
substance connue, dont l'usage appartient à tous, peut devenir la caractéris-
tique d' une marque de commerce serait soutenir : ou que le propriétaire
d'une telle marque de commerce aurait le monopole exclusif de l'usage de
cette substance, ou qu'il ne serait plus permis d'appeler par son nom cette
substance ou les produits qui en seraient tirés. Dans ce cas, l'enregistre-
ment d'une marque de commerce aurait un effet plus absolu que l'obtention
d'une patente, ou brevet d'invention. Il est évident que l'enregistrement
d'une marque de commerce ne peut avoir cet effet. Les Appelants n'ayant
pas de brevet d'invention, ne peuvent prétendre avoir l'usage exclusif de
la gomme d' epinette, ni le droit exclusif d'en faire un sirop. Dès que l'on
admet, pour d'autres parties, le droit de faire du sirop de gomme d' epinette,
il faut bien leur reconnaître le droit de se servir de l'appellation nécessaire,
c'est-à-dire de l'appeler de son nom: " Sirop de gomme d' epinette." Tout
autre nom ne conviendrait pas au produit, n'en indiquerait pas exactement
la nature et les qualités. Ce nom "découle donc forcément de la nature du
'produit" S'il en était autrement, il faudrait donc lui donner le nom d'une
autre substance : Sirop de rhubarbe par exemple. Mais je suppose qu'une
autre personne compose un sirop de rhubarbe, il ne pourra donc pas l' appeler
de ce nom ; il lui faudra adopter par exemple le nom de sirop de carotte,
pour désigner son sirop de rhubarbe. Et l'auteur d'un sirop de carotte, lui,
appellera le sien sirop de betterave, je suppose ! Il suffit d'énoncer une telle
prétention, pour en faire voir l'absurdité. Pourquoi, disent les Appelants,
ne pas appeler le sirop des Intimées: " sirop pour h rhume?" — D'abord,
parce que nous voulons l'appeler par son nom ; ensuite, parce qu'il n'appar-
tient pas plus aux Appelants de nous imposer un nom, qu'il ne nous
appartient de leur dicter comment ils appelleront leur sirop. Enfin, parce
que, si les prétentions des Appelants étaient fondées, si nous adoptions ce
nom, tous les auteurs de sirop pour le rhume n'auraient plus le droit d'in-
diquer que leur sirop guérit du rhume : ce serait notre marque de commerce '
IL
Dans l'espèce actuelle, il y a une autre raison pour laquelle il serait
doublement absurde de reconnaître aux Appelants l'usage exclusif du nom
de "sirop de gomme d 'êpinette : " quatre espèces d'épinettes au moins existent
dans le pays. — Or, les Appelants ont jugé à propos de choisir, pour nom de
leur remède, le nom d'une espèce spéciale d' êpinette : l' êpinette rouge.
Mais, si nous jugeons à propos, nous, de faire du sirop avec de la gomme
d'épinette blanche ? ou d'épinette jaune ? si la science médicale vient à
découvrir, dans ces deux sortes d'épinettes, des vertus précieuses, pouvant
bénéficier largement à l'humanité, il faudra donc renoncer à appeler les
sirops qui en seront composés : u sirop de gomme d 'êpinette !" Et tout cela,
parce que Monsieur Gray a jugé à propos d'inscrire, dans sa marque de
commerce, les mots de " sirop de gomme d'épinette rouge! "
C'est donc fort à propos que tous les auteurs qui ont écrit sur la matière
se sont accordés à dire que les appellations nécessaires, les noms des
substances connues, ne peuvent être la caractéristique d'une marque de com-
merce, et que, pour faire d' un nom une telle caractéristique, il faut adopter
un nom de fantaisie, ou " une association singulière de mots," lesquels, en
dehors de la signification de convention que l'auteur leur a donnée, en les
appliquant à désigner le médicament ou le produit de sa composition, n'ont
plus de sens, et ne s'appliquent à aucun produit, aucune substance : Tels
sont les mots : " Pain-Killer" " Sozodont," " PMlodont" " Reading Sauce,"
" encre de la petite vertu."
Telle est la doctrine des auteurs. Il en est un, cependant, " Brown,''
cité par les Appelants en Cour Inférieure, qui ne se trouve ni à la bibli-
othèque du bureau, ni à celle du parlement fédéral, et que, pour cette
raison, nous n'avons pu consulter. Nous sommes convaincu néanmoins qu'il
ne soutient pas les prétentions des Appelants. Si tel était le cas, ses opinions
seraient discutées par des auteurs postérieurs, tels que Adams, par exemple,
dont l'ouvrage : " Treatise or trade marks" est le plus récent de tous
ceux qui ont été écrits sur cette matière, soit en Angleterre, soit aux Etats-
Unis.
Nous avons résumé, dans la proposition légale suivante, l'opinion corn-
mune de tous les auteurs qui ont écrit sur les marques de commerce.
Proposition : " Un nom qui est en usage pour désigner un article et
" indiquer sa ou ses qualités, est une désignation nécessaire et ne peut
'•' constituer une propriété exclusive : par conséquent, ne peut être la carac-
" téristique d'une marque de commerce."
Cette proposition, non seulement est soutenue par toutes les autorités
en matière de marques de commerce, mais encore, a été consacrée par une
12
jurisprudence constante et à-peu-près uniforme dans tous les pays, ainsi que
l'on pourra en juger par les citations suivantes :
" Les désignations nécessaires ne peuvent constituer une propriété
exclusive."
" En conséquence, la qualification de "parfumé " donné à un produit
" aromatique ne peut créer un droit privatif à celui qui l'a appliqué le
" premier, bien qu'il ait fait le dépôt de ses étiquettes au secrétariat du
" conseil des Prud'hommes." — 6 Août 1858. Tribunal de commerce de la
Seine, affaire Thibierge.
C. Paton (La propriété industrielle No. 55).
Huart, marques de fabriques No. 19, p. 14.
Le même auteur, après avoir dit que personne ne peut être admis à se
servir d'une désignation dès que quelqu'un l'a choisie pour enseigne (ou
marque de commerce) ajouté. " Au contraire, s'il s'agit d'une désignation
"nécessaire, c'est-à-dire, de la désignation qui découle forcément de la
" nature du produit ou de l'établissement, cJiacun peut s'en servir sans
" s'occuper de la question de priorité."
" Jugé que la désignation : Corsets sans couture, est une désignation
<k nécessaire.
" 7 Juillet 1854, Cour de Nancy, affaire Verly (Ann. de la Propriété
" industrielle, 1855, p. 105).
" Jugé de même pour les " Toiles de Ménage."
(t 16 Juin 1857, Cour de Colmar, affaire Riser vs. Bernhim. (Ann. de
" la Propriété Industrielle, 1858, p. 216).
" Le titre de tl Journal des Fiancés" est une désignation nécessaire
" En conséquence, il est permis à un autre directeur de journal, s'a-
" dressant au même public, de prendre pour titre " Moniteur des Fiant
" 13 Octobre 1859, Tribunal de comm. de la Seine, affaire Dubedat
" C. Ory Lecamp, (Ann. de la Prop. Indust, 1859 p. 401).
Voir Huart, même ouvrage, Nos. 33 à 37, p. 104 à 105.
Voici maintenant ce que dit Rendu :
" Comme nous l'avons expliqué dans notre Traité de droit industriel, il y
" a des dénominations nécessaires ou vulgaires, qui ne sont autre chose que
" le nom générique de toute vue classe de produits, le mot par lequel tout le monde
" désigne, ces produits, qui ne peuvent devenir, en eux-mêmes, la propriété
" de personne."
Rendu, des marques de fabriques p. 26, No. 37. Aussi, No. 407, p. 303.
Bédarride est encore plus formel, s'il est possible :
" La dénomination sous laquelle une chose est communément et gêné-
Là
" ralement connue," dit-il, "lorsque cette chose est dans le domaine public,
" ne saurait jamais devenir la propriété d'un seul."
Bédarride, Brevets d'invention, vol. 3, No. 824, p. 33.
Ailleurs il dit :
" On ne saurait admettre que la dénonciation, ne désignant que le
"genre, puisse jamais devenir une marque de commerce ou de fabrique,
" susceptible de propriété exclusive."
Et plus loin : "Nous admettons, sans balancer, que la dénomination
" donnée à un produit nouveau ne saurait appartenir exclusivement à celui
" qui l'a déposée, lorsque le produit ne peut-être désigné sous une autre
" dénomination. "
Voir No. 822 et 823, p. 30 et 31. Nous citons encore, au soutien de la
même proposition :
Blanc, Contrefaçon, p. 105.
Gastombide, Contrefaçon, No. 480.
Gouget et Merger, Vo. " Nom," No. 20 et 213, vol. 4,Vo. : Propriété
Industrielle.
Colmels, des noms et des marques, p. 124.
Ce que nous venons de citer des auteurs français, résume à-peu-près
l'opinion unanime de tous les auteurs qui ont écrit sur cette matière sous
l'empire du Droit Français.
Voyons maintenant les auteurs anglais : Parmis ces auteurs, le plus
récent est, croyons-nous, Adams Treatise ou Trade Marks, publié à Londres
en 1874. On y retrouve absolument la même doctrine que celle des auteurs
français touchant la proposition ci-dessus énoncée :
" Where a man invokes the right which a manufacture has to the use
" of a trade-mark as the exclusive right to use it for the purpose of indicating
"where, or by whom, or atfwhat manufactory the article to which it is
" applied, was made, and patents a process for the extraction or manufacture
"of a natural produce, although his process is protected by virtue of the
" patent, lie cannot prevent other persons from selling the same product under
" the same name, unless lie adopts some original or fanciful appellation in
" addition as a trade mark." P. 67 et 68.
" A man cannot take ont a patent for a natural substance, but lie may
" take out a patent for arriving at that natural substance, and lie may
" christen it, putting aside ail other people liaving called it by that name.
Take the case of beet-root sugar :
" Suppose a man gets a patent, which lie might well do for extracting
" sugar from beet-root and says : I will call it beet-root sugar, and lie goes
" on manufacturing it, say, during ten years, nobody else having found out
14
" another way of extracting sugar from beet-root; of course, therefore,
" during that ten years, he would be the only person who extracted sugar
" from beet-root and in that sensé, you may say tliat the term "beet-root
"sugar" bas been used by him ; and when the terni "beet-root sugar"
" was used, it would be known that it was the sugar of the patentée. It
" does not become a trade mark, but it gets fixed to his sugar, because
" nobody else could make it. Then, another man discovers a second process
" by which he extracts sugar from beet-root, not wishing to patent it, he
" calls it " beet-root sugar " may he not call it "beet-root sugar" because
" the other gentleman, for ten years, has been the manufacturer of it and
" sold it as such?
" It is just as if a man discovered an oil from walhuts, and called it
" walnut's oil. If another man discovers another way of extracting oil from
" walnuts, just as in tin case I put of beet-root sugar, he must called it
" walnut oil. There is no other name by which he can call it."
Adam's Trade Marks, p. 68 et 09.
Remarquons de suite qu'il s'agit de droits acquis par brevets d'inven-
tion, droits beaucoup plus favorable aux yeux des cours que celui acquis par
l'enregistrement d'une simple marque de commerce. N'y a-t-il pas ici parité
de raison entre les deux cas cités par l'auteur et celui des Intimées? Sans
parler à présent de la question de priorité, laquelle, nous le maintenons ne
peut être décidée qu'en faveur des sœurs, n'est-il pas évident que, même
en supposant la priorité d'usage en faveur des Appelants, les Intimées
devaient appeler leur sirop : " Sirop de Gomme d'Epinette." De même que,
dans les exemples ci-dessus, le 2e inventeur a le droit d'appeler son sucre
"sucre de betterave," son huile, "huile de noix" ?
L'auteur va plus loin, et d'accord en cela avec les autres auteurs, il établit
que certains noms tels que "Wheler & Wilsons sewing machines"
" Liebigs Extract of méat," etc., etc., bien que constituant primitivement
des marques de commerce, ont été déclarés n'en plus être, après l'expiration
du monopole de fabrication, et sont devenues publia juris.
Adam's, p. GO et suiv.
Huart, p. 81 et 82.
Je continue les citations :
Voici maintenant ce que dit Rowland Cox, l'autorité américaine par
excellence sur la matière qui nous occupe.
"A name which is used to designate an article and dénote its quality,
"is never the subject of a trade mark."
P. 318.
Cette doctrine des auteurs, tant français que anglais et américains est
15
confirmée par une jurisprudence constante et unanime tant en France qu'on
Angleterre et aux Etats-Unis.
Elle a été soutenue le 28 Novembre 1863 à la Cour Impériale de Paris,
affaire Cohen vs. Morel ; le 24 et 28 Juillet 1835, affaire Larenaudière vs.
Perrine Guyot.
Tribunal de Commerce et Cour Royale de Paris; Gazette des Tribunaux
29 Juillet, 1835 : 7 Juillet 1855, Cour de Nancy, affaire Vallée ; 16 Juin
1857, Tribunal Comm. de Colmar Riau vs. Reinhim ; 13 Octobre 1859, Tri-
bunal de Comm. de la Seine, affaire Dudebat vs. Ory-Lecamp.
Dans la cause de Yong vs. Macrae, rapportée par Adams, p. 68 : " The
" Plaintiff had obtained letters patent for a process for obtaining, by the
" distillation of bituminus coals, paraffine, and also an oil containing
" paraffine, and fyled a bill to prevent the Défendants from selling, under
"the name of Paraffine Oil or American Paraffine Oil, any oil similar product
"that had not been manufactured by the Plaintiffs or their licences. In-
" jonction refusée! on the ground that the term " paroftine oil" was notanew
" name, invented by the Plaintiff, and which could be used by them as a
" trade mark, but was a natural tiïle, which must inevitably be applied to
(l the same article, by whatever process it was produced."
E. Jurist, p. 332. Adam's Treatise on Trade Marks, p. 68.
L'auteur cite aussi : Ingram vs. Stiff 5 Jurist (N. S. ) 941. Clément
vs. Maddrick 5 Jurist (N. S. ) 592.
Voici maintenant de nombreuses décisions prononcées par presque
toutes les cours des différents Etats de l'Union Américaine. Il est impos-
sible de trouver de plus grandes analogies qu'entre les cas qui y sont
rapportés et le cas qui nous occupe.
Dans la cause de Perry & Davis vs. Kendall. la Cour Supérieure du
Rhode-Island se prononce comme suit :
" The inventor of an unpatented medicine has no exclusive right to
tl make and vend the same, but if others make and vend it, they hâve no
" right to vend it as the manufacture of the inventor, nor to adopt his
" label or trade mark, nor one so like his, as to lead the public to suppose
" the article to which it is affixed the manufacture of the inventor.
Rapportée par Rowland Cox, on American Trade Mark cases p. 312.
Dans une cause de Phalon vs. Wright, cour des " Common Pleas" de
Philadelphie, jugée en 1864, le Juge Thompson s'exprime ainsi : " The
" adoption of a trade mark or devise to indicate the manufacture of a
" certain article does not give any right to the exclusive production of the
" article so marked. Any article of manufacture, unless it be protected by
" a patent, may be made and sold by any person."
.
-'
lu
Puis il ajoute :
" A word wliicli is tJie name of (lie article or indicate its qualifies, cannât be
" so appropriatîd (as a trade mark). Every one lias the right to manufacture
" the same article, and to call it by its name or descriptive character."
11 The name of an article cannot become the exclusive propeiiy of the maîcer,
" especially if that article is a known substance or production.
" In the présent case, the Plaintiffs claim to hâve invented a new
" perfume, and to hâve invented a new name for it, to witt : " Extract of
" Night Blooming Cereus." They do not claim any exclusive right in the
" perfume itself. They hâve thus chosen the name of a rare, though well
" known flower, and claim, in the name alone, an exclusive right as their
" trade mark."
" They admit that the name is a déception as far as it is used to indicate
" the real character of the compound ; that the perfume is no extract from
" the flower and that the trade mark is, in that respect, a pure invention.
" The "Night Blooming Cereus" however exists, a flower well known by
" that name, which, when first introduced to the public, excited much
" attention. An extract may be made from that flower ; any perfwner lias
" the right to make such an extract, and to call it what it is, by the name of the
« flower "~ Cox, p. 307 et suiv.
Dans la cause de Falkinbury & Lucy, la Cour Suprême de Californie a
jugé comme suit, en 1868 :
lo "The Statute does not rest in the manufacturer or vendor, as the
case may be, an exclusive property in the "articles" manufactured or
sold, nor in their name, or the words which must apply and properly
describe them ; and even, if such were the proper construction of the
statute, it would be voidfor toant of povoer in the législation to enacf //."
2o " By the terms "peculiar name " letters, marks, devices, figures,
or other trade marks, or name, as used in the statute concerning trade
marks, is not meant the established and proper names by which the " articles"
t<> which they are aftached, are named and by u-Jtir/i they are known in the
marJcet, nor something indicating their actual kind, character or quality,
but by them is meant as the subjects of protection against infringement,
something new, not before in use, something of the manufacturer' 8 <>tm inven-
tion, or first put to use by him, something peculiar to him, and not
coinnion to him and others, something which is intrinsically foreign to
the " articles" themselves, and only serves to designate them, because
it lias hcenfancifuUy put to that use in disregard of ail natural relations."
Le juge Landerson ajoute :
^ The Plaintiffs claim the entire label as their trade mark, and ask t-
i?
" be protected in the use of it as a whole ; but it is clear that the commort
" law give no consistence to such a claim. Only so much of their label as
" serves to indicate that they are the manufacturera or vendors of the
" washing powder can be considered as constituting the legitimate charac-
" terisûcs of a common law trade mark, p. 460.
" The Plaintiffs having no patent for the manufacture and sale of the
" compound in question, the Défendants hâve an equal right to manufacture
" and sell it, and by parity of reason and of necessity, an equal right to use
" its proper name and designate its qualities by any apt and proper words,
" notwithstanding the Plaintiffs may be using the same." — Cox, p. 465.
Est-il possible de trouver un cas d' une application plus parfaite à celui
qui nous occupe, et est-il possible de trouver un jugement plus conforme, à
la fois, à la saine logique et au bon sens ?
Je continue ces citations déjà longues, pour montrer qu'il y a unifor-
mité de jurisprudence sur cette matière, dans tous les Etats de l'Union
Américaine.
Dans la cause " Town vs. Stilson," le Juge Barrett, de la Cour Supé-
rieure de New- York, s'exprime ainsi :
"No manufacturer can acquire a spécial property in an ordinary term or
" expression, the use of which, as an entirety, is essential to the correct and
" truthful désignation of a particular article or compound."
" Hère, each party lias as much right to dessicate codfish as lie lias to
" dry or préserve fruits, or to pickle or spice oysters and salmon ; and it is
" a conséquence of this right, that lie may sell the article thus produced,
" under the désignation which is strictly appropriate to the allowed or
" modified condition of the principal ingrédient." — Cox, p. 515.
Dans la cause de Bowley vs. Houghton, C. S. de Philadelphie (1868),
le Juge Ludlow a décidé que :
" To entitle the owner of a trade mark to an injunction to prevent its
" use by another person, there must be, in the copy, such a gênerai
" ressemblance of the forms, words and symbols in the original as to
" mislead the public." — Cox, p. 486.
Dans la cause de Benninger vs. Watts, le Juge Brady, de New- York,
a décidé que :
" A name which is used to designate an article and dénote its quality is ne ver
" the subject of a trade mark."
Et plus loin il dit : " No title can be acquired to the words : " Old
London Dock Gin."— Cox, p. 318.
La même doctrine a aussi été énoncée dans les causes suivantes :
Cornstock vs. White.— Cox, p. 232.
u
Williams vs. Johnson. — Cox, p. 214.
Thompson vs. Winchester. — Cox, p. 7.
Il faut ajouter à toutes ces autorités celle du Ministre d'Agriculture ;
le témoin J. C. Taché, qui certes, n'est pas de la moindre importance dans
ce débat ; sa déposition est là pour le prouver. ' ' Le nom de Sirop de
Gomme d'Epinette, dit-il, est le nom générique du produit, et on ne peut
pas le désigner autrement." Il conclut de là que ces mots ne peuvent être
la caractéristique de la marque de commerce des Appelants, non plus que
celle des Intimées. Les Appelants ont voulu, lors de l'argument en Cour
Inférieure, diminuer la valeur de ce témoignage et nier toute autorité
à ce témoin qui, depuis douze ans, préside à l'enregistrement des marques
de commerce, et prononce journellement sur le» questions et les difficultés
qui s'élèvent au sujet de ces marques. De son côté, le témoin Graj croit
que le député Ministre d'Agriculture ne sait pas ce que c'est qu'une marque
de commerce ! n'a jamais lu l'acte des marques de commerce ! Cepen-
dant il se trouve que c'est lui qui l'a rédigé ! Et la Cour, en confrontant la
déposition du député ministre et l'acte des marques de commerce de 1868,
pourra juger si ce dernier comprend bien son acte et sait l'interpréter.
Tous les auteurs et les juges qui se sont occupés de cette question ne se
sont pas arrêtés à la proposition énoncée ci-dessus. Tous vont jusqu'à dire que,
un nom qui était originairement une marque de commerce, peut devenir
subséquemment publiai juria et ne plus être susceptible d'une propriété
exclusive; tels sont les noms: " Harvey's Sauce," " Wheeler & Wilson
Sewing Machines," " Liebig's Extract of Méat."
Dans ce cas, ces noms indiquent non l'origine du produit, mais le
svstème ou le mode de fabrication.
Adams Treatise of Trade Marks, p. 61 et suiv.
Lloyd Law of Trade Marks, p. 52 et suiv.
Huart, Marques de Fabrique, p. 81 et 82.
Thompson vs. Winchester, Cour Supérieure de Massachusetts. Cox, p. 7.
Les Appelants ont aussi, lors de l'argument en Cour Inférieure, cité
àii long et avec de nombreux commentaires, les rapports d'une cause de
Dixon et ail. vs. Ougenheim, si nous avons bien saisi le nom, dans laquelle il
aurait été décidé que un autre Dixon, dont le nom s'écrit de la même ma-
nière que celui du premier, avec les mêmes initiales, avait été empêché de
vendre un produit similaire sous son nom, vu que le premier Dixon avait
inclu son nom dans sa marque de commerce. La Cour voudra bien remarquer
de suite qu'il s'agit ici d'un nom propre d'individu et non pas celui d'une
substance.
De plus, le rapport de la cause, en autant que nous avons pu en juger
19
par les citations des Appelants, dit que la forme des paquets et l'apparence
générale étaient la même, et qu' il était très-facile, pour toute personne, de
se tromper et de prendre l'une pour l'autre.
Cette question des homonimes n'est pas nouvelle, et tous les auteurs
en disposent de façon a ne pas affecter du tout la position des Intimés dans
la présente cause. •'' Il y a, dit Rendu : dans les droits respectifs des deux
•' homonymes, deux principes également respectables et fort difficiles à
" concilier. La jurisprudence a d'abord penché en faveur du droit inhérent
" à la propriété civile du nom que l'on tient de la naissance."
"Mais," dit M. Blanc, cité par Rendu, "l'interdiction absolue doit
" être prononcée toutes les fois qu'il est démontré qu'ils (les 2ee homonymes)
*■ ne sont entrés dans une industrie que pour profiter, à l'aide de cette
" similitude dans les noms, de la réputation acquise par leur homonyme.
" Vaincus dans leurs louables scrupules par les tentatives incessantes de la
"fraude, les magistrats ont enfin compris qu'il n'y a aucun danger, et
"qu'il y a, au contraire, toute justice à contrarier ces vocations indus-
" trielles que l' appas d'un gain illégitime à seule décidées."
Blanc, contrefaçon, p. 713.
Rendu, Nos. 403 à 407, p. 251 à 254.
La règle générale, reconnue par tous, est qu'il suffit que le Défendeur
il ait rien fait pour induire le public à croire que sa préparation fut la même que
celle du réclamant, ou qu elle fut manufacturée par lui.
" The first principle upon which the courts of law and equity hâve
" interfered for the protection of trade marks, appear to be that one mon
" shall not be allowed to sell his goods for that of an other,"
Adams, p. 11, Lloyd, p. 52 et 53.
Or, est-il possible de trouver, dans le remède des Intimées, ou ses bou-
teilles ou son enveloppe, quelque chose Calculé pour induire le public à
croire que ce sirop est manufacturé par MM. Gray ou Kerry & Watson ?
Evidemment non ! Sur ce point, la preuve est à-peu-près unanime en faveur
des Intimées. L' uniformité des réponses des témoins, constatant que toute
méprise est impossible, a fatigué l'avocat des Appelants au point de provo-
quer ses réclamations. Il n'aurait dû n'accuser que les Appelants d'avoir
contesté un fait d'une telle évidence. Maintenant, il est également évident,
d'après la doctrine des auteurs, la logique et le sens commun, que les noms
seuls qui peuvent entrer comme partie essentielle ou caractéristique d'une
marque de commerce, sont :
lo. Le nom propre du fabriquant ou de sa société commerciale.
2o, Le nom du lieu de fabrication.
20
3o. Un nom de fantaisie inventé exprès et qui, par lui-même, n'a
aucun rapport naturel avec le produit.
Rendu, p. 242 et 27, No. 36.
Adams, p. 60, et suiv. à 68.
Et môme, les noms propres et les noms de fantaisie peuvent n'avoir que
la valeur d'un nom générique, ainei que nous l'avons vu plus haut.
Voir en outre, sur cette question. Adama, p. 69 et suiv,
Lloyd, p. 52.
Il est aussi un autre point que les Appelants ont semblé avoir perdu
de vue; c'est que, en supposant que le nom qu'ils reclament puisse faire
partie d'une marque de commerce, il faudrait, dans tous les cas, envisager
cette marque dans son ensemble, non chaque partie prise séparément. C'est
l'opinion des auteurs: "Pour apprécier la nouveauté d'une marque," dit
Rendu, " il faut l'envisager dans son ensemble et non dans chacun des
" éléments qui le composent." P. 17, No 23.
Les Appelants prétendent-ils que leur marque de commerce consiste
dans le nom : " Sirop de gomme d'épinette rouge?" Une partie de leur
argumentation tend à le faire croire. En effet, ils invoquent, comme leur
titre, le certificat du député ministre d'agriculture qui se lit comme suit :
" This is to certify that this trade mark which consist of the word : " Syrup
" of red spruce gum " lias been registered in the trade mark register No 3
« fol. 348."
(Signed) J. C. Taché,
Deputy Minister of Agriculture.
Voilà, disent les Appelants, notre marque de commerce. Ils l'affirment
dans leur déclaration ; ils le jurent dans leurs dépositions. Le témoin
Gray, le compositeur du sirop, celui qui a fait enregistrer l'application,
le jure aussi. Et les Appelants, dans leur argumentation en Cour Infé-
rieure, l'ont prétendu dix fois.
Mais alors, puisque le certificat seul est leur titre, puisque le nom seul,
rien autre chose, constitue leur marque de commerce, qu'ont-ils donc à par-
ler tant de la couleur, de la forme carrée de nos boîtes ? Tout cela n'a donc
rien à faire avec leur marque de commerce. Ils ne peuvent parler de la
couleur bleue et de la forme carrée pour établir une infraction à la loi. Car
enfin, il leur faut bien adopter l'un ou l'autre système. Ils ne peuvent
changer leur prétentions et la caractéristique de leur marque de commerce
suivant les besoins du moment, et les caprices de l'argumentation. Us ne
peuvent invoquer la contrefaçon de la couleur et de la forme de la boîte comme
caractéristique, lorsque nous leur prouvons que le nom ne peut constituer
21
une caractéristique ; puis une heure après, prétendre que le nom seul est
leur caractéristique, lorsque nous leur prouvons que ni la couleur, ni la
forme de la boîte, n'établissent une similitude quelconque, et lorsqu'ils voient
que leur certificat marque ce nom seul comme caractéristique. Ils ne peuvent
être reçus à dire, au commencement du procès : " Notre marque de com-
merce, ce sont les mots " Sirop de Gommes d'Epinette Rouge " et à la fin
du procès: " Notre marque de commerce, c'est la couleur bleue, c'est la
forme carrée de nos enveloppes."
La signification qu'il faut attacher à ce certificat est parfaitement expli-
quée par le député-ministre d'agriculture. Le but du certificat, c'est de
certifier qu'une marque de commerce a été déposée. Quelle est cette mar-
que? C'est le dépôt lui-même ou l'échantillon qui l'établit.
A notre sens, il y a une grande analogie entre ce mode d'enregistre-
ment des marques de commerce par le dépôt de la marque elle-même et
l'enregistrement qui se pratique dans les bureaux d'enregistrement par le
dépôt des titres. La Cour sait mieux que nous combien les certificats des
régistrateurs dénaturent souvent le sens et la portée d'un acte.
Supposons, par exemple, qu'un testament ait été enregistré par dépôt
de la pièce, et que le régistrateur certifie avoir enregistré un acte de dona-
tion entre vifs. Ce certificat changera-t-il la nature du titre ? Et celui qui
voudra connaître quel est ce titre, ou l'invoquer dans un litige, devra-t-il se
borner au certificat d' enregistrement et soutenir que la pièce en question
n'est pas un testament, mais une donation, parce que le régistrateur l'ap-
pelle ainsi dans son certificat ? Il serait ridicule de le prétendre. Il en est
de même dans le cas actuel. Peu importe ce que disent soit les Appelants
dans leur application, soit le député-ministre dans son certificat. S'ils y ont
dit que le nom de " Sirop de Gomme d'Epinette Rouge " était la marque
de commerce, ils se sont trompés ; ils ont écrit une inexactitude, voilà tout.
Impossible d'arriver à une autre conclusion, surtout après avoir lu les auto-
rités ci-dessus citées.
Youlons-nous connaître en quoi consiste la marque de commerce des
Demandeurs? Recourons au titre, c'est-à-dire, l'échantillon ou dépôt, la
marque de commerce elle-même. L'on verra, par la lecture de l'applica-
tion, que l'auteur des Appelants, Gray lui-même, n'a pas prétendu donner
le nom seul comme caractéristique, son application accompagnant l'échan-
tillon disant : "Thesaid trade-mark consists of the words : SyrupofRed
■ ' Spruce Gum, as printed and arranged on the accompanying rapper."
Alors, nous conclurons, avec tous les auteurs cités ci-dessus, avec tous les
juges anglais, français et américains dont nous avons rapporté les nombreuses
décisions, avec le statut de 1868 et le député-ministre d'agriculture : que le
22
nom de " Sirop de Gomme d'Epinette Rouge," ne pouvant constituer la
caractéristique de la marque de commerce des Appelants, ce qui con-
stitue la caractéristique de cette marque de commerce, tel qu'il apparaît à
l'échantillon, c' est l'ensemble, tel que décrit par le témoin Taché, député-
ministre d'agriculture : "Une partie moyenne enfermée dans un parai 16-
" logramme, avec lenom du produit ; en tête, la figure d'un Sauvage, et au
" bas, le nom du producteur et l'arrangement général " ; tandis que celle des
Défenderesses, c'est : " Une Vierge assise sur un trône avec deux Saints
" agenouillés à ses pieds ; en demi-cercle au-dessus, l'exergue latine : Gha-
" ritas Ghristi urget nos ; aux pieds, les lettres majuscules : A. P. M. ; le tout
" entouré d'une couronne de fleurs de lys."
Impossible donc de trouver ici, ni contrefaçon, ni imitation, ni simili-
tude quelconque.
Il est à remarquer que ni dans le certificat, ni dans l'application de
Gray, ni dans la description de la marque de commerce des Appelants, faite
par le député ministre d' Agriculture, il n'est question ni de la couleur bleue
ni de la forme des boîtes dont on a fait tant de bruit,
3ème Question.
Qui, des Appelants ou des Intimées, à la priorité à" usage de la gomme d'épi?iettt,
pour en fabriquer un sirop du nom de u Sirop de Gomme d Epinette"
Jusqu'à présent, nous avons discuté les prétentions des Appelants
comme si ils eussent eu la priorité d'usage du Sirop de Gomme d'Epinette,
et l'on a vu ce que valent leurs prétentions, même en leur donnant le
bénéfice de la priorité.
Qu'en sera-t-il, lorsque nous aurons établi que, bien loin que les Appe-
lants aient la priorité, ce sont, au contraire, les Intimées qui ont, sur les
Appelants, une priorité d'usage bien établie, certaine, indubitable, indiscu-
table, d' au moins seize ans !
Gray, l'auteur des Appelants et le compositeur de leur sirop, affirme
en avoir composé la recette en 1859. et avoir origine son sirop à cette
époque là.
C'est nécessairement à une date postérieure qu'il a choisie son effigie
de sauvage et l'arrangement de son étiquette.
Or, il est prouvé au delà de tout doute, que dès 1843, la marque de
commerce des Intimées existait; elle est gravée sur un sceau de leur
23
communauté qui a été fait en 1813, qui en porte le millésime et qui est
produit en la présente cause.
En outre, la Révérende Sœur Caron, Supérieure actuelle des Intimées,
affirme que, dès 1843, les Intimées ont reçu des sœurs de l'Hôtel-Dieu la
recette de leur sirop; que dès cette année 1843, elles en ont fabriqué
plusieurs gallons, au moins dix gallons ; que, depuis ce temps et régulière-
ment tous les ans, elles en ont toujours fait plusieurs fois l'année ; que la
quantité fabriquée a toujours augmentée d'année en année ; que toujours,
depuis 1843, ce sirop a été en usage continu, dans leur maison; qu'elles
l'ont toujours administré à leurs malades ; qu'elles en ont donné une grande
quantité aux bienfaiteurs de leur maison et vendu a beaucoup de personnes
de l' extérieur ; qu'elles le donnaient en retour de dons a elles faits, etc. ; et
que ce sirop a toujours porté le nom qu'il porte aujourd'hui et a toujours été,
depuis 1843, fabriqué d'après la même recette que celle suivie aujourd'hui.
Il est aussi prouvé par les sœurs " Ste. Joséphine " et " L'Ange Gar-
dien " que depuis douze à quinze ans (La première de ces dames à la direc-
tion de la pharmacie depuis treize ans), le sirop a été fabriqué régulièrement,
employé continuellement dans leur maison, vendu et donné régulièrement
et continuellement dans le public; qu'elles en ont toujours, depuis ce temps,
confectionnée régulièrement des quantités augmentant d'années en années,
depuis 50 gallons par années qu'elles ont fabriqué en 1863, jusqu'à 250 à
300 gallons qu'elles ont fabriqué ces années dernières. Gray indique l'année
1864 comme celle ou il a commencé à donner une publicité considérable aux
annonces de la vente de son sirop. Remarquons qu'à cette époque les Inti-
mées fabriquaient de 50 à 60 gallons par années, lequel sirop était tout
employé dans le public et dans leurs institutions.
Pour constater si la recette suivie par elle était bien celle reçue de
l'Hôtel-Dieu en 1840, les dites sœurs sont allées demander à l'Hôtel-Dieu
quelle recette on avait donné à leur maison en 1843. Toutes deux jurent
qu'elles n'ont pas fait connaître aux dites sœurs de l'Hôtel-Dieu, la recette
suivie par elles. Les sœurs de l' Hôtel-Dieu leur ont donné par écrit la
recette demandée, et elles affirment positivement qu'elle est en tout point
la même que celle qu'elles suivent aujourd'hui et qu'elles ont toujours suivi
depuis douze à quinze ans, et que le nom écrit en tête de la recette est le
même. Ces deux témoignages confirment donc, en tout point, celui de la
Rév. Sœur Caron, et établit, avec ce dernier, que le sirop des Intimées est
fabriqué sans interruption, sans altération aucune dans la recette, en grande
quantité régulièrement, mis journellement en usage, dans leur maison et
dans le public depuis 1843, et vendu dans le public depuis cette date. En
faut-il davantage pour prouver la priorité d'usage ?
Les Intimées ont cependant prouvé encore davantage. Trois des méde-
cins les plus en renom dans la Cité de Montréal, qui tous trois y pratiquent
depuis trente-deux à trente-cinq ans, qui y ont toujours eu de nombreuses
clientèles, qui depuis 25 à 27 ans, sont professeurs de médecine, témoignent
qu'ils connaissent le sirop des Intimées.
Deux d'entre eux, lesDrs. Pelletier et Trudel, disent qu'ils l'ont pres-
crit à leurs patients très-souvent depuis vingt à vingt-cinq ans, qu'ils sont
bien positifs que, il y a au-delà de vingt ans, ils le prescrivaient souvent ;
que ce Sirop était bien connu dans toute la population canadienne-française
de la cité de Montréal. Le troisième, le Dr. Coderre, dit qu'il ne l'a pas
prescrit, parce qu'il ne prescrivait aucun sirop ainsi offert en vente ; mais il
affirme qu'il y a au-delà de vingt-ans, ce Sirop était bien connu et très-
estimé, qu'il en voyait souvent chez ses pratiques, et que c'était alors un
sirop lapidaire. Le Dr. Pelletier ajoute même que lorsque Gray offrit son
Sirop au public, beaucoup de personnes disaient, dans le public, que c'était
une contrefaçon du Sirop des Intimées. Esl-il possible de prouver, d'une
manière plus formelle et plus satisfaisante, la priorité d'usage des Intimées?
Mais, disent les Appelants, les Intimées n'en déposaient pas alors chez
les Pharmaciens.
La plupart du temps elles le donnaient ; il n'y avait guère que les pau-
vres à qui il était prescrit ; les riches ne l'achetaient pas, on ne le trouvait
pas alors aux pharmacies ; c' est Gray qui a le premier offert le sien en vente
dans les pharmacies, et il l'a annoncé dans tous les journaux. La plupart
des pharmaciens parlant l'anglais ne le connaissaient pas; sept à huit de
ces messieurs qu'il a fait entendre, déclarent n'en avoir entendu parler que
en 1875.
Eh bien ! qu' est-ce que cela prouve ?
La loi parle-t-elle de priorité de mise en vente chez les pharmaciens ?
de priorité de mise en vente dans le commerce ? Nullement. La loi, tous les
auteurs, donnent la priorité de la marque de commerce à celui qui a, priorité
d'usage. Que cet usage soit fait par les pauvres, qu'importe ! Est-ce que
la loi exige qu'il y ait priorité d'usage chez les riches, et de médicaments
achetés aux pharmacies ? Il suffit d'énoncer une telle proposition pour en
faire voir tout le ridicule. Il semble que la consommation de 10 à 50, 100,
150, 200, 250 gallons par année de ce sirop, lequel ne s'administre que par
petites cuillerées, doit constituer un usage, quelle que soit d'ailleurs la pro-
portion donnée et la proportion vendue, le lieu ou il est donné ou acheté et
l'état de fortune de ceux à qui il a été administré !
Mais disent encore les Appelants : tous ces pharmaciens anglais qui ne
le connaissaient pas !
25
Eli ? bien ! Tous ces médecins canadiens-français qui le prescrivaient !
Car outre les médecins déjà nommés, le Dr. Gauthier, pharmacien, le
connaît depuis quinze à vingt ans; le Dr. Mount le prescrit depuis huit ou
dix ans. Cinq autres médecins présents eussent prouvé la même chose, si la
Cour n'eut déclaré inutile cette surabondance de preuve. Tous s'accordent
à dire que " ë était un remède populaire" C'est-à-dire d'un usage général,
parfaitement connu et apprécié.
La preuve que certains pharmaciens ne le connaissaient pas, est une
preuve négative. Elle constate d'ailleurs un état de chose singulier, mais
qui n'en existe pas moins. C'est que, dans Montréal, il y a deux populations
de nationalités et de langues différentes qui, bien que vivant ensemble en
bons termes, ne se mêlent pas, ne se connaissent presque pas et qui forme
deux sociétés, deux mondes tellement étrangers l'un à l'autre qu'une chose
peut-être très-connue, très populaire même dans l'un de ces deux mondes et
tellement inconnue dans l'autre.
Est-ce là dire que l'une de ces sociétés a le droit de prétendre que ce
qu'elle ne connaît pas n'existe pas ? que ces pharmaciens appelés ici par les
Appelants, ont droit de dire qu'un remède n'existait pas, n'était pas dans le
commerce, n'était pas en usage parceque eux ne le connaissaient pas?
Sur cette question de priorité d'usage, je cite Lloyd, p. 56.
Huart, p. 13 et 23.
Les Appelants ont, lors de l'argument devant la Cour Inférieure, dé-
couvert un moyen ingénieux de se débarrasser de cette priorité d'usage si
bien établie par les Intimées. Après avoir cité le cas, rapporté des Cours
Anglaises, d'une personne qui, après avoir fait usage privément, dans sa
famille, d'un médicament, n'avait pu réussir à faire admettre cet usage
comme pêrwritê d'usage établissant un droit exclusif à F encontre d'une autre
partie qui avait fait usage du même remède dans le public, ils disent : Les
Intimées, qui ont de nombreuses maisons de charité en cette ville et dans
toute la province, qui assistent tant de pauvres, ont une bien grande famille.
Tout ces pauvres et ces malades sont membres de leur famille. D' un autre
côté, tous les médecins entendus comme témoin sont ou ont été médecins du
dispensaire de la Providence ; par conséquent, eux aussi sont de la famille
des Intimées; par conséquent, ils n'ont fait usage de leur sirop qu'en
famille ; les médecins ne l'ont prescrit qu'en famille !
Admirable raisonnement en vérité ! Ils savent très-bien que, à ce titre,
près de cent médecins seraient ainsi de la famille des Intimées. En effet,
tous les professeurs de l'Ecole de médecine et de chirurgie de Montréal
sont, de droit, visiteurs des hôpitaux et de maisons de charité, qui reçoivent
des malades, et bon nombre de médecins qui s'y succèdent sont médecins
26
du Dispensaire. D'après ce système, supposons que le Souverain de la
Grande-Bretagne aient composé un remède et réclame la priorité d'usage,
en raison d'un usage général dans tout l'Empire, comme le Souverain est
en quelque sorte le père de son peuple, il faudrait dire qu'il n'a pas la prio-
rité d'usage ! Il n'en a fait l'emploi qu'en famille !
Cette priorité d'usage étant surabondamment prouvée en faveur des
Intimées, les Appelants se trouvent dans ce dilemme :
Ou le nom de " Sirop de Gomme d'Epinette " est la caractéristique de
leur marque de commerce ou il ne l'est pas ; s'il ne l'est pas, leurs préten-
tions tombent d'elles mêmes ; s'il l'est, les Intimées ont un égal droit de
le considérer comme caractérisque de leur marque de commerce. Or, d'après
l'acte des marques de commerce de 1868, si la partie qui fait application
postérieurement à une autre pour l'enregistrement d'une marque de com-
merce, prouve la priorité d'usage, la marque de commerce du premier doit
être cancellée et celle du nouveau venue enregistrée et maintenue comme
un droit exclusif. En conséquence, les Intimées ont le droit de demander
la cancellation de la marque de commerce des Appelants, et le droit exclusif
de se servir de la leur !
Et comme la cour est appelée ici à réformer l'acte administratif par
lequel le Député Ministre d'Agriculture a admises deux marques à l'enre-
gistrement, et à rendre la décision qu'il aurait dû rendre. La Cour devrait
canceller la marque de commerce des Appelants et déclarer que les Intimées
ont seules le droit de vendre le sirop sous le nom de " Sirop de Gomme
d'Epinette."
C'est la seule conclusion logique que la Cour puisse tirer des prétentions
et des propositions légales énoncées par les Appelants.
4e Question :
Y A-T-IL EU IMITATION OU TENTATIVE U IMITATION DE LA
FORME DE LA COULEUR DE L'ENVELOPPE?
Avec la preuve faite dans la cause, nous étions loin de nous attendre
que la poursuite soulèverait, au sujet de cette prétention l' imitation de leur
sirop, une question de bonne foi et qu'elle oserait répéter que les Intimées,
agissant de mauvaise foi, ont essayé d'imiter la couleur de l'enveloppe et la
forme que prend la bouteille des Appelants une fois enveloppée.
Un simple coup d'oeil jeté sur les deux paquets peut de suite convaim t.-
27
le tribunal qu'il n'y a pas même l'ombre de plausibilité clans cette préten-
tion.
Or, sur quelle preuve s'appuient-ils pour soulever cette question de
mauvaise foi ? Les Appelants avaient allégué que la forme carrée de la
la boîte avait été choisie pour donner au produit des Intimées une certaine
ressemblance (très éloignée ! il est bien obligé de l'avouer), avec celui des
Appelants. Or, voici que leur propre témoin, Gellyman, le manufacturier
des boîtes, vient nous dire que les Intimées lui ont d'abord demandé une boîte
ronde ayant la forme de leur bouteille, et que c'est lui qui les a dissuadées
de ce choix, leur représentant qu'une telle boîte coûterait plus cher,
paraîtrait moins bien, ne protégerait pas aussi bien les bouteilles et serait
très-difficile à emballer. Avec ce témoignage, le savant avocat des Appe-
lants a eu le courage d'appeler le choix de la boîte carrée, par les sœurs,
" an évident attempt topush their syrup and defraud the Plaintiff! Malgré les
excellentes raisons que le témoin Gellyman avait lui-même fait valoir, dit-il,
les Intimées ne renoncent pas encore à la boîte ronde ! Alors Gellyman leur
fait deux échantillons ; et ce n'est qu'après les avoir vus, que les Défen-
deresses adoptent la boîte carrée. Nous voilà bien loin d'un projet d'imi-
tation frauduleuse et même déloyale !
Reste donc la couleur bleue.
Les deux Sœurs Ste. Joséphine et L'Ange-Gardien jurent qu'elles n'ont
employé qu'à-peu-près une rame du papier qui est de la même nuance que les
enveloppes des Appelants, et que pour toutes leurs autres boîtes, elles ont
employé cet autre bleu terne, lequel diffère autant du bleu employé par les
Appelants que ce dernier diffère du vert ou du violet.
Vient maintenant le témoin Devins, le seul témoignage au moyen
duquel on a cherché à jeter quelque doute sur la bonne foi des Sœurs.
Le témoin Devins affirme que, avant que les Intimées eussent fait le
choix du papier, elles l'ont consulté sur la couleur, et qu'il leur a dit que le
choix de la couleur bleue serait un empiétement sur les droits de M. Gray
ou des Appelants, et que les Sœurs parurent bien indifférentes et ne pas
s'occuper de cet empiétement. Supposé qu'il en fut ainsi, dira-t-on, il n'y
aurait pas grand mal, vu qu' il n'y avait pas là d'empiétement. M. Gray
n'avait pas plus le monopole de la couleur bleue que celui du nom de la
Gomme d'Epinette. Mais il y a plus, cette affirmation de Devins est con-
traire à la vérité- Les deux Sœurs Ste. Joséphine et L'Ange-Gardien, à
qui il dit avoir fait cette remarque, jurent positivement qu'il ne la leur a
jamais faite, et qu'il ne leur est pas alors entré dans l'idée que le choix de
la couleur bleue eut quelque chose à faire avec les Appelants ou Gray. Le
témoin Bolton, associé de Devins, vient, en contre-preuve, au secours de
28
son .associé. Que dit-il ? qu'il se rappelle qu'il a été question de la couleur,
Comme étant celle employée par les Appelants, mais que, sur cette objec-
tion, les Sœurs ont répondu qu'il était trop tard, qu'il était impossible de
changer la couleur, vu que les boîtes étaient faites et couvertes de papier
bleu ! Cela contredit formellement Devins, qui prétend leur avoir parlé
avant le choix du papier. Et que vaut ce témoignage de Devins ? Nous y
avons déjà fait allusion, au sujet de l'habile substitution d'un sirop à l'autre
par Devins. Maintenant, que dit-il ? Dans son examen-en-chef, il nous
donne à entendre qu'il a refusé de continuer l'agence des Sœurs, parce qu'il
croyait qu'elles n'agissaient pas loyalement vis-à-vis de Kerry Watson, en
choisissant la couleur bleue. Quant au nom, il dit les avoir averti de la
similitude, et que c'est alors que les Sœurs ont ajouté le mot : Composé !
C'est en 1875 que, suivant lui, elles ajoutaient ainsi le mot Composé à leur
nom, et, chose remarquable, elles ont produit, dans la cause, des étiquettes,
l'exhibit P, imprimé en 1870, et qui porte le mot Composé! ! ! Mais il se
contredit sans s'en apercevoir, lorsqu'il dit que c'est dès le commencement
des préparatifs qu'il a conseillé de ne pas prendre la couleur bleue, et qu'il
a cependant accepté l'agence, l'a gardé plus d' un mois aprôsle choix de la
couleur bleue, et, pédant ce temps, a substitué frauduleusement le Sirop des
Intimées à celui des Appelants, lorsque les acheteurs lui demandaient ce
dernier! ! ! Et c'est cet homme-là qui, après avoir ainsi mis en pratique
de telles substitutions frauduleuses au détriment des Appelants, de son
propre aveu, sans le consentement et hors de la connaissance des Intimées, se
trouve tout-à-coup pris de scrupule, et refuse de continuer l'agence, parce
que, un mois auparavant, elles avaient choisi la couleur bleue, et qu'ainsi
elles n'agissaient pas légalement vis-à-vis les Appelants ! Mais il y a plus!
En transquestion, il oublie que c'est sous le coup de ce louable scrupule qu'il
a abandonné l'agence, et admet qu'il l'a abandonné sous le coup d'une
menace de poursuite en dommages de MM. Kerry & Watson ! ! ! On croit
peut-être que la lettre d'avocat lui a bien vite ouvert les yeux sur l' mjustict
des Intimées, et qu'il s'est empressé de remettre l'agence. Mais non ! Il
demande aux Sœurs une lettre lui garantissant qu'il serait tenu indemne
de tous frais et dommage. Avec une telle lettre, il continuera ! Mais vu
que la lettre n'arrive pas, il remet l'agence! Dit-il la vérité quand il
affirme que c'est le fait que les Sœurs empiétaient sur les droits des Appe-
lants qui l'a fait remettre l'agence ! Evidemment non ! Il est évident que
pour M. Devins, la crainte seule du procès a été le commenct <<>< ni d, lu sagesse!
Les Appelants ont fait allusion au mode employé par le témoin Devins
pour pousser le Sirop des Sœurs, afin de démontrer quel détriment il pou-
vait en résulter pour eux. Après avoir rappelé les habiles substitutions
29
dont M. Devins s'est donné le crédit, se rappelant sans doute cette autre
affirmation de Devins, que cela était fait tous les jours dans les affaires, ils
disaient, en Cour Inférieure, que c'est la manière de pousser une marchandise
dans le commerce !
Un autre témoin, M. Henry Lyman, témoin des Intimées, a indiqué une
toute autre manière de pousser une marchandise : " On met" dit-il " des
échantillons de la marchandise entre les mains de nos agents et commis-
voyageurs, et ces agents l'offrent en vente et en font connaître les qualités
dans toutes les provinces de confédération."
La Cour préférera cette définition ; et nous n'avons pas de doute que les
deux procédés étant soumis au commerce respectable de Montréal, celui du
témoin Lyman ne soit le seul admis.
Il est donc évident que, en autant qu'il s'agit des premiers moyens
d'action des Appelants, le jugement de la Cour Inférieure, rejetant ces
moyens d'action, est bien fondé et doit être confirmé, et que les considérants
qui suivent :
" Considering that the Défendant hâve not violated the trade mark
" alleged property of the Plaintiffs ; that the Plaintif!' s allégations, charging
11 them with having done it, are not proved ; hut disproved ;"
" Considering further that the words " Sirup of Red Spruce Gum "
" cannot and could not properly constitute a trade mark, involving, as they
" do, only the name of a substence, and not designating particular origin
" or ownership ; "
tl Considering that Gray ne ver had, nor hâve Plaintiffs, right to the
" monopoly of those words ; "
Son tstrictement, et, en tout point, conformes à la loi, à la jurisprudence,
tant anglaise que française et américaine, ainsi qu'au bon sens et à la saine
logique.
30
2me PARTIE
LES INTIMÉES ONT-ELLES OUTREPASSÉ LEURS DROITS ET
FORFAIT À LEUR CHARTE?
Passons maintenant au deuxième chef de la plainte des Appelants
En supposant, disent ces derniers, que vous n'auriez pas contrefait notre
marque de commerce ni enfreint les droits qui en découlent en notre
faveur, vous n'avez été incorporées que pour prendre sojn des malades et
des vieillards pauvres et infirmes et vous n'avez pas le droit, d'après votre
charte, d'exercer une industrie et de manufacturer votre sirop pour le
commerce.
Jusqu'à présent, les Appelants ont combattu dans leur intérêt privé,
prétendant que nous avions porté atteinte à leurs droits privés ; voici main-
tenant qu'ils assument une autre position et font valoir des raisons de droit
public, dans un but d'intérêt public. "La Corporation des Sœurs de la
Providence," disent-ils, "n'a pas droit de manufacturer et vendre ce
sirop ; " et ils demandent un bref, leur prohibant de le fabriquer et de
l'offrir en vente. S'ils eussent réussi dans cette prétention, quel bénéfice en
eut-il résulté pour eux ? Aucun évidemment. Les sœurs n'auraient eu qu'à
donner ou vendre leur recette au premier pharmacien venu, et ce dernier
aurait continué à fabriquer et vendre le même sirop, à son bénéfice particu-
lier. Les Appelants n'auraient donc réussi qu'à faire passer dans la caisse
d'un spéculateur, tout le bénéfice de cette vente, et d'en priver par là les
malades, les pauvres, les infirmes et les orphelins. L'on voit de suite
jusqu'à quel point ils servent ici l'intérêt public. La compétition resterait
la même, sinon plus forte ; ils ne retireraient aucun bénéfice de leur succès.
Il n'y a donc qu'un motif d'intérêt publie qui les autoriserait à invo-
quer cette prétendue violation de la Charte des Défenderesses.
Ici se soulevèrent deux questions :
lo. Les Défenderesses ont-elles violé leur charte et outrepassé leur
pouvoirs, en fabriquant et vendant le Sirop de Gomme d'Epinette ?
2o. Supposé qu'elles aient ainsi outrepassé leurs pouvoirs, les Deman-
deurs sont-ils recevables à s'en plaindre, dans une action ainsi intentée à
leur nom, sans aucune intervention ni autorisation du procureur général.
Le vif intérêt qui s'attachait à la solution de cette importante question
31
au point de vue religieux, philosophique, humanitaire et d'économie sociale,
a cessé, ou à-peu-près, par la passation du Statut de la Province de Québec,
40 Vict., chap. 60. (Statut de 1876, p. 268, voir Appendice No. 3.)
Par ce Statut, les Intimées ont reçu, en autant qu'elles pouvaient en
avoir besoin, de la Législature provinciale, les pouvoirs les plus amples et
l'autorisation la plus complète de continuer à exercer leurs différentes in-
dustries, de fabriquer toutes espèces de médicaments, par conséquent le
"Sirop de Gomme d'Epinette composé," de les vendre dans le public, et
les employer dans leurs différents établissements. Il ne peut donc plus être
question de l'ordre ou de la défence à être émanée contre les Intimées, leur
faisant défence de continuer à fabriquer le sirop en question et de l'offrir
en vente et de le vendre au public.
Il ne s'agit plus évidemment que d'une simple question de frais. C'est
pourquoi nous traiterons aussi brièvement que possible les deux questions
posées ci-de«sus.
A LA PREMIÈRE QUESTION,
Nous répondons d'abord que les Défenderesses n'ont pas violé leur
charte ni outrepassé leurs pouvoirs.
Par le Statut 4 et 5 Vict., chap. 67, la Législature du Canada a incor-
poré les Défenderes comme institution de charité, mais leur existence était
déjà reconnue par le droit public du pays. En effet, par le traité de Paris et
la capitulation de Montréal, toutes nos communautés religieuses reconnues
par l'Eglise et fondées régulièrement en conformité aux règles canoniques,
ont une existence légale de droit public et de droit commun. L'Etat, en
reconnaissant l'existence légale à cette institution, ne l'a pas dotée. L'orme
voit pas non plus qu'aucune personne ait pourvu à la dotation de cette ins-
titution. Le pouvoir civil a donc incorporé une institution dénuée de tout
moyen pécuniaire tout en approuvant et autorisant son but à l'accomplisse-
ment de sa mission.
Or, il est évident que, puisque V Etat a reconnu et approuvé V existence de
V 'institution, sans exiger une fondation suffisante pour lui donner les moyens de rem-
plir son but, et sans la doter lui-même, il a consenti à ce que cette institution
fît usage de tous les moyens légitimes de droit naturel et de droit commun,
à sa disposition, pour acquérir les moyens de remplir ce but. Autrement,
il vaudrait autant dire que l'Etat, en approuvant une institution et lui assi-
gnant un but, lui dénie en même temps le droit d'exister et de remplir le
but de son existence.
Le § 25 de l'acte d'interprétation de nos Statuts (31 Vict. Chap. I) dit •
'•'• Le pouvoir de faire une chose comporte le pouvoir nécessaire pour la faire,"
32
Or, il est constaté que cette institution ne pouvait exister et, de fait, n'a
existé et rempli son but qu'au moyen des petites industries qu'elle a prati-
quées depuis sa fondation.
Dès qu'une corporation a acquis l'existence, c'est un être moral qui a
les mêmes droits que tous les autres êtres, c'est-à-dire, de faire tout ce qui
n'est pas défendu, soit par le droit naturel, soit par le droit public, soit par
le droit privé, à moins que la Législature n'ait mis quelque restriction à ces
droits. Car si la Législature, dans l'acte d'incorporation a dit : Nous ne
reconnaissons votre existence qu'à la condition que vous n'exerciez pas tel
ou tel droit, par exemple que vous n' exerciez pas tel ou tel négoce, la légis-
lature n'a alors reconnu l'existence que d'une corporation privée du droit
d'exercer ce négoce.
Autrement, si l'on était en droit, par exemple, d'empêcher une corpo-
ration de faire tout acte, d'exercer tout droit de droit commun qui n'est
pas spécifié dans sa charte, nulle corporation ne saurait exister. Et même,
l'existence des communautés religieuses régulièrement constituées d'après
le droit cononique et sous l'autorité de l'Eglise étant reconnues par la capi-
tulation de Montréal et le traité de Paris, lesquels sont la base du droit
public en ce pays, elles existent de plein droit indépendamment de leur
acte d'incorporation.
D'ailleurs, là où il n'y a pas de restrictions formelles, la loi ne les sup-
pose pas. Ces restrictions de pouvoir, tendant à priver une personne naturelle
ou un être moral de la faculté d'user de tous les droits et pouvoirs de faire ce
que tout le monde a droit de faire, ce qui, par conséquent, est de droit com-
mun, sont de droit irritant et ne se présument pas. C'est là, croyons-nous,
un principe de droit public que la Cour admettra, D'un autre côté, les
principes qui régissent les corporations en Angleterre ne s'appliquent nulle-
ment à nos corporations religieuses, dont le droit à l'existence, existe en
vertu d' un ordre de chose essentiellement différent de celui qui a été con-
sacré par le droit public Anglais, depuis trois siècles, ordre de chose,
reconnu et conservé en ce pays par les traités, tel que dit ci-dessus. On aurait
donc tort de vouloir appliquer ici les principes et les notions, en matières de
corporations, que nous trouvons énoncés dans les auteurs qui ont traité la
question des corporations en Angleterre et aux Etats-Unis.
Les Appelants ont, en Cour Inférieure, mentionnée les institutions de
banques dont les pouvoirs sont restreints à faire le commerce de banques ;
ils ont aussi cité quelques jugements affectant des compagnies de chemins de
fer.
Nous maintenons que ces jugements ne s'appliquent pas au cas actuel.
D'abord, les pouvoirs de toutes ces compagnies sont restreints par leur
33
acte d'incorporation. Il leur y est spécialement fait défense d'exercer une
autre industrie, de faire un négoce autre que celui pour lequel elles ont
ete créées.
D'un autre coté, il y a un motif évident d'intérêt public qu'il en soit
ainsi. Les banques accaparent presque tous les capitaux. S'il était permis
aux banques d'exercer toutes sortes de négoces et d'industries, elles absor-
beraient nécessairement presque tout le commerce et en auraient le monopole
exclusif, vu qu'elles ont les capitaux et qu'elles pourraient les refuser aux
autres commerçants.
Une compagnie de chemins de fer, disent les Appelants, a reçu défense
de faire le commerce de charbon. Cela est parfait. Sa charte lui était ce
droit et avec raison. Imaginons donc une compagnie de chemins de fer
faisant le commerce de charbon, surtout celles possédant les voies conduisant
aux mines de charbon. Elles n'auraient qu'à refuser de transporter du
charbon pour d'autres commerçants ou de ne le transporter qu'à des taux
exorbitants, et elles se trouveraient à exercer le monopole exclusif de ce
commerce. Bien plus, le consommateur se trouverait à la disposition de ces
compagnies qui vendraient à des prix exorbitants, nul ne pouvant leur faire
compétition. Non-seulement ces raisons n'existent pas pour les institutions de
charité, mais encore les institutions de charité n' exercent certaines indus-
tries que dans l'intérêt public et pour le bien de la société.
L'état est nécessairement supposé n'avoir pas ôté à ces institutions le
droit de travailler pour lui et pour son bénéfice. Et c'est un grand principe
que nous retrouvons consacré dans tous nos statuts dans toute notre législation
tant ancienne que contemporaine, que lorsqu'une restriction est imposée à l'ex-
ercice d'un droit ou d'un privilège, cette restriction cesse dès que le droit ou
privilège doit être exercé au bénéfice de l'Etat ou de la Couronne. Or, si les
prétentions des Appelants étaient admises, il faudrait de suite fermer toutes
nos maisons de charité, et jeter sur le pavé les milliers et milliers de pau-
vres, malades, infirmes et d'orphelins qu' elles soutiennent de leurs indus-
tries. Car, remarquons le bien, si le principe était admis que les Intimées
n'ont pas le droit de fabriquer, ni vendre ce sirop, il ne faut pas s'imaginer
que la prohibition serait limitée à la confection et à la vente du Sirop de
Gomme d' Epinette. Les Sœurs de la Providence, pour subvenir aux im-
menses besoins de leurs institutions, et pour loger, nourrir, habiller,
soigner et instruire les milliers de pauvres, malades, infirmes et orphelins,
qu' elles ont à leur charge, exercent une multitude de petites industries.
Et c'est au moyen de ces industries qu'elles réussissent à opérer ces prodiges
de charité qui nous étonnent, car tout le monde sait qu'elles n'ont aucun
revenu.
u
Elles ne font pas seulement du sirop, elles font des ongants, des léni-
inents, des emplâtres ; elles préparent des pansements de toutes sortes ;
elles font des ornements d'Eglise, des hosties, des cierges, des fleurs, toutes
espèces d'ouvrages en cire, des tricots, du blanchissage, du repassage, elles
raccommodent le linge pour les familles ; elles font de la couture, des habits
de toutes sortes, des chaussures ; elles impriment, enseignent, montent des
cartes géographiques; elles font de l'élevage, du beurre, du fromage, de
l'agriculture, de l'horticulture et une infinité d'antres choses. Et ces indus-
tries, elles les exercent au moyen de veilles laborieuses et d'un temps
précieux dérobé aux soins des malades et des orphelins. C'est après des
nuits passées au chevet des malades qu'elles trouvent moyen de se livrer à
ces labeurs fatiguants, pour gagner quelques deniers, le pain de ces chers
infirmes, de ces pauvres orphelins qu'elles ont recueillis. Et ce qui précède
on peut le dire également de la plupart de nos autres maisons de charité !
Les Appelants croient-ils qu'il n'y aura que les pharmaciens qui
auront droit de crier contre la concurrence ?
Serait-ce parce qu'ils occupent un rang élevé dans le commerce, ou
qu'ils exploitent leur sirop sur une grande échelle qu'ils auraient eu droit à
un bref de prohibition ? Non, évidemment. S'ils avaient eu ce droit, les plus
modestes industriels l'auraient également ; la blanchisseuse, la couturière,
le cordonnier, la garde-malade, le tailleur, l'instituteur viendraient tour-à-
tour réclamer la prohibition pour protéger leurs industries respectives. Et
encore une fois, que deviendraient ces milliers de déshérités de la nature et
de la fortune, ces êtres infortunés au profit de qui nos bonnes sœurs consa-
crent leurs veilles et leurs labeurs ?
Il faudrait fermer la maison de réforme ou Hospice St. Vincent de
Paul, qui exerce toutes sortes d'industries, de métiers et de commerce, tout
en ayant un contrat avec le gouvernement. Il ne lui serait plus permis
d'apprendre à ses élèves, les métiers, l'industrie et le commerce.
Je vais plus loin ; s'il faut interpréter la charte des Intimées comme le
font les Appelants, c'est-à-dire, s'il faut leur interdire tous les actes de droit
naturel, de droit commun qui n'y sont pas mentionnés, que pourront-elles
faire ?
Il y est dit qu'elles pourront recevoir les aumônes, mais il n'y est pas
dit qu'elles auront le droit de les demander ! Il leur est permis d'acheter les
immeubles nécessaires à leurs œuvres; et les meubles et tous les objets né-
cessaires à leur vie ? Pas un mot de cela! Encore une fois, s'il est vrai
qu'un institut de sœurs de charité est un être corporatif qui ne peut exercer
que les droits qui sont nommément énumérés dans sa charte, il est évident
qu'il ne peut vivre. Par exemple, l'Asile de la Providence n'aurait pas le
35
droit de faire circuler sa voiture dans nos rues. La police aurait le droit
d'arrêter les sœurs lorsqu'elles font des bazards, lorsqu'elles passent dans
les rues pour solliciter des secours pour leur maison. L'on voit de suite
quelles conséquences absurdes l'on déduit du principe invoqué par les Ap-
pelants. D'un autre côté, à quel titre les Appelants peuvent-ils se prétendre
lésés de ce que les Intimées fabriquaient et vendaient illégalement des
médicaments ? Ont-ils un privilège exclusif! non ! Le droit de fabriquer et
vendre des remèdes n'appartient, en ce pays, à aucune classe privilégiée.
C'est un droit qui appartient à tous. Il aurait pu en être autrement si nous
étions encore sous le régime des anciennes corporations qui tenaient de
l'Etat le privilège exclusif d'exercer un négoce quelconque ou une indus-
trie. Le possesseur d' un privilège exclusif pourrait revendiquer un droit
d' action contre tous ceux qui enfreindraient son privilège en fabriquant ou
vendant ce que lui seul a le droit de fabriquer ou de vendre. Les Appelants
n'invoquent aucun privilège semblable, ils n'en ont aucun.
Les Appelants ont surtout insisté sur le point que les Intimées sont
exemptes de certaines taxes municipales. Comment ! disent-ils, on per-
mettra à ces communautés de venir nous faire une concurrence déloyale !
une concurrence que nous ne pouvons supporter, vu que les Soeurs ne sont
pas astreintes aux énormes taxes que nous payons ! !
Nous sommes très-reconnaissants envers les Appelants d'avoir soulevé
cette question des taxes. Elle nous a donné l'occasion de faire, dans la
cause, une preuve de faits plus concluants que tout ce que l' on pourrait dire
sur cette question d'intérêt public.
"Nous venons, dit la poursuite, au nom des industriels et des com-
merçants qui payent des taxes, combattre des concurrents qui profitent du
fait qu'ils ne payent pas de taxes pour nous faire compétition et accaparer
une partie des profits auxquels nous avons droit. Des concurrents qui
vivent à nos dépens pour nous ruiner. Cet intérêt, c'est celui de tout le
commerce, de l'industrie en général ; c'est par conséquent l'intérêt public."
Eli bien ! nous acceptons la lutte sur ce terrain.
Vous, Appelants, vous avez prouvé avoir payé au-delà de $900.00 de
taxes l'an dernier.
Or, outre les taxes de V aqueduc, que les Intimées payent comme vous,
voici ce qu'elles ont fourni au trésor public durant l'année qui vient de
s'écouler. Si ce ne sont pas des taxes payées en argent au comptoir de la
Corporation, ce sont des misères qu'elles ont soulagées, des obligations
essentielles qu'elles ont remplies et payées à l'acquit de l'état et de la
municipalité, en déchargeant d'autant ces derniers, et leur sauvant des
milliers de piastres. Nous prenons les chiffres qui sont prouvés dans la
36 •
cause concernant les œuvres faites par les Intimées, durant une année
seulement ; nous ne parlons que des œuvres purement gratuites :
lo. Elles ont fait la classe à 3,257 enfants pauvres en dehors de ceux
qu'elles logent. En estimant à $10.00 par année, la valeur de l'enseigne-
ment donné à chaque enfant, ce qui est assurément une estimation très-
modeste, nous avons la somme de trente-deux mille cinq cent soixante-dix
piastes ($32,570.00).
2o. Elles ont logé, nourri, soigné, vêtu, instruit 553 orphelins. Or,
d'après les calculs les plus économiques, il est impossible que le logement,
l'habillement, l'éducation et l'instruction d'un enfant, avec fourniture des
lives, objets de classe, papier, etc., et les mille choses et soins que requièrent
les enfants, vaillent moins de $100.00 par année, soit cinquante-cinq mille
trois cents piastres ($55,300.00).
3o. Elles ont donné, durant l'année, trente mille trois cent quatre-
vingt-cinq repas gratuits aux pauvres du dehors. Ces repas, estimés à 20
centins chacun, forment la somme de six mille soixante-et-dix-sept piastres
courant ($6,077.00).
4o. Elles ont fait faire, par les médecins de leur dispensaire, neuf cent
vingt-sept visites gratuites, lesquelles, à une piastre chaque, forme neuf
cent vingt-sept piastres (927.00).
5o. Elles ont nourri, logé, vêtu, soigné et pansé deux cent treize vieil-
lards, infirmes et malades. L'on sait quels soins, quelles fatigues et quel
dévouement requièrent ces vieilles personnes ; une somme de cent piastres
est certainement fort au-dessous de la valeur réelle de ces soins. A ce prix,
nous avons celle de vingt et un mille trois cents piastres (21,300.00).
6o. Elles ont rempli gratuitement, à leur dispensaire, vingt-cinq mille
cinq cent quarante-sept prescriptions données par les médecins de cette ville,
et que les porteurs étaient trop pauvres pour aller acheter aux pharmacies.
Ces prescriptions coûtent rarement moins de vingt-cinq centins. Très-sou-
vent, elles valent au-delà d'une piastre. Quels que soient les prix des
médicaments, elles sont toujours remplies gratuitement. Estimons-les seule-
ment à $0.25 chacune, ce qui est le wii/inuim de leur valeur, et nous avons la
somme de six mille trois cent quatre-vingt-six piastres ($6,386.00).
Est-ce là la compétition que redoutent tant les Appelants ? Fermez la
Providence : qui remplira gratuitement ces vingt-cinq mille cinq cents
prescriptions ? Les Appelants sont-ils prêts à en assumer leur part ?
Continuons :
7o. A part les aliénés de l'Asile St. Jean de Dieu, pour lesquels le
gouvernement paye, les Défenderesses logent, vêtissent, nourrissent et
gardent gratuitement vingt-deux aliénés, ce qui, au prix de cent piastre*
37
par tête, prix très-modéré, surtout en raison de la petite quantité, forme la
somme de deux mille deux cents piastres ($2,200.00).
80. Elles logent, nourrissent, vêtissent et instruisent cent soixante et
seize sourdes-muettes. Sur ce nombre, il n'y en a pas trois qui payent
toutes leurs dépenses, et dix à peine payent quelque chose. Il faut visiter
l'Asile des Sourdes-Muettes pour apprécier à sa juste valeur l'œuvre de
dévouement, les prodiges incroyables d'abnégation et de sacrifices au prix
desquels nos Sœurs réussissent à développer l'intelligence de ces pauvres
infortunés, à les mettre en état de communiquer avec leurs semblables, et
surtout connaître, aimer et servir leur Créateur. La pension, l'entretien
et l'éducation de chaque sourd-muet coûte à l'Etat, dans quelques pays,
au-dessus de $300.00. A cent piastres seulement par tête, nous avons la
somme de dix-sept mille six cents piastres (17,000.00).
Cette institution des sourdes-muettes, dont les dépenses annuelles dépas-
sent $30,000, ne reçoit que quelques milliers de piastres du gouvernement
local, à-peu-près quatre mille piastres.
9o. Elles ont reçu, nourri et soigné, à leur hôpital, quatre cent dix-
huit malades. Or, on sait ce que valent les soins donnés, durant toute une
maladie, quelque longue et quelque grave qu'elle soit, en comprenant
l'usage des lits, le blanchissage, la nourriture et le prix des médicaments.
Ces soins, estimés à une moyenne de $20.00 pour chaque malade, donnent
huit mille trois cent soixante piastres ($8,360.00).
lOo. Elles ont donné leurs soins aux malades pauvres de l'extérieur
durant trois mille nuits. Ces veilles, estimées à cinquante centins chacune,
forment la somme de quinze cents piastres (1500.00). Nous disons cinquante
centins chacune, non pas que nous voulions estimer à cette bagatelle, les
soins si dévoués, si intelligents de ces bonnes sœurs, soins qui, la plupart
du temps ont autant de valeur que ceux de nos meilleurs médecins, vu les
grandes connaissances et l'expérience qu'ont ces dames, dans l'art de la
médecine. Mais nous savons que non-contentes de se dévouer aux soins des
pauvres, et, en outre des trois mille veilles que nous venons de mentionner,
elles vont assister les familles à l'aise lorsqu'il y a des maladies graves à
soigner. Or nous savons aussi que quand on leur demande quel est le prix
de leur dévouement et de leurs admirables soins, elles répondent constam-
ment que leurs soins sont gratuits, et que, bien souvent elles reçoivent à
peine une rénumération de $0.50 par veilles. Trop heureuses encore de
pouvoir, au prix d'une nuit de fatigues et d'anxiété, gagner cette modeste
somme pour le soutien de leurs œuvres.
Ho. Elles ont fait, en outre, dans l'année, quarante deux mille huit
cents cinquante cinq visites aux malades indigents de l'extérieur. Il faut
38
avoir vu les sœurs de la Providence, dans ces visites pour en apprécier la
valeur! Nous n' entendons donc pas les apprécier en les évaluant à vingt
cinq centins chacune, ce qui forme la somme de dix mille sept cents treize
piastres (10,713.00). Nous ne comptons pas, en sus de ces visites, la valeur
des aumônes que les sœurs apportent chez les pauvres qui en sont l'objet,
La visite n'est que l'occasion d'oeuvres encore plus précieuses, et dont nous
n'avons pu avoir, a l'enquête, même une estimation approximative. Ces
bonnes sœurs arrivent dans la maison d'un pauvre malade : elles le trouvent
dans le dénuement le plus complet : pas de pain, pas de viande, ni rien de
ce qui est nécessaire pour le soulager : pas de bois, pas de charbon, avec un
froid glacial, quelque fois, pas de couverture. Après avoir pourvu aux
besoins les plus immédiats, elles vont dans le voisinage mendier de porte
en porte, jusqu'à ce qu'elles puissent se procurer ce dont le pauvre malade
à besoin. Quelle est la valeur moyenne du produit de ces quêtes? La Révd.
Sœur qui a donné ces statistiques à la Cour Inférieure n'a pu le dire, même
approximativement. Le Tribunal d'Appel pourra aisément apprécier la
valeur de tels soins, s'il juge à propos d'apporter quelqu'attention à cette
partie de la cause.
Maintenant, nous l'avons déjà dit, les Intimées, pour subvenir à tous
ces besoins, pour faire toutes ces œuvres, n'ont pas un seul sou de revenu !
Les Appelants ont, en Cour Inférieure, référé aux comptes publics. Ils y
ont constaté que cinq ou six de leurs asiles reçoivent chacun $200,00 du
gouvernement local, soit un millier de piastres. La maison mère reçoit
environ onze cents piastres. Ajoutons à cela environ quatre mille piastres
reçues par l'asile des Sourdes-Muettes, et nous avons environ six mille
piastres. Une somme de sept à huit cents piastres est aussi donnée au dépôt,
par le Séminaire St. Sulpice. Nous ne la mentionnons pas dans le calcul
ci-dessus, vu que cette somme, et une foule d'objets, donnés tant par le
Séminaire que par des personnes charitables, sont distribués aux pauvres de
l'extérieur, durant les 42,855 visites que nous avons ci-dessus mentionnées.
Nous n'avons pas non plus inclu, dans les calculs ci-dessus, une œuvre
des plus méritoires, nous voulons parler du soin de l'Hôpital des varioles.
Là, cinq Sœurs de la Providence prodiguent leurs soins à cette espèce de
malades. Mais il est pourvu aux besoins de cet Hôpital par la Corporation.
Il en est de même de l'Aile de St. Jean-de-Dieu pour le soin des aliénés,
les Sœurs de la Providence recevant, pour cette institution, cent piastres
par tête pour chacun des aliénés qui y sont reçus. Nous devons cependant
faire remarquer à la Cour que le gouvernement de Québec a cru faire un
contrat avantageux avec les propriétaires de "l'Asile de Beauport," en
contractant, pour dix ans, au prix de cent quarante piastres par année pour
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chaque aliéné. Les Intimées, elles, prenant à $100.00 par tête, les cinq
cents aliénés que contient leur asile, sauvent donc à la province de Québec
une somme de vingt mille piastres par année, rien que sur la différence de
leur contrat d' avec celui de Beauport.
Eh bien! voilà leurs taxes! Cent soixante et deux mille neuf cent
trente-deux piastres d' œuvres gratuites dans une année, sans compter le
mérite inappréciable des quêtes faites dans les 42,855 visites que nous avons
mentionnées, le soin de V asile des variolées, et les vingt mille piastres sauvées
au gouvernement de Québec !
$162,000.00 de taxes municipales!
20,000.00 de taxes provinciales!
en outre, les énormes taxes de l'aqueduc, payées par toutes leurs institutions
de cette ville !
Ce sont de telles institutions qui nous sauvent du paupérisme. Ce sont
elles qui épargnent aux Appelants la taxe des pauvres si lourde en Angle-
terre, et que nous aurions infailliblement, si nos institutions de charité ne
se chargeaient de soulager tant de misères.
Les Appelants, avec leurs $900.00 de taxes, ont-ils le droit de venir
nous dire : " Nous servons l'intérêt public en voulant vous ruiner, en vou-
" lant arracher le pain de la bouche de vos pauvres et de vos orphelins,
" parce que vous ne payez pas de taxes !
Voilà le bilan des oeuvres gratuites faites, dans une année, par de pau-
vres femmes qui n'ont pas un sou de revenu ! ! !
Avec de tels faits sous les yeux, comment les Appelants ont-ils pu venir
dire, en Cour Inférieure, par la bouche de leur conseil, que •' nous n'avons
pas besoin de ces communautés contemplatives, qui vivent dans la paresse
aux frais du public.
"The public is not bound to sustain them! " s'écrie-t-il. Eh bien !
nous le demandons au tribunal, sont-elles à charge au public ? Le public les
soutient-il !
" Mes clients, ajoute-t-il, ont droit de s'opposer à ce que notre corpora-
tion et le gouvernement prennent l'argent de leur poche pour enrichir les
Intimées."
Que répondre à de telles paroles ?
Les chiffres établis par la preuve sont là pour en démontrer l'injustice.
Comment les Appelants peuvent-ils avoir le courage de parler ainsi ?
Ne savent-ils pas, aussi bien que qui que ce soit, que la vie des Intimées est
toute d'abnégation et de dévouement ? Ne savent-ils pas que le plus grand
nombre de ces dames appartiennent à nos meilleures familles ? que toutes
ont reçu une éducation bien soignée ? qu'elles auraient pu, si elles l'eussent
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voulu, se procurer les charmes d'une existence aisée, et passer leur vie à
jouir des avantages de la fortune et ne travailler qu'à leur propre bonheur.
Au lieu de cela, elles ont choisi une vie de sacrifices. Elles ont préféré
se consacrer, dans l'intérêt de l'humanité souffrante, aux oeuvres admirables
dont nous n'avons donné qu'une idée bien imparfaite. Et pour récompense
de ce dévouement, de ces services inestimables rendus à la société, on les
traîne devant les tribunaux ; on les représente comme des paresseuses à
charge à la société !
Les Appelants n'ont pas été mieux inspirés en représentant les dangers
que courait la société, si l'on permettait à des femmes incompétentes et non
licenciées comme pharmaciennes, de vendre des médicaments et pratiquer
l'art de la médecine. Le témoignage des médecins a démontré quelle con-
fiance ils ont dans les capicités et la science médicale des sœurs de la Provi-
dence; et les deuxéditious de l'ouvrage de médecine qu'elles ont publiées
et dont les Appelants ont produit la 1ère édition, et provoqué la production
de la deuxième, devra rassurer la cour sur ce point.
Nous croyons avoir démontré jusqu'à l'évidence que les Appelants sont
mal fondés à venir soulever ici cette question de droit public, et alléguer, dans
l'intérêt public, que les Intimées ont violé leur charte et outrepassé leurs
pouvoirs.
2ème Question :
Le Procureur Général, au nom de Sa Majesté, a seul droit d'action pour
violation de charte par une corporation.
Nous maintenons, en second lieu, que fut-il vrai que les Intimées
eussent outrepassé leurs pouvoirs, ils n'appartient pas aux Appelants de
s'en plaindre par une action de la nature de celle qui nous occupe, et que
l'exercice d'un droit d'action, en supposant qu'il y ait eu violation de la
charte des Défenderesses, appartient au procureur général seul.
Il n'y a pas besoin de longs commentaires pour démontrer le bien
fondé de cette proposition.
Qu'adviendrait-il si le premier venu, souvent une personne non res-
ponsable, avait le droit de venir ainsi revendiquer les droits du public et
persécuter les corps publics, sociétés de bienfaisances ou autres, sous un
prétexte ou sous un autre.
Nos législateurs ont prévenu ces abus en donnant à l'Etat seul le droit
de poursuivre, s'il croyait que l'intérêt public était compromis.
C'est l'article 997 de notre code de procédure qui pourvoit à ce cas.
On y lit ce qui suit : " Lorsqu'une corporation assume
41
''quelque pouvoir, franchise ou privilège qui ne lui appartiennent pas ou
" ne lui sont pas conférés par la loi : "
" Le Procureur Général de Sa Majesté pour le Bas-Canada est tenu de
•' poursuivre telle infraction au nom de Sa Majesté, quand il y a lieu de croire
que ces faits peuvent être établis dans un cas d'intérêt public général.
Nous croyons avoir démontré que " l 'intérêt public général" n'est pas du
côté de la poursuite.
Maintenant, y a-t-il nécessité qu'une telle action soit instituée par et
au nom du Procureur Général ?
Pour l'établir, s'il en était besoin, nous n'aurions qu'à invoquer l'auto-
rité des savants avocats des Appelants eux-mêmes. En effet, avant
d'intenter leur action, ils ont fait, par deux fois, c'est l'un des Appelants
qui l'avoue dans sa déposition, des instances auprès du Procureur Général,
pour obtenir son intervention et l'autorisation de prendre l'action en son
nom. S'ils eussent cru cette autorisation inutile, il est évident qu'ils n'eussent
pas insisté autant.
D'ailleurs, il est de pratique uniforme qu'il en soit ainsi. On se
rappelle la cause des charretiers contre le Grand Tronc, dans laquelle le
Procureur Général d'alors, a du permettre l'usage de son nom, bien fut
l'avocat du Grand Tronc. Un autre cas absolument analogue est celui des
bouchers contre la Corporation de la cité. " Mais disent les Appelants, l'inter-
vention du Procureur Général n'est requise que quand il s'agit de l'intérêt
public. Ici, c'était l'intérêt privé de la poursuite d'intenter cette action, et
les Appelants l'ont intentée en leur nom." Cette prétention n'est pas mieux
fondée. Il est évident, et d'après la jurisprudence établie, et d'après le
code, que, même quand il ne s'agit de l'intérêt privé, la poursuite ne peut
se prendre qu'au nom de Procureur Général. Autrement, que voudrait
dire cette partie de l'article 1997, ou, après avoir parlé de "Vintêrêt 'public
général, " l'article continue : "mais dans tout
" autre cas, il (le Procureur Général) n'est pas tenu de procéder, à moins
" qu'il ne lui soit donné un cautionnement suffisant pour indemniser le
" gouvernement des frais ncourir sur telle procédure? "
Si le droit d'action existait pour le particulier, le code eut dit tout
simplement : Dans tout autre cas, la partie intéressée se pourvoira comme
elle l'entendra en son nom personnel. Il n'y eut pas eu lieu de parler de
cautionnement, ni de toutes les formalités mentionnées.
Nous référons en outre aux articles 998, 999, 1000, 1001, 1002, 1003,
1004, 1005, 1006, 1007, 1008 de notre Code de Procédure.
Une telle action ne pouvait donc être intentée qu'en suivant la procé-
42
dure indiquée en ces articles. Elle ne l'a pas été ! Elle devait donc être
déboutée.
La poursuite a cité une opinion anglaise allant à dire que une telle
action pouvait être intentée au nom d'un particulier; et l'honorable juge
qui a rendu le jugement de la Cour Inférieure incline vers cettte opinion.
Il est possible que tel eût pu être le cas en Angleterre, où il n'y a pas de
législation spéciale sur la matière. Mais ici, avec une législation aussi
claire que celle que nous avons, consignée tant au Statut Refondu B. C.
qu'au Code de Procédure, il ne peut y avoir de doute sur la question.
D'ailleurs, dans la cause citée par la Défense et rapportée au 5e Vol.
English Jurist, p. 25, année 1860, la poursuite a été intentée au nom du
Procureur Général, bien que ce fût une affaire privée.
Les Intimées concluent donc respectueusement que l'action des Dejnan*
deurs devait être déboutée :
lo. Parce qu'il n'y a pas eu d'imitation de la marque de commerce des
Appelants ;
2o. Parce que le nom de Sirop de Gomme d'Epinette ne peut être la
caractéristique d'une marque de commerce ;
3o. Parce qu'il n'y a pas eu d'imitation même éloignée, ni dans le
sirop, ni dans les bouteilles, ni dans les enveloppes ;
4o. Parce que les Intimées ont établie clairement qu'elles avaient en
la priorité d'usage.
5o. Parce qu'elles n'ont pas outrepassé leurs pouvoirs ni violé leur
charte.
6o. Parce que une telle violation ne pouvait, dans tous les cas, être
poursuivie qu'au nom du Procureur Général.
Cette cause ne laissant de place pour aucun doute raisonnable, touchant
son résultat, il n'y a pas lieu évidemment de traiter la question de la
quotité des dommages et de démontrer que, dans tous les cas, les Intimées
ayant agi avec la plus parfaite bonne foi, et ayant offert leur sirop en vente
sous le couvert d'une marque de commerce régulièrement enregistrée et
reconnue par l'Etat, ont, par là même, exercé cette industrie avec la sanction
de T Etat et que, munies d' une telle sanction, elles étaient parfaitement
justifiables de le faire. Que, par conséquent, il ne peut se trouver, dans le
cas présent, aucune des circonstances nécessaires pour constituer les
Intimées en mauvaise foi ou pour montrer la volonté de nuire. D'ailleurs,
il n'y a pas eu de dommages de prouvés.
Par conséquent, cette autre partie des considérants du jugement dont
est appel, savoir :
" Considering, that the Plaintiffs had and hâve no right to prosecute,
" it being for the crown alone, or the Attorney General (for the crown or
" the public), to prosecute corporations for exceeding their powers, or for
** excesses in the exercise of their Charter, right and powers ;
''Considering, that no spécial damages are proved and that as to
" nominal damages, Plaintiffs show no right to any, proving no licences,
"or privilège possessed by themselves to trade."
" Considering finally that Plaintiffs hâve not right to judgement for
" anything against the Défendants, upon the proofs of record, doth dismiss
" said Plaintiff's action with costs" ;
Sont bien fondés et doivent être confirmés.
Les Intimées, acceptant le jugement de la Cour Inférieure, et en n'ayant
pas interjeté appel de cette partie du jugement, rejettant leur demande
incidente, il est inutile d'insister sur les questions soulevées par cette partie
du jugement, et d'établir qu'elles avaient droit à un jugement en leur faveur
sur cette demande incidente. Cependant, il n'est pas hors de propos de faire
observer que si, d'un côté, les Appelants n'ont prouvé aucun dommage, les
Intimées ont, de l'autre côté, prouvé des dommages très-considérables contre
les Appelants ; et qu'il ressort de la preuve que les Appelants ont agi
de la manière la plus odieuse et la plus injuste vis-à-vis les Intimées. C'est
d'ailleurs ce que reconnaît le jugement de la Cour Inférieure : " J'aurais
accordé aux Défenderesses des centaines de louis de dommages, dit le juge
président de la Cour Inférieure, en rendant son jugement. Et cette partie
du jugement démontre tout F à-propos de la législation passée à la dernière
session de la Législature de Québec, et imprimée ci-après comme Appendice
No. 3. Les Intimées avaient des titres bien établis à cette protection de la
législature ; et la persécution odieuse organisée contre elle par les Appelants,
les dommages que ces derniers lui ont causés, sont loin de présenter leur cause
sous un jour favorable, devant cette honorable Cour.
En effet, il est prouvé, par trois maisons des plus importantes dans le
u
commerce de pharmacie, qu'elles ont, soit discontinué la vente, soit aban-
donné les moyens ordinaires de répandre dans le public le Sirop des Sœurs,
au moyen de leurs agents ou autrement, parce qu'elles avaient reçu des
menaces de procès de la part des Appelants. Ces menaces ont été faites par
malice et avec l'intention évidente d'empêcher la vente du Sirop des Inti-
mées. L'une de ces maisons, "Laviolette & Nelson," a même discontinué
des annonces sur les journaux sous le coup de cette menace.
Cependant, les Intimées n'ont jamais compté sur ces dommages pour
continuer leurs œuvres ; et nonobstant le sort de cette demande incidente,
leurs vieillards, leurs pauvres, leurs malades, leurs infirmes et leurs orphe-
lins trouveront toujours, dans leur dévouement et leur travail infatigables,
une ressource assurée contre leurs infortunes. C'est pourquoi, elles ont
abandonné volontiers cette partie de leurs prétentions, et elles se contentent
de demander la confirmation du jugement de la Cour Inférieure.
Montréal, 1er Juin 1877.
TRUDEL, TAILLON & VANASSE,
Avocats des Intimées.
Appendice No. 1 au Factum des Intimés
No. 58.
JOHN KERRY & AL ,
Appelants,
vs.
LES SŒURS DE L'ASILE DE LA PROVIDENCE DE MONTREAL,
Intimées.
Remarques de Son Honneur M. le Juge MacKay, en rendant le Jugement
de la Cour Supérieure, le 24 Novembre 1876.
The Plaintiffs are the firm of Kerry, Watson & Co., the Défendants, a
Corporation under the Acts 4 and 5 Vie, c. 67, and 24 Vie., c. 115, by
which last Act they bave given to them their présent name. Henry R.
Gray, in october, 1872, obtained a trade mark to be registered, which con-
sisted of the words, " Sirup of Red Spruce Gum," and so obtained the exclu-
sive right to the said trade mark, to wit, the said name "Syrup of Red
Spruce Gum," or, in french, "Sirop de Gomme d'Epinelte Rouge." In
february, 1875, the Plaintiffs bought from Gray the recipe for his Syrup of
Red Spruce Gum and his said trade mark, and duly registered the transfer.
The Défendants, early in mardi, 1875, obtained a trade mark to be regis-
tered for a manufacture of theirs. The mark consisted of the seal of the
Défendant' s corporation, composed of a virgin on a throne, at the foot of
which are two saints, and the legend Charitas Christi urget nos, and of the
letters A. P. M. underneath the throne, the whole encircled by fleurs de lys,
and around the seal the words : "Sirop de Gomme d'Epinette Composé,"
and "Compound Syrup of Spruce Gum," with a statement of the source of
the Syrup, and the doses to be taken of it. Late in the same month, the
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Défendants obtained a registration of another like trake mark ; but not for
Syrup. Gray's Syrup seems to be an élégant préparation, and commands
an extensive sale. Gray was manufacturing three to five thousand gross a
year of it, when lie sold it to Plaintiffs. The Plaintiffs, by their déclara-
tion, accuse the Défendant of violation of their trade mark right, and of
fraudulently selling a liquid or syrup, under the name of " Compound Syrup
of Spruce Gum," in bottles labelled with an essential portion of Plaintiff's
trade mark, and with an imitation thereof in imitation of Plaintiff's Syrup
of Red Spruce Gum, with intent to deceive the public and consumers into
believing that the Défendant' s préparation is the same as sold by Gray for-
merly, and now by Plaintiffs. They say that in 1875 the Défendants made
and sold large quantifies of syrup in imitation of the Plaintiffs, and bave
put up their syrup in bottles enclosed in stiff pasteboard and case or cover,
made to assume the same shape and appearance as Plaintiff's bottles, sur-
rounded by a paper-wrapper of a somewhat similar appearance as those
around Plaintiff's bottles, the Defendant's wrappers also having printed
thereon a label infringing on their trade mark by the adoption of essential
portions thereof, to wit, the name and words in english, "Syruy of Spruce
Gum," and in French, "Sirop de Gomme d'Epinette," which words are
calculated to deceive the public and buyers and consumers of Plaintiff's
Syrup into believing that Defendant's Syrup is as valuable as Grays's or
Plaintiffs'. The déclaration goes on to say : — That the said name is con-
trived and used by Défendants in connection with the said article in order
that, by the similarity of sound and appearance, buyers may be deceived, as
they are in fact, into buying Défendants' article for the Plaintiffs' ; the
déclaration goes on to say, in Mardi, 1875, the Défendants fraudulently
obtained a certificate of registration of their trade mark, which is an infrin-
gement of Plaintiffs', which certificate is null and should be so declared ;
that thirty thousand dollars damages hâve been done to Plaintiffs, by Défen-
dants' infringement of their trade mark, and Plaintiffs bave right to demain!
the nullity of Défendants' trade mark. The Plaintiffs further allège that
the Défendants were originally incorporated by 4 and 5 Vie, cap. 67, under
the name of " The Montréal Asylum for Aged and Infirm Women," and
it was provided by the said Act that nothing therein contained should affect
the rights of Her Majesty or of any person, or of any body corporate, sucli
only excepted as are mentioned in the said Act ; that supposing the Défen-
dants should not infringe the rights of the Plaintiffs as above mentioned,
the Défendants, by manufacturing for sale and by selling their article, the
Compound Syrup of Spruce Gum as an article of trade, act in breach of their
charter, and beyond the powers granted to them by law. and alfeot the
47
riglits of the Plaintiffs in the premises, the Défendants causing to the
Plaintiffs damages $30.000 by their unjust compétition on the market and
vending the said article ; that the Plaintiffs, to carry on their trade, hâve
to pay heavy municipal taxes on their business, and on the property by
the m occupied for their trade, while the Défendants, under the pretence
that they are a religious and charitable society, are granted exemption
from ail taxes ; therefore, the Plaintiffs, for the cause last mentioned, as
well as for the causes above alleged, are well founded in restraining
the Défendants from practising a trade incompatible with the objects of
their incorporation ; conclusions : that the certificate gotten by Défendants
be declared null ; that the Défendants be restrained from preparing or
selling the compound syrup of spruce gum, bearing Plaintiffs' trade mark
or any portion of it, or imitation of it ; that the Défendants be condemned
to account for ail profits, etc., and be enjoined to ddsist from inaking or
selling "any article whatever, for want of authority and power so to do "
and that Défendants be further condemned to pay to Plaintiffs $30,000
damages, &c. The Défendants plead : — That they are an institution of
charity, and, sustain numbers of houses of charity in the Province, which
are taking care of sick people, superannuated and deaf and dumb ; that they
do tins by means of help gotten from charitable persons, and by their work
and industry ; that in 1843 Défendants got the receipt for their syrup from
the Hôtel Dieu; from 1831 it lias been made and used by the Hôtel Dieu
and since 1843 by Défendants, and sold to the public ; that it is false that
Gray, before any Syrup of Spruce Gum was known and sold, had composed
the syrup of which Défendants claim the property ; that ail profits made by
Défendants hâve always been spent in the sustentation of Défendants'
institution of charity ; that the Défendants hâve never imitated, or
attempted to îmitate Plaintiffs' trade mark or any essential part of it ; that
Défendants' trade mark is essentially différent from Plaintiffs' — there is no
ressemblance between the two ; that the name "Syrup of Red Spruce
Gum ' ' could never form a trade mark ; that it is a nom générique applicable
to ail Syrup of Red Spruce Gum, made or to be made by anybody ; that
Gray had no right to the name (Syrup of Red Spruce Gum), as a trade
mark. That Gray never obtained any patent for his Syrup, and so the
Plaintiffs cannot claim that he has, or they, exclusively hâve right to make
or sell it. That Plaintiff is unfounded in complaining of Défendants selling
their Syrup, seeing that Défendants and the Hôtel Dieu hâve made and
sold it for years before Gray made any ; that Défendants' is far superior to
Gray's; that the syrup of Défendants does not imitate Gray' s; it is
différent in çolour? taste, composition, package and labels, and name. That
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tlie PJaintiffs havc been persecuting défendants for a long time, running
down Défendant' s syrup, representing it as of no value and threatening
Défendants, and their agents, with prosecutions for selling it, doing them
damage of over $25,000. Then, tlie plea states tlie trade marks of Dé-
fendants and the registrations obtained, and elaims them as their property ;
that the Plaintiffs opposed the granting of said registrations, but in vain;
eo that there is chose jugée in favour of Défendant ; and in selling, as they
hâve donc, Défendants hâve only exercised their right ; that the Superior
Court cannot annul such acts as those granted by the Minister of Agricul-
ture and his Deputy in favour of Défendants; that it is false that the
Défendants hâve violated their charter, as alleged ; that, on the contrary,
they hâve only exercised an acfc towards the maintenance of their institu-
tion, and towards accomplishing the ends, or object, of their charter; but
though this were not so, it was and is not for Plaintiffs to prosecute, but
only for Her Majesty, or Her Attorney-General. Conclusion for dismissal
of the action.
tNCIDENTAL DEMAND.
The Défendants do not only plead defending themselves from Plaintiffs'
demand, but they bring an insidental demand for damages against the
Plaintiffs. They commence their déclaration by reciting ail their works of
charity ; then they say that in 1843 Sister Frigon, of the Hôtel Dieu, gave
Sister Caron, of incidental plaintiffs' corporation, the receipt for Compound
Syrup of Spruce Gum That this Syrup, since 1851, has been prescribed by
the physicians attending the Hôtel Dieu and the incidental Plaintiffs in-
stitution ; and in fact, since 1843, the incidental Plaintiffs hâve made it, and
been in the habit of giving it away gratuitously, and of selling it in large
quantifies; that Spruce Gum always entered into the same Syrup with
other matters and hence the mime, Compound Syrup of Spruce Gum, and
the sales of it hâve constantly increased since 1843, and in 1875, the
incidental plaintiffs were making great profits by it, sustaining their poor,
and their institution in great part by such profits ; that, to distinguish their
Syrup, the incidental Plaintiffs, hâve for years past, placed on ail bottles
containing it the seal of their corporation or community, viz., a Virgin on
a throne, &c., with an inscription, or motto, " Charitas Christi urget nos,"
and below it the letters A. P. M., the incidental Plaintiffs adopting so,
their seal as their mark of commerce, or trade mark, and their Syrup
attained great popularity in Canada and the United States ; that their said
trade maik was approved by the Minister of Agriculture and registered on
9th March, 1875; that, on another application; dated 27th Mardi 1875,
49
claiining the proprietorehip of thc said trade mark, registration was granted
of it again on 30th Mardi, 1S75. That thc incidental Défendants opposed
those regist rations, but the Minister of Agriculture over-ruled their ob-
jections, and tins ruling is chose jugée ; that, notwithstanding the incidental
Plaintiffs' rights,the incidental Défendants hâve maliciously and fraudulently,
knowing of the incidental Plaintiffs' rights to use their trade mark and to
sell their Syrup, interfered to prevent them selling it by menaces against
them and their agents and by lies, to the damage of the incidental Plaintiffs.
That particularly since Mardi, 1875, the incidental Défendants by them-
selves and agents, hâve gone about in shops in Québec, Montréal and
elsewhere, and cried down the incidental Plaintiffs' Syrup as being of no
value, at the same time falsely and fraudulently representing that the
incidental Plaintiffs were violating the trade mark of the incidental De-
fendants, and had no right to make or sell their, the incidental Plaintiffs'
said Syrup, and proclaming that ail who would buy or sell it would incur
forfeitures, and penalties, thus frightening apothecaries and dealers from
buying or selling the syrup, from fear of prosecutions, and many discon-
tinued buying and selling in conséquence ; that, by reason of the incidental
Défendants' manœuvres and threatenings alluded to, the sale of the
incidental Plaintiffs' Syrup has diniinished at least one-half, and damages
hâve resulted of over $25,000, so the incidental Plaintiffs hâve been
deprived of a great part of the means neçessary to support their institution,
lodge their poor, and nurse the sick, &c.
ccwclijskw for $25,000 damages.
The incidental Défendants only defence is the gênerai issue. Upon the
principal demand, the first question is as to whether or not the Défendants
hâve been using or imitating Gray' s trade mark ? This is not a patent case ;
it is not, as to the two Syrups, who first made them, as from much of the
évidence one might take it to be. It can not be pretended that the Défend-
ants make a Syrup like Gray's. The chief question is about a trade mark
obtained by Gray ; it is said that the Défendants hâve fraudently imitated
it. They were free to imitate the Syrup ; both Syrups, even now, may be
imitated, but not so Gray's trade mark, perhaps. As to the Syrups, the
Défendants hâve been making them for over twenty years. Gray swears
that lie has been making his since the fall of 1859. So, the Défendants hâve
the priority of date of manufacture, as proved by many witnessess.
Trade marks are légal possessions. What they may consist of, our
Statute 31 Vie. states in its third section. The better to protect trade mark
property, we hâve made spécial laws.
50
To prove this branch of their case against the Dei'endantss for the vio-
lation of Gray's trade mark, tbe Plaintiffs havc called a good many
witnesses. One of them, Devins, was agent for Défendants for a time, to
sell their Syrup. He resigned, because Plaintiff threatened him with law
proceedings. He says the Défendants in 1875, just before employing him,
spoke to him, and the name they proposed to use for the Syrup was :
"Sirop de Gomme d'Epinette," that afterwards the word " composée "
was added, Devins says it was at his suggestion, owing to Gray's Syrup
being on the market. He says that there was conversation as to the
wrappers for the bottles ; that the Défendants proposed blue colour, and he
told them, that that would be infringing on Gray's rights, as his wrapper
was blue ; yet the Défendants adopted the blue colour, he said. Being
asked as to the persons being deceived into buying the Défendants' Syrup
for Gray's, he says that he " lias often sold the Nuns' for Grays. " People
asked for Gray's, and I gave them the Nuns'." Other witnesses say that
they, asking in shops for Gray's Syrup, hâve had the Défendants' given to
them. Other witnesses say that the colour of the wrapper of Défendants'
Syrup is very much, ifnot the same, as Gray's; another says that the
sound of the name of the Défendants' trade mark is the same as the sound
of the name of Gray's ; another says that it would be easy to pass one
manufacture for the other, from the similarity of the names. The Défend-
ants bring up numerous witnesses. Thèse prove that the Défendants*
Syrup has been in use for from 20 to 25 years, and lias always been the
same préparation ; several of them prove thafc the trade mark of Défend-
ants is differeut from Gray's, and not an imitation of it ; the Court, appre-
ciating the proofs made pro and con, cannot say otherwise than that the
évidence is overwhelming in favour of the Défendants. This part of Plain-
tiffs' case is weak, although they hâve brought up fourteen witnesses.
Some of their witnesses prove in favour of Défendants, for instance, Dr,
Picault, who says that unless a purchaser were blind lie could not take the
Défendants' article for Gray's ; and again, " si l'on peut lire on ne pren-
drait pas l'un pour l'autre." Devins' évidence for Plaintiffs is not satis-
factory, and surely the Défendants cannot be held for his misconduct iii
giving their Syrup to people asking for Gray's. Devins' ethics, it is plain,
seemed irregular, even to Plaintiffs' attorney, who was shocked a little at
his statement, and, smiling said to Devins : ".I suppose you reflectcd at
the time that this was not very fair." This reproof was not pleasant to
anybody ; Devins upon it morely said : -'I looked at it as a business tran-
saction." Plaintiffs' witness, Birks, is not a satisfactory witncss. After
saying ail that he had to say, the Court asked him a question, to which he
51
gave a poor answer ; this was followed by another, winch he again did not
answer ; then there was a third question ; " Is the Syrup so marked as to
import that it is manufactured by Kerry, Watson & Co , or by Gray ? " To
which Birks answers : "From the appearance, it would almost indicate
that, from the œlour of the wrapper.'
READ TIÎE TITREE QUESTIONS.
What is Gray' s trade mark — the colour of the wrapper ? No ; he may
use any colour. He states, in his déclaration, his trade mark to be the name
and words, "Syrup of Red Spruce Gum," and in french, " Sirop de Gomme
d'Epinette Rouge." The trade mark of the Défendants consists of a ticket
or label having the seal of the corporation, composed of a virgin sitting on
a throne, at the foot of which are two saints ; and a legend or motto, Ghari'
tas Chrlsti urget nos, is in a semicircle over the virgin and throne, the whole
encircled by fleurs de lys. Around the seal too, inside, in a kind of hoop
semicircle, are printed in words : " Sirop de Gomme d'Epinette composé,"
and words " Compound Syrup of Spruce Gum," with Indication of the source
of origin of the Syrup, and of the doses of it. The Court agrées with those
of the witnesses who say that hère is not imitation of Gray's trade mark.
It is not even an imitation colourable or in disguise. Both trade marks use
the word " Syrup," also the words "Spruce Gum; " but the one is called
Compound Syrup," the other is not. One is syrup of red spruce, the other
is not. It is said that an absolute ressemblance need not be, and yet vio-
lation of trade mark may be seen. True ; but hère is no ressemblance, but
qui te the contrary. The al ter, the virgin, the saints, the latin motto, and
the statement of whence tlxe syrup cornes from, ail of which must always
be exhibited as essential components of Défendants' trade mark, go to make
it very différent from Gray's. Gray is free to omit ail figures or any, or
put what figure he pleases on his labels ; not so the Défendants. It cannot
be said that their trade mark lias a gênerai ressemblance to Gray' s ; cer-
tainly it does not ressemble it so as to be easily confounded with it ; this
was found so by the Minister of Agriculture.
The Défendants' force upon the Court another question. They say — sup-
posing that, in their trade mark, imitation could be seen of Gray' s, this would
amount to nothing, for Gray's name or words, " Syrup of Red Spruce Gum,"
could ne ver properly be a trade mark ; that they involve only a generic term,
do not designate the origin of the goods, but the mère name of the thing ; that
they are the words commonly used for indicating the thing manufactured to
be of a particular kind of class or manufacture. They say that unless a fancy
iiàtne were resorted to, the product had naturally to be called Syrup of Red
Spruce Gum, and that, under the circums tances, that name could not be appro-
priated by Gray to or for liimself alone. Some English and United States
authorities support the Défendants, and it ought to be held so hère, I think.
Our 33 Vict., c. 32, sect. 9, seems framed that so it should be held. Gray' s
mark, it is to be observed, is the mère name of the substance in his bottles ;
this is not described as of his ownership or invention to distinguish it from
others' manufacture. We see that Gray, or Plaintiffs as his substitutes, are
claiming the monopoly of that name of substance, but this ought not to be
allowed. The chief part of Plaintiffs' case is thus disposed of.
But their complaint is compound ; their second charge against the Défen-
dants is to this effect : " Supposing you be found not to be infringing our rights
as first complained of, by manufacturing for sale and selling your syrup as an
article of trade, you act in breach of your charter, beyond the powers
granted to you, and affect our rights by your unjust compétition on the
market, vending the said article, and do us damage $30,000." The Plain-
tiffs add that, to carry »n their trade, they hâve to pay heavy taxes, while
Défendants, under pretence that they are a religious or charitable corpo-
ration, are granted exemption from ail taxes. Therefore, for the cause last
mentioned as well as for the causes above alleged, Plaintiffs are well founded
(says the déclaration) in restraining the Défendants from practising a trade
incompatible with the objects of their corporation.
To this part of the case, the Défendants plead that they hâve not
violated their charter ; that ail that they hâve done has been towards better
accomplishing the objects of their charter ; that though this were not so, it
was and is not for plaintiffs to sue ; but only for lier Majesty, or Her
Attorney General. Upon this part of the case, the question présents itself,
can the Défendants trade ? Their charter is not one to a corporation for
trading, nor does it affect a religious corporation, but a lay one for charitable
purposes. In old France, houses of monks and of nuns were frequently pro-
hibited from trading even from selling remédies. By an edict of 1721, ail
communautés, even séculières, were prohibited from having shops for mer-
chandises of any kind. The Défendants cannot prétend, with right, that
they may set up shops. Their counsel did claim in argument that they,
being incorporated, it is to be inferred that the state meant to endow them
with the right to use ail means towards acquiring means to carry out their
objects, and that therefore they may trade. This cannot be allowed. The
end cannot justify the means in a case like this. Powers of corporations are
to be strictly construed ; ail corporations hâve bounds. Railroad corpora-
tions hâve been held not to hâve a right to go into acceptances of bills &c.,
Uniess their charters expressly allow it. I find that the Défendants havè
been trading^ and that this was and is beyond their powers, and against
their charter. As well inight the Ladies' Benevolent Society, the Orphan
Asyliun, or a chartered Lymg-ïn-Hospital, claim right to trade, though no
sach right was conferred by charter.
Can the Plaintiffs sue Défendants in conséquence ? Are they the
proper persons to complain against a corporation for exceeding its charter
powers ? Can they ask for ouster against a corporation for malfeasances,
or excesses ? Most lawyers would answer in the négative ; for it is
elementary that generally it is for the crown, or the public authority,
alone to proceed in such cases. So it is held in England, Fiance, the
United States and in this country. But although this be so, hâve not
private persons the right to complain of the excesses of corporations
doing them personally private damage ? The Plaintiffs claim that they
hâve, and they say that their présent action is not of the character of
an Attorney General's information, but if seen such, in a degree, must, in
another degree, be seen to be a complaint of a private damage ; in respect
of winch they ask for damages personal to themselves, and for the Défen-
dants being restrained for the future from like trading, which, it lias added,
is "incompatible with the objects of their incorporation." The Plaintiffs
say that they hâve a complaint of private damage, though a public wrong
by Défendants may be seen violation of their charter, in the same acts as
are complained of. We hear of licensed carriers suing unlicensed ones for
damages ; licensed ferrymen sue unlicensed ones interfering with them ; a
licensed butcher may sue an unlicensed one ; licensed doctors of medicine
may sue unlicensed ones ; the Plaintiffs claim right to sue, upon like prin-
ciples, probably, though they hâve not expressly referred to such cases.
No authorities hâve been cited except our own Code, which says thatevery-
body is liable for damages caused by his fault. In France, the question lias
cerne up several times and been resolved in favour of claims like the Plain-
tiffs. Medicines cannot be sold there without license. This was held to
apply against Sisters of Charity, the Nuns of St. Vincent de Paul, as ail
others. (Bordeaux, January, 1830.) Though the Public Prosecutor may
act in such cases, a licensed apothecary can intervene and sue an unlicensed
apothecary, for préjudice particulier, and get dommages intérêts ; ï 'intérêt public
ri excluant jamais V intérêt particulier. It is held, by the Cour de Cassation, that
any licensed apothecary can sue under such circumstances, "quelque soit la
difficulté qui puisse s'élever pour l'appréciation de ce dommage." Les phar-
maciens ont action directe, et dès lors, sont recevables à se porter partie civile
contre ceux qui s' immissent illégalement dans l'exercice de la pharmacie ;
u
ce droit appartient à chaque pharmacien individuellement, (Cass., I5th
June, 1833). The Plaintiff's suit had been disputed at Rouen, but the
judgment was reversed. It was held that some damages had to be allowed
to Plaintiff, and that it was an error to believe that only for a préjudice
matériel, could an action of damages lie. The Plaintiff may sue, though it be
only for réparation of the préjudice moral, said the Cour de Cassation.
Sourdat, Vol. 1, Nos. 48, 40, highly approves.
Supposing Plaintiffs' demand for damages against Défendants for their
unjust compétition on the market, &c. , to be lawful, there would yet only
be room for small, nominal damages, for no dollars and cents of spécial
damages hâve been proved. Bat to entitle Plaintiffs to damages whatever,
upon the principles governing in France, ought they not to show clearright
or title ! Plaintiffs say, as it were, that the Défendants trespass on their
domaine; but do they themselves prove title or privilège? The Plaintiffs
exhibit no license themselves to trade ; they prove nothing about any
privilège that they possess. What heavy taxes they pay they hâve not
proved. They say that the Défendants are exemptée! f rom ail taxes ; is
this plain? The Plaintiffs say to Défendants, " you mix Ulegally in trade,"
as if Plaintiffs themselves mixing in it, did so with license or peculiar right ;
but we do not see how this is ; Plaintiffs ought to hâve made it plain to
démonstration. Not doing so, they hâve no right then to damages, and their
action must be dismissed.
There remains the incidental demand. Its allégations hâve simply
been denied, but they hâve been proved true to a great extent. The
threats made by the incidental Défendants against the incidental Plain-
tiffs' agents and the unfounded accusations made against the incidental
Plaintiffs were and are good cause of action ; they caused loss to the
incidental Plaintiffs of trade profits, and no justification is pleaded. If,
instead of thèse incidental Plaintiffs, we had any regular manufacturing
trading house as incidental Plaintiffs, and that such house had made such
profits as the incidental Plaintiffs hâve and mère gênerai issue been
pleaded, the Court wonld probably award large damages, hundreds of
pounds. Is the case to be differently treated because of the incidental
Plaintiffs being, as we know, an eleemosynary corporation, lay corporation,
not having right to carry on commerce ? Upon reflection, it lias occurred to
me that the Incidental Plaintiffs ought not to be allowed damages from
Défendants, except upon indisputably clear right ; hère, I see weakness in
the incidental Plaintiffs' case. They had no right to trade, and by illegally
trading, contributed to the trouble they complain of. The}' claim damages
for loss of commercial profits, but themselves were and are a mère lay or
55
eleemosynary corporation, bound to keep within a certain sphère, and to
whom commerce was and is unlawful. The incidental demand must be dis-
missecl, but without costs, as the judginent has proceeded upon grounds not
pleaded by the incidental Défendants.
APPENDICE No. 2.
PBEUYE IDIES nSTTIIMIIEIES
Présent : The Honorable Mr. Justice Mackay.
On tliis ninth day of October, in the year of our Lord one thousand
eight hundred and seventy-six, personally came and appeared DAVID
WATSON, Druggist, one of the Plaintiffs, aged thirty-five years, a witness
produced on the part of the Défendants who being duly sworn deposeth and
saith : — I am one of the Plaintiffs in this cause. I was ne ver in Ottawa in
connection with the trade mark of Défendants.
Question. — Was not your firm informed that the trade mark was to be
registered for the Défendants ?
Answer. — The first information I received of such a thing having been
done, was a paragraph in the Montréal Herald amongst the list of trade
marks granted.
Question. — Your firm never wrote to Ottawa about that?
Answer. — The firm wrote to Ottawa in July, the trade mark was
granted I think sometime in Mardi. I wrote to the Minister of Agriculture
in Mardi of the same year, giving him the writ of injunction that had been
granted in a similar case and asking him to furnish me with a copy of what
lie had granted to the ladies of the Providence Nunnery as a trade mark.
Question. — Did you receive any information of a letter written to Mr.
Gray, the originator of your Syrup ?
Answer. — No Sir, Mr. Gray did not inform me that he had received
any letter from Ottawa. I had no communication with the Attorney Ge~
56
neral of Québec about suit. I did not solicit from the Attorney General
permission to institute a prosecution. I ani not aware whether the firm did
or did not ask the Attorney General for permission to bring an action. I
cannot say whether my lawyer did or did not. Personally I was not in-
formed by my lawyer that this was the case, but it might hâve bcen told
to the other member of the firm.
Question. — You allège, in your action, that you pay heavy taxes ; what
is the araount of your taxes ?
Answer. — I cannot say, even approximately.
Question. — Since Défendants obtained their trade mark, hâve you
threatened ail the druggists or any of them, with law suits and damages, to
prevent them from selling Defendant's Syrup ?
Answer. — No, sir ; we merely notified two, I believe, — not ail the
druggists, — Devins & Bolton and Lymans & Clare.
Question. — You swear positively that you notified no body eise ?
Answer. — I swear positively that I notified no body else, except in
ordinary conversation.
Question. — What kind of notification did you give them?
Answer. — Nothing more than ordinary conversation.
Question. — Messrs. Lymans & Clare?
Answer. — I thing that through our solicitors we ordered a lawyer' s
letter to be written to them ; I am not aware that a lawyer's letter was sent
to any other party.
Question. — Did you threaten Messrs. Laviolette & Nelson ?
Answer. — No, sir.
Question. — Did you send a clerk for the purpose of threatening them
with a suit if they sold that Syrup ?
Answer. — I never sent a clerk or otherwise. I had an interview myr
self with Dr. Laviolette, but I used no threats. I told him that we intended
commencing légal proceedings against the Sisters of Providence, and asked
him as ordinary commercial etiquet, not to push their article until we got
the case settled. I am positive that we made no assertion that we would
sue them.
Question. — Did not your firm send a clerk to many of the drug stores
and groceries in the city about that affair ?
Answer. — No, sir.
Question. — You never authorized any onc to go to the drug stores, and
tell parties that a law suit was to be instituted against the Défendants and
that if they sold that Syrup they would incur damages ?
57
Answer. — I never authorized any person to do so and are not aware
that any such authorization corne froin the firm.
Question. — Did you send printed circulars giving that information?
Answer. — No, sir, never.
Question. — Did you put an advertisement in the papers ?
Answer. — We put notices that a préparation similar to ours was in cir-
culation, and cautioning people to beware and get the genuine.
Question. — That you would severely proceed against any party ?
Answer. — No, sir, that infringement of our trade mark would be pro-
secuted. In our advertisements we alluded to the Syrup of the Sisters.
There were other préparations as well as the one spoken of.
Question. — Do you swear that business men, generally speaking, dit not
understand, by thèse notices in the papers, that you alluded to Défendants'
Syrup ?
Answer. — The caution was a gênerai one. If they took it for any
particular syrup that was not our fault. Being shown exhibit No. 1 filed
by the Plaintiffs, I recognize it as our trade mark.
Question. — State what you consider is your trade mark on that ?
Answer. — I consider that the whole wrapper is a trade mark, that the
words " Syrup of Red Spruce Gum " constitutes our trade mark. I prétend
that the name " Syrup of Spruce Gum " is a part of the trade mark.
Question. — Is not the Indian part of the trade mark ?
Answer. — I présume it is.
Question.— Did you institute a suit against Dr. Gauthier, of St. Law-
rence Main Street ?
Answer. — We did.
Question. — Will you state to the Court what was the infringement you
considered lie had made upon your trade mark ?
Answer. — The infringement was in having used the words "Red
Spruce Gum." He called it an Indian Syrup, composed of Red Spruce Gum.
That was ail.
Question. — Did you complain that he used the portrait of an Indian
women ?
Answer.- — I believe not. The Indian, as far as the eut was concerned,
is altogether différent. I cannot state whether we alledged that in your
action. The principle ground was the infringement of the trade mark in
having used "Red Spruce Gum," in connection with it.
Are you positive that you did not allège, in your déclaration, that he
had infringed upon your trade mark in using the figure of an Indian women,
very similar to the Indian on your wrapper ?
58
Answer. — I will not swear positively.
Question. — Will you tell me how many gross of Gray's Syrup are fabri-
cated by your house annually ?
Witness appealing to the Court against the question was ordered to
answer.
Answer. — To the best of my knowledge and belief, we sold during last
year — I speak of the year from the date in which Ave took the trade mark
to the same date the following year — nine hundred gross, to the présent
date of tins year, somewhere about seven to eight hundred gross.
Question. — It was said by one of your witnesses that your syrup was
an artificial remedy ; do you consider it in that light ?
Answer. — Certainly it is.
Question. — Do you mean that there is no spruce gum in it?
Answer. — I mean that there is a very large proportion of spruce gum
in it,
CROSS-EXAMINED.
What was the resuit of your case against Dr. Gauthier ?
Answer. — Judge Torrance granted us an injunction preventing and
restraining Défendant in the case from selling or causing to be sold or using
any essential portion of trade mark. He has complied with the injunction.
RE-EXAMINED.
Question. — Did you abandon that law suit ?
Answer. — No, sir. The case came up in Court and was discontinued
CROSS-EXAMINED ON RE-EXAMINATION.
It was the Syrup itself that had disappeared. The bottles were there
but the contents were emptied, and the wrapper, the principal part wasgone.
And further déponent saith not, and tins déposition having been read
to him, he déclares it to contain the truth.
S. A. ABBOTT,
Stenographer.
59
Présent : The Honorable Mr. Justice Mackay.
On this ninth day of October, in the year of our Lord one thousand
eight hundred and seventy-six, personally came and appeared JOHN
KERRY, of the City of Montréal, Chemist, Défendant, aged fifty-one years-,
a witness produced on the part of the Défendant, who being duly sworn
deposeth and saith :
Question. — Had }ou any relation with the Agricultural Department at
Ottawa, concerning the trade mark of the Défendant ?
Answer. — No Sir. None whatever. I made no opposition, and did
not hear that there was any application for a trade mark.
Question. — Nor did your firm hâve any correspondence with thé
Department of Agriculture ?
Answer. — I believe not. I ne ver heard of any.
Question. — So that you ne ver communicated with the Department of
Agriculture concerning that trade mark ?
Answer. — Except otherwise as Mr. Watson stated in his évidence that
on hearing there was a trade mark granted, lie wrote to ask about it.
Question. — Will you state what happened in the Department ?
Answer. — After we saw from the public press that a trade mark had
been granted to the ladies, we wrote to Ottawa for particulars.
Question. — And you got them ?
Answer. — I believe so, but I was not attending to that myself.
Question. — Now, did you communicate with the Attorney General ?
Answer. — I did.
Question. — Did you not solioit, according to the Code of Civil procédure,
from the Attorney General, permission to prosecute in his own name what
you considered a violation of your right,against the Sisters of the Providence ?
Answer. — I am quite aware that Mr. Doutre did so on our behalf.
Question. — Did you not solicit yourself personally the permission from
Dr. Church, the Attorney General ?
Answer. — I had an interview with Dr. Church, in Québec. I had
gone to Québec to oppose a certain Bill that was introduced on behalf of the
Sisters of Providence Nunnery. It was on behalf of religious communities,
on behalf of ail religious communities I went down to Québec to oppose
that Bill ; and in the course of conversation with the Attorney General, We
had occasion to allude to our suit against the Nuns ; and the Attorney
General told me that lie had not been able to reply to Mr. Doutre and pro-
mise the use of his name in this action, because pressure of parliamentary
business had prevented him from paying attention to the case, but that be
should grant the use of his name in due time.
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Question. — And you are not aware that he ever granted it ?
Answer. — No, because, in further conversation with him, I told him I
was so satisfied with the justice of our suit, and the strength of our cause
that I should not ask it ; and after Parliament was over, Mr. Doutre again,
without communicating with me, wrote to ask Dr. Church for his authority.
Dr. Church wrote to ask me what was the reason of it, and I replied that
Mr. Doutre had acted without speaking to me in the matter, and I should
tell him that we no longer ask the Attorney General for that authority.
Question. — At ail event permission was asked from the Attorney
General ?
Answer. — And the Attorney General would hâve granted it if we had
pressed it.
Question. — Will you tell the Court what taxes you paid ?
Answer. — I remember that for my own personal tax and the business
tax we paid the other day, and drew a chèque, of the exact number of cents
I do not remember, but it was over nine hundred and forty five dollars.
Question.— Well now, do you remember having threatened somebody
with law suit if they would sell that syrup of the Défendants.
Answer. — Yes I do.
Question. — Will you state whom you hâve so threatened !
Answer. — I spoke to Mr. Benjamin Lyman and wrote him a lawyer's
letter. I spoke to Mr. Benjamin Lyman in a sort of a joke before I knew
that they had taken up the agency, and Mr. Benjamin Lyman said that his
firm would never do so mean a thing as to sell an opposition article. I after-
wards went to Mr. Henry Lyman, and I threatened him with a suit in case
he sold the thing.
Question. — At the time they had not sold the article ?
Answer. — I cannot say wheter the}^ had or not, but I threatened Mr.
Benjamin Lyman in form, because he was the Toronto partner, and not
much hère.
Question. — Of a law suit in damages ?
Answer. — Yes.
Question. — Will you mention the names of some other parties to whom
you made such threats.
Answer.— I did not speak to anybody else, I do not remember speak-
ing to Mr. Devins or any body else.
Question. — Hâve you not sent a clerk in the drug stores and groceries
to tell them that your intention was to take a suit in this matter ?
Answer. — I hâve no recollection of doing any thing of the sort. I do
not believe I did.
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Question. — You did not threaten them that law suite would be taken
against them, or an action in damage?.
Answer. — The only people that I had to do with, in threatening, was
Mr. Benjamin Lyman, and Mr. Henry Lyman, to the best of my knowledge
and belief.
Question. — And you swear positively that you never made any threats
to any body else, and that your firm did not send any body for that pur-
pose into the drug and grocery stores.
Answer. — I swear to my belief I did not certainly.
Question. — Did you write circulars containing the saine threats ?
Answer. — Well I could not say. I take so little charge of the business
personalty. I could not say what was done.
Question. — Did you not put notices in the newspapers ?
Answer. — Oh ! We had a variety of advertisementsin the newspapers.
Question. — In thèse advertisements did you not say that those who
might sell that composition which was antagonistic to yours, would be sued ?
Answer. — I believe the advertisements had that ténor. I am almost
certain of it.
Question. — Did you not allude specially, in tins advertisement, to the
syrup of the Défendant ?
Answer. — I hâve no doubt that that was the principle object of our
aminadversions, being the one that was the most largely scattered, but we
also alluded to one or two other articles brought out.
Question. — Is it not to your knowledge that some boy, in your home,
spoke to Mr. La violette and Nelson, and induced them to discontinue no-
tices, which they had put in the newspapers ofFering Défendants' Syrup for
sale.
Answer. — I hâve no doubt that we did speak to them. I heard of it
at the time that we had asked them, as apersonal courtesy that one man in
business owed to another, not to lend themselves to what we thought was
an infringement on our rights.
Question. — Did you not ask the same thing against many other
druggists ?
Answer. — I could not say, I had nothing to do with it.
Question. — Did you not speak to Dr. Desrosier on St. Joseph Street.
Answer. — I did not, I do not know him, I do not know him by right.
I could not say whether any body in our house spoke to him. I hâve not
the slightest doubt that we should use ail the influence in our power to
restrain every body from selling it.
Question. — That is the Syrup of the Défendants?
62
Ànswer. — Unquestionably .
Question. — And for that purpose you spoke to ail the druggists you
côuld meet, I suppose ?
Answer. — I spoke to no one but the two Mr. Lymans.
Question. — When you say that you yourself personaly spoke to Mr.
Lymans only, who is the person of your firm that spoke to the others ?
Answer. — Mr. Watson spoke to one or two.
Question. — Were you and Mr. Watson the only parties who took some
interest in the matter ?
Answer. — I believe we were the only two ; I do not think we had any
clerk who acted in this matter. We sent a clerk round to several stores, to
see what people were selling. He was instructed to go to several stores and
ask for Gray's Syrup of Red Spruce Gum, and lie went to three or foui-
stores and he was sold the Syrup of the Sisters. They were just thèse
corner groceries at the différent parts of the town that he went to.
Question. — You reçollect that suit against Dr. Gauthier ?
Answer. — Yes.
Question. — Do you reçollect what was the ground of the suit?
Answer. — The ground of the suit was an infringement on our trade
mark.
Question. — Do you reçollect what was the infringement?
Answer. — A colorable imitation coming as near to our article as lie
could, without actually copying the whole thing.
Question. — Do you reçollect that there was, on his bottle, an indian
female having much likeness to that of the Plaintiffs ?
Answer. — I do not reçollect, We put the case into the hands of our
Advocates and they managed the suit.
Question. — And this suit lias been discontinued ?
Answer. — Well I thought not. I know we were summoned on an
enquête not long ago about that suit, and I suppose it would corne on for
trial.
OROSS-EXAMINKI'.
Question. — You bave been asked what amount of taxes you paid :
Does the amount you hâve given cover the tax paid by your partners ?
Answer. — No, it was my own private tax, and the business tax.
Question. — Do you know what tax the Défendants pay ?
Answer. — I do not know, but by common report they are exempt l'rom
ail taxation.
63
Question. — Do you know if Dr. Gauthier has been restrainedbyjudge-
ment of the Court froni selling his produce ?
Answer. — Certainly.
Question. — The case had no more importance after that?
Answer. — Not at ail.
And further déponent saith not, and tins his déposition having been
read to him, lie déclares the same to contain the truth.
J. W. BUCKLEY,
Sténographes.
Présent : L'Hon. Juge Mackay.
L'an mil huit cent soixante-seize, le neuvième jour d'Octobre, est com-
paru JEAN-CHARLES TACHÉ, Député du Ministre de l'Agriculture et
médecin de la ville d'Ottawa, District d' Ottawa, âgé de cinquante-six ans,
témoin produit par les Défenderesses, lequel après serment prêté, dépose et
dit : — Je ne suis point intéressé dans l'événement de ce procès : je ne suis
ni parent, ni allié, ni au service d'aucune des parties en cette cause, je con-
les Demandeurs de nom seulement et pas personnellement.
Question. — -Vous rappelez- vous les circonstances qui ont accompagné
l'enregistrement de la marque de commerce des Demandeurs en cette cause ?
Réponse. — Oui, pour m'en être informé avant de partir d'Ottawa, en
consultant les registres, et j'ai apporté avec moi tous les documents qui ont
trait à cette marque de commerce et à son enregistrement.
Question. — Voulez- vous référer aux deux documents que voici, exhi-
bits Nos. 3 et 4 des Défenderesses, et nous dire ce que sont ces documents ?
Réponse. — Je reconnais le document que voici, comme étant la marque
de commerce des Sœurs de la Providence, et cet autre papier est la demande
d'enregistrement qui accompagne toujours l'échantillon ; pour relier les
papiers ensemble, le certificat avec la demande, et la demande avec l'échan-
tillon. Le certificat que voici porte ma signature.
Question. — Veuillez maintenant référer à ces documents, et nous dire
quelles dates ils portent respectivement ?
Réponse. — L'un des certificats est en date du neuf Mars, mil huit cent
soixante-quinze, et l'autre du trente Mars, de la même année.
Question. — Pouvez- vous expliquer comment ces deux marques de com-
merce ont été enregistrées à des dates aussi rapprochées ?
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Réponse. — Je crois que la seconde marque de commerce ne s'applique
pas seulement à un objet particulier, mais à une marque générale. Notre
législation, au moins dans l'interprétation qu'on lui a donné en Canada, dif-
fère de celle d'autres pays. Dans ces pays-là, la même marque de commerce
peut servir à différents négociants vendant des produits différents. Nous
avons admis en pratique ici en Canada que la même marque de commerce
peut servir à différents négociants vendant des produits différents, et qu'un
négociant peut prendre une marque de commerce servant à tous ses produits ;
et ceci est une marque de commerce que j'appellerai générale, tandis que
l'autre marque de commerce spécifie la matière vendue.
Question. — Depuis combien de temps êtes- vous à la tête de votre
département ?
Réponse. — Depuis mil huit cent soixante-quatre.
Question. — Vous vous êtes occupé spécialement de ces matières-là
n'est-ce pas ?
Réponsee. — Tout-à-fait spécialement. Il ne se passe pas de semaine
dans l'année que je n'aie plusieurs cas comme le présent à décider. Toutes
les questions difficiles me sont soumises, et cela depuis douze ans.
Question. — Voulez-vous prendre connaissance de la pièce exhibit No 1
des Demandeurs, et nous dire si vous connaissez cette pièce ?
Réponse. — Cette pièce est la demande de Monsieur Gray, non pas des
Demandeurs ; de Monsieur Gray qui est l'auteur des Demandeurs. Ceci est
sa demande avec le certificat signé par moi, et la demande qui réfère à
l'échantillon ; et cet échantillon est le même, à toutes fins, que celui déposé
au bureau chez nous.
Question. — Voulez- vous nous dire ce qui, dans cet échantillon, constitue
la marque de commerce ?
Réponse. — C'est l'ensemble ; ainsi, une partie moyenne enfermée dans
un parallellogramme avec le nom du produit ; en tête, la figure d'un sau-
vage, et au bas le nom du producteur, et l'arrangement général. Ce n'est
pas une marque de commerce caractérisée par un motto ou par un nom, mais
c'est une étiquette dont le Demandeur a fait mention dans sa demande ; et
alors même qu'il n'en aurait pas fait mention, cela ne changerait rien à la
nature de son étiquette.
Question. — Je vois dans ce document, c'est-à-dire dans l'application,
les mots suivants : " The said trade mark codsist of the words " Sirup of
Red Spruce Gum, as printed." Voulez- vous nous dire si la marque de
commerce a été accordée telle que demandée ?
Réponse. — La marque de commerce accordée, c'est l'étiquette ; les cer-
tificats sont faits seulement pour rattacher le document officiel avec l'objet.
65
Il y a des marques de commerce qui sont composées d'un motto; d'autres du
nom du négociant seulement, et d'autres composées de couleurs imprimées.
Cette demande-là et ce certificat-là n'ont aucune autre valeur que de ratta-
cher le document officiel à la matière de l'enregistrement.
Je produis les règlements du bureau des marques de commerce, for-
mant l'exhibit R des Défenderesses.
Question. — Quand les défenderesses ont fait application pour ces mar-
ques de commerce, vous en êtes- vous occupé spécialement ?
Réponse. — Oui, non-seulement de celles-là; mais il y a eu deux autres
demandes de marques de commerce pour la vente d'un produit similaire,
par M. Dudevoir et le Dr. Gauthier ; et leur demande à tous deux a été
refusée, parce qu'elles venaient en concurrence avec celle de M. Gray, et
celle des Sœurs de la Providence a été accordée ; parce qu'elle ne venait pas
en concurrence avec celle de M. Gray.
Je produis la correspondance ayant rapport à l'application pour l'ob-
tention de toutes ces marques de commerce.
Question. — Quand vous avez examiné l'application des Défenderesses,
vous rappelez-vous avoir référé à la marque de commerce de M. Gray ?
Réponse. — Non seulement je me rappelle y avoir référé, mais il y a même
des lettres antérieures qui se rapportent à cette demande, dont MM. Dude-
voir et Gauthier étaient les correspondants. Les demandes de M. Dudevoir
et de M. Gauthier ont été refusées pour les causes assignées dans les dites
correspondances.
Question. — Vous avez parlé de ces deux applications qui avaient été
refusées. Quant à la première application des Demandeurs, avez-vous éga-
lement pris en considération leur marque do commerce lors de la demande
des Défenderesses ?
Réponse. — Oui, monsieur.
Question. — Et vous avez examiné soigneusement s'il y avait quelque
similitude, de près ou de loin, entre les deux marques de commerce ?
Réponse. — Oui, et il n'y en a pas. J'ai eu recours aux autorités sur la
matière, et je me suis convaincu qu'il n'y a pas de similitude.
Question. — Voulez- vous référer de nouveau aux deux marques de com-
merce et voir si elles sont semblables en quelques points ?
Réponse. — Il n'y a rien qui se ressemble dans ces deux marques de
commerce, excepté le nom de la matière qui est l'objet du négoce; or, le
nom de la matière qui est l'objet du négoce ne peut pas être une similitude.
Ainsi, ira homme ne pourra pas prendre pour marque de commerce les mots :
" Du savon parfumé," parce qu'il n'y a pas moyen de nommer du savon
parfumé autrement que du savon parfumé.
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Question. — Y at-il eu, à votre département, soit par M. Gray, soit par
ses cessionnaires, les Demandeurs actuels, quelque objection ou plainte, au
sujet de ces enregistrements de inarques de commerce?
Réponse. — Il y a eu des plaintes de laites après l' enregistrement. On
ne donne avis aux parties intôi'essées que dans le cas où il y a concurrence,
et quand il y a lieu de faire l'application de la sixième clause de l'acte de
mil huit cent soixante et huit. Après l'enregistrement de la marque de
commerce des Sœurs de la Providence, M. Gray a écrit deux lettres qui sont
ici produites, et quelque temps après, MM. Kerry, Watson & Cie. nous ont
passé une défense d'user (inj miction) , portée par le juge Torrance contre le
Dr. Gauthier. Ce sont là toutes les communications qui ont eu lieu.
Question. — De sorte que d'après votre expérience, les mots "Sirop de
Gomme d'Epinette " ne peuvent pas être une partie essentielle de la mar-
oue de commerce.
Réponse. — C'est une partie de la marque de commerce en ce sens que
ça indique le produit vendu ; mais à part cela, et à l'encontre des brevets
d'invention, le produit ou sa désignation ne constituent pas une marque de
commerce.
Question. — Cet acte des marques de commerce, auquel vous référez, le
connaissez-vous bien ?
Réponse. — Parfaitement. L'acte de mil huit cent soixante et huit est
l' acte renouvelé depuis la confédération, avec des changements, et c' est
moi-même qui ai préparé la loi.
Question. — Voulez- vous maintenant examiner ces deux pièces-ci, l'une
est le Sirop des Demandeurs, et l'autre le Sirop des Défenderesses ?
Réponse. — Oui, et je vois que l'une de ces pièces est couverte de la
marque de commerce de M. Gray, et l'autre de la marque de commerce des
Sœurs de la Providence.
Question. — Voulez- vous nous dire si vous trouvez quelque ressemblance
entre ses deux pièces ?
Réponse. — Je ne vois pas du tout de ressemblance ; je ne vois pas de
concurrence entre les deux. C est à l'effet de vendre le même remède, ou
l'équivalent, mais quant à l'essence de la marque de commerce, il n'y a pas
de ressemblance.
Question. — Voulez-vous nous dire ce que vous entendez par " le même
remède ou l'équivalent ? "
Réponse. — C'est-à-dire, quelque chose qui se ressemble ; ainsi, ou peut
faire du sirop de rhubarbe, dans lequel il entrera d'autres ingrédients, mais
ce sirop ne portera que le nom de sirop de rhubarbe ; il en est de même
pour ces sirops-ci qui contiennent, je pense, de la gomme d'épinette. Je pré-
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sume que ces deux sirops contiennent du sucre et de la gomme d'épinette
rouge, parceque c'est la signification naturelle des mots : " Sirop de Gomme
d'Epinette Rouge."
Question. — Voulez- vous faire attention si le mot "rouge" est indiqué
dans le sirop des Défenderesses ?
Réponse. — Il n'y a que " Spruce Gum" ici, et il y a " Red Spruce
Gum" dans la marque de commerce de Monsieur Gray. " Spruce Gum" ou
" Red Spruce Gum" ne fait rien à la marque de commerce, quoique cela
puisse faire quelque chose pour le produit.
Question. — Voulez- vous examiner les deux bouteilles et nous dire si
vous trouvez quelque ressemblance entre les deux produits ?
Réponse.— Leur apparance visible n'est pas la même : l'un est rouge,
et l'autre est blanc ; l'un à l'air d'un sirop, mais l'autre à l'air d'une émul-
sion sirupeuse.
Question. — Connaissez- vous ces sirops-là ?
Réponse. — Je ne connais pas du tout ces sirops-là.
Question.— Croyez-vous, docteur, qu'il soit vraisemblable qu'une per-
sonne puisse confondre ces deux sirops, considérant la manière dont ils sont
offerts en vente, et la manière dont ils sont enveloppés ?
Réponse.— Je ne crois pas qu'on puisse prendre la marque de commerce
des Sœurs de la Providence, pour une imitation de celle de monsieur Gray,
car les deux enveloppes ne sont pas les mêmes.
Question. — Ce genre d'envelopper a-t-il quelque ressemblance ou simi-
litude avec celui de monsieur Gray?
Réponse. — Je n'en vois pas. Il faut bien naturellement, que les
remèdes soient enveloppés dans quelque chose. Voici, je suppose, le même
remède, ou deux remèdes différents qui sont vendus ; je maintiens que
l'acheteur intelligent ne peut pas prendre l'un pour l'autre.
Question. — Est-ce que ça requèrerait une dose considérable d'intelli-
gence pour en faire la différence ?
Réponse.— Je crois que le commun des acheteurs distingueraient entre
une marque de commerce et l'autre. Je ne vois pas du tout de similitude ■
si j'en avais vu, j'aurais refusé la demande d'une marque de commerce,
comme je l'ai fait dans le cas de Monsieur Diulevoir et du docteur Gauthier.
Question. — Croyez- vous qu'un pharmacien puisse se tromper et donner
Y une de ces préparations pour l'autre ; en supposant qu'on lui demande le
sirop des Demandeurs, peut-il se tromper ?
Réponse. — Non, monsieur, à moins d'y mettre de la mauvaise foi. Je
vois ici un sirop fabriqué par les Sœurs de la Providence, avec une marque
68
île commerce particulière, et un autre sirop avec une marque de commerce
différente.
Question. — Ces deux productions sont-elles un sirop ?
Réponse. — Je n'en sais rien, ne les ayant ni examinées, ni analysées.
Un sirop est une substance dans laquelle le sucre entre pour matière
principale et auquel on peut ajouter un ingrédient quelconque ; c'est de la
matière saccharinée chargée d'éléments médécinaux, à l'état de sirop.
Question. — Considérez- vous qu'il y a quelque chose dans le sirop des
Défenderesses, arrangé comme vous le voyez dans l'exhibit B des Deman-
deurs et dans l'exhibit numéro deux des Défenderesses, qui puisse induire
à croire que ce sirop des Défenderesses est fabriqué par monsieur Gray ?
Réponse. — Au contraire, puisqu'il est dit qu'il est fabriqué expressé-
ment par les Sœurs de la Providence.
Transquestionné.
Question. — Vous avez dit, je crois, docteur, que les mots " Sirop
d'Epinette Rouge " ou " Sirop d'Epinette," n'affectent pas la marque de
commerce, mais seulement le produit ?
Réponse. — Ces mots là comportent le nom du négoce, mais ne sont pas
la caractéristique du négociant.
Question. — Voulez-vous dire quels sont les motifs que vous ont induit
à dire à monsieur Dudevoir et à monsieur Gauthier que vous ne pouviez
pas leur donner leur marque de commerce ?
Réponse. — Les deux échantillons fournis par monsieur Dudevoir et
monsieur le docteur Gauthier avaient la forme caractéristique de la marque
de commerce de M. Gray : c'était un parallélogramme allongé et le nom
du produit était en tête, et au milieu, au lieu de la figure d'un sauvage, il y
avait une figure de femme sauvage, et le nom de monsieur Dudevoir et du
docteur Gauthier étaient placés au même endroit que celui de M. Gray,
dans sa marque de commerce ; les deux parallélogrammes de côté étaient
au même endroit et pouvaient être confondus avec la marque de commerce
de Mr. Gray, et c'est pour cela qu'on leur a refusé leur marque de commerce.
Question. — Citez, de votre lettre les raisons données à monsieur Dude-
voir pour lui refuser la marque de commerce qu'il sollicitait '.'
Réponse. — Cette lettre est en date du quinze Février mil huit cent
soixante-quinze et est ainsi conçue : "En réponse à votre lettre du treize
courant, relativement à votre " Sirop sauvage, composé de Gomme d'Epi-
nette Rouge," j'ai à vous informer que ces mots désignant le produit mis
en vente ne peuvent pas d'eux-mêmes constituer une marque de commerce,
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bien que ces mots, d'après la- pratique suivie, peuvent entrer comme détail
dans la confection d'une étiquette dont l'ensemble peut constituer une
marque de commerce ; l'étiquette transmise parait ressembler trop à celle
déjà en usage pour constituer, telle quelle, un privilège exclusif."
Question.— Maintenant, voulez-vous nous dire à quelle étiquette vous
faites allusion dans la dernière phrase de votre lettre ?
Réponse. — Je faisais allusion à la marque de commerce de M. Gray.
Question. — Voulez- vous nous dire maintenant si l'enveloppe qui se
trouve sur les boîtes enfermant les bouteilles des sœurs Défenderesse est
enregistrée ?
Réponse. — Oui, la marque de commerce est enregistrée.
Question. — Quelle est la partie qui est enregistrée ?
Réponse. — C'est la caractéristique de la marque de commerce des Sœurs
de la Providence, et constituée dans l'empreinte du sceau de la congrégation,
avec l'exergue : " Charitas Christi urget nos."
Question. — Vous avez dit, je crois, que vous n'aviez donné aucun avis
ni à Monsieur ni aux Demandeurs, de la demande faite par les Sœurs de la
Providence ?
Réponse. — Non, et on ne donne avis que lorsqu'il y a concurrence.
Question. — Dans la lettre que vous avez écrite en date du vingt trois
février au docteur Gauthier, qui paraît être presque la même que celle écrite
à M. Dudevoir, vous faisiez encore allusion, dans la dernière phrase de cette
lettre, à l'étiquette de Monsieur Gray, n'est-ce pas ?
Réponse. — Oui, monsieur, c'était à l'étiquette de Monsieur Gray que je
faisais allusion.
Question. — Dans ce temps là, n'est-ce pas, les sœurs n'avaient pas
encore transmis de demande ?
Réponse. — Il n'a été transmis de demande par personne, ni depuis non
plus; c'est là tout le dossier de mon bureau.
Question. — Comme médecin, vous avez dû étudier la chimie n'est-ce
pas?
Réponse — Je ne suis pas chimiste, mais j'ai étudié la chimie.
Question. — -La gomme d'épinette est-elle susceptible, par elle-même, de
faire un sirop ?
Réponse. — On ne peut pas extraire un sirop de la gomme d'épinette,
mais on peut faire un sirop qui contienne de la gomme d'épinette ; mais ce
n'est pas une opération chimique.
Question. — Un sirop peut-il devenir un terme générique, parce qu'il est
allié à une autre matière qui ne contient aucune matière saccarine ?
Réponse. — Si vous faites un sirop qui contienne une autre matière que
70
du sucre dilué, il faut que vous nommiez l'autre matière qui entre dans ce
sirop, car il n'y aurait pas moyen de le faire comprendre autrement.
Question. — Vous avez entendu dire qu'il y avait du sirop de canne et du
sirop de betterave, eh bien ! le mot syrop n'est-il pas là dans une acception
générique, lorsque vous dites du sirop de canne et du sirop de betterave ?
Réponse — Il l'est; de même il y a du sirop de sucre de betterave, de
sucre de canne, de sucre d'érable, et si on veut désigner, avec l'un de ces
sirops, une préparation quelconque, on peut nommer le sirop ou ne pas le
nommer. Le mot sirop veut dire une matière saccarine diluée, c'est-à-dire
à l'état liquide.
Question. — Il est bien entendu, n'est-ce pas, que c'est votre opinion
que la gomme d'épinette ne peut pas faire un sirop ?
Réponse.— Oui, à moins qu'on ne puisse extraire de la matière sacca-
rine de la gomme d'épinette, ce qui n'a pas encore été fait à ma connaissance.
Question. — Avez- vous souvenir d'un enregistrement qui avait été fait
par MM. Lyman & Clare de ce produit-ci: "Lyman' s Uni versai Pain
Killer?"
Réponse. — Oui, c'est une question qui a été portée au contentieux admi-
nistratif, en vertu de la clause sixième de l'acte des marques de commerce
de mil huit cent soixante et huit.
Question. — Cette marque de commerce n'a-t-elle pas été enregistrée par
MM. Lyman & Clare ?
Réponse.— Oui, et MM. Perry Davis et leurs successeurs ont demandé
l'enregistrement de la même marque de commerce, et le résultat a été ceci :
que la caractéristique de la marque de commerce étant les mots Pain Killer,
qui n'étant ni un nom générique, ni une désignation nécessaire, mais une
association singulière de mots, imaginée pour constituer une marque de com-
merce, constituaient en soi la marque de commerce.
Question. — Vous rnppelez-vous vers quel temps MM. Lyman & Clare
ont demandé leur marque de commerce ?
Réponse.— Je ne saurais le dire ; je ne puis me rappeler tout ce qui se
passe dans le bureau sans avoir recours aux documents.
Question. — Lorsque MM. Lyman & Clare ont enregistré cette marque
de commerce, vous connaissiez, n'est-ce pas, le remède de MM. Perry Davis?
Réponse. — Administrativement, je ne le connaissais pa s.
Question.— Et individuellement, le connaissiez-vous ?
Réponse. — Je ne m'en rappelle pas du tout; il est probable que j'aie
vu des affiches de cette préparation, mais je ne m'en suis jamais occupé.
Quand MM. Lyman & Clare ont fait la demande de leur marque de com-
merce pour leur Pain Killer, nous avons fait la recherche voulue dans nos
71
livres, et la leur avons accordé parce qu'il n'y avait rien de semblable d'en-
registré. A quelque temps de là, MM. Perry Davis étant venus nous
demander d'enregistrer la même marque de commerce, nous avons averti
MM. Lyman & Clare et M. Davis d'avoir à comparaître à tel jour, avec leurs
témoins, en vertu de la loi, pour déterminer lequel des deux était le véri-
table propriétaire de cette marque de commerce ?
Question. — Laquelle de ces deux marques de commerce est restée enre-
gistrée ?
Réponse. — Celle de M. Perry Davis ; la marque de MM. Lyman &
Clare a été radié, parce que celle de M. Perry Davis avait la propriété
d' usage.
Question. — D'après votre manière d'interpréter la loi, si quelqu'un se
présentait pour demander l'enregistrement d' une marque de commerce qui
ne serait pas encore dans vos registres, mais que vous connaîtriez person-
nellement comme étant d'un usage trôs-ôtendu, enregisteriez-vous cette
marque de commerce ?
Réponse. — Oui, sans broncher, et voici la clause de la loi qui ne vous
laisse pas d'alternative, c'est la clause première de l'acte de mil huit cent
soixante et huit.
Question. — Vous avez dit, je crois, que dans le cas des Sœurs de la
Providence, aussi bien que dans tous les cas de demandes de marques de
commerce, que les mots : '• Syrup of Red Spruce Gum" ou les mots Sirop de
Gomme d' Epinette, ne constituaient pas la marque de commerce ?
Réponse. — Non, c'est là le nom générique du produit, et on ne peut pas
le désigner autrement.
Question. — S'il en est ainsi, veuillez nous expliquer le certificat que
vous avez donné à M. Gray, et ce qui resterait de la marque de commerce
des Demandeurs, si ces mots étaient supprimés dans le certificat qui est ainsi
conçu: " This is to certify that this trade mark, which consists of the
" Syrup of Red Spruce Gum, has been registered in trade mark (register
"No. 3, folio 348).
Réponse. — Il resterait l'échantillon fourni par monsieur Gray de sa
marque de commerce, qui est la matière essentielle de l'enregistrement ; le
certificat mis au dos de la demande n'est qu'une manière de rattacher les
procédés de l'enregistrement avec la matière essentielle du dépôt, et ce cer-
tificat doit se lire, non pas séparément, mais conjointement avec la demande
et l'échantillon déposé.
Question. — Veuillez nous dire si l'étiquette dont vous parlez dans votre
dernière réponse, se trouve décrite soit dans la demande de M. Gray, soit
dans votre certificat, ou dans aucune partie de vos registres ?
• 72
Réponse. — L'étiquette elle-même est déposée dans nos registres, non-
seulement comme partie du dépôt, mais comme l'essence du dépôt, et autres
documents ne sont faits que pour rattacher les actes administratifs à cette
essence du dépôt. L'étiquette se trouve décrite, en somme, dans la demande
de monsieur Gray, dans les termes suivants : " The said trade mark con-
" sists of the words " Syrup of Red Spruce Gum," as printed and arranged
" on the accompanying wrapper," se rattachant à l'étiquette, telle quelle,
déposée dans nos archives.
Question. — Comment cette étiquette-là est-elle conservée dans vos
archives ?
Réponse. — Dans un livre, et elle se trouve collée à la demande.
Question. — Cette demande est-elle copiée dans un livre ?
Réponse. — Non, c'est un double fait par le Demandeur lui-même.
Question. — Il n'y a pas d'autres descriptions que celle que vous venez
de citer, nulle part ?
Réponse.-— Nulle part, si ce n'est l'étiquette elle-même.
Question. — Avez-vous eu connaissance d'un remède enregistré sous le
nom de " Balsam of wild Cherry ? "
Réponse.— Il est possible, mais je ne m'en rappelle pas.
Question.— Ces mots-là pourraient-ils faire partie d'une marque de
commerce ?
Réponse. — Pas comme caractéristique. Il n'y a pas une ligne bien
définie dans certains cas. Il se présente bien souvent des cas dans lesquels
il est difficile de dire si c'est un nom générique ou une association singulière
de mots. Je pense que ces mots : " Balsam of wild Cherry," ne peuvent
pas faire la caractéristique d'une marque de commerce.
Question.— Est-ce que les mots: "Gomme d'Epinette Sucrée" ne
voudraient pas dire à peu près la même chose que "Sirop de Gomme d'E-
pinette ? "
Réponse. — Oui, à peu près, mais ça ne dirait pas que c'est à l'état
liquide, tandis que le mot sirop dit que c'est à l'état liquide.
RÉ-EXAMINÉ.
Question.— Vous rappelez-vous qu'il n'y a pas une substanc qui est
enregistrée sous le nom <l Wistar's Balm Cherry ? "
Réponse. — Je ne voudrais pas dire dans mon témoignage si elle est
enregistrée ou non, sans référer à nos archives.
Question. — Verriez-vous une grande différence entre ces deux phrases-
oi : " Balsalm of wild Cherry," et u Wistar's Balsalm of wild Cherry °"
fa
Réponse. — Oui, car s'il y a le nom de Monsieur Wistar, ça fait toute M
différence du monde, car la caractéristique d'une marque de commercé ëë
rattache à la personne du vendeur.
Question. — Si j'ai bien compris la portée de la décision que vous venez
de citer dans l'affaire de MM. Lyman & Clare et Perry Davis, cette décision
signifiait que, dans un cas où le nom peut être la caractéristique de la mar-
que de commerce, ou l'essence de la marque de commerce, malgré que cette
marque de commerce ait été enregistrée, le propriétaire perdrait son enre-
gistrement dès qu'une autre personne requérait l'enregistrement du même
nom et prouverait priorité d'usage ?
Réponse. — Oui, et c'est le cas de M. Perry Davis et de MM. Lyman &
Clare. C'est l'application de la clause sixième de l'acte des marques de
commerce.
Et le déposant ne dit rien de plus. La présente déposition lui ayant
été lue, il a déclaré qu'elle contenait la vérité et y a persisté.
J. T. THOMPSON,
Sténographe.
Présent : Tue Honorable Mr. Justice Mackay.
On this ninth day of October, in the year of our Lord one thousand
eight hundred and seventy six, personally came and appeared HENRY
LYMAN, of the City of Montréal, chemist and druggist, aged sixty three
years, a witness produced on the part of the Défendant, who being duly
sworn deposeth and saith : I am not related, allied or of kin to, or in the
employ of any of the parties in this cause : I am not interested in the event
of this suit.
Question. — I think you are the senior member of the firra of Lymans,
Clare &Co?
Answer. — I am one of the firm. We are both contemporaneous so far
as the firm is concerned, but ray brother is older than I am and he is
therefore considered the senior.
Question.— Do you recollect having had some conversation or interview
with the Plaintiffs, about the syrup of the Défendant.
Answer. — Yes, I remember it.
Question. — Will you state what occurred.
Answer. — I had two interviews in fact. I went to Mr. Kerry and told
74
him tliat the sisters Uad corne to us and desired us to sell their remedy, and
from an examination ; or rather from the évidence they adduced to us, I
thought they were entitled to sell the remedy, and I told Mr. Kerry it was
our intention to sell it, if parties asked for it we should sell it, and as a
mat ter of neighborly kindness, I mentioned it to him, to let him know there
was nothing under hand so far as we were concerned. We never sell imi-
tations if we know, and such évidence produced to us convinced we that
they had a right, by priority and otherwise, to sell the remedy, the one
being distinct from the other. I told him I thought we should sell it, as a
matter of commission, as we sold other articles.
Question. — Then, you considered the remedy of the Défendants was no
immitation at ail ?
Answer. — I do not consider it any imitation; I consider it entirely
distinct and différent.
Question. — Did you receive any threatsfrom the Plaintiffs of a law suit ?
Answer. — Yes, Mr. Kerry told me he should sue us if we sold the
remedy, and that he should take his recourse against us, and advised us not
to sell it, and in fact, Ave received a letter from Messrs Abbott, Tait &
Watherspoon on the subject. A lawyer' s letter, in point of fact, commanding
us, under penalties, not to sell Syrup of Spruce Gum without indicating any
particular form. It did not mention the sisters at ail.
Question. — Did you understand, taking the letter in considération with
the conversation, that the letter aimed at the sister ?
Answer. — Oh yes, the Sisters of the Providence.
Question. — Did you think, at the time, that it was better for 3011 to,
either suspend or stop the sale, or deemish it, or did their threats make
any effect upon you.
Answer. — Well, no further than tliis : we did not think ourselves justi-
fied until the décision of the Court was obtained in pushing the sale, but if
parties asked for the remedy, of course if we had it we sold it.
Question. — Then, had it not been for those threats, you would hâve
pushed the syrup much more ?
Answer. — Most likely ; I could not give an idea of the quantity we
3old. That is a matter of détail I could not furnish, but I am of opinion that
we could hâve sold much more.
Question. — Will you look at those différent exhibits, that is the two
bottles of the Défendants' syrup and two of the Plaintiffs, and will you say
whether, you find some similarity between them ?
Answer. — I do not find any similarity at ail, except in the color of the
paper. There is no similarity in shape form or description ; and from mv
75
examination of thc two remédies, they are quite distinct and separate, one
is an emulsion and a syrup, and the other is a syrup, neither similar in
eolor, nor sliould I say is there any similarity in the composition.
Question, — Now. as to the disposition of the package, do you find some
similarity ?
Answer. — Not at ail ; any one seeing the one, could notpossibly mistake
it for the other.
Question.— Do you think that a druggist could take the one for the other ?
Answer.— A druggist could not ; a person might be induced to take one
for the other in this way : a man going into a shop might be induced ta take
jallap for calomel. A man might not hâve one, and recommend one thing
for another, but no druggist could certainly mistake it.
Question. — Well now, what would you think of a clerk, for instance,
you keep a large establishment, who, being asked for the PlaintifFs' syrup,
would give the other one ?
Answer. — I should say lie was entirely wrong ; it would show an excess
of zeal that would not be warranted.
Question. — Supposing that he would not hâve discreminated between
the two ?
Answer, — I could hardly immagine of druggist apprentice or assistant
not able to discreminate. I shoud be disposed to think he was not qualified
to be an assistant.
Question. — Do you find some thing on the Défendants' package or box,
something calculated or indicated so as to induce any body to believe that
the Défendants' syrup, is manufactured by Gray, or Kerry & Watson ?
Answer. — Nothing whatever to jndicate that it has any connexion
with Mr. Gray or the Plaintiffs in the case.
Question. — Do you find something to induce the public to believe that
this has some connection with Gray' s syrup.
Answer. — I should immeagine not.
Question. — Now, Mr. Lyman, référence was made to some conver-
sation, which, I do not know ifit was you personally or your brothcr, with
the Plaintiff, to the effect that either you or your brother hâve said that
they would not do any thing so mean as to sell an imitation ?
Answer. — I heard the testimony of Mr. Kerry, which applied to niy
brother Benjamin, and my brother told me that he had a conversation with
Mr. Kerry ; but he really knew nothing about the merits of the case.
Question.— If I understood you rightly, you saw them, and said you
had the évidence that the Défendants' syrup did not interfère with their'tf
at ail ?
76
Answer. — Certainly. My brother was quite right in saying we never
do anything so mean as to sell immitation of goods as genuine articles ; we
do not profcss to do anything so mean, and we never do anything of the
kind.
CROSS-EXAMINED,
Question. — You said you could not say what quantity you had sold,
much or not ?
Answer. — No, that is a niatter which partner, Mr. Manson wouldknow
better than myself, it cornes more within his province. I could not under-
take to say definitely about the quantity sold.
Question. — Hâve you the agency of that syrup in Montréal ?
Answer. — We sell it.
Question. — But is there any other druggist who lias the agency?
Answer. — I am not aware of any other druggist, but we do not know
what other druggist may do, so far as I know, we hâve no exclusive agency.
Question. — Do you know if the smaller druggists, retail druggists hâve
to go to you to get either a gross or two ?
Answer. — They might corne to us, or go to the sisters, I am not aware
of any exclusive agency in that respect.
Question. — The Nuns, the Défendants in the case, are large customers
of yours ?
Answers. — Yes, and we supply the con vents with medicines and other
things.
Question. — It is worth several hundred dollars a year ?
Answer. — Probably, we supply ail the con vents more or less.
Question. — You gave up the registration of Lyman's uni versai Pain
Killer?
Answer.— We did not carry it on. We did not suppose that we in-
fringed Perry Davis' s trade mark, or their proprietory rights in as much
as we indicated it with Lyman' s Pain Killer, and not Perry Davis' s Pain
Killer; we did not in tend to sell under false colors. When the Minister
of Agriculture or the Deputy Minister of Agriculture decided that it was
an infringement, of course, we did not go on with it, though we did not
contest it in any way any more than appearing before the Minister.
Question. — And you ceased advertising the remedy ?
Answer. — Yes.
Question. — You hâve been long in business as a chemist and druggist '.'
Answer. — Yes.
Question. — If I remember well, you stated in your conversation with
77
Mr. Kerry, you told hini that it was your opinion that the Nuns could sell
their syrup without infringing their rights ?
Answer. — Yes.
Question. — Well, would you state what reasons y ou hâve to corne to
that conclusion ?
Answer. — There were several reasons. The first was the factthat they
had been making this syrup, they informed me, something like twenty
years if I remembers right, and certainly the appearance of the remedy,
the narae, form and label, and the remedy itself seemed to be différent
from the one prepared by Messrs Kerry, Watson & Co. That was the
reason ; those are the reasons.
Question. — You said that they had informed you that they had been
making that syrup under that naine for twenty years. I understood you to
say so?
Answer. — I think my recollection may be détective in that espect, but
so far as I can remember, it appeared to me something about that period of
time.
Question. — Personally, hâve you ever heard of their making such a
syrup until they told you ?
Answer. — No. It had not corne under my personal observation.
Question. — When was this that they entered into négociations with
you, to place their syrup in your store ?
Answer. — I could not identefy the time without référence to letter
books, &c, but I should say it must be eighteen months or two years ago.
Question. — At the time they spoke to you about this syrup, you had,
for a good many years, seen in the newspapers, the advertisement of Mr.
Gray's syrup.
Answer. — I could not say when I first saw those notices ; it might hâve
been before that time and think very likely it was. I am not sure, because
I did not take any particular interest in the matter.
Question. — You never sold any of Mr. Gray's syrup ?
Answer. — I cannot say thatwe did not; I imagine that we sell every-
thing, and imagine that we sell whatever is enquired. If it had been
enquired for, it is very likely we should hâve sold it.
Question. — You do not rerueuiber having bought Gray's syruy by nine
or ten gross at the time ?
Answer. — I could not say positively, but I think Mr. Manson, my
partner, would be likely to tell you when we began to sell it.
I do not know that I ever saw a little pamphlet issued by Mr. Gray
78
Question. — You do not find any resemblance between the name given
to Gray's syrup, and that of the Nuns?
Answer. — The only resemblance in it is, that spruce guni appears in
the one case, and epinette rouge in the other, which I should translate to
be similar. That is the only resemblance that I discover, Certainly the
taste is very différent and the appearance of the remedy itself. I hâve
tasted both, they are both very good I should think.
Question. — The other is both a syrup and an emulsion or what might
be stated more correctly ?
Answer. — Yes, it is both a syrup and an emulsion. There is no ques-
tion about it. I shoud say Mr. Gray' s syrup is more simply a syrup, it does
not pressnt the characteristics of an emulsion, it is sweet. An emulsion is
a: If I were under examination for qualification as a pharmasist, I
should say : An emulsion is a substance which is more missable in water, an
oligeanous or rosinous matter missable in water by means of sugar or some
other ingrédient.
Question. — You know spruce gum, you hâve seen some spruce gum ?
Answer. — Well, I think so, I think I hâve.
Question. — Do you think that syrup can be extractcd out of spruce gum ?
Answer. — I could make syrup with spruce gum alone, but not without
sugar, I could not make any syrup without sugar.
Question. — But is there sugar in spruce gum.
Answer. — No. There is no sugar in spruce gum' that 1 am aware of. I
hâve ne ver analized spruce gum, but I should say there was no spruce gum
in it. I do not prétend to hâve analized it chemically. You find sugar in
everything almost, if you developit, but never heard of any being in spruce
gum. You might find it old shoes.
Question. — You could not say syrup of spruce gum in the sence in
which you would say cane syrup, maple syrup, or beet syrup ?
Answer. — No, it would require a chemist. A chemist would under-
stand that it was a compound of sugar with the spruce gum made missible ;
in the way, a chemist would undersand how to do it.
Question. — But you could not make a syrup of spruce gum without
sugar and some other process.
Answer. — Syrup of spruce gum is an ordinary produce, while sugar of
beet and maple is produced by chemical means.
Question. — You do not require chemical means to make a syrup of cane
or beet, except the distillation of water?
Answer. — Well there are certain processes to be gone through. On"
is called sample syrup.
79
Question. — Which of thèse has been first introduced to the trade?
Answer. — Ob', tbat I cannot tell you. I cannot say.
Question. — It is not to your personal knowledge ?
Answer. — No; I cannot say which bas been previously.
Question. — Or the first put on the market ?
Answer. — I cannot say tbat. I think it might perhaps be tbat 1 nia y
bave take a notice or been aware of the sale and préparation of Mr. Gray's
reinedy before the other.
Question. — The other, you had never heard of until the Nuns came to
you to offer you the agency ?
Answer. — I do not remember seeing it advertised before Mr. Gray's
Syrup was advertised. I am not aware of it. I would not say tbat it was
not, but I am not aware of it.
Question. — You said tbat you sold to the Nuns the drugs tbat they
generally required in their establishment and also bottles, and every thing
they require : Were those bottles furnished by you ?
Answer. — Possibly. We sell glass, it is very likely, I really do not
know, it is very likely.
RE-EXÀMINED.
Question. — You said tbat cain or maple sugar would bear the name of
syrup more correctly than that syrup of spruce gum.
Answer. — It would be a more legitimate name. As soon as I heard
the word compound in any event, if it was compound or not compound, I
should understand it as a chemist to be compound. The word compound I
find as the proper expression to be indicated as a produce, and I should
understand it a pharmaceutical prescription.
Question. — If the base of that syrup is sugar and gum, and some other
matters, would you understand it as a compound syrup ?
Answer. — Yes.
Question. — So that it is properly called compound sprup of spruce gum ?
Answer. — Yes.
RE-CROSS-EXAMINEP.
Question. — Is it necessary to use the word compound to indicate that
it is a compound.
Answer. — It would indicate it in the language of the learned in phar-
maceutical matters ; it would indicate the effect of it being a composition.
sa
Ànd further déponent saith not> and this his déposition having been
read to bim to déclare the same to contain the truth.
' J. W. BUCKLEY,
StenogmpJier.
Présent : L'Hox. Juge Mackay.
L'an mil huit cent soixante et seize, le neuvième jour d'octobre, est
comparue Sœur JOSEPHINE COURSOLLES, déjà examinée, témoin pro-
duit par les Défenderesses, laquelle, après serment prêté, dépose et dit : —
Je ne suis point intéressé dans l'événement de ce procès ; je ne suis ni pa-
rent, ni allié, ni au service d'aucune des parties en cette cause.
Question. — Avez-vous constaté à quelle date avait été imprimée l'éti-
quette marquée P produite à l'enquête du sept octobre courant ?
Réponse. — C'est moi qui l'ai fait imprimer, et c'est en mil huit cent
soixante et dix qu'elle a été ainsi imprimée.
Question. — Quelle est l'allocation que la maison-mère de la Providence
reçoit annuellement du gouvernement ?
Réponse. — J'ai déjà dit que la maison-mère recevait du gouvernement
une somme de onze cent vingt piastres. Quelques-unes de nos maisons à la
campagne reçoivent, du gouvernement, une somme de deux cents piastres
par année chacune ; l'asile des sourdes- muettes reçoit une somme plus con-
sidérable, d'après ce que l'on m'a dit, mais je ne puis préciser le montant de
cette somme.
Question. — -Avez-vous fait des recherches à l' Hôtel-Dieu pour constater
quelle était la recette que votre communauté en avait reçue en mil huit
cent soihante et trois ?
Réponse. — Oui, je suis allée à l' Hôtel-Dieu avec l' Ange-Gardien, et la
Soeur Mailloux, de l'Hôtel-Dieu, m'a donné cette recette qu'elle avait copiée
dans un cahier ; elle m'a donné le cahier dans lequel la recette était écrite.
Nous avons encore ce cahier-là, je l'ai même ici en Cour, mais je ne puis
montrer la recette. J'ai comparé cette recette avec celle que nous avions
avant cela, et j'ai constaté qu'elle était, en tous points, semblable à celle dont
nous nous servons aujourd'hui pour la fabrication de notre sirop.
Question. — Voulez-vous nous dire si quelqu' un vous a sollicité de pren-
dre une marque de commerce, et même d'acheter votre recette ?
Question. — On me l'a dit, mais ce n'est pas à moi qu'on Ta demandé ;
81
j'étais absente dans le temps, maison m'avait déjà demandé de prendre
une marque de commerce.
Question. — Yous avez dit que vous aviez fait, l'année dernière, quarante-
deux mille huit cent cinquante-cinq visites chez les pauvres, et qu'en outre
vous les aviez aidés par des quêtes, pouvez-vous nous donner la moyenne
de ce que vous avez ainsi recueilli dans chacune de vos quêtes ainsi faites
pour les pauvres ?
Réponse. — Il me serait impossible de le dire.
Question. — Vous rappelez-vous depuis quand votre sirop porte le nom
de " Sirop de Gomme d'Epinette Composée " ?
Réponse. — Je considère que le mot " composé" a toujours fait partie
du nom de notre sirop, parcequ'il a toujours été composé, mais l'étiquette
P a été imprimée en mil huit cent soixante-et-dix. Je suis presque certaine
qu'il y a eu des étiquettes d'imprimées avant cette époque-là, mais je n'en
ai pas trouvé.
Question. — Il y a longtemps, n'est-ce pas, que vous êtes à la tête de la
pharmacie de la maison mère ?
Réponse. — Il y a treize ans que je suis à la tête de la pharmacie.
Question. — Aviez-voiis des étiquettes imprimées pour votre sirop ?
Réponse. — Dans ce temps- là nous n'avions pas d'étiquettes imprimées;
nous écrivons le nom de sirop sur la bouteille même ; mais j'en ai fait impri-
mer depuis.
Question. — Ebt-ce à la suggestion de monsieur Devins que vous avez-
adopté ces mots : " Sirop de Gomme d'Epinette Composé " ?
Réponse. — Assurément non ; le sirop porte ce nom-là certainement
depuis mil huit cent soixante-et-dix.
Question. — Maintenant, lorsqu'il a été question du choix du papier,
monsieur Devins vous a-t-il mentionné que le choix de la couleur bleue
serait une infraction aux droits de Mr. Gray ?
Réponse. — Je crois avoir répondu à cette question, et je déclare positi-
vement qu'on ne m'a jamais conseillé, ou mentionné, ou fait remarquer
d'une manière positive, qu'on pouvait enfreindre la marque de commerce
de monsieur Gray ; il n'est jamais entré dans ma pensée d'enfreindre cette
marque de commerce.
Question. — Vous rappelez-vous quelque circonstance qui se serait passée
chez monsieur Devins au sujet du choix du papier ?
Réponse. — Je me rappelle très-bien que nous l'avons consulté plusieurs
fois pour savoir quelle qualité et quelle couleur de papier nous devions
adopter, et qu'il nous a même envoyé plusieurs échantillons de papier.
Question. — Y a-t-il eu un achat de quelque chose chez monsieur Devins,
lequel achat vous a décidé à prendre le papier bleu ?
Réponse. — Nous avions choisi la cire bleue pour nos bouteilles, parce
qu'elle était à bon marché ; et alors M. Devins ou M. Bolton, je ne me rap-
pelle plus lequel des deux, nous a dit qu'il avait de la cire bleue à très-grand
marché, et ayant déjà la cire bleue, nous préférions avoir le papier bleu.
En arrivant à la maison-mère, la sœur Virginie m'a fait remarquer qu'elle
préférait une autre couleur que la couleur bleue, et je lui ai dit que la cire
étant bleue, ça convenait mieux de mettre un papier bleu.
Question.— -Avez- vous fait un achat considérable de cire, chez M.
Devins à cette occasion-là.
Réponse. — Je ne me rappelle pas quelle quantité, nous en avons acheté
plusieurs livres ; de fait tant qu'il en a eu nous l'avons acheté de lui.
Question. — Voulez- vous nous dire comment la chose s'est passée, quand
Monsieur Devins vous a remis l'agence de votre sirop ?
Réponse. — Au meilleur de ma connaissance, après avoir accepté cette
agence, il a d'abord paru très-content de l'avoir acceptée, et s'est donné bien
de la peine pour nous aider et nous renseigner ; mais après avoir été menacé
par Messieurs Kerry, Watson & Cie., il a craint de pousser la vente du
remède, et m'a demandé une lettre de la communauté, le garantissant
contre tous les frais d'une poursuite, car je lui avais dit que nous nous
chargions de tous les frais de pareilles poursuites et que, même, nous le
préférions. Il nous a demandé une lettre de la Supérieure Générale, à
l'effet que nous paierions tous les frais dans un pareil cas. Je n'en ai pas
parlé à notre mère, pour ne pas la troubler. Je ne sais pas si c' est Monsieur
Devins, ou notre avocat ou moi qui a demandé si une lettre de notre avocat,
à l' effet de nous charger de tous les frais encourus dans un procès, ne suffi-
rait pas; mais toujours est-il que Monsieur Devins a accepté une pareille
lettre, et là-dessus je suis allé chez M. Dorion, notre avocat, lequel m' a dit :
" Nous allons lui écrire de suite." Je suis retrouvé chez M. Devins le len-
demain, et il m'a dit qu'il n'avait pas reçu telle lettre et qu'il refusait
l'agence. Voyant cela, je suis retournée chez Monsieur Dorion et lui ai
demandé s'il avait envoyé la lettre ; Il m'a répondu qu'il l'avait envoyée.
Question.— -Quand Monsieur Devins a exprimé des craintes, et qu'il ne
pouvait pas pousser la vente de votre sirop, que lui avez-vous dit ?
Réponse. — Je lui ai dit que nous lui donnions notre pratique et qu'il
était juste qu'il nous aide ; qu'il pouvait faire cela pour nous, vu que nous
lui donnions toute notre pratique, et que, si nous prenions un autre agent,
nous lui donnerions notre pratique ; et effectivement c'est ce que nous avons
fait,
83
Transquestionnée.
Question. — Vous dites que vous avez ici le cahier contenant la recette
de votre sirop ; voudriez- vous nous mettre en possession de ce cahier ;
voudriez- vous consulter l'endroit ou se trouve inscrite cette recette, et nous
donner le titre que porte cette recette ?
Réponse. — Elle porte le titre de Sirop de Gomme d'Epinette seule-
ment, mais la recette est semblable à celle que nous avions déjà.
Question. — Quand a été écrit ce cahier ?
Réponse. — La sœur Mailloux ne m'a pas dit en quelle année il a été
écrit. C'est le cahier de l' Hôtel-Dieu, Nous n'avons, nous, pas de recette
écrite sur un papier.
Question. — Vous ignorez dans quelle année il a été écrit, ce cahier?
Réponse. — Elle m'a dit que c'était un vieux cahier, et il ne porte pas
de date.
Question. --Vous avez parlé de vos maisons qui recevaient un aide
pécuniaire du gouvernement ; vos maisons portent-elles toutes le nom de
Providence ?
Réponse. — Elles portent toutes le nom de maison de la Providence, à
ma connaissance. Nous avons une maison au Coteau du Lac qui reçoit an»
nuellement deux cents piastres du gouvernement ; et une pareille allocation
est aussi accordée par le gouvernement à nos maisons, situées dans les
localités ci- dessous ; Mascouehe, St. Vincent de Paul, Joliette, Laprairie,
Ste. Elizabeth, L'Assomption, Ste. Ursule, Yainachiche et Lanoraie.
Question. — Vous avez cherché, n'est-ce pas, pour voir si vous ne trouve-
riez pas une étiquette imprimée antérieurement à mil huit cent soixante-dix.
Réponse. — Oui, mais je n'en ai pas trouvé,
Question. — En avez- vous trouvé sur d'anciennes bouteilles ?
Réponse. — Je n'en ai pas trouvé non plus.
Question. — Qu'est-ce qui vous porte à fixer l'année mil huit cent
soixante-dix, pour ses étiquettes, plutôt qu'une autre année ?
Réponse. — Parce que j'en suis certaine ; c'est moi qui y ai travaillé
avec une autre sœur.
Question. — Qu'est-ce qui vous porte à vous rappeler cela ?
Réponse. — D'abord, parce qu'il n' y a pas bien longtemps ; ensuite, parce
que j'ai consulté la sœur qui a travaillé avec moi, et aussi parce que je m'en
rappelle. Ce n'est pas difficile de m'en rappeler, à cause des ouvrages que
nous avions à faire dans le temps à l'imprimerie et à la pharmacie. J'ai
trouvé des marques anciennes, non sur du papier, mais sur des morceaux
84
de ferblanc, peintures en vert, d'abord et ensuite en jaune, et écrites à la
main en mil huit cent soixante-quatre et mil huit cent soixante-cinq.
Et la déposante ne dit rien de plus. La présente déposition lui ayant
été lue, elle a déclaré qu'elle contenait la vérité et y a persisté.
J. T. THOMPSON,
Sténograplœ,
Présent : The Honorable Mr. Justice Mackay.
On this ninth day of October, in the year of Our Lord one thousand
eight hundred and seventy-six, personally came and appeared ALEXAN-
DER MANSON, chemist and druggist, aged forty-nine years, a witness
produced on the part of the Défendants, who being duly sworn deposeth
and saith : — I am a member of the firm of Lymans, Clare & Co.
Question.— Do you recollect that some threats were made to'your house
to prevent you from selling Défendants' Syrup ?
Answer. — We received a letter from a law firm in the city, Messrs.
Abbott, Tait & Watherspoon. on behalf of Messrs. Kerry, Watson & Co.,
Plaintiffs in this case, ordering us to desist from selling the Syrup of
Spruce Gum.
Question. — What has beenthe effectof that letter ? Has it, in any way,
changea your action in this matter ?
Answer. — We hâve hesitated to push the sale of it. We do not push
it in the same way as if we had not received thèse threats.
Question. — Hâve you any idea of the différence in the sales ?
Answer. — No ; I could not say positively.
Question. — If you had pushed the matter, would you hâve sold much ?
Answer. — I believe we could hâve sold more of it, if we had pushed it.
I cannot give an approximate idea of the différence. It woult be difficult
for me to put an estimate upon it. I would not like to hazard an opinion,
because it had only been a short time before the public, and our sales had
not been previously large, because, it was only being introduced when we
receive this letter.
Question. — Do you think it is possible for a clerk, in a drug store, if not
inexperienced, to take one for the other ?
Answer. — I do not think so. Any one that had been accustomed tu
handle them woujd never think of taking one for the other.
85
Question. — Do you see anytliing in the Défendant' s bottle, written or
cxposed in such a way, as to induce any one to believe that the Défendants'
syrup is fabricated by Mr. Gray or by Plaintiffs?
Answer — No, nothing whatever.
Question. — In the description, do you see anytliing similar ?
Answer. — Nothing further than I see the two words that are similar
" Gomme d'Epinette," and " Sirop de Gomme d'Epinette." The other
h as the word " Rouge " attached to it.
I know a little chemistry.
Question. — Do you consider défendants' préparation a syrup ?
Answer. — Tes, I believe it is a syrup. Of course there are a great
variety of syrups.
CROSS-EXAM1NED.
Question. — When did you hear for the first time of Gray's Syrup ?
Answer. — I could not state positively, but it was several years ago.
I heard for the first time of Défendants' syrup, probably, about eighteen
months or two years ago, within two years I think, about the time they
offered us the agency.
Question. — A Syrup of Spruce Gum mentioned on thèse two labels,
having been advertised for several years, is it not your opinion that the
Défendants would profit from thèse advertisements to sell their own
produce ?
Answer. — That would be difficult for me to say. I présume if one had
been long advertised, and another of the same kind came into the market,
the latter would profit.
Question. — A syrup for coughs would express everything, I suppose,
that Syrup of Spruce Gum conveys ?
Answer. — That is a difficult question to answer. It dépend upon what
the syrup may be used for.
Question. — Do you think that any syrup would be esteemed more
valuable by a person who was told that it was made with spruce gum rather
than with anytliing else ?
Answer. — No, I do not think it^vould. Of course, there are a great
many remédies for coughs, and this may be one of them. People care but
little how médecine is made provided it cures.
Question. — Please state your opinion to the Court; is there any
othcr advantage to be derived by the Défendants, stating that their syrup
is made of spruce gum, except profiting from plaintiffs' advertisements ?
86
Answer. — I could not say whether there was an advantage or not.
Question. — Could you imagine any other ?
Answer. — It would dépend altogether upon whether they had been
using the other préparation before, or whether it hacl been before the public
on their part.
Question. — Is there any imaginable advantage to be derived by the
Nuns, from the use of the words " Syrup of SpruceGum," except profiting
from the advertisements of Mr. Gray ?
Answer. — That is a matter for the Nuns themselves to décide. I do
not imagine any other. I do not know any other. I do not give it as au
opinion, because I do not know.
Question. — Are you not of opinion, as stated hère by Dr. Picault, that
when any druggist advertises largely, as Mr. Campbell lias done for Quinine
Wine, any other druggist selling another Quinine Wine, would profit from
the advertisements of Mr. Campbell ?
Answer. — I présume so, to a certain extent.
Question. — On a parity of reasoning, is it not your opinion that, the
Syrup of Spruce Gum having been advertised for many years, it would
benefit a similar syrup made with some other matter and thrown on the
market ?
Answer. — Yes, I dare say it would to a certain extent.
Question. — Had you, yourself, any conversation with the Nuns when
the agency was offered to your firm ?
Answer. — Not at first. It was not arranged through me, but through
Mr. Henry Lyman.
Question. — Did your partner, Mr. Henry Lyman, tell you whatadvan-
tages it would bring your firm in having that agency, such as selling to the
Nuns' Establishment ail the drugs that they would require ?
Answer. — Not at ail, because they were customers of ours, many yeara
before that, and we were not the first agents of it either.
Question. — Were you not aware, when they offered their agency to De-
vins & Bol ton, that they had the entire custom of the Nuns ?
Answer. — I am sure that they had not. They had been customers of
ours, for a number of years, to my personal knowledge. I could not say
what their custom amounts to ; but they are frequently in our place and
hâve been for many years. Most communities of Nuns in the city are cus-
tomers of ours. I believe we furnished the Nuns with the bottles exhibited,
or that we ordered them for them. We make a profit of course on ail the
goods we sell.
Question. — You say, you would hâve pushed the Nuns' Syrup more
8?
actively if you had not been threatened; what are your ways ofpushingan
article ?
Answer. — Through our agents. We hâve travellers going over the
country ail the time. "We hâve three travellers out at the présent time>
some in Nova Scotia, and Ontario and New Brunswick. Of course every
thing we expected them to be able to sell, we should ask them to push.
Question. — If any one asked you for the syrup of spruce gum, you would
naturally offer the one for which you had the agency, since you dérive an
advantage from it ?
Answer. — There being two in the market, we should ask them which
kind they wanted. I can say that positively. I would ask them if they
wanted Gray' s or the Nuns' . Our travellers carry with them samples of
the medicines we wish to push.
Question. — In this case, did you abstain from giving them samples of
the Nuns' s Syrup ?
Answer. — I do net think they ever carried samples with them. It was
only a little before that time that we introduced it into the market. Re-
ceiving thèse notices from Messrs. Kerry, Watson & Co. , we did not push
the sale.
ItE-EXAMINED.
Question. — Is it not a fact that the Sisters' Syrup would help to popu*
larize that of Mr. Gray, as well as Mr. Gray' s Syrup who popularize that
of the Sisters, for those who ask for Syrup of Spruce Gum without caring
much which they get ?
Answer. — That is rather a difficult question to answer.
Question. — We are told that Mr. Gray' s advertisements, having popit-
larized the Syrup of Spruce Gum, this would be to the advantage of the
Sisters. On the other hand, the Sisters being very popular with the public,
is it not true that the fact of their selling a Syrup of Spruce Gum would
help the sales of Mr. Gray' s Syrup ? And if a druggist gives a person Gray's
Syrup, when the Sisters' is asked for, don't you consider that the popularity
of the Sisters' Syrup is just as much an advantage to Mr. Gray, as Mr.
Gray's advertisements are an advantage to the Sisters ?
Answer. — -It would be, if they were advertising their syrup or bringing
it before the public. It bould be, I suppose, if they were advertising their
syrup in the same way.
And further déponent saith not, and this déposition having been read
to him, he déclares it to co contain the truth.
S. A. ABBOTT,
Stenographer.
88
Présent : L' Hon. Juge Mackay.
L'an mil huit cent soixante-et-treize, le neuvième jour d'Octobre, est
comparu SÉRAPHIN GAUTHIER, médecin, de la Cité et du District de
Montréal, âgé de quarante-quatre ans, témoin produit par les Défenderesses,
lequel, après serment prêté, dépose et dit : — Je ne suis point intéressé dans
l'événement de ce procès: je ne suis ni parent, ni allié, ni au service d'au-
cune des parties cette cause. Je suis médecin pharmacien, je tiens une
pharmacie à Montréal, sur la rue St. Laurent. Je suis pharmacien depuis
l'année mil huit cent soixante-et-dix.
Question. — Y a-t-il longtemps que vous connaissez le Sirop de Gomme
d' Epinette des Sœurs de la Providence ?
Réponse. — Il y a longtemps que j'en entends parler ; je n'en ai jamais
vendu dans ma pharmacie, mais il y a longtemps que je le connais.
Question. — Depuis combien de temps à-peu-près ?
Réponse. — Je sais que les Sœurs de la Providence le donnent aux
pauvres depuis une quinzaine d'années.
Question. — En donnaient-elles en assez grande quantité ?
Réponse. — A tous ceux qui se présentaient chez elles pour en avoir.
Ce remède est plus connu depuis quelques années, qu'il ne l'était aupara-
vant; c'était un remède populaire connu de tous les canadiens- français.
Question. — Avez-vous eu occasion vous-même de faire du sirop de
gomme d' epinette ?
Réponse.— J'en ai fait depuis quelques années et j'en fais encore
actuellement.
Question. — Je comprends que vous en faites régulièrement pour les
besoins de votre commerce n'est-ce pas ?
Réponse. — Oui, pour ma pharmacie et pour mes pratiques.
Question. — Avant de tenir pharmacie, vous est-il arrivé de prescrire le
Sirop de Gomme d'Epinette ?
Réponse. — Je n'avais qu'à laisser faire les gens, car ils me demandaient
si la gomme d' epinette était bonne dissoute dans l'alcohol, et nous leur
disions que oui, tout en leur conseillant d'y mettre un peu de sirop, pour
diminuer la force de l'alcohol.
Question. — Voulez-vous examiner les deux bouteilles que voici, dont
l'une contient du sirop des Demandeurs en cette cause, Messieurs Kerry,
Watson et Cie. et l'autre du sirop des Sœurs de la Providence, et nous dire
si vous trouvez quelque similitude soit dans les bouteilles, le sirop ou
l'enveloppe ?
Réponse. — Je n'en trouve aucune ni dans l'enveloppe, ni dans la cou-
89
leur du sirop, ni dans les mots. La couleur du sirop n'est pas la inéttW, ni
la couleur de l'étiquette, ni la forme de la bouteille. Il n'y à pàâ la
moindre similitude entre ces deux bouteilles pour tromper qui que ce soit ;
il n'y aurait qu' un aveugle qui pourrait s' y tromper.
Question — Croyez- vous qu'il soit possible qu'un pharmacien ou un
commis de pharmacie, ou un expert en matières pharmaceutique, puisse
se tromper au point de donner l' une de ces bouteilles pour l' autre ?
Réponse. — Un commis ne pourrait pas s'y tromper; il n'y aurait qu'un
aveugle qui pourrait s'y tromper, et encore faudrait-il qu'il n'eut pas eu
l'occasion de palper les deux bouteilles.
Question. — Pouvez- vous trouver quelque chose, soit dans les inscrip-
tions, ou la marque ou les dispositions de la bouteille, qui puisse induire le
public à croire que ce sirop est fabriqué par Messieurs Kerry, "Watson & Cie ?
Réponse. — Je ne vois pas que la chose soit possible ?
Question. — Vous avez eu un procès, je crois, avec les Demandeurs en la
présente cause ?
Réponse. — Oui j'ai été poursuivi par les Demandeurs.
Question. — Vous rappelez-vous ce que les Demandeurs réclamaient
comme formant leur marque de commerce ?
Réponse. — Ils prétendaient que les mots sirop de gomme d'épinette
rouge était leur marque de commerce, et je trouve que c'était ridicule.
Question. — Vous rappelez-vous qu'il était allégué que vous aviez imité
un sauvage qui se trouvait sur leur étiquette ?
Réponse. — Il y avait quelque ressemblance, mais ce n'était pas la même
chose du tout. J'avais eu le soin de ne pas prendre la même couleur de
papier. La figure n'était pas la même, quoique au premier abord il put y
avoir quelque ressemblance. Leur prétention était que j'avais pris le titre
de Sirop de Gomme d'Epinette, et moi je prétendais que j'en avais le
droit; mais si je mets mon nom à une composition, je prétends que per-
sonne ne peut prendre mon nom pour le sien.
Transquestionné.
Question. — Sur cette poursuite n'est-il pas émané un ordre de la Cour
vous enjoignant de discontinuer ?
Réponse. — L'ordre m'ordonnait d'arrêter de vendre le Sirop de
Gomme d'Epinette Rouge, et ils n'ont pas été plus loin ; mais il ne m'a
jamais été servi un ordre. Il a été rendu un tel ordre par un juge, mais je
ne l'ai jamais reçu. Après cela j'ai manufacturé, sous un autre titre, le
Sirop de Gomme d'Epinette Rouge ; je l'ai appelé le sirop sauvage du Cana-
tla, lequel sirop est composé de gomme d'épinette. Dans mes circulaires, ce
sirop porte le titre de " Sirop Sauvage du Canada, composé de gomme
d'épinette."
Questions posées par les Défenderesses.
Question. — Quelle était la nature de votre application pour l'obtention
d' une marque de commerce ?
Réponse — J'ai fait application pour une marque de commerce pour le
" Sirop de Gomme d'Epinette Rouge," et on me l'a refusée en me donnant
pour raison que l'effigie de ma marque de commerce ressemblait trop à celle
de monsieur Gray, mais on n'a pas soufflé mot des mots que portaient mon
étiquette ; on a seulement dit que les deux effigies se ressemblaient trop.
C'est là la réponse que m'a faite monsieur Taché.
Question. — Voulez-vous nous dire si la lettre que monsieur Taché
adressait au docteur Séraphin Gauthier, à la date du vingt-trois Février mil
huit cent soixante-et-quinze, contient la réponse dont vous venez de parler ?
Réponse. — Elle est identique à celle que j'ai reçue.
Question.—- Vous n'avez pas, sur vous, une étiquette du sirop que vous
vendiez autrefois ?
Réponse. — Je n'en ai pas ici, mais je pourrais m'en procurer. J'ai
fait faire trois étiquettes différentes; maintenant il peut se faire que j'aie
dépensé les premières, et je ne puis vous garantir que j'en ai j celles que
j'ai dans le moment sont toutes postérieures à celle qui concerne M. Taché.
Question. — Quand avez- vous, pour la première fois, entendu parler du
sirop de monsieur Gray ?
Réponse. — En mil huit cent soixante-et-dix, quand j'ai commencé à
tenir pharmacie ; avant cela je n'en avais pas entendu parler. On ne pres-
crivait pas ce sirop. Je ne me rappelle pas l'avoir vu annoncé.
Question. — Vous avez dit que vous avez entendu parler du sirop que
les Sœurs de la Providence donnaient, est-ce qu'on appelait ce sirop-là du
sirop blanc ?
Réponse. — Ce sirop était connu sous le nom de Sirop de Gomme
d' Epinette.
Question. — En aviez- vous jamais vu avant qu'il fût mis sur le marché ?
Réponse. — Oui, j'en avais vu dans les familles où j'allais comme
médecin.
Et le déposant ne dit rien de plus. La présente déposition lui ayant
été lue, il a déclaré qu'elle contenait la vérité et y a persisté.
J. T. THOMPSON,
Sténographe.
91
Présent : Tue Honorable Mr. Justice Mackay.
On this ninth day of Ôctober, in the y car of Our Lord one thousand
eight hundred and sevonty-six, personally came and appearcd HECTOR
PELLETIER, of the city of Montréal, doctor of medicine, aged fifty-four
ycars, a witness produced on the part of the Défendant, who being duly
iworn deposeth and saith :— I am not related, alied or of kin to, or in the
omploy of any of the parties in this cause ; I am not interestcd in the cvent
of this suit,
Question. — Well, Dr., you know the parties in this cause.
Answer.— Yes, both parties.
Question. — Do you know the Compound Syrup of Sprucc Gum of the
Sisters of the Providence.
Answer. — Yes.
Question.— Will you tell the Court for bow long you hâve known that
Syrup ?
Answer. — Over twenty years, Your Honôr, fully that.
Question. — Did you inake use of it ?
Answer.— I ordered it ; I prescribed it ; I ne ver had it at home. At
that time, it was mostly given to the poor, and it was parties that were
poor that came to the house, and I very often ordered them this syrup.
Question.— So that you are sure you bave prescribed that syrup for
many years, and not less than twenty years ?
Answer. — Oh ! not less than twenty years surely. It was generally
spread and known throughout the french population, particularly the poor,
because otber could buy it from the druggists in other form.
Question. — Will you look at thèse two packages, Doctor, and say
whether you find any similarity between the PlaintifFs' and the Défendants'
Syrup ?
Answer. — No, I do not, but as regards the envelope. There is no
similarity whatever, but again if we look at the contents of the bottle ; the
color and the préparation, as it is, shews that it is quite différent ; not diffé-
rent as regards the base of the préparation, but on account of the color ;
but I hâve no doubt in my own mind that they are both prepared with
spruce gum.
Question. — Do you think that in the Défendants' Syrup, you find
some thing which might induce some body to believe that the Défendants'
Syrup is made by Gray or Messrs. Kerry & Watson. ?
Answer. — No ; I think that the parties could not be deceived as
regards the bottle itsclf, the envelope also, because most of the parties who
92
buy thèse drugs generally know the bottle, they hâve been shown the
bottle " Go and buy Gray's Syrup " " Go and buy the Nuns' Syrup. There
is none who will be deceived. Druggist deceive and physicians do some-
times, " this is ail right, this is Gray's gum or the Nuns' gum."
Question. — Do you consider the Défendants syrup made from spruce
gum ?
Answer. — I do.
Question.— So that it does not bear a false name ?
Answer. — If I may be allowed to remark it is this ; that many a time
some of thèse drugs are sold by druggists to physicians, and then physicians
put this same quality of drug in another bottle, and add something to it,
and say that is mine. But can it be likened to that of Gray' s and the Nuns ?
and they say, oh surely this is not Grays but this is just as good.
Jt is done pretty largely by physicians.
CROSS-EXAMINED.
Question. — You hâve stated that you ordered or advised poor people to
go to the Nuns to get that Syrup many year ago. Can you state why you
did not give such direction to rich people ?
Answer. — Because they could get it in anothe/form from the druggist.
I often hâve told them to go and get Gray's Syrup.
Question. — Hâve you known any other syrup, but Grays' made of
spruce gum, until the Nuns put theirs on the market, in eighteen hundred
and seventy-five ?
Answer. — I hâve known of no other than Gray' s.
Question. — Do you think that the mention of Gray's Syrup for cough
is made with spruce gum adds to value of it ?
Answer. — Well yes.
Question. — Why ?
Answer. — Because spruce gum is known one of the best expectorating
drugs that can be given ; when I say the best, I mean one of the best,
because we hâve the gum ammonia which is a good expectorant ; but we
cannot prépare it so agreeably, and I must also tell the Court that many a
man who gave himself as a tetotaller, very frequently takes the spruce
gum with a little alcohol, so that it might tickle his throat, and thereby
reap the benefit of the alcohol.
RE-EXAMINED.
Question. — Since how long do you know Gray's Syrup ?
93
Answer. — I could not say. It niay be four or five years, I know that
it is inany years ago now.
Question. — How many years is it since you first heard of Gray's Syrup,
and how long hâve you known the Nuns' Syrup ?
Anwer. — It is many years before since I hâve known of the Nuns'
Syrup. And when Mr. Gray got up his syrup, many parties said it was
none but the Nuns' Syrup.
And further déponent saith not, and this déposition having been read
to him, he déclares the same to contain the truth,
J. W. BUCKLEY,
Sténographe)',
Présent : The Hon. Mr. Justice Mackay,
On this ninth day of October, in the year of Our Lord one thousand
eight hundred and seventy-six, personally came and appeared WM. H.
CLARE, chemist and druggist, a witness produced on the part of the Défen-
dants, who being duly sworn deposeth and saith : — I am one of the firm of
Lymans, Clare & Co.
Question. — Do you know personally that your house lias been threat-
ened with suits by the Plaintiffs, Kerry, Watson & Co., for selling the
Sisters' Syrup ?
Answer. — Yes.
Question. — Do you consider that, on account of thèse threats, you hâve
been prevented from selling a certain quantity ?
Answer. — Yes, but probably not a great deal. We were not much
frightened by the threats. That did not prevent us from making sales at
ail. We had looked into the matter and concluded that there was nothing
in the threats. During that time, we might hâve sold some, T suppose.
After we had decided to take the agency of the préparation, we pushed the
article.
Question. — When you received that lot ter from Mr. Abbott did you
discontinue the sale ?
Answer. — We did not push the sale of mcdicine until we had gonc
into the matter, and made up our minds as to the course we should pursue
about it.
Question. — Will you look at thèse two bottles of Plaintiffs' and Défen-
dants' Syrups respectively, and state to the Court if you perçoive any res-
semblance between the two?
94
Answer. — Thcre is no ressemblance at ail, either in the form of the
bot tic or color of the préparation, nor the manner in whieh it is put up.
There is some similarity in the color of the. outside cnvclope, though they
are not precisely alike. In the extcrior form of the envelope, thcre in no
ressemblance whatever, nor in the inscriptions.
Question. — Now as to the name, do you find that the name is writteu
in such a way as to lead people to believe that the Défendants' Syrup js
manufactured by Messrs. Kerry, Watson & Co. ?
Answe. — Not the least jn the world.
CROSS-EXAMINED.
Question. — You hâve known Gray's Syrup for some years ?
Answer. — Yes, sir ; I hâve known it has been on the market for five
or six years, perhaps more.
Question. — Had you heard of the Nuns' Syrup until the agency was
opened you ?
Answer. — No.
And further déponent saith not, and tins déposition having been read
to him, lie déclares it to contain the truth.
S. A. ABBOTT,
Stenographer.
Présent : L'Hon. Juge Mackay.
L'an mil huit cent soixante-et-seize, le neuvième jour d'Octobre, est
comparu JOSEPH-EMERY CODERRE, médecin, de la Cité et du District
de Montréal, âgé de soixante-et-deux ans, témoin produit par les Défende-
resses, lequel, après serment prêté, dépose et dit : — Je ne suis point insté-
ressé dans l'événement de ce procès : je ne suis ni parent, ni allié, ni au
service d'aucune des parties en cette cause, je connais les parties en cette
cause. Je suis professeur de matière médicale à l'Ecole de Médecine de
Victoria. Je pratique comme médecin depuis mil huit cent quarante-quatre,
et je suis professeur à l'Ecole de Médecine depuis mil huit cent quarante-
sept, ce qui me fait trente-deux années de pratique et vingt-neuf années de
professorat.
Question. — Connaissez-vous le Sirop de Comme d'Epinette des Sœurs
de la Providence ?
Réponse. — Je le connais pour en avoir entendu parler et l'avoir entendu
recommander par plusieurs, depuis vingt à vingt-cinq ans.
gg
Question. — Etait-il communément connu dans la population ?
Réponse. — Il était communément employé par les canadiens-français ,
j'en ai vu plusieurs fois dans les familles; c'était un remède populaire.
Question. — Il y a au moins vingt-cinq ans, n'est-ce pas, que ce sirop-là
est ainsi connu ?
Réponse. — Oui, autant que je puis me rappeler.
Question. — Voulez-vous maintenant examiner les deux bouteilles que
voici, dont l'une que voici, est le sirop des Demandeurs, et l'autre le sirop
des Défenderesses, et nous dire si vous trouvez quelque ressemblance entre
ces deux bouteilles, soit dans l'enveloppe extérieure, ou dans le sirop même ?
Réponse. — Je n'en vois aucune.
Question. — Trouvez- vous qu'il y ait quelque chose qui puisse induire
le public à croire que le sirop des Défenderesses est fabriqué par monsieur
Gray, ou par messieurs Kerry, Watson et Cie.
Réponse. — Je ne trouve rien du tout de ce genre.
Question. — Que penseriez-vous d'un pharmacien qui, lorsque vous lui
demanderiez le sirop de Gray, vous donnerait l'autre sirop que voici :
Réponse. — Je ne pourrais que considérer cela comme un acte de mal-
honnêteté.
Transquestionné.
Question. — Avez- vous jamais connu le Sirop des Sœurs de la Provi-
dence comme étant en vente quelque part ?
Réponse. — Je sais qu'on pouvait se le procurer chez les Soeurs de la
Providence, mais je n'ai jamais eu occasion de le prescrire, ni aucun autre
sirop de gomme d'épinette.
Question. — On appelait, n'est-ce pas, ce sirop là, le sirop des Sœurs?
Réponse. — On l'appelait le Sirop de Gomme d'Epinette préparé par les
Sœurs. Les gens allaient avec des bouteilles chez les sœurs chercher de ce
sirop ; généralement, je crois qu'on le donnait.
Question. — Tous avez connu, n'est-ce pas, la préparation de M. Gray ?
Réponse. — Oui, depuis quelques années.
Question. — Depuis combien de temps, à-peu-près?
Réponse. — Je ne saurais le dire au juste, sept ou huit ans, peut-être
plus, mais pas moins de sept ou huit ans.
Question. — Et vous savez qu'elle était en vente chez les pharmaciens ?
Réponse. — Je sais qu'on pouvait se la procurer chez lui, mais je ne
sais pas si on pouvait se la procurer ailleurs.
Question. — Yous rappelez-vous si le sirop des Défenderesses était en
vente chez les pharmaciens, à cette époque-là ?
96
Réponse. — Je ne m'en rappelle pas.
Question. — Y a-t-il plus de dix-huit mois que le sirop des Défenderesses
est sur le marché ?
Réponse. — Je ne puis le préciser.
Et le déposant ne dit rien de plus. La présente déposition lui avant
été lue. il a déclaré qu'elle contenait la vérité, et y a persisté.
J. T. THOMPSON,
Sténographe.
Présent : L'Hon. Juge Mackay.
L'an mil huit cent soixante-et-seize, le neuvième jour d'Octobre, est
comparu EUGÈNE-HENRI-HERCULE TRUDEL, médecin, de la Cité et
du District de Montréal, âgé de cinquante-cinq ans, témoin produit par les
Défenderesses, lequel, après serment prêté, dépose et dit : — Je ne suis point
intéressé dans l'événement de ce procès : je ne suis ni parent, ni allié, ni
au service d'aucune dss parties en cette cause, je connais les parties en cette
cause. Je suis médecin depuis environ trente-deux ans, j'ai toujours prati-
qué à Montréal.
Question. — Avez- vous fait le commerce de pharmacie ?
Réponse. — Pendant peu de temps.
Question.— Connaissez- vous le Sirop de Gomme d'Epinette des Sœurs
de la Providence ?
Réponse. — Je le connais
Question. — Depuis combien d'années le connaissez-vous ?
Réponse. — Depuis bien des années.
Question. — Pouvez- vous préciser le nombre d'années ?
Réponse. — Au-delà de vingt ans.
Question. — Pouvez- vous dire si, il y a vingt ans, ce sirop était pres-
crit par les médecins ?
Réponse. — Je suis médecin des Sœurs de la Providence depuis au-delà
de vingt ans, et je l'ai prescrit bien souvent depuis vingt à vingt-cinq ans.
Question. — Vous rappelez- vous du nom qu'il portait ?
Réponse. — Je ne puis le dire positivement, mais il devait porter le
nom de Sirop de Gomme d'Epinette.
Question. — Connaissez-vous la composition de ce sirop ?
Réponse. — Si je la connais, c'est privément.
Question. — La connaissez- vous suffisamment pour pouvoir dire que
c'est un sirop ?
Réponse. — Oui c'est un sirop.
97
Question. — Maintenant, voulez- vous examiner cette bouteille-ci, qui eel
le sirop des Demandeurs, et cette autre, qui est le sirop des Défenderesses,
et nous dire si vous trouvez quelque ressemblance entre les deux, soit dans
le sirop, soit dans les bouteilles, soit dans l'enveloppe de ces bouteilles ?
Réponse. — Il n'y a rien, ni dans le sirop, ni dans les bouteilles, ni dans
l'enveloppe qui se ressemble.
Question. — Pensez- vous qu'il soit possible qu'un pharmacien ou qu'un
commis pharmacien se trompe en vendant ces préparations, et donne l'une
pour l'autre.
Réponse. — S'il veut exercer son intelligence, il ne peut pas se tromper.
Je dis positivement qu'un acheteur ne pourrait pas non plus les confondre.
Question. — Voyez- vous quelque chose dans le Sirop des Défenderesses,
ou dans son enveloppe extérieure, qui puisse induire le public à croire que
ce sirop est fabriqué par M. Gray, ou par MM. Kerry. Watson & Cie. ?
Réponse. — Il suffit de regarder au nom pour voir par qui il est fabri-
qué; la couleur du papier ne fait rien quant à celui qui l'a fabriqué. Je ne
vois rien du tout dans la préparation en elle-même qui puisse indiquer que
c'est M. Gray, ou MM. Kerry, Watson & Cie. qui l'ont fabriqué.
Je suis professeur à l'Ecole de Médecine et de Chirurgie de Montréal^
faculté de l'Université Victoria.
ÎRANSQUESÎIONKÉ.
Question. — je vois votre nom sur ces certificats-ci, exhibit G des De;
mandeurs ; l' un des certificats porte votre nom, n'est-ce pas ?
Réponse. — Oui, monsieur.
Question. — Est-ce à votre suggestion que les Sœurs de la Providence
ont mis ce produit-là en vente ?
Réponse. — J'ai conseillé aux Sœurs de la Providence de mettre ce pro-
duit en vente ; j'ai eu occasion de le leur conseiller.
Question. — Le leur avez- vous conseillé vers le temps que vous leur
avez donné ce certificat ?
Réponse. — Bien avant même. Comme elles ont beaucoup de pauvres à
soutenir et beaucoup d' œuvres à maintenir, je leur ai souvent dit qu'elles
devaient prendre les moyens de faire vivre leurs pauvres et de soutenir
leurs œuvres de charité, et leur ai indiqué comme l'un des moyens dont
elles pouvaient faire usage, la vente de leur sirop.
Question. — Vous avez dit que vous avez souvent prescrit ce sirop-là,
qui remplissait alors vos prescriptions ?
Réponse. — Les Dames de la Providence.
Question. -Aucun droguiste n'a rempli vos prescriptions dans ce cas-la,
n'est-ce pas ?
Réponse. — Je présume que j'ai donné de ces prescriptions-là qui ont été
remplies par des pharmaciens. Même quand on prescrit hors de la Provi-
dence, il y a bien des malades qui préfèrent aller faire remplir leurs pres-
criptions à la Providence.
Question. — Voulez- vous mettre sur un morceau de papier la prescription
que vous donneriez pour avoir ce sirop-là dans une pharmacie, c'est-à-dire
pour le faire composer ?
Réponse. — Etant requis d'écrire une prescription pour envoyer un ma-
lade chez un pharmacien chercher du sirop dégomme d'épinette, je prescri-
rais dans les termes suivants : " Sirop de Gomme d'Epinette composé."
Question. — Avant que les Défenderesses eussent mis leur produit sur
le marché, en mars mil huit cent soixante et quinze, pouvez- vous nous dire
quels pharmaciens à Montréal auraient pu remplir cette prescription que
vous venez de nous donner ?
Réponse. — Avant que ce sirop fut offert en vente, personne n'aurait
pu remplir cette prescription. Je présume qu'il n'était en vente qu'à l'Asile
de la Providence.
Etant requis de donner une prescription médicale pour aller chez un
pharmacien chercher du Sirop de Gomme d'Epinette, je pourrais donner la
prescription suivante; Sirop simple, 3 onces; teinture d'épinette, une
demi once. Les mots latins que je mettrais sur cette prescription seraient :
" Tinctura pini, syrupi synplisis."
Question. — Et vous croyez que les pharmaciens pourraient exécuter
cette prescription ?
Réponse. — S'ils pouvaient la remplir ils la rempliraient, sinon, ils me
la renverraient ; car quant un pharmacien ne peut pas remplir une pres-
cription, il la renvoie toujours au médecin ponr avoir des explications.
Question. — Cette teinture se trouverait-elle dans toutes les pharmacies ?
Réponse. — Je ne le sais pas. Je ne pense pas que cette préparation se
trouve dans la pharmacopée.
Question.- — Comment un pharmacien pourrait-il exécuter une prescrip-
tion dont il ne trouverait pas même le nom dans la pharmaceupée ?
Réponse. — S'il ne pouvait pas la remplir, il me la rendrait. Depuis
que nous avons des pharmaciens licenciés, c'est d'un grand avantage, parce
qu'ils sont obligés de juger des prescriptions pour pouvoir les remplir; et
quand ils ne peuvent pas remplir une prescription, ils la renvoient au
médecin.
Question. — L'avez- vous obtenue vous-même cette substance-là, c'est-à-
dire de la teinture d'épinette ?
89
Question.— Je l'ai chez moi depuis trente ans. Il y a trente ans que
j'en fais usage dans ma pratique.
Et le déposant ne dit l'ien de plus ; la présente déposition lui ayant été
lue, il a déclaré qu'elle contenait la vérité, et y a persisté.
J. T. THOMPSON,
Sténographe.
Présent: L'Hon. Juge Mackay,
L'an mil huit cent soixante-et-seize, le neuvième jour d'Octobre, est
comparu PHILIP MOUNT, médecin, de la Cité et du District de Montréal,
âgé de trente-cinq ans, témoin produit par les Défenderesses, lequel, après
serment prêté, dépose et dit : — Je ne suis point intéressé dans l'événement
de ce procès : je ne suis ni parent, ni allié, ni au service d'aucune des parties
en cette cause. Je connais le Sirop de Gomme d'Epinette des Soeurs de la
Providence, qui est produit comme exhjbit 2 des Défenderesses, je le con-
nais depuis neuf à dix ans je crois,
Question.— L'avez- vous prescrit ?
Réponse. — Oui, monsieur.
Question. — Fréquemment ?
Réponse. — Oui, on s'en sert à la prison et à la maison de réforme.
Question. — Il y a huit ou neuf ans le prescriviez-vous ?
Réponse.— Oui, on le prescrivait à la providence ; j'étais alors médecin
du dispensaire de la providence et je le prescrivais.
Question. — Vous voyez les deux bouteilles que voici, l' une est le sirop
des Demandeurs, et l' autre celui des Défenderesses, trouvez-vous, soit dans
les bouteilles, soit dans le sirop, soit dans la forme et la qualité de l'enve-
loppe, quelque similitude entre les deux ?
Réponse. — Je n'en trouve pas du tout, les bouteilles, le sirop, l'enve-
loppe, tout est différent.
Question. — Pensez- vous que quelqu'un pourrait se tromper quant au
nom ?
Réponse. — Pas une personne intelligente, car elle pourrait lire l'éti-
quette.
Question. — Pensez-vous qu'il y a quelque chose sur l'enveloppe qui
puisse faire croire que le sirop des Soeurs de la Providence, est fabriqué par
messieurs Kerry, "Watson et Cje. ?
100
Réponse. — Je ne vois rien du tout qui puisse faire croire cela.
Question.— Le Sirop de Gomme d'Epinette des Sœurs de la Providence,
est bien connu, surtout dans la partie est, par la population canadienne-
française ?
Réponse. — Oui, il y a longtemps qu'il est connu, il y a bien quatre,
cinq ou six ans qu'il est connu.
Transquestionné.
Question. — On ne pouvait pas se procurer ce sirop là ailleurs que chez
les sœurs n'est-ce pas ?
Réponse. — Moi je le prescrivais toujours chez les Sœurs de la Provi-
dence, lorsque j'étais au dispensaire ; et ceux à qui je le prescrivais allaient
le chercher chez les sœurs, parceque je le prescrivais à des personnes pau^
vres, et elles allaient le chercher au dispensaire.
Question.— Aurait-on pu se procurer ce sirop; là ailleurs que chez les
Sœurs de la Providence, il y a cinq ou six ans ?
Réponse. — Je ne le sais pas.
Question. — Si les gens avaient été capables de payer, leur auriez- vous
recommandé un autre remède ?
Réponse. — C'est selon le cas; je crois que j'ai envoyé chez les Sœurs
de la Providence des personnes capables de payer, y chercher ce sirop.
Et le déposant ne dit rien plus. La présente déposition lui ayant été
lue, il a déclaré qu'elle contenait la vérité, et y a persisté.
J. T. THOMPSON,
Sténographe,
Présent : l'Honorable Juge Mackay.
L'an mil huit cent soixante et treize, le neuvième jour d'octobre, est
comparu SŒUR ZÉNAIDE THOMPSON, déjà examinée, témoin produit
par les Défenderesses, laquelle après serment prêté, dépose et dit : Je ne
suis point intéressé dans l'événement de ce procès : je ne suis ni parent, ni
allié, ni au service d'aucune partie en cette cause.
Question. — Vous avez entendue la déposition de Monsieur Devins ;
lorsque vous avez choisi le papier bleu, vous a-t-il fait quelque remarque à
l'effet que le choix de cette conleur pourra.it être une infraction au droit de
Monsieur Grav ?
101
Réponse. — Non, j'en suis bien positive.
TRANSQUESTIONNE.
Je suis allée là avec la sœur Joséphine ; je n'y suis pus allé là avec
d'autres, et d'autres n'ont pas pu s'occuper de cette question là.
Les médecins qui ont été entendus ici aujourd'hui sont tous plus ou
moins attachés à notre maison, c'est-à-dire que ce sont les médecins- visiteurs
de notre maison. Ce sont les médecins de l'écols médicale et ce sont les vi«
siteurs de notre maison ; les professeurs de l'école médicale sont de droit
visiteurs chez nous.
Et la Déposante ne dit rien de plus. La présente déposition lui ayant
été lue, elle a déclarée qu'elle contenait la vérité et y a persistée.
J. T. THOMPSON,
Sténographe.
Présent : — L'Hon. Juge Mackay.
L'an mil huit cent soixante et seize, le neuvième jour d'Octobre, est
comparu JOSEPH-GUSTAVE LAVIOLETTE, médecin et pharmacien, de
la cité et du district de Montréal, âgé de trente-trois ans, témoin produit
par les Défenderesses, lequel, après serment prêté, dépose et dit : — Je ne
suis point intéressé dans l'événement de ce procès ; je ne suis ni parent, ni
allié, ni au service d'aucune des parties en cette cause. Je tiens une phur-
macie sur la rue Notre-Dame depuis deux ans. Mon titre de médecin me
donnait le droit de tenir pharmacie, quand j'ai commencé à tenir pharmacie,
mais depuis le mois de mai mil huit cent soixante et quinze, j'appartiens au
corps des pharmaciens.
Question.-— > Voulez- vous dire si vous avez reçu, il y a quelques mois,
des menaces de la part de MM. Kerry, Watson & Cie., au sujet de la vente
du Sirop des Sœurs de la Providence ?
Réponse. — On nous a dit qu'on nous poursuivrait en dommages si nous
vendions le Sirop des Sœurs de la Providedce ; on nous a fait répéter ces
menaces-là deux ou trois fois ; M. Watson lui même a fait ces menaces-là à
moi-même une fois. Je me rappelle que, la première fois, il est venu nous
dire qu'on ne devait pas vendre ce sirop, sous peine d'amende, qu'on serait
poursuivi si nous le vendions. Une seconde fois, il est venu nous dire que
nous devions retirer une annonce que nous avions dans les colonnes du Nou-
veau-Monde, et que, si nous ne le faisions pas, nous serions poursuivis ; nous
avons en conséquence retiré cette annonce pendant un mois,
102
Question.— Considérez-vous que l'effet de ces menaces a été d'oinnê*
cher la vente d'une certaine quantité de ce Sirop?
Réponse. — Nous ne nous en sommes pas beaucoup occupés quant à la
vente ; nous avons retiré l'annonce, mais nous avons continué la vente de cet
article, toutefois en ayant soin de ne pas l'offrir aussi souvent qu'aupara»
vant, mais lorsqu'on nous a demandé le sirop en question, nous l'avons vendu.
Question. — Avant que ce Sirop fut mis en dépôt dans les pharmacies,
avez- vous eu quelque conversation, ou avez-vous fait quelques démarches
auprès des Sœurs de la Providence? à l' effet de les engager à exploiter leur
Sirop ?
Réponse.— Les frères des écoles chrétiennes, que nous avons comme
pratiques, sont venus nous demander ce sirop, et nous leur avons dit que
nous pouvions le leur procurer, qu'ils pouvaient l'acheter tout aussi bien de
nous que des sœurs ; et nous avons pris d'eux, cette fois-là, une commande
d'une douzaine de bouteilles ; en conséquence, je suis allé chez les sœurs de
la Providence pour avoir ce sirop, mais le prix qu'elles m'en demandaient
m'empêchait de le vendre d'une manière rémunératrice, car elles voulaient
me le vendre plus cher que je ne l'aurais vendu moi-même. Sur l'observa*
tion que je leur en fis, elles me dirent de repasser le lendemain, me disant
qu'elles verraient à fixer leur prix ; le lendemain ou le surlendemain, j'y
suis retourné ; elles me donnèrent un prix, le prix à la douzaine, me faisant
en même temps remarquer qu'elles n'avaient pas encore fixé le prix à la
douzaine, mais qu' elles allaient voir à cela. Plus tard, elles nous ont donné
des cottes de leur sirop; et je crois que ces cottes leur avaient été données
par monsieur Devins.
Question. — Avez-vous jamais demandé aux Sœurs de la Providence de
vous vendre leur recette ?
Réponse. — Je ne me rappelle pas de la leur avoir demandée ?
Question. — Les avez-vous engagé à mettre leurs sirop en dépôt dans les
pharmacies ?
Réponse. — Non; elles m'ont paru y avoir pensé avant que je leur
parle de mettre leur sirop sur le marché, et alors je leur ai dit qu'il fallait
qu'elles le mettent à un prix moins élevé que celui qu'elles me proposaient,
car aucun pharmacien ne l'achèterait.
Traxsquestionné.
Question. — Quand vous êtes allés ainsi chez les Sœurs de la Providence
acheter une douzaine de bouteilles de ce sirop, leurs bouteilles portaient-
plies une étiquette ?
103
Réponse. — Oui, mais je n'ai jamais vu annoncer ce sirop sui* aucun
journal. Il y a de cela dix-huit mois passé ; dans ce temps-là, il n'était en
dépôt dans aucune place que je connaisse.
RÉ- EXAMINÉ.
Question. — Etait-ce cette étiquette-là qui était sur les bouteilles, avant
cette époque-là, c'est-à-dire l'exhibit P ?
Réponse. — Oui, monsieur.
RE-ÎRANSQUESTIONNNÊ.
C'est M. Watson qui m'a parlé comme je l'ai dit dans mon examen-en-
che, et il est ici présent en Cour.
Question. — Ne vous avait-il pas demandé cela comme matière de cour-
toisie plutôt que comme une menace ?
Réponse. — Il m'a dit comme ceci : " Nous venons vous dire que vous
devez retirer votre annonce du journal Le Nouveau- Monde, et si vous ne la
retirez pas, nous allons vous poursuivre de suite ; " et il ajouta : " D'ail-
leurs, vous devriez le faire par courtoisie entre pharmaciens." J'ai pris ce
qu'il m'a dit pour une menace.
Et la déposante ne dit rien de plus. La présente déposition lui ayant
été lue, elle a déclaré qu'elle contenait la vérité et y a persisté.
J. S. THOMPSON,
Sténographe.
Présent : L'Hon. Juge Mackay.
L'An mil huit cent soixante-efcseize, sixième jour d'Octobre, est com-
parue la Sœur EMILIE CARON, âgée de soixante-et-sept ans, témoins
produit par les Demandeurs, laquelle après serment prêté, dépose et dit ■ —
Je suis la Supérieure-Générale de la Compagnie des Sœurs de la Providence.
Je n'habite pas continuellement la maison principale. Pour les grandes
affaires je signe mon nom, mais pour les particularités de la maison je ne
m'en mêle pas, Je suis Supérieure des Sœurs Défenderesses dans cette
cause ; j'appartiens à la communauté depuis mil huit cent quarante-trois. Je
suis une de celles qui ont fondé la maison ; je suis la même personne que celle
mentionnée dans l'application pour une marque de commerce, faite le quatre
101
Mars rail huit cent soixante-et-quinze, c'est-à-dire, j'ai signé cette demande.
Je ne suis pas allée à Ottawa pour cela; je n'ai pas copie de la marque de
commerce, mais j' en ai eu connaissance. Depuis mil huit cent quarante-trois,
je ne me suis pas immiscée aux particularités de notre maison. Notre com-
munauté a commencé à faire le sirop en mil huit cent quarante-trois. Au
début de la communauté nous l'avons toujours vendu à ceux qui venaient
le chercher chez nous; mais je ne puis pas dire précisément quand nous
avons commencé à vendre ce sirop à d'autres personnes hors de notre maison.
Je puis certifier seulement que les matières qui étaient employées alors à con-
fectionner ce sirop, étaient les mêmes qu' à présent ; que le sirop a toujours été
blanc, et que la recette était la même. Je n'ai rien à faire avec le place-
ment de la marchandise hors de la maison. J'ignore quelle quantité on a
manufacturé depuis mil huit cent quarante- trois. Dès le début, nous faisions
ramasser les choses pour la manufacture du sirop à la campagne, mais depuis
ce temps-là je ne m'en suis pas mêlée. Il entre dans ce sirop des composi-
tions telles que nous avons la recette. C'est la sœur Frigon, à l' Hôtel-Dieu,
qui a donné la recette en mil huit cent quarante-trois. La principale chose
qui entre dans la manufacture de ce sirop c'est la gomme. Les autres
matières ont été achetées chez les apothécaires. Dans ce temps-là, il y avait
peu d' apothécaires, et nous prenions presque tous ce dont nous avions besoin
chez Monsieur Lyman. Aujourd'hui, je pense que nous prenons encore
là, chez Monsieur Lyman. J'examine en gros les comptes de la maison, je
ne suis pas capable de dire si nous dépensons beaucoup pour l' achat des
ingrédients du sirop. Je n'ai pas placé de ces marchandises, mais je sais
qu'on en a vendu en différentes places. J'ignore si l'on en a placé chez les
pharmaciens de Montréal. Il est probable qu'il y en a de placé hors de
Montréal, mais je ne sais pas où. Je ne me rappelle pas le nom de la sœur
qui a demandé la première pour prendre une marque de commerce. Notre
sirop n'a pas toujours été vendu dans une boîte. Dans le commencement,
nous le donnions presque tout, car nous l'avons fait pour favoriser nos
pauvres. Ça a été toujours le but, pour nous rendre utile à l'humanité.
J'ignore depuis quand le sirop a été renfermé dans une boîte. Je ne puis
pas préciser. H y a longtemps que nous nous servions de différentes fioles.
Ce sirop a toujours été blanc. Je ne puis pas dire précisément quand nous
avons fait pour la première fois usage, de l'étiquette bleue.
Transquestîonné.
Je suis à la Providence depuis mil huit cent quarante-trois. C'est
en mil huit cent qurante-trois que nous avons eu cette recette de la Sœur
105
Frigon. J'ai eu occasion de référer quelques fois à la recette suivie dans
notre maison. Je crois qu'on se servait de la même recette que nous avons
eu en mil huit cent quarante-trois. En mil huit cent quarante-trois, j'ai été
quelque temps pharmacienne. J'étais première pharmacienne et j'étais
dépositaire en même temps. Dans cette année mil huit cent quarante-
trois, nous faisions du sirop, mais pas en quantité considérable. Nous le fai-
sions au besoin, pour les pauvres et pour nos bienfaiteurs. Je ne puis pas
dire combien nous en faisions. Les autres Sœurs en faisaient plus que moi.
On employait plusieurs livres de gomme. On en faisait quelques bouteilles à la
fois, quelques gallons, mais je ne puis pas préciser. Je n'ai jamais fpit moi-
même plus d'un gallon. Les premières années, on n' en faisait pas beau-
coup, mais ça a toujours été en augmentant. Je puis dire que le sirop a
toujours été blanc. Dans ce temps-là, nous commencions petitement. M.
Lyman nous a donné beaucoup de choses au commencement. Quelques
années après que je suis partie, il se faisait beaucoup de sirop. Cette recette
que la Sœur Frigon avait, elle en faisait usage pour elle-même. Elle me dit :
Je trouve que cela me fait du bien. Le sceau qu'on me montre à présent
est le sceau de notre maison. Je connais bien que ce sceau est notre propriété.
Je crois que c'est feu notre fondatrice, Madame Gamelin, qui l'a fait faire. Il
a été fait vers le temps de la fondation de la maison, en mil huit cent qua-
rante-trois. Il n'a jamais été changé. Il a toujours été le sceau de notre
corporation.
RÉ-EXAMINÊ.
Question. — Avez- vous jamais obtenu une licence pour tenir une phar-
macie ?
Réponse. — Je n'en ai jamais demandé. J'ai été plusieurs années phar-
macienne. Je n'ai pas tonjours été Supérieure. Je n'ai jamais entendu
parler que, dans notre maison, on avait une licence pour tenir pharmacie.
Notre maison est comme les autres maisons de charité — nous sommes ex-
emptes de taxes pour certaines choses. Nous payons pour l' eau ; nous payons
pour bien des choses. A part l'eau, je ne me rappelle pas les taxes que
nous payons. Je ne connais pas d'autres taxes que la taxe de l'eau que
nous payons.
Et la déposante ne dit rien de plus ; et cette déposition lui ayant été
lue, elle a déclaré qu'elle contenait la vérité.
S. A. ABBOTT,
Sténographe.
106
Présent : L'Honorable Juge Mackay.
L'an mil huit cent soixant-et-seize, le sixième jour d'Octobre, est
comparue Sœur JOSÉPHINE née COURSOL, Religieuse, de la Cité de
Montréal, âgée de quarante-et-un ans, témoin produit par les Demandeurs,
laquelle après serment prêté, déposé et dit : — Je ne suis point intéressée
dans l' événement de ce procès.
Question. — Vous appartenez à la communauté, la Défenderesse en cette
cause ?
Réponse. — Oui, Monsieur, depuis (1852) mil huit cent cinquante-deux.
Question. — Avez- vous eu quelque chose à faire avec la pharmacie de
la maison ?
Réponse. — Oui, je suis pharmacienne en chef depuis treize ans; depuis
mil huit cent soixante-trois.
Question. — Vous avez eu quelque chose à faire, par conséquent, avec la
préparation de ce sirop ?
Réponse. — Beaucoup.
Question. — Pouvez-vous dire quand vous avez commencé à vendre ce
sirop hors de votre maison ?
Réponse. — A ma connaissace, il en a toujours été vendu à la maison aux
gens du dehors, qui venaient le chercher.
Question. — Quand avez- vous commencé à mettre des dépôts de ce sirop
hors de votre maison ?
Réponse. — Depuis que nous avons eu notre marque de commerce, en
1875. Avant ce temps-là, nous n'en déposions pas au dehors; ou du moins,
je n'en ai pas eu connaissance.
Question. — Chez qui avez-vous commencé à faire ces dépôts, pour la
vente de votre sirop ?
Réponse. — Je ne puis pas dire exactement; mais je crois que les pre-
miers sont Messieurs Devins et Laviolette. Nous avons un bon nombre de
dépôts. Presque tous les pharmaciens et les épiciers en ont.
Question. — Avant de vendre au dehors de votre maison, aviez-vous
l'habitude d'enfermer vos bouteilles dans ces boîtes en carton ?
Réponse. — Non, je n'ai pas connaissance que nons nous soyons servies
de boîtes en carton avant ce temps-là.
Question. — Pouvez-vous dire depuis combien de temps vous vous servez
de ce genre de bouteilles ?
Réponse. — Je ne puis dire depuis combien de temps nous nous en ser-
vons. La boîte de caton dont il est ici question est l'exhibit B des Deman-
deurs, produit à l' enquête.
107
Question. — Savez- vous qui a eu l'idée de renfermer ces bouteilles dans
ces boîtes de carton ?
Réponse. — C'est nous qui avons eu cette idée. C'est pour empaqueter
avec plus d'aise.
Question. — Qui vous manufacture ces boîtes ?
Réponse. — Monsieur Jellyman.
Question. — Savez- vous combien il vous en a fourni ?
Réponse. — Je ne puis pas dire la quantité, plusieurs mille.
Question. — Quelque chose comme cinq ou six cents grosses ?
Réponse. — Je ne crois pas que ce soit autant que cela; mais je ne puis
pas préciser la quantité.
Question. — Qui vous a suggéré la forme de ces boîtes ?
Réponse. — J'ai consulté un monsieur Stanton, monsieur Devins et
monsieur Gellyman lui-même, au sujet de la forme de ces boîtes.
Question. — Si votre bouteille était carrée, croyez-vous qu'on vous
aurait suggéré ces boîtes ?
Réponse. — Je n'en sais rien. Nous n'avons jamais usé que des bou-
teilles rondes. Je pense qu'on m' a suggéré de faire les boîtes carrées afin
d'empaqueter avec plus de facilité. C'est monsieur Jellyman qui m'a fait
décider en dernier lieu à prendre les boîtes carrées au lieu de rondes.
Question. — Avez-vous eu connaissance de l'impression de ces deux
différents couverts, exhibits I et J des Demandeurs, produits à l'enquête ?
Réponse. — C'est moi qui les ai fait imprimer. L'exhibit I est le pre-
mier qui ait été en usage. Nous en avons imprimé à-peu-près une rame,
parce que nous ne pouvions trouver de papier à meilleur marché. L' exhibit
J coûte à-peu-près la moitié moins que le papier de l'exhibit I.
Question. — Il y a quelque différence, ma sœur, dans ce qu'il y a d'im-
primé sur ces deux cartes ?
Réponse. — Quelle différence ?
Question. — Cette différence ne vous a-t-elle point frappée ?
Réponse. — La différence consiste en ce qu'il y a, sur cette boîte, le nom
de monsieur Devins comme notre agent. Monsieur Devins nous ayant
objecté qu'il n'aimait pas à voir son nom là, ayant été menacé d'un procès,
nous lui avons retiré notre agence.
Question. — Remarquez- vous que les mots " Enregistrée 1875 " qui sont
sur l'exhibit 1 n'ont pas été reproduits sur l'exhibit J ?
Réponse. — Nous les avons ôté parceque nous les croyions inutiles.
Question. ^-Quelqu'un vous a-t-il fait remarquer que c'était inexact ?
Réponse. — Je ne me rappelle pas si quelqu'une de nos soeurs nous a
fait remarquer cela ; mais je n'en ai pas connaissance. Je sais que cela a été
108
dit. Quelqu'un nous a fait remarquer que les mots " Enregistrée 1875 "
pouvaient s'appliquer à toute l'enveloppe, tandis que nous n'avions que
notre marque de commerce qui fut enregistrée. C'est sur ces considérations
que nous avons omis cet mots sur l' exhibit J.
Question. — Quand vos bouteilles ont été mises dans des boîtes carrées
comme celle-ci, n'a-t-il pas été question alors de l'avantage qu'il y avait
dans cette forme-là, vu qu'on pourrait prendre votre sirop pour celui de
monsieur Gray ?
Réponse.— Jamais, que je me rappelle, ni chez-nous, ni ailleurs.
Question.—- Vous saviez, n'est-ce pas, que le sirop de monsieur Gray
était vendu publiquement depuis longtemps, avant que vous vous décidiez à
faire commerce du vôtre ?
Réponse. — Nous avons commencé à vendre dans notre maison avant.
Je savais que le sirop de monsieur Gray était vendu et était sur le marché,
avant que nous commençâmes à mettre des dépôts de notre sirop en dehors
pour la vente.
Question.— Vous serviez- vous de ces étiquettes avant d'avoir obtenu la
marque de commerce ?
Réponse. — Nous nous en servions comme sceau de la communauté, mais
nous ne nous en servions pas comme marque de commeroe.
Question. — Qu'y avait-il alors sur cette étiquette ?
Réponse. — Il y avait : Sirop de Gomme d'Epinette composé, la même
chose que vous avez sur ce papier-là. Nous avons de ces étiquettes encore
chez nous.
Question — Quand avez- vous commencé à annoncer votre sirop dans les
journaux ?
Réponse. — Je ne sais pas même si nous l'avons annoncé dans les jour,
naux; nous avons eu des circulaires. Je sais qu'il a été annoncé un peu,
mais bien peu.
Question. — Ceci a-t-il été imprimé à la demande de votre maison ?
Réponse. — Le "handbill" marqué exhibit A des Demandeurs a été
imprimé sur mon ordre.
Question.— Voici deux coupures, l'une du " Nouveau-Monde," et l'au-
tre de la " Gazette de Montréal" : voulez^ vous nous dire si ceci a été publié
à la requête de votre maison ?
Réponse. — Le papier marqué exhibit L des Demandeurs a été publié à
notre demande dans le " Nouveau- Monde," en février dernier, c' sst-à-dire,
je crois que c'est en hiver, je ne me rappelle pas le mois exactement, Quant
à ce papier en anglais, je ne sais pas qui l'a fait mettre dans la (i Gazette,"
Quejtiorç,*- Voire maison vend-eUe d'autres remèdes que le Sirop0
109
Réponse. — Nous faisons diverses préparations. Nous avons des dépôts
pour quelqnes-uns de ces remèdes. Nous avons un liniment et un sirop pour
la coqueluche différant du Sirop de Gomme d'Epinette.
Question. — Votre maison ne paie pas de taxes municipales, excepté la
taxe d' eau ?
Réponse. — Je n'ai pas été employée dans la Procure; je ne sais rien de
cela; je ne me suis pas occupée de cela, mais je l'ai entendu dire dans la
maison.
Question. — N'a-t-il pas été publié un livre de matière médicale par
votre maison ?
Réponse. — Oui, monsieur, je pense que c'était vers mil huit cent soi-
xante et neuf.
Question. — Quel est le titre ?
Réponse. — Le titre est " Matière Médicale," c'est un compendium de
diverses pharmacopées.
Question. — Ce livre-là est un recueil de tous les remèdes qui vous étaient
connus ; tant par les livres que vous avez lus que par votre expérience ?
Réponse.— Oui, monsieur, c'est un compendium de toutes les pharma-
copées connues, et de quelques remèdes domestiques aussi, mais bien peu.
Ce livre contient aussi autre chose.
Question. — Vous dites que c'est la première édition qui a été publiée en
mil huit cent soixante et neuf ?
Réponse. — Oui, elle a été publiée à cette époque ; la seconde édition a
été publiée en mil huit cent soixante et dix, autant que je puisse me rappeler.
Question. — Le Sirop de Gomme d'Epinette ou la gomme d'épinette
elle-même, sont-ils mentionnés dans ce recueil comme étant un remède ou
la base d'un remède ?
Réponse. — Je pense que dans les deux éditions cela doit être mentionné.
Question. — Veuillez prendre connaissance de l'édition de mil huit cent
soixante-et-neuf, qui vous est montrée et indiquer où la gomme d'épinette
ou le Sirop de Gomme d'Epinette, est mentionné comme un remède ? (Un
livre marqué exhibit M des Demandeurs produit à l'enquête, est montré au
témoin) ?
Réponse. — La recette de notre Sirop de Gomme d'Epinette n'est pas
dans ce livre-là, je ne puis pas en trouver la mention dans la table de cette
édition,
Transquestionnée.
Question. .—Vous êtes pharmacienne en chef, ma sœur, depuis mil huit
peut soixantG-et'irûia ?
110
Réponse. — Oui Monsieur.
Question.— Avant mil huit cent soixante-et-trois, avez- vous eu quelque
chose à faire avec la pharmacie ?
Réponse. — Pendant plusieurs années, comme novice; mais je n'avais
aucune responsabilité. C'était en mil huit cent cinquante-deux et mil huit
cent cinquante-trois.
Question. — Pouvez- vous dire à-peu-près, en mil huit cent soixante-et-
trois, quand vous avez pris la direction de la pharmacie, quelle quantité
vous fabriquiez de de ce sirop ?
Réponse. — Au meilleur de ma connaissance, de cinquante à soixante
gallons par année.
Question. — En mil huit cent soixante-et-cinq ?
Réponse. — En mil huit cent soixante-cinq, nous fabriquions au-dessus
de cent gallons par année.
Question. — Et cela a toujours augmenté depuis?
Réponse. — Depuis ce temps-là, la fabrication a toujours considérablement
augmenté.
Question. — Pouvez-vous dire combien vous en fabriquiez en mil huit
cent soixante-et-huit ?
Réponse. — Au moins cent cinquante gallons.
Question. — Et en mil huit cent soixante-et-dix ?
Réponse. — Cela augmentait tous les ans, certainement.
Question. — Pouvez-vous dire en mil huit cent soixante-et-dix, combien
à-peu-près ?
Réponse. — Cela augmente au moins de cinquante gallons par année
depuis ce temps-là.
Question. — En mil huit cent soixante-et-trois ; pouvez-vous me dire
quelle était la proportion qui était donnée et la proportion qui était vendue
de ce sirop-là ?
Réponse. — C'est bien difficile.
Question. — Ne vendiez- vous pas par grandes quantités ?
Réponse. — Oui Monsieur, nous en vendions ici et à Québec ; mais vers
mil huit cent soixante-et-trois, nous le vendions par chopine. Il y a à peu
près sept ou huit ans que nous avons adopté les petites bouteilles.
Question. — Avant mil huit cent soixante-trois, en vendiez-vous aux
pharmaciens ?
Réponse. — Nous ne demandions pas à ceux qui venaient s'ils étaient
pharmaciens. Nous en vendions à tous ceux qui venaient en demander.
Question. — Quand vous avez adopté cette boîte de carton comme boîte
d' enveloppe, vous êtes allé trouver Monsieur Jellyinan ; est-ce lui qui a
toujours fait vos boîtes ?
in
Réponse. — Toujours.
Question. — Quand vous êtes allé trouver Monsieur Jellyman, dans votre
intention, quelle était la boîte que vous vous proposiez d'adopter ?
Réponse. — Une boîte semblable à cette bouteillee-ci, c'est-à-dire une boîte
ronde. Je suis allée avec une sœur chez monsieur Jellyman, lui demander
de faire un certain nombre de boîtes pour le Sirop de Gomme d'Epinette ;
il nous fit remarquer que les boîtes rondes ne paraîtraient pas bien, qu'elles
ne seraient pas commodes à empaqueter.
Question. — Vous a-t-il proposé de vous en faire des échantillons pour
vous les montrer ?
Réponse. — Oui, il nous a proposé de nous en faire des échantillons des
deux formes pour nous décider.
Question. — A-t-il fait ces deux échantillons ?
Réponse. — Il lésa fait et nous les a montrés, et nous avons choisi la
boîte carrée. Nous avons trouvé qu'elle paraissait beaucoup mieux et qu'elle
s'empaqueterait avec plus de facilité. On nous avait déjà fait cette réflexion.
Question. — Quand vous avez choisi votre papier enveloppe, voulez-vous
me dire s'il a été question d'autre papier ?
Réponse. — Lorsque nous sommes allées chez monsieur Carter, il y avait
du papier de toutes les couleurs ; la sœur qui était avec moi voulait un
papier d'une autre couleur, mais nous avons décidé d'employer celui-là,
parce qu'il était moins salissant. Nous n'avons employé qu'une rame ou une
rame et demie de ce papier bleu vif, autant que je puis m'en rappeler.
Question. — Après avoir employé une rame ou une rame et demie de ce
papier, lequel vous aviez choisie ?
Réponse. — Il nous en a été montré un autre chez Monsieur Logan, qui
était beaucoup moins cher et nous l'avons préféré.
Question. — Quand vous avez choisi la couleur bleu, avez-vous pris en
considération la couleur bleue de l' enveloppe de ce sirop-là ?
Réponse. — Cela ne m'est pas même venu à l'idée.
Question. — Vous avez dit que monsieur Devins avait accepté votre
agence ?
Réponse. — Oui, puisque son nom était sur les boîtes. Il avait d'abord
un petit dépôt; il se plaignit ensuite, quelques jours après, qu'il avait été
menacé par Messieurs Kerry & Watson, et qu'on le menaçait de lui faire
des frais considérables. Nous lui avons répondu que nous nous chargions de
tous les frais. Il a d' abord paru satisfait de cela ; puis il nous a demandé une
lettre de nos avocats qui étaient alors Messieurs Dorion, Dorion et Geoffrion
et qui ont dû lui écrire cette lettre. Lorsque j'ai vu qu'il ne voulait pas
pousser la chose, qu'il vendait tranquillement, nous disait-il, je lui ai ôté
112
l'agence pour la donner à un autre. Je me suis adressée ensuite à Messieurs
Lymans, Clare & Co. Ils ont accepté l'agence ; mais il me l'avaient de-
mandée après que je l'eusse donnée à monsieur Devins.
Ils l'ont gardée à-peu-près quinze jours ; puis ils m'ont fait demander et
m'ont dit que MM. Kerry & Watson menaçaient de leur faire un procès
pour vendre le remède. Ils m'ont fait aussi remarquer qu'ils ne désiraient
pas que leur nom fut imprimé sur ces boîtes. Je leur ai dit que je ne vou-
lais pas recommencer à faire imprimer ces boîtes. Ils m'ont dit qu'ils ne
m'avaient jamais permis d'y mettre leurs noms; mais je suis bien positive
qu'ils m'avaient permis de le faire. Ils y ont consenti ensuite et ont conti-
nué à vendre notre sirop.
Question. — Y a-t-il d'autres pharmaciens qui vous aient exprimé des
craintes à cause des menaces qui leur auraient été faites ?
Réponse. — Je me rappelle que beaucoup de pharmaciens et d'épiciers
se sont plaients de cela. Je me rappelle les noms de MM. Bourque et Des-
jardins. Ils ne nous en ont pris qu'une douzaine et n'ont pas voulu en
prendre depuis. Un grand nombre d'épiciers sont venus nous dire qu'ils
avaient été menacés par MM. Kerry & Wetson. Quelques-uns ont discon-
tinué, d'autres ont continué à vendre, mais comme en cachette.
Question. — Avez- vous dit la même chose à ces gens-là, que vous vous
rendiez responsables de tous les frais ?
Réponse. — Oui, monsieur.
Question. — Et vous vous êtes décidées alors à faire mettre ceci sur les
journaux ?
Réponse. — Nous nous sommes décidées longtemps, bien longtemps après,
à mettre ceci sur les journaux. C'est à ce sujet que nous avons mis dans
les journaux l'exhibit L des Demandeurs produit à l'enquête. Avant
d'avoir notre marque de commerce, nous avions la même étiquette sur notre
sirop : Sirop de Gomme d'Epinette composé.
Question. — Depuis combien de temps avez-vous ces étiquettes-là ?
Réponse. — Depuis, je crois, une dizaine d'années. Nous avons encore
de ces étiquettes à la maison ; nous avons même encore le cliché.
Question. — Vous avez parlé de cet ouvrage produit comme l'exhibit M
des Demandeurs ; voulez-vous dire qui est l'auteur de cet ouvrage ?
Réponse. — Plusieurs Sœurs y ont travaillé.
Question. — Y avez-vous travaillé vous-même ?
Réponse —Moi-même j'ai ai travaillé.
Question. — Pour une bonne part ?
Réponse. — Oui, monsieur.
Question. — Croyez- vous que la table mentionne parfaitement toutes les
matières qui sont dans le livre ?
113
Réponse. — La première édition n'est pas aussi complète que la suivante.
Question. — Qui l'a imprimée ?
Réponse. — C'est nous-meme qui avons imprimé ce livre ; il a été im-
primé bien à la hâte. Je pense que la seconde édition est de mil huit cent
soixante et dix.
Question. — Pouvez-vous nous dire à quoi est employé le produit de la
vente du Sirop de Gomme d'Epinette ?
Objeté à cette preuve par les Demandeurs, comme étrangère à la con-
testation. Objection renvoyée.
Réponse. — Nous faisons usage du produit de cette vente comme de tout
ce que nous gagnons et ce que nous mendions : il est pour les pauvres.
Nous n'avons pas de revenu fixe, excepté ce que nous recevons du gouver-
nement.
Question. — Voulez-vous nous dire quelles sont les œuvres d'utilité pu-
blique que vous soutenez ?
Réponse. — Nous sommes depuis trente-trois ans au service du public ;
je pense que le public doit savoir ce que nous faisons.
Question. — Combien recevez-vous du gouvernement ?
Réponse. — La maison-mère reçoit, je crois, onze cent vingt piastres du
gouvernement ; nous recevons aussi une somme du séminaire pour les pau-
vres du dehors.
Question. — Pouvez-vous nous dire combien vous nourrissez de pauvres,
combien voua en habillez, logez, etc. ?
Réponse. — En référant à un mémoire que j'ai fait à ce sujet, je trouve
les chiffres suivants pour l'année mil huit cent soixante et quinze. Nous
avons trois mille huit cent cinquante-sept enfants dans nos classes, qui sont
des écoles paroissiales \ visites aux pauvres et aux malades avec aumônes
recueillies en quêtant ; quarante-deux mille huit cent cinquante-cinq. Cha-
cune de ces visites est accompagnée d' une aumône ; il est bien difficile de
visiter les pauvres sans les aider. Orphelins nourris, vêtus, logés, etc.,
cinq cent cinquante-trois. Repas donnés aux pauvres qui passent, trente
mille trois cent quatre-vingt-cinq. Visites de médecins du dispensaire à
domicile, mille neuf cent vingt-sept. Vieillards et vieilles personnes logés,
nourris, vêtus, etc., deux cent treize; nous en avons soixante -et- treize dans
la maison-mère, et nous pourvoyons à tous leurs besoins. Prescriptions gra-
tuites au dispensaire, données par nos médecins, vingt-cinq mille cinq cent
quarante-sept.
Question. — Quelle est la valeur de ces prescriptions en moyenne ?
Réponse. — D'après mon expérience, au moins vingt-cinq cents \ il y en
a qui valent beaucoup plus, d' autres moins.
114
Question. — Quelle serait la moyenne que vous pourriez établir ?
Réponse. — Le moins de valeur qu'elles puissent avoir est vingt-cinq
cents chacune.
Je ne parle pas de la maison de la Longue-Pointe, qui est sous les soins
du gouvernement, et où nous avons trente sœurs ; nous avons vingt-deux
aliénés dans d' autres maisons. Sourdes-muettes, cent soixante et seize, qui
sont nourries, logées, vêtues, etc, ; très-peu d'entre elles paient pension ; à-
peu-près dix ou quinze paient pension, une petite pension. Les malades
aux divers hôpitaux (je ne parle pas de l'hôpital des varioles, puisque ceux-
là sont sous le coutrôle de la corporation), sont quatre cent dix-huit. Veil-
lées aux malades, trois mille.
Nous avons trente-quatre maisons et deux cent quatre-vingt-dix pro-
fesses. Nous avons huit maisons dans la ville de Montréal, et la presque
totalité dans la province de Québec ; nous en avons deux aux Etats-Unis et
quelques-unes dans l'Orégon.
Question. — Ces statistiques sont pour les soins donnés pour une année
seulement ?
Réponse. — Oui, monsieur, l'année mil huit cent soixante et quinze.
Question. — Pouvez- vous nous dire quelles sont les industries que vous
exercez pour subvenir à tant de dépenses ?
Réponse. — Nous exerçons toutes sortes d' industries : couture, broderie,
pharmacie, imprimerie, savon, blanchissage, repassage, ouvrages en fleurs
et en cire, chaussures pour la maison, etc. Nos sœurs vont dans les familles
recueillir des aumônes pour les pauvres qu'elles visitent, comme je l'ai
mentionné.
Question. — Vous avez dit que vous aviez connaissance que des menaces
avaient été faites pour empêcher de vendre le sirop ; vous êtes-vous aperçue
que la vente en avait diminué ?
Réponse. — Nous avons cru nous en apercevoir, du moins mes sœurs me
l'ont dit, car j'étais absente alors. Nos sœurs nous ont dit qu'elles s'en
étaient aperçues. On nous écrit du Haut-Canada qu'on ne pouvait pas nous
en prendre, parce qu'on était menacé de poursuites : on nous l'a écrit aussi
d'Ottawa.
RÉ-EXAMINÉË.
Question.— Vous avez dit, je crois, que cette étiquette blanche est la
seule dont vous vous soyez servie jusqu'au moment oîi vous avez mis votre
sirop en vente ?
Réponse. — Oui, monsieur.
Question.— Quand vous avez adopté la couleur bleue pour vos envelop-
115
pes, ne vous a-t-il pas été fait remarquer que vous alliez vous trouver à
imiter le Sirop de M. Gray ?
Réponse.— Je vous ai déjà dit que personne ne m'en a parlé. Personne
ne nous a conseillé d'adopter la couleur rouge, au moins je ne me le rap-
pelle pas; pas que je me souvienne. Moi-même, j'ai voulu adopter la cou-
laur jaune, mais j'y ai renoncé ensuite. M. Jellyman est le seul qui fabri-
que des boîtes pour nous ; il nous en a fabriqué plusieurs milles.
Question. — Lui en reste-t-il encore ?
Réponse. — Il peut lui en rester, je ne puis pas le dire.
Nous avonsmaintenant des dépôts de remèdes placés dans presque tout
le Bas-Canada, le Haut-Canada et aussi dans les Etats-Unis.
TRANSQUESTIONNÉE SUR LE RE-EXAMEN.
Question. — Vous avez quelque expérience dans la pharmacie ?
Réponse. — J'ai quelque expérience dans les matières de pharmacie.
Ruestion. — Dans votre opinion, croyez-vous que votre Sirop soit aussi
bon ou meilleur que celui de M. Gray ?
Réponse. — Il est aussi bon, au moins. Je ne puis dire s'il est meilleur,
puisque je ne me suis jamais servie de celui de M. Gray.
Et la Déposante ne dit rien de plus. La présente déposition lui ayant
été lue, elle a déclarée qu'elle contenait la vérité et y a persistée.
J. MONIER,
$ténogmp7ie,
Présent : l' Honorable Juge Mackay,
L'an mil huit cent soixante et seize, le septième jour d'octobre, est
comparue Sœur L'ANGE GARDIEN, née THOMPSON, âgée de quarante-
neuf ans, témoin produit par les Demandeurs, laquelle, après serment prêté,
dépose et dit : Je suis affiliée à l'établissement de la Providence depuis
trente-et-un ans. Depuis quelques années, j'ai eu quelque choses à faire
avec la pharmacie ; j'ai manufacturé du Sirop de Gomme d'Epinette depuis
que je suis apothécairc, à-peu-près cinq ou six ans; j'en avait fait avant cela
aussi, en mil huit cent quarante-six et les années suivantes, de temps à
autre. Dans le commencement nous donnions le sirop et nous en vendions
aussi. Dans le commencement, les bouteilles portaient seulement les éti-
quettes de Gomme d'Epinette Composée avec les directions pour prendre le
116
sirop. Mais nous n'avons commencé à nous servir des étiquettes que porte
la bouteille Exhibit B des Demandeurs, que depuis que nous avons obtenu
une marque de commerce. Nous nous servions de la même étiquette avant
cela, mais elle n'avait pas le sceau entre les mots " enregistré en 1875,"
qui est au bord de l'étiquette. Je réfère aux documents, quant à ces éti-
quettes, qu'on me montre, étant exibits 3 et 4 des Défenderesses. Nous
avons vendu du sirop au dehors depuis le commencement de la maison.
Depuis six ans que je suis à la pharmacie, il y avait des personnes de la
Côte St. Michel qui venaient chercher du sirop pour le vendre. On leur en
vendait en différentes grandeurs de bouteilles. 11 y a une dame qui venait
en chercher; je pense qu'elle était de la ville, mais Je ne m'en rappelle
pas. Elle voulait le revendre ou le donner ; je ne connais pas son nom. Il
n'y avait qu'une personne de la Côte St. Michel qui venait ainsi chercher
du sirop pour le revendre. Nous lui en vendions pour la plus grande quan-
tité un gallon ou un demi-gallon. Nous lui en vendions dans des bouteilles
de différentes grandeur. La plus grande quantité qu'on lui vendait à la
fois était un gallon. Moi-même je lui en ai vendu seulement une fois un
gallon, mais j'ai entendu dire qu'on lui en avait vendu à d'autres fois. C'est
l'année dernière, depuis que nous avons obtenu une marque de commerce,
que nous avons placé, pour la première fois, des marchandises chez les phar-
maciens ou les épiciers pour les faire revendre. C'est immédiatement après
avoir obtenu une marque de commerce que nous avons commencé à faire des
dépôts de notre sirop pour le faire vendre. Jusque-là, nous enveloppions les
fioles avec n'importe quel papier. Ce n'est qu'alors que nous avons com-
mencé à mettre nos bouteilles dans une boîte, comme l'exhibit B des Deman-
deurs. J'ai été moi-même faire dépôt du sirop chez Mousieur Devins. C'est
chez lui que nous avons fait le premier dépôt de notre sirop. C'était arrangé
en boîte comme ceci ; j'ai eu suggestion de le mettre en boîte d'un Monsieur
Stanton, qui nous a dit que c'était la manière la plus commode pour l'arran-
ger. La première enveloppe dont nous nous sommes servis est l'exhibit I
des Demandeurs ; Je ne me rappelle pas pourquoi les mots " enregistré en
1875," qui se trouvent sur l'exhibit I, ont été omis de l'exhibit J, je n'ai
pas participé à la préparation de ce volume exhibit M des Demandeurs ; j'ai
eu ooeasion de le parcourir. Depuis hier au soir, j'ai examiné la seconde
édition ; je n'y ai pas trouvé aucune mention de notre Sirop de Gomme
d'Epinette; je me suis occupée de placer notre sirop hors de Montréal ; je
ne me rappelle pas ou nous l'avons placé ; il y avait un grand nombre de
places ; il y a un dépôt à Trois-Rivièrcs, ù St. Hyacinthe, à Sorel, à Ju-
liette, et enfin dans beaucoup de villes ; nous en avons très-pou dans le
Haut-Canada ; nous avons eu des marchandises placé à London, Ontario,
117
mais on nous a écrit qu'on ne pouvait pas continuer le commerce parce
qu'on était menacé des dommages d'un procès. Nous en avons aux Etats-
Unis ; ce que nous avons vendu aux Etats-Unis est manufacturé aux Etats-
Unis ; Il y a là deux succursales de notre maison, une à Winooski, Ver-
mont, et l'autre à Burlington, Vermont. Toutes nos bouteilles sont main-
tenant renfermées dans nne boîte ; c' est monsieur Jellyman qui manufacture
nos boîtes ; quand nous avons adopté la couleur de cette étiquette, personne
ne nous a dit que nous nous mettrons en opposition à d' autres personnes ;
monsieur Devins ne vous l'a pas dit ; jusqu'à ce que nous ayions obtenu
notre marque de commerce, le sirop s'est toujours appelé "Sirop de
Gomme d'Epinette Composée " ; jamais nous ne l'avons appelé Sirop Blanc,
mais le peuple l'a quelquefois appelé Sirop des Sœurs de la Providence, ou
Sirop Blanc ; il y a bien des années que nous avons nos étiquettes impri-
mées ; le sirop, sur cette étiquette, a toujours porté ce nom-là ; nous l'écri-
vions toujours nous-mêmes; il y a deux ans que nous faisons faire des
fiioles rondes; nos profits ne sont pas grands ; Je crois qu'aujourd'hui nous
avons un peu plus de dépenses que de profits ; les dépenses consistent en
boîtes, en fioles et en matières qui sont très-dispendieuses ; nous avons fait
le calcul des dépenses et des recettes, et sur une petite quantité nous ne
faisons aucun profit. Sur une douzaine de grosses, nous avons fait le calcul
de nos profits, mais je ne puis pas dire de combien ils sont; nous payons la
taxe pour l'eau; je n'ai jamais été employée à la procure ; nous avons
mis en vente un Liniment compoés et un Sirop pour la Coqueluche,
mais c'est peu de chose. Nous avons fait des dépôts du Leniment
et du Sirop de Coqueluche au Canada. Nous recevons tous les jours des
prescriptions des médecins de l'Ecole de Médecine et du Dispensaire de
l'Ecole Médicale, pour les remplir, et nous les remplissons toujours gratui-
tement. Je sus allée, avec la Sœur Joséphine, voir Monsieur Gray au début
de la vente de notre sirop. On lui parlait en français, mais il ne compre-
nait pas, et alors on lui parlait en anglais, et il s'est exprimé en français.
Nous lui disions que nous allions faire enregistrer notre sirop, et que nous
ne pensions pas le molester du tout. Nous voulions acheter une plus grande
quantité de gomme et nous voulions l'acheter chez lui. Moi je ne lui ai
pas parlé du tout ; c'est la Sœur Joséphine qui lui parlait. Monsieur Gray
paraissait bien mécontent. Il ne nous a pas dit que nous allions violer sa
marque de commerce. Nous pensions que nous avions le nom de notre
sirop bien avant Monsieur Gray. La Gomme d'Epinette ne produit pas
seule le sirop : la base en est la gomme,
118
Transquestionné.
Question.— Depuis combien de temps vous occupez- vous de la phar-
macie ?
Réponse. — Depuis cinq ou six ans.
Question. — Vous: êtes vous occupée de la confection des boîtes quand
vous avez fait faire des boîtes pour la première fois ?
Réponse. — Oui, avec la sœur Joséphine.
Question. — Voulez-vous dire comment il est arrivé que vous aviez choisi
la forme carrée au lieu de la forme ronde ?
Réponse. — Nous avons d'abord demandé à Monsieur Jellyman pour
nous faire une boîte ronde et Monsieur Jellyman nous a dit que ça n'aurait
pas de mine et qu'il y aurait quelque difficulté pour l'empaqueter. Nous lui
avons demandé une boîte ronde pour entrer juste sur la fiole marquée B.
D'abord il nous a fait un échantillon, une carrée et une ronde, et nous avons
de suite adopté la carrée pour la commodité de l'emballage et comme
ayant meilleure mine.
Question. — Voulez-vous nous dire si vous avez contiibué au choix du
papier devant envelopper les boîtes, de la qualité du papier et de sa couleur ?
Réponse. — Oui, pour le sûr. Le marchand nous a montré toutes les
nuances de papier. Je me rappelle avoir choisi une couloir jaune ou
violette. Mais nous avons décidé que la bleue était moins salissante et nous
avons adopté la bleue.
Question. — Vous avez dit que c'était le papier marqué Exhibit J que
vous avez employé le premier ?
Réponse. — Oui, nous en avons employé très-peu. Je ne me rappelle
pas combien, mais c'était très-peu.
Question. — Combien de temps avez- vous employé pour prendre le
papier marqué J ?
Réponse. — Presque immédiatement après; parce que nous en avions
peu du premier.
Question. — Voulez-vous dire quels sont les motifs qui vous ont engagées
à changer de papier ?
Réponse. — D'abord parce qu'il était moins cher et nous le trouvions
pins facilement.
Question. — Vous est-il venu à l'idée d'abord d'imiter la fiole de Mon-
sieur Gray ?
Réponse. — Non, jamais. Je n'en ai jamais parlé à nos sœurs.
Question. — Vous avez dit que vous avez commencé vers mars, mil huit
ççnt soixante-quinze, à faire des dépots de votre sirop dans la ville ; voulez
119
vous dire si vous avez pris l'initiative de cela, ou si c'est quelqu'un qui a
insisté à vous faire faire des dépôts ?
Réponse. — C'est Monsieur Laviolette et Monsieur Devins qui nous ont
demandé à faire des dépôts. Il y avait plusieurs années que des pharmaciens
et des amis, et un bon nombre de médecins insistaient auprès de nous pour
nous faire prendre une marque de commerce et nous faire mettre notre sirop
dans le commerce et faire des dépôts chez les pharmaciens.
Question. — Quelqu'un vous a-t-il demandé vers ce temps-là de leur
vendre votre marque de commerce ?
Réponse. — Oui, Monsieur Laviolette aurait désiré à acheter notre sirop ;
il a fait des intances même pour acheter notre recette. Mais nous préférions
l'exploiter nous-même^ au profit de nos pauvres-
Question. — Savez-vous d'où venait cette recette ?
Réponse. — La Supérieure m'a dit qu'elle venait de F Hôtel-Dieu.
Depuis mil huit cent quarante-six, j'ai toujours connu que c'était une recette
qui venait de l'Hôtel-Dieu.
Question. — Avez- vous eu occasion de demander aux Sœurs de l'Hôtel-
Dieu de vous donner par écrit leur ancienne recette ?
Réponse. — Oui, et elles nous l'ont donnée. Nous avons demandé si
elles voulaient nous passer la recette du Sirop de Gomme d'Epinette qu'elles
avaient donnée à la Supérieure de notre maison. La recette venait de
l'Hôtel-Dieu, et avait été donnée par la Sœur Frigon à la Supérieure de notre
maison. Elle nous a passé le cahier dans laquelle la recette était écrite, et
qui était tirée d'une ancienne pharma-copée de l'Hôtel-Dieu.
Qestion. — Avez-vots lu la recette dans le cahier ?
Réponse. — Oui.
Question. — L'avez- vous comparée avec la récette dont vous vous êtes
toujours servie ?
Réponse. — Oui, nous l'avons comparée. Elle était en tout semblable.
Question. — De sorte que vous avez acquis la certitude que la recette de
votre sirop était absolument comme celle qui était dans le cahier des dames
de l'Hôtel-Dieu et qu'on vous a passée ?
Réponse. — Oui; je suis bien positive que nous n'avons pas communiqué
la recette que nous suivions aux dames de l'Hôtel-Dieu avant d'avoir
demandé la leur.
Question. — Vous avez dit que votre Sirop de Gomme d'Epinette n'était
pas mentionné dans le livre exhibit M, produit par les Demandeurs à l'en-
quête \ avez-vous constaté s'il y était question de la Gomme d'Epinette?
Réponse. — Oui, la teinture de gomme d'épinette y est mentionnée.
Question. — Voulez-vous référer à la page 1077 de cet exhibit M des
120
Demandeurs et dites s'il n'est pas mention de la teinture de gomme
d'épinette ?
Réponse. — Oui, je trouve aussi ces mots : ''Teinture de Gomme d' fl-
uette," avec deux livres d'alcool. L'indication montre comment la macé-
ration est faite. La proportion est de huit onces de gomme d'épinette pour
deux chopines d'alcool.
Question. — Voulez- vous référer à l'exhibit 0 des Défenderesses et dire
si c'est là la seconde édition de votre traité de matières médicales ?
Réponse. — Oui; cette édition est de mil huit cent soixante-et-dix.
Question. — Youlez-vous dire quelles sont les mentions qui y sont faites
de la gomme d'épinette à la page 527 ?
Réponse. — Il y est fait mention de la gomme d'épinette au mot Latin
Picea. Il y est mentionné toutes les espèces de gomme d'épinette.
Question. — Veuillez référer à la page 668 du même exhibit ; vous y
trouvez la mention de la teinture de gomme d'épinette ?
Réponse. — Oui.
Question.— En matières de pharmacie, est-ce la teinture ou la gomme
qui est considérée comme matière pharmaceutique ?
Réponse. — Il faut référer à la Sœur Joséphine pour cela.
Question. — Vous avez dit que vous êtes allée chez Monsieur Gray ; lui
avez- vous demandé d'offrir en vente lui-même votre sirop de gomme ?
Réponse.— Je ne m'en rappelle pas. Comme toutes les affaires étaient
en Anglais, je ne pouvais pas comprendre.
Question. — Avant d'avoir fait enregistrer votre marque de commerce
vous avez dit que vous aviez une étiquette imprimée avec le nom du sirop ;
avez- vous ces étiquettes-là ?
Réponse. — L' exhibit P des Défenderesses m'étant montré, je déclare
que c'était là l'ancienne étiquette que nous avions et que nous mettions sur
les bouteilles du Sirop de Gomme d' Epinette Composé. Je ne puis pas
dire en quelle année c'a été imprimé. Il y a probablement dix ou quinze
ans que ceci est imprimé. Il y a bien des années que la vois, mais cepen-
dant je ne puis pas affirmer la date précisément. Il est très-facile pour nous
d' en citer la date.
Question. — Monsieur Devins a-t-il gardé votre agence pendant bien
longtemps ?
Réponse. — Non, pendant bien peu de temps.
Question. — Est-ce lui qui a refusé de continuer votre agence ?
Réponse. — Oui; la raison en était à cause des des intimidations, à
cause des menaces de procès en dommages.
Question. — Vous a-t-il dit de qui venait ces menaces ?
121
Réponse. — Oui, des Demandeurs en cette cause ; nous avons parlé à
plusieurs pharmaciens à propos de nos dépôts de sirop ; nous avons parlé à
monsieur Lymans, chez Lymans & Clare, aussi chez messieurs Laviolette <&
Nelson et à plusieurs autres.
Question. — Ces messieurs vous ont-ils fait des difficultés à l'occasion de
cette vente ?
Réponse — Monsieur Lymans nous a fait des objections à cause du nom
" Lymans, Clare & Co. ," que nous avions fait imprimer sur les boîtes.
Question. — Vous a-t-il dit si ou leur avait fait des menaces?
Réponse. — Oui, on nous a dit la même chose que chez monsieur Devins,
que les Demandeurs les avait menacé de procès d'actions en dommages s'ils
vendaient notre sirop ; monsieur Laviolette nous a dit la même chose.
Question. — Monsieur Laviolette avait-il alors mis des annonces sur les
journaux ?
Réponse. — Monsieur Laviolette avait mis dans Le Nouveau Monde une
annonce, comme étant agent de notre sirop, et il a discontinué cette annonce,
sous le coup des menaces d'actions de dommages qui lui étaient faites par
les Demandeurs.
Question. — Y a-t-il d'autres pharmaciens à qui vous avez offert votre
sirop et qui l' ont refusé, et pour quelle raison ?
Réponse. — C'était toujours à-peu-près pour la même raison. Le docteur
Bourque a refusé d'en prendre, disant qu'il craignait d'être poursuivi en
dommages, et un monsieur Dubuc, un pharmacien qui tient sur la rue St.
Joseph.
Question. — Avez- vous fait des statistiques concernant les œuvres que
font vos maisons ; et a quel emploi les revenus provenant de vos diverses
industries sont-ils employés ?
Objecté par les Demandeurs.
The Court feels thatitis bound, under the issues, toallow the évidence,
but reserves to pay what weight shall be attached to it.
Question. — Pouvez-vous donner ces statistiques?
Réponse — Je ne les ai pas ici; je puis affirmer les statistiques données
hier au soir par la sœur Joséphine ; ces statistiques-là sont correctes ; la
fiole avec la boîte, exhibit 2 des Défenderesses, est notre sirop avec sa boîte
et la circulaire qui l'accompagne, tel qu'il est en vente chez tous les phar-
maciens ; je n'ai jamais examiné le sirop des Demandeurs; je ne savais pas
même qu'il fut enveloppé en bleu, même longtemps après avoir offert notre
sirop en vente chez les pharmacies. Ce n'est que depuis qu'il est question
de la couleur du papier que j'y ai pris garde; même au commencement du
procès, je ne savais pas que le Sirop des Demandeurs était enveloppé dans
122
un papier bleu, ni comment il était empaqueté. J'avais vu seulement les
fioles sans enveloppe.
Question. — Jurez-vous positivement que, lorsque vous avez adopté la
boîte avec la forme carrée, la fiole et la couleur du papier enveloppant votre
boîte, vous ne connaissiez pas la couleur du papier enveloppant les fioles des
Demandeurs et la forme de l'enveloppe ?
Réponse. — Oui, je le jure positivement.
Question. — A.vez-vous jamais lu les inscriptions qui sont sur l'enve-
loppe ?
Réponse. — Je les ai lues tout dernièrement.
Question. — Croyez- vous que ces deux Sirops avec leurs enveloppes puis-
sent être confondus ?
Réponse. — Moi, je ne le crois pas. Je ne pense pas même qu'un enfant
puisse s'y méprendre.
Question. — Avez-vous constaté si un grand nombre de personnes, tant
pharmaciens que marchands-épiciers, ont discontinué de vendre votre Sirop,
parce qu' ils avaient reçu des menaces ?
Réponse. — Je pense que oui, parce que la diminution de la vente se
faisait sentir. C'était une diminution considérable. Je ne puis pas dire
précisément, mais c'était plusieurs grosses par mois.
Question. — Pouvez-vous dire combien de pharmaciens et d'épiciers ont
refusé le Sirop, alléguant qu'ils avaient reçu des menaces ?
Réponse. — Je sais qu'il y a un grand nombre, mais je ne puis pas préciser.
RÉ-EXAMINÉK.
Question. — Pouvez- vous dire qui a imprimé l'étiquette Exhibit P?
Réponse. — La Providence.
Question — Avez-vous quelques moyens d'arriver à la date de l'im-
pression ?
Réponse. — Je pense que oui. approximativement.
Question. — Depuis quand avez-vous une imprimerie à la Providence'.'
Réponse. — Je ne puis pas dire.
Question. — Pouvez- vous dire si cette étiquette a été imprimée avait
ou après l'édition de votre Matière Médicale ?
Réponse. — Je ne puis pas dire.
Question. — Pouvez-vous expliquer pourquoi vous avez deux demandes
de marque de commerce, 1' une votre Exhibit 3 et l'autre votre Exhibit 4,
l'une étant datée du commencement Mars et l'autre à La fin de Mars?
Réponse. — C'est l' Exhibit No. 3 des Défenderesses qui est la première.
123
Je ne me rappelle pas pourquoi nous avons demandé encore une marque de
commerce à la fin du même mois.
Question. — Vous aviez dit que vous aviez demandé encore une marque
de commerce sur la suggestion de plusieurs amis de votre maison et de
médecins; parmi ces personnes là se trouvait, je suppose, le Docteur Trudel ?
Réponse. — Oui, je pense.
Question. — Le Docteur Trudel vous a-t-il donné comme motif les succès
qu'avait obtenus Monsieur Gray avec son sirop ?
Réponse. — Non.
Question. — Le Docteur Trudel vous a-t-il dit que Monsieur Gray avait
beaucoup de succès avec son sirop ?
Réponse. — Non.
Et la Déposante ne dit rien de plus ; et cette dépositition lui ayant été
lue, elle déclare qu'elle contient la vérité.
S. A. ABBOTT,
Sténographe.
APPENDICE No. 3.
ACTE amendant les actes concernant l'Institution charitable connue sous
le nom de " Les Soeurs de l'Asile de la Providence de Montréal " et
étendant ses pouvoirs.
Sanctionné le 28 Décembre 1876.
Attendu que la Corporation, maintenant connue sous le nom de " Les
Sœurs de l'Asile de la Providence de Montréal " a été établie par le statut
4 et 5 vict., chap. 67, intitulé : " Acte pour incorporer l'Asile de Montréal,
pour les femmes âgées et infirmes," lequel acte a été amendé par le statut
21 vict., chap. 115, changeant le premier nom de la dite Corporation en
celui de " Les Sœurs de l'Asile de la Providence de Montréal ; "
Attendu que la dite Corporation, depuis son établissement, s' est entière-
ment dévouée à l'accomplissement d'œuvres de bienfaisance et de charité,
qu'elle a fondé et qu'elle maintient, en cette province, un grand' nombre
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d'asiles, d'hôpitaux, d'orphelinats, d'écoles et autres institutions de bien-
faisance, où un nombre très-considérable de vieillards, pauvres, malades,
infirmes, sourds-muets, aliénés, orphelins, sont gratuitement logés, nourris,
vêtus, soignés et instruits, et ce, presque uniquement au moyen des res-
sources provenant du travail des membres de la dite Corporation et des
industries exercées dans les dites institutions ;
Attendu que la dite corporation n'a reçu de l'Etat aucune dotation lui
donnant les moyens d'accomplir les dites œuvres, et qu'elle n'a aucun bien
produisant des revenus ; et attendu que les subventions qu'elle reçoit du
gouvernement, ainsi que les dons qui lui sont faits par des personnes chari-
tables, sont loin d'être suffisants pour le maintien de ces oeuvres; attendu
qu'il est de l'intérêt public que ces œuvres se continuent, et que la dite
corporation reçoive, daes leur accomplissement, tout l'encouregement et le
secours possible, et que, pour cette tin. elle soit autorisée à fabriquer des
remèdes et médicaments, à exercer des industries, et à vendre au public
tous objets et marchandises ainsi manufacturés, aussi bien qu'à s'en servir
dans les dites institutions ;
A ces causes, Sa Majesté, par et de l'avis et du consentement de la
Législature de Québec, décrète ce qui suit :
1. La dite corporation pourra continer d'accomplir les dites œuvres de
bienfaisance et de charité, et, pour cette fin, elle aura droit, outre les
pouvoirs à elle accordés par les dits actes, d'exercer, comme par le passé,
les industries actuellement en opération dans ces divers établissements,
et toutes industries qu'elles pourraient avoir besoin d'exercer pour les
maintenir, de fabriquer tous médicaments, de les employer dans ses éta-
blissements, de les vendre au public, dans la Province de Québec, et cela
d'une manière aussi ample que tout particulier, corps, ou corporations; sujet
toutefois aux lois, règles et règlements concernant telles fabrications et
industries en force en cette Province, et dans les cités, villes et autres
municipalités de cette province dans lesquelles s'exercent telles fabrications
et industries ; pourvu toujours que tous les profits et revenus provenant
directement ou indirectement des dites fabrications, industries et ventes
soient employés exclusivement au profit et pour le soutien des institutions
de bienfaisance établies par la dite Corporation, et l'accomplissement des
dites œuvres de charité, sans pouvoir en distraire ou détourner aucune
portion quelconque au profit d'aucune uoevre, ni d'aucun but étranger aux
dites œuvres.
2. Le présent acte n'affectera aucunement les causes pendantes ;
3. Cet acte entrera en force le jour de sa sanction.